Monde juif Shimon Peres (son nom de naissance était Szymon Perski) est né dans le petit village polonais de Wiszniewo (Vishnyeva, aujourd’hui en Biélorussie). Sa famille émigra en 1934 à Tel Aviv – la Palestine était alors sous mandat britannique – lorsqu’il n’avait que 11 ans. Il étudie l’agriculture à Ben Shemen2. Il fondera quelques années plus tard le kibboutz Alumot en Galilée, pour concrétiser un grand rêve : « bâtir une nouvelle société égalitaire, qui ennoblirait chacun de ses membres »3. Il milite dans des organisations sionistes de gauche et s’engage dans la Haganah4 en 1947. Ben Gourion lui confie la responsabilité de l’approvisionnement en armes. Après l’indépendance d’Israël, Il deviendra en 1949 chef de la délégation du ministère de la Défense aux États-Unis. Ce sera le premier poste officiel d’une longue carrière au service de l’État d’Israël. De retour en Israël en 1952, il va alors occuper les postes les plus importants au sein du gouvernement et sera élu député du parti Mapai (le futur parti travailliste) à la Knesset en 1959, où il siègera jusqu’en 2007. Il sera, à diverses périodes, ministre de la Défense, ministre des Finances, des transports, trois fois ministre des Affaires étrangères, vice-premier ministre et deux fois premier ministre, et, ce qui sera l’apogée de sa vie et sa carrière, il sera élu par la Knesset, président de l’État d’Israël le 15 juillet 2007. Ce fut un parcours politique exceptionnel, impressionnant, qui lui confèrera un prestige international inégalé. Il était « l’homme indispensable d’Israël », a écrit à son sujet, l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper. Shimon Peres, c’est aussi l’homme des accords d’Oslo de 1993, pour lesquels il reçut l’année suivante, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, le prix Nobel de la paix. Cet homme qui, enfant, voulait devenir « le poète des étoiles » avait gardé son optimisme et ses rêves de paix. C’est le message qu’il adresse aux Israéliens lorsqu’il devient président5 : « Permettez-moi de demeurer optimiste. Permettez-moi d’être un rêveur. Permettez-moi de montrer le côté ensoleillé de notre État. Et si parfois l’atmosphère est automnale, et si aujourd’hui, la journée semble devenir soudain sombre, le président qu’Israël a choisi ne se lassera jamais d’encourager, de réveiller et de rappeler – car le printemps nous attend. Le printemps viendra assurément ». Des milliers de personnes se sont rassemblées sur le Mont Herzl pour assister à ses funérailles. Chefs d’États présents et passés, têtes couronnées, des représentants du monde entier étaient présents pour honorer la mémoire de Shimon Peres. Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, était là, lui aussi – un hommage à l’homme d’espoir et de paix qu’était Shimon Peres.
JOSEPH HAIM SITRUK (1944-2016) Une grande figure du judaïsme français disparaît. « Le rabbin est un allumeur de réverbères. Il y a, chez les jeunes surtout, d’immenses besoins de spiritualité, et je porte la flamme là où elle est le plus nécessaire. » L’ancien Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk est décédé à Paris, le 25 septembre 2016. Des milliers de personnes ont assisté à ses funérailles sur le Mont des Oliviers à Jérusalem, rendant ainsi hommage à celui qui, pendant des décennies, fut le leader spirituel de la communauté juive française. Joseph Sitruk (le prénom Haim, « la vie », a été rajouté après son attaque cérébrale en 2001) est né à Tunis, le 16 octobre 1944. Sa famille s’installe à Nice en 1958. L’adolescent s’engage avec passion chez les Éclaireurs israélites, et renoue avec une forme orthodoxe du judaïsme. Après ses études au Séminaire israélite, il devient rabbin à Strasbourg en 1970. Cinq ans plus tard, il devient le Grand Rabbin de Marseille, puis sera élu Grand Rabbin de France en 1987, réélu en 1994 et une nouvelle fois en 2001. Joseph Sitruk voulait « rejudaïser » les Juifs français, en les ramenant dans les synagogues. C’était un homme habité par la conviction qu’il pouvait redynamiser la communauté juive de France, consolider la foi et restaurer la pratique religieuse. Avant d’accepter la charge du Grand Rabbinat, il avait demandé l’avis de ses maîtres spirituels en Israël, qui l’avaient encouragé à accepter : « Pour le rav Schach6, il était important qu’un rabbin si proche du monde des yeshivot (écoles talmudiques) devienne grand-rabbin… Il pensait que le message de la Torah pouvait enfin «passer» dans le grand public »7. Il avait lancé « Yom Hatorah », le Jour de la Torah, en 1993, une grande fête du judaïsme français, qui attirait des milliers de personnes. « La foi qu’il nous a transmise a été permanente. Il a aimé profondément sa communauté… L’élan qu’il a donné à la communauté reste avec nous, et c’est sur cet élan qu’on construit aujourd’hui », a déclaré le Grand Rabbin de France, Haim Korsia. « Il nous laisse un héritage d’éducation, de transmission et de joie ».
Shimon Peres 1 La Nuit, préface (les éditions de Minuit,1958/2007). 2 Kfar Hanoar Ben Shemen, Le village des jeunes
Ben Shemen, a été créé en 1927 pour donner à la fois une éducation sioniste et une formation en agriculture. 3 Discours prononcé lors de l’attribution du prix Nobel de la paix à Oslo, 1994. www.nobelprize.org 4 La Haganah était l’organisation de défense clandestine juive en Palestine mandataire de 1920 à 1948. Elle devint l’Armée de Défense d’Israël à la proclamation de l’indépendance de l’État. 5 Discours d’investiture prononcé devant la Knesset, 15 juillet 2007, Haaretz.com 6 Le rabbin Elazar Schar (1899- 2001) a été en Israël, l’un des leaders les plus importants du monde « haredi » (ultra orthodoxe) de tendance non hassidique (ndr). 7 Entretien avec Claude Askolovitch, 1997.
Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk
MAGAZINE LVS
hannouca 2016
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