LVS Décembre 2016

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L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ? Les premiers visés sur le plan racial ou ethnique sont les Noirs – dont on ne parle à jamais ou si peu – les Arabes sont en quatrième position, après les Juifs (55 % des crimes haineux sur le plan religieux) et les minorités sexuelles. Si islamophobie il y a, ce n’est pas prouvé par les statistiques. Donc des associations créent leurs propres statistiques, par exemple le Collectif contre l’islamophobie en France3. La journaliste Isabelle Kersimon a prouvé que ces statistiques sont totalement fallacieuses et servent un but idéologique. Ces organisations enregistrent comme actes islamophobes des actes qui n’en sont pas, par exemple l’expulsion d’un imam radical qui tenait des discours homophobes. Quant aux politiciens qui utilisent le terme islamophobie, ils veulent jouer le rôle de l’apaisement, ou le font par souci électoraliste. Les médias, quant à eux, cherchent à faire de l’audience, sans effectuer les vérifications nécessaires. Et certains intellectuels et universitaires participent aussi de cette manipulation idéologique. Tous les auteurs de cet ouvrage dénoncent la collusion entre intégristes musulmans et extrême-gauche. Comment expliquez-vous cette connivence ? Cette convergence entre islamistes et extrême-gauche est passée parle prisme de la Palestine, tel qu’il est défendu dans ce milieu. Et, à mon sens, les plus grands défenseurs de la Palestine sont aussi les plus grands défenseurs du concept d’islamophobie. Les idéologues d’extrême-gauche sont dans un rejet de l’Occident, dans le rejet d’Israël, qui est considéré comme tête de pont de l’Occident – ou même comme la poursuite de la colonisation occidentale. C’est donc par le prisme de la Palestine que toutes les gauches ont convergé et par ce biais que s’est distillée l’idéologie des islamistes. Et ils utilisent le concept d’islamophobie pour accabler l’Occident d’un poids, d’une erreur que pour l’instant l’Occident n’a pas commise. Comme le montre Claude Simard dans notre livre, le terme islamophobie n’existait pas auparavant. Il a pris son essor après les attentats islamistes du 11 septembre 2001. Les auteurs de ce livre sont français et québécois. Est-ce que la situation est similaire dans les deux pays ? Du point de vue idéologique, les extrêmes-gauche se ressemblent. Du point de vue sociétal, il y a des différences : la société québécoise fonctionne par consensus, alors que la société française fonctionne plutôt par tensions. Les Québécois vont être très critiques, d’autant plus qu’ils ont connu une Église catholique très puissante, un intégrisme chrétien, qui a disparu il y a peu – à la différence de la France qui a peut-être oublié cette phase de son histoire. Ils ne veulent pas revivre cette situation. Et les immigrants musulmans qui ont connu l’intégrisme musulman dans leur pays d’origine le comprennent très bien. La société québécoise va donc essayer de trouver des solutions sans pour autant nier ses valeurs. La question des accommodements raisonnables est discutée et est d’ailleurs de plus en plus décriée, car certains y voient une faiblesse à l’égard des intégrismes. D’autre part, le racisme ordinaire est moindre qu’en France, les musulmans du Québec sont relativement mieux intégrés. C’est une société qui peut mieux résister, et de laquelle nous pouvons beaucoup apprendre.

DOSSIER SPÉCIAL

Le monde anglo-saxon se base beaucoup plus sur l’origine ethnique, raciale ou religieuse. Le multiculturalisme favorise tout à égalité, même ce qui est inégalitaire et ne devrait pas être valorisé. Nous voyons certains hommes politiques visiter des mosquées radicales, intégristes, parce que pour eux, c’est une question de tolérance. Dans le multiculturalisme, chaque minorité vit dans son espace, une bulle, qui est fermée. C’est la perpétuation de groupes minoritaires. Ce que nous souhaitons avec ce livre, c’est créer des ponts avec d’autres personnes, qui soient de cultures, religions, ethnies différentes, et leur dire qu’on peut travailler ensemble. Nous appelons les musulmans à se distancer de ce discours sur l’islamophobie, car nous avons conscience qu’on les instrumentalise de manière politique. Ce livre s’adresse donc à eux, et aussi à tous ceux qui veulent avoir les outils pour répliquer aux attaques en islamophobie. C’est un travail de longue haleine… Nous envoyons aussi un message aux Français : nous vivons une réalité plus apaisée au Québec, mais le discours idéologique qui sévit est le même qu’en France. Nous espérons, en déconstruisant le concept d’islamophobie, produire les outils pour aider dans cette bataille des idées. Je suis fondamentalement optimiste ! Ont contribué à cet ouvrage : Caroline Fourest, Hassan Jamali, Isabelle Kersimon, Renart Léveillé, Fiametta Venner, Claude Simard, Annie-Ève Collin, Alban Ketelbuters. Préface de Waleed Al-husseini.

1 L’écrivain Waleed Al-husseini a été emprisonné en 2010 par l’Autorité palestinienne

sous l’accusation de blasphème. Il vit à Paris depuis 2012. Il est l’auteur d’une autobiographie, Blasphémateur ! Les prisons d’Allah (éditions Grasset, 2015). 2 Dans son article, le professeur Claude Simard souligne que le mot entre dans le vocabulaire courant après les attentats du 11 septembre 2001. Caroline Fourest relève par ailleurs que le mot avait été utilisé par les Mollahs iraniens à la fin des années 1970 pour fustiger les femmes qui refusaient de se voiler. 3 Alexandre Devecchio, « Islamophobie : les chiffres du CCIF ne sont pas fiables », Le Figaro , 21 janvier 2016.

Ouvrage sous la direction de Jérôme Blanchet-Gravel et Éric Debroise

Qu’attendez-vous de cet ouvrage ? J’espère qu’on va pouvoir ouvrir des débats pour bousculer les communautaristes inclusifs et rappeler qu’il y a un modèle de société, basé sur la citoyenneté, qu’on peut créer. Ce livre est contre le multiculturalisme, et valorise plutôt un esprit républicain, fondamental dans la culture francophone : considérer l’Autre dans sa pleine altérité, et voir les convergences, non les différences.

MAGAZINE LVS

hannouca 2016

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