« IL LE FALLAIT » Iris Sanchez
La Dr. Francesca Griffin fut invitée à monter sur l’estrade. Elle prit place en face du micro, vivement applaudie par l’auditoire, et posa ses mains avec une assurance calme sur le pupitre de bois. Cette femme inspirait la confiance. Grande, les traits fins, elle était vêtue des plus simplement : un costume noir orné d’une fleur jaune délicate, boutonnée à sa veste, qui venait souligner le doré de ses yeux pétillants. Elle parcourut l’assemblée du regard comme pour capter l’attention de chacun. La docteure était prête à prendre la parole, l’enjeu que représentait cette IIIème Commission de Crise Écologique et Sanitaire n’était pas des moindres et elle le savait. Sa découverte allait changer le cours de ce début de siècle et elle était prête à faire l’impossible pour mener à bien son projet. « Bonjour à tous, démarra-t-elle posément mais d’une voix qui se voulait forte, je suis la Dr. Francesca Griffin, représentante du laboratoire Iatropolis. Je suis ici, aujourd’hui, pour vous présenter les recherches que j’ai dirigées et qui ont contribué à l’aboutissement du projet Panakea. » Un silence encore plus intense se fit dans l’auditorium : le projet Panakea avait eu des échos dans le monde entier et il avait suscité l’intérêt de bien des universités scientifiques, sociétés de recherches et gouvernements, dont la plupart des dirigeants étaient présents ce jour-là. Mais aucun d’entre eux ne soupçonnait que les recherches eurent été fructueuses au point de concrétiser le projet plus tôt qu’espéré avec l’apparition du produit sur le marché au cours des prochains mois. La docteure ressentit comme une vague d’excitation, elle reprit : « Comme beaucoup d’entre vous le savent, le laboratoire que je dirige actuellement, se consacre depuis quinze ans à l’élaboration et à la synthèse d’un peptide polyfonctionnel pouvant être introduit dans les cellules souches d’organismes vivants tels que les humains, mais également tous les autres mammifères, les organismes mono-cellulaires et les végétaux. Cette protéine possède des propriétés adaptatives encore jamais observées. Nous l’avons élaborée de sorte qu’elle soit capable de s’auto-fonctionnaliser à l’intérieur même des cellules souches ; en se basant sur leur code génétique, elle peut ainsi modifier le comportement des cellules, soit le mode de fonctionnement de l’organisme tout entier ! » La Dr. Griffin prit conscience de la vitesse avec laquelle ses explications déferlaient, et c’était précisément ce contre quoi on l’avait mise en garde - ne pas se précipiter, ne pas perdre l’auditoire, être claire, aller droit au but, se conseillait-elle intérieurement. Elle devait garder à l’esprit qu’elle présentait une technologie biologique des plus complexes à un public qui n’était pas familier de ce domaine et qui pouvait se perdre avec un vocabulaire trop spécifique. « En somme, reformula-t-elle, cette protéine agirait comme un nouveau mode de pilotage local et individuel pour chaque cellule avec cependant une vision globale du fonctionnement de l’organisme. Ainsi, toutes les cellules seraient coordonnées par ces peptides et agiraient ensemble afin de pallier les manques et les faiblesses du corps hôte. Imaginez un peu si les métabolismes se réorganisaient à la manière d’une fourmilière : des milliards d’individus œuvrant au bien-être de l’ensemble, qui communiqueraient entre eux