Intrigue à la Cour

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apprenant la nouvelle, se serait écriée devant le Roi et la Reine : « Vous voilà orphelins de père et de mère ! ». La Reine éclata de rire(1). La vie amoureuse et libertine de cette dame de théâtre gifle toutes considérations morales. Les conditions offertes ne suffisent plus à ses humeurs changeantes, il lui faut dorénavant celle des sexes. Mademoiselle Arnoux « entretenait » jusqu’au mois dernier la demoiselle Virginie. Celle-ci, non moins inconstante que son amant femelle, l’a quittée pour Mademoiselle Raucourt qui, de son côté, venait d’abandonner le Marquis de Bièvre… Après de semblables démêlés (que toute la Cour connaît), de quoi peut-on s’offusquer ? Au rayon sans-gêne, gagnons du temps : elle ne fait aucune différence entre un Prince de sang ou un laquais. Le mot « étiquette » n’a pas cours dans son vocabulaire. J’ai le bonheur de faire partie des gens qu’elle apprécie. C’est pourquoi, en m’apercevant, elle s’agrippe à ma manche et peu importe les sauts de chèvre du petit Marquis dès lors qu’elle considère devoir m’entreprendre. - Savez-vous que je connais le véritable sexe de la « Chevalière » d’Eon ? Égayé par cette interruption parce qu’elle empêche la marche de Chauffiac et oblige celui-ci à saluer l’actrice (il sait la position qu’elle occupe à la Cour), je m’empresse de serrer ses jolis doigts. - Dites ! Dites-moi vite, vous me mettez sur les braises… Par en dessous, Mademoiselle Arnoux cherche à me deviner. - Sieur Julien, vous n’en faites pas un peu trop ? Je me penche à son oreille. - Si ! - Ce Marquis vous importune. Me trompe-je ? Une finaude, cette demoiselle ! - Oh, si peu… - En ce cas, je ne vous lâche plus !

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