Guide de prodution : Ail

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Guide de production

Culture adaptée aux conditions climatiques du Québec, l’ail représente une production en croissance et un marché en développement. Les entreprises allicoles doivent faire leur place dans le contexte d’un intérêt grandissant des consommateurs pour l’ail québécois et d’une forte concurrence de l’ail importé. Cette culture comporte des particularités et fait l’objet de nombreux essais tant sur le plan des cultivars, des techniques culturales que du suivi des maladies. Ce guide, préparés par des praticiens et des chercheurs du Québec, vise donc à fournir un panorama complet de l’état des connaissances sur l’ail au Québec, depuis la description des nombreux groupes de cultivars d’ail, jusqu’aux étapes en postrécolte (systèmes de séchage, calibrage et entreposage), en passant par les mesures de phytoprotection ainsi que les maladies et ravageurs. Les informations agronomiques sont réparties sur deux chapitres, l’un consacré à la production de l’ail de consommation, et l’autre, à l’ail de semence. Enfin, un portrait du contexte économique du marché de l’ail et un budget (opérations semi-mécanisées), aideront tous ceux et celles qui veulent se lancer dans cette production.

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Guide de production Ail

AIL


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RÉDACTION Marie-Pascale Beaudoin, agr., conseillère en horticulture et en agriculture biologique, Direction régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) (Chapitres 2, 3, 4, 5) Christine Landry, agr., Ph. D., chercheure en chimie et fertilité des sols, Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) (Chapitre 3 - Fertilisation) Mario Leblanc, agr., conseiller en horticulture maraîchère, avertisseur du Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP), Direction régionale de la Montérégie, secteur Ouest, MAPAQ (Chapitre 5 – Ravageurs : Nématodes) Geneviève Legault, agronome, conseillère en horticulture, Direction régionale de l’Estrie, MAPAQ (Chapitre 1, 6 et 7) Gildas-Espoir Mukebukano, chargé de projets, équipe des Références économiques, CRAAQ (Chapitres 1 et 7) Françoise Rodrigue, agr., Agrios Services agronomiques, Collège d’Alma et CFP (Chapitres 1, 6, 7) Nancy Shallow, M. Sc., agronome-phytopathologiste, Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP), MAPAQ (Chapitre 5) Clément Vigneault, Ph. D., ing., Ingénierie postrécolte des produits horticoles frais (Chapitre 6) RÉVISION Daniel Bergeron, agr., M. Sc., conseiller en horticulture, Direction régionale de la Capitale-Nationale, MAPAQ (Chapitre 3 – Irrigation) Pénélope Bergeron, B. Sc. A., stagiaire (au moment de la rédaction), Direction régionale de la Mauricie et Centre-du-Québec, MAPAQ Marie Thérèse Charles, Ph. D., chercheure en physiologie postrécolte, Centre de recherche et de développement de Saint Jean sur Richelieu, Agriculture et Agroalimentaire Canada (Chapitre 6) Sam Chauvette, agr. M. Sc., conseiller en cultures maraichères et canneberges, Direction régionale de la Mauricie et Centre-du-Québec, MAPAQ (Chapitres 1 à 7) Isabelle Couture, agr., M. Sc., conseillère en production maraîchère, Direction régionale de la Montérégie, secteur Est, MAPAQ (Chapitre 3) Marie-Hélène Déziel, M. Sc., experte sectorielle pommes de terre et maraîcher, secrétaire coordonnatrice de la Table filière des productions maraîchères, Direction du développement des secteurs agroalimentaires, MAPAQ (Chapitre 1) Ail - Guide de production

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Gérard Gilbert, agr., M. Sc., consultant en pathologie végétale (Chapitre 5 – Maladies) Jean-Philippe Légaré, M. Sc., biologiste-entomologiste, Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP), MAPAQ (Chapitre 5 - Ravageurs) Jonathan Roy, agr., conseiller en agriculture biologique, Direction régionale de la Chaudière-Appalaches, MAPAQ (Chapitres 1 à 4) Philippe-Antoine Taillon, agr., conseiller horticole, Direction régionale de la Chaudière-Appalaches, MAPAQ (Chapitre 3 - Irrigation) Josée Tremblay, t. a., inspectrice en biosécurité, Direction régionale Saguenay-Lac-SaintJean, MAPAQ (Chapitre 5 – Phytoprotection) Hervé Van Der Heyden, M. Sc., phytopathologiste, directeur scientifique, Phytodata (Chapitre 2, 5) Anne Weill, agronome, Ph. D., Conseillère en innovation, titulaire de la Chaire de recherche du CRSNG en protection des cultures biologiques, Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) (Chapitre 3 - Engrais verts) COORDINATION, ÉDITION ET MISE EN PAGE Lyne Desnoyers, agr. et Stefan E. Finisse, agr., chargés de projets (coordination en début de projet) Danielle Jacques, M. Sc., chargée de projets aux publications Nathalie Nadeau, graphiste Barbara Vogt, chargée de projets aux publications CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES Australian Garlic; Marie-Pascale Beaudoin (MAPAQ); Sam Chauvette (MAPAQ); Filaree Garlic Farm (Ont.); Becky Hugues (U. de Guelph, Ont.); Hélène Hunyadi (Prosemail, France); Éric Labonté (MAPAQ); Geneviève Legault (MAPAQ); Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) – MAPAQ; Margaret McGrath (Cornell University, N.Y.); Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario; Melodie Putnam (Plant Clinic – Oregon State University); Steve Renquist (Oregon State University); Françoise Rodrigue (MAPAQ); Bob Romaniuk (Brant County Garlic Company, Ont.); Emily Savaria (U. McGill). Photos pages têtes de chapitres : Marie-Pascale Beaudoin, sauf : Ch. 5, Sam Chauvette, Ch. 6, Geneviève Legault, Ch. 7, Éric Labonté. Le CRAAQ remercie chaleureusement les nombreuses personnes qui ont aidé, de près ou de loin, à la réalisation de ce guide.

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Ce projet est financé par l’entremise du Programme Innov’Action agroalimentaire, en vertu du Partenariat canadien pour l’agriculture, entente conclue entre les gouvernements du Canada et du Québec.

Le CRAAQ remercie également Importations Allium inc. pour son soutien à cette publication.

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Avant-propos L’initiative de créer ce guide de production de l’ail au Québec est née, entre autres, suite à une mission d’apprentissage sur la production de l’ail dans la région de la Drôme (France) en 2014 et à la publication par le CRAAQ de la Fiche synthèse Ail en 2018. Le sujet semblait trop vaste pour se limiter à une seule fiche synthèse et le besoin d‘un guide complet, adapté au contexte québécois, s’imposait. Un grand nombre d’experts du secteur se sont mobilisés afin de regrouper leur savoir sur cette culture qui fait l’objet d’un intérêt grandissant, tant de la part des producteurs que des consommateurs –et des gastronomes! Ce présent guide rassemble donc des informations importantes issues de la pratique de terrain et des recherches effectuées au Québec, mais aussi ailleurs, notamment en France et aux États-Unis. Il vise à outiller tous ceux et celles qui veulent se lancer en alliculture et à soutenir les producteurs et productrices d’ail dans l’approfondissement de leurs connaissances.

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Table des matières CHAPITRE 1. CONTEXTE ET POTENTIEL DE MARCHÉ.................................................. 1 Portrait de la production québécoise................................................................................ 1 L’ail du Québec................................................................................................................... 3 Transformation..................................................................................................................... 3 Commercialisation.............................................................................................................. 3 Canaux de commercialisation.................................................................................... 3 Formats et prix.............................................................................................................. 5 Concurrence................................................................................................................ 6 Références........................................................................................................................... 7 CHAPITRE 2. PHYSIOLOGIE ET GROUPES VARIÉTAUX................................................ 9 Classification botanique..................................................................................................... 9 Origine et espèces.............................................................................................................. 9 Morphologie de l’ail cultivé............................................................................................. 10 Cycle de l’ail......................................................................................................................11 Dormance....................................................................................................................11 Croissance...................................................................................................................11 Floraison......................................................................................................................11 Bulbaison.....................................................................................................................12 Variabilité des caractères phénotypiques........................................................................12 Description des sous-espèces et groupes variétaux...................................................... 13 Sous-espèce A. sativum ssp. ophioscorodon.......................................................... 15 Sous-espèce A. sativum ssp. sativum....................................................................... 28 Description de quelques variétés françaises d’ail.......................................................... 32 Synthèse des périodes de récolte et des durées de conservation selon le groupe..... 32 Constituants de l’ail........................................................................................................... 33 Valeur nutritionnelle................................................................................................... 33 Composés soufrés...................................................................................................... 35 Références......................................................................................................................... 35 CHAPITRE 3. PRODUCTION D’AIL DE CONSOMMATION...................................... 37 Sélection du site................................................................................................................ 37 Climat......................................................................................................................... 37 Qualité du sol............................................................................................................38 Orientation, pente et exposition au vent..................................................................38 Autres aspects du site................................................................................................ 39 Planification des cultures.................................................................................................. 39 Rotation des cultures.................................................................................................. 39 Engrais vert................................................................................................................. 39

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Préparation du terrain.......................................................................................................43 Chaulage...................................................................................................................43 Élimination des mauvaises herbes avant la plantation...........................................44 Travail primaire du sol...............................................................................................46 Travail secondaire du sol et aménagement présemis.............................................46 Fertilisation.........................................................................................................................48 Introduction................................................................................................................48 Éléments majeurs : rôles et besoins..........................................................................50 Éléments mineurs : rôles et besoins........................................................................... 52 Recommandations à l’extérieur du Québec............................................................53 Modes et moments d’apport des intrants................................................................. 54 Recommandations pour la culture de l’ail au Québec........................................... 57 Comment adapter ma recommandation?...............................................................58 Gestion des engrais organiques............................................................................... 61 Résumé des recommandations.................................................................................63 Plantation...........................................................................................................................63 Achat de la semence.................................................................................................63 Craquage des bulbes en vue de la plantation........................................................64 Période de plantation................................................................................................65 Rendement et densité de plantation.........................................................................65 Profondeur de plantation..........................................................................................68 Protection hivernale..........................................................................................................68 Entretien de la culture.......................................................................................................69 Irrigation.....................................................................................................................69 Répression des mauvaises herbes............................................................................ 72 Récolte des fleurs d’ail...................................................................................................... 73 Suppression de la hampe florale des fleurs non commercialisées.........................74 Récolte de l’ail....................................................................................................................74 Évaluation du stade de récolte..................................................................................74 Récolte manuelle....................................................................................................... 75 Récolte semi-mécanisée............................................................................................ 75 Récolte mécanisée..................................................................................................... 76 Du champ au lieu de séchage.................................................................................. 76 Références......................................................................................................................... 76 CHAPITRE 4. PRODUCTION ET SÉLECTION D’AIL DE SEMENCE............................ 85 Introduction....................................................................................................................... 85 Mise en contexte............................................................................................................... 85 Programme de certification français........................................................................ 85 Importation de semences françaises au Québec....................................................88 Programme de multiplication en Ontario.................................................................88 Ail - Guide de production

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Projet de multiplication en cours au Québec..........................................................88 Sélection de la semence à partir du lot récolté.............................................................. 89 Critères de sélection.................................................................................................. 89 Isolation de la semence............................................................................................90 Traitement de la semence................................................................................................. 91 Fongicides/nématicides et biofongicides............................................................... 91 Thermothérapie à l’eau chaude................................................................................ 91 Production de semence à partir des bulbilles................................................................. 94 Risques liés à la multiplication à partir des bulbilles............................................... 94 Cycle de croissance de la bulbille........................................................................... 95 Moment de récolte des bulbilles.............................................................................. 96 Séchage..................................................................................................................... 96 Entreposage jusqu’à la plantation............................................................................ 96 Calibrage................................................................................................................... 97 Plantation des bulbilles en serre............................................................................... 97 Plantation des bulbilles en champ............................................................................98 Récolte des bulbilles..................................................................................................99 Références.......................................................................................................................100 CHAPITRE 5. PHYTOPROTECTION, MALADIES ET RAVAGEURS............................ 101 Phytoprotection............................................................................................................... 101 Plan de biosécurité à la ferme................................................................................ 101 Gestion intégrée des ennemis des cultures............................................................107 Maladies.......................................................................................................................... 112 Maladies fongiques.................................................................................................. 112 Viroses et autres maladies....................................................................................... 124 Insectes nuisibles et autres ravageurs............................................................................ 129 Insectes nuisibles...................................................................................................... 129 Acariens et nématodes............................................................................................140 Ressources....................................................................................................................... 147 Références....................................................................................................................... 147 CHAPITRE 6. CONDITIONNEMENT POSTRÉCOLTE ET ENTREPOSAGE..............155 Introduction.....................................................................................................................155 Traitement thermique.......................................................................................................156 Séchage.......................................................................................................................... 157 Exemples de séchoirs..............................................................................................158 Séchage passif......................................................................................................... 161 Nettoyage et calibrage des bulbes .............................................................................163 Entreposage....................................................................................................................164

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Bulbes pour la plantation à l’automne : entreposage à court terme...................166 Bulbes pour la plantation au printemps.................................................................166 Bulbes pour la vente aux consommateurs avant janvier : entreposage au chaud............................................................................................166 Bulbes pour la vente aux consommateurs : entreposage au froid pour une plus longue conservation et un marché spécifique ..............................167 Entreposage à long terme par surrefroidissement.................................................167 Emballage.......................................................................................................................168 Références.......................................................................................................................168 CHAPITRE 7. ÉCONOMIE DE LA PRODUCTION...................................................... 171 Introduction..................................................................................................................... 171 Budget Ail - Opérations semi-mécanisées.....................................................................171 Données techniques................................................................................................ 171 Investissements et sommaire des résultats (marge sur coûts variables annuels)....................................................................... 172 Main-d’œuvre...........................................................................................................174 Démarrage et diversification.......................................................................................... 175 Références....................................................................................................................... 175 REMERCIEMENTS.........................................................................................................177

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Contexte et potentiel Chapitre 12 Physiologie de marché de l’ail Portrait de la production québécoise La renommée de l’ail québécois est récente et le marché de l’ail québécois est en plein développement. La production a connu une croissance impressionnante au cours des dernières années. La production de semences d’ail est aussi en développement, notamment dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Selon Statistique Canada, la superficie en culture d’ail au Québec est passée de 32 hectares en 2003 à environ 174 ha en 2018 (Statistique Canada, 2018a). D’après les fiches d’enregistrement des exploitations agricoles du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), 312 entreprises ont produit de l’ail en 2019, pour une superficie totale de 269 ha (Tableau 1.1).

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Chapitre 1 Tableau 1.1 Portrait de la production d’ail au Québec en 2019

Régions Montérégie Montréal-Laval-Lanaudière Estrie Outaouais Laurentides Bas-Saint-Laurent Chaudière-Appalaches Capitale-Nationale Saguenay–Lac-Saint-Jean Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine Centre-du-Québec Mauricie Abitibi-Témiscamingue et Côte-Nord Total 1

93 37 34 26 23 18 17 14 11 11 10 10 8

67,8 43,5 33,1 17,9 15,3 13,1 10,4 3,7 44,3 2,4 9,2 6,3 2,26

Superficie moyenne des entreprises (ha/entreprise) 0,7 1,2 1,0 0,7 0,7 0,7 0,6 0,3 4,0 0,2 0,9 0,6 0,3

312

269,1

0,92

Nombre Superficies d’entreprises (ha)1

La mise à jour des données n’est pas effectuée chaque année pour toutes les régions; ainsi, il est possible que certaines superficies nouvellement mises en culture ne soient pas comptabilisées. 2 Moyenne des superficies moyennes des entreprises, toutes régions confondues. Source : MAPAQ, fiches d’enregistrement des exploitations agricoles (compilation MAPAQ-DDSA, septembre 2019)

Il est possible de cultiver l’ail dans la majorité des régions du Québec en adaptant les pratiques culturales selon le type de sol et les rigueurs de l’hiver, mais la production est plus concentrée en Montérégie (25 % des superficies), au Saguenay–Lac-SaintJean (16 %), dans Montréal-Laval-Lanaudière (16 %) et en Estrie (12 %).

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En 2018, 89 ha d’ail étaient certifiés biologiques, pour un total de 127 entreprises. La proportion des entreprises certifiées biologiques, qui oscille entre 40 et 51 % pour les trois dernières années, est importante pour ce produit.


L’ail du Québec L’ail du Québec est reconnu pour sa saveur distinctive. Le cultivar le plus prisé au Québec est une Porcelaine nommée Music. Plus d’une soixantaine de variétés d’ail possédant des caractéristiques différentes liées au goût, à la forme, à la couleur et à la conservation sont cultivées au Québec. La production est généralement vendue à des fins culinaires ou médicinales. La majorité de l’ail est vendue à l’état sec (frais) par le biais de canaux de commercialisation (distributeurs, épiceries spécialisées, marchés publics, paniers bio, etc.). L’ail peut aussi être vendu en bulbes frais (non séchés, ou ail vert) pour consommation rapide, les bulbes étant alors récoltés avant leur maturité, aux 4/5 de leur taille définitive. On trouve également la fleur d’ail, qui est en fait la hampe florale des variétés à col dur. Sur le marché médicinal, les extraits d’ail peuvent être vendus sous diverses formes, dont les gélules. La majorité de l’ail produit au Québec est mise en marché à l’automne, et ce jusqu’en janvier. Avec des installations de conditionnement et d’entreposage adéquates, il est possible de conserver certaines variétés pendant 12 mois.

Transformation Certaines entreprises transforment l’ail et la fleur d’ail. Les produits transformés ajoutent de la valeur à la production. Les produits

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peuvent être vendus par le biais des mêmes canaux de commercialisation que l’ail sec, soit la vente directe au consommateur ou la vente en gros. Des produits tels que l’ail déshydraté, l’ail pelé, le confit d’ail, l’ail noir, la fleur d’ail séchée ou fermentée font leur apparition sur les marchés. Ces nouveautés ont été développées par quelques entrepreneurs imaginatifs. Des investissements sont toutefois requis et l’investissement initial est parfois important.

Commercialisation Canaux de commercialisation Les producteurs maraîchers disposent de différentes options pour écouler leurs produits (Figure 1.1). Pour plus de 64 % des superficies en culture de légumes frais, les principaux canaux de commercialisation sont la vente aux grossistes, les regroupements de producteurs et les chaînes d’alimentation (Bergeron et coll., 2007). Les producteurs peuvent utiliser plusieurs autres voies pour vendre leurs produits : les fruiteries, les commerces indépendants, les marchés publics, les kiosques à la ferme, l’autocueillette, l’agriculture soutenue par la communauté (ASC ou Paniers bio), la vente sur commande aux consommateurs (en ligne ou par téléphone avec livraison par la poste), l’hôtellerie, la restauration et les institutions (secteur HRI), etc. Plusieurs formes de mise en marché directe

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Chapitre 1 aux consommateurs ou passant par un regroupement de producteurs sont en place et en développement (exemples : vente en ligne, regroupement Bio Locaux, Fermes Lufa, etc.). Le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur peut varier pour un même établissement de vente au détail.

la vente en gros. Étant donné la croissance rapide du nombre de producteurs d’ail et des superficies, il est recommandé de bien étudier la demande locale en ail québécois pour la vente directe. Certains marchés de proximité ne peuvent pas absorber un grand nombre de nouveaux producteurs sans qu’il y ait un impact négatif sur les prix.

Plus de 75 % des producteurs d’ail au Canada auraient recours à la vente directe aux consommateurs pour écouler leurs produits (Statistique Canada, 2018b). La vente directe aux consommateurs offre encore un bon potentiel de développement dans la majorité des régions du Québec. En 2018, il existait 120 marchés publics au Québec. L’agriculture soutenue par la communauté (ASC) est par ailleurs bien établie au Québec depuis 20 ans. Le Réseau des fermiers de famille regroupe environ 120 fermes fournissant des paniers certifiés biologiques à plus de 20 000 foyers. Ces fermes produisent généralement l’ail qu’ils commercialisent eux-mêmes. Selon un sondage effectué en novembre 2017 auprès des producteurs d’ail de l’association Ail Québec, les kiosques à la ferme et les marchés publics sont les principaux points de vente et ces canaux de commercialisation leur assurent une bonne rentabilité. Ces mêmes producteurs reconnaissaient le potentiel d’augmentation de leurs revenus par le biais des kiosques à la ferme et des marchés publics.

La majorité des achats de fruits et légumes se font dans les chaînes d’alimentation. La présence de l’ail du Québec dans ce segment de marché est encore faible, et ce en raison de la forte concurrence du produit importé. On observe cependant un intérêt croissant pour le produit local.

La vente directe aux consommateurs comporte des avantages pour les producteurs, notamment un meilleur contrôle du prix de vente. Cependant, le temps consacré à la mise en marché est plus important que pour

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Pour un petit producteur, il est possible d’avoir accès aux tablettes des épiceries de grandes bannières en vendant directement à l’épicerie, en s’adressant au gérant du rayon des fruits et légumes. Cependant, la latitude des gérants de fruits et légumes varie au fil des ans et selon les bannières. Il est également possible de placer son produit en épicerie en passant par un grossiste. Les producteurs qui désirent desservir directement les entrepôts des chaînes d’alimentation doivent être en mesure de fournir des volumes importants qui respectent les normes de qualité reconnues et doivent détenir une certification reconnue par la Global Food Safety Initiative (GFSI) (CanadaGAP, GLOBALG.A.P., PrimusGFS, etc.) pour assurer les plus hauts standards de salubrité et de traçabilité à la ferme. Les frais d’administration et de gestion liés à ce type de mise en marché peuvent être importants.


CIRCUITS LONGS

CIRCUITS COURTS

COMMERCE DE GROS Courtiers import/export

P R O D U C T E R S

Emballeursdistributeurs Regroupements de producteurs

COMMERCE DE DÉTAIL

Centre de distribution

AUTRES

Chaînes de commerce alimentaire

C O N S O M M A T E U R S

Épiceries indépendantes Grossistes distributeurs indépendants

Fruiteries

Marché Central

Hôtellerie / restauration / institutions

Marchés publics Kiosques Autocueillette

Figure 1.1 Les différents canaux de commercialisation pour les producteurs maraîchers Source : Bergeron et coll. (AGECO), 2007

La vente en gros permet d’écouler de grands volumes de production. Il peut être difficile de vendre au détail la production de plus de 1 hectare d’ail dans certaines régions. Dès qu’un certain volume doit être commercialisé, la vente en gros doit être considérée dans le modèle d’affaires de l’entreprise agricole. Le prix de l’ail vendu en gros est toutefois inférieur au prix de détail et, selon les marchés de gros visés, une grande pression peut être exercée à la baisse sur les prix offerts aux producteurs. L’hôtellerie, la restauration et les institutions (HRI) sont des marchés à explorer. La Stratégie de positionnement des aliments du Québec sur le marché institutionnel a mené à la rédaction d’un guide d’accès à ces marchés (MAPAQ, 2014). Par ailleurs, le site www.fraicheurquébec.com de l’Association québécoise de distribution

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des fruits et légumes (AQDFL) permet aux producteurs de faire connaître leur produit auprès des acteurs du secteur HRI. La vente d’ail à des transformateurs locaux est une avenue de commercialisation à ne pas négliger. Plusieurs transformateurs développent des produits locaux en s’approvisionnant localement.

Formats et prix Plusieurs formats pour la vente au détail et en gros sont possibles : à l’unité, en vrac (vente au kilogramme), tresses ou paquets, emballage en petits sachets (de 115 g à 450 g) ou encore en format de 1 kg. Le prix de vente varie selon le format, la quantité achetée, la région et le moment et l’année. Le Tableau 1.2 donne une indication des prix moyens selon diverses sources.

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Chapitre 1 Tableau 1.2 Prix moyens de l’ail sec1

Vente directe au consommateur Vente en gros

Mode de production Conventionnel Biologique Conventionnel Biologique

Ail importé (Global Trade Tracker) 1

(selon la provenance)

Données provenant de sources diverses, notamment des enquêtes effectuées entre 2017 et 2019 auprès de producteurs par le CRAAQ et Ail Québec : ces données sont présentées à titre indicatif.

Les coûts de production de l’ail québécois sont généralement élevés, car peu d’entreprises sont mécanisées et les frais pour la semence sont importants. Un grand nombre d’entreprises cultivent l’ail de façon artisanale sur de petites surfaces.

Concurrence La consommation canadienne d’ail par habitant s’est accrue de 14 % depuis 2014 pour atteindre 0,57 kg par personne en 2018 (Statistique Canada, 2018c). En transposant ce chiffre pour l’adapter à la population québécoise, on estime que 4 781 tonnes d’ail auraient été consommées au Québec en 2018. La majorité de l’ail consommé au Québec est importée de différents pays. Le Québec a importé de l’étranger 4 108 tonnes d’ail (environ 86 % de la consommation domestique) en 2018 pour une valeur de 7,75 millions $ (Global Trade Tracker). Ce chiffre ne comptabilise toutefois pas le commerce interprovincial. Les produits de l’étranger

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Conventionnel

Prix moyen ($/kg) De 20 à 25 $/kg De 22 à 25 $/kg De 15 à 18 $/kg De 16 à 22 $/kg De 2,50 à 10 $/kg

entrant au Québec proviennent principalement de la Chine (65 % du volume des importations québécoises) et de l’Espagne (30 %), suivies de loin par l’Argentine (2 %), les États-Unis (1 %) et la France (1 %). La conservation et le goût de l’ail importé sont souvent les facteurs qui poussent les consommateurs à se tourner vers l’ail québécois. Cependant, l’Espagne et l’Ontario produisent des variétés qui peuvent ressembler et s’apparenter à l’ail québécois. Aussi, la période de disponibilité de l’ail provenant de ces régions est plus longue et son prix, grandement inférieur. L’ail québécois est donc soumis à une forte concurrence internationale et interprovinciale. Ses attributs distinctifs doivent donc être valorisés pour justifier le prix de vente actuel. Malgré l’offre grandissante, les chaînes d’épicerie vendent peu de volumes d’ail québécois. Selon le sondage effectué auprès des producteurs membres d’Ail Québec, la majorité des producteurs qui cultivent de petites


surfaces n’ont pas l’intention d’augmenter leurs superficies en ail. Peu importe la taille des entreprises, les producteurs sont inquiets face à l’augmentation de l’offre d’ail québécois et sont réticents à augmenter leurs superficies et à investir davantage dans la mécanisation. Ils se questionnent sur la stabilité du prix. Les producteurs qui sauront abaisser leur coût de production, en diminuant leur coût d’approvisionnement en semence et en se mécanisant davantage, pourront fournir des volumes de production importants. L’offre d’ail québécois pourrait augmenter plus rapidement que la demande à court terme. C’est pourquoi le développement des marchés constitue un élément essentiel de la pérennité des entreprises spécialisées dans cette culture.

Références Bergeron, J.-F., C. Batailler, I. Charron, S. Dostie, V. Lamarche et D.-M. Gouin. 2007. Portrait des réseaux de distribution de fruits et légumes frais du Québec – Rapport final. Groupe AGECO. Février. 133 p. www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/ Rapport_Distribution_Fruitslegumes.pdf Brillant, R. et M. du Montier. 2017. L’ail du Québec. Radio-Canada, La Semaine Verte. Reportage télévisé diffusé le 30 septembre. ici.radio-canada.ca/tele/ la-semaine -verte/site/segments/ reportage/40478/ail-noir-quebec

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CRAAQ. 2017. Sondage auprès des producteurs d’ail du Québec. Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec. 7 p. Global Trade Tracker. Compilation effectuée par la Direction du développement des secteurs agroalimentaires (DDSA) du MAPAQ. ISQ et MAPAQ. 2018. Profil sectoriel de l’industrie horticole au Québec. Institut de la statistique du Québec et ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. 110 p. www.stat.gouv. qc.ca/statistiques/agriculture/profil-horticole2018.pdf ISQ et MAPAQ. 2017. Profil sectoriel de l’industrie bioalimentaire au Québec. Institut de la statistique du Québec et ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec 130 p. www.stat. gouv.qc.ca/statistiques/agriculture/profil-industrie-bioalimentaire.html MAPAQ. 2014. Guide d’accès au marché institutionnel. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, Direction de l’accès aux marchés. 64 p. www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Publications/Guide_acces_marche_institutionnel.pdf Statistique Canada. 2018a. Tableau 0010013, Superficie, production et valeur à la ferme des légumes. CANSIM (base de données).

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Chapitre 1 Statistique Canada. 2018b. L’innovation et les modes de vie sains stimulent la croissance dans certaines autres cultures. Tableau 3Recours à la vente directe pour les autres cultures, Canada, 2016. www150.statcan. gc.ca/n1/pub/96-325-x/2017001/article/54924-fra.htm Statistique Canada. 2018c. Tableau 32-100054-01, Aliments disponibles au Canada – Ail frais. CANSIM (base de données).

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Physiologie et Chapitre 2 groupes variétaux Classification botanique Selon le système de classification APG III (2009)1, l’ail appartient aux groupes taxonomiques suivants : Classe : Super-ordre : Ordre : Genre :

Monocotylédones Lilianae Asparagales Allium

Origine et espèces L’ail est une plante herbacée à bulbe; le bulbe renferme des caïeux ou gousses. Cette plante se reproduit uniquement par voie végétative. Le terme « ail » proviendrait du mot celte « all » qui signifie « brûlant » (Mercier-Fichaud, 2016). Les

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variétés horticoles cultivées se divisent en deux sous-espèces : l’ail à tige dure ou à col dur (Allium sativum ssp. ophioscorodon) et l’ail à tige molle ou à col mou (Allium sativum ssp. sativum). Chez les espèces indigènes, on retrouve l’ail asiatique (Allium longicuspis) et l’ail des ours (Allium ursinum) en Europe, ainsi que l’ail indigène des bois (Allium tricoccum) en Amérique du Nord et au Québec. L’ail éléphant (Allium ampeloprasum) n’est pas considéré comme de l’ail vrai; il est plutôt rattaché à la famille du poireau. Cet ail produit de larges caïeux à la saveur très douce (Engeland, 1991).

Angiosperm Phylogeny Group

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Guide de production

Culture adaptée aux conditions climatiques du Québec, l’ail représente une production en croissance et un marché en développement. Les entreprises allicoles doivent faire leur place dans le contexte d’un intérêt grandissant des consommateurs pour l’ail québécois et d’une forte concurrence de l’ail importé. Cette culture comporte des particularités et fait l’objet de nombreux essais tant sur le plan des cultivars, des techniques culturales que du suivi des maladies. Ce guide, préparés par des praticiens et des chercheurs du Québec, vise donc à fournir un panorama complet de l’état des connaissances sur l’ail au Québec, depuis la description des nombreux groupes de cultivars d’ail, jusqu’aux étapes en postrécolte (systèmes de séchage, calibrage et entreposage), en passant par les mesures de phytoprotection ainsi que les maladies et ravageurs. Les informations agronomiques sont réparties sur deux chapitres, l’un consacré à la production de l’ail de consommation, et l’autre, à l’ail de semence. Enfin, un portrait du contexte économique du marché de l’ail et un budget (opérations semi-mécanisées), aideront tous ceux et celles qui veulent se lancer dans cette production.

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Guide de production Ail

AIL


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