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HONNÊTETÉ ARCHITECTURALE A propos de la Palestra, Livio Vacchini, Losone (CH), 1997
L’intervention à Losone de l’architecte Livio Vacchini vient s’inscrire comme point de référence dans le territoire. Si les suisses, dans leur paranoïa chronique, ne voient qu’un coté pratique à la construction d’un abri anti-atomique en dessous, Livio perçoit l’opportunité d’avoir les fondations les plus solides qui soient pour bâtir son plus beau projet, avec la certitude qu’il dure au moins le temps de vie de l’atome. Et comme pour honorer ce bâtiment sensé rester là même après la fin, il a mis en œuvre à Losone toutes ses convictions les plus profondes, laissant ainsi par ce chef d’œuvre une trace de son temps sans pour autant chercher à renier qu’il ne fait que réinventer l’héritage de 4500 ans d’architecture (ce qui n’est rien à l’échelle de l’atome !). Livio Vacchini avait lui-même l’habitude de parler de ce projet en faisant le parallèle avec Stonehenge. C’est ce qu’il fit lors d’une conférence à Barcelone seulement 4 mois avant son décès. L’auditoire fut marqué tant l’émotion et l’intensité qu’avait mises cet homme dans ce projet était palpable. Ce fut une révélation pour tous. Peut-être que Cosa Mentale commença là…
Le projet du gymnase multifonctionnel de Losone naît de la volonté de Livio Vacchini de susciter une réflexion sur ce qu’est la structure en ellemême, sur son essence ; de montrer qu’elle ne réside pas dans la prouesse technique mais dans la symbolique de l’élément structurel qu’il soit pris individuellement ou dans la globalité du projet. Par son geste, l’architecte a voulu marquer une posture vis-à-vis de la conduite générale de ses projets : tous émergent de l’affirmation d’une position éthique radicale par rapport à l’architecture dans son ensemble, contrairement à ce qui nous est souvent offert aujourd’hui qui tient davantage du produit à la mode que d’une Cosa Mentale. La structure est la rationalisation première et primaire du bâtiment, et comme souvent, le premier degré n’est pas forcément le plus noble. Souvent terre-à-terre, il ne permet pas de signifier le projet; c’est pourquoi tant d’architectes cherchent à l’éclipser. Mais lorsque celle-ci est l’objet de la réflexion, cela permet de réinterpréter le sujet en reposant la même question différemment. Dans la grande mouvance des architectes que l’on peut qualifier de plasticistes, et dont F. Ghery et Herzog
et De Meuron apparaissent en tête de file, la structure est occultée au profit de l’effet de forme/ matière dont elle est totalement déconnectée. Faut-il maquiller le réel pour qu’il soit beau ? Il me semble que la beauté provient des rapports qu’entretiennent les éléments entre eux plutôt que d’un ersatz d’adaptation picturale qui ne trouvera certainement pas d’écho dans le cadre d’une architecture durable dans le temps. Attention, je ne dis pas que les arts graphiques n’ont pas de lien avec l’architecture, mais qu’ils doivent soutenir le fond du projet. Dans sa recherche de vérité sur la structure, Livio Vacchini cherche à s’appuyer sur le premier exemple de franchissement que l’humanité puisse lui présenter : à Stonehenge, plusieurs théories se confrontent sur la mise en œuvre des trilithes en pierre, mais seul importe le résultat final, ce franchissement en pierre absolument invraisemblable pour l’époque. Et c’est bien ce que retrouve notre oeil dans le projet de Losone quand notre regard s’aiguise un peu : toute la philosophie du projet s’appuie sur la mise en œuvre d’un trilithe, alors que l’on
COSA MENTALE