Revue #01– Penser le paysage

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VIVA LA RESISTENZA Luigi Snozzi

«Jamais encore l’architecture n’a connu telle crise d’identité. L’observer s’enliser sans réagir nous

est insupportable. En entrant dans le moule de la culture de masse, l’architecture contemporaine s’est enfermée dans le rôle que veut bien lui donner la société d’acculturation qui l’accompagne. Ce mécanisme a abouti à un appauvrissement net de la production architecturale, les images prenant, elles, toujours plus d’importance dans le “débat”».1 Luigi Snozzi montre une nouvelle fois dans ce texte la nécessité de résister ; il montre que «l’Architecture est cosa mentale (ce qu’elle a toujours été, d’Alberti au Mouvement Moderne) ; qu’elle est plaisir de réflexion et de pensée ; que les questions à résoudre sont éternelles et n’ont que faire des histoires de modes ; que l’architecture seule perdure».2 COSA MENTALE

I

l y a une vingtaine d’années, je commençais la conférence inaugurale de ma nomination en tant que Professeur Ordinaire à l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne avec ces mots : «Nous nous trouvons aujourd’hui dans un monde gravement menacé dans sa survie même ; les symptômes de cette situation sont partout repérables, et la guerre reste un fait structurel d’une société qui tend à la démocratie. Je pense que la communauté académique a sa propre responsabilité dans ce qui est en train de se passer. Elle a donc la tâche d’examiner publiquement la vie humaine, sous l’aspect de ses qualités morales et cela tant que les académiciens ne réussiront pas à atteindre une conscience intellectuelle suffisante pour former des citoyens responsables et conscients. Si l’on veut conclure le processus vers une démocratie substantielle, cette tâche restera l’objectif principal des intellectuels et des enseignants. Dans ce sens là, je retiens que la finalité de l’enseignement de l’architecture n’est pas seulement celui de former des architectes professionnellement capables, mais celui de former des intellectuels critiques, doués d’une conscience morale». Par cette introduction, je cherchais à souligner le fait que l’architecture n’est pas une discipline

neutre vis-à-vis de la société. À la base de ma réflexion et de ma manière de travailler, donc à la base de ma manière d’enseigner et de projeter, il y a toujours un fond politique et idéologique qui s’insère dans la conception socialiste du monde, en opposition à une vision utilitariste et efficientiste. Mais à l’intérieur de cette perspective idéologique, je pense que l’architecture doit préserver son autonomie disciplinaire. Je pense que le seul moyen pour attribuer à l’architecture une signification politique est celui de son approfondissement spécifique. Ceci est le seul moyen par lequel l’architecte peut avoir une influence sur les faits structurels de la société.

Ne fuis pas tes responsabilités. Occupe toi de la forme, en elle tu trouvera l’homme.

Si je n’attribue pas au projet d’architecture un rôle politique direct, je m’oppose à toute tentative de séparer l’engagement disciplinaire de l’engagement politique. Cela veut dire que les écoles d’architecture doivent défendre aussi leur autonomie vis-à-vis des exigences de la pratique professionnelle pour pouvoir exercer dans la plus grande liberté leur fonction critique.

1. Extrait du manifeste de Cosa Mentale paru dans Cosa Mentale #0, Novembre 2009, p. 3 2. Extrait du manifeste de Cosa Mentale, op. cit., p. 3

COSA MENTALE


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