Mémoire S9 - le rythme au service de l'unité architecturale

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1 Le rythme au service de l’unité architecturale L’ordre et le désordre Mémoire de Master 2 Les pensées du projet ENSAG, Décembre 2021 Coralie Reiniche

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L’objectif de ce travail est de comprendre, manipuler et théoriser la manière d’aborder un projet selon un thème prédéfini. J’ai choisi d’aborder la question du rythme en architecture. L’enjeu est à la fois de comprendre comment les architectes ont traité ce thème dans leurs projets d’architecture, mais aussi d’en tirer des leçons pour la conception et la compréhen sion de projets en tant que future architecte. Il s’agit d’une étude expéri mentale associée à une analyse personnelle s’appuyant sur des éléments graphiques et littéraires. La curiosité portant sur cette problématique, ainsi que le travail d’analyse de ces références architecturales ont animé l’envie d’écrire ce document.

Ce mémoire d’architecture est le résultat d’un travail de recherche et de réflexion, réalisé dans le cadre du neuvième semestre de projet en Mas ter « Les pensées du projet : l’architecture comme discipline » enseigné en cinquième année à l’ENSA-Grenoble.

Avant-propos

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Ce mémoire présente des illustrations sourcées ainsi que des éléments graphiques réalisés personnellement afin d’accompagner et d’alimenter cette réflexion.

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5 Introduction....................... ...... 07 I. Notions de rythme et d’unité 09 II. Le rythme régulier et irrégulier 21 III. Manipulations et expérimentations 49 IV. Projection sur Bastia 57 Conclusion 64 Références annexes 68 Bibliographie 71 A |Définition du rythme et usages historiques ........................................................... 09 B | Le rythme selon M. la. Guinzbourg ......................................................................... 14 A |Du rythme irrégulier au rythme régulier .................................................................. 49 B | Du rythme régulier au rythme irrégulier ................................................................... 53 1. Casa Del Fascio, Guiseppe Terragni ............................................................................ 21 2. Gymnase de Losonne, Livio Vachini ........................................................................... 25 3. Climat de France, Fernand Pouillon ............................................................................ 29 4. La place Mayor, Madrid, Espagne ................................................................................ 33 5. Brauen Walchli, siège de l’UI, Genève, 2002 .............................................................. 37 6. Mairie du Murcie, Rafael Moneo, Esp, 1998 .............................................................. 41 7. Couvent de la Tourette, Le Corbusier, 1960 ............................................................... 45 Sommaire

Le rythme est une contrainte. Il engendre une irrésistible envie de céder, de s’accorder avec lui ; non seulement les pas que l’on fait avec les pieds, mais encore l’âme elle-même suivant la mesure, et il en était probablement ainsi, concluait-on, de l’âme des dieux. On tenta alors de les contraindre par le rythme et d’exercer un pouvoir sur eux. »

«

F.Nietzche, Le Gai Savoir, Leipzig, 1889

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Le rythme en architecture intervient dès lors qu’une chose est dupli quée ou répétée. A ce moment, la notion de rythme correspond à l’ensemble des éléments similaires ou identiques suivant une organisation aisément lisible à l’œil. Il y a donc autant de mises en œuvre du rythme en architecture que de projets. La notion de rythme répond à des règles d’organisation et est liée à l’établissement d’une trame qui lui confére un ordre, une mesure, une cadence. Pour autant, le caractère infini du rythme provoque des mises en application et des variation infinies.

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Nous parlerons également de la notion d’unité spatiale, structu relle et plastique provoquée (ou non) par la régularité et l’irrégularité du rythme. L’objectif de cette étude est de tirer des enseignements sur la mise en œuvre du rythme régulier ou irrégulier afin d’en faire une ressource, une matière à faire du projet, utile à l’architecte dans son travail de conception. Dans un premier temps, nous définirons le rythme en architecture en nous appuyant sur son utilisation dans l’histoire, puis par l’écrit de M.la. Guinzbourg « le rythme en architecture ». Ensuite, nous mettrons en rap port les enseignements tirés de ce livre avec un corpus de références de projets d’architecture traitant du rythme et de la notion de régularité et d’irrégularité. Enfin, nous verrons ce que provoque un rythme régulier sur un projet de rythme irrégulier et inversement.

Introduction

A travers ce mémoire, nous chercherons quels sont les moyens pour un architecte de concevoir un projet par la notion de rythme, que ce soit en architecture ou en urbanisme. Le rythme peut apparaître de façon régulière, ordonnée ou lié à la structure du bâtiment, mais il peut également être tout à fait irrégulier. En ce qui concerne le rythme irrégulier, nous chercherons à comprendre pourquoi et comment les architectes ayant travaillé sur cette notion ont-ils déterminé leur rythme de cette manière et à quoi correspond l’irrégularité du rythme dans leurs projets.

8 Figures 1 et 2

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Le rythme est un principe universel à la fois lié au temps, à la per ception de l’homme par sa vision et au mouvement. Lorsque l’on pense au rythme, nous pensons à la notion de cadence, de mesure, de tempo, c’est-à-dire à des intervalles formant un cycle, une succession de valeurs formant un tout supérieur. Il est possible de parler de rythme dans toutes les formes d’art : en musique, en peinture, en poésie, en danse ou encore en architecture. En danse par exemple, le rythme est lié aux mouvements de la danseuse sur scène s’enchaînant les uns après les autres. C’est une suc cession de situations précises qui forment un ensemble. Le rythme est donc lié à la notion de mouvement. Si l’on revient à l’étymologie du mot rythme, on comprend qu’il signifie en grec « l’eau qui coule ». C’est-à-dire que le rythme prend son sens dans sa relation au mouvement. En ce qui concerne l’architecture, la notion de rythme se retrouve dès l’Antiquité avec l’utilisa tion de colonnes, voûtes et fenêtres offrant une sensation rythmique par les pleins et les vides, avec pour objectif de créer une harmonie architecturale.

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« De sa naissance à nos jours, l’architecture, dans ses éléments formels, ses articulations et sa composition des masses, n’a été inspirée que par les seules lois du rythme, qui définissent la véritable essence de toute œuvre architecturale. L’histoire entière de l’architecture est, par essence, l’histoire des diverses manifestations des lois dynamiques les plus pures. » M.la.Guinzbourg, le rythme en architecture, 1923 A | Usage historique et domaines d’interventions du rythme

Le Parthénon, Athènes, Grèce, 438 av JC Nous allons donc en revenir aux architectes et aux architectures il lustrant la notion de rythme depuis l’Antiquité. Pour commencer, prenons l’exemple du Parthénon. S’il a été construit pour une Déesse, il a également été dessiné pour le regard de l’Homme. Toute son architecture est fondée sur la répétition d’une colonne à distance régulière. Cette répétition laisse un effet de transparence, un jeu d’ombre et de lumière. Le traitement iden tique aux quatre façades confère également au projet une sensation d’unité. Il semble que rien ne pourrait lui être rajouté ou supprimé. De plus, la sen sation rythmique s’anime lorsque le visiteur se déplace autour de l’édifice. De cette manière, nous comprenons que le rythme régulier d’un projet peut tout à fait s’animer par le mouvement de la personne qui le regarde. I. Notions de rythme et d’unité

10 Figures 3 et 4

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2. Un édifice périptère est encerclé de colonnes sur toutes ses faces Vitruve, 15 av JC Comment parler des origines du rythme en architecture sans citer Vitruve1, qui aborde l’eurythmie dans ses écrits. Il explique la notion d’eu rythmie comme : « la beauté du rythme ou le rythme par excellence ». Il dit plus exactement : « L’eurythmie est cette beauté sensible, cet agréable aspect que donne la disposition des membres d’un ouvrage d’architecture: ce qui a lieu lorsque ses membres ont une heureuse correspondance entre leur hauteur et leur largeur, entre leur largeur et leur longueur, de ma nière à s’accorder avec l’effet de la proportion générale ». Ainsi, Vitruve décrit l’eurythmie (mouvement juste et harmonieux) comme la possibilité de créer des figures par le mouvement, c’est-à-dire par le rythme.

Le pont du Gard est l’un vestiges romains les mieux conservés et le plus haut du monde. C’est l’un des premiers exemples de mise en œuvre du rythme en architecture, plus précisément dans le cadre d’une infrastructure. Le Pont du Gard était destiné au passage d’un aqueduc romain. Il a été presque entièrement construit à sec et est constitué de trois niveaux répar tis sur 48 mètres de haut pour 275 mètres de long. Le rythme provoqué par les arches est régulier puisqu’il est indissociablement lié à la structure du pont, pour autant, les variations de hauteur des arches font varier le rythme en fonction des trois niveaux du pont. Le Tempietto de Bramante, Rome, Italie, 1510 Nous pouvons également illustrer le rythme en prenant l’exemple du Tempietto de San Pietro in Montorio. Il a été conçu par Donato Bra mante (1444-1514) à Rome en 1510 et est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre architectural de la Renaissance. Inspiré des ruines antiques et des temples circulaires, Bramante conçoit le Tempietto sur deux niveaux surélevés d’un soubassement de trois marches. Le premier niveau, contenu par une colonnade périptère2, est un mur en retrait rythmé de pilastres et d’ouvertures et de niches. Il y a donc un rythme principal donné par les colonnes, puis un rythme secondaire donné par l’alternance du traitement du mur circulaire. Le deuxième niveau est en accord avec le rythme établi dans le premier puisqu’une balustrade vient couronner la colonnade et que le mur circulaire est rythmé de la même manière qu’au premier niveau. L’alternance des colonnes, niches et ouver tures confère au Tempietto une animation continue en tout point de vue. Le rythme fonctionne dans une relation réciproque entre plan et façade.

1. Architecte romain, auteur de De Architectura (« au sujet de l’architecture »), traité d’architecture écrit en latin vers -15, dédié à l’Empereur Auguste.

Le Pont du Gard, Occitanie, France, 1ER siècle

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12 Figures 5 et 6

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La Basilique palladienne est un édifice public situé sur la Piazza dei Signori, à Vicence en Italie. Son nom est tiré de celui d’Andréa Palladio qui a ajouté au projet initial ses célèbres loggias en marbre blanc. Le palais fut nommé « basilique » par Palladio en référence au modèle des basiliques romaines. Palladio est intervenu sur le bâtiment initial, le « Palazzo della Ragione », de style gothique. Il était autrefois le siège des magistratures publiques de Vicence. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la basilique fut endommagée par les bombardements sur la ville et sa toiture fût entière ment reconstruite. La basilique accueille aujourd’hui des expositions d’art et d’architecture et fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco. A cause de la nature inconsistante du sol, l’architecte du Palazzo della Ragione a dû ajourner la structure du bâtiment. Palladio a imaginé un système d’ar cades en façade permettant d’harmoniser le rythme irrégulier des poteaux existants. Il a joué avec l’espacement entre les poteaux des arcades et les poteaux déjà existant. De cette manière, la façade à l’œil nu semble être parfaitement régulière. Le rythme a donc ici une fonction réparatrice dans le projet. Conclusion

Au regard des références architecturales que nous venons d’évoquer, le rythme a toujours été présent en architecture. S’il se manifeste à travers la répétition d’éléments structurels, il n’en reste pas moins un principe de conception et de composition. En effet, au-delà de la répétition d’arches ou de poteaux, c’est généralement toute l’organisation du projet en plan et en élévation qui s’établit en fonction de ce rythme. Nous pouvons également affirmer que le rythme est indéniablement lié à la notion de trame puisqu’il se travaille sur des lignes, représentées phyiquement ou virtuelles, qui permettent à l’architecte de positionner ses ouvertures, ses poteaux, ses poutres ou tout autre élément d’architecture. Le rythme de ces projets d’architecture est bien souvent régulier puisqu’il est lié à la structure et qu’il répond à un ordre de composition contemporain à l’époque à laquelle ces projets furent construits. Nous remarquons cependant le peu de littérature pourtant sur la question du rythme en architecture. Bien souvent, le rythme est évoqué comme une conséquence de la mise en œuvre de la trame en architecture, mais malheureusement, bien rares sont les livres analysant le rythme comme un moyen de composition en architecture, comme une cause plutôt qu’une conséquence.

Basilique Palladienne, Andrea Palladio, Vicence, Italie, 1546

ans, il publie son premier livre le rythme en architecture3, qui présente le rythme comme le fondement du langage architectural. Il pu bliera un an plus tard (1924) un second ouvrage : le style et l’époque où il décrit sa vision sur l’histoire et les différents styles d’architecture. Ce traité aura joué un rôle majeur dans l’évolution de l’architecture soviétique. Dans son livre le rythme et l’architecture, M. la. Guinzbourg analyse les projets emblématiques de l’architecture tels que les temples de Paestum, le pont du Gard, les édifices de Brunelleschi, Bramante, Palladio et bien d’autres encore de Venise et de Florence. Les enseignements du livre M.la.Guinzbourg explique que le rythme est universel et qu’il se manifeste partout. Il base sa réflexion sur l’analyse de projets d’architecture ainsi que sur ses lectures personnelles. Il cite tout d’abord Aristote, qui distinguait trois types de rythme : le rythme des formes (le mouvement de la danse), le rythme des tons (le chant) et le rythme du discours (le mètre). A partir de cette constatation et de ses réflexions personnelles, il établit une étude

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Lors de mes recherches de références littéraires portant sur la ques tion du rythme, j’ai trouvé le livre : le rythme en architecture de M.la. Guinzbourg. L’architecte s’appuie sur la notion du rythme, qu’il considère comme le fondement du langage architectural. Il recherche ensuite des mo dèles susceptibles d’accompagner les transformations sociales qui succéde ront à son époque. L’étude que je vais porter sera basée sur un corpus de ré férences architecturales que je mettrai en relation avec les enseignements que j’ai tirés de ce livre. C’est pourquoi j’ai décidé d’y consacrer une partie de ce travail de mémoire. L’auteur Mosseï Lakovlévitch Guinzbourg (1892-1946) a été l’un des princi paux représentants du mouvement constructiviste de l’architecture sovié tique dans les années 1920. Il est né à Minsk (Biélorussie) d’un père architecte et promoteur. Il est parti étudier l’architecture à l’académie de Milan (Italie) en 1914 et l’Institut polytechnique de Riga (Lettonie) en 1917. En 1921, il emménage à Moscou (Russie) pour enseigner la composition archi tecturale à Vkhoutemas, un institut supérieur d’art et de technique. Il aura été fortement influencé par Le Corbusier et ses 5 points de l’architecture nouvelle.A30

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3. Publié en 1923 (la même année que Vers une architecture de Le Corbusier) B | Le rythme selon le livre de M. la. Guinzbourg

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2. Rythme activo dynamique et le rythme statique Le rythme activo dynamique correspond au rythme dans les do maines de l’art. Le rythme musical est une alternance de sons, une progres sion régulière où l’effet dynamique est produit par l’enchaînement des nou veaux sons par rapport aux sons précédents. En d’autres termes, il décrit la continuité des éléments rythmique inscrits dans une temporalité, comme par exemple en chant, en musique ou en danse. La sensation de rythme est liée à notre percep tion d’un point par rapport à sa position antérieure. Ce n’est pas la position absolue d’un point qui est im portante, mais sa relation à une position antérieure et postérieure. C’est donc le résultat de la progres sion d’un point qui crée une perception visuelle in consciente.

3. L’élément de la répétition et de l’alternance En arts plastiques comme en architec ture, il est question de rythme passivo-dynamique ou rythme statique car il y a peu de notions de tempo ralité, mais plutôt un rapport à l’espace, à l’étendue spatiale de l’oeuvre. Lorsqu’une forme répond à une loi numérique de proportions ou de répétition, l’œil est soulagé et la forme est plus facilement lisible.

1. L’universalité cosmique du rythme Guinzbourg explique que le rythme est une notion présente depuis toujours, et ce dans tous les domaines possibles (le mouvement des pla nètes, l’eau qui coule, le battement d’un cœur, en langues et en art).

15 basée sur plusieurs points essentiels à la compréhension du rythme en architecture.

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4. Le rythme de la symétrie La symétrie permet de situer et de quantifier un rythme, elle a donc une fonction de répétition, tout comme l’alternance. Guinzbourg explique alors « On peut donc lire que la répétition, l’alternance ou la sy métrie d’une forme dans l’espace sont des marques de la présence de la simple loi du rythme. »

Ces derniers sont résumés brièvement ci-dessous :

6. Lois fondamentales de la formation rythmique d’une masse architecturale M.la.Guinzbourg explique que l’architecture est constituée d’assem blage de volumes simples (cube, parallélépipède, sphère, pyramide tron quée, …).

16 5. L’arythmie L’arythmie est l’inverse, l’antonyme du rythme. « Il n’y a chez elles ni répétition conforme à une loi, ni alternance régulière, ni symétrie : elles n’ont pas de loi simple et claire du mouvement. »

7. Influence quantitative des pulsations rythmiques

La fonction principale du rythme est la répétition, chaque répéti tion facilite la perception de la suivante et ainsi, il y a un rapport crois sant entre le nombre de répétitions et la sensation rythmique. Guinzbourg explique : « Ainsi, il est évident que, dans un groupe d’éléments architecturaux, l’augmentation du nombre des éléments accroît propor tionnellement l’intensité de la sensation rythmique ; toutefois, au-delà d’une certaine limite, la force qu’atteint ainsi le rythme a un effet destructeur sur l’intégrité et l’unité de la conception architecturale. »

17 1. | Rythme simple 2. | Rythme simple 4. | Rythme à pulsations complexes 5. | Rythme à pulsations complexes 3. | Rythme simple 6. | Rythme complexe 7. | Rythme complexe 8. | Rythme complémentaire 9. | Rythme complémentaire 10. | Rythme complémentaire 11. | Rythme complémentaire 12. | Rythme de transmission 13. | Rythme de transmission 14. | Rythme de conjonction Référencement des types de rythme selon M.la.Guinzbourg : Guinzbourg a souhaité mettre en relief graphiquement les propriétés ryth miques issues de ses analyses architecturales en effectuant une transcrip tion schématique des différents rythmes possibles :

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pas forcément un travail sur un rythme régulier où chaque élément est à équidistance d’un autre. Une composition irrégu lière peut tout à fait créer une sensation d’unité tant que la composition semble être tenue par un début et une fin claire, et que la lecture de l’en semble puisse s’effectuer sans difficulté. « Aussi faut-il qu’un monument émane d’une seule intelligence qui en combine l’ensemble de telle manière qu’on ne puisse, sans en altérer l’accord, ni en rien retrancher, ni rien y ajouter, ni rien y changer1.

L’intégration du rythme M.La.Guinzbourg

nous décrit les limites du rythme dans le travail de conception. Si nous visualisons un temple grec composé de deux co lonnes, alors nous ne ressentirons pas de rythme car notre œil sera instinc tivement attiré par l’axe de symétrie virtuel entre ces deux poteaux. Il en va de même pour un temple grec à 3 colonnes où l’axe de symétrie sera cette fois-ci construit.Onremarque que dans l’histoire, il n’y a jamais eu de temple grec avec deux ou trois colonnes, car ce nombre est trop pauvre pour créer une réelle sensation rythmique. La plupart des temples grecs étaient constitués de 6 colonnes au minimum. Nous pouvons donc affirmer que la sensation rythmique est croissante en fonction du nombre d’éléments répétés. Ce pendant, ce phénomène ne fonctionne pas à l’infini et il peut y avoir une perte de sens et d’unité du projet si le rythme est trop étendu.

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La notion d’unité en architecture est plus un principe sensible et perceptible qu’un principe formel. L’unité est provoquée par un ensemble d’éléments d’architecture formant un tout indissociable, un projet qui pro voque une évidence de lecture. Le principe d’unité se rapporte à la notion d’ordre et de L’unitédésordre.nenécessite

4. Quatremère de Quincy, Dict. d’architect., Unité.

L’unité en architecture

»

Conclusion Pour conclure sur les limites de la mise en œuvre du rythme dans les projets d’architecture, Guinzbourg souligne la question de la monumenta lité. Le rythme permet de dynamiser, d’harmonier, d’unifier un projet d’ar chitecture, mais lorsqu’il est travaillé à grande échelle, il confère au projet une dimension monumentale qui n’est pas forcément souhaitable en fonc tion duPourprogramme.autant,il est important de nuancer ce propos. En effet, cette ré flexion est propre à l’architecte, à son vécu, à son style d’architecture, mais également à son époque (livre publié en 1923). De nos jours, il est bien rare de construire des colonnades ou des temples. L’architecture a évolué, et les possibilités de traiter la question du rythme également. Pour cela, nous allons étudier un corpus de références architecturales mettant en œuvre le rythme.

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20 Figure 7 Figure 8 Figure 9

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Le rythme régulier et irrégulier A | Rythme régulier à l’échelle de l’édifice : Casa del Fascio, Guiseppe Terragni, Côme, Italie, 1932

La façade est composée d’une grille structurelle et d’un mur de ma çonnerie qui aurait dû accueillir une fresque à la gloire du régime fasciste. Elle a une évidence géométrique et a été dessinée selon la figure de la grille évidée, où les plaques de marbre viennent régulariser sa composition. Elle peut se lire en plusieurs épaisseurs. Nous avons la structure au premier plan, un vide au second plan et les menuiseries en bois au troisième et der nier plan. C’est le vide entre les ouvertures et le premier plan de la façade qui donne son caractère au projet. Chaque plaque de marbre a été dessinée selon un plan de calepinage très précis, s’accordant avec les ouvertures afin qu’on ne ressente pas les différences des dimensions des plaques. A l’in térieur, on retrouve les poutres monumentales dimensionnées par l’archi tecte, des parois en pavés de verres et des parois en enduis. Au centre du projet, on retrouve un atrium en double hauteur et dont la matérialité au sol vient créer une continuité avec l’extérieur du projet. Dans ce projet, le rythme est partout, dans le traitement des ouver tures, dans l’organisation de la structure, mais plus particulièrement au niveau de la façade principale. Le rythme de cette façade est un rythme simple, répété sur 4 niveaux. Ce rythme est mis en contraste avec la partie pleine sur la droite de la façade. Nous pouvons donc compter 6 pulsations du rythme, espacées régulièrement. Dans ce projet, le rythme produit un espace habitable et habité.

21 II.

Le projet de la Casa del Fascio est le lieu de la représentation de l’administration communale du régime fasciste. Cette « maison » a été construite par l’architecte italien Guiseppe Terragni entre ses 25 et ses 30 ans. La Casa del Fascio a été publiée dans une revue d’architecture d’avantgarde en 1936 comme un exemple d’architecture moderne pouvant être re produite n’importe où. Ce projet se présente comme un cube couvert de marbre blanc et s’inscrit dans une relation entre un monument historique (une cathédrale) et le paysage des montagnes de Côme en arrière-plan.

22 A. | Elévation principale - intégrale B. | Elévation principale - Première épaisseur C. | Elévation principale - Seconde épaisseur D. | Elévation principale - Troisième épaisseur Rythme de transmission Le rythme provoqué par les balcons répétés de façon verticale et horizontale peut être rap porté au rythme de transmission du tableau de LeM.la.Guinzbourg.rythmefonctionne donc dans les deux sens, à la fois par des pulsions verticales mais elles sont également reliées par les dalles (ho rizontales).

23 D.C.B.A. Plan du Rez-de-chaussée | 1.500 Plan masse | 1.2500 Plan structurel | 1.500

24 Figure 10 Figure 11 Figure 12

5. De Re Aedificatoria (l’art d’édifier) Alberti, rédigé en 1450, publié en 1485 Gymnase de Losone, Livio Vachini, Losonne, Suisse, 1990-1997 Ce projet est un gymnase conçu par l’architecte suisse Livio Vacchini (1933-2007) à Losone, dans le Tessin. Le projet est radical et se compose en deux entités : une dalle immense (1.40 m d’épaisseur) et un poteau répété et placé au périmètre du bâtiment. Influencé par l’architecture de Louis Kahn, Alberti et du Parthénon à Athènes, Livio Vacchini affirme que la co lonne est l’organe porteur du mur : « Le mur est ouvert à la lumière pour donner naissance à la colonnade ».

Cette œuvre exprime le résultat d’une obsession de l’architecte : la recherche de l’unité, d’un ensemble où aucun élément ne peut être ajouté, retiré, ni modifié. De l’extérieur, le bâtiment apparaît comme un élément unique, un bloc monolithique, presque inaccessible. L’unité du bâtiment est conservée quelle que soit la vision que l’on a de ce « mur-colonnade ». En effet, cet alignement de pleins et de vides en relief est identique sur les quatre façades et se retourne en créant une continuité. On remarque par ailleurs que les quatre façades sont tellement intouchables que L.Vacchini a fait le choix de placer l’entrée du gymnase en sous-sol afin que les façades soient imperturbables.Leprojetquestionne sur l’espacement entre les colonnes. Ces der nières mettent en avant la structure du projet, mais elles sont beaucoup plus nombreuses que nécessaire. Elles ont été placées à 70 cm les unes des autres afin de ne pas nécessiter de linteau. A l’intérieur, l’enveloppe struc turelle apparaît plutôt comme un bloc transparent, rythmant des points de vue sur le paysage extérieur et laissant entrer la lumière de manière caden cée. Au regard des règles classiques établies par Alberti, les colonnes rectangulaires de L.Vacchini ne correspondent pas à sa définition de la co lonnade, mais plutôt à celle du mur percé. Alberti disait : « Une rangée de colonnes n’est rien d’autre qu’un mur percé et ouvert en de nombreux endroits »5. Ce projet de Livio Vacchini suit également les règles du rythme régu lier, tout comme la Casa del Fascio. Pour autant, le résultat est tout autre. Ici, le vide laissé entre chaque poteau n’est pas habitable, le rythme est très dense et n’est pas perturbé par des dalles horizontales. Cette multiplicité des pulsations rythmiques lui donne un aspect beaucoup plus dynamique.

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26 Coupe transversale | 1.500 Elévation Est | 1.500 Rythme simple Le rythme provoqué par la répétition régulière des colonnes peut être rapporté au rythme simple du tableau de M.la.Guinzbourg.

27 Plan du rez-de-chaussée | 1.500 Plan masse | 1.5000

28 Figure 13 Figure 14

Climat de France, Fernand Pouillon, Alger, Algérie, 1957 Fernand Pouillon fut contacté au début des années 50 par le maire d’Alger, Jacques Chevallier pour concevoir trois ensembles de logements pour la ville. L’objectif du maire était de reloger les populations qui s’en tassaient dans les bidonvilles, face à un peuple de plus en plus hostile. Le projet Climat de France fut l’un des trois ensembles commandés. Bien que construit dans une économie de moyens, le projet est principalement en pierre massive, ce qui lui confère une haute qualité urbaine. F.Pouillon a conçu ce projet comme une ville dans la ville, s’organisant autour d’une place rectangulaire de 233 x 38 mètres de long. L’architecte a particulièrement travaillé le placement des ouvertures et la typologie des logements. Ces ouvertures étaient proportionnelles avec la taille des loge ments, mais l’immensité de la cour donnait une sensation de démesure et de décalage entre l’échelle des ouvertures et celle de la place. F.Pouillon a donc choisi de rythmer la place par une seconde peau constituée de colonnes de 1 x 1 x 9 mètres lui offrant un aspect monumental. Ces colonnes délimitent la coursive bordant la place et abritant des boutiques. La place fut rapidement renommée « la place aux deux cents colonnes ». Cette monumentalité of ferte au projet par sa matérialité, sa grande place et ses colonnes imposantes permet en réalité de masquer la densité réelle des logements en périphérie. Nous pouvons également remarquer le rythme plus irrégulier des percements des ouvertures en partie extérieure du projet. Elles sont inspi rées de motifs que F.Pouillon a pu découvrir lors de ses voyages. De plus, le positionnement de ces ouvertures et leur rapport les unes entre les autres traduit également de l’organisation interne du grand ensemble. Dans ce projet, encore une fois, nous pouvons parler de rythme simple des colonnes. La mise en œuvre rythme est à mi-chemin entre celle de la Casa del Fascio et celle du gymnase de Losone. Les colonnades dé limitent l’intérieur et l’extérieur tout en étant une surface poreuse, qu’il est possible de traverser, mais pas d’habiter. La sensation rythmique est renforcée à la fois par la position de l’usager qui se trouve encerclé par une colonnade, mais également par la distance sur laquelle elles se répètent.

Une telle répétition de colonnes aurait pu provoquer une perte de sensa tion rythmique si la colonnade n’avait été que sur une ou deux faces de la cour. Le fait que la colonnade se répète sur les quatre faces de la cour per met de la tenir et de renforcer l’unité provoquée par cette dernière.

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30 Elévation partielle | 1.500 Coupe transversalle | 1.2000 Rythme simple Le rythme provoqué par la répétition régulière des colonnes peut être rapporté au rythme simple du tableau de M.la.Guinzbourg.

31 Plan masse | 1.2500 Plan d’étage courant | 1.2000

32 Figure 15 Figure 16 Figure 17

Plaza Redonda, Valence, Espagne

La place Redonda se situe à Valence, en Espagne dans le centre géo graphique et historique de la ville. Elle a été plusieurs fois été rebaptisée avant d’être officiellement nommé la Plaza Redonda (place ronde) mais les la nomment également « El Clot » (le trou). La place, comme son nom l’indique, prend la forme d’un rond de 37 mètres de diamètre, cerné d’un immeuble de logements et de commerces (R+3). Au rez-de-chaussée, on y trouve de nombreux commerces d’articles à usage domestique (mercerie, céramique, …). On retrouve également une fontaine marquant le centre de la place depuis 1850. L’accès à la place s’effectue par 4 porches passant sous les logements, de la même manière que la place Mayor à Madrid. Rénovée en 2012, la façade circulaire a retrouvé son aspect d’ori gine. La forme et la taille de la place lui donnent un aspect de patio plutôt qu’une place publique. On retrouve le contraste entre l’aspect désorganisé de la ville et la forme pure de la place qui s’insère dans ce désordre urbain. De plus, la rondeur de la place renforce cette sensation d’unité et de régu larité par le fait qu’il n’y ait qu’une seule façade continue, on a l’impression que cette dernière n’a ni début, ni fin, c’est un élément unique et uni par sa forme.

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valenciens

La Place Redonda est dessinée suivant des pulsations rythmiques régulières. Les ouvertures de chaque étage s’ordonnent sur le même axe de symétrie. Ces fenêtres ne font pas toute la même hauteur, mais elles for ment une continuité par leur alignement vertical. Nous pouvons considérer que cette place suit un rythme complémentaire vertical. M.la.Guinzbourg parle du rythme complémentaire en prenant l’exemple de la colonne. Le rythme provoqué une colonnade peut se lire en deux temps : d’abord par la répétition des colonnes à intervalles régulières, mais aussi lorsqu’on attarde notre regard sur une colonne. Dans ce cas, nous verrons tous les éléments qui la composent (fût, cannelures, …). C’est donc un rythme complémentaire puisque chaque élément de la colonne est complémentaire à la lecture du rythme. Il en va de même pour la lecture de la place Redonda, chaque ouverture peut être lue individuellement, mais on peut également les lire par ensemble d’ouvertures disposées sur le même axe vertical. En ce sens, le rythme complémentaire est un rythme complexe enrichi par les sous-éléments formant les éléments de répétition.

34 Elévation de la façade "dépliée" | 1.500 Elévation de la façade "dépliée" | 1.1000 Rythme complémentaire Le rythme provoqué par l’alignement des ou vertures peut être rapporté au rythme complé mentaire du tableau de M.la.Guinzbourg. C’est la répétition horizontale de plusieurs éléments alignés sur un axe vertical, et dispo sés de façon régulière qui crée cette sensation rythmique.

35 Plan de la place | 1.1000

36 Figure 18 Figure 19

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Rythme irrégulier :

37 B |

Les projets que nous étudier traitent désormais de la question du rythme irrégulier. Pour autant, la notion d’aléatoire n’existe pas réellement en architecture. Dès lors que l’architecte dessine un projet, il effectue un choix de positionnement des éléments les uns entre les autres. Nous allons donc voir quelles étaient les intentions des architectes dans la composition d’éléments suivant un rythme irrégulier.

Brauen Walchli, Union-interparlementaire, Genève, 2002 Ce projet est une extension de la Villa Gardiol (maison de maître de 1908) qui accueille le nouveau siège pour l’Union Interparlementaire à Genève. Il a été conçu par l’agence lausannoise Brauen Walchli Architectes qui a reçu la distinction romande d’architecture I en 2006 pour ce projet.

L’extension comprend des salles de conférences, des bureaux et des foyers. Elle s’adosse au projet existant tout en se plaçant tel un soubassement, profitant de la déclivité du terrain. Le parti des architectes était de respecter l’intégrité du bâtiment originel. Lorsqu’on regarde ce projet de biais, on peut avoir l’impression qu’il est assez massif. En réalité, le projet s’ouvre sur le jardin avec une grande transparence rythmée par les lames de béton.L’espacement de ces lames correspond au nombre pi (π). Elle a été composée par l’artiste-scénographe Daniel Schlaepfer qui a été mandaté par l’agence pour imaginer une composition de façade en répétant un élé ment de base : les lames de béton. On remarque un contraste entre la fa çade néo-baroque et les lames espacées de façon irrégulière. Lorsqu’on s’at tarde sur l’élévation principale du projet, on remarque la différence entre les tracés régulateurs de la façade de la Villa et la dissonance du rythme des lames. Leur effet aléatoire s’ajoute et s’accorde au rythme des arbres du parc. En effet, le rythme irrégulier évoque une dimension plus naturelle et organique des choses. Les arbres d’une forêt sont aussi un exemple de rythmeIci,aléatoire.l’irrégularité et l’effet aléatoire sont en réalité guidés par un ordre numérique. D.Schlaepfer à déterminé un espacement de base corres pondant à une unité. Il a ensuite multiplié cet espacement-type en fonction des chiffres de la valeur π. Cette irrégularité traduit la volonté de se déta cher du projet afin d’une part, ne pas venir en concurrence ou en imitation de la Villa, et d’autre part de se forger une identité propre, différente mais s’accordant tout de même avec l’existant.

38 Elévation principale | 1.500 Coupe AA’ | 1.500 Rythme complexe Le rythme des lames de béton peut être rap porté au rythme complexe du tableau de M.la. NousGuinzbourg.pourrions également le qualifier de rythme numérique puisqu’il correspond à une transcription du chiffre π.

39 Plan masse | 1.1000 Plan de l’étage courant | 1.500

40 Figure 20 Figure 21

Le rythme créé par cette façade est le résultat de dizaines d’essais en dessin et en maquettes. R. Moneo souhaitait trouver le rythme le plus harmonieux possible pour la façade et par rapport au reste de la place. Il a donc d’abord déterminé quelques éléments de base comme le placement du balcon, l’accès au projet et la hauteur des dalles. Ensuite, il a fait varier l’espacement des poteaux jusqu’à parvenir à un rythme à la fois dynamique et harmonieux.

Dans ce cas, R.Moneo joue avec ces poteaux pour animer la façade, il lui donne un caractère unique. En effet, le poteau comme élément principal d’organisation de la façade est cohérent avec le programme de mairie, il fait référence à une architecture noble. Ce décalage modernise toutefois l’aspect de la mairie tout en s’accordant avec le reste de la place.

Ce projet est l’annexe de l’hôtel de ville de Murcia en Espagne, des siné par l’architecte Raphael Moneo, reconnu par le Prix Pritzker en 1996.

La mairie se situe sur la place Belluga, face à la Cathédrale de Murcia. Suite à une démolition, l’objectif était de combler le vide laissé en redonnant à la place une identité et un ordre. R.Moneo a donc choisi d’orienter son projet en direction de la Cathédrale. Ainsi les deux bâtiments remarquables se font face sans se faire concurrence, ils sont liés par le pavage en basalte au niveau de la place. L’architecte a par ailleurs légèrement surélevé la façade frontale afin qu’elle soit dimensionnée de façon proportionnelle à la cathédrale deLaMurcia.mairie est composée d’une structure de pilastres de grès verti caux disposés de façon aléatoire et tenus entre des dalles horizontales. On n’accède pas à la mairie de façon frontale, mais par des escaliers sur le côté qui donnent sur une cour en contre-bas de la place. Ce mode d’accès ré pond d’abord à une particularité du terrain mais également à une volonté de ne pas perturber l’agencement de la façade. Cette dernière est très opa que aux niveaux inférieurs, puis elle devient tout à fait poreuse aux niveaux supérieurs avec l’agencement des poteaux organisés comme une partition musicale ou un ordre numérique. Une ouverture est particulièrement plus grande que les autres. Elle correspond au balcon de la galerie dont la hau teur est la même que celle de l’étage noble du Palais Belluga. Elle offre par ailleurs un point de vue et un cadrage sur la cathédrale de Murcia. Ce projet est surprenant puisque le poteau est un élément porteur qui s’organise généralement en suivant une logique de descente de charges.

Mairie du Murcia, Rafael Moneo, Espagne, 1998

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42 Elévation principale | 1.500 Coupe transversalle | 1.1000 Rythme complexe Le rythme des colonnes peut être rapporté au rythme complexe du tableau de M.la.Guinz Nousbourg. pourrions également le qualifier de rythme aléatoire puisqu’il correspond au ré sultat de multiples essais en maquette.

43 Plan masse | 1.2000 Plan du R+3 | 1.500

44 Figure 22 Figure 23 Figure 24

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45 6. L’œuvre dure environ 8 minutes et a été conçue en 1954. Couvent Sainte-Marie de la Tourette, Le Corbusier, 1961

Le couvent se situe aux alentours de Lyon, il a été commandé en 1953 par les frères dominicains à Le Corbusier, dans une volonté de lier l’Eglise et l’art moderne. Le couvent a été conçu pour devenir le centre de formation des dominicains et répond donc à un programme très particu lier. Le Corbusier devait concevoir ces lieux en suivant une grande sobriété et avec peu de moyens. Dans ce projet, il n’y a rien de superflu afin de libé rer l’esprit pour une entière consécration à l’étude et la méditation.

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L’espace est séparé entre vie intellectuelle (bibliothèque), vie com munautaire (réfectoire) et vie individuelle (cellules). Le Couvent répond évidemment aux 5 points de l’architecture avec ses pilotis, les fenêtres ho rizontales, le toit terrasse, le plan libre et la façade libre ainsi qu’en fonction du Modulor.LeCorbusier va dessiner la forme et l’idée générale du projet qu’il confiera ensuite à Iannis Xenakis : compositeur d’avant-garde franco-grec, théoricien de la musique, architecte, metteur en scène et ingénieur. Ce der nier va pouvoir intégrer au couvent son style personnel. Etant également compositeur, il souhaitait créer un lien entre l’architecture et la musique. Il va donc imaginer pour les pans de verres ondulatoires un système d’es pacement des meneaux en fonction de l’une de ses œuvres : Metastasis6. Cette œuvre musicale nécessite un orchestre de 61 musiciens jouant une partition individuelle. L’objectif est de créer des masses sonores par groupe d’instrument. I.Xénakis comparait ce principe au bruit des tirs lors de la Guerre. Chaque soldat tirait à des moments différents, mais le son pro voqué par l’accumulation de tous ces tirs semble être toujours le même, puisqu’il est provoqué par une multitude de sons variant en fonction tirs des soldats.Dans le Couvent de la Tourette, le rythme varie en fonction de la mu sique, les vitres sont plus ou moins espacées, mais sont toutes séparées par le même élément rythmique, à l’image de l’œuvre Metastasis où les mêmes instruments jouent des partitions différentes. Les pans de verres ondula toires créent une sensation de vibration par leur compression ou leur dila tation. Ces derniers apportent une réelle dynamique au projet, que ce soit de l’extérieur ou bien à l’intérieur du couvent, avec la lumière projetée sur les murs et les sols de béton. Le projet du Couvent de la Tourette est la tra duction architecturale d’une œuvre musicale pour un programme spirituel.

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46 Rythme complexe Le rythme des meneaux peut être rapporté au rythme complexe du tableau de M.la.Guinz Nousbourg. pourrions également le qualifier de rythme musical puisqu’il correspond à la trans cription d’une oeuvre musicale.

47 Plan du R+3 | 1.500 Plan masse | 1.5000

48 Elévation actuelle Elévation modifiée, avec un rythme régulier

Manipulations et expérimentations

A | Du rythme irrégulier au rythme régulier Couvent de la Tourette, Le Corbusier La première manipulation porte sur l’élévation principale du Cou vent de la Tourette. Comme nous l’avons décrit plus tôt, les pans de verres ondulatoires répondent à un ordre musical où la distance entre chaque me neau varie. On remarque que le travail de composition a été exécuté sur les quatre étages. Ainsi, le rythme est présent à la fois dans une lecture horizontale, mais également de façon verticale (d’étage en étage). De cette manière, la sensation rythmique est amplifiée, on ressent la notion de pul sation et de vibration en fonction de la compression ou de la dilatation de l’espacement entre les meneaux. Cette vibration dans la composition des pans de verre met également en avant les dalles entre les étages.

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Afin de comparer et de comprendre l’influence du rythme dans les projets que nous avons étudié précédemment, un travail de manipulations s’impose. Ces dernières nous permettent de visualiser l’importance et la pertinence des rythmes qui sont mis en oeuvre à travers différentes éléva tions de projets.

49 III.

Afin de comparer le rythme musical et le rythme régulier, j’ai retra vaillé la façade aux pans de verre ondulatoires du couvent. J’ai aligné les meneaux à la trame des ouvertures des cellules des dominicains. La façade ainsi retracée prend une toute autre dimension, le bâtiment semble beau coup plus strict et figé dans l’espace. Le projet perd totalement son carac tère si particulier. L’image d’un couvent ne correspond plus du tout à cette nouvelle façade qui laisserait plutôt penser à un bâtiment industriel. La mise en opposition de ces deux élévations permet d’amplifier la sensation de rythme musical provoquée par la façade originale. En les re gardant tour à tour, on pourrait presque entendre vibrer la façade origi nale. Cette manipulation m’aura permis de me rendre compte de la justesse de composition dans le travail de I.Xénakis. Le rythme qu’il aura dessiné et mis en œuvre permet à la fois de donner une dynamique au projet, mais également de lui donner une apparence qui lui est propre, pour un pro gramme tel qu’un couvent.

50 Elévation actuelle Elévation modifiée, avec un rythme régulier

51

Mairie de Murcia, Raphael Moneo Pour cette seconde manipulation, j’ai travaillé de la même manière que pour la première, en prenant cette fois-ci pour référence la Mairie de Murcia. J’ai redonné un ordre régulier à la façade d’origine, dessinée selon un rythme aléatoire. L’élévation redessinée suit une trame régulière de 8 poteaux, comme au niveau R+3 de la façade originale. Pour aller jusqu’au bout, les ouvertures aux niveaux inférieurs sont également alignées aux po teaux des étages supérieurs. Ici aussi, le bâtiment perd de son caractère et ressemble plutôt à la façade d’un immeuble de bureaux qu’à une mairie. On remarque également une perte de densité au niveau de la façade. L’élévation originale contient une réelle épaisseur visuelle, une densité au niveau des poteaux qui ne sont pas le même nombre en fonction des étages. Tandis que dans la façade ordonnée, la structure semble beaucoup moins épaisse et beaucoup plus fragile à cause de son alignement, elle parait beaucoup plus poreuse. Ainsi redessinée, la Mairie de Murcia a perdu son identité si particulière.

52 Elévation modifiée, avec un rythme irrégulier Elévation actuelle

53 B |

Du rythme régulier au rythme irrégulier Climat de France, Fernand Pouillon

La manipulation de ce projet porte sur la colonnade se trouvant en périphérie de la place des 200 colonnes, du projet de F.Pouillon. Nous re trouvons ci-contre une élévation partielle (étant donné l’immensité de la place) de la seconde peau aux colonnes disposées de façon régulière. Cette régularité donne un ordre, une équivalence à l’ensemble puisque chaque colonne à la même valeur qu’une autre. Ces dernières offrent également la sensation d’un projet massif et intemporel.

La seconde élévation a été redessinée en suivant une trame irrégu lière. Pour autant, le travail n’a pas été effectué au hasard, mais en suivant la même trame que celle du projet de Brauen Walchli Architectes, c’est-àdire en suivant le rythme du chiffre Pi. Le projet est donc passé d’un rythme régulier à un rythme numérique. Les colonnes répondent généralement à une loi de descentes de charges venant influencer leur placement dans l’ensemble du projet. Ce changement de rythme provoque dans la seconde élévation une sensation de désordre. La colonnade semble beaucoup plus poreuse. Si nous avions projeté l’ordre du rythme selon le chiffre pi sur l’ensemble des 4 faces de la place, nous pouvons facilement imaginer la sensation de chaos provoqué par un désordre d’une telle ampleur et se répétant sur chaque face de la place.

54 Elévation originale - premier plan Elévation originale - vue complète Elévation modifiée - premier plan Elévation modifiée - vue complète AVEC OUVERTURESSANS OUVERTURES 1.500 - B5 AVEC OUVERTURESSANS OUVERTURES 1.500 - B5

1.1 1a a

ab b bbbbbb ddd ccc 1bb 12 x 1.1aa 1a a a ab b bbbbbb ddd ccc 1bb 12 x aa

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Nous pouvons observer la sensation de chaos et de désordre pro voquée par ce changement de rythme. Lorsque nous observons l’élévation originale, notre oeil visualise le projet dans son ensemble très rapidement.

Le second type de représentation correspond cette fois à la façade dans son entièreté, avec le travail de composition des ouvertures visibles en arrière -plan. Ici, le rythme de transmission (régulier) a été modifié afin de suivre le rythme du projet de Raphael Moneo, étudié plus tôt. A la manière de Moneo, les ouvertures varient et les poteaux de Terragni suivent le place ment des colonnes de Moneo, étage par étage.

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Cette dernière manipulation traite de la façade principale de la Casa del Fascio de G.Terragni. Cette dernière a été représentée de deux manières différentes : la première correspond à l’élévation dans ses grandes lignes fondatrices, c’est-à-dire en visualisant la façade sans profondeur de vue.

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Casa del Fascio, Guiseppe Terragni

Tandis que lorsque nous observons l’élévation redessinée selon le rythme de Moneo, notre oeil parcours les poteaux du projet un à un, la lecture se fait beaucoup plus difficilement. Cette remarque se confirme davantage lorsque nous regardons les versions dessinées avec les ouvertures en ar rière plan. Pour ce second type de représentation ("élévation modifiée - vue complète"), l’élévation redessinée nous semble encore plus chaotique et dé sordonnée que la version ne montrant que le premier plan. En effet, lorsque Terragni a dessiné son projet sur un ordre régulier, il a pu travailler sur plusieurs épaisseurs suivant une trame qui se duplique. Ainsi, chaque élément répété de façon régulière permet de travailler en plu sieurs épaisseurs. a

56 Bastia, au 18ème siècle Bastia, au 19ème siècle Bastia, au 21ème siècle

57 IV. Projection sur Bastia Cette année, le site sur lequel notre master travaillera se situe en Corse, plus précisémment dans la ville de Bastia. A partir de là, il nous faut choisir un site précis d’intervention, en fonction de nos intentions de pro jet, mis à l’étude à travers ce mémoire.

Le développement historique de la ville La ville de Bastia se situe au Nord de la Corse, entre le relief monta gneux du Cap Corse et le bord de la mer Méditerranée. Elle est le résultat de multiples transformations, à mi-chemin entre culture française et ita lienne. Elle est organisée à la fois par son évolution historique, mais également par rapport à l’important relief montagneux.

A l’origine, la ville de Bastia a été édifiée par un gouverneur génois qui a fait construire le fort de la citadelle, surplombant le vieux port. Cette position fut choisie pour sa situation stratégique. Elle permet de se dé fendre en cas d’attaque avec la citadelle construite en hauteur, mais elle offre aussi la possibilité de développer le commerce avec le port situé au pied des remparts. Grâce aux échanges commerciaux, la ville a pu prospé rer et s’est développée autour du port qui est aujourd’hui le «vieux port».

La citadelle et le vieux port forment ainsi le centre historique de la ville.

Entre le 18ème et le 19ème siècle, la ville s’est largement étendue avec le développement du commerce et du tourisme. Elle s’est construite sur une trame orthogonale suivant un axe Nord-sud, tandis que la ville historique s’était développée en fonction du relief montagneux. On remarque donc un contraste entre les deux morphologies urbaines. Cette période fut aussi le moment où le port commercial fut construit afin de multiplier les échanges commerciaux et touristiques. Ce dernier a permis à la ville de s’ouvrir sur la Mer DuMéditerranée.19èmesiècle à nos jours, la ville de Bastia s’est encore plus déve loppée et étendue. On remarque une multitude de pavillons résidentiels construits sur les hauteurs de la ville. Cette position leur offre une proxi mité avec le centre-ville tout en conservant une vue dégagée surplombant la mer. De plus, la ville a fait construire un nouveau port de plaisance plus au Nord : le port de Toga, dont le nom est tiré de la plage qui était là où il a été construit. La ville de Bastia abrite donc trois ports : le vieux port, le port commercial et le port de Toga. L’évolution de la ville est donc la résultante d’une contrainte géographique et d’une volonté de s’ouvrir par la mer.

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58 1. 2. 1.5000

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Le Place Saint-Nicolas répond à tous ces critères, mais pour aller plus loin dans la mise en oeuvre du rythme, il est plus intéressant d’interve nir sur un site qui soit plutôt désordonné et où le rythme puisse intervenir comme un principe salvateur. L’objectif étant de retrouver une unité dans le désordre, il fallait un site qui réunisse à la fois un désordre existant, mais également une typologie permettant de travailler un espace tenu et claire ment identifiable.Ainsi,lesite du vieux port est apparu comme le site idéal. Ce der nier se situe à mi-chemin entre la typologie urbaine de la citadelle, plutôt fragmentée et en désordre et la typologie de la ville nouvelle, tramée et or donnée. Un travail sur le rythme pourrait permettre de venir créer du lien et une cohérence d’ensemble à la ville. De plus, la forme en fer-à-cheval du port permet d’avoir des limites précises sur la zone où intervenir. Le vieux port est l’un des principaux points touristiques de Bastia, on y retrouve de nombreux commerces et restaurants. L’architecture est typique de la ville, avec de nombreux édifices colorés, assez hauts et aux ruelles étroites. Pour autant, on remarque que certaines façades autour du port viennent dénoter ce panorama puisqu’elles sont partiellement dé truites et semblent être laissées à l’abandon. De plus, deux espaces sont dédiés au stationnement et viennent également impacter le rapport entre la ville et le port. Enfin, nous pouvons évoquer la disparité des hauteurs des bâtiments qui vont du RDC au R+6. Ces différences provoquent un manque de cohérence du bâti. Cette problématique est particulièrement remar quable lorsqu’on compare la façon dont les angles du port sont fermés. L’angle Sud du vieux port est fermé par un immeuble à patio (2) en R+5 qui vient tenir et déterminer la limite Sud du port. Au-delà de cette limite, un jardin (le Giardinu Romieu) vient s’ouvrir vers la mer. Au contraire, l’angle Nord du vieux port (1) est constitué d’une maison de plein pied et d’un ensemble d’habitations mal entretenues. Cet espace manque de cohérence, les façades, les hauteurs et typologies sont irrégulières et contrastent avec l’espace Sud du port. Il y a donc une certaine dualité entre les deux rives du port qui lui provoquent un désordre visuel et formel.

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Le choix d’un site pertinent Le rythme étant principalement perceptible en élévation, le choix du site a alors été motivé par la nécessité de travailler sur un espace relative ment dégagé. Cette volonté répond au besoin d’offrir le recul nécessaire à la perception du rythme dans son ensemble, mais également de se servir de l’espace dégagé pour profiter de la vue sur la Mer Méditerranée.

60 1. 2. Figure 25

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On remarque donc une opposition, une dualité entre l’espace Sud et l’espace Nord du Port. Les façades sont disparates et manquent de co hérence, d’un ordre commun offrant une sensation d’unité. Pour autant, le vieux port est un espace avec beaucoup de potentiel. D’une part grâce à sa proximité et sa vue sur la mer et les bateaux qui animent le lieu par leurs allées et venues. D’une autre part, grâce à la typologie du port en fer-àcheval. Cette morphologie peut permettre au rythme d’intervenir comme solution pour unifier le port d’une rive à l’autre, mais aussi plus largement comme solution pour unifier l’espace Nord et l’espace Sud de la ville de Bastia.On remarque également un désordre à plus petite échelle, provoqué par les devantures des restaurants du port. Ces dernières sont disparates et semblent presque "bricolées". Elles viennent former des excroissances irrégulières aux façades bastiaises qui sont généralement plutôt hautes, étroites, colorées et complètement droites et rectilignes jusqu’au RDC. Ces terrasses impactent l’architecture typique de Bastia ainsi que l’espace pu blic du vieux port. Pour la suite du semestre, j’envisage deux scénarios. Le premier se rait un travail sur la requalification de l’angle Nord du port afin de créer une situation plus cohérente avec l’ensemble du vieux port. Le second scénario correspondrait à un travail à plus large échelle, sur le traitement du port dans son entièreté. L’objectif serait de redonner une cohérence d’ensemble au port en travaillant à la fois les façades, mais également l’espace public, en requalifiant également la place de la voiture sur le port historique.

61

Le vieux port, un potentiel à exploiter

Pour autant, cette étude est purement théorique et est basée sur des recherches et des images numériques. Tout projet d’architecture débute par une visite de site afin d’arpenter l’espace, de pouvoir mieux le com prendre, le visiter plus en détail et plus librement. Ces scénarios sont donc encore au stade d’intentions et seront confirmés ou modifiés suite à la visite du site que nous effectuerons en février 2022.

1.2500

63 1. Espace Sud du vieu port 2. Espace Nord du vieux port Figure 26 Figure 27

Enfin, le rythme régulier permet également d’être traité selon plu sieurs épaisseurs comme dans le projet de G.Terragni où l’épaisseur des balcons et celle des ouvertures sont dessinées selon une hiérarchie com mune. D’abord, nous avons les poteaux et les dalles qui se répètent au pre mier plan et ensuite nous avons les ouvertures, plus petites et dessinées toujours de la même manière qui viennent se placer au second plan. Ce mode de composition en plusieurs couches n’est possible que si le rythme établi est régulier.

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Conclusion Chacune des manipulations que nous avons effectuées nous a permis de tirer des conclusions sur les apports du traitement du rythme régulier et irrégulier en architecture. D’abord, nous avons remarqué qu’à chaque fois que nous avons modifié le rythme d’un de ces projet-référence, alors les façades de ces bâtiments ont perdu leur caractère et leur justesse de trai tement. L’objectif n’était pas de modifier leur rythme dans une recherche formelle, mais plutôt une volonté de tirer des conclusions de ces modifica tions. Il n’y a pas de bon ou de mauvais rythme. Lors de nos manipulations, nous avons changé le rythme régulier pour un rythme irrégulier et inverse ment et nous avons remarqué qu’à chaque fois, les projets ainsi redessinés devenaient beaucoup moins intéressants. De ce fait, nous pouvons d’abord affirmer qu’il n’y a pas une juste façon de mettre en oeuvre le rythme. Le rythme régulier et le rythme irrégulier sont deux notions qui ont chacune leurs conséquences dans le projet. Ce sont deux principes opposés, mais pas nécessairement en opposition, ni en concurrence. Nous remarquons que le rythme régulier permet de donner une cohérence d’ensemble au projet, comme dans le gymnase de L.Vacchini. Les colonnes créent une unité et une équivalence des façades puisque le rythme est traité de la même manière sur les quatre faces. Le rythme ré gulier permet également de donner une sensation de monumentalité à l’espace comme dans la cour des deux cents colonnes de F.Pouillon par exemple. Cette colonnade apparaît comme une seconde peau et vient faire le lien entre le désordre des ouvertures des logements et le trop grand vide de la cour. Le rythme régulier permet donc de faire le lien entre l’ordre et le désordre afin de créer une cohérence d’ensemble.

Le rythme irrégulier permet plutôt de donner un caractère, une iden tité propre au projet. Un rythme irrégulier se remarque dans un ensemble d’édifices, mais ne s’oppose pas forcément à son environnement construit. Nous pourrions affirmer que le rythme irrégulier est plutôt un thème qui se traite pour lui-même plutôt que dans une vision d’ensemble. Pour autant, tout projet d’architecture prend en compte son environnement.

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Au moment de mettre en relation les représentations schématiques du rythme établies par M.la.Guinzbourg et le rythme de notre corpus de références, nous avons pu remarquer que le rythme régulier correspondait assez facilement à ces schémas. Par contre, nos références de rythme irré gulier correspondaient toutes au « rythme complexe » évoqué par Guinz bourg. Il apparaît alors évident qu’il est très difficile de schématiser le rythme irrégulier, justement par ce que ce dernier ne répond pas à des lois simples. Nous avons pu, par contre, comprendre que le rythme irrégulier répond au résultat de plusieurs essais ou à la transcription d’un phénomène rythmique tel qu’une musique ou une suite mathématique. Le rythme irré gulier existe donc plutôt pour lui-même et chaque cas de figure est particu lier. De cette manière, il n’était pas possible de réduire chaque projet à un schéma puisqu’ils n’existent que si on les regarde dans leur entièreté.

Lors des manipulations, nous avons également pu remarquer qu’en changeant uniquement le rythme du projet, nous avions une perception du programme à l’intérieur de ce dernier tout à fait différente. Le rythme permet donc dans une certaine mesure de donner une première impression sur la vocation du bâtiment.

Si le mode de composition s’effectue sur plusieurs épaisseurs et est traité selon un rythme irrégulier, alors il y aura une perte de sens com mun et le rythme irrégulier deviendra le désordre, ce qui n’est pas souhai table. En effet, la limite entre le désordre et le rythme irrégulier est plus fine qu’avec le rythme régulier. Ainsi, le rythme irrégulier se traite plutôt sur une seule épaisseur, comme dans les trois références que nous avons étudiées, il est souvent mis en oeuvre dans l’élévation principale du projet.

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Le travail de mémoire portait essentiellement sur l’analyse du rythme en élévations. En effet, c’est là qu’il est le plus remarquable et évo cateur. Pour autant, il ne faut pas laisser de côté l’importance du travail de composition en plan. La composition d’un rythme, qu’il soit régulier ou irrégulier influence forcément le plan du projet. Il est aussi intéressant de pouvoir arpenter la mise en oeuvre du rythme en plan. Pour cela, j’envi sage de mettre en relation le rythme perceptible en élévation avec le rythme perceptible en plan dans mon travail de Projet de Fin d’Etudes, sur le site de Bastia. De plus, le site du vieux port se prête tout particulièrement à ce genre d’intervention.

Enfin, que ce soit pour le traitement du rythme régulier ou irrégulier, nous pouvons remarquer qu’il est assez difficile de déterminer un début ou une fin précis. Un rythme qui s’étendrait sur une trop longue distance pourrait perdre sa sensation rythmique et n’être perçu uniquement comme un ensemble. Il faut alors intervenir avec des limites précises concernant l’étendue du rythme. Dans nos références, le rythme apparaît soit sur une façade principale, de sorte à ce que cette façade prenne une position parti culière, soit sur les 4 façades du projet ou d’une cour intérieure. Ainsi po sitionnée dans une figure géométrique fermée, la sensation rythmique est décuplée et forme une boucle qui se répète à l’infini et qui crée une réelle sensation d’unité dans le projet.

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Dans de nombreuses références que nous avons étudiées, la com position du rythme régulier était produite par les architectes en charge du projet. Par contre, pour les projets au rythme irrégulier, nous pouvons re marquer que souvent, des artistes interviennent et participent au travail de composition. Un rythme irrégulier est plus difficile à composer et à justi fier, il requiers plus d’essais en plan, en élévations et en maquettes. Il offre également des qualités spatiales et visuelles très intéressantes.

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68 Références annexes Sverre Fehn | Pavillon Nordique, 1962 Plaza Mayor | Madrid, Espagne Le Corbusier | Palais des Filateurs, 1954 Place du Vatican | Rome, Italie Figure 28 Figure 29 Figure 30 Figure 31

69 Viaduc des arts | Paris, 12ème Daniel Buren | Missing Squares, 1993 Temple de Dianne de Sanchez | J.M Sanchez Garcia, 2011 Daniel Buren | Les colonnes de Buren, Paris Figure 32 Figure 33 Figure 34 Figure 35

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• De la forme au lieu + de la techtonique, Pierre Von Miess, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2012 ISBN : 978-2-88074-946-0

• Wikipedia, Encyclopédie universelle collaborative, URL : fr.wikipedia.org.

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• Divisare, Atlas of Architecture, URL : divisare.com

Bibliographie, webographie

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La figure comme dispositif architectural, Chapuis Dominique, Mé moire de recherche, 161 p, ENSAG, 2005

• Guiseppe Terragni : l’invention de l’espace, Sophie Paviol, publié par Infolio, 191p, 2006 ISBN : 2-88474-552-1

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• Wikiarchitectura, Encyclopédie d’architecture en ligne, URL : fr.wikiarquitectura.com.

71

• Le rythme en architecture, Mosseï Lakolevitch Guinzbourg, collec tion Archigraphy Poche, 138p, 1923 ISBN : 978-2-88474-591-8

72 • Figures 1, 2 : URL : www.quondam.com/bc000/0438.htm • Figures 3, 4 : URL : culturebleue.blogspot.com/2011/03/le-modele-rythmique-an •tique.htmlFigures 5, 6 : URL : palladio2017.files.wordpress.com/2017/02/basilica_1.jpg • Figures 7, 8 : URL : www.archiposition.com/items/adf6bd518b • Figure 9 : URL : fr.wikiarquitectura.com/b%C3%A2timent/maison-du-fascio/ • Figures 10, 11, 12 : URL : nordic-pavilion-at-the-venice•vieux-port-de-bastia-119376•orientale-pres-de-bastia/bastia/•sort_string1+&itemCount=78&sysParentName=&sysParentId=64px?sysId=13&IrisObjectId=4731&sysLanguage=en-en&itemPos=17&itemSort=en-en_•••zacion-de-la-plaza-redonda/••regards-sur-la-cite-climat-de-france_3393501.html•mage-project-id-310986&utm_medium=email&utm_source=journal-id-43mone-bossi-palestra-di-losone-switzerland?utm_campaign=journal&utm_content=idivisare.com/projects/310986-studio-vacchini-architetti-siFigures13,14:URL:www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/une-utopie-brisee-Figure15:URL:spaansesteden.nl/Valencia/placaredona.htmlFigures16,17:URL:www.vtim.es/portal/portfolio_page/rehabilitacion-y-reurbaniFigures18,19:URL:brauenwaelchli.com/portfolio/institutionnel-administratifFigures20,21:URL:rafaelmoneo.com/en/projects/murcia-city-hall/Figures22,23,24:URL:www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.asFigure25:URL:www.paradisu.info/regions-de-la-corse/cote-orientale-corse/cote-Figures26,27:URL:www.corsematin.com/articles/avis-de-forte-houle-sur-le-Figure28:URL:arquitecturavisual.tumblr.com/post/77269056774/sverre-fehnIconographie

73 • Figure 29 : URL : www.edmundsumner.co.uk/projects/millowners-association-buil ding • Figure 30 : URL : i.pinimg.com/originals/53/28/c6/5328c6d7792829f6bd5f2a599c •77ff68.jpgFigure 31 : URL : creativemarket.com/ananeirfy/432900-Saint-Peters-Square-Vati•can-RomeFigure32 : URL : ••FIG00678-il-faut-sauver-le-viaduc-des-arts.phpwww.lefigaro.fr/actualite-france/2012/10/22/01016-20121022ARTFigure33:URL:www.jmsg.es/Project-matrix-1Figure34:URL:www.wright20.com/auctions/2012/09/living-contemporary/117?•search=daniel-burenFigure35:URL: A5%D6%80:Colonnes_de_Buren_@_Palais_Royal_@_Paris_(25989308703).jpghy.wikipedia.org/wiki/%D5%8A%D5%A1%D5%BF%D5%AF%D5%

Le rythme au service de l’unité architecturale

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Le rythme intervient dès lors qu’une chose est dupliquée ou répétée. Ce sujet est alors un thème vaste qu’il est intéressant de comprendre, catégoriser, analyser et manipuler afin d’en tirer des enseignements porteurs de projets d’architec ture. A travers ce mémoire, nous chercherons à comprendre comment le rythme régulier ou irré gulier intervient en architecture et comment per met-il de créer une sensation d’ordre et d’unité.

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