5 minute read

ENVIRONNEMENT

Advertisement

Environnement Environnement et destet dest

Les décideurs politiques de l’hémisphère Nord comme du Sud, ont beaucoup de mal à penser l’homme et la nature autrement que séparés, voire opposés. A la domination de l’homme sur la nature -cause de la crise écologique actuelle- ils opposent la protection de la nature contre l’homme. Comme si toute présence humaine dans la nature était synonyme de dégradation.

Cette pensée est à l’origine de la création des parcs et des réserves naturels, et de l’inscription de certains sites de valeurs exceptionnelles, au Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO. L’idée d’isoler des zones naturelles pour les protéger avait pris forme aux EtatsUnis au XIXème siècle pour exprimer que c’est dans la nature vierge et immaculée que réside le bien, et que plus une société s’éloigne de la nature, plus elle est soumise au mal, celuici étant d’origine sociale. Ce modèle américain de conservation s’est imposé au monde, avec des conséquences souvent désastreuses pour certaines populations. La loi américaine de 1964 sur les zones protégées (Wilderness act américain) défi nissait la nature comme un espace sauvage et isolé et les parcs nationaux comme des zones à préserver “que l’homme peut visiter sans y demeurer” ; loi qui annonce l’écotourisme. Seulement voilà, là où ont été créées les réserves et parcs naturels vivaient déjà des populations que l’on n’a pas hésité à faire déplacer. Des milliers d’hommes et de femmes furent, et continuent d’être, ainsi chassés de leurs terres ancestrales pour des raisons écologiques.

Peut-on préserver la nature au détriment des hommes ?

Selon l’article de Marcus Colchester (Lauréat de l’institut britannique d’anthropologie) publié en août 2001 dans le “Courrier de l’UNESCO”, une tribu du sud de l’Inde a été expulsée en 1998 du parc national Indira Gandhi dans le cadre d’un plan d’éco-développement financé par le Fonds pour l’environnement mondial. Toujours en Inde, en 1993, plus de 600.000 personnes ont été déplacées de force lors de la création de réserves et de parcs naturels. C’est la même idée d’isoler des espaces naturels exceptionnels pour les protéger de l’homme, qui a présidé au choix de “sites” coralliens calédoniens à inscrire au Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO. Des sites identifi és “en fonction de la qualité et du bon état de conservation du récif corallien et qui n’ont que de faibles impacts par rapport à l’activité minière”. A ce sujet, un coutumier d’Ouvéa, un peu pour se moquer, nous avait demandé si nous n’avions pas peur que les récifs coralliens prennent la fuite ; car sachant, en bon kanak, que les coraux, comme les hommes, vivent d’échanges et de relations il trouvait l’idée de les fi xer, pour leur bien, dans un espace isolé, hautement farfelue. Ce que par contre le coutumier d’Ouvéa ne savait pas, c’est que depuis, en ce qui concerne l’écosystème marin, les plus grands experts du monde lui donnent raison. Cette moquerie kanak, pourrait être une référence dans un débat sur la préservation de la biodiversité, car en

tin communtin commun

Nouvelle-Calédonie, il y a le peuple kanak qui ignore évidemment l’idée occidentale de séparation entre l’homme et la nature, et pour qui par contre, l’homme, les animaux, les plantes et les choses partagent une même structure d’identité et participent de la même vie.

Alors deux questions se posent !

La première se rapporte au droit de l’environnement. Quelle est la légitimité des normes environnementales appliquées actuellement dans un contexte où le peuple kanak est considéré “comme l’une des peuplades autochtones qui, des peuples autochtones, se situe le plus aux antipodes de la conception occidentale” ? Pour le juriste français, la distinction est faite habituellement entre sujets de droit (individus, collectivités, clans, Etat...) et les objets de droit (l’espace et les ressources) ; la question concerne alors le statut que l’on souhaite donner à l’environnement : sujet ou objet ? ceci est important car dans une société comme la nôtre où les rapports au sacré et à l’invisible font partie des rapports à l’environnement, ce dernier n’est pas forcément perçu comme un objet.

La deuxième question se rapporte au développement durable, c’est à dire au projet de réconcilier développement et préservation de la biodiversité. Aussi, l’inscription d’une partie de nos récifs coralliens au Patrimoine de l’Humanité, signifi e-t-elle que la biodiversité sera prioritairement protégée dans “les sites”, là où elle est déjà bien conservée, mais qu’elle le sera beaucoup moins là où elle est menacée par l’exploitation minière et touristique ? L’inscription de ces “sites” coralliens est en fait une mesure alibi pour faire croire que l’Etat français et les décideurs politiques calédoniens protègent la nature, alors que le reste du pays est laissé au bon vouloir des entreprises multinationales, et à l’urbanisme sauvage. Laisser protéger la nature par ceux qui la détruisent relève de l’hypocrisie, car faire face à la crise écologique mondiale exige une révolution des mentalités. Pour ce faire, comme pour faire écho à la parole kanak, des voix de par le monde appellent à réinscrire l’Humanité dans la nature en l’invitant à en faire sa demeure.

Réconcilier l’homme avec la nature

Plusieurs personnes de renommée mondiale appellent à réconcilier l’homme avec la nature, et à faire que chacun de nous ait conscience d’appartenir à un tissu vivant qu’est la biodiversité. Ils sont en vérité en communion de pensée avec le peuple kanak, qui croit que l’homme, les animaux et les plantes participent de la même vie. En tous les cas, pour la province des îles Loyauté, l’inscription des sites coralliens calédoniens au Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO n’est pas un but, mais une occasion d’essayer de faire entendre localement la parole kanak, notre contribution à la construction d’un destin commun, dans un pays libre et souverain, délivré de toute séparation entre l’homme et la nature. Etant entendu par ailleurs, qu’à l’heure où la vie sur terre est mise en danger par le modèle européen de développement, le seul patrimoine à sauver c’est l’Humanité tout entière.