L'intelligence des plantes en question

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L’intelligence des plantes en question

2019). Il s’agit en effet pour nous de considérer non pas une planteobjet, mais une plante-sujet inscrite dans un écosystème et un milieu particuliers. Une plante comme interface écoplastique, dont les sens, telle la proprioception (Moulia et Fournier, 2009), sont liés à un corps végétal agissant, fût-il en grande partie statique, divisible, sessile et enraciné ! Une plante plurielle aussi, dans la mesure où on ne peut pas parler d’individu au sens étymologique du terme, mais qui est capable de tirer parti des éléments qui la composent et l’entourent, au point qu’ils font partie d’elle. D’où la description du comportement intelligent du système plante-milieu et d’une intelligence à la fois « corporée » et incorporée, hautement sensible et réactive au milieu. La notion de plasticité active du corps végétal que je décris ici signifie donc que la plante est motrice dans ces liens avec le milieu et ne fait pas que les subir. Elle a à sa disposition une plasticité adaptative comme phénotypique 11 héritée de millions d’années d’évolution, et malgré les fortes contraintes de l’environnement qui pèsent sur elle, des facteurs de réactivité non négligeables, relevant a minima de l’intelligence du vivant, mais surtout d’une unité comportementale avérée. Elle s’inscrit par ailleurs dans une perspective mésologique, assimilée à une science des milieux par opposition aux sciences de l’environnement. Située entre l’écologie et la phénoménologie, cette discipline a en effet selon Augustin Berque 12 pour sujet l’étude des liens singuliers qui s’établissent entre les organismes vivants et leur milieu immédiat, ne se limitant pas un très grand nombre de chercheurs en biologie végétale, en écologie évolutive, mais aussi en anthropologie ou en philosophie. 11. Ce type de plasticité est fondamental pour la plante. Elle s’exprime de différentes manières comme par exemple la mise en jeu de protéines dites homeobox ou l’auto-inhibition de la navigation de certaines racines afin d’augmenter leur performance globale tout en diminuant les allocations de ressources nécessaires. 12. Au début du xxe siècle, « milieu » était synonyme d’environnement en tant que donnée objective brute et mesurable. Lire les nombreux ouvrages d’Augustin Berque sur le sujet, dont La mésologie, pourquoi et pour quoi faire, Paris, PUF, 2014 et le récent Glossaire de mésologie, Bastia, Éd. Éoliennes, 2018 qui définit chaque terme mésologique.


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