L'intelligence des plantes en question

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L’intelligence des plantes en question

sans problème au début de la vie sur terre. Naître, être un « moi » signifie ne pas être pur, ne pas être soi-même, avoir en soi quelque chose qui vient d’ailleurs, quelque chose d’étranger qui nous pousse à devenir à chaque fois étrangers à nous-mêmes. Nous avons en nous nos parents, nos grands-parents, leurs parents, des singes pré-humains, des poissons, des bactéries, même des atomes de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, d’azote, etc. La naissance, de ce point de vue, est un couloir : un canal ininterrompu de métamorphoses qui apporte la vie de l’un à l’autre et de l’autre à l’un, la ligne de passage qui rend les espèces inséparables les unes des autres et de toutes les espèces sur la planète. Pour cette raison, il rassemble tous les individus, toutes les espèces et tous les êtres vivants avec la Terre. C’est dans ce corridor que les individus, les espèces et les planètes peuvent communiquer et se transformer les uns les autres : il rend les trois sphères indiscernables. Le nombril marque notre lien avec la Terre et avec tous les êtres vivants, pas seulement avec le corps de notre mère. Naître pour chaque être vivant, c’est ceci : ne pas pouvoir séparer sa propre histoire de celle du globe. Chaque « moi » est une histoire de la Terre, une version de celle-ci, une conclusion possible de celle-ci. Chaque « moi » est une forêt immémoriale d’égos qui s’éveille dans notre conscience. Nous avons commencé par nous interroger sur le « moi » des forêts et nous sommes arrivés à la conclusion que le « moi » est une forêt, une forêt multi-spécifique. Inversement, c’est toujours la Terre qui me dit en nous. Nous sommes monde, chacun de nous est « mondain » à sa manière, chacun de nous permet à Gaia de dire « je ». Nous sommes ensemble son contenu, mais aussi et surtout sa forme. Le « moi » n’est jamais une fonction ou une activité purement personnelle : c’est une force géologique. Et tous les vivants, tous les égos, sont l’héritage de la même vie qui continue à passer de forme en forme, de sujet en sujet, d’existence en existence. Cette même vie est la même qui anime la planète, également née, échappée d’un corps préexistant – le Soleil – et générée par la métamorphose de sa matière il y a 4,5 milliards d’années. Nous en sommes tous une parcelle, un éclat de lumière. Énergie, matière solaire


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