L'Or Jaune Durable - Mémoire DSAA école BOULLE - Coline CHOMER

L’OR JAUNE DURABLE

Coline CHOMER

Coline CHOMER Mémoire de recherche DSAA Design Produit École Boulle 2020-2021

L’OR JAUNE DURABLE

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PRÉFACE

L’idée de ce mémoire a émergé durant l’une de mes promenades habituelles.

Je m’en souviens comme si c’était hier.

Je marchais d’un pas décidé, la tête dans les nuages et le soleil qui me chatouillait le dos, quand soudain mon attention s’est portée sur un bruissement doux et timide. Tout en discrétion, ce bruit a attiré mon attention et attisé ma curiosité.

J’ai entendu un jour le designer Paul Bennett dire : «Le design est dans le détail», et le détail est une ouverture à des richesses encore inexplorées. Dès lors, c’est par ce petit détail sonore qu’elle m’est apparue comme une évidence : devant moi cette longue tige de paille, fine, longue, dorée et scintillante.

J’aime la voir danser au contact du vent et provoquer sa mélodie unique, timide, apaisante. Elle aime suivre la dynamique du soleil et se déploie avec la chaleur de l’été.

Pendant l’hiver elle hiberne sous terre en attendant les beaux jours. Une fois entre nos doigts on ne peut s’empêcher de jouer avec elle. Certains aiment la faire rouler, la décortiquer ou encore la coincer entre deux dents. Sa douceur et sa souplesse procurent un plaisir unique. Son odeur forte et percutante, me transporte dans les souvenirs de l’été en campagne.

J’ai grandi dans le paysage vallonné des Monts du Lyonnais. La céréale y est partout mais jamais je n’ai eu l’occasion d’entretenir un rapport plus tactile avec elle. Je connais sa forme, son odeur et sa mélodie par cœur. Je me souviens m’être confrontée à elle une première fois au Vietnam dans le village de Hoi An lors de ma rencontre avec des artisans de luminaires traditionnels, puis en partageant l’expérience d’une apprentie marqueteuse de paille à Paris. Plus récemment, j’écoutais les souvenirs nostalgiques de ma grand-mère sur les périodes festives de la moisson, ou encore j’ai admiré les capacités indéniables de mon grand-père à reconnaître chaque variété de céréales en un clin d’œil.

Au fond, il me semble que cette rencontre entre nous était inéluctable. C’est pourquoi je vous propose de suivre une aventure se tisser entre une designer et un brin de paille.

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LE LOUP GRONDA, SOUFFLA, ET LA MAISON EN PAILLE DU PETIT COCHON S’ENVOLA ...

HEUREUSEMENT LA MAISON EN BRIQUE ÉTAIT LÀ.

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Illustration pour le conte des trois petits cochons, Leonard Leslie Brooke, 1905.

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INTRODUCTION

La paille, définie comme étant la tige sèche d’une plante dite «céréales à

paille», est une matière première naturelle présente dans l’environnement de l’Homme depuis la période du néolithique. Si elle a accompagné l’essor des civilisations en tant que matière à tout faire, plus tard elle fut le centre d’un commerce économique rural en tant que matière première artisanale. Aujourd’hui elle est principalement utilisée pour des usages agricoles.

Dans le conte des trois petits cochons, elle est présentée comme un matériau faible face au bois et à la pierre. Cela m’interpelle et me questionne sur ce qui définit la force ou la faiblesse d’un matériau ? Faut-il uniquement se référer à des caractéristiques techniques pour qualifier la valeur d’une matière ? Est-ce que des matériaux humbles, des matériaux méprisés, ne sont pas riches de qualités et de vertus insoupçonnées que l’on devrait peut être reconnaître et réintroduire davantage dans nos usages et nos valeurs ?

Cette vision de la paille considérée comme un matériau fragile, trivial, désuet, incapable de répondre à nos besoins contemporains est bien inscrit dans la mémoire collective. À défaut, elle peut même parfois être qualifiée de déchet sans vraiment en être un.

D’où provient un tel mépris ? Cela est-il dû à notre tendance à négliger parfois le monde agricole ?

En effet la paille a définitivement quitté nos espaces domestiques pour se concentrer dans l’espace rural. En ville, elle est totalement absente. Elle est devenue cette matière domestiquée conservée dans la ferme et les champs sous la forme de bottes de pailles broyées.

Certes elle commence à s’imposer de nouveau dans notre quotidien grâce à ses caractéristiques techniques prometteuses exploitées dans le domaine de l’architecture.

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À l’heure où les bouleversements du climat menacent la vie sur terre, les Hommes se tournent vers de nouvelles manières de produire avec des matériaux plus respectueux de leur environnement.

Si la paille peut se révéler comme une réponse idéale de par ses propriétés prometteuses, elle ne doit cependant pas être réduite seulement à cela.

« Les axes de la nouvelle attitude écologique à adopter selon Manzini sont donc

les suivants : la nécessité de préserver l’équilibre de l’environnement physique, de

sauvegarder la richesse sensorielle de l’expérience humaine, de redécouvrir sa richesse relationnelle, d’affirmer la capacité de l’homme à intervenir sur ses environnements en tant que sujet inventif. » écrivent Alessandro Vicari et Manola Antonioli1.

Je constate que dans les nouvelles solutions dites “écologiques” à base de paille, il manque ce rapport sensoriel, et d’expérience nouvelle dont parle Manzini.

Nous l’utilisons principalement en visant sa fonctionnalité finale. Or, il se peut qu’un matériau tel que la paille ne puisse être valorisé qu’à condition d’associer très étroitement ces différents aspects énoncés.

La paille ne doit pas seulement être qualifiée comme matière première. Elle fait partie d’un système qui régit à la fois des acteurs, une histoire, un environnement, une culture. Celle-ci pourrait même avoir des choses à nous apprendre et à nous apporter.

1

Selon Ezio Manzini : «Un monde de matériaux sans noms est en train de se

créer. Ils remettent en question notre rapport avec eux, nous empêchant de leur

attribuer une signification qui leur confère une épaisseur physique et culturelle. Dans

​BERTRAND Gwenaëlle et FAVARD Maxime, P​oïétique du design, Eco-conception ?, ​éditions Harmattan, Paris, 2015, p.112-113.

ce nouveau monde, il nous semble ne percevoir que des surfaces, des relations locales et momentanées, en un mot : des apparences.»2.

2

Mon parti pris en tant que designer serait de convoquer ces matériaux

historiques tel que la paille afin de leur donner un nouveau sens.

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​MANZINI Ezio,​La matière de l’invention,​éditions du Centre Pompidou, collection inventaire, Paris, 1986, p.31.

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J’en viens alors à me poser la question :

L’Or Jaune : quelles valeurs pour une matière aussi désuète que la paille ?

Si ce coproduit a su éveiller mon intérêt de par son odeur, son bruissement, son toucher, et des souvenirs qui me sont propres ; je souhaite à travers ce mémoire confronter cet instinct qui me porte.

Mon but est alors de me positionner en tant que designer chercheuse afin de comprendre davantage la préciosité de la paille. Il me faut pour cela déchiffrer ce qu’elle nous raconte et comprendre quelle collaboration cela pourrait engendrer.

Mon statut de designer va donc m’amener à témoigner d’un positionnement au monde selon un regard attentif à la sensibilité, à la sensorialité de cette matière ainsi qu’à son histoire. En menant cette quête je souhaite aller à la rencontre de la paille et de ses acteurs, afin de rendre hommage à ceux qui la cultivent, qui l’utilisent, qui la manipulent, qui la dessinent, ou encore qui la déploient.

Mon intuition me porte donc à rédiger mon mémoire selon un point de vue phénoménologique. J’entends par là regarder un objet sous toutes les faces, selon toutes les expériences possibles. J’aurai une attention toute particulière pour l’importance des interactions tactiles avec ce matériau.

Ce récit va nous emmener à la rencontre de certaines personnes qui vivent la paille au quotidien et qui permettent de nourrir la compréhension d’une designer aux enjeux de cette matière.

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SOMMAIRE

I

ENTRETIEN AVEC UN BRIN DE PAILLE

II

ARCHÉOLOGIE - TÉMOIN D’UNE IDENTITÉ RURALE PERDUE

p16

p26

​I / La paille une matière surannée ​II/ La paille au cœur d’une culture rurale populaire

III

III/ Nostalgie d’une culture rurale TRANSFORMATION - TÉMOIN D’UN SYSTÈME AGRICOLE EN MUTATION

p48

​I/ À la rencontre des agriculteurs d’aujourd’hui ​II/ Industrialisation de l’agriculture ​III/ Mutations du statut agricole ​IV/ Une paille éthique ?

IV ​ADMIRATION - TÉMOIN D’UNE CULTURE ET DE LA PERPÉTUATION ARTISANALE

I/ Cultiver la Paille

​

II/ La Paille au cœur de l’artisanat

1/ Tressage

2/ Broderie

3/ Marqueterie

4/ Rempaillage

5/ Une nouvelle place pour cet artisanat ?

V

DURABILITÉ - TÉMOIN D’UN SYSTÈME CONTEMPORAIN

I/ Émergence en Architecture

II/ Le Politique par le Poïétique

CONCLUSION

Bibliographie Remerciements

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p70

p90

p104

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« SI UN CHAMPS DE BLÉS DE PAYS EST UN SPECTACLE D’UNE GRANDE BEAUTÉ, UN SEUL ÉPI PEUT PARFOIS NOUS ÉMOUVOIR TOUT PARTICULIÈREMENT. PARCE QU’IL A UN PORT, UNE COULEUR, UNE LUMIÈRE PARTICULIERS. OU PARCE QU’IL ÉVOQUE UNE PERSONNE, UNE ÉPOQUE, UNE AVENTURE. »​ ​ RUTH STEGASSY ET JEAN-PIERRE BOLOGNIN. B​lés de Pays et autres céréales à paille,​ Editions Ulmer, Paris, octobre 2018, p.9.

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Photographie d’orge, blé tendre, seigle, avoine, blé dur, prise en juillet 2020

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-IEntretien avec un brin de paille

Définition : latin palea, Tige de certaines graminées, dites céréales à paille (blé, orge, avoine, seigle, riz), dépouillées de leur grain, servant à différents usages.

Toucher : lisse avec de petites nervures, doux, glissant Goût & Odorat : Tout deux assez similaires, fort, âpre, qui rappelle l’herbe sèche et l’été.

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Fig 3

Fig 4 Fig 1

Fig 2

Fig 1 : Feuille Fig 2 : Nœud Fig 3 : Tige - 18 -

Fig 4 : Épis

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Fig 5

Fig 6

Fig 7

Fig 8

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Fig 5 : Pailles creuses (orge , avoine , seigle )

Fig 7 : Pailles pleines (blé dur , maïs , sorgho , riz )

Fig 6 : Pailles plus ou moins creuses (blé tendre )

Fig 8 : Racines

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Taillage

Levée

Germination

Novembre

Décembre

Janvier

Février

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Mars

Avril

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Maturation Récolte

Épiaison

Montaison

Juin

Mai

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Juillet

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Fig 9 Fig 11 Fig 10

Fig 14

Fig 12

Fig 13

Fig 15

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Fig 9 : Blé Tendre

Fig 13 : Épeautre

Fig 10 : Blé Dure

Fig 14 : Sorgho

Fig 11 : Orge

Fig 15 : Triticale

Fig 12 : Seigle

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Fig 18 Fig 16

Fig 17

Fig 21 Fig 19

Fig 20

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Fig 16 : Maïs

Fig 19 : Millet

Fig 17 : Avoine

Fig 20 : Sarrasin

Fig 18 : Riz

Fig 21: Quinoa

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« POUR MOI LA PAILLE ET LE GRAIN SONT DEUX PRODUITS NOBLES. AUSSI NOBLES L’UN QUE L’AUTRE. LA PAILLE C’EST UNE MATIÈRE ADMIRABLE, ET EN PLUS ÇA SERT À BEAUCOUP DE CHOSES. ÇA SERVAIT PLUS ENCORE AU TEMPS OÙ DES MACHINES NE BROYAIENT PAS LA PAILLE AU MOMENT DES MOISSONS. »

​

FRANÇOIS MITTERRAND. Interviewé par PIVOT Bernard, 5e numéro d’Apostrophes : La Paille et le Grain, source de l’INA et l’IFM, 7 février 1975 sur Antenne 2 : h​ttp://www.mitterrand.org/La-Paille-et-le-Grain. html

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“Bouquet de moisson en forme de couronne de la Vierge”, Musée d’ethnographie de Genève (MEG), Pologne, Lubaczów, 2013

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- II - ARCHÉOLOGIE Témoin d’une identité rurale perdue I - La paille une matière surannée

En contemplant les champs, nous avons tous tendance à admirer les épis

qui dansent plutôt que cette longue tige fine qui les maintient. Aujourd’hui nous pourrions dire que c’est le grain qui compte et non pas la paille qui n’en est que le “résidu”. Et pourtant Ruth Stegassy et Jean-Pierre Bolognini nous affirment que « la paille a eu longtemps au moins autant d’importance que le grain »3.

Si elle a eu son importance c’était certainement dû à ses nombreux usages.

Nous connaissons tous des objets iconiques tel que le chapeau de paille, la chaise rempaillée, ou encore le balai. Certains objets qui semblent aujourd’hui de plus en plus désuets. La paille était en effet très utile pour la fabrication d’objets divers et variés. Matériau abondant, local, disponible en même temps qu’une denrée alimentaire, et facile à transformer. La paille la plus utilisée pour la fabrication était la paille de seigle, principalement «à cause de sa finesse, de sa fermeté et de sa

flexibilité, surtout lorsqu’elle a été préalablement mouillée, elle sert : 1° à faire des

liens, 2° à couvrir les meules de grains et des habitations; 3° à garnir les chaises; 4° à faire des paillassons pour les jardins; 5° à fabriquer des chapeaux; 6 à remplir les

paillasses; 7° à palisser les arbres et accoler les sarments de vignes aux échalas et aux treillages; 8° à faire des ruches, des paniers, des corbeilles etc.» écrit Gustave Heuzé,

agronome français, dans son livre sur les plantes céréales4.

5

STEGASSY Ruth et BOLOGNINI Jean-Pierre, Blés de Pays et autres céréales à Paille, opus cité, p.95.

6

HEUZÉ Gustave, les plantes céréales, tome second : seigle, méteil, etc., in Blé de Pays et autres céréales à Paille, sous la direction de Ruth Stegassy et Jean Pierre Bolognini, éditions Ulmer, Paris, 2018, p.95.

En fouillant dans les registres historiques pour comprendre l’origine de ces objets, je suis tombée sur de nombreuses photographies rurales et paysannes.

L’ensemble des ouvrages qui convoquent la paille ont majoritairement cet aspect ancestral, kitsch, à la limite du mauvais goût. Mais malgré l’aspect désuet des objets représentés, je ne pouvais m’empêcher de vouloir les regarder dans le détail.

On imagine les mouvements de la main formant un certain type de nœud, ou orientant la paille dans un certain sens. Guidée par l’envie d’observer cela de mes propres yeux, je me suis alors rendue au musée des métiers anciens situé à SaintSymphorien-sur-Coise, un petit village localisé dans les Monts du Lyonnais.

Fig 22 : La paille , omniprésente dans l’espace rural.

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Fig 23 : Objets en paille de seigle Trouvés dans Le Grand Livre des Ressources Végétales, de Bernard Bertrand

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Fig 22

Fig 23

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Ce musée est tenu par un ensemble de retraités bénévoles, animés par leur passion pour leurs anciens métiers devenus obsolètes. On y trouve un ensemble de machines et d’outils en tout genre, de pièces poussiéreuses et de vieilles photographies. Après un long tour devant des savoirs divers et variés, nous parvenons à la salle des chapeaux de paille. Plusieurs grands-mères sont assignées à un poste de couture et font glisser sous leurs doigts des rubans tressés en paille.

On en trouve de plusieurs formes, avec différentes structures de tresses. Une fois le gabarit de paille cousu, le chapeau est pressé à chaud entre deux parties de moule pour lui donner sa forme finale. Leurs gestes sont effectués machinalement, “c’est l’expérience” me disent elles. Apparemment, faire un chapeau au bon gabarit est loin d’être facile, il faut un long temps d’apprentissage avant de commencer à le maîtriser. Curieuse d’en savoir plus sur cette bande tressée et aussi d’en voir plus je lui demande comment elle réalise cette natte : “On ne sait plus faire ça. On les

reçoit toutes faites, envoyées depuis internet. Ça provient de je ne sais plus quel pays” me dit-elle. Si j’en crois les vidéos que j’ai pu trouver, les bandes tressées en paille

proviendraient désormais d’Asie, ou même encore de Madagascar. La rentabilité avant tout. Cela me laisse un goût un peu amère.

Si je garde un souvenir de cette rencontre, c’est bien à travers la passion et l’amour que portent ces femmes à l’exécution de leur savoir. Pourquoi tant de nostalgie ? Qu’évoque la paille pour elles ?

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Fig 24 : Musée des anciens métiers, Saint Symphorien sur Coise le 10 Juillet 2020 Rencontre avec Jeanine Devigne, couturière de chapeaux de paille.

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Fig 24

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II - La paille au cœur d’une culture rurale populaire

L’exploitation de ce coproduit a débuté avec la mise en place de l’agricul-

ture vers 8000 ans av. J.-C. dans la région du Tigre et de l’Euphrate (le croissant fertile), correspondant aujourd’hui à la Syrie, l’Irak, et une partie de la Jordanie.

Pour la première fois, l’Homme se retrouve lié à un espace et fait naître ainsi le besoin de protéger ses récoltes des attaques extérieures, ou encore de se loger selon les ressources disponibles5. Une fois la céréale récoltée de son épi, la tige sèche devient alors matière première disponible à l’utilisation. À cette période, elle est utilisée pour l’espace domestique et l’espace animalier.

La paille fut pendant très longtemps, avec la terre et le bois, un matériau de référence pour la construction : toits de chaume, murs en torchis, isolants des sols et des combles (de la chaumière au château). On l’utilisait également en tant que lit ou assise pour les personnes moins aisées. Elle avait donc ce rôle de matériau à tout faire.

Elle a été omniprésente durant une très longue période dans l’espace rural. La moisson en été rythme le cycle annuel de chaque paysan. La paille est récoltée à la faucille, la faux armée ou encore la sape (petite faucille). On forme ensuite des javelles de paille qui, assemblées ensemble pour sécher, forment des gerbes ou encore des moyettes. Une fois sèches, elles sont récupérées et on sépare le grain de la paille en la battant au fléau ou à la main. La paille est ensuite récupérée pour les usages agricoles ou encore de l’artisanat.

5

SCOTT James C., Homo Domesticus : Une histoire profonde des premiers Etats, éditions La Découverte, Paris, 2019, p.26-27.

Ce qui est intéressant à remarquer ici, c’est le rôle du corps et la proximité permanente avec cette matière. Cela justifie peut-être en partie pourquoi elle a une place aussi importante que celle du grain.

Fig 25 : Glaneuses près des meules, Léon - Augustin Lhermitte (1844-1925) Huile sur toile 1903 - 30 -

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Fig 25

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Son importance était aussi dû aux objets du quotidien qu’elle permettait de produire, mais pas seulement. Au XIXe siècle, dès le premier coup de faucille lors de la récolte, la moisson traditionnelle s’accompagnait de rituels divers autour d’un imaginaire collectif. On peut citer comme exemple : les rituels liés aux derniers épis de céréale, la dernière gerbe, la dernière charrette, le repas de clôture de moisson, la fabrication du bouquet de moisson ou encore la messe des blés6.

Faire honneur à la période des moissons est important car à cette époque, le pain étant un mets principal pour l’alimentation, il était donc primordial que la récolte soit abondante. Le bouquet de moisson est un beau témoignage de ce temps fort d’autrefois. Cet objet qui existe depuis plus de 5000 ans a été produit dans le monde entier sous des formes variées. Il célébrait généralement la fertilité7.

Il s’agit d’un bouquet sec en tiges tressées ou liées entre-elles, de manière à composer un élément central (tige, tronc, cercle, losange, carré ou un espace 6

JABLONKA Ivan, Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle, pour Histoire par l’image, juin 2006 : https://histoireimage.org/fr/etudes/cultescoutumes-religieuses-francerurale-xixe-siecle

vide) autour duquel s’articule un décor, qui laisse éclore les épis sur les bords, vers l’extérieur. Il est généralement composé de tiges de blé ou d’orge, ramassées encore vertes, juste avant la période des moissons. La paille est d’abord trempée une vingtaine de minutes dans l’eau tiède afin d’être assouplie. S’ensuit après un ensemble de techniques de tressage, réalisées avec un nombre de brins défini selon la figure voulue. Ce tressage peut être plat mais également en volume (rond ou carré majoritairement). Ensuite le bouquet pouvait éventuellement être orné de

7

SESMAT Sophie, Bouquet de moisson - Croyances et Coutumes, pour Objets d’Hier : https://www. objetsdhier.com/bouquet-demoisson-1268

rubans ou de fleurs séchées. C’était tout un art de confectionner cet objet. Avec un soin particulier, il fallait d’abord rechercher les plus beaux épis ayant une paille assez longue. L’imagination, le goût artistique et la dextérité étaient les qualités requises, pour celui qui se chargeait de la réalisation du bouquet de moisson.

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Ce cadeau était très populaire jusqu’à la fin de la seconde Guerre Mondiale dans différentes régions de France, en particulier en Normandie8.

Il pouvait prendre sens selon plusieurs symboliques : il était offert par les ouvriers embauchés pour la moisson, à l’épouse ou au cultivateur lui-même en guise de remerciement et pour les honorer. Le bouquet pouvait également porter bonheur pour la moisson prochaine. Enfin ils peuvent aussi être langage d’amour, tel le ruban à cinq pailles, offert à la dulcinée d’un homme, mais également pour les mariages. Ceux-ci étaient après accrochés à l’intérieur des maisons et pouvaient y rester l’année complète.

Dans d’autres régions comme en Franche-Comté, on parle plutôt du rituel de la dernière gerbe coupée (petite botte de céréales). Cette gerbe, décorée et bénie à l’église est ensuite déposée sur l’aire de battage. Elle possède alors des vertus prophylactiques et protectrices.

On peut également parler du rituel de la dernière charrette fleurie. Dans certaines régions comme dans le Limousin on faisait la croix d’épi de blé tressée ou la dernière gerbe pour la disposer sur le chargement. On pouvait aussi entendre dire « on va mettre le bouquet sur la charretée ». Dans des régions plus pratiquantes comme dans le Périgord on parle plutôt de bouquet piqueté, ou de croix de moisson sur la dernière charretée de gerbes de blé.

« C’est surtout le dernier charroi, appelé la gerbaude, qui demande des précautions,

car c’est aussi une fête champêtre, et la dernière gerbe enlevée au dernier sillon, est placée au sommet du char, ornée de rubans et de fleurs, de même que le front des bœufs et l’aiguillon du bouvier.» conte George Sand dans La Mare au diable .

9

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8

BERNARD Stéphan, Gerbe-baude, fête des moissons, 11 juil. 2020 : http://www.periberry. com/article-dix-questionsautour-de-la-gerbebaude-54026259.html

9

SAND George, La Mare au diable, éditions J’ai Lu, Paris, 1846.

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Fig 26

Fig 26 : Échantillon tressage de paille Réalisé le 28 octobre 2020

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Bouquet de moisson, collection du MUCEM de Marseille.

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À travers ces exemples, on comprend que ce matériau prenait alors une toute autre envergure, et ce par la valeur d’estime ou la symbolique qu’on lui accordait.

Cependant il ne faut pas oublier que cette solidarité était également due à une vie dans les campagnes très dure, parfois monotone à certains égards et différente de notre actualité. Quelles valeurs pourraient entrer en écho avec notre actualité ?

« Dans le passé les matériaux constituaient une sorte de langage : un ensemble

discret de supports signifiants auxquels leur longue présence dans des contextes environnementaux culturellement connotés avait attribué un signifié stable et

profond. Aujourd’hui la multiplication des matériaux, leur déclinabilité infinie, leur conception «au coup par coup» empêche de retrouver de façon spontanée cet ancien

automatisme sémiotique. Le résultat est que les nouveaux matériaux se présentent à nous avec une identité faible ou inexistante. Ils semblent incapables de nous «parler» avec la profondeur que manifestaient les matériaux d’antan. »10

La paille évoquait en ces temps-là la sociabilité, la croyance religieuse, ou encore l’hommage et le devoir de réciprocité envers la nature. Tout ceci semble tout à fait dépassé aujourd’hui, et pourtant encore présent dans certains pays de l’Europe de l’Est (comme par exemple en Pologne)11. Les bouquets se chargent désormais d’un sens relatif à une réflexion proche des mouvances écologiques, 10

MANZINI Ezio, La matière de l’invention, opus cité, p.16.

11

Musée d’ethnographie de Genève (MEG), “Bouquet de moisson en forme de couronne de la Vierge”, Pologne, Lubaczów, 2013 : http://www.ville-ge. ch/meg/musinfo_public. php?id=066319

des revendications identitaires ou l’actualité politique et culturelle d’une région.

L’esthétique de ces objets me fascine totalement. Ils ont une forme absolument étonnante et unique, à travers laquelle on croirait suivre chaque mouvement opéré lors de sa réalisation. Est-il possible de redonner vie à cette esthétique alors même que les significations qui lui sont liées sont aujourd’hui perdues ? Est-il ingénieux de réhabiliter un monde disparu ? Le risque n’est il pas de tomber dans une forme de passéisme ?

Fig 27 : La Bénédiction des blés en Artois, Jules Breton Peinture à l’huile 2020 - 36 -

Fig 28 : Échantillon Dolly Corn Fait le 24 novembre 2020

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Fig 27

Fig 28

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III - Nostalgie d’une culture rurale

Si cet univers nous est inconnu aujourd’hui (ou alors est aperçu seulement

dans certains musées ou célébrations de village en hommage aux pratiques anciennes), cela se justifie par une transformation de l’univers paysan au tournant du XXe siècle.

Eric Alary l’explique très bien dans son livre L’Histoire des paysans français12,

c’est principalement la guerre de 14/18 qui a détruit une certaine sociabilité entre paysans, mais aussi stoppé leurs festivités, leurs traditions, ainsi que leur rapport à

la religion. L’identité paysanne s’est morcelée au fur et à mesure également avec l’exode rural, les pertes humaines, les tensions avec le monde urbain et la pression grandissante d’une production toujours plus intensive. L’artisanat et le fait main ont laissé peu à peu place à l’industrie et aux machines.

L’émergence de nouveaux matériaux tel que le plastique a également participé à la disparition progressive de la fabrication en paille, lui créant une identité de matériau faible, éphémère et peu glorieux13.

12

ALARY Eric, L’Histoire des paysans français, édition Perrin, Paris, 2019.

La paille a cessé d’être intéressante car elle est devenue inutile à notre quotidien, mais également parce que ces savoir-faire ont cessé de se transmettre.

Nous pourrions dire que rien ne sert de comparer le monde rural d’autrefois à celui de notre société d’aujourd’hui. Cette culture populaire ne se rattache qu’aux

13

MAIN Veronica, Swiss Straw Work, éditions Main Collins Publishing, High Wycombe, 2003, p.20.

souvenirs des personnes qui l’ont vécue. Alors pourquoi s’intéresser à la nostalgie de ces grands-mères pour une culture obsolète ?

« Que cherche-t-on dans la figure paysanne ? S’agit t-il d’un besoin de repère et

14

ALARY Eric, l’Histoire des paysans français, opus cité, p.452.

de la projection d’une époque plus solidaire, loin de l’anonymat et de l’indifférence dans lesquels nombre de citadins ont l’impression de vivre, qui interpellent ? »14.

Extraits du film Les Gardiennes, de Xavier Beauvois, 2017

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Fig 30

Fig 31

Fig 32

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La paille renvoie donc premièrement à une certaine identité sociale mais aussi une solidarité et une sociabilité. L’époque dans laquelle nous vivons paraîtelle à ces grands-mères froide et très solitaire ? Il me semble que cette période était synonyme de proximité entre les Hommes, d’un savoir-faire familial et de transmission, d’une certaine localité territoriale ainsi qu’un style de vie frugal.

Cela me fait penser au travail de l’artiste japonaise Arko15.

Arko est une artiste japonaise résidant à Tokyo. Arko exprime qu’elle a toujours été fascinée par l’histoire quotidienne du peuple japonais, ses rituels, ses objets utilitaires et ses matériaux naturels, comme la paille de riz.

Le riz est depuis longtemps au centre de la vie japonaise. Il y a soixante ans, la paille de riz était encore utilisée pour des objets usuels tels que des imperméables, des sandales, des sacs, etc. Les japonais excellaient dans la création d’objets en paille. Désormais, ils utilisent la paille uniquement pour fabriquer une décoration traditionnelle du nouvel an en corde de paille nommée «Shimekazari».

Arko a remarqué durant son enfance la disparition progressive de la paille de l’espace domestique. En grandissant, Arko a commencé à penser que ce qu’elle voulait créer devrait être quelque chose de nouveau, en dehors des anciennes traditions. Pour elle, il y a une raison valable pour laquelle les anciens objets en paille ont disparu de notre vie. Ses nouveaux objets en paille ont pour but de renouer avec ses origines japonaises et de raviver leur identité.

Le travail manuel est une évidence pour elle car il lui permet d’être au plus proche de ce matériau primitif. Ce qui est unique dans son travail c’est qu’elle ne tisse pas la paille, elle la coud. Une technique qui lui demande de la rigueur et du temps, mais qui participe à son authenticité.

Ce qui me semble intéressant est que la paille sert ici de support de mémoire, de lien à la culture et à l’identité japonaise. Elle lui donne un nouveau statut qui n’est pas de l’ordre de l’utilitaire. Son travail est donc principalement symbolique et nous amène à réfléchir sur notre relation entre nos prédécesseurs, humains et naturels, existant dans notre société hautement industrialisée.

Fig 30 : ARKO

Fig 31 : Making Mats of straw, Shinichi Suzuki, photographie, 1873

Fig 32 : Third Time Rainfall Oeuvre réalisé par Arko Japon, 2017

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15

ARKO site web : http:// www.arko.jp/works.html

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Fig 33

Fig 33 : Vieille photographie de paysans japonais, XXe siècle

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Fig 34 : Shimekazari en paille de riz

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Fig 34

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Son rapport à la nature me rappelle la faculté japonaise à considérer la nature comme sujet à part entière. L’homme n’est pas perçu comme une espèce dominante qui doit apprivoiser son environnement, mais comme l’une des pièces d’un gigantesque puzzle.

Seule une profonde harmonie peut garantir le nécessaire équilibre vital du monde. Dans le bouleversement climatique actuel, notre rapport occidental à la nature se retrouve alors souvent remis en question.

“On ne sait pas vraiment si ce lien entre la nature et les hommes européens

a vraiment existé. On voit bien en effet que vers le XVIIIe c’est un système de

domination qui s’est mis en place et pas seulement en Europe. Il existe à peu près partout.” intervient Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de

l’environnement française, lors de l’émission sur France Inter «A t-on perdu notre lien à la nature»16.

Nous sentions-nous également dominateur à l’égard de la nature lorsque les hommes fabriquaient les croix de moissons ? Il me semble au contraire que ces objets sont la preuve d’une faiblesse face aux aléas de la nature.

“Ce manque d’amour des Français vient peut être aussi du siècle des lumières

16

CHANSIGAUD Valérie, “A-t-on perdu notre lien à la nature”, 14 décembre 2017, France Inter, Source : https://www.franceinter. fr/emissions/la-tete-aucarre/la-tete-au-carre-26mars-2019

17

CABANES Valérie, ”A-t-on perdu notre lien à la nature”, 14 décembre 2017, France Inter, Source : https://www.franceinter. fr/emissions/la-tete-aucarre/la-tete-au-carre-26mars-2019

où nous avons voulu nous extraire d’un état sauvage, et considérer que le progrès

technique était une manière d’affirmer une humanité plus accomplie» répond dans cette même émission Valérie Cabanes, juriste en droit international spécialisée dans les droits de l›homme et le droit humanitaire, écologiste et essayiste française17.

La science et les technologies ont participé à notre émancipation et notre posture de supériorité face à la nature. Alors que ce monde scientifique et technologique gouverne notre rapport au monde, est-il juste de penser à une autre attention portée à la nature ? La paille peut-elle nous apporter une nouvelle forme de spiritualité ancrée selon nos besoins et nos aspirations modernes ? De quelle sorte de spiritualité (en tant que pratique) aurions-nous besoin ? Doit elle être de l’ordre écologique ? Ou encore sociale ?

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« TEL EST LE DESIGN, LE DESSEIN FONDATEUR DE TOUTE CULTURE, DE TOUTE CIVILISATION : TROMPER LA NATURE AU MOYEN DE LA TECHNIQUE, SURPASSER LE NATUREL PAR L’ARTIFICIEL, ET CONSTRUIRE DES MACHINES D’OÙ TOMBE UN DIEU QUI N’EST AUTRE QUE NOUS-MÊMES. » VILÉM FLUSSER Petite philosophie du Design, traduit de l’allemand par Claude Maillard, Circé, Belfort, 2002, p.10

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Photographie pendant la période des moissons dans les Monts du Lyonnais, juillet 2020

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- III - TRANSFORMATION Témoin d’un système agricole en mutation I - À la rencontre des agriculteurs d’aujourd’hui

En visitant le musée des anciens métiers, j’ai côtoyé pour la première fois

cette notion d’une culture rurale perdue. Mais avant de rentrer en profondeur dans cette culture française, il m’a semblé essentiel d’aller à la rencontre de ceux qui produisent cette matière première aujourd’hui.

J’ai donc poussé la porte de l’un de mes voisins, Michel Viricel, agriculteur et producteur de lait à Pomeys dans les Monts du Lyonnais.

Michel se considère comme un “agriculteur moyen”. Sur ses 40 hectares, il fait pousser du maïs et laisse ses vaches pâturer. Michel fait partie des agriculteurs qui ne produisent pas leur paille mais dont le fait de s’en procurer est nécessaire.

La paille lui sert essentiellement pour la litière des vaches, ou en tant qu’aliment broyé dans la bouillie animalière afin de réguler leur transit. Il lui faut 3 tonnes de paille pour ses 40 vaches chaque année. Pour cela il passe par un intermédiaire de la région qui lui vend des bottes ou de la paille broyée en sachet produite par certains céréaliers du coin. Pour lui la paille reste la même partout. Elle lui sert essentiellement pour ce qu’on lui a appris. Ce qui l’ennuie le plus, c’est l’augmentation constante de son prix du à un déficit de la production d’année en année.

Je ressens bien à travers son témoignage le temps et l’investissement que demande son métier d’agriculteur. Comme dit Eric Alary, «Il est loin le petit

paysan de la Belle Epoque qui cultivait sa terre, sciait du bois, tannait des peaux de lapin, vendait des œufs, creusait des puits et plantait des arbres. Oublié, l’homme courbé sur une charrue tirée par des animaux de trait : le paysan d’aujourd’hui est un manager.»19.

Un manager pour qui la paille n’a plus aucune valeur symbolique, seulement une valeur d’usage.

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19

ALARY Eric, L’Histoire des paysans français, opus cité, 2019, p.449.

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II - Industrialisation de l’agriculture

Si j’ai déjà pu évoquer une disparition de la culture paysanne au XXe siècle

dans le chapitre dernier, je souhaite ici traduire ce que le passage du paysan à l’agriculteur lors de la révolution verte a engendré dans notre rapport à la paille.

«En réalité, les découvertes dans ce domaine ne poursuivent qu’un but unique : la

plus grande rentabilité possible» écrivent Ruth Stegassy et Jean-Pierre Bolognini20.

Premièrement dans un souci de manque de main d’œuvre nous avons cessé de récolter la paille à la main à l’aide des faucilles, mais plutôt à la moissonneuse batteuse pour une plus grande efficacité. Une efficacité bienvenue mais qui rompt un lien tactile.

«Si personne ne peut contester que le travail non mécanisé était en effet

20

STEGASSY Ruth et BOLOGNINI Jean-Pierre, Blés de Pays et autres céréales à Paille, opus cité, p.25.

physiquement fort pénible, il faut remarquer que la solution à cette pénibilité

aurait pu passer par d’autres moyens, par exemple un accroissement du nombre des travailleurs.ses de la branche, autrement dit par un partage du travail»21

Il me semble difficile aujourd’hui de remettre en cause ce passage à la machine.

21

BRIER Mathieu et le Groupe Blé de l’ADEAR AURA, Notre pain est politique, éditions de la dernière lettre, Montreuil, 2019, p.27.

Nous prenons du recul par rapport à notre modèle agricole aujourd’hui suite à une prise de conscience écologique, mais cette prise de conscience a pu être possible seulement grâce à l’évolution de notre société et au confort qui est le nôtre aujourd’hui.

Projet May your rice never burn, récolte de la paille à la fauscille, Estelle Jullian et l’Atelier Luma , 2019.

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Fig 35

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En un second temps, la modification des semences par l’INRA en 1950 dans un but de rentabilité a entraîné la perte des “semences anciennes». Si nous regardons du côté de la paille, ces semences nanifiées ne permettent plus d’obtenir une hauteur de paille suffisante pour le travail manuel. En effet nous sommes passés d’une hauteur de paille de 2 mètres à l’origine à une paille de 1 mètre aujourd’hui. Le hachage à la moissonneuse batteuse finit de rendre cette matière totalement inexploitable pour l’artisanat. Le plus dur à avouer est que la paille nanifiée a aussi son charme. J’ai pu constater sa belle blondeur, sa résistance et la grosseur de son tube. Elle possède une certaine beauté esthétique et structurelle malgré sa petite taille.

Cette transformation génétique engendre également une modification de nos paysages.

Avec la machine, des parcelles de terrain de plus en plus vastes ont pu être exploitées, permettant d’obtenir certes un rendu plus important (et donc plus de paille) mais aussi un paysage devenu figé : une multitude de clones dans les champs (la même semence identique et un aléa devenu impossible), transformé par la suite en bottes rondes ou rectangulaires à la moisson.

Ce que j’ai tenté de vous décrire ici est la paille témoin imperceptible de ces bouleversements agricoles de par son traitement avec les machines, sa mise en forme (broyage et mise en bottes), et sa modification génétique qui bouleverse nos paysages. La vision pessimiste de l’agriculteur, la rupture du lien tactile et son usage peu glorieux accentuent notre mépris.

Même si aujourd’hui une grande majorité des agriculteurs s’appuient encore sur ce modèle agricole industriel, certaines prises de conscience évoluent. La mise en place d’une agriculture pérenne est de plus en plus prônée. J’ai donc décidé d’aller à la rencontre de ces nouveaux agriculteurs pour mieux en comprendre leur positionnement mais aussi observer leur vision de la paille.

Fig 36 : Échantillon de paille broyée par la moissonneuse

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Fig 37 : Croquis d’observation Céréale hybride à côté d’une céréale ancienne

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Fig 36

Fig 37

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III - Mutations du statut agricole

Conscients des conséquences de leurs pratiques sur l’environnement, certains

agriculteurs ont développé des techniques culturales adaptées à une diminution (voire une suppression) des produits de synthèse. C’est ainsi que des méthodes d’agriculture «raisonnée», usant de méthodes de production non nocives pour l’environnement ou encore d’agriculture dite « biologique » virent le jour.

Ma rencontre avec Gautier Mazet a été l’occasion de me confronter pour la première fois à un producteur bio. Gautier est employé par son frère sur la ferme de Val Fleury, à Chazelles-sur-Lyon. Ils ont à leur actif 30 vaches laitières et 70 hectares de terrains, avec une partie en blés, orge et maïs panifiables (semences anciennes). Sa volonté en tant que jeune agriculteur est d’effectuer un travail qui corresponde à ses convictions.

Dans ses explications je sens une réflexion profonde sur l’idée de vendre localement avec de petites coopératives, tester de nouvelles manières de cultiver, faire primer la qualité sur la quantité, et repenser au fur et à mesure le rôle de l’agriculteur aujourd’hui en discutant également avec le monde extérieur.

Curieuse, j’en viens alors à le questionner sur la paille.

Bien sûr, il ne fallait pas espérer une autre utilité que pour la litière animale.

Gautier m’explique ensuite que leur volonté d’être autonomes dans leur production de paille les a amenés à faire pousser leur blé et leur orge. Lorsque l’on produit du bio, il faut être bio jusqu’au brin de paille.

“On achète de la paille de temps en temps. On essaie de faire en sorte d’être

autonome mais cette année il y a eu très peu de paille, donc on n’a pas le choix d’en acheter. Tout simplement parce qu’il a fait très sec donc la céréale est montée très

vite en épi et donc il n’y a pas eu assez de paille. La sécheresse du climat n’aide pas beaucoup.” me dit-il.

Fig 38 : Rencontre avec Gautier Mazet, agriculteur bio, à Chazelles sur Lyon , le 15 juillet 2020 - 54 -

Fig 39 : Échantillon de paille broyée et de cire naturelle Fait le 28 août 2020

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Fig 38

Fig 39

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Il me confie la difficulté croissante des agriculteurs du coin à se fournir en paille mais aussi d’accepter l’augmentation de son prix. Des alternatives commencent à se mettre en place tel que le BRF (un mélange non composté de résidus de broyage de rameaux de bois), le sable de dolomie, les balles de riz, le miscanthus, le lin, le chanvre, la menue paille ou encore le calcaire broyé. Ne faut-il pas saisir cette opportunité afin d’investir la paille pour de nouveaux usages ?

“Après il y en a qui utilisent la paille pour le méthaniseur. Je crois que c’est en

Allemagne que ça déséquilibre beaucoup le marché de la paille. L’année dernière le prix de la paille a augmenté et je crois que c’est un peu en partie à cause de ça.”

La paille commencerait donc à sortir de la ferme pour se tourner vers de nouveaux modes de production d’énergies ? Cette idée d’une concurrence commerciale pour s’approprier la paille m’a fait froid dans le dos.

“Pour moi la paille a de l’avenir, parce qu’en termes de construction on se rend

compte qu’elle est hyper intéressante, renouvelable, empreinte de carbone très faible, en matière d’isolation c’est top. En fait, c’est le matériau ancien du futur ! Elle est

aussi utilisée de plus en plus par des particuliers pour leurs jardins. Nous on a énormément de demandes de petits ballots de paille dans les jardins avec l’essor de

la permaculture qui met en avant ce genre d’utilisation de la paille. C’est surtout

utile pour garder l’humidité et le carbone du sol. On a accepté d’en échanger avec seulement une personne. Mais sinon les gens croient que on est contents de trouver

quelqu’un pour s’en débarrasser, ils n’accordent pas de valeurs à ces matériaux. Ils l’assimilent à un déchet. Alors que le fumier c’est le seul moyen de fertiliser nos prés

alors on va pas en faire partir des tonnes et des tonnes. Déjà que nous on en manque un peu ... Notre élevage c’est ce qu’on privilégie. A mon avis si un jour on dit qu’on en fait on aura aucun mal à en vendre.”

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Cet entretien m’a montré que Gautier Mazet se veut un agriculteur ouvert aux autres et au monde. Dans son diplôme pour l’ENSC intitulé Ceci est mon Corps22, la designer Chloé Adelheim relate son aventure autour du pain dans notre modernité. Elle y effectue de nombreuses rencontres riches, mais aussi

des expériences autour de cette matière. Dans une de ses interviews on fait la rencontre de Gilles Simonneaux. La reprise de la ferme de ses parents s’est faite davantage par obligation que par passion. Sa volonté est de réformer son travail dans le but de favoriser le “faire ensemble”. Partager les tâches en employant à la ferme, inventer de nouveaux postes (boutique, boulanger, formation scolaire, 22

fromagerie, etc).

Si l’on s’inspire de cette volonté de changer le modèle agricole en un lieu à multitâches et interdisciplinarité, la paille pourrait-elle être utilisée? Que pourrait-elle transmettre ?

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ADELHEIM Cholé, Interview dans la ferme du petit Chapelais, “Ceci est mon Corps”, 28 décembre 2018 : http:// ceciestmoncorps.fr/2018/12/ la-ferme-du-petitchapelais-et-le-partage-ducapital-p-262/

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IV - Une paille éthique ?

Dans cette continuité, je suis allée rencontrer Christian Dalmasso.

Christian est un agriculteur phare dans le domaine des semences anciennes.

La première fois que je l’ai vu c’était dans le reportage “La Guerre des Graines”23.

Son statut de paysan-boulanger en opposition au système Monsanto m’a fasciné

et vraiment intrigué. Son domaine appelé “la ferme de Pic Bois” se situe à Torchefelon en Isère. Christian y travaille depuis 15 ans avec des variétés anciennes. C’est via l’association Réseau Semences Anciennes du Rhône-Alpes qu’il a pu accéder un jour au coffre fort des anciennes semences, à l’INRA de Clermont Ferrand.

“Aujourd’hui dans nos champs on a environ une centaine de variétés anciennes

différentes. J’en ai récupéré un peu au fur et à mesure et puis à force de les mélanger dans le champ, ça a fini par créer d’autres variétés. Ça nous donne des blés très hauts

avec une couleur très différente. Vu qu’on a un mélange, et puis sans traitements, dépendant des aléas de la météo, on a des rendements assez diversifiés. Donc on a pas

de très bon rendements mais on évite aussi les très mauvaises années. Globalement

pour le pain ça nous suffit très bien. Moi ce qui m’intéresse c’est partir d’une base très

diversifiée éthiquement pour arriver à une population qui évolue et qui soit au mieux

adaptée à mon sol, le climat, et mes pratiques pour que je fasse du pain.” me confie Christian lors de notre rencontre.

Passer du temps dans les champs de Christian, c’est un peu vivre une expérience unique. La première chose que l’on remarque c’est qu’aucun épi n’est à la même hauteur. Tous sont beaucoup plus hauts que les semences populaires (environ 2 mètres de haut). Leur épi peut être plus ou moins gros, avec ou sans barbes, du jaune clair au brun violine. Une diversité captivante et magnifique à la 23

QUILLET Stenka et MONTFORT Clément, La Guerre des Graines, 2014.

fois. Pendant notre discussion, Christian lance sa main en caressant la longue tige de paille tout en remontant jusqu’à l’épi. Une marque d’affection imperceptible et touchante.

Photographie prise dans les champs de Christian Dalmasso

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Je suis comblée par la beauté de sa paille et le paysage que cela crée. Christian, lui, s’intéresse principalement au grain. Il broie sa paille à la moissonneuse batteuse comme tous les agriculteurs et la donne à son voisin.

“Dans les régions d’élevage la paille est vite mobilisée pour le bétail, après dans

d’autres régions elle est broyée et laissée sur place, même pas ramassée. Donc dans ces régions-là, elle pourrait être valorisée. Mais c’est vrai que chez nous même ceux

qui ont des grosses fermes avec beaucoup de vaches ils manquent de paille. Ils vont acheter la paille dans la plaine de Lyon, ou à des kilomètres à la ronde parce qu’ils en ont pas assez.” me dit-il.

A travers son activité, Christian défend une éthique alimentaire forte avec ses graines tandis que la paille reste mobilisée pour le bétail. Pourrait-elle, elle aussi, représenter une certaine éthique ? Elle peut s’allier au groupe des semences anciennes et appuyer une revendication forte. Elle pourrait aussi éduquer notre oeil afin de prendre conscience du paysage qui nous entoure.

Dans son projet Totomoxtle en 2016, Fernando Laposse24 s’intéresse à une

matière bien particulière : les feuilles de maïs mexicaine qu’il avait vu dans son enfance. Ce maïs provenait de semences anciennes qui avaient été remplacées par des semences hybrides qui ont fini par assécher les sols et les rendre inexploitables.

Cela a également mené à la perte d’emploi de nombreux agriculteurs. Il est donc allé chercher ces semences et a embauché ces agriculteurs afin de faire pousser à nouveau ces graines. Il a établi un partenariat avec eux dans le but qu’ils vivent de la vente de ce précieux maïs tandis que Fernando lui, récupère les feuilles de maïs, les aplatit au fer à repasser, puis les découpe afin de fabriquer de la marqueterie 24

LAPOSSE Fernando, “Totomoxle”, 2016 : http:// www.fernandolaposse.com/ projects/totomoxtle/

appliquée sur des panneaux, une table, des luminaires, et pots ornementés. Une démarche inspirante qui se veut respectueuse d’un environnement, défenseuse d’une éthique, d’une pratique agricole, sociale et culturelle.

Totomoxtle, Fernando Laposse Mexique 2016 - 60 -

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Une chose est sûre, depuis que je suis entrée dans les champs de Christian, sa paille m’obsède. C’est comme si elle avait touché en moi quelque chose de profond.

Durant la journée que Christian appelle “bourse d’échange”, organisée en septembre, les semences sont données à des personnes novices afin de démarrer un travail de collection chez eux et de se familiariser avec cette matière.

Certains pourraient devenir de petits producteurs de semences anciennes, et cultiver leur paille pour un usage spécifique.

En partant de ce rêve un peu fou, j’ai décidé de tenter l’expérience de faire pousser ces semences chez moi afin de me rendre compte des contraintes, mais aussi potentiellement me procurer ma paille. Une paille défenseure d’une agriculture pérenne, qui protège nos sols mais aussi notre santé commune.

«Cultiver aujourd’hui des blés populations, comme cela se faisait majoritairement

25

BRIER Mathieu et le Groupe Blé de l’ADEAR AURA, Notre pain est politique, opus cité, p.40.

jusqu’au milieu du XXe siècle, ce n’est pas promouvoir une tendance rétro ou un rejet de la modernité en tant que telle. C’est refuser l’impasse dans laquelle nous jette l’agro-industrie»25.

Fig 40 : Récupération des semences anciennes après battage du blé au fléau.

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Fig 40

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Plantation des graines 24 octobre 2020

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Photographies de la germination du blé , le 7 novembre 2020

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«LE FAIT MAIN EST DEVENU UNE NOTION TRÈS HISTORIQUE FACE À L’INDUSTRIE» JEHANNE DAUTREY ET QUINZ EMANUELE. Stange Design- Du Design d’objet au design de comportement, éditions readit, Villeurbanne, 2014, p.113.

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Marqueterie de paille, Lison de Caunes Paris

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- IV - ADMIRATION -

Témoin d’une culture et de la perpétuation artisanale

I - Cultiver la paille

Les céréales n’ont pas toujours poussé dans un but de rendement céréalier,

cela peut aussi être dans l’optique d’obtenir de la paille.

C’est le cas pour Jean Luc Rodot, l’un des derniers producteurs de paille de seigle en France. Jean Luc produit la paille de seigle car elle est adaptée au sol et au climat de sa région, mais également pour sa hauteur (pouvant atteindre 2m20), sa robustesse, son tube creux et sa brillance.

Dans son champ, Jean Luc fait pousser des semences anciennes transmises par son grand-père. Celles-ci lui permettent d’obtenir la hauteur de paille voulue et un meilleur rendement. Le seigle hybride, lui, fournit un plus gros épi et moins de paille. Chaque année, Jean-Luc fait pousser sa paille avec les graines obtenues l’année précédente. À mon arrivée il me montre un champ laissé à l’abandon. À cause des changements climatiques, de la chaleur et du manque d’eau, le seigle n’a pas poussé assez haut et ne répond pas à l’exigence de Jean Luc. Quand elle ne lui convient pas, Jean Luc laisse les paysans la mettre en botte. Les “mauvaises pailles” ou morceaux de paille coupée après le tri seront brûlées.

Faire pousser la paille d’une année sur l’autre est très difficile : il n’y a pas de méthode parfaite, il faut être très attentif et apprendre de ses erreurs.

“Avant Rancy c’était la capitale de la chaise. Il y avait l’usine de rempaillage

de chaises. Mais tout le monde faisait du seigle ! Même celui qui bossait à l’usine,

il avait un terrain, il faisait de la paille de seigle et il la vendait. Et puis au fur et à mesure plus personne en a fait et maintenant il n’y a plus rien. Personne ne veut

reprendre car c’est très manuel, faut pas craindre. Et ça demande beaucoup de temps” me confie Jean Luc.

Rencontre avec Jean Luc Rodot à l’Abergement de Cuisery , le 13 juillet 2020.

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Si les producteurs sont de plus en plus rares, en revanche la clientèle est grandissante. Jean Luc livre sa paille aux chaumiers, aux marqueteurs, aux rempailleurs, mais aussi aux vanniers. Il en fait soit de grandes javelles qu’il livre directement, soit il la trie, la coupe entre les nœuds, la colore, puis la livre en petits paquets.

Jean Luc vend sa paille à la marqueteuse Lison de Caunes, située à Paris.

Dans un interview pour le podcast Où est le beau ?27, Lison explique que

cette technique a été créée au XVIIème siècle pour remplacer le bois à un coût moindre. Entre-temps, la marqueterie a cessé d’être au goût du jour, mais Lison s’est prise de passion pour ce matériau et a décidé de le faire revivre de manière plus contemporaine. Elle a dû faire fasse à l’a priori d’une matière pauvre sans

intérêt. C’est grâce à sa brillance, son esthétique, sa couleur, et en travaillant dans le luxe que finalement son savoir-faire a fini par s’imposer. Lison a fait en sorte d’être la plus créative possible afin que la paille ne cesse de nous surprendre.

27

AGUILAR Hélène, épisode #53 : “Qu’est ce que la marqueterie de paille ? Lison de Caunes nous explique tout”, “Où est le beau ?” : https://www. ouestlebeau.com/56lison-de-caunes-et-lamarqueterie-de-paille

Aujourd’hui elle est considérée comme la plus grande marqueteuse de France, travaillant avec de nombreux créateurs et designers.

Elle termine son récit en disant que le beau c’est ce qui touche à l’émotion.

Un matériau tel que la paille doit charmer l’œil, mais il doit aussi être touché, être vécu.

Fig 41 : Table Straw Fall , Lison de Caunes et Mathieu Lehanneur , 2018 - 72 -

Fig 42 : Lison de Caunes.

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Fig 41

Fig 42

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II - La paille au cœur de l’artisanat 1- Tressage

Différentes techniques sont appliquées pour travailler la paille. La première

dont nous pouvons parler est la technique la plus ancienne et la plus accessible : le tressage de paille.

Cette technique qui a plus de cinq mille ans est généralement réalisée à la main et demande très peu d’outillage (on peut utiliser un poinçon creux pour les vanneries, ou encore une machine à coudre). Elle résulte d’un ensemble de plis, de nouages, de croisements et d’entremêlements. Ces gestes sont facilement accessibles et ne demandent pas un savoir-faire particulier.

Cette technique permet de réaliser des chapeaux, des boîtes, des ruches ou encore les fameux bouquets de moisson.

Comme dit Jean Luc Rodot, la vannerie de paille a tendance à faire sa réapparition (même si l’osier est quand même favorisé). En revanche, il est désormais très rare de trouver des personnes en France possédant le savoir-faire du tressage. Il m’a fallu m’orienter sur des ouvrages américains ou encore des tutoriels russes pour en découvrir les techniques. Ces savoirs sont pourtant encore très présents en Europe de l’Est, aux Etats Unis, et également un petit peu en Suisse et en Angleterre.

Je suis parvenue à trouver Danièle Cloërec, tresseuse de paille à Sarzeau pour l’ancienne association les Turlupins, désormais à son compte en tant qu’entrepreneur. Elle utilise le bouquet de moisson en tant que support pédagogique. Elle a pour habitude d’intervenir dans des écoles ou de proposer des formations aux adultes. Pour elle cette pratique permet de créer un lien entre notre passé et notre présent. Elle génère aussi la satisfaction de réaliser un objet par soi même. Elle enseigne également comment faire pousser son blé, tout en défendant les semences anciennes.

Fig 43 : Danièle le Cloërec , Interviewée le 20 octobre 2020

Fig 44 : Atelier apprentissage du tressage de paille chez les Turlupins

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Fig 45 : Échantillon de tressage, Fait le 29 septembre 2020

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Fig 43

Fig 45

Fig 44

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Enseigner le tressage c’est faire passer des valeurs, c’est également apprendre aux autres comment donner vie à la paille sous leurs doigts, et recréer un lien avec elle tout en convoquant une culture ancestrale. Cette notion de transmission d’un savoir-faire me semble très intéressante.

Pour beaucoup, ce savoir est considéré comme un passe temps agréable et accessible, grâce au faible coût et à la localité de la matière.

Des designers se sont pourtant emparés de ces techniques afin de donner un autre rôle à cette paille. Je trouve que le projet May your rice never burn,

réalisé par Estelle Jullian avec l’Atelier Luma à Arles en 201928, rentre en écho avec l’expérience de Danièle. L’Atelier Luma a pour volonté de développer les compétences d’un territoire, en favorisant des innovations durables et des ressources naturelles. La paille de riz cultivée en Camargue grâce à son climat et à sa zone maritime, a tendance à être brûlée car sans usage déterminé, provoquant des émissions de gaz à effet de serres mauvaises pour la région. Estelle Jullian a donc enquêté sur son territoire afin de trouver un nouvel usage pour cette paille.

Après avoir sélectionné la technique du tressage de paille, elle invita des résidents de Arles à venir réaliser les tresses nécessaires au prototypage d’une maille déposée au bord des Dunes de Piemanson pour parer aux inondations fréquentes. Ce projet a une portée sociale, éducative que je trouve très intéressante. Elle sensibilise à 28

JULLIAN Estelle, Atelier Luma, “May your rice never burn”, 2018/2019 : https:// atelier-luma.org/projets/ may-your-rice-never-burn

29

GENEVAUX Chloé et BOUNOURE Guillaume, La paille dans l’architecture, le design, la mode et l’art, éditions ternatives, Paris, 2017, p.126.

une matière pensée comme inutile afin d’engendrer de nouveaux comportements et de répondre aux besoins d’un territoire.

La technique de tressage a également été adoptée par la designer portugaise Eneida Lombe Tavares pour son projet Mé-tissage réalisé en 201329. Elle y associe la faïence à celle de la paille tressée pour produire un dialogue intellectuel entre

le dur et l’éphémère. Ces deux matériaux tissent entre eux une histoire dans le but d’évoquer des savoirs ancestraux et culturels. Une manière de voir le lien entretenu avec le passé comme une richesse.

Fig 46 : May your rice never burn, Estelle Jullian et l’Atelier Luma, Arles, 2019.

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Fig 48 : Mé-Tissage, Eneida Lombe Tavares, 2013.

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Fig 46

Fig 47

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2 - Broderie

La Broderie de paille est une technique développée par les Suisses. Comme

l’explique Veronica Main, cette technique a émergé pour répondre au besoin d’un grand nombre de paysans cherchant à gagner un revenu supplémentaire30.

Le début du développement de la fabrication industrielle de la broderie de paille est une période sombre où des personnes étaient exploitées pour ce travail long, fastidieux et mal payé. Par la suite cet art grandissant a fini par laisser fleurir une industrie mondiale atteignant aussi la France. Des pièces ont pu être échangées en tant que monnaie à part entière. Elles ont été enseignées aux enfants dans les écoles, ou bien elles remplaçaient parfois l’or dans la fabrication d’objets précieux.

On peut réaliser avec cette technique des décorations pour les chapeaux, des broderies sur des tissus, des bijoux, ou encore des reliques.

C’est un savoir faire très minutieux et difficile. Plusieurs outils sont nécessaires tels que : le porte aiguille (pour réaliser des figures autour de l’aiguille), le fendoir (séparer une paille en fines lamelles), la spatule (assouplir la paille), le spreuer (peigne pour réaliser une pièce) ou encore le sternli (outil pour réaliser des figures en cercle).

On peut encore trouver une banque d’objets relatant ces créations au Strohmuseum im Park de Wholen, en Suisse.

Veronica Main stipule à la fin de son livre que certains créateurs tentent de faire perdurer ce savoir qui ne correspond plus du tout aux objectifs de rentabilité 30

MAIN Veronica, Swiss Straw Work, opus cité, 2003, p.7.

qui sont aujourd’hui les nôtres. De quelle manière ces techniques peuvent-elles prendre sens dans notre système actuel qui favorise l’efficacité à l’instar de la qualité ?

Fig 48 : Broderie de paille à l’aide d’un spreuer.

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Fig 49 : Echantillon de broderie appelé Small Half Moon (Halbmöndli) , Fait le 20 août 2020.

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Fig 48

Fig 49

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Nathalie Seiller Dejean fait partie de ces artistes. Après avoir découvert sur un marché en Suisse de vieux objets en paille, elle décide de se former en autodidacte au travail de ce matériau qu’elle qualifie “authentique et inhabituel”. Elle fabrique même ses propres outils pour pousser la technique toujours plus loin. Elle estime que les savoir-faire de la paille sont riches, mais ont tendance à ne pas être assez exploités. Grâce à ses anciennes professions, Nathalie a réussi à s’implanter dans le domaine du luxe avec ses diadèmes, portés tels des bijoux de la haute couture.

Ce n’est pas la première fois que la broderie de paille réussit à inspirer les créateurs : Margarete Schoenenberger m’a confié avoir participé à la réalisation d’une veste brodée pour le défilé de Schiaparelli en 2016, tout comme la collection réalisée en paille par Jean Paul Gaultier en 200631.

31

GENEVAUX Chloé et BOUNOURE Guillaume, La paille dans l’architecture, le design, la mode et l’art, opus cité, p.146.

La finesse et les possibilités esthétiques de la paille l’amènent ici à dépasser totalement son statut de matériau pauvre pour s’élever au rang de pièce unique luxueuse, ou encore de bijou.

Fig 50 : Diadème créé par Nathalie Seiller - Dejean.

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Fig 50

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3 - Marqueterie

La technique de la marqueterie de paille est une idée importée des pays

asiatiques. Aujourd’hui cette technique s’est réinventée et s’est imposée dans le domaine du luxe. On utilise principalement la paille de seigle pour sa longueur et sa brillance.

Une fois la paille trempée afin d’être assouplie, on l’ouvre avec un fendoir.

La paille est ensuite aplatie à l’aide d’un plioir, puis collée de bord à bord sur une surface à la colle blanche. Selon le motif voulu, les bords sont ensuite découpés, et la paille brossée pour faire ressortir sa brillance.

Les créations sont aujourd’hui nombreuses mais j’aimerais me recentrer sur le travail du designer Adam Goodrum et du marqueteur Arthur Seigneur. À travers ce projet, le groupe cherche à pousser la technique plus loin mais aussi les formes sur lesquelles la paille s’applique. De plus, ils confient que la préservation d’une technique telle que la marqueterie se veut critique dans un monde post-industriel.

«Notre société consumériste et post-industrialisée signifie que les objets doivent

être fabriqués de plus en plus vite. La marqueterie de paille a le luxe d’être le contraire; son long processus de préparation et d’application à la main se rebelle contre les contraintes du temps.» déclarent-ils32.

32

CARLSON Cajsa, “Adam and Arthur designs colourful straw marquetry collection informed by parlour game”, pour le magazine DEZEEN, 28 septembre 2020 : https://www.dezeen. com/2020/09/28/exquisitecorpse-marquetry-furniturecraftsmanship-adam-arthur/

Sur ce point là, il me semble en effet que le travail de la paille se doit d’assumer clairement une pratique longue. Cette idée rejoint l’idéologie du Slowmade : un mouvement artisanal prônant la réhabilitation de la valeur « temps » pour une fabrication réfléchie, minutieuse et qualitative. De ce fait, ne pourrait-on pas opposer au culte de l’efficacité, de la rentabilité et de la productivité, une temporalité autre où l’humain et ses capacités sont célébrées, pas uniquement à travers le luxe?

Fig 51 : Détail du buffet Tallbaoy de Adam Goodrum et Arthur Seigneur.

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Fig 51

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4 - Rempaillage

Cette technique nous semble vieille comme le monde certainement à cause

de son association à la chaise en paille, et à son manque d’innovation. La méthode

consiste à enrouler autour d’un cadre en bois une paille de seigle entortillée autour de brins en jonc (ou de raphia). Elle nécessite l’usage d’un lissoir, d’un marteau ou encore d’un tournevis. Un métier dont la difficulté se base sur l’adaptation à chaque chaise car aucune n’est identique.

Pour m’immerger dans cet univers, je suis allée rendre visite à José de Cavalho Lopes. Cet entrepreneur a eu très peu de temps à me consacrer, totalement monopolisé par un grand nombre de commandes. José a l’habitude de son travail.

Après 38 ans d’expérience, il a du mal à relativiser sur la valeur de son savoir. Ses connaissances lui sont évidentes et acquises. Cependant son savoir-faire regorge de petits trésors à observer : l’aspect de cette paille en torsade inédite, la beauté du geste, l’histoire de l’objet ou encore l’unicité de chaque pièce. Ce qui lui rapporte sa clientèle est lié à un attachement de ces objets ancestraux.

Peut-être faut-il renouer avec l’art de la contemplation pour observer à nouveau du beau dans tout ce qui nous semble acquis ?

Fig 52 : Rempailleur de chaises à Toul.

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Fig 52

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5 - Une nouvelle place pour cet artisanat ?

À la suite de toutes ces rencontres et ces savoirs il me semble que la paille

pourrait être prolongée davantage dans un but de transmission d’une culture, de convivialité, d’éco responsabilité, dans une production qui favorise la lenteur, ou encore nous éduquer à la contemplation de petits détails et richesses à explorer.

Le caractère passéiste me semble encore très présent et ancré dans ces

pratiques. Comment dépasser cet attachement au passé pour tourner la paille vers un usage contemporain ?

Faut-il surpasser la technique artisanale de la paille ?

Faut-il ouvrir l’artisanat de paille au plus grand nombre d’entre nous ? Ou alors faut-il dépasser les usages traditionnels, parfois même trop décoratifs, pour attribuer à la paille des usages qui n’ont encore jamais été les siens ?

Fig 53 : Échantillon de marqueterie, réalisé le 20 août 2020.

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Fig 53

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«IL S’AGIT DE DÉVELOPPER UNE NOUVELLE CULTURE QUI NE SE FONDE PAS SEULEMENT SUR L’HABILITÉ TECHNIQUE DE L’HOMME MAIS AUSSI SUR SA SAGESSE. PAS SEULEMENT SUR SON POUVOIR DE MODIFIER LA NATURE, MAIS AUSSI SUR SES CAPACITÉS À LA COMPRENDRE : L’HOMME SAURAIT ENCORE DONNER DE NOUVELLES QUALITÉS À L’ARTIFICIEL MAIS IL SAURAIT AUSSI GARANTIR LA CONTINUITÉ DE CE FRAGILE SUBSTRAT NATUREL SUR LEQUEL REPOSE TOUT ESPOIR DE VIE.» EZIO MANZINI La matière de l’invention, opus cité, p.17.

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Architecture d’un bâtiment recouvert en chaume par Proky Hefer Design en Namibie.

Photographie prise par Katinka Bester, 2018

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- V - - DURABILITÉ Témoin d’un système contemporain I/ Emergence en Architecture

L L

ors de son interview, Gautier Mazet m’avait déjà évoqué la paille comme orsmatériau de son interview, Mazet m’a évoqué la paille comme étant étant “le ancien du Gautier futur”, en me donnant des exemples de son utilisation “le ancienCes du dernières futur”, à années travers ont des marqué exemples dans le dansmatériau le bâtiment. le d’utilisations retour de techniques bâtiment. dernières années ontque marqué le retour de techniques anciennes anciennes Ces incluant la paille, telles le torchis, la chaume, ainsi que la paille telles que le torchis, le chaume, ainsi que la paille porteuse ou en ossature. porteuse ou en ossature.

La La paille paille est est avant avant tout tout appréciée appréciée pour pour ses ses capacités capacités d’isolation d’isolation thermique thermique etet phonique (de par sa forte densité), sa durabilité (elle peut tenir plusieurs phonique (de par sa forte densité), sa durabilité (elle peut tenir plusieurscentaines centaines d’années), son renouvellement (matière végétale qui pousse tous les ans), d’années), son renouvellement (matière végétale qui pousse tous les ans), etet sasa

résistance au feu feu (si (sion onlalacondense condensecorrectement). correctement).On Onpeut peut aussi ajouter qu’elle résistance au aussi ajouter qu’elle est est non allergène, elle résiste au déchirement, elle est hydrofuge et a également non allergène, elle résiste au déchirement, elle est hydrofuge et a également une une bonne élasticité.

Ellemême est même qualifiée de "puits de carbone”, dire bonne élasticité.

Elle est qualifiée de «puits de carbone”, c’est à c’est dire àqu’elle 34 qu’elle CO₂ dans .

18 l’air absorbeabsorbe le CO₂ le dans l’air .

En En regardant regardant le le système système de de construction construction depuis depuis l’extérieur, l’extérieur, nous nous pourrions pourrions ajouter qu’elle est locale, elle demande peu de transformation et peu de transport. ajouter qu’elle est locale, elle demande peu de transformation et peu de transport.

Contrairement Contrairement aux aux idées idées reçues, reçues, elle elle n’attire n’attire pas pas les les rongeurs rongeurs et etles lesinsectes insectescar carelle elle n’est pas alimentaire.

Le domaine de la construction met en avant les avantages n’est pas alimentaire. Le domaine de la construction met en avant les avantages 34

Construction Paille, Réseau de la région Auvergne Rhône-Alpes : https://auvergnerhonealpes. constructionpaille.fr/ la-construction-paille/ présentation/

35

STEGASSY Ruth et PIERRE Vincent, “Terre à terre - La paille”, France Culture, le 2 avril 2016 : https://www.franceculture. fr/emissions/terre-terre/ matiere-portraits-33-la-paille

de de la la paille paille sous sous forme forme de de botte botte rectangulaire rectangulaire et et évite évite ainsi ainsi des des défauts défauts comme commesasa fragilité, sa casse, casse, sa sa dégradation dégradation due dueààl’usure l’usureou ouencore encoresasapetite petitetaille. taille.Des

fragilité, sa défauts Des défauts on peut sedans confronter dans la tige à auxquels on auxquels peut se confronter l’artisanat enl’artisanat travaillantenlatravaillant tige à l’unité. l’unité.

Dans une émission diffusée sur France Culture, Vincent Pierré, dirigeant du Dans une émission diffusée sur France Culture, Vincent Pierré, dirigeant du bureau d’études Terranergie à Saint-Dié-des-Vosges, intervient en disant « Quand bureau d'études Terranergie à Saint-Dié-des-Vosges, intervient en disant :

on commence à lister les propriétés et les qualités de la paille, et si on utilisait des termes

«scientifiques Quand onuncommence à lister lesdire propriétés et les qualitésundenouveau la paille, et si on peu compliqués pour qu’on vient d’inventer matériau, on utilisait des termes scientifiques un peu compliqués pour dire qu’on vient d’inventer parlerait alors d’un nouveau matériau biosourcé, eco conçu, une espèce d’hybride végétale. un nouveau matériau, nouveau eco conçu,la Enfin bref, on décriraitonla parlerait botte de alors pailled’un agricole et ilmatériau se trouvebiosourcé, que la botteleuse une espèce d’hybride végétale.

Enfin bref, on décrirait la botte de paille agricole et il 19 fabrique. C’est juste du pragmatisme.» .

35 se trouve que lausage botteleuse la construction fabrique. C’estest-il justeledu pragmatisme.»

Ce nouvel dans la moyen de renouveler son image

Fig 54 : Échantillon de torchis, réalisé le 19 août 2020.

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Fig 54

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? EnCet prouvant usage dans son efficacité la construction et sa pertinence est-il le moyen pour des de renouveler enjeux climatiques son image ? ? À plusieurs En prouvantreprises, son efficacité elle estetprésentée sa pertinence comme pourundes secteur enjeuxd’avenir. climatiques Si elle ? est 20 , elle a déjà parfois À plusieurs accolée àreprises, l’imageelle de est “la présentée petite maison comme de campagne un secteur écolo” d’avenir.

Si elle est 36 conquisaccolée plus de àcinq millede maisons en France, et même des immeubles. , elle a déjà parfois l’image “la petite maison des de écoles campagne écolo”

La pailleplus conquis fait de parcinq ce biais milleson maisons entréeenenFrance, ville, un desmilieu écolesdans et même lequel des elle immeubles. reste très absente La pailleaujourd’hui. fait par ce biais son entrée en ville, un milieu dans lequel elle reste très absente aujourd’hui.

En voulant approfondir davantage le sujet, j’ai fait la rencontre de Roland Aujogue, En voulant constructeur approfondir de maisons davantage isolées le sujet, en paille. j’ai fait Il y la a cent rencontre ans, audemoment Roland de son invention Aujogue, constructeur en France, de maisons cette technique isolées enn’a paille. pas réussi Il y aà cent conquérir ans, au le moment marché.

En son de partie invention parce que en cette France, matière cette première techniquepeu n’achère pas réussi n’offrait à conquérir pas une rentabilité le marché. commerciale En partie parce assez queintéressante cette matière pour première être développée peu chère21n’offrait . Pourtant pasaujourd’hui une rentabilité son 37 faible coût peut commerciale assez aussi intéressante être vu comme pour sa être force développée d’accessibilité . Pourtant et favoriser aujourd’hui son attrait. son

faible Pour coûtRoland, peut aussi la être paillevun’est comme qu’un sa force déchet d’accessibilité qui a enfinet trouvé favoriser sa son place. attrait.

Le nombre Pour de Roland, constructions la paille n’est en paille qu’unlui déchet paraîtqui insuffisant, a enfin trouvé et pour sa place. l’encourager, Le nombre il faudrait de constructions organiseren unepaille nouvelle lui paraît filièreinsuffisant, de production et pour de paille l’encourager, dédiée au il bâtiment. faudrait Si cela ne une organiser se fait nouvelle pas aujourd’hui filière de production c’est parce de quepaille la production dédiée au bâtiment. de bâtiments Si cela en paille ne se fait restepas trop aujourd’hui confidentielle, c’est parce cachée, que mais cette aussi méthode parce qu’il resteytrop a une confidentielle, difficulté de la part des cachée, mais consommateurs aussi parce qu’il à s’éloigner y a unedes difficulté matériaux de usuels la partpour des la consommateurs construction, à s’investir s’éloignerdans des matériaux, la participation à s’investir au chantier dans la departicipation leur maison au ou chantier même parfois de leur à y mettreoulemême maison prix. Un parfois autre à yproblème, mettre le laprix. complication Un autre problème, du systèmela de complication normes et d’assurances du système dequi normes rebuteet plusieurs d'assurances constructeurs qui rebute plusieurs en paille.constructeurs Le souci de en quantité paille. soulevé Le soucipar de manque les autresquantitatif agriculteurs soulevé ne semble par lespas autres inquiéter agriculteurs Roland, ne pour semble luipas la France possède inquiéter Roland, assez pour de paille lui la pour France de possède nouveaux assez usages. de paille pour de nouveaux usages.

36

Ibid.

37

Ibid.

Une phrase m’a quelque peu interloquée : «on ne veut pas la voir, mais on

veut l’avoir»22. Elle renvoie au fait qu’avec les techniques d’isolation la paille est

enfermée Une phrase dans des m’acaissons un peueninterloquée bois pour la: «on protéger ne veut des pas fortes la pluies, voir, mais pouronéviter veut

38 l’avoir» son éparpillement, . Elle renvoie mais aussi au fait pour qu'avec obtenirlesdestechniques surfaces lisses. d’isolation la paille est

enfermée dans des caissons en bois pour la protéger des fortes pluies, pour éviter

38

Ibid.

son Est-ce éparpillement, également maisune aussivolonté pour obtenir inavouée des surfaces de la cacher lisses. parce qu’elle nous

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renvoie Est-ce l’image également d’un matériau une volonté bas deinavouée gamme etdefragile la cacher ? Celaparce entre qu’elle en contraste nous avec renvoie la technique l’image d’un de chaume matériau qui,bas pour de legamme coup, assume fragile l’esthétique ? Cela entred’une en contraste paille en extérieur. avec la technique Elle s’impose de chaume en tantqui, que pour matière le coup, utile, elle assume se veut l’esthétique assumée d’une et offrepaille une vraie en extérieur. visibilitéElle de ses s’impose capacités. en tant Est que quel’on matière n’accepte utile, l’usage assumée, de et cette offre matière une vraie que lorsqu’elle visibilité denous ses arrange capacités. ? Faudrait-il Est que l’on fairen’accepte l’effort del’usage ne pas de toujours cette matière aller dansque le lorsqu’elle nous arrange Faudrait-il faire l’effort de ne pas toujours aller dans le II/ Le Politique par le? Poïétique sens de ce qui nous arrange, afin de laisser place à des usages fondés sur l’affinité, le respect ou encore l’alliance avec la paille ?

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Architecture d’un bâtiment recouvert en chaume par Proky Hefer Design en Namibie.

Photographie prise par Katinka Bester, 2018

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E découvrant programme innobite lancé par l’entreprise CIMV visant II/nLe Politiquelepar le Poïétique

la valorisation de la paille sous forme de biomatériaux du futur, j’ai compris

que la science cherchait à exploiter la paille dans des innovations matérielles n découvrant le programme innobite lancé par l’entreprise CIMV visant et énergétiques (on peut aussi citer la production de bioéthanol23 ou encore de la valorisation de la 24paille sous forme de biomatériaux du futur, j’ai compris granulés pour le feu ). À travers ces initiatives, la paille ne devient plus qu’un que la science cherchait à exploiter la paille dans des innovations matérielles ingrédient déchet parmi tant d’autres, valorisée par sa transformation la plus et énergétiques (on peut aussi citer la production de bioéthanol39 ou encore de totale. granulés pour le feu40). À travers ces initiatives, la paille ne devient plus qu’un Ces initiatives convergent vers un but commun à l’isolation de paille : que la ingrédient déchet parmi tant d’autres, valorisée par sa transformation la plus paille devienne un produit utile à la transition vers un modèle de production plus totale. «écologique». Est ce que la paille doit se consacrer uniquement à des usages qui Ces initiatives convergent vers un but commun aux capacités d’isolation de augmentent notre confort tout en diminuant notre impact environnemental ? paille : que la paille devienne un produit utile à la transition vers un modèle de Quelque chose qu’il m’est difficile de concevoir en tant que designer, après production plus "écologique". Est ce que la paille doit se consacrer uniquement avoir entrevu en partie les richesses insoupçonnées de la paille. à des usages qui augmentent notre confort tout en diminuant notre impact

E

environnemental ?

«Aujourd’hui le choix ne peut plus être pour ou contre l’industrie, pour ou contre le Quelque chose qu’il m’est difficile de concevoir après avoir entrevu une partie marché. Se croire obligé à un tel choix, lorsqu’on est designer, c’est faire effort pour se des richesses insoupçonnées de la paille. rendre fou. (...) Il est temps pour lui de voir ce qu’il peut “faire avec ça”. Et de nous faire rêver “avec ça”.»25.

Le rôle du designer n’est pas de réduire la paille uniquement à des caractéristiques

prometteuses, ni à des surfaces lisses, sans vie, et des comportements les moins Le rôle du designer n’est pas de réduire la paille uniquement à des caractéristiques impactant possibles. prometteuses, ni à des surfaces lisses, sans vie, et des comportements les moins Plutôt que de chercher le “plus pour être”41, dans une approche trop quantitative impactant possibles. en laquelle nous enferme un certain usage de la science, je souhaite me placer en Plutôt que de chercher le “plus pour être”45, dans une approche trop quantitative tant que designer qui favorise le “mieux être”41 en convoquant l’imaginaire et le en laquelle nous enferme un certain usage de la science, je souhaite me placer en sensible. Quelque chose de totalement omis avec la paille et qui pourtant pourrait tant que designer qui favorise le “mieux être”26 en convoquant l’imaginaire et le suffire à lui donner toute sa force et son rayonnement. J’ose affirmer ici que la sensible. Quelque chose de totalement omis avec la paille et qui pourtant pourrait paille est riche, qu’elle n’a pas besoin d’être transformée pour rayonner, et qu’elle suffire à lui donner toute sa force et son rayonnement. J’ose affirmer ici que la possède les ressources nécessaires dont le designer peut s’emparer afin de la mettre paille est riche, qu’elle n’a pas besoin d’être transformée pour rayonner, et qu’elle en avant d’une toute autre manière. possède les ressources nécessaires dont le designer peut s’emparer afin de la mettre en avant d’une toute autre manière.

Les conseils de Ezio Manzini peuvent s’avérer utiles pour la suite de cette

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39

EuroNews., “La paille de blé, carburant de demain ?”, 23 avril 2018 : https:// www.youtube.com/ watch?v=43qDgxuQiOs

40

Reportage France 3 Poitou-Charentes, “Fabrication de granulés de paille par l’entreprise Fristbois», 25 octobre 2014 : https://www.youtube.com/ watch?v=bZZj3Rn_0Jk

41

termes empruntés dans BERTRAND Gwenaëlle et FAVARD Maxime, Poïétique du design, Eco-conception ?, opus cité, p.76

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Les conseils de Ezio Manzini peuvent s’avérer utiles pour la suite de cette histoire : «Ce qui est finalement à définir et dessiner, c’est un rapport de proximité

avec l’objet; proximité entendue au sens strict, celle du toucher par exemple, mais aussi au sens large : comme un rapprochement favorable à l’élaboration de messages sensoriels.»42

Le design peut élaborer des messages sensoriels qui participent au

rapprochement avec l’objet, mais également favoriser l’élaboration de messages politiques par le poïétique43.

J’entends par là que la paille peut être utilisée en tant qu’objet porteur d’un modèle de production réfléchi. D’où la nécessité d’actions de «réparation par le design», comme le propose la Triennale de Milano XXII, Broken Nature44.

Cette triennale organisée par Paola Antonelli vise à corriger la course de 42

MANZINI Ezio, La matière de l’invention, opus cité, p.194.

43

termes empruntés dans BERTRAND Gwenaëlle et FAVARD Maxime, Poïétique du design, Ecoconception ?, opus cité, p.73.

44

ANTONELLI Paola et TANNIR Ala, “Reparations by Design”, Broken Nature, 1 mars 2018 : http://www.brokennature. org/reparations-by-design/

45

Mañes Rubio Jorge et Pinatih Amanda, “Design Museum Dharavi”, 2016 : https://jorgemanesrubio. com/portfolio-item/designmuseum-dharavi

l’humanité vers l’autodestruction, en embrassant un vaste champ de solutions.

Paola souhaite un design riche en propositions stratégiques, afin d’aider les humains à planifier une fin plus élégante tout en réparant notre relation aux environnements que l’on partage avec d’autres espèces et entre nous. Pour cela, les designers explorent tantôt la technologie, tantôt l’artisanat ou une combinaison des deux. Il ne s’agit pas seulement de recyclage mais aussi d’acheter moins et de se transmettre. L’ambition de Broken Nature est non seulement d’influer sur les habitudes des designers ou des industriels, mais aussi de changer celles du citoyen.

Parmi les projets présentés, je voudrais parler de Design Museum Dharavi45.

Ce projet se concentre sur un quartier bidonville de Mumbai avec la volonté de favoriser la création malgré les conditions difficiles. Le design agit comme un outil pour promouvoir le changement social et l’innovation afin de remettre en question les perceptions négatives de ces lieux. Par un programme culturel, des

ateliers organisés avec les membres du quartier, le projet veut montrer au reste de la ville qu’il regorge d’une communauté créative passionnante et prometteuse.

Les travaux réalisés sont exposés à l’aide d’un dispositif coloré, chaleureux et nomade. Les objets créés reflètent une toute nouvelle identité et perception de ces quartiers pauvres.

“Design Museum Dharavi”, Jorge Mañes Rubio et Amanda Pinatih, 2016 - 98 -

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histoire Un second : projet qui m’a touché et qui reflète le propos de la Triennale 47 est «Ce Alguae qui est Géographies finalement àdedéfinir l’Atelier et dessiner, Lumac’est . Ce un rapport projet decherche proximité à avec mettre l’objet; en

proximité valeur l’algue, entendue à l’aide au sens d’une strict,plateforme celle du toucher qui par metexemple, en lien mais différents aussi auacteurs sens large du 27 : commeméditerranéen. bassin un rapprochement Le favorable projet présente à l’élaboration un ensemble de messages de créations sensoriels.»locales, . aux

techniques diversifiées, rendues possibles via cette plateforme.

Le design peut élaborer des messages sensoriels qui participent au rapprochement Cette triennale avecnous l’objet, rappelle mais également que face à favoriser l’état d’urgence l’élaboration nous de ne messages pouvons politiques rester indifférents, par le poïétique ou pire 28participer . à un déni orchestré. Le design a la capacité de seJ’entends développer par de là que manière la paille créative peut dans être utilisée le monde en et tant de qu’objet produire porteur de nouveaux d’un 47

Atelier Luma, “Alguae Geographies”, 2019 : https:// atelier-luma.org/articles/ algae-geographies-byalgae-platform-brokennature-triennal-01-03-0109?locale=fr

48

terme emprunté à MASANOBU Fukuoka, La Révolution d’un brin de paille, éditions Guy Trédaniel, Paris, 2018

modèle de mondes jusqu’alors production inimaginables, réfléchi. Il me de semble concocter qu’ildepeut nouvelles incarner histoires, une alliance et donc forte de avec l’artisanat, générer de nouvelles tout en visions valorisant de situations les semences contemporaines. anciennes.

Ainsi, en Ainsi j’imagine s’inspirant la paille de ces devenir démarches, un outilj’imagine pour rendre la paille visibledevenir et accompagner un outil ces systèmes pour rendre visible en marges et accompagner ou encore ces ces systèmes savoir-faire. en marges Ainsi ces ou encore «objetsces de savoirpaille» pourraient faire.

Ces «objets faire rayonner de paille» pourraient sa noblesse,faire sonrayonner éthique,sason noblesse, artisanat, son éthique, son histoire son ou encoreson artisanat, sa histoire durabilité. ou Cela encore pourrait sa durabilité. être aussi Celaune pourrait manière êtrede aussi proposer une manière ou de défendre de proposer de ou nouvelles de défendre formesdedenouvelles vie. formes de vie.

La paille devient symbole témoin d’une forme de soulèvement, qui pourrait 48 être être “la “la révolution révolution d’un d’un brin brin de de paille” paille”29..

“Alguae Géographies”, Atelier Luma, 2019

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CONCLUSION

À S

travers différentes et expériences, j’ai la i ce récitces arrive à sa fin,rencontres mon aventure avec un brin deconviction paille, elle,qu’un n’est matériau humble, peu admiré, renvoyé le plus souvent à un monde disparu, peut cependant pas finie. Bien au contraire, elle ne fait que commencer. Grâce à toutes s’avérer finalement plein dejerichesse. ces fabuleuses rencontres, regarde désormais la paille avec clairvoyance. J’ai la conviction qu’un matériau humble, peu admiré, renvoyé le plus souvent à un Tout d’abordpeut la paille a suplein démontrer ses vertus liées à son histoire : elle a la monde disparu, s’avérer de richesse.

capacité de créer du lien social, de perdurer à travers la mémoire à l’aide de savoirfaireLes transmis dede génération ensont génération. qualités la paille se révélées par différents aspects. Tout d’abord

grâce à mes premières rencontres, la paille a su démontrer ses vertus liées à son La paille a également desa vertus éthiques.

De par sa dimension histoire.

J’ai compris qu’elle la capacité de créer du lien social, de modeste perdurer età

pourtant nous invite à renoncer à ce brille, ceenqui s’impose travers la essentielle, mémoire à elle l’aide de savoir-faire transmis de qui génération génération. par puissance, afin dedurablement nous questionner sur de nostechniques essentiels et ce qui a Elle sa peut être valorisée grâce àdavantage un ensemble artisanales réellement de la qui s'adaptent ouvaleur. se réinventent.

Enfin a des écologiques quises se vertus révèlent peu à peu.

Ellesaestmodestie utilisée Par la elle suite, j’ai vertus également découvert éthiques.

De par dans un objectif de réduction de la pollution favorisant l’éco-conception. pourtant essentielle, elle nous invite à renoncertout à ceen qui brille, mais qui finalement

De ses qualités, dans différents domaines tel que restepar superficiel, afinelle deémerge nous questionner davantage sur de ce productions qui est essentiel et l’architecture ou encore l’énergétique.

En s’inscrivant une même dynamique porter des valeurs.

Elle nous incite également à prendredans du recul sur notre rapport

écologique, la paille dans l’univers domestique ? Ou encore au temps et àfaut-il notre réintroduire environnement naturel. lui trouver sa place et surtout un rôle dans l’espace urbain ? Peut-elle tout à la fois défendre unevertus éthique, des valeurs politiques, agronomiques ou utilisée encore Enfin elle a des écologiques qui se révèlent peu à peu. Elle est environnementales ? dans un objectif de réduction de la pollution tout en favorisant l’éco-conception.

De par ses qualités techniques, elle fait son apparition dans différents domaines Je n’aspire pas à une panoplie d’objetsl’énergétique. en paille «écologiques» dans de productions telsà revenir que l’architecture ou encore En s’inscrivant

notre quotidien.

Tout d’abord parce quefaut-il notre réintroduire environnement est rempli d’objets dans une même dynamique écologique, la paille dans l’univers tous plus beaux, performants robustessales uns que les autres. ils peuvent domestique ? Ou encore luiettrouver place et surtout un Certes, rôle dans l’espace

être polluants mais tout j’ai conscience que la une pailleéthique, ne doitdes pasvaleurs être réintroduite urbain ? Peut-elle à la fois défendre politiques, seulement pouroucombler cet inconvénient. ?La paille possède avant tout une agronomiques encore environnementales identité culturelle locale profonde qu’il me paraît important de ne pas effacer.

Serions nous encore capables de voir cet aspect, nous qui ne l’avons pas vécu ? L’idée d’une nouvelle culture de la paille qui nous serait propre, à nous, contemporains, fait-elle sens ?

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Au fond, j’ai envie de croire que cela est possible.

Je n’aspire pas àà revenir à une première panoplie ainsi d’objets «écologiques» dans L’attachement cette matière queen lespaille paroles de l’artiste Arko

notre me paraîtrait Tout d’abord parce ont su quotidien, résonner encette moi,démarche et j’approuve sa volontéfutile. de faire naître la paille sousque un notre environnement est rempli d’objets tous plus beaux, performants et robustes nouveau jour. Les avertissements récurrents du manque progressif de la quantité les uns que autres.

Certes, ils peuvent être j’ai conscience que de paille en les France m’incitent également à la polluants considérermais davantage comme une la paille ne doit pas être réintroduite seulement pour combler cet inconvénient. matière précieuse dont nous devons prendre soin.

La paille possède avant tout une identité culturelle locale profonde qu’il me paraît

important de ne effacer.qu’il D’autant plus parce l’histoire et la culture créent C’est dans cepas contexte me semble que leque rôle du designer serait alors de un lien sentimental entre la paille et les individus. s’emparer de toutes ces vertus afin de redonner à la paille une vraie présence, une beauté et un véritable éclat. Notamment à l’aide d’un outil qui n’est autre que la Serions-nous encore capables de considérer cette richesse, nous qui ne l’avons main.

pas vécu ? L’idée nouvelle la paille serait qui propre, à nous, En effet, j’aid’une compris que culture la maindeest certesqui le nous médium permet de

contemporains, fait-elle ? mais par-dessus tout, c’est surtout ce qui nous transformer la paille en sens objet, permet de la révéler. Notre intérêt en devient florissant de manière surprenante et Au fond, j’ai envie de croire queles cela est possible. magique.

Je souhaite donc réutiliser capacités manuelles afin de la comprendre,

à cette ainsi que paroles de l’artiste Arko pourL’attachement ensuite envisager desmatière moyenspremière d’exploitation qui, les tout en respectant la paille, ont résonné en moi, et j’approuve sa volontéetde faire renaître la paille sous un peuvent prendre des dimensions mécaniques techniques.

nouveau jour. Les avertissements récurrents des agriculteurs sur le manque grandissant de la paille ne en peut France également à faire la considérer davantage Cependant la paille pas m’incitent subsister seule.

Elle doit partie d’un système comme une matière précieuse dont nous devons prendre soin. tangible et durable. D’où la nécessité d’actions de «réparation par le design» : une manière d’étudier les fils qui relient les humains à leur environnement naturel, Danslecepropose contexte, il me semble le rôle du designer serait 30 alors de s’emparer comme la Triennale de que Milano XXII, Broken Nature . Cette triennale de ces vertus afin de donner à auteure, la paille une présence, une beauté et un éclat est toutes organisée par Paola Antonelli, éditrice, architecte et commissaire afin de générer de l’admiration et du respect.

Notamment à l’aide d’un outil Elle qui italienne influente, aux expositions provocantes, audacieuses et visionnaires.

n’est autre que la main. y fonde le concept de «design réparateur» visant à corriger la course de l’humanité En effet, j’ai compris que la main est certes quiElle permet de vers l’autodestruction, en embrassant un vaste champledemédium solutions. souhaite

transformer la paille en objet, mais par-dessus afin tout,d’aider c’est celes quihumains nous permet de la un design riche en propositions stratégiques, à planifier révéler.

Notre intérêt en devient florissant de manière surprenante et magique.

Je une fin plus élégante tout en réparant notre relation aux environnements que souhaite donc réutiliser savoirs-faires afincela, de l’assimiler, pour ensuite l’on partage avec d’autreslesespèces et entremanuels nous. Pour les designers explorent envisager des moyens d’exploitation qui, tout en respectant la paille, peuvent tantôt la technologie, tantôt l’artisanat ou une combinaison des deux. Il ne s’agit prendre des dimensions mécaniques et techniques. pas seulement de recyclage mais aussi d’acheter moins et de se transmettre.

L’ambition de Broken Nature est non seulement d’influer sur les habitudes des designers ou des industriels, mais aussi de changer celles du citoyen.

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Enfin, la paille ne peut pas subsister seule. Elle doit faire partie d’un système tangible durable.nous D’oùrappelle la nécessité de penser design nous de réparation qui Cetteettriennale que face à l’étatà un d’urgence ne pouvons unit l’être humain ou et son à l’aide d’actions par le rester indifférents, pireenvironnement participer à un naturel déni orchestré.

Le designmenées a la capacité design.

Cela peutdes’effectuer en créantdans de nouvelles par exemple entre de se développer manière créative le monde alliances, et de produire de nouveaux la paille, jusqu’alors l’artisanat et les semences anciennes.

Unedefois inscrite histoires, dans un contexte mondes inimaginables, de concocter nouvelles et donc précis avec des ciblés, la paille portercontemporaines. un message afin de transmettre de générer de acteurs nouvelles visions de peut situations Tout cela en des valeursdes et encourager de des nouveaux proposant initiatives ou actionscomportements. à l’aide d’outils mentaux, esthétiques et Cela me motive à poursuivre quête,de enretracer naviguant gré dessymbiotiques, rencontres et émotionnels.

En reconnaissant la ma nécessité les au relations desdesign expériences que peutune m’apporter la paille.

Et ainsi de trouver en quoi le design le peut présenter opportunité significative recadrer le rapport des peut-il à avec travers le prisme de la d’articuler paille, interroger la responsabilité depossibles. chacun et de humains la nature et ainsi différents types de futurs nos Le activités de production, un monde en constante mutation ? designer se doit donc dans de défaire les normes installées, considérées comme établies, afin de contribuer à l’invention de nouvelles formes de vie.

Un monde pourrionsen définir comme le nouvel Ainsi mon dans projetlequel seraitnous de répondre quoi lalepaille design peut-il à travers le Or de Jaune. prisme la paille, interroger la responsabilité de l’homme et de ses activités de production, dans un monde en mutation ?

Un monde dans lequel nous pourrions définir la paille comme le nouvel Or Jaune.

Une paille précieuse par les valeurs qu’elle nous transmet.

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BERNARD Stéphan, “Gerbebaude, fête des moissons”, 11 juillet 2020 : http://www. periberry.com/article-dixquestions-autour-de-la-gerbebaude-54026259.html

JABLONKA Ivan, “Cultes et coutumes religieuses dans la France rurale du XIXe siècle”, Histoire par l’image, juin 2006 : https://histoire-image.org/ fr/etudes/cultes-coutumesreligieuses-france-rurale-xixesiecle

MITSUKOSHI Ginza, “Traditional Japanese Shimekazari Straw-rope Decorations”, Ginza Mitsukoshi News, 2 decembre 2015 : https://i.isetan.co.jp/mitsukoshi/ ginza/en/news/2015/12/ traditional-japaneseshimekazari-straw-ropedecorations.html

Through Objects, “Rice Straw objects by ARKO” : https:// through-objects.com/blog/ricestraw-objects-by-arko/

Articles

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ANTONELLI Paola et TANNIR Ala, “Reparations

by Design”, Broken Nature, 1 mars 2018 : http://www. brokennature.org/reparationsby-design/

Musée d’ethnographie de Genève (MEG), catégorie les objets en paille : http://www. ville-ge.ch/meg/collection02. php

Musée d’ethnographie de Genève (MEG), “Bouquet de moisson en forme de couronne de la Vierge”, Pologne, Lubaczów, 2013 : http://www. ville-ge.ch/meg/musinfo_ public.php?id=066319

ARKO site web : http://www. arko.jp/works.html

LAPOSSE Fernando, “Totomoxtle”, 2016 : http:// www.fernandolaposse.com/ projects/totomoxtle/

JULLIAN Estelle, Atelier Luma, “May your rice never burn”, 2018/2019 : https://atelier-luma. org/projets/may-your-ricenever-burn

CIMV the Biorefinery concept, à Neuilly-sur-Seine : http:// www.cimv.fr/recherchedeveloppement/recherchedeveloppement-cimv.html

Construction Paille, Réseau de la région Auvergne Rhône-Alpes : https:// auvergnerhonealpes. constructionpaille.fr/ la-construction-paille/ présentation/

MAÑES RUBIO Jorge et PINATIH Amanda, “Design Museum Dharavi”, 2016 : https://jorgemanesrubio.com/ portfolio-item/design-museumdharavi

Atelier Luma, “Alguae Geographies”, 2019 : https:// atelier-luma.org/articles/algaegeographies-by-algae-platformbroken-nature-triennal-01-0301-09?locale=fr

Sites consultés

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ÉCOUTES ET VISIONNAGES Podcasts VIDAR Mathieu, “A-t-on perdu notre lien à la nature”, Emission la tête au carré France Inter, le 14 décembre 2017 : https://www.franceinter.fr/ emissions/la-tete-au-carre/latete-au-carre-26-mars-2019

AGUILAR Hélène, épisode #53 : “Qu’est ce que la marqueterie de paille ? Lison de Caunes nous explique tout”, Où est le beau ? : https://www.ouestlebeau. com/56-lison-de-caunes-et-lamarqueterie-de-paille

STEGASSY Ruth et PIERRE Vincent, “Terre à terre - La paille”, France Culture, le 2 avril 2016 : https://www. franceculture.fr/emissions/ terre-terre/matiere-portraits33-la-paille

QUILLET Stenka et MONTFORT Clément, La Guerre des Graines, 2014.

ADELHEIM Cholé, Interview dans la ferme du petit Chapelais, “Ceci est mon Corps”, 28 decembre 2018 : http:// ceciestmoncorps.fr/2018/12/laferme-du-petit-chapelais-et-lepartage-du-capital-p-262/

MITTERRAND François interviewé par PIVOT Bernard, 5e numéro d’Apostrophes : La Paille et le Grain, source de l’INA et l’IFM, 7 fevrier 1975 sur Antenne 2 : http://www. mitterrand.org/La-Paille-et-leGrain.html

MUNOZ Caroline, “Découvrez la marqueterie de paille”, 26 juillet 2019 : https://www.youtube.com/ watch?v=xIGWCN5zlzI

Musée de la Vie à wallonne, “Le tressage de la paille dans la vallée du Geer (1922)”, 26 juillet 2018: https://www.youtube. com/watch?v=t-1vPfBLigk

Musée de la Vie à wallonne, “La vannerie de paille à RougeMinière (1952)”, 3 septembre 2018 : https://www.youtube. com/watch?v=IF09yvwL3A4

EuroNews., “La paille de blé, carburant de demain ?”, 23 avril 2018 : https://www.youtube. com/watch?v=43qDgxuQiOs

Reportage France 3 PoitouCharentes, “Fabrication de granulés de paille par l’entreprise Fristbois”, 25 octobre 2014 : https:// www.youtube.com/ watch?v=bZZj3Rn_0Jk

Vidéos

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RENCONTRES ET INTERVIEWS PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE

10 juillet 2020

11 juillet 2020

13 juillet 2020

15 juillet 2020

17 juillet 2020

22 juillet 2020

6 octobre 2020

20 octobre 2020

23 octobre 2020

DEVIGNE Jeanine, au Musée des métiers anciens, à Saint Symphorien sur Coise.

MAZET Gautier, agriculteur bio, à Chazelles-sur-Lyon.

DE CAVALHO LOPES José, rempailleur, à Paris.

VIRICEL Michel, agriculteur, à Pomeys.

DALMASSO Christian, paysan boulanger, à Torchefelon.

LE CLOËREC Danièle, tresseuse de paille, à Sarzeau.

4 novembre 2020

SEILLER-DEJEAN Nathalie, artiste, créatrice de bijoux en paille à Paris.

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RODOT Jean Luc, producteur de paille de seigle, à l’Abergement de Cuisery.

AUJOGUE Roland, constructeur d’isolations en paille, à Saint-Germain-Nuelles.

SCHOENENBERGER Margarete, tresseuse de paille, à Planez.

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Remerciements

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Mémoire de recherche sous la direction de Bertrand Viellard, Vaïana Le Coustumer, Vincent Rossin Caractères utilisés : Cardo Achevé et imprimé en décembre 2020 Edité en 8 exemplaires @ Coline CHOMER www.ecole-boulle.org/