Bondy Discours lors du Carrefour des gauches

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Discours de Claude Bartolone Carrefour des gauches Hôtel de Ville de Bondy, samedi 26 novembre 2016 Mesdames les ministres, chère Martine, chère Christiane, Mesdames et messieurs les élus, chère Anne, cher François, cher Jean-Marc, chère Sylvine, cher Stephane, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Chers amis, chers camarades, Chère Martine, tu nous as invités à cette réunion en disant que son intérêt n’était pas de savoir qui soutenir. Tu as raison. Il y a cinq ans, tu disais : le candidat, c’est le projet. Aujourd’hui, j’ajouterais : dans cette primaire, mon candidat, c’est le rassemblement. Mes chers amis, nous sommes ici au cœur d’un territoire que j’aime tant. Au cœur de cette France que tant de puissants n’entendent pas, n’écoutent pas, ne comprennent pas. Cette France des villes et des quartiers populaires trop souvent stigmatisée, attaquée, parfois oubliée, mais qui fait la fierté de nos engagements, la fierté de la gauche. Cette France sans laquelle la gauche ne peut jamais gagner. Nous sommes ici au cœur d’une France vivante, intense de ses désirs, de ses espérances, de beautés, d’innovations et de créations !

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Notre responsabilité est de ne jamais la décevoir. Quand je regarde ses représentants, celles et ceux qui doivent prendre en main son destin, que voisje ? Une gauche qui doute, bien sûr. Une gauche divisée, surtout. Et que vois-je de l’autre côté, dans le camp qui se soumet aux duretés de l’époque au lieu de les adoucir ? Je vois une masse de conservateurs sûrs d’eux, prêts à faire subir aux amis du progrès les sanctions des revanchards. Dimanche, quatre millions de nos compatriotes, d’un seul geste, ont conféré à la droite une formidable assise. Ils sont tranquilles car ils se sentent légitimes, parfois avec un esprit de revanche, rassurés par le fait que nos divisions leur permettent déjà d’envisager un deuxième tour contre l’extrême-droite. Les primaires de la droite sont sans doute une belle réussite démocratique, mais elles sont avant tout le retour du conservatisme. Et je ne crois pas aux vieilles recettes qui consistent à parler de réforme, de révolution, pour, en fait, désirer des dérégulations. Oui, ces primaires de la droite seront considérées comme réussies, mais pour leur propre objet : rassembler la droite. Faut-il pour autant abandonner l’espoir de lutter contre les inégalités ? Faut-il pour autant jeter aux oubliettes de l’Histoire la digne vocation politique de justice et d’égalité ?

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Non mes amis. Qui peut oublier notre Histoire, les luttes patientes, héroïques, qui ont conduit à la prise de conscience de la dignité des travailleurs, des humbles et des négligés ? A droite, ils nous parlent de soumission au réel, de contraintes du réel. Mais les chômeurs ne sont-ils pas réels ? Les pauvres, les exclus sont-ils moins réels que les tableaux des agences de notation ? L’allocation chômage ne devrait jamais être une variable d’ajustement budgétaire surtout quand la contrepartie serait la suppression de l’ISF. Brexit, Trump, Fillon, Marine Le Pen, que sais-je encore ? Les informations sont devenues une kermesse où celle ou celui qui mutile le plus de services publics se verra décerner une médaille de la part des éditorialistes que la bourgeoisie adule parce qu’ils la protègent. Les commentateurs nous disent que le peuple a besoin de surprise, qu’il a besoin qu’on le spolie en le flattant. On entend des chiffres effroyables. Qu’on veut faire travailler plus en gagnant moins, laisser à des patrons le soin de proposer des chantages aux délocalisations pour que tout le monde travaille jusqu’à… 48 heures ! On n’adapte pas un pays au XXIème siècle en le fouettant.

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Quant aux progrès sociétaux fondamentaux, ils sont en danger. Nous avons assisté à une grande confusion, cette semaine, autour du droit sacré des femmes à l’interruption volontaire de grossesse. Et que dire de ces maire qui, au nom de préjugés d’un autre âge, censurent une campagne de prévention contre un fléau du SIDA. Je veux bien croire aux déclarations tardives, mais pour citer Martine : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». La vérité, c’est que les conservateurs bafouent la mémoire des femmes et des hommes courageux qui donnèrent leur vie aux conquêtes de l’égalité ! Et quelle n’est pas notre colère quand nous entendons ceux qui, depuis peu, usurpent le mot de laïcité, en se demandant lequel d’entre eux sera le plus papo-compatible. Désormais, le tour est à la gauche d’organiser sa primaire. Comment l’aborder ? Y a-t-il tant de différences entre nous ? Certainement. Nous avons toujours eu des différences. Ma conviction profonde, ma certitude, est qu’aucune de ces différences ne doit installer l’idée que nous faisons l’impasse sur la présidentielle. Aucune de ces différences ne justifie que nous prenions le risque d’être chassé de l’Assemblée nationale. Depuis dimanche, nous connaissons le prix de nos divisions : 500.000 fonctionnaires en moins et un choc conservateur en plus. Eviter cela ne vaut-il

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pas de pouvoir discuter des réussites et des échecs de ce quinquennat ? Ne vautil pas le combat de l’union ? Je le dis solennellement : nous ne pouvons pas - je ne parle pas pour nous, je parle pour le peuple de France - au nom de ce que nous voyons en Europe et dans le monde, prendre le risque d’une défaite. Nous devons nous parler, partir au combat ensemble sur la base d’un accord politique. Nous devons à la gauche une primaire qui doit faire envie. Que chacun vienne défendre son évaluation du bilan de la législature, sa conception du futur autour du rassemblement, pour faire de cette primaire non une fin, mais le début d’un commencement. Mes chers amis, je pose la question simplement : le monde a-t-il besoin de gauche ? La France mondialisée pourrait-elle se passer de la question sociale ? L’Histoire a-t-elle tourné ? Regardons notre monde, et voyons ensemble de quelle force de pensée il a besoin. En une année aux Etats-Unis, par l’action du capitalisme financier, plus de la moitié du revenu produit va dans les poches des 10% les plus riches. 62

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personnes au monde possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. 10% de la population mondiale détient 86% des richesses disponibles. En France, un cadre de 35 ans vivra 6 ans et demi de plus qu’un ouvrier. Ces chiffres s’aggravent, s’affolent et rendent compte d’un constat froid : l’extrême modernité est en fait une nouvelle féodalité, où le gagnant prend tout. L’âge du numérique ne dispense pas d’une défense politique des travailleurs, au contraire. La numérisation des biens et des services, la révolution des transports et des télécommunications, l’importance des réseaux transforment les modes de protection et les besoins des travailleurs. Et de quoi ont-ils besoin, les travailleurs, les familles, nos compatriotes ? Chaque citoyen français a droit à l’éducation. Les évolutions numériques créent des emplois, mais en détruisent aussi. Bien sûr, le progrès est indispensable. Mais là où certains n’y voient que des lignes de tableaux Excel, nous y voyons aussi des destins brisés, des malheurs et des inquiétudes. Si les pouvoirs publics ne sont pas là pour servir de passeurs entre les métiers et les mondes, les perdants et les gagnants seront toujours les mêmes. Imaginez, dans ce contexte, notre éducation, notre appareil de formation, clef de tout, dominés par l’austérité pour l’école publique ! 6


Seule la gauche connaît les enjeux d’une formation pour tous tout au long de la vie. Seule la gauche connaît l’attente des travailleurs et de leurs familles quand la technologie les effraie. Seule la gauche conservera le bijou de l’école de Jules Ferry. Cette question de l’éducation et de la formation est centrale, j’y insiste. Pour les humbles, selon le territoire où l’on naît, si on a l’impression que le monde de demain exclut, comment être surpris de la tentation exercée par le populisme et les extrêmes ? Chaque citoyen français a droit à la fin de l’effroi devant la nécessité de trouver un logement. Le logement, première peur de France. Le logement, dont le coût a explosé en proportion du revenu des ménages depuis 40 ans. Le logement, relié aux bassins de vie, de production et de culture. Si un pays n’assure pas ce besoin premier, alors, gouverner est vain. Avec leurs 100 milliards d’économies, il n’y aura plus de logement social. Chaque citoyen a droit à l’excellence de la santé, aux soins les plus avancés. La modernité, selon certains esprits, c’est le pouvoir donné aux multinationales de l’assurance de faire rentrer chacun dans un forfait de comportement sanitaire. Non, la Sécurité sociale, universelle, financée par tous, pour tous, n’est pas négociable ! Imaginez ce monde où les soins du quotidien seront déremboursés, 7


imaginez ce monde sans protection, sans solidarité. Pour la première fois depuis 1945, un candidat d’un parti de gouvernement propose de détruire l’universalité de la Sécurité sociale. Sans notre unité, ce cauchemar va devenir réalité. Chaque citoyen, plus que jamais, a besoin d’être protégé dans le respect de nos libertés et dans le respect de notre état de droit. Seul la gauche a été capable de redonner des moyens à notre police et à la justice. Chaque citoyen français a droit à une puissance publique sans concession pour protéger l’environnement, qui assure la qualité des aliments, une énergie et des transports propres. Imaginez-vous un retour au tout nucléaire, l’industrialisation massive du gaz de schiste, la suppression du principe de précaution? L’union de toute la gauche et des écologistes, c’est la condition de la socialécologie. Chaque citoyen français a droit à l’influence mondiale, à travers une Union européenne qui sort enfin de l’austérité. Une Union européenne protectrice des services publics, prompte à affronter des défis comme celui des réfugiés sans tomber dans l’infamie des nationalismes, des égoïsmes et des guerres civiles. Vous savez, j’ai souvent été très critique envers l’Union européenne des marchés et des traders, cette Union dont un peuple a pensé qu’il serait mieux protégé loin d’elle plutôt qu’en son sein.

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Les enjeux démographiques exigent une Union européenne inspirée par une gauche des peuples et des solidarités ! Qui d’autre répondra aux défis démographiques du nouveau siècle ? Un siècle qui verra en 2050 un quart de la population mondiale en Afrique, 80% en Asie et en Afrique ? Tous ces défis, mes chers amis, seront relevés seulement par la gauche, car les conservateurs ne les traiteront que par des murs et des exclusions. La droite et la droite extrême, c’est d’abord la renonciation de toute Résistance face aux ghettoïsations immobilières, scolaires, sanitaires. Les seigneurs, qu’ils soient dans Game of Thrones ou dans les manuels de management, ont toujours aimé les jouissances féodales. Et plus que les querelles identitaires, c’est encore et toujours l’égalité que nous devons construire, et oui, nous serons toujours en lutte contre les inégalités. Oui, depuis dimanche, quelque chose a changé en France. La droite se rassemble. Face à elle, nous sommes divisés. Gambetta, Jaurès, Blum, Mitterrand, et Lionel Jospin, souviens-toi, Martine, nous qui étions dans son gouvernement, ces hommes d’Etat ont eu l’union de la gauche comme moteur de leur vie politique. C’est sans doute cela qui nous a manqué depuis quatre ans. Je regrette que la petite musique de nos divisions ait accompagné tout ce quinquennat et que nous n’ayons pas trouvé notre rythme entre les temps du débat, du compromis et de l’unité. 9


Toutes les forces de la famille socialiste, des pensées écologistes, radicales, communistes, doivent trouver le moyen de proposer une alternative pour les prochains rendez-vous avec les Français. Mes chers camarades, je ne dirai jamais « tout sauf quelqu’un ». Il est plus facile de dire ce que l’on ne veut pas ou qui l’on ne veut pas plutôt que ce que l’on souhaite. Nous désirons l’union, parce que nous pensons à la France. La désunion, c’est la défaite dans le déshonneur assurée. Pour ceux qui ont le plus besoin des services publics, pour ceux dont c’est le seul patrimoine, nous voulons l’union. Personne ne doit se dire que nous pouvons faire l’impasse sur le printemps prochain. On connaît toujours la date où on rentre dans l’opposition ; jamais celle où on en sort. Trouvons la force, l’énergie et l’audace d’enfin regarder vers l’avenir, vers où nous attend le peuple de France, lassé de nos divisions quand la droite se met en ordre de bataille. 10


Entendons-nous bien : je ne vous fais pas le coup « Au secours, la droite revient ». Ce n’est pas seulement contre la droite que j’appelle au rassemblement. Mais le progrès du capitalisme financier ne peut rimer qu’avec inégalités. Et l’avenir et la France nous obligent. Il nous reste peu de temps pour trouver la solution du rassemblement… peu de temps pour éviter d’être « les zappés de l’Histoire » et de laisser les Français face à un choix entre la droite et l’extrême-droite. Nous

voulons

la

convergence,

la

confluence

des

gauches,

jamais

irréconciliables, toujours réconciliées sur un programme politique d’espérance, d’égalité et d’émancipation. Permettez-moi, alors que l’on célèbre le centenaire de François Mitterrand, de le citer… Puisque c’était un président qui savait dire ça : « si les Français doutent parfois d’eux-mêmes, qu’ils écoutent la rumeur qui monte des quatre coins de la planète. Partout où l’on se bat pour l’indépendance nationale, pour le droit d’un peuple à disposer de lui-même, pour l’avènement des pays pauvres au partage des richesses, pour la liberté de penser, pour l’égalité des droits, c’est le message de la Révolution Française qu’on entend et chacun dans le monde le sait. »

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Oui, chers camarades, n’oublions jamais que c’est au nom de ces idéaux qu’on rêve et qu’on se bat à gauche ! Vive la gauche unie ! Vive la République ! Vive la France !

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