Réunion commune du bureau de l'Assemblée Nationale et du Präsidium du Bundestag - Réfugiés

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Discours de Claude Bartolone Président de l’Assemblée nationale (Réponse au rapport de N. Lammert) Réunion commune du Bureau de l’Assemblée nationale et du Präsidium du Bundestag Marseille, 6 février 2017 Le couple franco-allemand face à la question des réfugiés Monsieur le Président, Chers collègues, Je remercie le Président Lammert pour son exposé. La crise des réfugiés est un des plus grands problèmes que connaît notre continent aujourd’hui et elle va perdurer. Le respect de l’état de droit doit rester notre fil conducteur mais face à cette situation, nos deux pays sont confrontés à des défis communs. Le premier défi est l’instrumentalisation politique, au niveau national, de la crise des réfugiés par des eurosceptiques ou europhobes populistes. Le populisme d’extrême droite recourt à ce thème, car l’immigration et les frontières touchent respectivement au cœur de l’identité et de la souveraineté. Le deuxième défi concerne le fossé qui est apparu entre l’Europe de l’Est et l’Europe occidentale sur la politique migratoire européenne. Les pays de Visegrad refusent les mesures contraignantes de relocalisation des réfugiés. Ils proposent l’idée d’une solidarité « flexible », certains préférant verser une contribution plutôt que de devoir accueillir des étrangers. Je pense que nous 1/4


devons continuer à œuvrer pour que nos partenaires européens respectent une plus grande solidarité à cet égard. Je voudrais souligner les atouts dont nous disposons ensemble pour faire face à cette situation difficile. Au niveau européen, la France et l’Allemagne ont adopté des positions assez proches sur la réforme du régime d’asile européen en vue d’une politique plus harmonisée et pour éviter les mouvements secondaires de demandeurs d’asile vers les pays où la législation est la plus favorable. Nos deux pays ont aussi œuvré en commun pour accélérer la mise en place de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Nous nous félicitons aussi de l’initiative franco-allemande d’un pacte de sécurité européen du 23 août 2016. La France et l’Allemagne travaillent également en étroite collaboration pour agir sur l’origine des mouvements migratoires, en particulier en ce qui concerne la route de la Méditerranée centrale. Nos deux pays développent des partenariats migratoires avec les pays d’Afrique, notamment ceux du Sahel, afin, conformément au sommet de la Valette, que des initiatives communes soient prises pour favoriser le développement économique et l’emploi dans les pays d’origine des migrations. Un fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique a été créé pour financer des projets locaux. Cette 2/4


action de long terme doit se poursuivre dans ses deux composantes : le développement économique et la professionnalisation des forces de sécurité de ces pays pour prévenir les trafics d’êtres humains et l’immigration clandestine. Je voudrais enfin me réjouir de l’importance des initiatives de la société civile, des associations et des collectivités locales. L’Allemagne est un pays plus décentralisé que la France et nous avons beaucoup à apprendre des bonnes pratiques locales pour l’intégration des réfugiés. De nombreux jumelages existent entre collectivités locales françaises et allemandes. Il faut multiplier les occasions d’échanges comme ce fut le cas en novembre 2016 lorsque l’association des maires de France(AMF) et deux associations allemandes d’élus locaux ont organisé une rencontre sur le thème « quelles politiques d’accueil et d’intégration des migrants : regards croisés des élus locaux français et allemands ». Jean Marc Ayrault et Mme Kramp-Karrenbauer ont fait des propositions très intéressantes en avril 2016 pour promouvoir l’intégration et le vivre-ensemble au sein de nos sociétés en insistant sur l’implication de la jeunesse pour lutter contre les discriminations. Nous pourrions par exemple dans les prochains mois partager sur les expériences menées dans nos deux pays pour lutter contre la propagande islamiste et éviter la radicalisation de certains jeunes en rupture scolaire ou familiale.

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C’est la multiplication de micro-projets de coopération qui permettra à nos concitoyens de comprendre que nous sommes confrontés à des défis similaires, que nous ne devons pas céder à la tentation du repli sur soi et que nous avons tout intérêt à tirer profit des réussites de nos voisins pour l’accueil et l’intégration des réfugiés. Nous pourrions faire comme tant d’extrémistes qui lisent les sondages, nous pourrions nous aussi appeler à construire des murs. Mais, voyons-nous le monde qui nous entoure, le monde dans lequel nous vivons, le monde qui vient ? 62 personnes au monde possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. 10 % de la population mondiale détient 86 % des richesses disponibles. Quant à l’avenir démographique mondial, il est clair : dans quarante ans, 80 % des habitants de la planète seront en Asie et en Afrique. Vous croyez qu’on répond à cela en faisant des murs ? Les souffrances et les misères ne tombent pas du ciel, elles sont produites, subies, supportées par l’entretien année après année, siècle après siècle, des rapports de domination et d’inégalités. Tous les peuples sont frères, et il est illusoire de croire qu’une partie de l’humanité peut se replier sur elle-même en ignorant les cris de souffrance du monde. L’Histoire nous trouvera toujours là où elle est exigeante.

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