

CIVIDINI MATHIS
RÉFLEXIONS SUR LE TYPE EN
FONDEMENTS
J’ai été pleinement confronté à la notion de type lors de mon séjour en Erasmus à l’université de Roma Tre en suivant un cours théorique donné par monsieur Montuori Luca. Il m’a fallu atteindre la quatrième année d’étude pour rentrer profondément dans les questions que pose le type et par la même occasion de trouver des clés pour comprendre certains questionnements que la plupart des étudiants ont envers la discipline. A mon échelle la notion a enrichit mes positions et mes convictions et me permet d’écrire ce mémoire. Donc, aussi je profite de cela pour faire un bilan personnel, réfléchir sur le type m’aurait peut-être été bénéfique où aurait changé la physionomie de mon parcours d’étudiant, de l’essence de mes projets aux choix d’avenir. En tant que futur jeune architecte, la question de la nouveauté tourne autour de moi et de mes camarades. Nombreux sommes nous, nouveaux diplômés, les tâches de l’architecture à accomplir, en situation d’un devoir de démonstration. Nouveaux êtres penseurs de l’architecture de demain ayant reçu un enseignement des êtres de sociétés passées, changées. Où se trouve la justesse ? Entre le devoir presque archéologique et les nouvelles fondations
? Ecrire autour du type me permet de saisir ce qui englobe ces nécessités. Déjà de sa part analytique. L’appétence à l’observation, à la reconnaissance, chaque étudiant y est entraîné, par la photo, le dessin, le relevé, et autre technique permettant d’activer l’imaginaire et faire des liens de l’esprit entre les choses. Mais qu’est ce qui produit ces liens ? D’où viennent les similitudes ? Répétition et ressemblance, collant à la notion de type traversent temps et espaces et il est fascinant de voir que depuis que l’on édifie, nous répétons. Formes, compositions, techniques, etc. Donc que se passe-til à l’origine ? A la genèse des projets ? Si nous répétons, où se trouve l’invention, la nouveauté ? A quoi joue l’esprit de l’architecte ? Puis il est normal de se poser la question de la cohérence. A répéter, emprunter, s’inspirer nos objets gardent-ils un caractère archaïque ? Comment arrivonsnous à être novateur et sensible dans un monde et une temporalité actuels ?
Pour l’instant revenons au mot, le type, dont Quatremère de Quincy¹ propose une définition pour l’architecture en 1832 :
1. Quatremère-de-Quincy A-C,“Type”. Encyclopédie MéthodiqueArchitecture, Tome III, Panckoucke, Liège, 1825, p.544
«L’emploi du mot type en français est moins souvent technique et plus souvent métaphorique. Ce n’est pas qu’on ne l’applique pas à quelques arts mécaniques, témoin le mot typographie. On en use aussi comme d’un mot synonyme de modèle, quoiqu’il y ait entr’eux une différence assez facile à comprendre. Le mot type présente moins l’image d’une chose à copier ou à imiter complètement, que l’idée d’un élément qui doit lui-même servir de règle au modèle. Ainsi on ne dira point ( ou du moins auroiton tort de le dire) qu’une statue, qu’un composition d’un tableau terminé et rendu, a servi de type à la copie qu’on en a faite.
Mais qu’un fragment, qu’une esquisse, que la pensée d’un maître, qu’une description plus ou moins vague, aient donné naissance, dans l’imagination d’un artiste, à un ouvrage, on dira que le type lui en a été fourni dans telle ou telle idée, par tel ou tel motif, telle ou telle intention.»
Alors on comprend le type comme une abstraction formelle répondant à certaines caractéristiques. Donc non pas une image ou une chose à imiter, copier, ou suivre comme un modèle architectonique - comme l’ordre des colonnes présent dans les traités et
codex - mais plutôt à l’idée d’une matrice qui servirait d’origine à la conception, capable de faire émerger une multitude de variation. Nous retrouvons cette notion à d’autres disciplines : en poésie et en musique, des alexandrins aux structures rythmiques comme les douze mesures du blues ; inépuisables et inlassables.
Si nous voyons le type comme l’essence des choses alors il existe une persistance des types incontestable dans toute l’œuvre architecturale. Traversant temps et espaces dans leurs manifestations et dans leurs pédagogies, les types continuent de servir à la conception. Il nous semble qu’il y a un travail analytique et mémoriel essentiel à notre pratique. Se prémunir de savoir et de reconnaissance pour concevoir est une chose à laquelle l’école tente de nous former. Cela se lit comme un lieu commun mais il est important de le répéter car cela va de paire avec la conception par le type, qui est à notre sens un moyen efficace pour accomplir ce devoir historico-analitique.
Cela est presque à l’essence de la tendenza italienne, mouvement théorique postmoderne proposant un regard sur le passé pour un futur de l’architecture empreint
d’identité, qui s’est perdu dans l’image plutôt que dans ses écrits comme l’explique Rafael Moneo en avant-propos de la réédition du livre typologique de Carlos Marti Aris². Même ici nous observons un retour à des notions passées, encore après la période moderne qui s’orgueille de mettre l’influence des anciens modèles en tâche de fond, ou totalement rangée au fond de l’armoire selon la sensibilité de chacun.
Vu que le type, concept abstrait formel se réfère alors à un point de départ, pour révéler et générer, il serait fondamental d’apprendre à l’observer et le manipuler. Nous disons bien manipuler et générer car, bien que les types soient des récurrences, en aucun cas nos édifices le seront pleinement. Car il n’est pas question de répétition stérile. Le type est à la racine du projet mais il parait si malléable que l’innovation architecturale n’en serait pas entravée. De plus, il va de soi de rappeler que la forme matriciel que peut être le type n’est pas la seule condition au projet, à toute époque le cadre du projet en contient d’autres, comme le lieu et l’usage qui sont bien entendu des conditions qui
1. Carlos Marti Aris, Les variations de l’identité. Le type en architecture, Barcelona, Demarcación de Barcelona del Colegio de Arquitectos de Cataluña 1993, éditions Cosa mentale, 2019
vont modeler la composition de nos édifices.
Mais alors si nous nous référons à des concepts qui persistent, n’y a t-il tout de même pas une forme de répétition à la base de chaque conception ? Peut-être que ce n’est pas un problème. La récurrence est à notre avis une nécessité car c’est une donnée qui permet de faire sens dans l’œuvre architecturale. Les récurrences des types sont des cohérences de composition pour et envers le vivant. L’invention détachée de toute récurrence, a qui s’adresse t elle ? A-t-elle toujours une raison d’être ? Là où un travail qui touche un universel, une constante qui rassemble, pourrait faire avancer une discipline, que ce soit dans l’art, dans le design ou même dans la science. Peut-être que la notion trouve ses limites quelque part par ici, entre signifiance et insignifiance ?
Depuis Quatremere, malgré la révolution industrielle, ses progrès techniques et le grand pas que font les modernes dans leurs méthodes de projet architectural, l’utilisation du type persiste par diverses approches. La notion passe entre plusieurs mains depuis le XXème siècle, et elle se voit à chaque fois précisée, questionnée, variée
et surtout utilisée. La notion de type se définit, d’un point de vue théorique, tard dans l’histoire de l’architecture, pourtant elle est à l’oeuvre dès son apparition, le mot possède en lui quelque chose de permanent, voir consubstantiel, alors nous tenterons de comprendre en quelles mesures la notion peut-être pertinente à la discipline architecturale aujourd’hui, comme elle l’a été depuis ses origines ?
Afin de bien comprendre de quelle manière ce mémoire appréhende le type, il faut retourner aux diverses définitions données par divers esprits de l’architecture, ainsi que de s’intéresser au cadre autour du mot, ses variantes et ses applications à d’autres disciplines.
Nous prendrons comme base la première définition du mot type de Quatremère de Quincy¹ citée plus haut.
Souvent, lorsque l’on emploie le mot type, on ne lui détache pas sa répétition liée au modèle. Lorsque nous présentons le sujet du mémoire, la plupart des interlocuteurs demandent à propos de quel type nous travaillons. Pensant que le travail autour du type est automatiquement dû à l’inventaire et à l’analyse d’une typologie. Or ça n’est pas cet axe que l’on aborde pour parler du type. Pour comprendre le dessein de ce mémoire il faudrait se recentrer sur le mot et bien comprendre sa nature conceptuelle et mettre de côté l’aspect généalogique et catalogue de la typologie. En tout cas, c’est ce que nous essayons de faire pour pouvoir le rendre utile à la conception architecturale. Cependant on ne peut pas
¹. Ibid. p. 13
nier que cette réputation vient de quelque part. Déjà par l’étroitesse d’application que le mot partage avec ses cousins et variantes.
Ensuite par les nombreux ouvrages d’atlas et d’inventaires typologiques Fig.p.25 - Notons la façons dont le jardin de la tombe de Senefer est dépeint comme un catalogue d’espèces rangées et classées par familles Fig.p.24 - Puis par l’ambiguïté des diverses définitions et interprétations prises par différents architectes et penseurs. Le premier ressenti qui nous fait associer le typeau modèle, et au éléments, c’est l’idée de répétition : l’analyse typologique se fait justement par un travail de reconnaissance de la ressemblance. Vient par la suite, l’idée d’une répétition précédant la similitude des objets - untel est venu avant, son successeur lui ressemble - donc nous
faisons le lien entre le type et les caractères architectoniques ( éléments, dispositions, modénatures instruits et expliqués comme modèles dans les traités, ordres et codex de l’architecture ). Donc c’est une distinction à faire. On peut donc en déduire qu’il faut diviser, le type et la typologie. En tout cas d’un point de vue théorique. Ce que Merlin et Choay nous racontent dans le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement peut
éclairer sur la complexité sémiotique des mots qui entourent le mot type ¹ :
« Le terme « typologie » a été créé pour désigner la méthode d’observation des types humains. [...]. Dans ce champ - l’architecture -, il désigne, de façon générale, toute opération de classement des édifices, des objets ou des espaces, utilisant la catégorie du type. Le classement typologique écartant les éléments variables, considérés comme non significatifs, le type représente donc une abstraction rendant compte d’une régularité, au double sens de ce qui se répète et de ce qui sert de règle. »
La typologie -typo -logie, avec le suffixe du grec ancien - logía, dérivé de lógos : parole, discours - le discours du type est le langage de l’édifice. À la base utilisée en méthode d’observation et de classification biologique, animale ou végétale. Il apparaît la première fois en 1841 sous la plume de Eugène Villemin²: Le mot typologie était utilisé comme « la classification, étude des différents types ». Donc plus comme
¹. Pierre Merlin, Françoise Choay, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, PUF, Paris, 1988
2. Eugène Villemin, Le Botaniste Français peints par eux-mêmes, t. 4, édité par Léon Curmer, 1841, p. 311


un processus qu’une distinction singulière appliqué à un sujet. Distinctions qui seront pour lui liées aux types.
Le mot type - du latin typus : modèle, image, lui-même du grec ancien τύπος, túpos : empreinte, marque - est employé à plusieurs domaines. De l’origine de la marque du burin servant à reproduire des empreintes identiques, passant par le domaine de la typographie et par les sciences, il est difficile de trouver une application à l’architecture avant ce que propose Quatremère de Quincy en 1832. Quatremère développe sur deux pages la portée du mot pour le domaine architectural. Il en détache le modèle qui est, surtout dans l’architecture classique et antérieure, un moyen d’une économie de conception où il est admis de se référer à des déjà-vus, des éléments et des structures formelles grâce aux ordres architecturaux, aux traités et aux codex : « Tout est précis dans le modèle ; tout est plus ou moins vague dans le type »1. La succession des arbres peints par Mondrian Fig.p.29 nous fait penser à cette idée : petit à petit la figuration se perd et les peintures ne détiennent que les embranchements de l’arbre partant d’une origine. Où encore dans le glissement de la
Ibid. p.
bouteille de Boccioni : le sujet se brume dans les formes, la bouteille est moins précise, il en reste un semblant de son type.
Aussi nous avons Eugène Villemin qui voit le type comme les traits caractéristiques précis d’un individu, la typologie comme l’acte de classificateur et Quatremère qui voit le type comme l’idée générale précédent l’individu nouveau. Bien que Villemin définit le type dans un domaine différent, c’est bien sous ces différences entres les visions du mot que le type peut encore susciter des ambiguïtés de compréhension. Ici, aujourd’hui nous prendrons comme juste la définition de Quatremère, avec le développement de la notion au cours du XX° siècle et les précisions apportées par Merlin&Choay¹.
Nous déterminons le type, la typologie et l’acte catalogue.






Typologie.
Portique ornées d’un ordre dorique et ionique à l’étage.
Type.
Édifice en longueur disposant d’un rythme structurel.
La typologie se réfère alors beaucoup au style et découvre une grande part de la valeur d’ancienneté de l’objet décrit. Le type se détache d’un langage afin d’être pris pour une idée transociétale, transtemporelle : un possible formel, capable de générer variantes d’ouvrages qui ne se ressembleraient pas au premier contact.
Finalement, entre une typologie et un type on tamise. On cherche la plus riche matière pour l’esprit, qui devient une base à la conception architecturale. Une matière est source de possible qui détient ses règles. Mais nous reviendrons aux potentiels et
puissances des types plus tard. Quand à l’acte catalogue, lorsque l’on s’attache davantage à analyser et faire l’inventaire des types et des typologies, la répétition et la ressemblance sont des mots qui reviennent au centre du processus et c’est à ce moment que l’on peut commencer à entrevoir des limites pour le concepteur.
Lorsque la notion de type flirte avec le stéréotype. Mot venant aussi du domaine de la typographie, « qualifiant ce qui est imprimé avec des planches stéréotypées »¹, le « cliché métallique en relief obtenu, à partir d’une composition en relief originale »², qui ensuite s’emploie, par extension au préfixe -stéréo - indiquant le massif, le solide - pour une chose, idée, représentation figée. Cependant, prenant toute matière à notre disposition le stéréotype peut avoir sa place lors d’une conception, rien ne s’y oppose. Et peut-être est-ce aussi une aubaine pour celui qui s’efforce à les documenter et les questionner, comme un anthropologue, ou un historien - Ce mémoire est écrit par, et s’adresse principalement à ceux qui ont la volonté de concevoir. D’ailleurs c’est
¹. Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, 1992
². Lexicographie du Cnrtl, stéréotype, 03/12/2022
pourquoi les questionnements abordés ici seront d’abord orientés vers le concepteur - Le stéréotype vient de quelque part.
Comment prend-t-il ce statut ? A quel moment un type, une typologie devient stéréotype ? A quel moment l’objet devient l’incarnation du stéréotype ? Il est possible que cela ne vienne que d’une généalogie. En effet, au moment où un type devient tellement admis qu’il n’y a plus lieu à la réflexion, il devient un automatisme. Si nous parlons de généalogie, nous pouvons donc chercher l’origine. Alors à la genèse il y aurait l’archétype et/ou le prototype ?
L’ archétype,« [Chez les philosophes empiristes] Sensation primitive servant de point de départ à la construction psychologique d’une image [...] »¹ Revenons alors aux prémices de l’architecture : à l’activité humaine qui génère avec son environnement le premier refuge - Archétype dont le préfixe arché- provient du grec ancien arkhaîos : ancien - Si comme avec le type, le but est de tamiser jusqu’à l’essence la plus profonde du sujet, nous allons chercher au plus loin et n’en garder que trois, selon ce que l’abbé Marc-Antoine Laugier² propose
¹. Lexicographie du Cnrtl, archétype, 03/12/2022
2. Laugier Marc-Antoine, Essai sur l’architecture, 1753
pour des origines de l’architecture en 1753 et dont Quatremère vient augmenter¹ : la grotte, la cabane et la tente. Bien qu’ici nous sommes sur des concepts encore inféodés de toutes théories et compositions du domaine de l’architecture du fait de leur caractère primitif et même si ce sont trois choses disposant aussi d’une portée visuelle forte et ancrée dans l’esprit collectif, il faut d’autant plus les voir seulement dans leur idée générale, liée à une philosophie et une anthropologie donc moins par les images que l’on choisit pour les illustrer.
La grotte est pur environnement. Le premier abri monolithique d’une mono-matière.
1. Quatremère de Quincy A-C , De l’état de l’Architecture Égyptienne, considérée dans son origine, ses principes et son goût, et comparée sous les mêmes rapports à l’Architecture Grecque. Paris : chez Barrois L’aîné et Fils, 1803, pp. 239-240, « [...]onafaitmentiondes troisprincipauxtypesd’oùsontémanéeslesdifférentesArchitectures quenousconnoissons;cestroistypessontlatente,lessouterrains,la cabaneoulacharpente.Quandonanalysecestroismodèlesdel’artde bâtir et les résultats de leur imitation, on se persuade facilement que le modèle de l’Architecture grecque fut le plus riche en combinaisons, et celui qui réunit au plus juste degré l’avantage de la solidité aux agrémentsdelavariété.[...]L’extrêmepesanteuretl’extrêmelégèreté furentlesrésultatsnécessairesdesdeuxsystèmesimitatifsdel’Egypte et de la Chine. Il y a trop peu à imiter dans le premier modèle, [...], il n’y a ni transposition de formes, ni changement de matière. Dans le second, l’imitation arrive à n’être que fictive, et cela parce qu’il y a trop loin de l’espace du modèle et de sa matière [...]. Il y a trop de positif dans l’une et trop de fictif dans l’autre. [...]La charpente au contraire, tout à la fois solide et légère [...] fut le moyen terme le plus heureux pour l’Architecture»
Le vide que l’on remplit par besoin et confort. Un contraste de l’ombre contre la lumière unidirectionnelle. Une permanence minérale rassurante par l’évidence de son existence émanante du contexte naturel. Premier isolement au monde extérieur, la grotte devient un lieu de l’esprit. Le recueil des origines de l’art, des usages, de l’aménagement. Fig.p.35
La cabane est l’artifice, au sens construit, elle est l’assemblage savant de la matière empruntée à son environnement. Composée d’éléments découlants de son contexte, elle initie la manipulation structurelle, esthétique et usagère. Fig.p.36
La tente c’est le tissu mouvant. Mouvant au vent car fluide et mouvant par le voyage du nomade. Elle est la synthèse d’une efficacité structurelle multi contextuelle qui s’adapte et suit son habitant. Ainsi que la toile qui dépeint une culture par l’ornementation.
Témoignant moins d’un lieu ancré qu’une identité culturelle, celle du groupe, de l’individu, de son contenu. Fig.p.37
Notons que nous pouvons trouver la manifestation de ces trois archétypes



dans toutes constructions de l’aube de l’architecture à nos jours. Car c’est dans l’essence de celles-ci que se manifeste l’ idée de la grotte, de la cabane et de la tente. Par exemple, nous pourrions évoquer les Thermes de Vals de Peter Zumthor Fig.p.41 . Le bâtiment est une variation artificielle et identitaire de la grotte. Les Thermes émanent de la montagne, la roche monolithique taillée, creusée, striée évoque les strates géologiques et une extension de la nature
Fig.p.40 . Les percées de lumière viennent nous rappeler le monde extérieur sans perturber le calme de la pénombre puis les toitures couvertes d’herbes fondent l’édifice dans son contexte. Il s’agit d’un travail précis, de détails, sur des choses simples. L’archétype offre une essence que l’on peut manipuler avec soin pour commencer à raconter de nouvelles choses sur un socle universel. Les Thermes de Vals proposent un imaginaire connu et inconnu à la fois, rassurant et émerveillant. Les photos de Hélène Binet Fig.p.42 sont un magnifique hommage à cet ouvrage pour ceux qui n’ont pas encore vécu ce bâtiment. Ou encore, nous trouvons chez Lucas Harari¹, avec son crayon et un peu d’imagination, qui conte parfaitement le bâtiment selon ses souvenirs d’enfance, ¹. Harari Lucas, L’Aimant, édition sarbacane, 2017
et son expérience de l’espace Fig.p.43. Il prend quelques libertés dans le dessin et la véracité du bâtiment mais l’essence, le type reste et anime l’histoire fantasque qu’il conte dans sa bande dessinée. Cette façon de travailler fait écho à celle de Zumthor lui-même¹ : « Ma façon d’inventer l’architecture commence toujours avec une image forte [...] avec la visualisation d’un événement corporel ou physique [...] ces premières images sont naïves dans un sens presque enfantin, je les aime... pendant tout le processus de développement du bâtiment, je veille à ce que cette image devienne architecture... ». Nous pouvons voir « l’image » plutôt comme l’ idée derrière le bâtiment. Idée construite dans l’esprit de Zumthor, basée sur l’archétype et sur une projection d’une expérience intuitive et évidente autour d’un environnement.
Qu’en est-il du prototype ? - « Modèle premier; premier exemplaire (d’un objet à reproduire)» ² - Lui, a une subtilité. Il indique clairement un départ de généalogie, donc une possible suite, mais il pose avec une
¹. Zumthor Peter à propos de son bâtiment dans : Copans Richard, Architectures volume 2, Artevidéo, Réunion des Musées Nationaux, 1995-2001
². Lexicographie du Cnrtl, prototype, 08/12/2022
John ‘Warwick’ Smith, Grotte au bord de la mer, appelée Reynard’s Church, aquarelle sur graphite, 1787




certaine immédiateté la figure neuve comme une promesse. Lorsque le Corbusier instaure ses 5 points, proposant un langage typiqueune typologie - se basant sur les possibilités qu’offre son époque, il détermine comme un manifeste ce que l’architecture peut devenir. Sa Villa Savoye en est le prototype Fig.p.47 . Le premier exemplaire de cette typologie moderne. Le caractère doctrinal de sa démonstration indique une marche à suivre et donc une suite suivant le premier édifice test des 5 points Fig.p.46 . La Villa Savoye est prototypique, dans sa présentation savante puis dans le temps qui passe grâce à l’école corbuséenne qui enfante les prochaines itérations de la typologie moderne Fig.p.47 .
L’archétype comme sujet, nous l’avons vu, est inhérent à toutes architectures alors que le stéréotype pose une généralité singulière solide, donc fixe, et le prototype un départ singulier d’une suite de ressemblance. Bien entendu, pour le concepteur, le stéréotype et le prototype peuvent très bien être encore utilisés, même si l’un indique une antériorité et l’autre une récurrence automatique. On cherchera l’effet, la réaction par rapport à ce qu’ils peuvent évoquer. Nous avons d’un côté un signe du passé, outre toute
obsolescence possible, qui peut-être regardé et recomposé avec des yeux neufs d’une autre époque. De l’autre, une image presque péjorative d’un simple automatisme répété comme une paresse mais qui a, au moins, la qualité d’être admis et qui peut être utilisé comme un vecteur rassurant par l’image reconnue et par le sens générique qu’il peut offrir, tout dépend du parti pris.
Pour revenir au mot typologie et son acte catalogue, liés aux sciences biologiques, nous pouvons retrouver des mots au suffixe -type comme phénotype, haplotype, biotype, génotype, écotype. Vous pouvez chercher leurs définitions et rendre compte que leur raison d’être se lie à la science par le caractère, donc intéressants simplement pour leurs portée classificatrice et méthodique. Ce qui renforce le fait que de parler de typologie en architecture, serait plus proche d’une description de l’apparence de l’édifice et d’un acte catalogue, que le type qui se réfère à son concept, à son idée élémentaire. Il reste des mots au suffixe -type qui, nous dirons, appartiennent au monde de la typographie et de l’image.
¹. Letouzey Victor, La typographie, Presse Universitaire de France, 1970
46 Le Corbusier, Les cinq points d’une architecture nouvelle, 1927, Oeuvre complete volume I 1910-1929, les éditions d’architecture, Zurich, 1948

Le Corbusier, Villa-Savoye, Poissy, 1931, Photographie de Renato Morra
Rem Khoolhaas, Villa Dall’Ava, St-Cloud, 1991, Photographie de Gaston François-Bergeret
AMR architectes, AIATSIS, Canberrra, 2001



La typographie : « différents procédés de composition et impressions utilisant caractère et formes, ainsi que l’art d’utiliser différents types de caractères pour un but esthétique et pratique »¹, Dont nous pouvons très bien nous amuser à calquer et adapter la définition pour l’appliquer à la typologie en architecture. Typologie : différents procédés de composition et de mise en œuvre utilisant éléments, modénatures, formes, matériaux, et donc l’art d’établir un langage de différents types et caractères dans un but esthétique et pratique.
La typographie suit ses propres règles, principalement de visibilité et d’ergonomie. Dans un sens, elle se rapproche du design. Les cadres de travail sont normés et définis pour des questions évidentes de cohésion, de praticité et d’utilité. Dans ce champ, on observe différents outils, prenant le -type dans leur dénomination. Le télétype, le sténotype, le lumitype, le roneotype et le linotype. Les deux derniers nous intéressent un peu plus vu qu’il s’agit de procédés d’impression. C’est peut être ici que l’on veut se détacher du voisinage avec notre discipline. Nous avons affaire à des procédés de standardisation dont le mécanisme
productif est justifié en raison de la portée du médium. Comme la presse qui produit une grande quantité, voulons-nous d’une architecture à répéter machinalement, où nous pouvons laisser ce mécanisme à la production d’éléments sériels ? Pour rester dans ce domaine de l’impression et de l’image, il existe encore une multitude de procédé comme le daguerréotype à l’aube de la photographie, puis le galvanotype et le contretype, suivant des méthodes de fac similés à partir du moule de l’image ou de son négatif. Mais celui qui nous intéresse particulièrement c’est le monotype. Le monotype, comme son nom l’indique, donne une unicité de production. Comme une estampe, il relève de l’empreinte. Le procédé imprime la peinture composée sur une surface non poreuse sur une feuille. Le résultat est unique et original. Il arrive que l’on puisse faire un deuxième tirage mais celui-ci sera différent, dans l’image - car moins intense en peinture et en précision - mais pas dans l’essence. Les monotypes de Degas Fig.p.52 manifestent un flottement, presque fantomatique, comme une image non fixée encore en mouvement. Il est amusant de voir ce genre d’imprécisions dans les rapides esquisses de Mario Botta
Fig.p.53, comme si l’idée du bâtiment balbutiait encore son type. Une fois ces différences posées, nous pouvons définir trois moments autour de la notion de type en architecture : analyser, penser et composer. Par le prisme du type, ou des typologies, nous pouvons faire l’état du monde, c’est-à-dire cataloguer, référencer, analyser les ressemblances et les correspondances entre les objets du monde architectural. Nous pouvons penser les objets architecturaux dans une démarche de puisement jusqu’à l’essence et dans l’élémentarisation de ceux-ci afin de tenter de les comprendre. Ensuite nous pouvons utiliser ce qui découle de la pensée et de l’observation : types et typologies, pour composer, faire varier, faire dialoguer, faire des liens, mixer, etc, en bref pour faire projet. Ce mémoire s’adressant principalement aux concepteurs, nous nous intéresserons à l’état de penser et à l’ état de faire.