Citizen K - n.86

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88 FALL 2018

KAPPAUF Founder, President, Creative and Editorial Director First assistant to Kappauf Honoré LAZO honore@citizen-k.com | + 33 (0)6 85 85 85 06 GLOBAL FASHION DIRECTOR Laurent DOMBROWICZ + 33 (0)1 55 42 20 18 | laurent.dombrowicz@citizen-k.com WOMAN FASHION DIRECTOR Romain LIÉGAUX + 33 (0)1 55 42 20 18 | romain.liegaux@citizen-k.com BEAUTY DIRECTOR Maïté TURONNET + 33 (0)1 55 42 20 27 | maite.turonnet@citizen-k.com COMMUNITY MANAGER Hadj MOUSSIZ + 33 (0)1 55 42 20 29 | moussiz@citizen-k.com MOTOR EDITOR Honoré LAZO + 33 (0)1 55 42 20 50 | honore@citizen-k.com DESIGN EDITOR Vincent POINAS + 33 (0)1 55 42 20 23 | design@citizen-k.com ROVING EDITOR SOUTH OF FRANCE, SPAIN & PORTUGAL | Georgina OLIVER + 33 (0)1 55 42 20 18 | redaction@citizen-k.com

CONTRIBUTING EDITORS

Denyse Beaulieu, Jean Delville, Véra Desbois, Romaric Gergorin, Christophe Guy, Thomas Lévy-Lasne, Blandine Rinkel, Richard Rose, Agnès Villette

CONTRIBUTING COPY EDITOR

Yoko Lacour

CONTRIBUTING GRAPHIC DESIGN

Thibault Lemono, Marion Papin

Matthias DEBUREAUX EDITOR IN CHIEF matthias.debureaux@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 15 Marine RATÉ EDITORIAL COORDINATOR marine.rate@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 18 Marine KLUG HEAD GRAPHIC DESIGNER marine.klug@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 16 Thomas ALESSANDRINI SPECIAL PROJECTS DESIGNER & PHOTO EDITOR thomas.alessandrini@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 10 Philippe SEGUIGNE DIGITAL ARTIST pseguigne@advence.fr Pierre RIVAL FOOD & WINE EDITOR redaction@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 22

CONTRIBUTING PHOTOGRAPHERS

Laura Marie Cieplik, Fabrice Fouillet, Kelianne, Samuel Kirszenbaum, Souk_and_Pix, Jasmin Storch

CONTRIBUTING STYLISTS

Elsa Durousseau, Arthur Mayadoux INTERNS

Alice Delarche, Alexis Ramos

CONTRIBUTING ILLUSTRATOR

Jean Leblanc, Joe McKendry, Marynn, R. Biesinger

EN COUVERTURE Kate Moran photographiée par Laura Marie Cieplik porte une jupe tweed rose. Robe organza vert. Col roulé sans manches laine imprimée. Chaussures cuir verni. Les trois, PRADA. Stylisme, Romain Liégaux Maquillage, Angloma Coiffure, Stéphane Bodin

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SOMMAIRE PAGES 60 & 62





88 FALL 2018

KAPPAUF Founder, President, Creative and Editorial Director First assistant to Kappauf Honoré LAZO honore@citizen-k.com | + 33 (0)6 85 85 85 06 ADVERTISING DEPARTMENT

Laëtitia VALLET COMMERCIAL DIRECTOR laetitia.vallet@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 52 Quentin RICHARD SALES EXECUTIVE quentin.richard@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 52 Édouard MAIRE ADVERTISING ASSISTANT edouard.maire@citizen-k.com | + 33 (0)1 55 42 20 28 Gea FINOCCHIARO APRILE ITALY gea@blingmedia.ch | + 39 335 805 93 36 CitizenK International – 26, rue des Plantes. 75014 Paris. France. +33 1 55 42 20 18

ADMINISTRATIVE, PRODUCTION & DISTRIBUTION DEPARTMENT

Viviane ALBERTI ADMINISTRATIVE & FINANCIAL DIRECTOR + 33 (0)1 55 42 20 14 | viviane.alberti@citizen-k.com CASTING & ART EDITOR Marie DALMASSO + 33 (0)6 45 90 47 25 | marie.dalmasso@citizen-k.com DISTRIBUTION Pagure Presse + 33 (0)1 44 69 82 82 | pagure@wanadoo.fr

PRINTING ROTOLITO S.p.A. – Milan, Italy

Eva PONCET PRODUCTION ASSISTANTS assistant.production@citizen-k.com | + 33 (0)7 83 59 91 88 CitizenK SUBSCRIPTIONS

Citizen K - B1392 60643 – Chantilly Cedex + 33 (0)3 44 62 52 22 | abo.citizenk@ediis.fr

STUDIO Le studio Rouchon

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New K Ltd – 116 Old Bailey London EC4M 7EG. UK

HEADQUARTERS CitizenK International is published by Le Grand Kapital SAS. 26, rue des Plantes. 75014 Paris. France Ce numéro contient un rabat Audemars Piguet sur la page 99 PEFC/18-31-73

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Le magazine CitizenK Homme et sa couverture sont imprimés TM sur des papiers certifiés PEFC par un imprimeur certifié IMPRIM’VERT®

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12–2015 Quarterly – Trimestriel Citizen K Homme declines responsibility for any unpublished texts, illustrations or photos it receives ISSN 1366 8285

SOMMAIRE PAGES 60 & 62


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© Didier Gourdon

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VERT IMPÉRIAL

Close depuis 1848, la Maison de la reine ouvre au public, après une campagne de restauration menée sous les bons auspices de la maison Dior. En pleine vague bucolique, l’événement arrive à point nommé. Par MATTHIAS DEBUREAUX

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enviable que son aimée. Près de 20 ans plus tard, il sera lapidé et piétiné à mort par la foule à Stockholm. Pendant la Révolution française, le hameau est transformé en auberge, puis en caserne pour la garde de Napoléon Ier avant qu’il n’en fasse une maison de rendez-vous pour sa seconde épouse, l’impératrice Marie-Louise, petite-nièce de Marie-Antoinette. Le mobilier de MarieAntoinette ayant été dilapidé au cours des ventes révolutionnaires, le mécénat de Dior a retenu la période impériale pour la restauration complète du hameau et le remeublement signé par Jacob-Desmalter. Jérémie Benoît, conservateur des châteaux de Trianon, et Catherine Pégard, présidente du château de Versailles, ont veillé à l’orchestration de ce chantier de 3 ans conduit par Jacques Moulin, architecte en chef des monuments historiques. Sous sa baguette et avec la dotation d’un fonds de 5,5 millions d’euros que la célèbre maison de couture assignera au projet, maçons, chaumiers, ébénistes, passementiers, tapissiers, peaussiers, soyeux ou doreurs ont pu unir leurs savoir-faire et œuvrer à cette prodigieuse résurrection. Ainsi, entre extérieurs d’un rustique indolent et intérieurs d’un luxe ardent, de vives sensations de contraste attendent désormais les visiteurs. Gare toutefois à la canitie subite ! Ou “syndrome de Marie-Antoinette” qui se serait manifesté la veille de son exécution par le blanchissement in extenso de sa royale chevelure  VISITES GUIDÉES de la Maison de la reine (pas de visite en accès libre). Informations et réservation par téléphone : + 33 (0) 1 30 83 78 00 Le Hameau de la reine Salon de la Maison de la reine

PHOTOS, THOMAS GARNIER

A

ux temps forts de la Révolution, le Hameau de la reine à Versailles est l’endroit idéal pour jouir d’un peu de calme. C’est là que se trouve Marie-Antoinette le 5 octobre 1789, quand une horde de harpies et d’enragés assaille le couple royal pour le ramener à Paris. L’Autrichienne ne reverra plus cette oasis créée pour fuir le monde impitoyable de la cour. Le roi, lui-même, ne pouvait s’y présenter sans l’invitation de la reine. Édifié par l’architecte Richard Mique, le hameau est un ensemble de chaumières au style vaguement anglais ou hollandais donnant sur un lac. Pourvu de moulin, pêcherie, grange et d’une laiterie avec des seaux en porcelaine de Sèvres, ce lieu de promenade champêtre servait aussi à l’apprentissage des enfants royaux. La bergerie abritait brebis et moutons enrubannés, lavés et impeccablement toilettés. La reine, en robe paysanne de mousseline et chapeau de paille, avait même commandé un bouc à la condition qu’il fût “blanc et pas méchant”. Mais son plus bel animal, qui avait la permission d’entrer dans le boudoir aux vitres en cristal de Bohême et au toit couvert de roseaux, était un officier suédois, Axel de Fersen. Ils avaient “flashé” l’un sur l’autre (dirait la cinéaste Sofia Coppola) alors qu’elle était encore dauphine. Le favori participera aux guerres d’indépendance en Amérique et organisera même la calamiteuse fuite à Varennes. Marie-Antoinette ne semblera pas lui en vouloir. Ainsi, elle lui écrit le 2 janvier 1792 : “Je vais finire [sic], non pas sans vous dire mon bien cher et tendre ami que je vous aime à la folie et que jamais jamais je ne peu [sic] être un moment sans vous adorer.” Notons au passage que Fersen aura une fin aussi peu



REVIVAL

Équestre French manucure, un crop-top et un contouring des lèvres, il devient le meilleur allié de la cagole et de toutes les apprenties bimbos. Heureusement, la mode est faite de cycles et a elle-même tendance à tout pardonner. Maria Grazia Chiuri, après l’avoir introduit dans son défilé automne-hiver 2018/2019, lui a véritablement donné la place d’honneur lors de son défilé à Chantilly pour la resort 2019. Non sans l’avoir revu dans une nouvelle proposition de formats, un nouveau porté grâce à une bandoulière élargie (les fameuses straps dont les clientes raffolent) et de nouveaux décors admirablement réalisés par les ateliers Dior. Retour logique puisque la directrice artistique a imaginé un Diorodeo consacré aux escaramuzas, les cavalières traditionnelles mexicaines à l’élégance fière et codifiée. En cuir blanc, noir, en toile Dior oblique, ou brodé de motifs floraux traditionnels, le Saddle Bag revendique une nouvelle féminité, plus subtile que celle qui prévalait au passage de l’an 2000. Souhaitons-lui une longue (deuxième) vie !

Né il y a presque vingt ans, le Saddle Bag de Dior revient au grand galop. Par LAURENT DOMBROWICZ

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hippique façon Grand Prix de Diane. Whatever! Il connaît d’emblée un vrai succès commercial et de belles heures médiatiques auprès des VIPs de cette époque pas si lointaine. En 2003, il décroche la timbale en s’invitant au bras de Sarah Jessica Parker alias Carrie Bradshaw de la série Sex and the City. Copié aux quatre coins du monde, décliné dans des versions improbables, le Saddle Bag commence alors sa longue descente aux enfers. Des stars internationales, il migre vers le vestiaire de Cathy Guetta ou Nicky Hilton. Associé à une Collection Saddle automne-hiver 2018/2019 Saddle modèles brodés

PHOTOS, D.R.

En 1999, John Galliano chevauchait le pursang Dior depuis deux ans et menait la course de bout en bout. Difficile d’oublier ses exploits couture, ses saluts grandiloquents et son génie pour moderniser le vocabulaire installé par Christian Dior entre 1947 et 1957. Il faut dire que l’époque était aux défilés riches en storytelling et aux thèmes documentés. Comme le faisait, à la même époque mais dans un registre différent, Alexander McQueen pour Givenchy, John Galliano insuffla la juste dose d’impertinence britannique dans le panthéon de la mode française. C’est dans ce contexte que naît le Saddle Bag présenté pour la première fois lors du défilé printemps-été 2000. Avec sa forme si spécifique – on l’a souvent comparé à un rein –, il anime une collection où les références équestres abondent mais où il est plus question de cowgirls impudiques et des bordels de la ruée vers l’or que du chic


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* Le monde te regarde, Ã toi de jouer #SWATCHTHIS.



ÉDITO

Je me plais à répéter régulièrement à qui veut l’entendre : nulle création sans une dose raisonnable de mégalomanie. Ma devise dans laquelle, j’en suis sûr, beaucoup de gens de presse et de médias se retrouveront : mieux vaut la douce folie des grandeurs que le goût amer de la médiocrité. Essayer de toujours regarder vers le haut. Ouvrir de nouvelles perspectives. La vocation du CitizenK, au-delà de la stricte information, est d’éclairer son lecteur. Une vision, des pionniers pour la mettre en lumière, c’est ce qui distingue un magazine d’un catalogue de vente par correspondance. Il est utile aujourd’hui plus que jamais de le rappeler aux amoureux de la presse et du beau papier.

— Kappauf As I enjoy stressing to anyone who’s willing to listen, there’s no such thing as authentic creative spirit without a reasonable dose of megalomania. Such is my motto and I’m sure that it will appeal to many media and press buffs. A touch of folie des grandeurs is far better than the bitter taste of mediocrity. Aim for the top, reach for the stars, uncover fresh perspectives… Beyond the need for the hard and fast reporting, CitizenK International’s chief objective is to enlighten its reader. A vision – enchanced by trailblazers determined to throw light upon it – to my mind, that’s what distinguishes a magazine from a mail order catalogue. More than ever, this is what we have to impress upon lovers of the press and beautiful paper.

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INTRODUCTION

Déraison Par MATTHIAS DEBUREAUX

En

replongeant, tête la première, dans la bouillonnante Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault, on prend conscience combien la condition des fous est aujourd’hui enviable. À la fin du Moyen Âge, ils étaient soit chassés des villes à coups de verge, soit confiés à des bateliers afin d’être débarqués sur les rivages les plus lointains. Puis vint l’enfermement. Et lorsqu'on découvre les motifs d’internement qu'égrène Michel Foucault, ce ne sont pas seulement les fous qui peuvent se réjouir de respirer à pleins poumons l’air de l’automne 2018. Rejoignent ainsi le libre horizon de la déraison, les blasphémateurs, les alchimistes, les vénériens, les libertins, les homosexuels, les lunatiques, les fripons et les débauchés (rappelons que Sade passa les dernières années de sa vie à l’asile de Charenton). Plus curieux encore, des formules évoquent çà et là un “esprit inquiet, chagrin et bourru”, untel “qui a maltraité sa femme”, des hommes “méchants et chicaneurs”, mais aussi des “imbéciles”, des “paresseux” et même des “grands menteurs”. Certes, même si ces motifs sont à replacer dans un contexte, une jolie frange de la population (sans parler des grands de ce monde) mériterait son rond de serviette dans un hôpital psychiatrique ! Pour nous autres, modernes, la folie psychiatrique demeure une tendance lourde. Très lourde même. Incommensurablement lourde. Parmi les dix pathologies les plus préoccupantes du XXIe siècle, l’OMS identifie cinq maladies mentales. Au programme : schizophrénie, trouble bipolaire, addiction, dépression et trouble obsessionnel compulsif. Naturellement, il en va des syndromes comme des modes

où le cinéma, les séries et la littérature puisent à pleines mains leurs personnages. L’histoire et la mystérieuse géographie mondiale des troubles mentaux nous content à leur manière un certain art de vivre. Comme ces nouvelles nefs des fous, l’architecture des derniers hôpitaux psychiatriques, la gastronomie déséquilibrée et les déviations au volant, qui sont autant de sources tentatoires pour les gens sains d’esprit. Enfin s’il en est, puisqu’à bien

Les seuls gens normaux sont ceux que vous ne connaissez pas très bien ― ALFRED ADLER écouter le psychanalyste Alfred Adler, “les seuls gens normaux sont ceux que vous ne connaissez pas très bien”. Mais au fait, que devient la camisole qui a déserté les centres de soins depuis des lustres ? Elle fait son grand retour sur les podiums. Il est encore louable de se souvenir que George Brummell, pionnier du dandysme, finit ses jours à l’asile du Bon Sauveur de Caen. Et que deviennent les vieux asiles d’aliénés ? Des boutiques-hôtels, voyons !

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ARCHI DÉMENTIELLE

PALACE MENTAL

L’architecture psychiatrique se libère enfin du sinistre carcan traditionnel. Petit tour d’Europe en délire.

Par RICHARD ROSE — Photos, FABRICE FOUILLET

PHOTO, BANG ARCHITECTURAL CONCEPT

S’

il y a un qualificatif qui détonne à l’évocation d’un hôpital psychiatrique, c’est bien celui de “sexy”. C’est pourtant ce commentaire inattendu qui a fusé du clavier d’un chroniqueur d’architecture à propos du nouveau centre neuropsychiatrique Nuestra Señora del Carmen situé dans la province espagnole de Saragosse. Une prodigieuse mâchoire en tôle galvanisée rouge vif qui défie le ciel bleu d’Aragon. En brisant ainsi les codes architecturaux d’un tel édifice, la fonction devient méconnaissable. Surtout, ce type de bâtiment, autrefois galeux et fief de la honte, ne se cache plus. Il s’assume fièrement dans le paysage urbain. Ces partis pris contemporains visent également une approche moins “hospitalière”, au sens étymologique du terme, davantage éprise

d’humanité, avec de nouvelles priorités comme l’environnement de la nature, la lumière intelligente, le confort acoustique, ou encore les espaces de dilatation visuelle. De récents projets liés à la santé mentale, primés dans les concours et désormais signés par des stars de l’architecture, n’ont plus rien à envier aux derniers boutiqueshôtels. Ce n’est donc pas un hasard si certains concepteurs européens préfèrent évoquer des “programmes résidentiels” pour désigner ces asiles contemporains. On se demande alors pourquoi, depuis quelques années, les architectes et professionnels de la psychiatrie semblent accorder une attention toute particulière à l’environnement de nos amis psychotiques ou névrotiques. Une réalité se fait peut-être plus prégnante : nous sommes tous susceptibles de nous trouver un jour ou l’autre à leur place. D’après l’Organisation mondiale ••• CITIZEN K INTERNATIONAL |

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PALACE MENTAL

••• de la santé, une personne sur quatre

souffre de troubles mentaux ou neurologiques au cours de son existence.

Page 1 : Centre neuropsychiatrique N.S. del Carmen par l’architecte José Javier Gallardo. Saragosse, Espagne Établissement psychogériatrique San Francisco Javier par le cabinet Vaillo et Irigaray Architects Pampelune, Espagne Clinique psychiatrique Aloïse Corbaz par le cabinet Architecture-Studio Arras, France

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PHOTOS, FABRICE FOUILLET

― CHRISTIAN KARLSSON, ARCHITECTE

L’architecture psychiatrique, avec son cortège de traitements cruels, traîne un passé sinistre. Enchaînés durant des siècles dans les hospices généraux, les dépôts de mendicité ou les prisons, les “insensés” seront ensuite logés dans des asiles d’aliénés implantés hors des villes, et surtout, loin de leur famille. La récente révolution de la forme des nouveaux bâtiments aide à gommer la sinistrose d’antan. En 2004, le projet de la clinique psychiatrique Aloïse Corbaz à Arras par le cabinet Architecture-Studio fait figure de pionnier en Europe. Ses formes ondoyantes, sa géométrie souple, sa libre interprétation de la tradition architecturale du Nord de la France et cette perméabilité à l’environnement de l’hôpital, qui se prolonge en rubans paysagers, ont fait valser la pesante grammaire. “Un véritable choc !” se souvient l’infirmier en chef, un solide gaillard qui en a pourtant vu d’autres. Il se remémore le discret défilé d’architectes venus du monde entier pour décortiquer l’étrange clinique. Un établissement qui poursuit sa mission d’éclaireur grâce l’art-thérapeute Marie-Christine Frère qui a baptisé les différents services du nom de mouvements artistiques. Comme l’espace “Dadaïsme” pour l’unité de soins intensifs, ou “Pop Art” pour l’unité de soins et d’accompagnement psychiatrique. Elle prépare d’ailleurs aux côtés des résidents •••

ESPACES “DADAÏSME” ET “POP ART”

“Quand vous venez ici, il est peu probable que ce soit le meilleur moment de votre vie”


PHOTO, FABRICE FOUILLET

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de boîtes de médicaments. Une pièce dans le sillage de Damien Hirst, que l’on espère achevée pour la prochaine ouverture de la clinique aux Journées du patrimoine. En Espagne, un autre lieu renverse la syntaxe de l’asile, avec l’agrandissement du centre psychogériatrique San Francisco Javier de Pampelune, datant du XIXe, dont les ajouts sont qualifiés de “prothèses” par les architectes. Ces volumes de béton en porte-à-faux sur des galeries vitrées donnent l’impression de flotter au-dessus d’un jardin paysager. Pour sublimer ces conceptions hygiénistes d’avant-garde, il est encore une peuplade qui ne connaît point de limites chez les ayatollahs du bien-être : les Danois. Ainsi la nouvelle clinique d’Elseneur, plantée sur la ville d’Hamlet, a divinement permis au cabinet du “starchitecte” Bjarke Ingels de paraphraser la célèbre fleur

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PHOTO, BJARKE INGELS GROUP_ORIGINAL

••• une grande œuvre “pop art” composée

Au royaume du Danemark, l’attrait du verre se révèle aussi comme une solution miracle pour la luminosité et la surveillance. Réconcilier ordre et liberté sans se sentir claustrophobiquement piégé. Les patients psychiatriques désorientés ont souvent des difficultés à faire face à de grands espaces ouverts, mais également à des espaces fermés. La transparence et un large choix d’itinéraires fluides entre les divers pôles permet de réconcilier ce conflit. Une écriture panoptique intégrant salons, zones de rencontre, coursives, galeries et, bien sûr, patios, qui permet l’intimité en évitant la sensation d’enfermement. On aura également pris soin d’abandonner les faux plafonds en gypse et les surfaces lavables en linoléum – vivants symboles de la déprimante sensation hospitalière – pour adopter des matériaux robustes et chauds comme le bois. Enfin, à Elseneur, il n’y a plus de couloir traditionnel sans fenêtres, généralement ressenti comme un cauchemardesque espace de contrôle et si souvent caricaturé au cinéma. L’architecte Bruno Laudat constate très justement dans l’ouvrage •••

DÉAMBULATION SAUVAGE

Protéger sans opprimer et contrôler sans contraindre

de rhétorique shakespearienne : être ou ne pas être un hôpital. Tant les concepteurs ont souligné les ambiguïtés contradictoires d’un tel projet : “Protéger sans opprimer et contrôler sans contraindre.” Tout d’abord sa forme en éventail et ce toit par endroits à demienterré sur lequel glisse la pelouse, comme en symbiose parfaite avec les vallons verdoyants des environs.


PALACE MENTAL

Intérieurs de la clinique psychiatrique Helsingør par les cabinets PLOT, BIG et Moe & Brødsgaard Elseneur, Danemark

PHOTOS, VEGAR MOEN / JENS LINDHE - KARLSSON ARCHITECTS

Aménagement sportif de l’hôpital psychiatrique de Slagelse par Karlsson Architects Slagelse, Danemark

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PHOTO, JENS LINDHE - KARLSSON ARCHITECTS

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PALACE MENTAL

••• Architecture et psychiatrie (Le Moniteur) : “Il faut bannir les couloirs qui sont propices à la déambulation sauvage, particulièrement chez le sujet en phase maniaque.”

Hall central de l’hôpital de Slagelse, Danemark

PHOTOS, NIELS NYGAARD

Hôpital de Vejle par le cabinet Arkitema Architects Vejle, Danemark

“Quand vous venez ici, il est peu probable que ce soit le meilleur moment de votre vie, que vous soyez patient ou visiteur”, note l’architecte Christian Karlsson dont le cabinet vient de signer, dans la ville de Slagelse, une des réalisations hospitalières les plus marquantes du Danemark, qualifiée par la princesse héritière Mary de “nouvelle ère dans la psychiatrie danoise”. Une fantastique mutation spatiale dont les coloris ont été choisis par l’artiste danoise Malene Landgreen pour atténuer la froideur de certaines surfaces. Des plafonds spéciaux répondent aux conditions acoustiques, pour le patient comme pour le personnel. Un parti pris également de mise dans le très novateur hôpital de Vejle, au Danemark, conçu par le cabinet Arkitema Architects. Nos deux fleurons ont œuvré pour une optimisation de la lumière du jour : un éclairage LED révolutionnaire varie en couleur, intensité et composition selon l’heure de la journée en suivant le rythme circadien, afin de réduire les niveaux de stress. Depuis l’ouverture de l’hôpital de Vejle en février 2017, l’établissement a enregistré une diminution de moitié de la contention physique des résidents. Une nouvelle révolution depuis qu’il y a trois siècles, on ôtait les chaînes des “insensés”

UN ÉCLAIRAGE RÉVOLUTIONNAIRE

Les Danois n’ont pas leurs pareils pour sublimer les conceptions hygiénistes d’avant-garde

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PHOTO, D.R.

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PATHOLOGIQUE

Les Furieux

Si peu d’art sans obsessions ni intensité existentielle de l’artiste. Le reste n’est que fioritures, écume et carton-pâte.

PHOTO, MUSÉE DU LOUVRE / ANGÈLE DEQUIER, 2007

Par THOMAS LÉVY-LASNE

L’innovation en art a, très longtemps, été considérée comme une hérésie. Les jeunes peintres, guidés par leurs maîtres, devaient s’inscrire dans la répétition. S’éloigner de la norme esthétique a pu paraître alors comme une véritable pathologie. Le pondéré Nicolas Poussin parle ainsi du Caravage comme d’un être “venu au monde pour détruire la peinture”. Une figuration matérialiste, un mutisme iconographique, La Mort de la Vierge est très éloigné de la peinture maniériste idéalisante et savante du moment. C’est pourtant en utilisant probablement une courtisane comme modèle que Le Caravage invente une esthétique aussi religieuse qu’immanente : la Vierge est bel et bien cadavérique, épaisse, âgée, incarnée, et le mystère à venir de son assomption d’autant plus miraculeux. De manière encore plus prosaïque, Géricault n’hésite pas à se confronter à des bouts de cadavres humains ramenés de la morgue pour des études d’un tableau sur le chavirement de la frégate La Méduse. Pour les scènes d’anthropophagie ayant eu lieu sur le fameux radeau, on imagine la curiosité morbide, limite, du jeune romantique. À la même période, du côté d’un peintre qui se veut académique comme Ingres, se cache le feu sous la glace. À 82 ans, le Vénérable peint Le Bain turc, reconstitution d’un harem à partir d’une

vie d’étude de nus féminins. Véritable tableau de chasse intime, on retrouve dans ce gynécée sa première femme morte depuis vingt ans, sa femme actuelle, mais également une reprise de son tableau La Baigneuse Valpinçon au modèle inconnu… L’insouciance du vieillard, Goya, se pensant mourant, complètement sourd, la découvre en remplissant les quatorze murs de sa maison de campagne aux environs de Madrid. Ce qu’on nommera ses “peintures noires” (1819-1823) sont de véritables exorcismes libres, satiriques et mordants, qui préfigurent l’expressionnisme, comme dans le terrifiant Saturne dévorant ses enfants. Le peintre en liberté totale fuit l’Espagne pour Bordeaux, ne sachant pas que cette série passera à la postérité comme une de ses œuvres majeures, redécouverte une cinquantaine d’années après sa mort. Chaque mercredi après-midi, de ses 8 à 16 ans, Anna Wahli vient poser dans les mêmes postures répétitives et ambiguës. Alors que la main du Balthus de la fin tremble, ce dernier découvre le Polaroïd et produit une étonnante série de 2 400 photographies de la fille de son médecin. Balthus n’a jamais caché son obsession pour la fin de l’innocence, et l’on ne trouve à ce jour aucune trace de plainte d’une modèle. En 2014, le musée Folkwang à ••• CITIZEN K INTERNATIONAL |

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“Notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche. Le reste est la folie de l’art” – Henry James

peint une immense toile de son plus beau match et une soixantaine de tableaux disparates sur son état d’esprit. Il apprend la sculpture pour modeler son idole en taille réelle, soit 200 kilos de terre. Il travaille aujourd’hui à une série de 27 silhouettes, échelle 1, des boxeurs légendaires selon Mormeck. “Je suis arrivé tellement loin que je ne peux pas reculer”, témoigne le peintre qui rêve d’une exposition de sa centaine de pièces dans un lieu d’art, lors de laquelle il proposerait pour le finissage de se confronter à sa plus grande peur : boxer lui-même contre Jean-Marc Mormeck. Il y a un parallèle évident entre la niaque du boxeur et l’intensité existentielle de l’artiste : Beneyton ne cède pas sur son désir de peinture depuis cinq ans, quitte à en supporter les nombreux sacrifices. Un engagement que résume très bien l’écrivain Henry James : “Nous travaillons dans l’obscurité – nous faisons ce que nous pouvons, nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche. Le reste est la folie de l’art.”

graphie devant des soupçons de pédophilie. C’est le propre de toute morale que de dévoiler les arrière-pensées qu’elle projette. Traiter de l’invariant naturel qu’est la puberté, n’est-ce pas scabreux uniquement selon le regardeur ? L’art contemporain exige souvent de celui-ci une curiosité généreuse. Face aux 976 containers chirurgicaux remplis de gravats de Jean-Pierre Raynaud, la narration du protocole est sûrement source de plus de satisfaction que son résultat. C’est l’effet “Ah bon !” si bien décrit par le critique d’art Klaus Speidel. En 1969, Raynaud emménage avec sa femme dans un pavillon de la Celle-Saint-Cloud en vue d’un bonheur simple. Très vite, il se sent inadapté à cet “habitat partagé”, divorce, et s’enferme. Il recouvre les 300 m2 de l’habitation d’un carrelage blanc basique de 15 x 15 cm, se trouvant lui-même “fou dans le sens stimulant du terme”. Il vit dans cet intérieur hyper-hygiénique. Le pavillon mute d’un blockhaus tapissé de filets de camouflage à un espace presque religieux couvert de grands vitraux. En 1993, à l’occasion d’une exposition au CAPC de Bordeaux, JeanPierre Raynaud fait subir une “ultime transformation” à sa maison après 23 années de recherches : il la détruit. Le peintre figuratif Julien Beneyton a très courageusement mis entre parenthèses une carrière à succès pour se consacrer à une immense aventure : “L’Œil du Tigre”. Passionné par Rocky III, il rencontre le boxeur JeanMarc Mormeck en 2013 et entame depuis une collaboration artistique. Obsessionnel, Beneyton produit une série de dessins sur les entraînements intensifs du champion,

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PHOTOS, MUSÉE FABRE MONTPELLIER / COURTESY GAGOSIAN GALLERY / ARCHIVES JEAN-PIERRE RAYNAUD

••• Essen a cependant dû annuler une exposition de photo-


PATHOLOGIQUE

Pages précédentes : L’Œil du Tigre - Sur le ring 1 de Julien Beneyton, 2015, acrylique sur bois, 115 x 82 cm Le Bain turc de Jean-Auguste Dominique Ingres, 1858-59, huile sur toile collée sur bois 108 x 110 cm. Étude de bras et jambes de Théodore Géricault, 1818 et 1819, 52 x 64 cm Vue de la maison à la Celle-Saint-Cloud de Jean-Pierre Raynaud

PHOTO, MUSEONA NACIONAL DEL PRADO

Saturne dévorant un de ses fils de Francisco de Goya, 1819-1823, 143 x 81 cm

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TOQUÉ

SYNDROMES TENDANCE Les troubles du comportement forment un grouillant vivier d’inspiration pour le cinéma ou la littérature. Les pathologies mentales ont aussi leur star-system.

Par AGNÈS VILLETTE — Illustrations, JEAN LEBLANC

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E

xpéditifs, à l’époque biblique, les Hébreux conclurent que toute maladie mentale provenait d’un différend entre l’individu et Dieu. Pour les Grecs de l’Antiquité, nos tempéraments étaient définis par le dérèglement de quatre humeurs, au nombre desquelles la bile noire, ou atrabile, qui engendrait la mélancolie. Cette théorie attribuée au médecin grec Hippocrate va inspirer bien des siècles plus tard des écrivains symbolistes comme Baudelaire, qui y puisera des idées (notamment le terme “spleen” dérivé de la mélancolie qui signifie “rate” et “mauvaise humeur”) pour l’écriture de son sulfureux recueil de poèmes Les Fleurs du mal. De la possession des saints jusqu’aux hystériques de la Salpêtrière en passant par la chasse aux “sorcières”, la folie, individuelle ou collective, fluctue au fil des siècles. Longtemps sous emprise religieuse, la maladie mentale a explosé avec l’avènement de la psychanalyse et des neurosciences. Aujourd’hui, nos replis de l’âme se ramifient grâce aux technologies.

Complexe de Peter Pan

Syndrome de Korsakoff

Dans une époque de jeunisme invétéré, ce syndrome théorisé dans les années 80 découle du personnage de la pièce de théâtre éponyme de J. M. Barrie. Soit l’archétype du “garçon qui ne voulait pas grandir”, ou puer aeternus (garçon éternel). Affectant spécifiquement les hommes, ses symptômes prospèrent auprès de célibataires incapables d’agir, narcissiques et émotionnellement immatures. Ces “impuissants sociaux”, comme les nomment les psychologues, se réfugient dans les drogues et les relations amoureuses infantilisantes. L’un des plus connus n’est autre que Michael Jackson, qui avait transformé son ranch de Californie en un parc d’attraction. Loin de la nostalgie, les Peter Pan ne cherchent pas à retrouver le monde perdu de l’enfance mais, plus préoccupant, à le poursuivre, intact, en plein âge adulte. Légitimés par notre société des loisirs, ces adeptes des jeux vidéo sont encouragés dans leurs troubles névrotiques par le ludisme qui définit notre époque.

L’intrigue de Memento, le film de Christopher Nolan, repose sur le syndrome de Korsakoff qui oblitère la mémoire immédiate, arrêtant le malade dans une époque passée de son histoire et provoquant chez lui des fabulations et fausses reconnaissances. Pris dans l’imbroglio haletant du meurtre de sa femme, victime d’un traumatisme qui le prive de sa mémoire récente, le héros traque le tueur en se constituant une mémoire artificielle à l’aide de Polaroïds et de tatouages qui fixent les informations qu’il oublie immédiatement. La construction narrative suit un long flash-back qui reproduit fidèlement l’effort du malade pour retrouver des bribes de souvenirs. En neurologie, on pointe des tumeurs cérébrales ou l’effet prolongé de l’alcool pour expliquer l’amnésie rétrograde. Les individus, coincés à une date précise de leur vie, incapables de se souvenir de leur maladie, s’étonnent constamment de l’âge avancé de leurs amis et des changements incompréhensibles de leur environnement familier. ••• CITIZEN K INTERNATIONAL |

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TOQUÉ

Addictologie

TOC et rituels

Asperger et autisme

En juin dernier, l’OMS intégrait dans sa liste l’addiction aux jeux vidéo. Cette pathologie comportementale s’ajoute aux nombreuses formes de dépendance créées au rythme des technologies qui envahissent nos vies. En Asie, pays d’où viennent nombre de jeux, des camps de rééducation ont vu le jour. En Europe, des cliniques privées offrent des thérapies pour soigner l’addiction au sexe, réseaux sociaux, shopping, travail, chirurgie esthétique...

Exit les pathologies lourdes et lentes qui jalonnent les œuvres littéraires du passé. L’époque est aux névroses obsessionnelles, qui envahissent la vie courante. Dans des films comme Aviator de Scorsese ou Adaptation de Spike Jonze, les TOC se démultiplient. Signalant l’anxiété profonde face à l’instabilité du monde, les malades – laveurs, vérificateurs – s’inscrivent dans la norme sociale du contrôle et de la propreté que notre société valorise.

C’est avec Rain Man que l’autisme est entré dans la conscience collective. Depuis, le vaste spectre de ses symptômes informe de nombreux personnages de fiction, dont l’inspectrice de la série scandinave, The Bridge. Froide et hyper-intelligente, son déficit d’empathie opère comme un ressort dramatique dans l’intrigue. D’ailleurs, un nombre record de dirigeants de la Silicon Valley ont été diagnostiqués avec des formes légères d’Asperger. La médecine a récemment identifié des lésions cérébrales chez certains patients. Ainsi ces malades incapables de faire une simple opération mais qui peuvent déduire le jour de la semaine lorsqu’on leur soumet une date et une année au hasard, ou compter le nombre de petits pois dans une conserve en une fraction de seconde. Dernièrement un rapport interne du Pentagone a fuité, révélant que le président Poutine serait atteint d’Asperger. Il rejoint une longue liste de personnalités célèbres, comme Marie Curie, Einstein, Steve Jobs, Woody Allen ou Lionel Messi.

Des formes de dépendance créées au rythme des technologies qui envahissent nos vies

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Prosopagnosie

Syndrome de la Tourette

Bipolarité, le mal du siècle

Le cas du docteur P., musicien distingué, qui ouvre L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau d’Oliver Sachs, cumule les paradoxes les plus intriguants. Atteint de prosopagnosie, le malade est incapable de reconnaître non seulement les visages, leurs expressions, mais également un gant ou encore une rose. Avec la délicatesse qui caractérise ses analyses, le neurologue relève l’incroyable contradiction d’un patient capable d’enseigner la musique sans pour autant parvenir à distinguer entre eux aucun de ses élèves, la partie visuelle de son cerveau s’étant altérée au point d’empêcher toute identification. Son sens musical lui permettait du reste d’exécuter les tâches quotidiennes les plus simples, comme s’habiller ou manger, car c’est en chantant qu’il parvenait à survivre. Mieux diagnostiquée, cette pathologie explique le comportement déroutant de certaines personnes qui, comme Brad Pitt, Thierry Lhermitte ou Philippe Vandel, ont parfois été taxées d’arrogance !

L’histoire de la maladie de Gilles de la Tourette est à elle seule phénoménale. Découverte en 1885 par un élève de Charcot qui lui donna son nom, elle se caractérise par un excès de mouvements et d’idées étranges touchant à la bouffonnerie. On considère rétroactivement que beaucoup d’artistes en furent affectés, dont Mozart. Après la publication des premiers articles, plusieurs cas furent décrits, mais le syndrome tomba dans l’oubli jusqu’en 1971. Les avancées des neurosciences et le recours aux scanners ont confirmé l’intuition de Tourette en isolant les zones primitives du cerveau qui gouvernent les élans et les pulsions. Le syndrome serait en quelque sorte le chaînon manquant entre le corps et l’esprit. Souffrant d’un excès de neurotransmetteurs et de dopamine, les Tourettiens mettent à mal l’hypocrisie sociale, comme dans la scène absurde du film The Square, Palme d’or 2017, où le politiquement correct prévient de justesse l’éviction d’un Tourettien d’une conférence sur l’art contemporain.

Recoupant des pathologies similaires tombées en désuétude, comme la cyclothymie ou la maniaco-dépression, ce trouble de l’humeur qui affecterait jusqu’à 6 % de la population est notre nouveau mal du siècle. Difficile à diagnostiquer et souvent mal connue car touchant des personnes bien intégrées socialement, la pathologie se caractérise par une alternance de phases délirantes euphoriques et dépressives. Trouble tendance par excellence (en passe de détrôner le “pervers narcissique”) – bien des stars ont révélé en être atteintes, comme Jim Carrey, Catherine Zeta-Jones ou Benoît Poelvoorde – elle se jugule par des traitements médicaux au lithium. Mais l’effet people a entraîné des surdiagnostics. Cette projection dans une pathologie souligne combien une époque s’identifie à une maladie. Miroir de notre monde, la bipolarité suit un cycle qui passe de la célébration de la performance et de l’hyperactivité à un effondrement moral et un sentiment d’impuissance. Chaque siècle élit une pathologie idoine  CITIZEN K INTERNATIONAL |

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Un TUEUR à la BAGUETTE

Les mémoires de Michel Legrand basculent parfois dans la quatrième dimension. Récit d’une vie bigger than life. Propos recueillis par MATTHIAS DEBUREAUX — Portrait, SAMUEL KIRSZENBAUM

Michel Legrand, dans son château du Gâtinais, en août dernier Michel Legrand avec Miles Davis, Newport Jazz Festival, 1958 En 1942, un an avant son entrée au Conservatoire de Paris, Marcelle, la mère de Michel Legrand, l’inscrit aux Jeunesses musicales de France

Avec ses trois chevaliers tenant une épée dans leurs mains gantées, le château de Michel Legrand est le mieux gardé du comté. Même si ces statuettes hollywoodiennes échouées dans le Gâtinais ne mesurent que trente-quatre centimètres. À 86 ans, rien ne laisse présager la moindre accalmie dans le carnet de bal du compositeur. Des projets non réalisés dans les années 70 qui lui reviennent en boomerang, comme l’adaptation scénique de Peau d’âne à la rentrée au théâtre Marigny, avant une mise en scène de L’Amour fantôme en 2019. “Les textes sont de mon grand ami Stephen Sondheim, vous connaissez ?” entame bille en tête Michel Legrand comme pour voir à qui il a affaire. “Euh, rappelez-nous, maestro…” Il s’agit bien sûr du parolier de West Side Story. Le châtelain du Loiret vient surtout d’achever ses mémoires avec un facétieux complice, l’archiviste en chef de la mémoire musicale du cinéma Stéphane Lerouge. Le résultat est

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prodigieusement divertissant (les cinq pages consacrées à Michael Jackson nous font définitivement basculer dans la Twilight Zone). Mais comment aurait-il pu en être autrement avec un “pulvérisateur de frontières” comme Michel Legrand ? Un homme qui a importé le rock en France sous le pseudonyme de Mig Bike aux côtés de Boris Vian et Henri Salvador, ce qui lui vaut une mention dans la Pléiade (il apparaît dans Je me souviens de Perec). Une œuvre convexe, un univers en expansion qui relie les musiques de “Oum le dauphin” (hymne du chocolat Galak), L’Affaire Thomas Crown, le cinéma de Jacques Demy ou La Flûte à six schtroumpfs. Presque une musique de film par hectare dans sa propriété qui en compte deux cent cinquante. Une œuvre monstre qui, à la différence de Balzac, n’a point recours aux alcaloïdes naturels. “Je ne bois plus une goutte de café depuis 1970, argue le musicien, je suis assez nerveux comme ça !”





RÊVE DE BÉTON

À LA

RECHERCHE

L’écrivain Philippe Vasset revient sur l’aérotrain, rêverie pompidolienne en pleine Beauce d’un train aéroporté sur un viaduc en béton. Par ROMARIC GERGORIN

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PHOTO, ASSOCIATION DES AMIS DE L’INGÉNIEUR JEAN BERTIN

DU


L’

PHOTOS, ASSOCIATION DES AMIS DE L’INGÉNIEUR JEAN BERTIN

aérotrain fait partie des utopies modernistes des années 1960-70 soutenues par le pouvoir en place, quand la droite pompidolienne s’enthousiasmait avec ardeur pour la modernité la plus tranchante. L’ingénieur Jean Bertin représentait le savoir-faire de l’ingénierie française, alliant innovation technologique et beauté fuselée de la forme. Directeur technique à la Snecma, il quitte l’entreprise de fabrication de moteurs aéronautiques pour lancer sa propre société de recherche industrielle, où il conçoit un train sur matelas d’air qui se déplace sur un monorail grâce à un ventilateur géant situé à l’arrière de la rame. Ainsi, les “organes” ne sont pas en contact avec la voie. L’engin circule sur un viaduc en béton précontraint. Plus tard, le ventilateur sera remplacé par un moteur pouvant atteindre 430 km/h. Pour présenter son invention, Jean Bertin fait construire en 1968 un tronçon expérimental de 18 kilomètres entre les communes de Saran et Ruan dans le Loiret. Explorateur des racines secrètes du monde contemporain, l’écrivain Philippe Vasset parcourt l’aérotrain en familier du génie des lieux, ce viaduc brutaliste représentant le fondement de son art littéraire. Toute sa vie, il a arpenté l’étroite plateforme serpentine, regardant la vie du bas de cette ligne de mire surélevée, observateur du monde tout en gardant une distance – position de l’écrivain soucieux de se préserver des pièges du solipsisme. L’arche de béton s’élève à 7 mètres, passe à travers les villages de Cercottes, Chevilly, Artenay et Ruan, la forêt d’Orléans, le plateau de la Beauce, longe la nationale 20, suit brièvement en parallèle la ligne de chemins de fer Paris-Bordeaux. Prototype envisagé pour la liaison rapide

Ovni d’un âge d’or révolu de la technologie entre Paris et Orléans puis comme axe Cergy-Pontoise/La Défense, l’aérotrain suscite l’intérêt des Saoudiens qui l’envisagent pour relier La Mecque à Djeddah, tandis que les Sud-Africains le voient passer à travers les townships pour joindre Johannesburg à Pretoria. Cette chimère aéroportée évoque le meilleur de l’inventivité moderniste, les réalisations de Robert Mallet-Stevens, Jean Prouvé, Jean Dubuisson, avec cette fonctionnalité appréciable de la vitesse à grande hauteur, qui restitue la plénitude d’un espace mis à la portée de voyageurs surplombant le paysage. Philippe Vasset replace son entrée dans l’âge d’homme à l’aune des ruines de l’aérotrain, quand celui-ci n’en finit pas d’échouer en rebut d’une modernité stylisée, sacrifiée au nom de l’austérité. Devenu président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, flanqué de son ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski, enterre l’aérotrain en 1974 – trop coûteux et inadapté – pour lancer l’aventure du TGV, alors appelé turbotrain. Jean Bertin ne résiste pas à ce coup du sort et meurt un an plus tard. Son accent du Morvan, sa foi dans les créations audacieuses mises au service du bien public, une forme de générosité entrepreneuriale incompatible avec le pragmatisme bureaucratique et la froideur du capitalisme financier, ne correspondent plus à l’esprit du temps. Le TGV prolifère désormais mais ne circule pas sur une plateforme surélevée. Sa forme aérodynamique n’a pas l’éclat fantasque de l’aérotrain. Utopie hybride entre l’avion et le train, véhicule à la beauté passée, apparu sans autre motif que sa seule présence avant de finir par disparaître, cet ovni appartient à un âge d’or révolu de la technologie. Quand une poésie énigmatique pouvait guider les inventeurs dans le monde mystérieux des formes en suspens  Aérotrain interurbain I.80 1969-1972 : première version, vitesse de croisière à 250 km/h sur la voie de 18 km implantée au nord d’Orléans (Loiret) et surélevée à 5 m au-dessus du sol. Prototype Aérotrain 02

UNE VIE EN L’AIR de Philippe Vasset. Éditions Fayard CITIZEN K INTERNATIONAL |

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PHOTO, LAURA MARIE CIEPLIK

Veste tweed irisé. Collier métal doré et pierres. Les deux, CHANEL

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SAGA

Par CHRISTOPHE GUY

Les fleurons de la De Beers

PHOTO, D.R.

Berceau des plus importants diamants de la planète, l’Afrique du Sud ne s’est découvert une vocation minière qu’assez tardivement, puisque l’une des premières pierres connues fut trouvée par hasard en 1866. Depuis, le pays s’est imposé comme un producteur mondial omnipotent, sous l’égide de la De Beers, puissante compagnie faisant la pluie et le beau temps sur les marchés boursiers et l’univers de la haute joaillerie. De nos jours, reines, princesses et actrices brillent d’un éclat sud-africain insoupçonné.

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PHOTOS, D.R. / ALAMY PHOTOS

T

Tout débuta grâce au jeune Erasmus Jacob, le fils d’un fermier basé près de la rivière Orange, qui trouva un galet translucide dont il fit présent à sa sœur. Sans tarder, leur mère s’en débarrassa auprès d’un voisin. Aujourd’hui taillé et pesant 21,25 carats, le diamant Eureka est exposé au musée des mines de Kimberley comme la première pierre issue de la région... Prodrome d’une ruée d’anthologie qui n’en est encore qu’à ses prémices. Mais quand un berger Griqua déniche un autre cristal qu’il monnaie contre 500 moutons, dix vaches et un cheval, hommes d’affaires et aventuriers de tout poil convergent vers cette terre promise. Transformée en poire de 47,69 carats, la pierre sera négociée plusieurs fois avant d’être acquise par lord Dudley pour son épouse, qui le portait en ornement de coiffure. La mine De Beers et celle de Kimberley seront détectées en 1871 et exploitées très rapidement dans des conditions précaires il est vrai, mais qui importent peu aux propriétaires, avides de résultats. Les premiers filons révèlent des flots de pierres, et l’enthousiasme ne cesse de grandir. À 17 ans, Cecil Rhodes, sur place depuis quelques mois, vend de la glace aux mineurs accablés par la chaleur. Bientôt, il intègre la De Beers alors qu’un certain Barney Barnato, qui a quitté le music-hall londonien, se transforme en jeune entrepreneur et rejoint son frère à Kimberley. Dix ans plus tard, les deux compères seront des millionnaires en diamants, mais aussi de rudes concurrents. Ils s’affrontent

même en inondant le marché de diamants, causant une chute des prix. La seule solution semble être la fusion  : ce sera effectif le 12 mars 1888 avec la création de la De Beers Consolidated Mines Limited. Désormais alliée à un consortium de marchands, la firme détient les cordons du marché. Un diamant est même baptisé du nom de la compagnie pour commémorer l’événement. Il pèse 439,86 carats et donne une pierre de 234,64 carats présentée à l’Exposition universelle de Paris l’année suivante. Il finit par entrer dans la cassette du maharadjah de Patiala qui, à cette époque, a mandaté Cartier pour lui créer un collier d’un luxe inouï. Le De Beers en constituera le centre. Le diamant changera de main en 1982 et sera finalement réduit à 208,65 carats en 2007.

Le collier Vulcan serti de 5 diamants taille poire, le long de 3 lignes de diamants, dans une variété de formes et de couleurs. Les 2 lignes extérieures de diamants bruts et polis peuvent être détachées pour ne révéler qu’un collier en diamant classique. La mine de Kimberley en Afrique du Sud, l’un des plus riches gisements de diamants jamais découverts Cecil Rhodes (à gauche) & Barney Barnato, cofondateurs de la De Beers en 1888

La magie du Cullinan Soucieuse de son image, la De Beers va favoriser l’instauration de relations privilégiées avec la cour de SaintJames. Ainsi, lors du passage au Cap des ducs d’York qui ont entamé en 1901 un périple de neuf mois à travers l’Empire britannique, la De Beers leur offre un écrin contenant 675 pierres non montées. De retour à Londres, la princesse Mary confie les précieux cailloux au joaillier Boucheron, qui les sertit en un haut diadème figurant une succession d’ovales renfermant un motif floral. Dix années plus •••

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AUTOMNE-HIVER 18 /19 Photos, LAURA MARIE CIEPLIK — Stylisme, ROMAIN LIÉGAUX Modèle, KATE MORAN


Jupe fendue soie multicolore. Top asymétrique soie multicolore. Body soie noire et blanche. Foulard soie imprimé noir et blanc. Le tout, VERSACE. Escarpins Elyette cuir verni vintage, CHRISTIAN LOUBOUTIN CITIZEN K INTERNATIONAL |

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Manteau Nylon rose imprimé et jupe coordonnée. Col roulé Nylon rose. Les trois, MARNI. Escarpins Space Bool cuir verni et PVC multicolore, CHRISTIAN LOUBOUTIN. Chaussettes bicolores coton et plumes, MULBERRY


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Robe soie imprimé bordeaux. Carré Galop soie kaki. Les deux, LONGCHAMP. Collier collection Étoilée, diamants sur deux ors gravés. Sautoir collection Hawaii or jaune gravé. Les deux, BUCCELATTI. Gants Carambole agneau doublé soie, MAISON FABRE 130 |

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Robe soie imprimée. Cape laine et cachemire imprimés. Collants dentelle de soie. Les trois, GUCCI. Sandales Meduzette cuir miroir laser platine, CHRISTIAN LOUBOUTIN. Boucles d’oreilles asymétriques Messika by Gigi Hadid diamants sur or blanc, MESSIKA PARIS. Ceinture décorations main, MANISH ARORA

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Trench Heritage the Kensington gris, BURBERRY. Top imprimé carreaux, ATLEIN. Créoles Abstraction diamants sur or blanc, OFÉE


Robe carreaux col soie et dentelle brodée main, FENDI. Bottines Kitty cuir verni et veau velours, PIERRE HARDY

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Robe jersey de velours Indonesian Flower et collants coordonnés, KENZO 134 |

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Veste tweed irisé. Collier métal doré et pierres. Les deux, CHANEL. Foulard soie, CHARVET 136 |

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Robe imprimé jacquard, LACOSTE. Foulard soie, CHARVET. Bottines Kitty cuir verni et veau velours, PIERRE HARDY

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Manteau laine double. Pull rayĂŠ cachemire avec incrustation de fleurs. Les deux, ERMANNO SCERVINO. Bottines Kitty cuir verni et veau velours, PIERRE HARDY


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Top laine et soie rebrodée. Jupe laine et soie. Les deux, LOUIS VUITTON 140 |

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Manteau transparent mi-long imprimé Krista Kim polyuréthane multicolore. Pantalon fuseau laine vierge vert mousse. Col roulé maille à cotes plates viscose noire. Passe-montagne maille viscose noire. Le tout, LANVIN. Cuissardes cuir et PVC, BALMAIN


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Blouson court multipoche peau retournée. Chemise zippée Nylon. Jupe cuir verni. Les trois, TOD’S. Chaussures veau et détails Plexiglas, AGL. Attaché-case Manoir toile noire et cuir doré, GOYARD. Carré Galop soie couleur blush, LONGCHAMP

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Blouson cuir ciré. Jupe cloqué de soie. Les deux, MIU MIU

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Manteau laine jaune. Top polyester jaune et jupe coordonnée. Bottes cuir façon python et talons paillettes. Le tout, ROCHAS. Carré twill de soie, ZINA DE PLAGNY CITIZEN K INTERNATIONAL |

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Blazer laine vert canard et pantalon coordonné, PAUL SMITH Maquillage, Angloma pour Sisley. Coiffure, Stéphane Bodin. Manucure, Nafissa Djabi. Sauf mention contraire, toutes les socquettes résille, DIM


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REBOND

RENAISSANCE Entretien avec Paul Andrew, l’homme qui œuvre au renouveau de Salvatore Ferragamo.

Texte & stylisme, LAURENT DOMBROWICZ — Photos, JASMIN STORCH

CitizenK International : Avant d’entamer votre première collection, quelle image aviez-vous de Salvatore Ferragamo ? Paul Andrew : Deux choses très dis-

tinctes et très différentes. D’une part, l’homme Salvatore Ferragamo, son génie, ses multiples inventions, le caractère véritablement pionnier de ses créations. D’autre part, une société qui réalise un chiffre d’affaires d’un milliard et demi. À mon poste, vous ne pouvez ignorer aucune de ces deux réalités. Mon but était de les rapprocher. Lors de votre premier défilé en février, vous avez donné une place importante à la couleur, ce qui est relativement nouveau chez Ferragamo, où on a plutôt l’habitude de voir des tons neutres. La couleur était également présente en rappel dans la scénographie et le maquillage.

fait teindre les pièces en cuir à trois reprises, ce qui ne se fait jamais. En plus d’obtenir la nuance juste, ce procédé leur confère une nouvelle solidité, ce qui n’est pas négligeable. Quant à la scénographie, je voulais éviter l’écueil d’un grand espace blanc, donc je l’ai fractionné en pièces plus intimes et colorées dans différentes nuances, comme autant d’écrins pour la collection.

Il s’agissait du reste d’un défilé mixte, avec les créations de Guillaume Meilland, en charge des collections homme. Il y avait une très grande homogénéité. Comment avez-vous travaillé ?

Je ne pense pas, à titre personnel, qu’on puisse être bon sur absolument tout. Mon métier reste à la base celui de chausseur, que ce soit pour ma propre griffe aux États-Unis, ou ici pour Ferragamo. Lorsqu’il a été évoqué que ce premier défilé serait mixte, il m’a semblé évident que la vision de l’homme ne devait pas être dissonante par rapport à la femme. Nous avons donc travaillé avec Guillaume en véritable tandem sur toutes les étapes d’élaboration de la collection.••• PHOTO, D.R.

C’est vrai. Les couleurs m’ont été inspirées, entre autres, par les tableaux du Bronzino à la galerie des Offices. Nous les avons travaillées sur le line up du défilé, en passant d’une gamme à une autre. Pour obtenir des couleurs vraiment profondes, nous avons

Lorsqu’en 1928 il rentre en Italie pour fonder sa griffe, il s’entoure des meilleurs artisans florentins afin de proposer des souliers de plus en plus audacieux : plateformes, matériaux innovants, lanières transparentes. Son plus grand succès reste le mariage de ces designs visionnaires à sa parfaite connaissance de l’anatomie du pied. Ses chaussures, aussi vertigineuses soient-elles, restent parfaitement confortables. L’entreprise toscane, qui s’est diversifiée au fil des années, est aujourd’hui dirigée par la troisième génération Ferragamo. Si les chaussures restent au cœur de la création, le prêt-à-porter luxueux mais parfois un peu convenu, a contribué à faire oublier cette essence avant-gardiste et à la remplacer par un bon ton bourgeois. Nommé à la direction artistique en 2017, le Britannique Paul Andrew entend bien réconcilier les contraires, sans botter en touche. Rencontre.

Paul Andrew

Salvatore Ferragamo est une sorte d’exemple parfait d’une griffe schizophrénique dont l’histoire est faite d’audace et d’avant-garde, mais dont l’image aujourd’hui est celle d’un luxe discret et intemporel. Une belle dame en beige sur laquelle on ne se retourne pas forcément. Et pourtant ce nom fut, en son temps, synonyme de pionnier. Le petit bottier italien qui tenta sa chance aux États-Unis, mettant son talent au service des plus grandes stars du cinéma : Greta Garbo, Rudolph Valentino, Katharine Hepburn, Joan Crawford, Gary Cooper, Judy Garland, Marilyn Monroe et Ava Gardner. Sans oublier le producteur Cecil B. DeMille qui lui confie la réalisation de toutes les chaussures pour Les Dix Commandements. Avant tous les couturiers, à l’exception peut-être de Jean Patou qui accompagna la carrière de Louise Brooks, il comprend le pouvoir de l’industrie du 7e art.

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Costume twill de laine noir. Bottes veau détail Gancini. Les deux, SALVATORE FERRAGAMO

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REBOND

Manteau croisé satin duchesse émeraude et pantalon coordonné. Chemisier manches fendues mousseline de soie. Bottes veau détail Gancini. Le tout, SALVATORE FERRAGAMO

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Manteau croisé noir satin duchesse. Chemisier double encolure popeline de coton. Bottes veau détail Gancini. Sac Studio Ferragamo veau violet fermeture Gancini. Le tout, SALVATORE FERRAGAMO

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REBOND

Robe chemise soie imprimée. Foulard avec capuche amovible, SALVATORE FERRAGAMO Coiffure, Yann Turchi Maquillage, Maniacha Manucure, Naffisa Djabi

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••• Comment pensez-vous séduire la génération des millennials que l’on prétend être l’alpha et l’omega pour les griffes de luxe ? Concevez-vous des looks instragrammables et ready-to-selfie ?

Absolument pas. Cela ne correspond pas aux valeurs de la maison ni à ce en quoi je crois. L’attention que nous portons à la conception et à la réalisation de chacun de nos produits ne coïncide pas avec cette idée de fast-fashion. Et même, jusqu’à un certain point, avec l’idée de saisonnalité. Nos produits sont faits pour durer dans le temps. Ils représentent un investissement pour celles et ceux qui les portent.

Salvatore Ferragamo a déposé un nombre impressionnant de brevets techniques. Il essayait des choses que personne n’avait tentées avant lui. Adoptez-vous également cette démarche ?

Oui, j’essaie de mettre cela en pratique à ma manière. Il est très utile et très intéressant de s’écarter des sentiers tout tracés. Cela permet parfois de faire des trouvailles inattendues. Par exemple, c’est en visitant un garage lorsque je cherchais une nouvelle voiture que j’ai découvert les techniques de galvanisation propres à l’automobile. J’ai utilisé cela pour les talons métalliques de la collection.

La conception et la réalisation de nos produits ne coïncide pas avec l’idée de fast-fashion

La plupart des chausseurs se définissent comme des architectes. Est-ce aussi votre cas ?

Je n’aurais pas la prétention de me définir comme un architecte, mais il est vrai que c’était ma passion lorsque j’étais jeune, et le métier auquel je me destinais. Pour mes parents et mon entourage, c’était une histoire entendue ! Puis j’ai découvert la mode, notamment via les magazines. J’ai également réalisé que pour être architecte vous devez être très patient, ce qui n’est pas ma qualité première, je dois bien l’avouer. Avec mon métier, j’ai la chance et l’opportunité d’être à cheval sur les deux mondes.

Parmi les grandes actrices avec lesquelles Salvatore Ferragamo a travaillé, laquelle vous inspire le plus ?

L’actrice qui m’inspire le plus est Katharine Hepburn. Elle était dotée d’une élégance incroyable, de plus elle était très en avance sur son temps, au point qu’elle a parfois pu apparaître à son époque comme choquante ou inconvenante. Et dans les actrices d’aujourd’hui ?

Jessica Chastain, que j’ai la chance de connaître. Elle est tellement chic. Un mélange de force et de vulnérabilité

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IMMACULÉE

Mise en blanc Lorsqu’ils se présentent et gagnent haut la main le concours à la silhouette, à la performance, à l’art et même à la technologie, si on se souvient du défilé Blue Screen qui reste un de leurs du Festival international d’Hyères en 1993 – CitizenK était dans le jury ! – Viktor Horsting et Rolf Snoeren séduisent d’emmeilleurs souvenirs. Après quelques années de galère passées blée par le caractère novateur de leur propos. Il faut dire qu’à à Paris, le duo trouve son rythme de croisière au début des anl’époque, le panorama mode était en plein bouleversement. nées 2000. Leur succès ne passe pas, comme c’est d’habitude le Même si Jean Paul Gaultier et Thierry Mugler étaient à leur cas pour une griffe créateur, par les boutiques multimarques et apogée, la mode française entrait lentement mais sûrement les grands magasins, mais par les musées et les artistes les plus exigeants de la scène pop, de Björk à Róisín Murphy, de Rufus dans une phase de déclin, bousculée par l’aplomb des Belges Wainwright à Tori Amos qui accompagne (Martin Margiela rebattait les cartes depuis 1989) et le jusqu’au-boutisme des d’ailleurs au piano-voix un de leurs défilés. Texte et stylisme, LAURENT DOMBROWICZ Anglais. Où se situait la Hollande dans ce Une haute couture d’un genre inédit qui Photo, JASMIN STORCH Fashion Monopoly ? Nulle part, à vrai dire, renoue avec le caractère avant-gardiste même si l’École des beaux-arts d’Arnhem censé habiter cette discipline d’excepjouissait déjà d’une excellente réputation. Dès leur première tion. Si le prêt-à-porter Viktor & Rolf et leur célèbre boutique collection, Viktor & Rolf imposent un univers où fantasmagomilanaise Upside-Down connaîtront un échec relatif, il n’en ira rie et rigueur font jeu égal. Leurs concepts, aussi parfaitement pas de même pour leur parfum Flowerbomb, développé avec le groupe L’Oréal, qui connaît un succès planétaire depuis plus maîtrisés soient-ils, ne valent que lorsqu’ils prennent vie dans leur mise en scène. Comme un opéra mathématique où les opde dix ans, au point d’éclipser parfois leur talent de couturier posés se rejoignent avant de se démultiplier. Chaque collection aux yeux du grand public. À l’occasion de leur rétrospective au Kunsthal de Rotterdam, CitizenK a rencontré le duo dans son est une expérimentation à différentes échelles, des techniques de patronage au casting ou à la bande-son. Un rapport inédit QG amstellodamois. Rencontre entre six yeux.

Pour marquer le vingt-cinquième anniversaire de leur griffe, Viktor & Rolf ont décliné en blanc leurs créations les plus emblématiques dans une Immaculate Collection qui fera date. Retour sur un parcours aussi singulier que grandiose.

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Robe bustier tulle blanc, Immaculate Collection, VIKTOR & ROLF COUTURE, automnehiver 2018. Réédition blanche d’une robe de la collection Cutting Edge printemps-été 2010 Maquillage, Maniacha Coiffure, Yann Turchi



Viktor Horsting & Rolf Snoeren

IMMACULÉE

CitizenK International : Travailler sur une rétrospective suppose un certain recul sur son travail. D’habitude les créateurs de mode sont plutôt à se projeter dans l’avenir, ne serait-ce que celui de la prochaine collection… V & R : Nous voyons notre carrière comme une

accumulation d’idées. Chaque collection est d’ailleurs une sorte d’autoportrait. Un portrait de nous-mêmes qui nous pousse dans telle ou telle direction. Alors même s’il y a certaines choses qui nous paraissent rétrospectivement moins bien dans notre travail, elles font partie intégrante de nous. Le rapport au temps qui passe est en soi un concept que nous aimons et sur lequel nous avons travaillé de manière récurrente. Pour l’exposition, nous avons fait faire des tapisseries qui reprennent certaines de nos publications dans la presse. La saisonnalité qui bascule dans l’intemporel, ça nous a toujours intéressés. Vous avez toujours eu une relation particulière à la presse, sur un plan formel. Vous aviez déjà organisé une exposition à Bruxelles où ces mêmes parutions devenaient des objets d’art, en écho à une démarche pop.

Oui, c’est le rapport à l’impact et à la dimension formelle. Pas au contenu lui-même. D’ailleurs nous ne lisons plus les critiques ! Visiblement, vous arrivez sans peine à être très critiques sur votre propre travail !

nous commençons par la détester. Cela prend du temps pour la revoir avec un œil, disons, plus complaisant. Le vrai défi pour une rétrospective, c’est d’être très strict dans la sélection et de ne garder que le meilleur du meilleur. Même si les souvenirs que nous avons de certaines collections ne sont pas toujours excellents, parce qu’elles représentent parfois de véritables épreuves dans leur élaboration. C’est quelque chose que le public ne voit pas. Pour nous, c’est aussi un grand parcours émotionnel. Est-ce que votre rapport à la mode a changé en 25 ans ?

Nous nous posons toujours la même question de savoir si nous faisons partie d’un système ou pas. Quand vous êtes jeune, c’est un réflexe logique de créer quelque chose de différent lorsque vous ne vous sentez pas en adéquation avec ce qui vous entoure. Mais même après les succès que nous avons connus, notamment en parfumerie, ça reste toujours un point de questionnement important. L’exposition de Rotterdam est en quelque sorte la preuve que nous existons dans un système et une logique qui sont les nôtres, 25 ans plus tard. Il y a une approche parfois scientifique et/ou mathématique dans votre travail, comme dans le miracle du Rubik’s Cube. Partir d’un élément, le multiplier, et construire un monde autour…

Si c’est quelque chose qui est perceptible, nous en sommes fiers. L’image du Rubik’s Cube est

très juste. Trouver la logique, puis la développer dans le langage d’une collection. Quelle est l’idée de départ ? C’est en permanence la vraie question pour nous. La manière dont nous développons ensuite cette formule demande beaucoup de temps. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait instantanément, même quand on a les équipes autour de soi. Nous avons réalisé que ce temps nous manquait lorsque nous faisions du prêt-à-porter avec les impératifs de production. Cette discipline ne nous permettait pas, au fond, d’être nous-mêmes. Nous nous sentions misérables. Par contre les parfums nous permettent d’explorer et de développer nos concepts les plus radicaux, sans qu’il y ait de lutte entre industrie et créativité. Un parfum est un rêve matérialisé dans un objet et il est à la portée d’un grand nombre. C’est une synthèse parfaite de nos valeurs et de notre univers. Pensez-vous avoir suscité des vocations chez les jeunes générations avec votre approche radicale de la mode ?

C’est une question de cycles. Il y a quelques années, nous aurions pu répondre oui. De nos jours, ce n’est pas le cas. À l’heure d’Instagram, il semble évident que la culture et l’histoire sont des notions qui ont été reléguées au second plan, quand elles n’ont pas été carrément oubliées. De toute façon, les médias sont devenus très superficiels. Tout le monde peut avoir une opinion sur tout et l’exprimer. C’est ainsi. Mais c’est une partition que nous ne jouons pas

PHOTO, D.R.

D’habitude, dès qu’une collection est terminée,

Chaque collection est une sorte d’autoportrait

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(Page précédente) Chemise, ROBERTO CAVALLI. Jean, ROBERTO CAVALLI. Veste, DSQUARED2 Lui : Pull sans manches, DSQUARED2. Chemise, PAUL SMITH. Short, CALVIN KLEIN Elle : Pull sans manches, DSQUARED2. Jupe, GUESS. Chemise, HUGO BOSS


Lui : Manteau, HUGO BOSS. Chemise, GUESS. T-shirt, PAUL SMITH. Pantalon, DSQUARED2 Elle : Cape, MARNI. Chemise, GUESS. Pantalon, DSQUARED2


Lui : Chemise, ROBERTO CAVALLI. Veste et pantalon, HUGO BOSS Elle : Top et pantalon, MARNI




PHOTO, LAURA MARIE CIEPLIK

Beauté


TROUBLES OLFACTIFS

Le dérèglement Dépense sans retour sur investissement puisqu’il s’évanouit dès qu’on en jouit, le parfum n’est pas le plus cher des luxes. Mais c’est la plus folle des extravagances. Par DENYSE BEAULIEU — Photos, FRANKY CIRCUIT

Le parfum ? Une folie. De l’argent foutu en l’air à chaque pression du vapo. Dès le premier siècle de notre ère, Pline l’Ancien condamnait “le luxe le plus inutile de tous. En effet, les perles et les pierres précieuses passent à l’héritier, les étoffes durent un certain temps ; mais les parfums exhalent immédiatement l’odeur ; et l’heure où on les porte les a dissipés”. Outré, l’auteur de l’Histoire naturelle évaluait à 100 millions de sesterces par année les importations de senteurs d’Inde, de Chine et d’Arabie dans l’Empire romain. Un sesterce représentant à l’époque l’équivalent du salaire quotidien d’un travailleur manuel, cela irait chercher dans les 9 milliards aujourd’hui, en calculant sur la base du SMIC : une folie, décidément. À présent, il faut compter vingt heures de labeur au salaire minimum brut pour s’offrir un flacon de Bois d’Argent de Dior, jus plébiscité à juste titre par les chauffeurs de VTC (comme quoi, nul n’est besoin de rouler en carrosse pour avoir du goût). Une folie, on vous dit – du latin follis, “soufflet pour le feu”. Parce que le parfum, ce n’est pas que de l’argent qu’on flambe. C’est aussi un souffle embaumé destiné à affoler les sens. Dans Le Parfum de la femme et le sens olfactif dans l’amour (1886), un médecin répondant au nom délicieux d’Augustin Galopin affirme que “certaines femmes, très recherchées, ont la passion du musc. [...] La clientèle de ce parfum est infidèle et volage, peu délicate dans ses amours, et recherche le scandale”. Précisons cependant que ce qu’on appellait alors “musc”, sécrétion animale qu’on n’utilise plus guère désormais en parfumerie, ne s’apparente que de très loin aux odeurs cotonneuses et propres d’un White Musk (Body Shop)

ou d’un Kiehl’s Original Musk. Mieux vaut mettre le nez dans Musc Tonkin de Parfum d’Empire, recomposition de la substance du même nom, pour avoir une idée de la note qui rendait chèvres nos aïeules.

Femmes folles de leur corps Ce qui fait scandale aujourd’hui n’est cependant plus le musc mais, si l’on en croit le parfum du même nom gainé dans un fourreau empourpré comme une fesse claquée, une fleur-guimauve suintant le miel (note animale au fumet subliminal d’entrecuisse)... Évoquant sans équivoque la partie de jambes en l’air, fuck-me shoes pointées vers les enseignes en néon du Pigalle canaille de Jean Paul Gaultier, Scandale by Night de Daphné Bugey s’annonce encore plus hot que l’original lancé l’an dernier. C’est-à-dire, en substance, plus puissamment sucré. Désormais, dans un glissement sémantique autant qu’olfactif, une femme qui est “bonne” au sens argotique du terme ne sent pas seulement bon : elle sent le bon à manger. Si son parfum lui fait perdre la tête, c’est que la gourmandise est un péché bien plus condamnable que la luxure. Devenue comble de la séduction, la friandise refoulée reviendrait en quelque sorte sous forme d’illusion olfactive. Encore une histoire de fous, au fond, que ces bouffées •••

des sens 168 |

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De gauche à droite : Mont de Narcisse, L’Artisan Parfumeur Mutiny, Maison Margiela L’Innommable, Serge Lutens

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TROUBLES OLFACTIFS

••• délirantes de bouffe dématérialisée ; représentations alimentaires de

plus en plus réalistes devenues synonymes du désir... Ainsi, les effluves de nectar de prune et d’amande grillée dont Nathalie Lorson et Honorine Blanc imprègnent Jimmy Choo Fever en font “à l’instar de ses chaussures dorées Jimmy Choo favorites, son partenaire rêvé, le compagnon d’une soirée intense et pleine de promesses”, affirme le communiqué de presse du célèbre chausseur. Sous-entendu : à la botte, la femme Jimmy Choo préfère se déhancher, enlacée par ce jus enfiévré, en susurrant I Want Choo... Chez Paco Rabanne, dans le film publicitaire de Pure XS for Her, on est plus direct encore dans le lien entre l’addiction olfactive et le plaisir en solo. Plutôt que de finir sa nuit en galante compagnie, l’affolante héritière campée par Emily Ratajkowski sème ses soupirants sur l’air de la “Habanera” de Carmen. Lorsqu’elle tombe enfin sa minirobe en cotte de mailles pour dévoiler ses courbes caramel, elle s’éclate en solitaire avec un ylang solaire enduit, plutôt que de monoï, du beurre salé d’une note pop-corn particulièrement perchée imaginée par Quentin Bisch.

Si le parfum fait perdre la tête, ce n’est pas uniquement parce qu’il incite aux débauches érotiques ou financières

Folie des accords pour fêlés des parfums Si le parfum fait perdre la tête, ce n’est pas uniquement parce qu’il incite aux débauches érotiques ou financières. La folie des odeurs se joue aussi dans les excès olfactifs ; dans ces notes quasi infréquentables pour le commun des naseaux mais qui surexcitent les amateurs de parfumerie de niche, un brin masos du museau. Premier inédit d’une nouvelle collection regroupant les créations signées Serge Lutens dans un flacon gratteciel d’un chic insensé, L’Innommable accuse les traits du style lutensien jusqu’à la démence – celle qui résulterait d’un surcroît de mariages consanguins. Surdose d’un cumin ardent comme la sueur d’un forcené, benjoin virant du poudré à la poudrière, fruits confiturés au point de basculer de la caramélisation au roussi... Plus toquée encore dans son refus de se plier aux convenances du marché, la marque underground Folie à Plusieurs tire son nom d’un rarissime syndrome psychiatrique. Vendue exclusivement au Neue Museum de Berlin et sur le Net, la série Philia décline, en collaboration avec les parfumeurs de la société Symrise, des parfums inspirés de ce que certains milieux psychiatriques baptisent les “paraphilies”, pour éviter le stigmate du terme “perversion”. Quintessence de cette déviance, ol.fac.to.philia de David Appel traduit l’excitation érotique suscitée par les odeurs. Jasmin sambac, rose turque, iris, patchouli : les ingrédients nobles de la parfumerie, ceux que les parfumeurs et les fêlés de parfums fétichisent, éventuellement en y ajoutant un rien de framboise virtuelle. Du mont de Vénus au Mont de Narcisse de L’Artisan Parfumeur, on entre dans un territoire nettement plus fréquentable – les hauteurs du Massif central – puisque Anne Flipo y enfume l’absolue de la fleur auvergnate, d’un accord cuiré d’osmanthus et d’immortelle frôlant à la fois le curry et le speck. Culotté, mais curieusement juste.

Folies de femmes (et plus si affinités) “C’est pour homme ou pour femme ?” En manque de repères face à un objet olfactif non identifié, le non-initié posera la question du genre. Si la réponse s’avère : “L’un ou l’autre”, comme c’est le cas de la majorité des parfums de niche, le décret tombera inévitablement, l’esprit humain étant 170 |

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obstinément binaire : “trop masculin” pour les femmes, “trop féminin” pour les hommes... Chacun trouve son taquet, biographique et culturel, sur le curseur où il situe le sexe des odeurs. Pourtant, s’il est une affection dont la parfumerie moderne n’a jamais souffert parmi celles que répertorie le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association, c’est celle que la 5e édition dudit tome appelle “dysphorie de genre”. Née sans sexe comme les anges avec l’eau de Cologne au XVIIe siècle, hermaphrodite jusqu’à ce que le marketing la force à trancher sur son identité, elle s’est joué dès les années folles des codes olfactifs – Tabac Blond pour les femmes en 1919, vanille poudrée Pour un Homme en 1934, l’un et l’autre de Caron... Aujourd’hui, à l’ère du #MeToo et du mainstreaming de la culture LGBT, ce n’est plus uniquement du côté de la parfumerie de niche que le parfum nous enfume sur son sexe. Réalisant l’intention de son nom, Girls Can Do Anything de Zadig & Voltaire détourne la forme la plus velue du torse de la palette olfactive : la fougère. Plus spécifiquement, l’accord fleur d’oranger, coumarine et vanille du Brut de Fabergé, 1964 (“S’il a des doutes sur son identité, offrez-lui autre chose”, tranchait une pub américaine des 70’s pour ce classique désormais déchu). Dépouillée de sa lavande par Quentin Bisch mais boostée d’ambroxan – notes d’ambre et de bois flotté fréquentant plus souvent le vapo viril que le flacon féminin – cette fougère a beau se rhabiller de musc et de rose girly, c’est un sillage musclé qu’elle cache sous son t-shirt à slogan... Avec son casting d’ambassadrices féministes (Princess Nokia, Willow Smith), gender fluid (Teddy Quinlivan, Hanne Gaby Odiele) ou beautés hors des clous (Molly Blair, Sasha Lane), Mutiny de Maison Margiela paraît plus subversif encore. Par son thème, la tubéreuse dont l’incarnation canonique, Fracas de Robert Piguet, est si outrancièrement féminine qu’elle frôle le look drag-queen. Déconstruite et recomposée par Dominique Ropion pour obéir aux codes de la maison – la mutinerie consistant pour le parfumeur à s’affranchir de son Carnal Flower pour Frédéric Malle – la fleur perd de sa verdeur venimeuse pour gagner en blancheur solaire. En guise d’allusion légère à la fluidité des genres, la composition fait contraster la rondeur crémeuse d’un fruit tropical et un cuir vanillé fin comme une peau de lait. Le résultat restant exquisément fréquentable, cette Mutiny est plutôt mutine que séditieuse... Elle répond parfaitement en cela au vœu de John Galliano : “Définir une vision universelle du glamour que même un enfant puisse comprendre.” Pas folle, la guêpe


De gauche à droite : Carnal Flower, Frédéric Malle Bois d’Argent, Dior Jimmy Choo Fever, Jimmy Choo


BEAUTÉ

Maquillage : LE MATCH FRANCE / ASIE 172 |

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Pour le foot, c’est bon. Mais pour la cosmétique, la compétition fait rage : entre la France et l’Orient extrême, la Coupe du monde de l’innovation se joue à peu de chose. Texture, éclat, couleurs : qui est le gagnant de la saison ? Texte, MAÏTÉ TURONNET — Photos, MARCO FALCETTA — Stylisme, JULIEN SCHMITT Maquillage, VANESSA BELLINI — Coiffure, MICKAËL JAUNEAU




ANCESTRALE

Dans le sillage de Lola Tillyaeva

aux sent-bons, si bénéfiques soient-ils au QI de sa clientèle. Jusqu’à récemment ambassadrice de l’Ouzbékistan à l’Unesco, elle entend poursuivre son action culturelle. En produisant, par exemple, un premier court-métrage consacré au monarque et astronome ouzbek Ulugh Beg, The Man Who Unlocked the Universe, narré par Vincent Cassel et Prix du meilleur documentaire étranger au 74 e Festival de Venise. D’autant plus sensible à l’écologie que la philosophie de sa marque se fonde sur le feng shui, recherche d’harmonie entre l’homme et le monde, elle compte se servir de The Harmonist pour sensibiliser à la défense de l’environnement. Une partie des bénéfices de la marque sera reversée à cette fin : “Nous sommes actuellement à la recherche des ONG qui correspondront le mieux à notre philosophie. Nous devons protéger les océans, préserver leur propreté : je considère que c’est notre devoir premier.” Un engagement dont sa plus récente création, Yin Transformation, témoigne par son inspiration aquatique – Les Nymphéas de Claude Monet, “image

on signe ? Feu yang. Celui du soleil, de la créativité et de l’ouverture d’esprit, si l’on en croit l’astrologie taoïste qui lie chaque personnalité à l’un des cinq éléments – bois, terre, feu, métal, eau – en version yin ou yang. Et la belle Lola Tillyaeva, fille cadette du défunt président de l’Ouzbékistan, née en 1978 à Tachkent, a choisi d’y croire : “Si la sagesse des philosophies anciennes a survécu jusqu’à nos jours, c’est qu’elle comporte des éléments de vérité. Ce serait faire preuve d’ignorance que de les négliger.” Au point d’en faire le fondement de sa maison de parfum, The Harmonist. Mûrie à Los Angeles où elle vit avec son mari, l’homme d’affaires Timur Tillyaev, et leurs trois enfants, l’idée s’est imposée après la création d’une première fragrance sur mesure autour de sa fleur fétiche, l’ylang-ylang. “Mes amies puis mon mari m’ont demandé des variations sur ce parfum. Ce qui m’a fait comprendre que je pouvais créer pour les autres.” Fastueusement lancée en 2016 au Festival de Cannes avec un film de Bruno Aveillan (réalisateur multiprimé de films publici176 |

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taires, notamment pour Cartier et Guerlain), la marque propose deux élixirs par élément (un yin, un yang) composés par Guillaume Flavigny. Qu’on peut choisir à l’issue d’une consultation visant à déterminer son signe, lequel dictera la note correspondant à ses besoins ou ses désirs. Ainsi, la créativité du bois yin sera attisée par Hypnotizing Fire ; sa vie sociale, étayée par Magnetic Wood... Le dispositif est d’une efficacité imparable : qui n’aime (entendre) parler de soi ? Se raconter une belle histoire sur le parfum de son choix ? Pour Jeffrey Ten, directeur général de la marque : “The Harmonist change les règles du jeu. Les gens veulent sentir un lien affectif avec leur parfum. Dans nos boutiques, nous leur parlons de leur parcours. Ils en ressortent revigorés !” Ce vétéran de l’industrie – il a pris part au lancement du mythique Giorgio Beverly Hills en 1981, c’est dire – s’avoue bluffé par celle que son staff américain appelle “Madame”, en français dans le texte. “Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi jeune qui ait construit une marque de parfum d’un tel niveau intellectuel.” Il faut dire que Lola Tillyaeva ne compte pas restreindre son champ d’action

Un hommage aux pouvoirs transformateurs de l’eau et de l’énergie féminine

exquise de l’énergie yin, féminine et fluide.” Mais aussi par son accord rose et de rosée aux accents de cannelle, celle d’une fleur poussant dans les forêts de séquoia californiennes : l’orchidée Calypso. Un nom qui évoque la mer, puisque c’est celui d’une Naïade aimée d’Ulysse dans L’Odyssée, pour un sillage qui rend hommage aux pouvoirs transformateurs de l’eau et de l’énergie féminine... On s’y noierait

PHOTOS, D.R.

Lola Tillyaeva

Par DENYSE BEAULIEU

The Harmonist Yin Transformation

Créatrice de la maison de parfum The Harmonist, la philanthrope ouzbèke s’engage pour la défense des océans.




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