LEBOURG HEBDO

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Damien Macdonald

Le vêtement dans la bande dessinée

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Jean-Jacques Picart

Le vêtement

Pierre Joos

Pages 5/6

Couture et cinéma

Pages 7/8

Thierry Croisé

La magie d’une rencontre

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Julian Meijer

La photographie de mode

Pages 10/

Laure- Hélène Vaudier

La Compagnie de Nîmes

Pages 11/12

Catherine Angenot

Transmettre encore !

Pages 14/

Mathieu Lemal

L’amitié

Claude Brouet

En trois mots

LA MODE C’EST QUOI ?

Pages 14/

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Pages 16/

Édito

Pourquoi « LEBOURG HEBDO »

Une envie de donner la parole aux amis avec qui j’ai eu le plaisir de travailler, échanger et partager durant ces quatre décennies dans la mode.

Je leur ai proposé d’écrire un article sur le sujet de leurs choix.

« C’est quoi la mode », des réflexions et des souvenirs autour de nos métiers.

Chacune et chacun m’ont fait cette joie d’y participer et je les en remercie.

Christophe Lebourg

Les voix du poètes

DIMITRIOS

la Grèce t’aura donné ton nom, celui d’un héros des années 20

minimal et pourtant sincère

une allure, un style ouvert, comme une nouvelle voie dans la montagne

tu grimpes vite et montes haut

arrivé au sommet ta tunique est un safran neigeux

tu croyais voir les monts Parnasse et Olympe, te voilà à Dharamsala dans le calme retrouvé d’une terre perdue loin des grands axes

une plaine fertile, des légumes pousseront

un cheval blanc passe devant tes yeux

Dimitrios, je te sais heureux

CAMILLE BRANTES

LES MOTS DU VÊTEMENT

le raglan, le col italien, les pinces, la fente, le pli creux, le passepoil, la gorge, le poignet mousquetaire, la doublure, la boutonnière, le bouton nacre, la manche montée, le revers, l’ourlet, l’emmanchure, le biais, le bolduc, la toile, bâtir, entoiler, la craie, le stockman, l’épingle, épingler, couper, coudre, surfiler, essayage…

Je me souviens des images de l’histoire de France en primaire

Je me souviens des salles du Louvre aux murs bordeaux et du parquet qui grinçait

Je me souviens d’Old England boulevard des Italiens

Je me souviens des vendeuses du marché Saint-Pierre et des grandes tables de coupe

Je me souviens de me présenter à l’Opéra de Paris et d’être par deux fois recalé

Je me souviens des pyramides au Mexique et du Coca-Cola et citron vert

Je me souviens du cinéma de minuit et des rois maudits

Je me souviens des concours de danse de salon

Je me souviens d’avoir voulu faire de la bande-dessinée

Je me souviens d’un article sur Yves Saint Laurent et de son premier défilé chez Dior à 21 ans déclencheur de mon ambition

Je me souviens de mes trois semaines dans les ateliers

Christian Dior et d’avaler une épingle

Je me souviens de croiser Madame Grés à l’école de la Chambre syndicale rue Saint-Roch

Je me souviens d’essayer de rentrer sous les tentes des défilés du prêt à porter

Je me souviens d’assister enfin aux présentations de Claude Montana et d’Yves Saint Laurent et d’autres encore

Je me souviens des conseils de Claude Montana

Je me souviens de mon voyage à Tokyo pour Kashiyama et Yojhi Yamamoto et de ma première séance de photo avec Leslie Winner photographiée par Julien et Yannick d’Ys

Je me souviens des nombreuses collections réalisées en Italie

Je me souviens du désir fou de présenter mon premier défilé à 21 ans comme mon maitre Yves Saint Laurent

Je me souviens de mon premier défilé sous Dimitrios au carrousel du Louvre en mars 84,

Pari réussi !

Je me souviens de mon amour et de ma passion pour ce merveilleux métier ***

CHRISTOPHE LEBOURG

LE VÊTEMENT DANS LA BANDE DESSINÉE

En bande dessinée, à la différence de partout ailleurs, l'habit fait le moine. Dans les sociétés archaïques la couronne fait le chef, la mitre fait l’Évêque, la robe fait l'avocat, ou la cravate l'homme d'affaire. Dans le neuvième art nous sommes également très dépendants des apparences. Dans le monde des cases, la cape fait le super-héros, le loup fait le voleur, le Macintosh fait l'inspecteur, la casquette le marin, le costume en lycra fait l'explorateur de space opéra et le haut de forme le magicien. Ce n'est pas parce que les auteurs de bande dessinée sont fondamentalement frivoles, ou qu'ils croient en une société où chacun est réductible à une fonction d'apparat. C'est tout simplement un outil narratif, un symbole commun, une convention du genre. Ainsi en bande dessinée le vêtement prend une importance centrale, car il va permettre de comprendre en un clin d'oeil les enjeux sociaux d'une image, de reconnaître les personnages

quelle que ce soit la scène dans laquelle ils apparaissent. Les culottes courtes de Tintin et les espadrilles de Gaston font autant partie de leurs personnalités que la pugnacité du reporter ou la nonchalance du rêveur écologiste. Le vêtement est une écriture qui se passe de mots, mais qui en dit très long sur les réalités psychologiques et sociologiques d'un personnage. Ainsi la mode, l'histoire des costumes militaires, théâtraux et cinématographiques deviennent des nourritures essentielles pour les créateurs de BD.

A l'adolescence quand j'ai commencé à vouloir faire mes premières planches, j'ai réalisé avec effroi que dessiner un pantalon était une affaire bien plus compliquée que ce que j'avais jusqu'alors cru.

J'ai demandé à Christophe comment faire. Il s'est immédiatement dirigé vers la bibliothèque et en a tiré plusieurs bandes

dessinées.Trois en particulier. Mœbius, Ted Benoit, Serge Clerc... Chacun avait une façon bien à soi de dessiner un pantalon. Le plissé pouvait être rieur, branché ou dégingandé ; la couture relâchée ou tendue comme un cowboy... La réponse était plus complexe que ce à quoi je m'attendais. Il n'existe pas de manière de dessiner un pantalon, mais des centaines. Et chacune est signifiante, et montre une manière de se tenir debout dans ce monde.

Les artistes en question faisaient tous partie de cette mouvance « Métal Hurlant » qui a permis d'affiner une éthique post-punk. Et ce qu'il y a d'intéressant avec la contre-culture dans laquelle ils s'inscrivent, c'est qu'en se débarrassant des conventions que représentaient les cravates de l'homme d'affaire, les vêtements n'ont pas cessé d'avoir de l'importance : ils en ont au contraire gagné une nouvelle. Comme pour prendre la relève du dandysme de Baudelaire ou d'Oscar Wilde, la contreculture a offert aux vêtements l'occasion de parler plus clairement. Les santiags de Peter Fonda, le pantalon en cuir de Jim Morrison, les vestes à franges d'Hendrix, les lunettes de soleil de Miles Davis, sont autant de manière de subvertir l'ordre social en racontant une histoire. Et c'est là que la bande dessinée révoltée a pu entrer dans une nouvelle phase, qui dépasse les costumes de super-héros pour inventer autant d'options pour les antihéros, autant de manière de nous tenir dans le monde.

Alors en bande dessinée, l'habit fait le moine, peut-être, mais alors un moine guerrier, un moine post-punk…

LE VÊTEMENT

Quand on parle de Mode on a trop tendance à évoquer ce qu’on a vu défiler sur un podium ou sur internet : je préfère ce qu’on voit dans les vitrines et dans la rue car pour moi la finalité ultime de la Mode c’est d’« habiller » tout un chacun avec bon sens, harmonie et allure en respectant sa personnalité et son style de vie.

Tout le reste (création, marketing, et communication) sont les moyens mis en place pour servir cette finalité. De plus la Mode a quelque chose de fascinant : sa capacité à raconter le monde, l’époque et les gens à un moment précis. Tout à fait comme un livre. Et comme les livres sur nos étagères, nos vêtements peuvent être classés par catégories.

Les vêtements qu’on porte sans y penser ou presque, par nécessité ou obligation (costume-cravate, smoking ou pyjama) à l’instar d’un dictionnaire ou d’un chef d’œuvre de la littérature

Ceux qu’on a achetés sur un coup de cœur, sans vrai besoin, en souvenir d’un voyage ou en étant victime consentante d’une campagne de publicité. On ne les a presque pas portés, et il y a beaucoup de chance pour qu’on ne les reporte plus (comme ces livres qui s’empilent sur notre table de nuit et qu’on ne lira pas).

Puis il y a les vêtements qu’on porte beaucoup parce qu’ils sont pratiques et qu’ils nous vont bien. On les appelle des « basiques ». Ce sont des compagnons de vie quotidienne.

Il y a aussi bien sûr et heureusement les vêtements qu’on a choisis avec conscience, qu’on aime, ceux dans lesquels on se sent bien et qui nous valent des compliments. Ils finissent par faire partie de nous-mêmes et sont perçus par les autres comme étant les composants de ce qu’on appellera un jour peut-être notre style personnel et identifiant.

Ces vêtements là on les met et on les remet. On essaie même de retrouver leur équivalent quand il est temps d’arrêter de les porter. Ils sont notre seconde peau.

Et enfin il y a mes préférés : ceux qu’on s’est offerts sur mesure ou qu’on a dénichés dans une boutique de seconde main et qu‘on a réussi à customiser avec originalité et à notre sauce. C’est le vrai luxe : pas celui de la cherté forcément mais celui du « pour moi et rien que pour moi ! ».

Les vêtements sont comme une fiche signalétique, le complément de notre carte d’identité. Si nous n’avons pas trouvé notre manière personnelle et juste de nous habiller, nous envoyons aux autres une mauvaise fiche signalétique qu’en face de nous on percevra et décodera mal. Notre interaction (muette mais réelle) aux autres aura été faussée et dans la vie il vaut mieux qu’on dise de nous : «ma première impression était la bonne ! » Ça fait gagner un temps fou.

Les vêtements font partie de notre vie : rien de plus violent que de devoir un jour vider les armoires d’un défunt aimé tant ce petit pull rose ou cette robe imprimée nous reconnectent instantanément à la personne disparue.

A notre époque de mondialisation globale quand la planète toute entière se réduit à la taille de nos écrans , la manière de nous habiller s’uniformise, se banalise et finalement en raconte de moins en moins :

elle raconte la même chose ,elle gomme les spécificités , les différences , les cultures et les traditions nationales ou familiales. Elle bégaie dans le meilleur des cas quand elle n’est pas devenue muette.

Au moment où « grâce » à internet la petite fashionista d’une province chinoise assiste en temps réel au même défilé qu’ Anna Wintour, la papesse américaine de la Mode , je n’ai qu’un seul credo : « Vive ma Petite Patrie ! ».

Pas la grande Patrie, celle des héros et des hymnes nationaux, non, celle, toute petite et en même temps si importante, de mes origines, de ma famille, de mon village, de mes ambitions, de ma personnalité. Bref la Petite Patrie de ce qui fait que je suis qui je suis, à la fois si commun et si unique. Dans cette quête, les vêtements que je porte sont les premiers mots de mon discours.

COUTURE ET CINÉMA

Il existe de nombreuses entrées pour évoquer le lien entre la Couture et le Cinéma.

On peut parler du travail des costumières et des costumiers qui ont servi chacun des genres du 7e art. Des falbalas magnifiques qui subliment L’Arche Russe de Sokourov ou La Reine Margot de Chereau. Le romanesque est très souvent associé aux plus beaux atours.

Des vêtements extravagants et hors de tout ordinaire pour les films de science-fiction comme le légendaire Blade Runner invitent les Maisons de Couture à une projection de ce que pourrait être le futur d’une garde-robe. Aux États Unis, Adrian et Edith Head ont surpassé par leur créativité beaucoup de Maîtres de la Couture.

Le premier a façonné Greta Garbo qui devient sous son coup de ciseaux, la Divine.

Edith Head sera fondamentale pour le succès d’Hitchcock et la naissance d’une femme

Hitchcockienne. Grace Kelly lui demandera un peu de son génie pour l’aider à quitter Hollywood qu’elle aimait tant et devenir la Princesse de Monaco.

Rohmer choisira Madame

Grès pour Perceval le Gallois. Une robe toge en lin épais d’un vert fougère restera dans les annales de la cinémathèque.

Rivette s’entichera de Laurence Struzi, Bunuel ou Sautet feront appel à Yves Saint Laurent notamment pour Belle de jour du réalisateur espagnol avec un vestiaire qui deviendra un style à part entière ou, avec Sautet pour César et Rosalie.

Le même Sautet permettra à Romy Schneider d’être différente dans les Choses de la Vie, grâce à la main de Courreges.

Malgré sa poésie et des répliques culte, Adjani atteint le magique dans Subway parce qu’Yves Saint Laurent aura habillé l’actrice. La robe de Peau d’âne est aujourd’hui aussi légendaire que le film de Demy. Il y a aussi le cinéma qui s’intéresse à la Couture.

Becker signe avec Falbala l’histoire tragique et superbe d’un créateur qui pourrait être Jacques Fath ou Marcel Rochas alors que ce dernier avait fait de Maria Casares l’héroïne des Dames du Bois de Boulogne réalisé par Bresson. Phantom of Paradise inspire à Paul Thomas Anderson l’obsession d’un couturier pour son œuvre. Daniel Day Lewis sera l’élu d’un troisième oscar

du meilleur acteur pour son incarnation d’un Charles James, plus vrai que nature malgré un entourage totalement différent. Les biopics se multiplient également ; plusieurs sur Yves Saint Laurent, un sur Karl Lagerfeld et de très nombreux sur Mademoiselle Chanel, une série Netflix pour Halston, par exemple le cinéma est devenu naturaliste mais il a été sacré 7e Art grâce à sa sophistication, à son sens de l’image comprenant les décors et les costumes.

De nombreux Couturiers ont déployé leur talent parce qu’ils se sont retrouvés dans l’Univers d’un réalisateur. Nous pensons immédiatement à cette fusion

Jean Paul Gaultier / Pedro Almodovar, Pierre Cardin / Jacques Demy (Baie des Anges) puis sans discontinuer avec Jeanne Moreau.

Cinéma et mode se rejoignent dans leur goût pour l’imaginaire, dans leur amour de raconter une histoire et dans leur démesure, le moteur du talent étant la passion.

Pourvu que ça dure, aurait dit la mère de Napoléon !

LA MAGIE D'UNE RENCONTRE

Un défilé de présentation de collection, comme tous les "gens de la mode" en font beaucoup. On attend, comme d'habitude, mais déjà on sentait une certaine bienveillance dans l'assistance. Musique... et premier passage : très jolie mannequine qui semblait fière de porter son ensemble qui, il faut bien le dire, lui allait parfaitement. On aurait dit qu'il avait été fait pour elle, créé pour elle. Deuxième, troisième, quatrième passage… Nous avons tous la même sensation, la même impression : du sur-mesure. Les modèles humains sont totalement en phase avec les modèles vêtements. C'était très bizarre comme ressenti. Une rencontre avec le BEAU. Toute la collection a défilé devant nous dans cette ambiance presque magique.

Le final : à l'image de tout ce que nous avions vu avant. Et lui, Christophe, apparaît… À cet instant, une grande partie du public se lève pour applaudir. Standing ovation ! Deux heures plus tard, je rencontrais le créateur et le félicitais sincèrement. Nous avons trinqué sans se douter que ce n'était qu'une première. Nous nous sommes retrouvés très souvent, avec le même plaisir, le même bonheur d'être ensemble.

Une rencontre qui a su réunir l'affection, le respect, le travail, l'envie d'aller plus loin et de faire un bout de chemin de vie avec, en toile de fond, ces concepts de base qui font que la magie peut être réelle.

LA PHOTOGRAPHIE DE MODE

La photo de mode capte le travail des créateurs et transmet leurs messages ! Ils définissent les canons de beauté ensemble.

C’est un élément très important car il est dynamique et annonciateur

Miroir de l’esthétique. Ce sont des mariages à plusieurs : créateurs, stylistes, mannequins

Elle fédère ce moment éphémère qu’est la mode pour un temps d’une durée inconnue …

Rendre un produit commercial est péjoratif pour la plupart mais l’imagination des photographes arrive à en faire un art. Le besoin d’images de la société est grand donc la place des photographes de mode est importante.

La mode on ne maitrise pas sa durée dans le temps, le monde s’accapare ou non le phénomène, comme en musique ou en art, la symbiose opère parfois instantanément ou bien plus tard mais grâce au talent des photographes et des histoires qu’ils racontent :ils laissent une trace…

Certains créateurs ont confié la réalisation de leurs images à des artistes tels Sarah Moon, P. Lindbergh, Guy Bourdin, Bruce Weber, J. Valhonrat, Paolo Roversi, sans oublier Penn, Avedon et Newton, qui par leurs signatures ont permis d’identifier la marque à travers le temps : ce tandem fini parfois dans les musées !

Malgré tout beaucoup d’images de commande n’ont aucun point de vue, heureusement certains photographes ne sont pas timorés ou juste résistants au monde des grands groupes ou des frileux du marketing ! Beaucoup trop d’images médiocres pour peu de profondeur…

La saveur de certaines images dépasse parfois le vêtement, cet alibi encombrant quand il n’est pas inspirant…

Voilà, je vous jette mes pensées en pâture…

LA

COMPAGNIE

DE NÎMES

En 2013, nous, un petit groupe d’étudiants en « design de mode »* à Nîmes, avons croisé lors de nos présentations de projets d’école, le chemin du styliste Christophe Lebourg. Il nous a proposé une expérience de création en collectif: La Compagnie de Nîmes.

A travers cette association, Christophe nous invitait aussi à nous ancrer dans l’héritage du lieu de nos études: la toile DENIM **, dans un projet plus global nommé la FACTORY 30, destiné à faire vivre la création autour de la toile emblématique dans son lieu d’origine. C’est ainsi que riches de nos amitiés et de l’expérience et du regard précieux de Christophe, Nous nous sommes adonnés à l’expérience du travail en collectif.

Pour partager nos regards différents et trouver des consensus, nous avions rendez-vous au café ou chez les uns et les autres. Soirées de recherches, création de fanzines, expérimentations, coutures, dessins, peintures, rédaction, mise en forme des idées, et créations de visuels communs: nos projets étaient fictifs, à but non lucratifs mais tous marqués par la même direction: l’artisanat, le savoir-faire français.

« Collectif de jeunes stylistes, laboratoire de recherche, cohésion d’un groupe d’individus œuvrant contre le consensus vestimentaire de la société.»

C’est avec ce credo que nous avons choisi de réfléchir à des produits pour des marques emblématiques de la mode française, comme des projets non concertés. (Par exemple: Hermès, Agnès b., Eminence, Lacoste, etc )

aussi simplement sur la création libre d’objets symboliques pour faire revivre une technique ou raconter une histoire qui faisait sens à nos yeux.

Ainsi nous nous amusions à imaginer des cardigans pressions Agnès b. en techniques des quatre coins de la France ( broderie bretonne, dentelle de calais, jacquard de Lyon, boutis et indiennes de Nîmes ).

Nous dessinions une règle-pochoir dans l’orange emblématique pour Hermès, revisitions un longjohn pour Eminence, imaginions un body en ciré jaune pour Petit Bateau.

Nous avons cousu un top en Denim en jouant avec les effets de la toile, imprimé des sacs en tissus à la main pour notre communication, créé des motifs d’indiennes pour un matelassage.

Nous avons aussi travaillé sur des toiles Denim épousant des imaginaires géographiques différents: un mélange entre denim et motifs de boutis du Sud de la France, ou entre denim et tartans écossais, ou un autre encore mixant denim et l’explorations de différentes techniques de teinture à l’Indigo et d’Ikat du Mali.

L’idée était aussi d’agrandir le collectif chaque année en intégrant des élèves des autres niveaux. Tous rassemblés sous une vision commune du vêtement, comme un objet bien fait, qui raconte, qui dure et qui vit.

A rebours de l’idée du créateur seul, du succès individuel, la création collective est une idée peu présente à l’époque dans le monde du vêtement. Christophe a réussi à mettre en place durant les années de nos études, cet espace, hors des pratiques encadrées et académiques, pour donner libre court à notre passion commune qu’est le textile.

Une histoire donc de création, d’échange entre générations différentes, mais surtout d’amitié.

** En effet c’est à Nîmes, autour de 1557 que le « sergé de Nîmes » voit le jour. Cette toile connait des évolutions jusqu’à devenir au 19eme siècle, la toile que nous connaissons aujourd’hui: le Denim, contraction de « de Nîmes ».

Ce tissage en sergé est fabriqué à partir d'une chaîne teinte en bleu ( à l’indigo ) et d'une trame écrue ou blanche.

TRANSMETTRE ENCORE !

Christophe m’a proposé de rédiger un texte sur la transmission, je le remercie à petite bouche. C’est tellement rugueux et incertain de penser la transmission, encore plus aujourd’hui, avec l’arrivée de nouveaux outils (IA), de nouveaux rapports au savoir, à l’intérêt d’apprendre et même à l’intérêt de transmettre.

J’emprunterai volontiers l’ensemble de l’essai de Gilles Boudinet Deleuze et l’anti-pédagogue; cependant il y manquerait la vision des mondes de Nelson Goodman; le regard intégral de Georges Perec, la rêverie concrète de Gaston Bachelard, et les pensées lumineuses de bien de nos contemporains comme, Hartmut Rosa, Alain Damasio ou Bruno Patino.

Transmettre selon le centre national de ressources textuelles et lexicales est : de faire passer à quelqu’un une qualité, un caractère, des connaissances.

Parfait ! Mais

C’est sans compter sur la dépossession algorithmique et universelle de nos vies. La première tâche de la transmission serait-elle de réveiller nombre d’apprenant de l’état digital extatique ?

De s’engager à lutter contre le monde irréel qui surgit, qui pilonne l’esprit et nos singularités à coup du pouce en bas, pouce en l’air pour les plus chanceux.

Transmettre, aujourd’hui, c’est lutter contre la mécanique numérique qui est un véritable home jacking, une assignation - passive, agressive - à résidence du corps et de l’esprit.

Transmettre c’est gagner la course de la dopamine.

Redonner le goût et la saveur du monde réel, par la réminiscence de l’enfance : observer et expérimenter sans réserve. De travailler sur ce je me souviens - cher à Christophe - du temps où un caillou était un bijou, un nuage un bateau ou un requin.

L’AMITIÉ

Il m'est difficile de décrire une amitié. Marcel Proust disait si bien: "Elle est, a proprement parler, un état de grâce"— quelque chose qui ne s'explique pas, mais qui se vit pleinement. Il y a une dizaine d'années, j’ai eu la chance de croiser la route de Christophe Lebourg, j’avais 26 ou 27 ans, je revenais d'un long séjour à Taiwan et travaillais à la Chambre de Commerce de Nimes. Cette rencontre a marqué le début d'une belle amitié et a aussi influencé ma décision de rester en France.

À l'époque, nous collaborions sur un projet d'école des métiers du textile en centre-ville. Je ne connaissais rien à la mode, au style, ni à la couture.

Christophe m’a ouvert la porte de cet univers fascinant. Même si le projet n'a pas abouti, il est depuis devenu pour moi une source d'inspiration, alliant un rare équilibre entre optimisme et réalisme. Il aborde la vie avec des yeux grands ouverts, mais toujours les pieds bien ancrés dans la réalité.

Christophe a des habitudes qui le rendent unique, comme celle de toujours mettre du poivre dans son café.

C'est un détail qui me fait encore aujourd'hui sourire, mais qui, à sa façon, reflète son caractère singulier: il aime ajouter une pointe de surprise à la vie, tout en restant fidèle à ses goûts.

Ce qui me marque le plus chez lui, c'est sa générosité. Christophe ne fait jamais les choses à moitié, que ce soit dans son travail de couturier ou dans ses relations avec les autres. Sa gentillesse est naturelle, accompagnée d'une humilité désarmante. Il ne cherche pas les projecteurs, mais il brille par son authenticité.

J'admire son art, en particulier ses photos, qui captent une beauté à la fois brute et délicate. Et je rêve d'avoir un jour chez moi l'un de ses croquis, tant ils reflètent sa créativité et sa sensibilité.

Si Christophe était un pays, il serait le Tibet. Comme le Tibet, il incarne la liberté, avec des racines profondes et une histoire marquée par les épreuves. Malgré les défis qu'il a traversés, il conserve une force intérieure qui force l'admiration.

Christophe est quelqu'un de rare. Sa présence est apaisante, comme un vent calme qui sait traverser les tempêtes.

J'ai de la chance de l'avoir comme ami..

LES MOTS DE CLAUDE BROUET

Cher Christophe, je me souviens d’un manteau bleu qui nous avait toutes fait chavirées.

En trois mots, simplicité, rigueur, équilibre, en somme la perfection simple.

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