Bienvenue au club... échangiste

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PONT-AUDEMER

SAMEDI 28 MAI 2016

Parties fines à la campagne

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Cauverville-en-Roumois. Reportage en immersion

dans l’une des soirées coquines organisées par Katy, maîtresse du seul club échangiste de l’Eure, L’Élite, qui nourrit de nombreux fantasmes…

D’

extérieur, le bâtiment ne laisse rien deviner. La maison en briques pourrait passer pour abandonnée avec ses ouvertures condamnées. L’accès se fait sur le côté, grâce à un grand portail automatique, encadré par une caméra de surveillance et une petite plaque indiquant la présence d’un « restaurant non conformiste ». L’intitulé est sobre, discrétion oblige. Pourtant, L’Élite est bien un club échangiste. Le seul de l’Eure, ouvert il y a tout juste sept ans, à Cauverville-enRoumois, au niveau du rondpoint de Médine. Katy, la cinquantaine, vient accueillir le client : décolleté prononcé, jupe courte et bas légèrement apparents. « Le dress code est sexy pour les femmes, classe pour les hommes », initie la maîtresse des lieux. D’emblée, les règles du jeu sont expliquées aux novices. L’entrée (40 € par couple, 50 € pour un homme seul et gratuit pour les femmes, hors consommation) n’est en aucun cas un droit de cuissage. « Ici, c’est le club de la région où il y a le plus de femmes seules », assure Katy, qui tient à ce que chacun

puisse fréquenter les lieux sans être importuné. Les clients, entre 30 ans et 50 ans, viennent de Normandie ou de la capitale. « Nous avons des Parisiens qui s’arrêtent le week-end sur la route de Deauville, ou qui font l’aller-retour. Avec l’autoroute juste à côté, ça va vite. » La facilité d’accès était primordiale pour Katy et son mari Hervé, au moment d’arrêter leur choix. Travaillant tous les deux dans l’événementiel en Seine-Maritime, et issus du monde libertin, ils se sont lancés dans cette aventure pour « assurer la retraite ».

GLORY HOLE Le rez-de-chaussée est plongé dans une lumière bleue tamisée. Une piste de danse dominée par un écran géant, quelques fauteuils, un bar et une barre de pole dance, pour les plus sportifs, composent le décor. L’établissement dispose aussi d’une salle de 50 couverts et d’une piscine où la question du port du maillot ne se pose pas. À l’étage, les pièces sont plus ou moins fermées. Une croix,

À l’étage, une cage et un glory hole (trou dans un mur permettant le voyeurisme, la fellation, etc., à travers la cloison)

« PAS DE NUISANCE » DANS LA COMMUNE Pour les habitants et le maire de la commune, la proximité de L’Élite ne pose aucun problème. Pour Vincent, serveur à la brasserie Le Médine, le club échangiste « est très discret. On n’en entend jamais parler. Une ou deux personnes viennent nous demander l’adresse, il n’y a aucun problème. Après, je ne peux pas dire ce qu’il se passe à l’intérieur ! (rires) » De son côté, Gérard, riverain de Cauvervilleen-Roumois, n’a pas de problème avec la présence de L’Élite : « Il ne nuit pas à la vie de la commune, alors il n’y a pas de souci. Je me souviens que ça a fait un peu de bruit à l’ouverture C’est toujours fermé quand je passe devant et de toute façon, les gens font ce qu’ils veulent, ce sont des adultes. » Le club ne défraie pas la chronique. Pour le maire, Martine Tihy, « le club n’est pas du tout un problème. Les propriétaires sont très sympathiques et il n’y a pas de nuisance due à l’ouverture de cet établissement. Ça fait beaucoup parler et sourire ! Ce qu’on peut dire, c’est que Cauverville-en-Roumois est maintenant connu pour le club L’Élite, alors qu’avant, la commune était un peu aux oubliettes ! »

sur laquelle il est possible de s’attacher, trône dans un coin, à côté d’un « glory hole ». Le sexe est pratiqué à plusieurs, à condition d’y être invité. « Nous avons un client, c’est un voyeur, décrit Maxime*, le barman. Il prend son pied en regardant sa femme faire l’amour avec d’autres. »

PREMIÈRE FOIS Installés au bar, Charline* et Philippe* ont accepté de témoigner, pour expliquer ce qu’ils viennent chercher dans un club échangiste. Le couple habite la région de Louviers. Respectivement âgés de 45 ans et 48 ans, ces Eurois ont découvert cet univers il y a treize ans. « C’était plus une demande de mon mari. J’étais assez réticente au début », reconnaît Charline. La peur « d’un monde inconnu ». Son homme a alors envie de « découvrir autre chose » et de chasser cette routine qui s’installe sans que l’on s’en rende compte. Les débuts n’ont rien d’évident. Pour leur première, ils passent par Internet et rencontrent un couple expérimenté. « La première fois, on ne prend pas de plaisir. On est trop stressé », raconte Charline. L’arrivée dans un club se fait également à tâtons. « Nous avions attendu la troisième fois pour aller voir [les ébats, Ndlr] », se souvient Philippe. Inéluctablement, des questions se posent. « On se demande pourquoi il a pris plus de plaisir avec une autre par exemple », illustre la quadra, vêtue d’une robe beige, dissimulant un porte-jarretelles. « C’est une nouvelle porte qui s’ouvre dans la vie de couple », tente de résumer son mari. Chacun y trouve son plaisir. « Je me suis découvert un côté bisexuel », reprend sa femme. « C’est le fantasme de tout homme », sourit son compagnon, qui y trouve son compte.

« UN JEU DANGEREUX » « C’est un jeu dangereux, reconnaît ce dernier. C’est pourquoi il faut poser des règles. » « Nous avons déjà vu des couples exploser, intervient Katy. Ce n’est pas toujours une réussite. Un couple qui n’est pas suffisamment uni, qui pense régler un problème en venant ici, prend un risque. » « Le sexe est une drogue », ajoute Maxime, d’un air entendu. Parmi ses règles, celle de toujours rester ensemble. « Pour garder un œil sur l’autre », glisse le mari, qui n’imagine pas laisser sa femme à un parfait inconnu qui

Katy a ouvert L’Élite, avec son mari, en mai 2009. Un nom qui « sonnait bien » et « qui reflétait l’esprit classe que l’on voulait donner »

pourrait se montrer violent pendant l’acte. L’approche est également codifiée. « Ce sont souvent les femmes qui se rencontrent », pour sceller « l’affaire ». Il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. « On traite entre couples. Un homme seul qui profiterait que le mari se soit absenté pour draguer sa femme, ça ne se fait pas. »

AMIS HORIZONTAUX

Quand ce ne sont pas des voisins, le risque de croiser une connaissance professionnelle existe ! Ou pire : « C’est déjà arrivé à des amis de tomber sur quelqu’un de leur famille », lance tout sourire Philippe. « On peut croiser son patron, glisse Katy. Il y a des banquiers, des dentistes, des avocats, des policiers… C’est ouvert à tout le monde. » Un lieu accessible à tous… Entre adultes consentants et partageant les mêmes fantasmes. CHRISTOPHE HUBARD c.hubard@presse-normande.com

Après treize ans de pratique, le couple est formel : « Ça nous a rapprochés. » Le libertinage reste un milieu secret. « Ce qui se passe ici reste ici », résume Maxime. « Nos deux filles (23 ans et 26 ans) l’ont découvert d’elles-mêmes en tombant sur une discussion sur Internet », explique le couple. « Nous avons des voisins qui viennent à L’Élite. Nous nous parlons quand nous nous voyons ici mais, sinon, au village, nous ne nous fréquentons pas. » Une distinction s’opère. « Nos meilleurs amis avec qui nous partons en vacances, nous les avons connus au club », raconte Philippe. « Aujourd’hui, nous avons plus d’amis horizontaux que verticaux », ajoute-t-il dans un jargon propre au milieu. Même si « ici, il n’y a pas d’amour, que des jeux de plaisir », pas question de coucher avec ses amis, pour ne pas risquer de briser la relation.

*Les prénoms ont été modifiés.

INFOS PRATIQUES : L’Élite, rond-point de Médine, route de Montfort-sur-Risle/Brionne, 27350 Cauverville-en-Roumois, tél. 02 32 57 56 49.

LE LEXIQUE DU LIBERTIN Mieux vaut connaître les codes de langage avant de s’aventurer dans un club échangiste. Exemples : Candaulisme : aimer être trompé, tout en regardant. Triolisme : le plaisir à trois. Mélangisme : deux couples jouent ensemble sans qu’il y ait de pénétration hors couple. Cotacotisme : considéré comme un premier pas vers le libertinage : les deux couples restent côte à côte, sans se toucher. Un contact peut éventuellement s’effectuer entre les femmes, se rejoignant au milieu.


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