Quels leviers et quels outils pour piloter la fertilité organique des sols ? Gestion des résidus de cultures et apports organiques Annie Duparque* et Christophe Barbot** * Agro-Transfert Ressources et Territoires ; ** Chambre d’Agriculture du Bas-Rhin
Le rôle des matières organiques du sol (MOS) vis-à-vis des principales fonctions du sol est central. La complexité des transformations des matières organiques associées à ces fonctions, les pas de temps - long pour le stockage de MOS stables, et donc du carbone qu’elles contiennent, et plus court pour la fourniture d’azote aux cultures - en font un facteur de fertilité du sol délicat à piloter. Ce constat tient également au fait qu’un sol peut être très variable au sein d’une même exploitation agricole, voire d’une même parcelle. Pour apprécier, diagnostiquer et gérer l’état organique d’un sol agricole, pour décider de pratiques d’apports de produits organiques ou de la gestion des résidus de cultures (possibilités d’exportation de pailles, …) et pour adapter ces pratiques aux « besoins » des sols et des cultures à ces différentes échelles de temps, en tenant compte des contraintes de production, les agriculteurs doivent pouvoir s’appuyer sur des méthodes et des outils accessibles, suffisamment faciles à mettre en œuvre, mais aussi référencés dans le contexte de l’exploitation (sol, climat, systèmes de culture). Le premier outil de gestion des matières organiques des sols agricole est le bilan humique. Hénin et Dupuis (1945) en ont proposé une formalisation qui a été très largement utilisée en France pendant plus de cinquante ans. Améliorée en 1990 par une équipe de l’INRA de Laon (Andriulo et al, 1990 ; Saffih et Mary, 2008), la méthode a donné lieu à la création du modèle AMG (du nom de ses auteurs : Andriulo Mary Guérif). Aussi simple que le modèle Hénin&Dupuis, mais prenant en compte un double compartiment de MOS, AMG simule les effets des pratiques culturales sur l’évolution à long terme (15, 30, 50 ans, …) de la teneur et du stock de Carbone organique de sols cultivés dans la plupart des situations sol x climat, en grande culture en France. L’outil informatisé SIMEOS-AMG (http://agtrt.nnx.com/simeos/) intègre le modèle et permet de réaliser ces simulations, de comparer sur leurs effets prévisionnels, les pratiques actuelles et des pratiques alternatives envisageables, et ainsi d’orienter la gestion des apports de matière organique (MO), des résidus de culture ou du type de travail du sol. Les deux indicateurs privilégiés par l’approche quantitative que constitue le calcul d’un bilan humique portent l’un et l’autre sur la quantité totale de matière organique (ou de carbone organique) présente dans la couche de terre prélevée et mesurée par une analyse classique. Ils permettent de suivre l’évolution « lente » de l’état organique, et on y rattache des caractéristiques de fonctionnement du sol qui s’établissent sur une période de plusieurs années. La teneur en MO de la couche arable renvoie aux propriétés et aptitudes physiques du sol, en particulier à sa résistance à la battance et à l’érosion ou encore à sa « travaillabilité ». Le stock de MO du sol (ou le stock de C organique) fait référence à des notions de quantité d’azote organique minéralisable, d’importance de la C.E.C., de capacité de rétention en eau, mais aussi à des préoccupations de séquestration de carbone par le sol et par suite de capacité d’atténuation de bilan de GES. En revanche, cette approche ne permet pas de repérer et de prendre en compte les flux de carbone organique que génère l’activité biologique du sol, et qui influencent le fonctionnement et le comportement du sol sur des pas de temps plus courts (variations interannuelles ou infra annuelles). D’autres approches développent des indicateurs complémentaires, qui pourraient aider à tenir compte de ces effets, s’intéressant aux compartiments les plus « labiles » ou « actifs » des matières organiques du sol. Il faut bien prendre en compte en effet le rôle des « matières organiques transitoires générées par les corps microbiens » alimentés en particulier par des engrais verts jeunes : sur le court terme - c'est-à-dire sur la campagne suivante – elles assurent la cohésion des agrégats et alimentent l’activité biologique, ce qui est particulièrement important dans les sols à faible cohésion structurale (sols limoneux dégradés et sols sableux). Il s’en suit une meilleure minéralisation des MO labiles et humification des MO plus complexes (Monnier, 1963 ; Calvet et al, 2011). Les conditions de sol, physiques et chimiques, qu’exige l’activité des organismes vivants, interviennent sur l’évolution des MO apportées au sol ; le fonctionnement biologique du sol doit pouvoir s’intensifier : les agriculteurs sont demandeurs d’informations et d’outils de diagnostic sur cette activité biologique des sols cultivés.