Chiche - n°0 - frontière

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frontière

chiche

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La Mersey traverse la ville de Liverpool. Son nom vient de l'anglo-saxon Maeres-ea qui signifie fleuve-frontière. Magali Giraud, Woodside Ventilation Station, 2009


chiche

est une revue, un objet poétique et sera, nous l’espérons, un lieu d’échanges, de création et pourquoi pas d’expérimentation. L’idée nait en 2019 au cours d’un mois de juin caniculaire, à la faveur d’une balade nocturne dans le foisonnant 20ème arrdt de Paris. Une tentative de dérive urbaine à la façon des situationnistes, en réalité une flânerie et une expérience poétique. L’idée se rappelle à nous entre deux bières à 9 degrés un samedi soir d’octobre à Nantes. Pourquoi ne pas créer une revue qui donnerait à lire les réflexions de nos ami.e.s sur le thème du passage, expérience spatiale, symbolique ? Une revue pour monter, agencer, faire dialoguer plusieurs formes d’écritures textuelles et visuelles. L’idée se gribouille un début de manifeste sur un bout de carnet et nous lui promettons de la recontacter. Elle ne nous lâche plus. Elle se cherche un nom pendant l’hiver1. Elle revient à la charge à l’occasion de quelques soirées arrosées. Puis, elle se plante devant nous au mois de mars avec un thème affiné, la frontière. Et elle s’installe définitivement dans nos petits appartements confinés. Voilà pour la genèse de Chiche. Pour ce numéro zéro, nous avons réfléchi aux frontières qui délimitent nos espaces physiques et mentaux. La frontière comme ligne de démarcation. La frontière comme concept philosophique, social, psychologique, urbain. La frontière comme espace qui se franchit, se dépasse ou à l’inverse sépare, contraint, empêche. Les frontières invisibles, symboliques, réelles, imaginaires. Les frontières poreuses, les frontières hermétiques. Les frontières entre les genres littéraires et les modes de narration. Nous avons rassemblé poèmes, récits, photographies, dessins, collages, carte, bandesdessinées dans cet objet composé qu’est une revue. Inspirés à la fois par le projet de recherche photographique Linea di Confine, les hétérotopies de Michel Foucault, les films d'Apichatpong Weerasethakul ou encore les récits de rites de passage. « C’est curieux, on ne connait pas ce coin. On y va, on entre, on s’engouffre. »

1 Nous l’avons appelée Chiche pour pois chiches parce que parfois nous sommes végétariens. Chiche-kebab parce que nous sommes souvent flexitariens. Chiche comme haschich, parce que ça nous fait marrer... Chiche ! Comme un défi. Chiche comme trois bouts de ficelles, trois francs six sous. Chiche parce qu’au départ c’était Pattern, mais le titre était déjà pris pour une chanson de Philippe Katerine. Chiche mais à bas l'avarice !


06 LINEA DI CONFINE 08 Enclos Arpentage rural dans le Morvan Mathieu Bonnand 20 Voilà le temps des confinés Amel Salmi (texte), illustration Sarah Dchicha (illustration) ..................................................................................................................................................................

22 d'une rive l'autre Poèmes & Dessins autour de cinq films d’Apichatpong Weerasethakul David Bonnand (textes), illustrations Domizia Tosatto (illustrations) ..................................................................................................................................................................

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sommaire

34 Seuils Transitions d’un milieu à un autre, dans le paysage ou en architecture Sofia Mellah 36 La frontière est un espace Souvenir d’enfance de la traversée en voiture d’une frontière Chloé Goutille 38 Paga-Dakola Carte du no man's land des vendeurs de tout et des acheteurs de presque tout JoB 40 Au-delà du tonal Exploration hallucinatoire des limites de la perception Matonambo .................................................................................................................................................................. 42 Ensemble séparément Le collage comme un franchissement des frontières, de la norme. Sans ordre, ni sens de lecture Alice .................................................................................................................................................................. 44 Percées lumineuses / Linea di confine Motifs et mutations à Paris 20ème Raphaël Vignerot


48 LA ROUTE DU COUCHANT «Pour aller à la montagne, il existe trois chemins. Une fois qu'on a choisi, on ne peut ni bifurquer, ni revenir en arrière.» Maxime Dejob ...........................................................................................................................................

56 hétérotopies 58 Retour au C.A.P. «Plus on est considéré fous plus on est dans les étages élevés.» Lilia Salmi (texte), Sarah Dchicha (illustration) 62 Chambre noire Gilbert Koulme (texte), Cecilia Terrone Chang (illustration) 64 Passage urbain Découverte d'un étonnant passage secret en plein coeur de Paris Matonambo 66 L’entresort «C’est curieux, on ne connait pas ce coin. On y va, on entre, on s’engouffre.» Alyson Onana Zobo (texte), Cecilia Terrone Chang (illustrations) ........................................................................................................................................... 70 Rayon d'un kilomètre / Linea di confine Frontières bouleversées entre Cran-Gevrier et Annecy Wehm ........................................................................................................................................... 76 Drexciya, techno à Détroit au milieu des années 90 Le groupe qui interrogeait les frontières, la cartographie, les nouvelles technologies et l’imaginaire Mathieu Bonnand ........................................................................................................................................... 78 Frontière 43 Politique migratoire de la Varénie concernant les sorties du territoire Matonambo


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linea di confine

Photographie : Mathieu Bonnand


Le titre est emprunté à un projet initié par une association de municipalités de la province de Reggio Emilia en Italie dans les années 1990. L’ambition de Linea di confine – ligne de frontière – était (et demeure) de promouvoir la recherche photographique, l’investigation du paysage contemporain et ses transformations à l’échelle régionale. En France, on trouve un équivalent, la mission photographique de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Notre Linea di confine est composée de trois séries de photographies disséminées au fil de ce numéro : arpentage rural dans le Morvan avec Enclos, mutations et motifs avec Percées lumineuses dans le 20ème arrondissement de Paris et frontières bouleversées à l’heure de l’épidémie de Covid-19 entre Cran-Gevrier et Annecy pour Rayon d’un kilomètre.

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linea di confine

« Être à la limite, les deux pieds sur la ligne, pour voir, mais sans en être, les deux côtés. Zone de transit, ville-frontière, trace invisible dans les champs. Parfois la lumière est trop vive ou absente et on ne distingue rien. La frontière est un vitrail qui fractionne, couleurs vives qui estompent les formes de l’autre.» (Raphaël Vignerot)



enclos Mathieu Bonnand

Morvan, avril 2020






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le temps des confinés Texte Amel Salmi llustration Sarah Dchicha

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Voilà le temps des confinés Voilà le temps des claquemurés Gestes barrières Frontières imaginaires Voilà le temps des apeurés Voilà le temps des planqués Sursaut solidaire Soignants téméraires Voilà le temps des distanciés Voilà le temps des aînés Rhétoriques guerrières Atmosphère délétère Voilà le temps des indignés Voilà le temps des libertés Humain sanctuaire Riposte planétaire


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d'une rive l'autre Poèmes & Dessins autour de cinq films d’Apichatpong Weerasethakul

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Textes David Bonnand llustrations Domizia Tosatto


Ce qui nous reste d’un film, son souvenir et ce qui nait d’une confrontation nouvelle avec celui-ci. Apichatpong Weerasethakul est un cinéaste thaïlandais qui entre autres distinctions a reçu la palme d’or à Cannes en 2010 pour son film Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Ses films sont hantés par la question de frontière, qu’elle soit celle qui sépare les vivants des défunts, les vivants des fantômes, celle qui sépare l’homme de l’animal, le concret de l’imaginaire, celle qui sépare aussi le Laos de la Thaïlande, la veille du songe. Cette frontière est chez lui poreuse et souvent réunit plus qu’elle ne sépare, la métamorphose n’étant jamais loin (le devenir-tigre du soldat dans Tropical Malady).

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d'une rive l'autre

Il y a eu l’envie de revoir ces films - mais aussi Blue, Syndromes and a Century et Mekong hotel - sur écran d’ordinateur et d’écrire à partir d’eux. Domizia Tosatto s’est proposée de dessiner à partir de ces mêmes films, des souvenirs qu’elle en avait. Le résultat ce sont ces cinq poèmes et dessins qui on l’espère seront une invitation à découvrir ou à revoir la filmographie d’A .W.


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nulle part identifiable dans un espace un lit est là - sur un chemin de terre au centre de rien, de la nuit le lit est à l'image entre des paysages peints et la forêt présente par le son dans les plis d'une couverture bleue les notes d'un imprimé blanc oppose le ciel au feu qui viendra mordre le décor, les étoffes / les corps sous la couverture elle se retourne, joint les deux mains, allongée sur le dos elle fixe son regard devant elle elle ne dormira pas, un point vient d'apparaitre au niveau de sa poitrine - le son de la pierre contre l'acier d'un briquet dans cette alternance de toiles ces presque mêmes paysages dessinés : une rangée d'arbres devant un temple, un soleil rouge et un lac défilent par un système de poulies

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de l'écran placé devant ces toiles ne reste que le cadre, les songes comme projetés à travers cette absence de surface. un feu brûle la poitrine de l'endormie mais elle continue à ne pas trouver le sommeil ne se soucie pas du feu qui maintenant mange tout le soleil rouge brûle au-dessus d'une eau qui le reflète : éclairé par l'ampoule accrochée au plafond par un fil tout brûle choses détachées qu'est-ce qui brûle ? volent deça delà au travers des airs en lisière de forêt un lit brûle dans la nuit

[blue]

d'une rive l'autre

(le passage d'un état à un autre)


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[mekong hotel]

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l'hôtel est sur une des deux rives et l'eau n'écoute pas une guitare seule du début à la fin joue s'arrête et reprend autrement le même air qui écouterait-t-elle ? c'est en dormant qu'aussi les choses apparaissent, que les prénoms s'oublient mais non les visages l'hôtel est sur le fleuve, n'avance que par les histoires que l'équipe de tournage ne filme pas -

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le Mékong prend sa source dans un pays lointain, suspend le jour et brouille le temps - la géographie marquée par lui sur la berge des pelleteuses, un million de sacs de sable sont nécessaires pour les barrages : faire face aux inondations fantôme ou comédienne ou personnage comédien ou personnage ou fantôme présences multiples dans un même corps

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comme dans un film projeté en plein air, dans un temple


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28 [syndromes and a century]

une force le tient prisonnier de cet habit safran - il rêvait d'être dj - il est moine et il emprunte une guitare pour jouer trois accords sur un banc - je n'étais pas humain dans ma vie précédente les orchidées sauvages préfèrent l'ombre à l'exposition directe du soleil

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tout est semblable et différent / ce que nous pourrions être si nous n'étions pas / répétition des jours d'une scène / la caméra (ovale noir regardé en face à la fin du film) rend visible ce qu' il y a - entre - cette vie et la précédente


les points rouges sont deux yeux au centre de ce qui est -semble être- un visage la nuit est là, sonore avant la moindre image d'un plan à l'autre une collure : pour l'apparition

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les points rouges sont deux yeux fixes au milieu de l'écran et nous regardent les yeux ouverts devant l'écran

d'une rive l'autre

[oncle boonmee]


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dans le faisceau d'une lampe torche après des jours de marche sans sommeil dans la forêt : le tigre est face au soldat ses empreintes au sol et sa présence la nuit quand sans dormir les yeux sont fermés : le soldat est face au tigre les deux en un même fantôme dans les souvenirs d'autrui

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d'une rive l'autre

[tropical malady]



espace liminal La liminalité exprime en anthropologie, l’état intermédiaire entre deux positions (plus particulièrement dans les rites de passages), un entre-deux qui se traduit par l’absence d’identité. En géographie, le terme évoque une étendue issue du passage et de la transition, une zone frontalière intermédiaire. C’est le cas notamment des no man’s land - littéralement terre sans hommes - un terrain neutre où aucun droit national n’est en vigueur. Dans les pages qui suivent, la liminalité pourra être une série de photographies capturant les seuils, les transitions d’un milieu à un autre dans le paysage ou en architecture. Un souvenir d’enfance de la traversée en voiture d’une frontière, les parents à l’avant, les enfants à l’arrière, un basculement spatiale et symbolique. Un récit cartographié d’une zone frontalière poreuse entre le Burkina-Faso et le Ghana. Ou encore une bande dessinée proposant une escapade ésotérique au Mexique sur les traces de l’ethnologue Carlos Castaneda. « Nous allons bientôt traverser la frontière, annonce d’une expérience inédite. »

Photographie : Sofia Mellah


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" L’architecture est jugée par les yeux qui voient, par la tête qui tourne, par les jambes qui marchent. L’architecture n’est pas un phénomène synchronique, mais successif, fait de spectacles s’ajoutant les uns aux autres et se suivant dans le temps et l’espace, comme d’ailleurs le fait la musique."

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Le Corbusier. Le Modulor. éd. L’Architecture d’Aujourd’hui, 1983


seuils Texte et photographies par Sofia Mellah

Cette série de photos réalisée durant des balades estivales interroge le seuil, la limite qui est pour moi la clé de la transition et plus largement de la connexion (entre deux espaces, entre l’intérieur et l’extérieur, entre deux matières) en pointant du doigt l’entre-deux par lequel nait l’émotion et qui m’invite à arrêter là ma balade.

espace liminal

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l'espace de la frontière Texte et illustration par Chloé Goutille

L’espace de la frontière, linogravure - 21x30cm, C.G., 2020

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espace liminal

Petite lors d’un voyage en voiture, on me dit « nous allons bientôt passer la frontière ». Annonce d'une expérience inédite. Je fixe attentivement le paysage et j’attends le basculement. D’un moment à l’autre tout sera différent. Nous le ressentirons dès que la ligne sera franchie. J’envisage cet instant improbable où mes parents, à l’avant de la voiture, seront passés et nous à l’arrière, pas encore. Je patiente. On m’avait dit bientôt. Rien ne se passe vraiment. Tout change à chaque instant. J’observe encore. Et petit à petit c’est dans l’air, les couleurs des panneaux sont plus vives, jaune et orange. La typographie est plus fine, des bâtons noirs et incisifs. S’essayer à prononcer le nom des villes. Les publicités, les supermarchés du bord de route sont les mêmes avec d’autres signes. Le relief s’est adouci, la vallée dessine un horizon. La lumière a changé doucement, elle enveloppe les choses différemment, le temps s’est écoulé. On a dû passer la frontière.


Cette frontière j’y suis passée de nombreuses fois depuis

20 ans. Dans un sens et dans l’autre. En venant du Ghana, l’arche bleue qui nous proclame autant qu’il nous souhaite « safe journey » nous trouve avec déjà une journée ou deux de route derrière nous.

✴J’ai mis du temps à comprendre pourquoi les ghanéens s’apostrophaient Charlie. Une référence à « Charlie Compagny » bataillon américain fameux et vaillant au Vietnam dont l’expression s’entend aujourd’hui comme frère (d’arme)

Aluta,la prochaine fois seul ton souvenir déambulera dans le no man’s land. Force et chance à tes enfants, que la terre te soit légère…

No man’s land : nom masculin, anglais no man's land, terre qui n'est à personne, caractérisée par la forte densité de population qui s’y active. Vendeurs de tout et acheteurs de presque tout.

HEY CHARLIE (dit ‘Tchalé’ ✴) ! ALUTA ! ALUTA CONTINUA ! Et puis il y a Aluta : Toujours là, immanquablement là, avec ta drôle de démarche, on dirait que tu nous bondis dans les bras même de loin. Pas question de faire appel à un autre bureau de change que toi. Tes petits frères, princes du no man’s land, déambulent, une liasse de Cedis dans une poche, de CFA dans l’autre. Tous ces flux financiers à pied ou à vélo circulent autant qu’une dividende dans les mains d’un avocat fiscaliste.

Je me souviens de ce plaisir irrationnel de voir sur l’écran de télévision des douaniers ghanéens une étape du Tour de France. Un assez plaisant mal du pays…

➀ Customs Excise (Ghana) ➁ Customs (Ghana) ➂ Health service (Ghana) ➃ Immigration Service (Ghana)

➄ Poste de Police

(Burkina-Faso)

Se poser dans le jardin de la buvette. Aluta nous parle de ses soucis passés, de ses projets futurs, avec son sourire présent. Je crois que je pourrai faire le voyage mille fois, j’aurais toujours autant de plaisir à redécouvrir que le pain ghanéen n’est pas le même que le burkinabé (pain brioche / pain baquette), la bière (Stars / Brakina), les toilettes (longue gouttière / trou).

➅ Douanes (Burkina-Faso) ➊ Buvette ➋ Arche ➌ Barrière passage voitures

et cars (Ghana)

➍❹Barrière camions (Ghana) ➎ Barrière (Burkina-Faso)


⑥ ⑥

paga-dakola Anecdotes d'un no man's land à la frontière du Burkina-Faso et du Ghana Textes et carte par JoB

DAKOLA DAKOLA

⑤ ⑤

❺ ❺

❹ ❹

❸ ④ ④ ❸ ➂ ➂② ②❷ ❷ ① ① ❶ ❶ PAGA PAGA


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S'il vous vient un jour l'idée d'éclater les frontières de votre perception du monde pour retrouver la totalité de vous-même, Jean est votre gars.

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par Matonambo

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au-delĂ du tonal


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Collage par Alice

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linea di confine percĂŠes lumineuses RaphaĂŤl Vignerot


Paris 20ème, 2019


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Paris 20ème, 2020

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la route du couchant Texte et illustrations par Maxime Dejob

Rien de mal : une fois franchi le seuil, tout est bien. Un autre monde, et rien ne t'oblige à parler. F.K. le 19 janvier 1922


Il y fait très chaud ce matin dans la maison. J'ai pourtant fermé les volets en me levant mais ça n'a eu aucun effet, sauf peut-être celui de calmer la centaine de mouches qui voltigeaient entre la cuisine et la salle à manger ; et de les clouer immédiatement sur les murs et le plafond. Après avoir pris un bain je décide de redécouvrir plus précisément les lieux. Je suis pour l'instant seul ici mais trois amis ont prévu de me rejoindre sous peu. Je suis descendu à la cave, je n'ai rien trouvé hormis une tondeuse à gazon manuelle et quelques tréteaux jetés contre un mur, des toiles d'araignées. En tournant la tête j'ai découvert une seconde cave, celle-ci est plus achalandée. J'ai trouvé l'interrupteur j'ai allumé j'ai promené mes yeux : des bouteilles de vin, deux vélos, un établi et de nombreux outils. J'ai éteint la lumière et je suis remonté au rez-de-chaussée. À ce niveau il y a la cuisine qui est ouverte sur la salle à manger, un peu plus loin se trouvent le salon et les toilettes. Au sommet d'une montée d'escaliers escarpée il y a un petit couloir qui distribue trois chambres, la salle de bain et une petite pièce – sorte de bibliothèque dans laquelle est installé un vieux bureau. Maintenant, précisément à midi moins vingt, la fenêtre baigne cet espace d'une antique couleur. Aucun bruit n'est perceptible dans la maison. Parfois, le carillon à vent clinque dans un courant d'air. À côté de la salle de bain il y a un escalier qui mène au grenier. La porte est fermée mais la clef pend à une petite pointe plantée à hauteur d'yeux. Je pousse la porte. Il est difficile de trouver un passage au milieu des cartons, des meubles, des lustres posés au sol, des tapis roulés et d'une table de ping-pong recouverte d'un drap sale. J'avance un peu et j'ouvre au hasard une petite boîte à chaussures, elle est remplie de vieilles photos en noir et blanc et sont accompagnées d'un très court texte signé MM (lire la mappemonde à l'envers). Je redescends du grenier avec la boite sous le bras. J'appelle une tante. Je lui demande si ces vieilles photos lui disent quelque chose, non. Et ces initiales, non plus. Je remplis un verre d'eau et je m'installe dans la bibliothèque. Je regarde les photos. Elles ont été prises il y a cent ans, ou plus encore. Rarement j'en ai vu de si belles.

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la route du couchant

enfant de la ville pas New York ou Singapour ici les enseignes sont plus petites ici comme un aperçu de la ville grande Depuis tout petit je me plais à croire que partout le bitume convoque les mêmes réalités, adresse les mêmes rudesses. J'ai récemment appris qu'un vieux copain allait très mal. Ce sont les sentiments mêlés qu'hier matin je suis parti à la campagne passer quelques jours dans une vieille maison de famille.


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c'est une île dans le pacifique c'est un village construit sur une plage ce sont des maisons en bois montées sur pilotis ce sont des toitures en feuilles de palmier c'est une habitation cérémonielle ce sont deux silhouettes masquées qui dansent c'est un enfant assis par terre ce sont des ornements partout, des regards c'est une autre maison, plus petite, en cours de construction, sans toiture à coté d'une petite échelle un homme regarde le travail accompli il faudra bientôt coudre la couverture végétale il est presque nu il porte un cache-sexe autour du cou un pendentif ce sont des notes de musique qui transpercent les images


MM est une femme, elle a exactement trente ans. Elle maîtrise tout à fait la langue qui est parlée ici. La barque sur laquelle voyageait MM vient d'accoster. Dans ses yeux aucun doute, elle a traversé toute la mer. Elle se promène dans le sable, pieds-nus. Des enfants courent à côté d'elle. Un groupe d'adultes vient dans sa direction. Les présentations sont chaleureuses. Puis elle pointe la montagne du doigt, la grande montagne. Elle indique qu'elle est ici pour la gravir. Ses interlocuteurs sont étonnés, s'agitent un peu, expliquent que là-haut la vie est beaucoup trop rude, qu'il ne faut pas y aller. Il est plus sage de rester ici ; ici c'est la légèreté et la joie de vivre. Mais MM dit qu'elle n'a pas le choix, qu'elle doit y retrouver quelqu'un. Comme c'est étrange. Comment peut-elle connaître quelqu'un là-haut ? Sans se souvenir de son nom qui plus est ? Le plus petit des trois hommes répète fièrement que « c'est ici que les choses se passent. Tous les jours des bateaux amènent mille objets, des pierres précieuses, des tissus très raffinés. Souvent les commerçants viennent avec de nouvelles chansons à la mode, des nouveaux pas de danse, des nouvelles coiffures. Le seul lien qu'on entretient avec ceux de la montagne c'est le petit commerce. Eux descendent chercher des mélodies et des vêtements. Et nous on monte chercher des anneaux de coquillages et du tabac qu'on échange contre une élégance. » On propose à MM de passer quelques nuits ici, qu'il y a de la place. Tant qu'elle juge qu'il y a assez de lumière elle continue de faire des photos autour du village.

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la route du couchant

Juste avant d'aller dormir, une petite fille d'une dizaine d'années s'approche timidement et s'adresse à MM en regardant en direction de la montagne. Mais il fait nuit noire on ne la voit plus maintenant. « Je m'appelle Yabiok. Pour aller tout en haut de la montagne, il existe trois routes. La première c'est la route qu'on emprunte quand on se rend à une fête. La deuxième c'est celle qu'on suit quand on a quelque chose de très sérieux à aller faire là-haut. La troisième on l'appelle la route du couchant. C'est la route qu'on prend quand on se sent bizarre et qu'il faut bien trouver un moyen de ne plus se sentir comme ça. Sur cette route il fait nuit tout le temps. Et on y croise personne. Attention : une fois qu'on a choisi une route on ne peut ni bifurquer ni revenir en arrière. Quelle route vas-tu prendre ? La deuxième ? » MM sourit à Yabiok et en lui caressant les cheveux répond que la troisième route semble tout à fait à propos. L'enfant lui tend un petit plan gribouillé puis s'en va dans de grandes enjambées rejoindre ses parents qui l'attendent un peu plus loin.


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J'ai trouvé dans le meuble sur lequel est posée la télévision une Super Nes. Elle appartenait sans doute à un de mes grands cousins. Juste à coté il y a une manette et un jeu, The legend of Zelda : A link to the past. Je fais les branchements et j'insère la cartouche dans la console. La princesse s'adresse à moi par télépathie et m'implore de la sauver. Je me promène dans la plaine d'Hyrule. Je rencontre un ancien, Sahasrahla. Il me demande d'aller chercher les trois pendentifs magiques (courage, pouvoir, sagesse) afin de lui prouver que je comprends bien tous les enjeux. Il me dit qu'ensuite on pourra parler plus sérieusement. Je trouve un arc, un boomerang et les bottes de Pégase avec lesquelles je cours à toute allure. Dans la bibliothèque je fonce contre une étagère et je fais tomber le livre de Mudora, qui me permet de déchiffrer l'ancienne langue des hyliens. J'en ai besoin pour avoir accès à certains sanctuaires. Un peu plus tard je serai embarqué dans le monde des ténèbres. Ce jeu m'évoque plus que de simples souvenirs d'enfance, c'est comme si j'étais un enfant à nouveau. Pourtant les souvenirs que j'ai en tête sont de faux souvenirs, je n'ai jamais joué à ce jeu avant aujourd'hui. C'est comme si je parvenais à réinventer mes souvenirs. C'est comme si j'étais un enfant à nouveau, mais un autre enfant que celui que j'ai été. Dans ma chambre d'enfant je réussis à voir les posters accrochés aux murs, les peluches sur le lit, les planètes dessinées sur la tapisserie. Et mes parents qui me demandent d'arrêter de jouer parce qu'il est bientôt l'heure d'aller dormir. Les souvenirs de MM, eux aussi je les réinvente, eux aussi je les remodèle. La sonnerie du téléphone me fait sursauter. C'est un ami qui m'appelle. Ma voix est éraillée je n'ai pas parlé depuis la veille, au moment où j'ai eu ma tante au téléphone. Je me gratte la gorge. Il me dit qu'ils arrivent demain. Je lui indique les coordonnées GPS, quand on ne connaît pas, la maison est difficile à trouver.


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la route du couchant

La route du couchant commençait par d'étroits escaliers en pierre. MM se fit la réflexion que la nuit était tombée très vite et qu'on était pourtant bien le matin. Yabiok avait dit vrai. MM était sur la plage il y a quelques minutes à peine et maintenant elle entendait le fracas de la mer contre la falaise en contrebas. Puis d'un coup se formèrent de larges plates-formes. Certaines montaient, d'autres descendaient. MM monta. Chaque étage qu'elle découvrait était identique au précédent. Comme un hôpital. Enfin la vue s'élargit. Elle découvrit une vasque et un jet d'eau. Elle parvenait à peine à discerner son environnement, il faisait très sombre. Quelques torches aléatoirement disposées émettaient une faible lumière. Elle aperçut un petit chemin de terre entouré de grands buissons d'où sortaient mille bruits d'animaux et d'insectes nocturnes. Elle emprunta ce passage qui était un peu plus éclairé. Tout au bout se dressait une île sublime qu'un pont suspendu reliait au continent. La lune inondait l'océan. Parfois soumis au vertige MM n'hésita pas une seconde et commença la traversée du pont chancelant. L'île était blanche, une montagne se trouvait en son milieu. C'était la montagne. D'ici elle ressemblait à une forteresse abandonnée. À son sommet elle parvint à voir de fins nuages qui étaient bloqués. Un peu plus bas une centaine d'oiseaux verts et bleus tournaient inlassablement. Le pont était en bon état. Quatre épaisses cordes étaient reliées par un parterre de rondins de bois. MM eut une petite pensée pour les humains qui l'avaient construit. Elle avançait prudemment le bruit des vagues contre les oreilles. Devant la lune une nuée de milliers d'oiseaux apparut. Danses millimétrées qu'elle contempla jusqu'à la disparition. La lune reflétait maintenant peu de lumière et une infinité d'étoiles clignotaient. Enfin la montagne. Elle s'assit sur un rocher. Entre deux rêveries elle prenait conscience d'odeurs inconnues et délicieuses qui agitaient tout son corps. Elle se releva. Sur la droite du chemin qu'elle arpentait s'épanouissaient d'énormes fleurs roses et jaunes. Puis elle aperçut une maison d'où s'échappaient une musique calme et la lumière rouge de deux lanternes. Sur un banc un homme était assis. MM s'assit à côté de lui. Il lui offrit à boire. Ils parlèrent un peu. Il avait travaillé toute la journée dans son jardin et il profitait de l'air frais avant d'aller se coucher. MM remercia l'homme pour le verre puis se leva. Avant de partir elle lui demanda si par hasard il connaissait dans les environs l'homme qui ne parle plus. Il est juste un peu plus loin, par ici, lui répondit-il.


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On s'est réparti les chambres à coucher, heureux de se revoir. On a installé la table de ping-pong sous le préau, au cas où il pleuve et on a fait quelques parties. Le lendemain je suis allé me promener à vélo avec un ami dans la forêt tout à côté, j'ai perdu à la course. Le soir on a bu quelques bouteilles de vins, avachis dans le salon, avec pas grand-chose à manger sur la table. On a parlé de notre vieux copain, celui qui va très mal. Personne n'a de nouvelles. Et les dernières ne sont pas bonnes. On ne peut rien faire, simplement espérer que malgré tout il tient le coup.


celui qu'on appelle l'homme qui ne parle plus est assis au milieu d'une minuscule parcelle minime jardin absolument symétrique où deux lointains lumignons viennent y poser leur ombre elle est arrivée l'heure de se revoir de s'attraper les mains - de se sourire l'homme qui ne parle plus tient quelque chose c'est un tapis qu'il a tissé il représente absolument fidèlement là où désormais il vit il l'étend au sol et tous les deux ils s'installent dessus (l'homme qui ne parle plus et MM) alors ils se sont envolés sur le tapis volant et au long des heures ils sont allés en tout lieu puis celui qu'on appelle l'homme qui ne parle plus parla faiblement - presque des chuchotements

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regarde là-bas allons-y il y a des bateaux ce sont sans doute les corsaires venus trouver l'aventure

la route du couchant



hétérotopies « (…) et si l'on songe, après tout, que le bateau, c'est un morceau flottant d'espace, un lieu sans lieu, qui vit par lui-même, qui est fermé sur soi et qui est livré en même temps à l'infini de la mer (...) vous comprenez pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, depuis le XVIe siècle jusqu'à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr, le plus grand instrument de développement économique (…) mais la plus grande réserve d'imagination. Le navire, c'est l'hétérotopie par excellence. Dans les civilisations sans bateaux les rêves se tarissent, l'espionnage y remplace l'aventure, et la police, les corsaires. » C’est par cette notion que Michel Foucault clôt la conférence intitulée « Des espaces autres » donnée au Cercle d’études architecturales en 1967, c’est aussi sur cette image que se termine la nouvelle de Maxime Dejob, La route du couchant. Hétérotopies, espaces absolument autres, lieux effectifs de l’utopie, chambre d’enfant, miroir, tapis volant, bibliothèque, maison de repos, entresort d’une fête foraine… Les textes qui suivent expriment tour à tour la limite entre le rêve et la réalité, la frontière entre le dehors et le dedans normé, au sein de ces lieux hors de tout lieux.

Illustration : Domizia Tosatto


#0 - Frontière

retour au c.a.p. 58

Chiche

Texte Lilia Salmi Illustration Sarah Dchicha


« - Avez-vous des problèmes de sommeil ? - Oui - Est-ce que vous vous sentez heureuse parfois/ toujours/ occasionnellement/ de moins en moins/ rarement/ jamais - Jamais haha ! - Pourquoi vous riez ? - ... - Vous avez des pensées suicidaires ? - Toujours - ... - Est-ce que vous prenez toujours autant soin de vous de votre apparence physique? - Ma vanité étant intacte je suis toujours aussi soucieuse de mon aspect esthétique. - Vous avez des problèmes d'alcool ? - Toujours - Dernière question : vous habitez à quel étage ? - Au sixième »

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Voila comment je me retrouve au centre d'accueil permanent (CAP) du 10ème arrondissement, rue d'Hauteville, métro Bonne Nouvelle. Aucune station de métro ne semble porter si mal son nom, si ce n'est Gaieté. J'arrive (vraisemblablement) à l'heure du dîner. Je passe devant la cuisine avec à mon bras mon nouveau pyjama bleu ciel prêté par l’hôpital public pour l'occasion, on m'a également prêté une robe de chambre lie de vin et je m'interroge sur cette association chromatique. L'infirmer m'informe qu'on doit faire l'inventaire de mes affaires. Je lui demande si je pourrais tout garder. Il me répond "On verra".

hétérotopies

Je découvre ma chambre, la tapisserie à fleurs, le lit une place et mon regard se porte immédiatement sur la fenêtre qui ne s'ouvre pas totalement, elle permet de prendre l'air mais pas d'accès extérieur. Ce n'est pas pour se prémunir du risque de suicide, ma chambre est situé au rez-de-chaussée. Mon cœur constate l'énorme différence entre une fenêtre qu'on ouvre et ferme soi-même et une vitre qu'on subit. Je finis par sortir de ma chambre, l'infirmier me demande pourquoi je n'ai pas mis le pyjama bleu, Je hausse les épaules.


#0 - Frontière

Les gens fument, se taxent des clopes, on est en 2017 mais visiblement ici on est encore à l'époque des cartes prépayées. On troque une cigarette contre du crédit, contre un texto. Un jeune homme chauve avec un accent slave joue de la gratte en chantonnant sur les escaliers, plus loin, sur une plaque d'égout un homme protège une jeune fille du froid, ils se partagent chacun une oreillette d'écouteur. Tout le monde me demande pourquoi je suis là et tout le monde conclut chaque discussion par le même conseil "Prends le temps, prends soin de toi, ici on est bien tu verras." Les différentes molécules administrées à chacun fait que nous ne jouons pas les noctambules, à 23 heures la cour se vide et tout le monde va se coucher après avoir pris son traitement. Le lendemain, le petit déjeuner est servi entre 7 et 8 heures, tout le monde rit, se lance des vannes, une adolescente demande un rab de beurre à l'aide soignante qui s'exécute en riant, on vole des portions de confitures à la cerise pour l'après-midi, on pourrait croire à une colonie de vacances si il n'y avait pas l'infirmier qui nous appelle à tour de rôle pour le traitement, s'il n'y avait pas Pierre avec ses gros yeux qui nous fixe à travers la vitre tout le long du repas. Parce qu'au CAP c'est segmenté, il y a trois étages et un rez-de-chaussée et ça ne se mélange pas, il est interdit, par exemple, pour un patient du troisième étage de traîner dans les couloirs du rez-de-chaussée. La répartition par étage se fait selon une règle tacite et invérifiable, elle dit que plus on est considérés fous plus on est dans les étages élevés. Moi je suis au rez-de-chaussée avec les dépressifs, les insomniaques et les victimes de stress post traumatique. Au premier étage il y a nos amis bipolaires. Claire, qui souffre de délires de persécution (selon ses propres dires) est au deuxième étage.

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Parfois, au petit déjeuner, il y a un nouvel arrivant et un absent. On apprendra plus tard que Enrique, l'absent, a été « monté » au troisième étage. "Le pauvre il commençait à parler aux arbres alors ils l'ont fait monter." Il y a des autorisations de sortie mais je comprends que ce privilège n'est pas accordé à tout le monde. C'est la psychiatre qui décide. Certains peuvent sortir, d'autres doivent rester enfermés. Moi je sors, je sors beaucoup je sors toutes les après-midi, je vais faire des courses, je vais prendre des cafés avec mes copines, je vais récupérer des affaires chez moi, des livres, des vêtements. Quand je reviens je suis attendue comme le mes- " La répartition par sie parce que je ne suis jamais les mains vides, friandises, sandwiches, chips, étage se fait selon cigarettes. Cet endroit est un savant mélange entre la prison et la colonie de une règle tacite et vacances.

invérifiable, elle dit que plus on est considéré fous plus on est dans les étages élevés."

Chiche

C'est le mois de février et le printemps tente quelques percées, alors nous passons la soirée dehors à jouer au foot, à rire, à fumer, à manger des chips comme des adolescents, mais lorsque l'on entend le trousseau de clefs des infirmiers qui nous somment de rentrer, d'aller prendre notre traitement et d'aller dans nos chambres, lorsque l'on rentre retrouver la lumière jaune et glauques des couloirs et qu'on entend Fred hurler parce qu'il se fait attacher et maintenir par sept infirmiers, on se sent plus proche d'un lieu de privation de liberté.


Le monde extérieur Un jour lors d'une sortie pour faire des courses, pendant que je fais la queue avec mes paquets de gâteaux et de noix de cajou, une caissière s'amuse avec son collègue, ils se chamaillaient et elle lui dit « Mais t'es un fou toi !! Franchement faut que tu ailles à l’hôpital psychiatrique ! Haha ! » A ce moment précis, je me demande si je suis folle. Une certaine corrélation semble évidente aux yeux du monde extérieur. Comme les autres patients, je suis à la fois attirée par le monde extérieur (je rêve à toutes les choses que je ferais/vais faire à la sortie) mais j'appréhende aussi , je me sens bien dans ce cocon inconfortable entourée de gens comme moi. Tout le monde sait que si tu as atterri ici c'est que ça ne va pas. Ici, personne pour me dire que « Non mais tu es belle, tu es jeune, il ne faut pas déprimer, allez secoue toi, tu veux pas essayer de sortir te changer les idées ? » Personne pour te conseiller de communiquer avec ton enfant intérieur et de pratiquer la sophrologie. Je découvre vite que mes amis d'ici ont tous fait beaucoup d'allers retours dans ce centre accueil permanent appelé familièrement le « CAP », aucun de mes petits camarades n'en est à sa première fois. On en sort, mais on finit par revenir quelques mois plus tard. Je me souviens d'une amie qui donnait des cours en prison et à chaque fois qu'elle se réjouissait de la sortie d'un détenu il y avait toujours un agent de la prison pour atténuer son sentiment, " Tu sais il va revenir, ils reviennent tous ".

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Les jours passent lentement et le temps s'étire, parfois je reste lire des heures dans ma chambre l'après-midi, il n'y a plus de samedi, de mardi pour rythmer nos semaines. J'écoute A la recherche du temps perdu en audiobook et la Symphonie du nouveau monde à tue-tête en faisant des origamis, quand l'aide soignante entre dans ma chambre pour faire le ménage, je me dis qu'elle doit me prendre pour une folle puis je me souviens que c'est précisément le principe du lieu. Le jour de ma sortie, on s'embrasse, on a les larmes aux yeux, on s'échange nos coordonnées.Les semaines après ma sortie, je retourne quelques fois au CAP pour les rendez- vous avec ma psychiatre. J'en profite pour saluer mes petits camarades encore hospitalisés, leur fais un signe à travers la vitre qui nous séparent nous les visiteurs, des patients. On a encore les larmes aux yeux et on promet de se revoir.

Comme nous vivons tous autour du 10ème arrondissement, il arrive de nous croiser, alors on se salue poliment et/puis chacun reprend le cours de son existence. Quelques mois plus tard, je me surprends à éviter le regard d'un de mes anciens compagnons d'hôpital. ▟

hétérotopies

Les premières semaines, nous nous donnons des nouvelles, nous allons boire des bières ensemble, nous ressentons le besoin de conserver ce lien, d'évoquer ces souvenirs qui nous unissent, nous passons l'essentiel de ces temps conviviaux à se donner des nouvelles des uns des autres et à se remémorer les anecdotes de l’hôpital. Un jour que je bois un verre avec Ben, je lui demande ce qu'il en est de son idylle avec Céline qu'il a rencontrée à l'hôpital, il m'informe de leur rupture et conclut « Tu sais c'était pas la vraie vie l’hôpital. » Il a raison, ce n'était pas la vraie vie, nos mode de vies, nos goûts, nos affinités en dehors de ce lieu clos et renfermé de lui même n'ont rien de/en commun.


#0 - Frontière

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chambre noire Chiche

Texte Gilbert Koulme Illustration CĂŠcilia Terrone Chang


Chambre noire Baignée de mystère Une mansarde suffit Parfois rêve ou réalité Cauchemar éveillé voile éphémère vue de l’esprit Les murs s’effritent, se lézardent Probablement des rats qui grattent Dans les coins de vie. Un angle sans attaque Un chuintement Le bois se plaint quelque part Une chose le hante.

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Mon Lovecraft revient Comme régulièrement les songes dérivent Rongé, le doute s’installe Se distille, l’effroi Quand craque le bois Le vernis s’efface.

hétérotopies

Où est la clé de mes fantasmes, peurs et angoisses.


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‘ 64

C'est fou ce que Paris réserve comme surprises au flâneur pris d'une furieuse envie d'aller aux toilettes.

Chiche


par Matonambo

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hĂŠtĂŠrotopies

passage urbain


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l'entresort 66

Chiche

Entre-sort ou entresort : baraque foraine où sont donnés en spectacle des monstres, personnes ou animaux. Composé du verbe entrer et du verbe sortir. On entre, on regarde et on sort.


Texte Alyson Onana Zobo Illustration Cecilia Terrone Chang

Luna park Ils remontent lentement la rue d’Avron vers la Porte de Montreuil enveloppés d’un air chaud et épais. Vague de chaleur sur ce mois de juin. Celle qui tue les vieux, celle qui rend la ville amorphe et les amoureux énervés. Le ciel est bleu encre, un peu plus tôt il était pourpre. Les néons des boutiques et des salons de coiffure débordent des façades. Ca sent la poussière âpre et les feuilles d’arbres moites. La circulation est dense. Deux voitures se tamponnent au feu rouge du croisement de la rue de la Réunion. Eclats de voix, injures. Ils dépassent un groupe d’hommes installés à la minuscule terrasse d’un bistrot. Odeur de tabac, maillot de foot diaprés, short et jambes velues. Ils distinguent derrière le groupe un téléviseur muet nimbant d’une lueur blanchâtre une salle vide. Ils ralentissent encore un peu le pas, il fait tellement chaud.

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Ils bavardent, évoquent ce quartier qui change à chaque promenade. Ils se chahutent «Tu ne sais toujours pas où se situe la place de la Nation ? » S’étonnent de découvrir une nouvelle rue, un raccourci « Et dire que je prends ce chemin pour me rendre au boulot depuis des semaines, alors qu’il est deux fois plus long ! »

hétérotopies

Un parfum de sucre et de gras vient caresser leurs estomacs fatigués. Sur le même trottoir émerge un snack tout en typographies criardes et flammes clignotantes. Dans la vitrine trône trois extraordinaires pots de pâte à tartiner. Derrière ces colosses, un malheureux, visage suant, verse à l’aide d’une louche un liquide blond et velouté sur une plaque fumante. Les immeubles ont la majorité de leurs fenêtres grandes ouvertes. La rue entre dans les logements mal isolés et encombrés – ici un halogène à la lumière bleutée, là un morceau de bibliothèque ou serait-ce plutôt l’ombre d’une armoire ? Plus haut, sur les toits, de la végétation dégouline. Ils aperçoivent des guirlandes lumineuses et devinent les terrasses de quelques privilégiés. De l’air, de l’espace.


#0 - Frontière

Changement de trottoir. Ils atteignent un rectangle blanc et lumineux au rez-de-chaussée d’un immeuble. Une laverie automatique. Une petite femme aux cheveux relevés en un chignon blanc immaculé, les joues cramoisies, passe un coup de serpillère sur le sol carrelé. Les derniers clients de la soirée ont le regard hypnotisé par les tambours des séchoirs tournant à toute vitesse. Une voiture les dépasse, laissant échapper une musique pop collante et sucrée. Le passage Au carrefour de la rue des Pyrénées, il y a un bistrot, le Monte Cristo. Sa baie est complètement ouverte sur la rue. Ils observent une femme replète vêtue d’une robe rose bonbon installée à l’avant d’un comptoir doré. Quelques clients sont attablés par petites grappes, des verres ambrés entamés. Des lumières bleues et fuchsia virevoltent au son d’une musique douce-amère. Un vieux monsieur un peu endimanché chante au milieu d’une piste de danse déserte. Le bistrot est séparé d’une boutique de réparation de téléphone par un passage qui a le nom d’un fleuve russe. Ils entraperçoivent de la lumière au bout. C’est curieux, on ne connait pas ce coin. On y va, on entre, on s’engouffre. L’entresort

Chiche

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Il fait sombre et chaud, ils avancent l’un derrière l’autre en transpirant. Les murs sont recouverts de fresques, des monstres marins aux tentacules interminables. De part et d’autres du passage, des fenêtres munis de barreaux ouvrent les parois. Il y a aussi une porte beaucoup trop basse pour le passage d’un adulte. Le sol pavé est cabossé, des vivaces envahissent les pieds de mur. La traversée dure une quinzaine de secondes. Ils débouchent sur une rue bordée de bâtiments bas en enduit blanc.


Derrière le rideau Un réverbère en fonte éclaire la rue, la lumière fait comme un halo très rond sous la coupole. Une odeur nauséabonde – mélange d’huile de poisson rancie - semble s’en dégager. La toiture en tôle d’un bâtiment luit. Une enseigne rouge se détache d’une façade blanche grâce à un néon turquoise. La lumière grésille et donne à lire une inscription : bar Le Manoir. Ils remarquent deux hommes installés autour d’une table en plastique bon marché. L’un porte un costume noir sur une chemise blanche et une cravate sombre rayée de rouge. Il repose une tasse blanche devant lui. Son visage pâle est imberbe, ses sourcils noirs finement dessinés, ses cheveux coiffés en arrière de manière élégante. Le second lui ressemble trait pour trait, si ce n’est l’allure négligée, le teint violacé et les cheveux courts séparés en deux par une raie graisseuse. Une chaise fait face aux deux hommes. Lourde, sombre, luisante, une corneille y est perchée comme si elle s’apprêtait à leur raconter quelque chose.

"Il y a un chat. Ou plutôt une espèce de diable. Le pelage du fauve est orné de monstrueux signes géométriques." 69

Les deux hommes ont interrompu ce qui semblait être une conversation silencieuse et les dévisagent. La rue des Pyrénées qui derrière eux hurlait est maintenant muette. Ils dépassent le bar et sentent dans leur dos les regards accusateurs de l’inquiétant duo. Il n’y pas un chat.

Ils reviennent sur leurs pas, dépassent la terrasse. Les deux hommes ont disparu, la corneille marmonne. Ils ressortent vite du passage, hilares, penauds, un peu déçus aussi. Au bistrot le Monte Cristo, le vieux monsieur qui chantait a rejoint la femme à la robe rose bonbon au comptoir. Le vacarme a repris. Il fait beaucoup trop chaud pour une nuit d’été. ▙

hétérotopies

Enfin si. Il y a un chat. Ou plutôt une espèce de diable couleur fauve dont le pelage est orné de monstrueux signes géométriques. La bête traine son arrière train péniblement et étudie une flaque sombre le long d’un trottoir. Une rose trémière grimpe miraculeusement contre un mur décrépi. Dans un coin, le sol est recouvert d’un petit tas de cerneaux de noix et d’écorces d’orange. Les fenêtres des immeubles sont closes, les volés fermés. Au fond de la rue ils découvrent l’ouverture d’un tunnel à moitié plongé dans l’obscurité. Le passage de la petite ceinture ? Au centre, deux points jaunes brillent, puis disparaissent, le temps d’un battement de cil.


#0 - Frontière

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linea di confine rayon d'un kilomètre

Chiche

Wehm


linea di confine

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Rayon d'un kilomètre est une série de photographies réalisées en avril 2020 entre Cran-Gevrier et Annecy. Le rayon d'un kilomètre est l'aire de déplacement autorisée autour du domicile par décret durant la crise sanitaire liée à l'épidémie Covid-19, "déplacements brefs liés à l'activité physique individuelle quotidienne".


#0 - Frontière

Drexciya, techno à Détroit au milieu des années 90 76

Le groupe qui interrogeait les frontières, la cartographie, les nouvelles technologies et l’imaginaire

Chiche

Par Mathieu Bonnand


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#0 - Frontière

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Un matin, un député s'est dit qu'il serait temps de changer les choses. Puis il a eu la flemme de partager son idée.

Chiche


frontière 43

par Matonambo

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contribu.trices.teurs

Enfant, Alice retournait le canapé du salon pour servir de tunnel à ses petites voitures, elle réalisait des émissions de radio nocturnes et montait des pièces de théâtre pour sa famille. Aujourd’hui Alice continue de nourrir son imaginaire et sa créativité en composant des collages, en bricolant et en capturant des pépites street-art lors de ses pérégrinations à Strasbourg, Paris ou Montréal. ▙ C’est par des mots inscrits dans un cahier sur un bout de table (bières à 9 degrés) qu’Alyson Onana Zobo donne naissance à Chiche. Elle s’intéresse au matrimoine littéraire, à la lumière du littoral breton et méditerranéen et à la typographie suisse. Une balade un soir de canicule peut se trouver par ses mots métamorphosée un an plus tard. Quand les corneilles n’attaquent pas sa casquette devant le cimetière du Père Lachaise, elle rempote des plantes et lit à voix haute Gertrude Stein (L’été est annulé sur soundcloud). ▛ Entre-deux, c’est comme cela qu’Amel Salmi pourrait se présenter. Entre deux paysages, celui transfrontalier, européen de Strasbourg. Celui méditerranéen, tout en lumière, en hauteur, en points de vue d’Alger. Elle dit qu’elle est habitée par le sentiment de venir d’ailleurs, l’envie d’aller partout et d’être au monde. Amel pense, parle, réfléchit, lit, écoute, aime. Elle écrit parfois des poèmes. Elle dit aussi que son prénom signifie espoir en arabe. Pour nous elle est cet invincible été camusien. ▜ Cecilia Terrone Chang est une architecte et peintre italienne, elle enseigne à l’Ecole des Beaux-arts de Gênes. Elle a un temps élu domicile rue du groupe Manouchian à Paris, pour ensuite vivre à Séville et retourner un peu plus tard à Gênes, sa ville natale. Les dessins proposés pour Chiche sont des croquis exécutés durant ses cours où le corps en mouvement est questionné avec des crayons aquarelle. Cécilia fait aussi de la vidéo et danse le flamenco. ▝ « Voyager en train, très loin ou tout près, observer le paysage, voir l’horizon défiler et prendre son temps. » Chloé Goutille nous a confié un jour qu’elle rêvait de voyages lents et cahotants. Elle a aiguisé son esprit critique et son goût pour l’art pendant ses études à l’école d’architecture Paris-Belleville. En ce moment elle construit des cabanes pour les grands et des maisons pour les petits. Et dans sa folle course quotidienne, elle développe sa pratique de la linogravure - inspirée par l’illustrateur Frans Maaserel et partage à la pause déj' avec ses collègues ses coups de cœur BD. ▟ David Bonnand a toujours une pierre dans sa poche. Briquet archaïque, grigri, ouvre-lettre, ouvrebouteille, souvenir communard ? On ne sait pas trop. Ce que l’on sait en revanche, c’est que David écrit (Le mot couleur, Le sourire, Deux grues un fleuve), lit à voix haute (L’été est annulé sur Soundcloud) et marche, à Ivry, Paris, Rennes et St-Etienne. Il est l’instigateur des bières à 9 degrés de Nantes et la pierre angulaire de Chiche. ◳ Domizia Tosatto aime bien dessiner sur les murs, peindre des chiens et regarder les films d’Apichatpong Weerasethakul. Elle a étudié la gravure et le dessin à l’Académie des Beaux-arts de Brera à Milan et elle est titulaire du Master Bande dessinée de l’Eesi d’Angoulême. C’est depuis la foisonnante St-Etienne qu’elle dessine et écrit des bande-dessinées (domiziatosatto. com), développe des projets singuliers avec la maison d’édition indépendante EINA ! (Le fond du jour) et réalise des vidéos avec le collectif 87 Revanchards. ▣ C’est avec un large sourire et un ravissant cheveu sur la langue que JoB nous a dit « Je ne suis pas sûre de pouvoir prononcer le nom de votre revue ! » Qui se cache derrière ces trois lettres ? Une voyageuse intranquille de la France, du Burkina-Faso, du Ghana, de Paris et de l’Aveyron. Une créatrice talentueuse (Wax Tribulation), une lectrice nocturne et une conteuse captivante. JoB a travaillé un temps comme costumière dans le théâtre, elle est à présent chef d’orchestre dans une agence d’architecture. ▤ Son vrai nom n'est pas Gilbert Koulme. Afin de préserver son anonymat nous cacherons ses autres patronymes. Sachez toutefois que Gilbert Koulme ce peut être votre camarade de classe de l'INFL, votre frère guitariste un tantinet pointilleux, votre ami poète lecteur de Lovecraft, votre


libraire BD attitré. Gilbert Koulme a eu plusieurs vies. Il réside actuellement au nord de la Bretagne où il fait des crêpes et rédige un roman de science-fiction autobiographique. ▥ Vous croiserez peut-être un jour Lilia Salmi dans le quartier fourmillant de Belleville. En train de lire un essai du philosophe Michaël Foessel dans un parc ou de faire de l’escalade sur bloc. Si vous lui demandez aimablement, elle vous donnera la liste des bars qui servent de la Meteor à Paris. Elle en profitera pour vous parler des films de Rohmer, Le genou de Claire ou Les rendez-vous de Paris, ou encore du dernier album de PNL. Lilia anime parfois des rencontres littéraires à la Librairie Kléber à Strasbourg et fait partie du jury du prix livre Inter 2020. ▦ Au début des années 2000, Mathieu Bonnand découvre la pratique de la photographie dans la chambre noire du labo photo de la MJC de Rivede-Gier. Très vite il parcourt la vallée du Gier à la recherche de vues singulières, usines en friches, murs décrépis et inscriptions sur les murs sont alors ces sujets de prédilection. Aujourd'hui, Mathieu vit à la campagne et arpente les chemins du Morvan cherchant toujours à recevoir la lumière sur le réel, cette apparition magique et précieuse. Il anime un podcast radio sur mixcloud sous le nom de BigsurBigsur. ▧ Matonambo aime bien les bandes-dessinées et parler avec les mains. La première fois qu’il lut Le sens de la vie et ses frères d’Eric Veillé, sa vie bascula dans le non-sens et l’irrationnel. Quand il n'apparait pas en lord anglais dans un film de Bollywood, il se brosse les dents après avoir mangé et se munit d'un stylo pour essayer de raconter des choses insolites à travers des vignettes. Il est assez bon au soccer. ▨ On peut voir Maxime Dejob tout en cheveux et jumelles au nez dans le film Moktar et Toulon réalisé et produit par les 87 Revanchards, collectif prolifique dont il est un membre actif. Il vit dans l'étonnante ville de St-Etienne où il écrit et filme des histoires. Il officie également sur Instagram sous le nom de _bubbleghost_ et propose Ricordi, un polar sans rebondissements à l'écriture précise qui va tout droit devant elle. Maxime a ouvert la porte avec enthousiasme à Chiche au mois de mars et nous l'en remercions chaleureusement. ▩ Raphaël Vignerot photographie des visages en ville, des collines en Toscane et la rue de Ménilmontant depuis sa fenêtre. Bitume mouillé est le nom du site sur lequel on peut retrouver ses images. Le jour il est libraire, la nuit il mixe une funk futuriste pour un auditoire trié sur le volet : sa famille. ◲ Elle danse comme Jennifer Beals dans Flashdance et porte parfois des pantalons aussi scintillants que des boules à facette. Sarah Dchicha conçoit des décors et des installations pour des grandes marques et connait le répertoire funk-disco-french-touch sur le bout des doigts. Elle a ressorti depuis peu pinceaux et feutres de ses tiroirs et en a fait profiter Chiche. ◩ Quand elle n'apparait pas en robe de soirée dans un film de Bollywood, Sofia Mellah casque de chantier sur la tête et crayon à la main vit, dessine et danse à Rennes. Elle capture ce qu'elle voit de façon assez brute, le nez en l'air ou au contraire les yeux par terre pour s'en inspirer dans son travail d'architecte. La couleur est pour elle un besoin vital - elle est née à Avignon - ce qui ne l'empêche pas de plonger dans les eaux glacées de la Manche côté Bretagne nord tous les premiers janvier. ◨ Wehm est un scientifique professionnel et un photographe amateur. Il étudie les ondes gravitationnelles et saisit en noir et blanc des bouts de sa ville située près d'une frontière entre montagnes et lac. Vous le reconnaîtrez facilement, il porte souvent une casquette et des lunettes noires. ◧ Merci à toi Magali Giraud pour l’échange téléphonique riche et passionnant autour de Linea di confine, le travail de la Datar et les lectures associées !


Coordination éditoriale : Alyson Onana Zobo et David Bonnand Conception graphique : Alyson Onana Zobo Relecture : Benjamin Dejob, David Bonnand , Matonambo, Maxime Dejob, Sofia Mellah. Mail : chicheestunerevue@gmail.com Instagram : chiche_est_une_revue

Images : couverture, enclos de Mathieu Bonnand / page de droite poème de l'entresort de David Bonnand

Prochain numéro, hiver 2020



Chiche est une revue, un objet poétique, un lieu d’échanges, de création et d’expérimentations narratives

Juin 2020


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