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Poursuivre les soins du patient après sa mort : la mission de l’agent de la chambre mortuaire
Au sein de chaque établissement de santé, la chambre mortuaire est un service à part entière mais son activité est souvent méconnue. Pourtant les chambres mortuaires reçoivent tous les patients décédés à l’hôpital (1 886 en 2019 sur nos 3 hôpitaux) ; représentant ainsi l’un des principaux lieux d’accueil de la mort en France. À la frontière du monde médical et du monde funéraire s’y déploient des hommes et des femmes qui poursuivent les soins du patient et accompagnent la famille.
La profession d’agent de la chambre mortuaire est, aux yeux de beaucoup, un métier qui effraie et fascine. Ouverte aux familles 7 jours sur 7, de 8h à 19h la chambre mortuaire de l’hôpital de Montfermeil est composée de 4 agents. Chrystel Laidouni, responsable et Jérémy A., agent ont accepté de présenter leur métier peu commun. Dans la conscience collective, être un agent de la chambre mortuaire c’est n’être au contact que de patients décédés, qu’en est-il réellement ? Je vais vous surprendre mais le métier est attachant. Prendre soin du patient décédé c’est prendre en charge la deuxième partie de sa vie. Cette dernière étape est importante pour la famille et le défunt. Ce que ne comprennent pas toujours les services de soins. Le respect des délais, la qualité des informations qu’ils nous transmettent impactent la qualité de prise en charge du patient. Nous accueillons des familles dans la tristesse, parfois en colère qui ont besoin d’être accompagnées, guidées, écoutées même. Une partie de notre métier consiste à expliquer les démarches administratives (déclaration, délais et tarifs d’hospitalisation), accompagner la famille dans tous les aspects de la vie impactés par le décès. Nous sommes ainsi vigilants à l’évolution de la législation. Parallèlement, la famille a des attentes avec des rites différents selon sa religion. Avec les années, nous avons une bonne connaissance du cérémonial. C’est même une véritable valeur ajoutée de notre service. « La diversité des religions est un enrichissement pour nous », insiste Jérémy. Quel est le rôle de l’agent de la chambre mortuaire? À Montfermeil, je souhaite que toute l’équipe soit polyvalente. Renseigner les familles, préparer le patient jusqu’à la levée du corps, toutes les étapes doivent être maitrisées par les agents, affirme Mme Laidouni. On vous parlait de soins du patient tout à l’heure. Je m’explique. Souvent le corps nous arrive abîmé par la maladie, les traitements, la douleur. Nous apportons une attention toute particulière à présenter aux familles, un corps restauré comme une mandibule reconstituée, des lésions fermées. Nous savons changer un pansement, retirer une poche, recoudre une plaie.. Formés aux techniques de maquillage, nous nous engageons à présenter un défunt avec un visage apaisé. C’est primordial, pour la dernière rencontre entre la famille et son défunt. En dehors de préparer les corps et d’accueillir les familles, l’agent de la chambre mortuaire coordonne les interventions. Nous sommes fréquemment amenés à jouer un rôle « tampon » entre les uns et les autres, à intervenir pour désamorcer des situations de crise (quand il faut retarder une levée de corps du fait du retard d’un membre de la famille par exemple). À chaque fois, il faut s’adapter rapidement, rester pleinement disponible, que ce soit pour régler les problèmes pratiques posés par des levées de corps concomitantes ou pour accueillir un rituel religieux. Que vous apporte ce métier ? De la fierté, cela fait 21 ans que je travaille à la chambre mortuaire de Montfermeil. Je m’intéresse à la question de la mort au sein de la société. On peut s’interroger sur la qualité de prise en charge lorsque l’on considère que le nombre de morts est amené à augmenter de façon conséquente. La chambre mortuaire est au milieu du système. D’une part, se préoccuper de la fin de vie, d’autre part, organiser la gestion du devenir des corps. Et la crise sanitaire n’a fait qu’accentuer l’importance du rôle des agents de la chambre mortuaire. Pour autant, notre métier n’est souvent pas pris en considération. Pour apporter un éclairage plus juste sur les missions des agents de la chambre mortuaire, j’anime un module de formation pour les soignants « prise en charge des personnes décédées et leur famille ». En deuxième partie de journée, je propose, à ceux qui le souhaitent, de visiter la chambre mortuaire et d’assister à une toilette. À l’issue de cette formation, le regard et les comportements changent.
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