Catalogue Retenue - Benoît Géhanne

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Barrage

L’Aigle Site de production, salle des turbines L’Aigle Site de production, salle des turbines L’Aigle Reconstitution d’un baraquement ouvrier Bort-les-Orgues Site de production, salle d’exposition Bort-les-Orgues Site de production, salle d’exposition Bort-les-Orgues Site de production, salle d’exposition Bort-les-Orgues Site de production, salle d’exposition Bort-les-Orgues Site de production, salle d’exposition Chastang Site de production, salle des turbines Chastang Site de production, salle des turbines

Retenue, 2018 Retenue, 2018 Circuit, 2018 Examen, Retenue & Flèche, 2018 Examen, Retenue & Flèche, 2018 Flèche, barrage #01, 2017 Examen #03, 2018 Examen #04, 2018 Projection, 2018 Projection, 2018



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Tom Laurent

D’un cadre l’autre Je ne pense pas qu’en arpentant pour la première fois les barrages de Bort-les-Orgues, du Chastang et de l’Aigle sur la Dordogne, Benoît Géhanne avait une idée précise de ce qu’il allait y faire. Sans doute ce premier contact s’est-il prosaïquement opéré à travers l’écran d’un ordinateur, en faisant défiler photographies, informations techniques et rappels historiques quant à ces trois sites, étendant leur appréhension à d’autres réalisations du génie civil, soit une somme de données différant de celles offertes par une visite sur place. Ce qui me paraît évident, c’est qu’il a cherché un écho à sa propre pratique dans ces ouvrages, leur fonction et leur inscription dans l’environnement. Et plus encore, qu’il a vu dans cette expérience – celle d’exposer son travail dans ces sites industriels en activité – une opportunité d’explorer plus avant la relation entre objet technique, trouvant sa raison dans sa fonction, et son propre travail. Discutant de la place de ces barrages dans le territoire, Benoît Géhanne m’en a décrit l’aspect autoritaire, artificiel, comme relevant d’« un geste qui barre le paysage ». Et de fait, produisant fortuitement du cadre. Morcelant un continuum, l’édifice de béton s’adjoint paradoxalement ce qui vient l’« encadrer » – les flancs des montagnes – tout comme il instaure une différenciation très concrète entre l’amont et l’aval pour le cours d’eau. Dans sa série des Reculs, entamée en 2015, avant sa venue sur site, la surface en aluminium du support est ponctuée de fragments peints, s’enchevêtrant l’un et les autres en autant de plans qu’il faut pour induire une profondeur. Miroir contrarié où se reflète l’espace d’exposition et trouées pour le regard se heurtant vite à des pans de peinture, la virtualité d’une troisième dimension y est comme « rabattue » dans une perception frontale, et inversement. D’un cadre l’autre. Au Chastang, l’observation d’un plan technique affiché dans la vaste salle des alternateurs – une « coupe verticale par l’axe d’une prise d’eau » – projette cet immense espace dans une toute autre dimension, en démultipliant les échelles et l’inscrivant dans une suite de relations mécaniques. S’ils n’ont pas vocation à décrire ces sites, les Retenues en conservent des vues fragmentaires, accentuent la logique de flux guidant le regard de proche en proche et l’idée que le mode de distribution des motifs sur le support reste tangible. Comme un plan, les Retenues offrent un mode d’emploi visuel, mais pour elles-mêmes, encore une fois


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Tom Laurent

« rabattu » sur la compréhension de l’espace qu’elles ouvrent, et pour la déambulation mentale qu’elles initient. Certes, les papiers imprimés, découpés et dépliés des Examens revisitent les maquettes servant à simuler l’influence de l’eau lors de la construction des barrages, les Projections peintes à même la paroi intérieure du site du Chastang trouvent une parenté avec la forme de la poussée d’eau sur la courbe de leur crête, l’aluminium peint des Retenues dialogue avec le métal d’une plaque commémorant la résistance aux nazis des constructeurs de celui de l’Aigle… Mais chez Benoît Géhanne, l’analogie formelle liant ses productions et les objets techniques n’est pas le signe d’une volonté de traduire une beauté industrielle décelée sur place. Elle dérive plutôt de son attention aux allers-retours entre sa venue sur les différents sites et son travail en atelier, aux déplacements et aux relations entre la logique fonctionnelle et celle d’une œuvre. Elle institue un regard dynamique, où ces deux logiques se prolongent et trouvent leur échappée l’une en l’autre. « La voilure d’un navire n’est pas belle lorsqu’elle est en panne, mais lorsque le vent la gonfle et incline la mâture tout entière, emportant le navire sur la mer ». Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques (1958)


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Émilie Houssa

Keep the space empty I have often noticed that it is when I am confronted with a lot of matter that I feel the vacuum. Have you ever come across tracks left by a giant and felt vertigo in front of them? Personally I have. I can suddenly have an overwhelming fear of heights in front of a huge construction, as if it could swallow me up. I stand there gazing at something so big that it denies me. Think about the ruins of cities or villages gobbled up by water, the staircases of royal palaces, the concrete pillars in skyscrapers or airports or the walls of hydraulic dams. These walls stand like giants and the distress comes from all that their surface must hide. All I see when I look at these walls is the immensity of what has had to be destroyed in order to be built. These giants are monsters. They have ripped up woods, eaten up villages and valleys, why would they stop with me? How can I win against them? They are way over my head and way over the space. My only chance is perhaps to think about the space. How is the space disturbed ? How disturbed is the vacuum? The overflow? The immensity? The details? How can the space be kept empty? Keeping the space empty and showing what is outside the frame: two ideas which are the beggining of Benoît Géhanne’s work Retenue. Retenue can be described as a documented point of view on three hydraulic French dams: Bort-les Orgues’, L’Aigle’s and Chastang’s dams. Benoît Géhanne documented these dams through drawings and photographs. Whilst creating this documentation, he looked for ellipses. He collected gestures, colors, sounds and lines. All these details fractured the giant dams in front of him. They became raw materials to cut, to stick, to move around. He never shows us the full dam. It is useless. The idea is not to simply display the construction to us, but to translate the violence of the impact this construction has on us. Benoît Géhanne chose to present his work inside the dams, trying to give space to details and cracks, playing with the possibility of rhythm in the overflow. So here we are, in the middle of scattered signs hidden between walls, machines, steel, deaf or piercing sounds, saving gestures, rumbling concrete, crushing spaces. The signs become neither a partition nor an alphabet. They are tools that whisper a small path in this concrete maze. How can walking be described through images? Let’s say we


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Émilie Houssa

follow a line. This line is built as a collection of memories, like the act of breathing: it shows through little twitches. Something appears and disappears, swallowed by the overflow. The rythmic beats break the huge construction step by step. In some places we can see, painted on the concrete, some colored portions of circles. Here we have, on aluminium sheets, some metal shapes where it’s possible to distinguish machines or views of the dam. In other places we can find drawings which look like photographs and that show some details of the dams’ landscapes. With this work, the dam’s space becomes more and more understandable. The line becomes a narrative: it tells us the story of what we can see. Then the white of the sheet represents the space that makes vision possible. In her book, Passages in Modern Sculpture, Rosalind Krauss takes two examples: Richard Serra and Donald Judd. These two artists claim the necessity to set up one thing after the next as the possiblity to give to the sculpture its real modernity. For exemple, Donald Judd decided to stack red blocks with an identical interval to the block thickness. Richard Serra, for his part, threw lead lines on the ground. The idea here is not to carve a mass in a space anymore but to confront the mass with the space and to capture the resulting vibrations. Also inside and outside are combined. The piece’s surface becomes the most important part of the work and the emptiness becomes heavy and visible. The space creates the visible limits. It has always been like that, but with modern sculpture it is the foundation of the artistic action. The vertigo I feel in front of hydraulic dams comes from what I don’t see. I am afraid of buried civilisations: Everything that I am looking at leads me to imagine all that is outside the frame. It could have been the actions of giants or people like you and me, but something seems to roar and bellow. In front of the huge dams, Benoît Géhanne doesn’t offer to try and understand but to walk through it. By doing so, he gives time to the space. This time cuts the mass and brings back the space to its material state. As for Serra or Judd’s pieces, Benoît Géhanne’s work sets up one thing after another: a color, a sound, a shape, a line. It gives us the liberty to get lost. Nothing is imposed on us anymore, neither the mass nor the fear. Only the vacuum remains.


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Biographie

Né en 1973, Benoît Géhanne vit à Saint-Denis et travaille à Pantin. Il est diplômé de L’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art et de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Il est enseignant à l’atelier Prep’art, à Paris. En 2013, il est lauréat du prix international de peinture « Novembre à Vitry ». Son travail a été présenté dans des expositions personnelles au Centre d’Art Camille Lambert à Juvisy-sur-Orge, à la Progress Gallery, la galerie Djeziri-Bonn, la galerie du Haut-pavé, à la Générale en manufacture, dans le cadre du programme de la Borne de POCTB à Mont-Louis sur Loire et de la résidence « art et logement social » de la mairie de Paris. Il a participé à des expositions collectives au centre d’art APDV à Paris, au CAC de Meymac, à la Jeune Création au 104, aux Salaisons, au 6b et à Berlin à la Crystal Ball Gallery et au Kulturpalatz Wedding International. Il a effectué une première résidence à Chamalot-Résidence d’artistes en 2011, puis une seconde en plusieurs séjours répartis entre 2016 et 2018. Benoît Géhanne est également membre co-fondateur du collectif de commissariat d’exposition kurt-forever. www.benoitgehanne.net



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Circuit


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Circuit


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Circuit


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Circuit



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Circuit


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Circuit

Circuit #03, 2016 Circuit #02, 2016 Circuit #10, 2018 Circuit #06, 2016 Circuit #01, 2016 Circuit #08, 2017 Circuit #05, 2016 Circuit #04, 2016 Circuit #09, 2018 Circuit #09, 2018 Circuit #07, 2017

50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g Détail 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite sur papier fabriano 300 g


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Recul


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Recul

Recul #15, 2017

100 × 80 cm, huile sur aluminium


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Retenue


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Retenue

Retenue #03, 2017 144 × 120 cm, huile sur aluminium Retenue #01, 2017 144 × 120 cm, huile sur aluminium Retenue #04, 2017 144 × 120 cm, huile sur aluminium Vendange tardive, 2017 Exposition de Chamalot-Résidence d’artistes au CAC de Meymac Retenue #05, 2017 100 × 80 cm, huile sur aluminium Retenue #06, 2017 100 × 80 cm, huile sur aluminium Retenue #05, 2017 Détail Retenue #02, 2017 100 × 80 cm, huile sur aluminium Retenue #07, 2017 100 × 80 cm, huile sur aluminium Vendange tardive, 2017 Exposition de Chamalot-Résidence d’artistes au CAC de Meymac Retenue #09, 2018 100 × 80 cm, huile sur aluminium Retenue #08, 2018 100 × 80 cm, huile sur aluminium Retenue #08, 2018 Détail Retenue #10, 2018 100 × 80 cm, huile sur aluminium


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Réserve

Réserve #01, 2016 Réserve #03, 2016 Réserve #05, 2017 Réserve #02, 2016 Réserve #04, 2017 Réserve #06, 2017 Réserve #06, 2017

50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g 50 × 70 cm, graphite et spray sur papier fabriano 300 g Détail


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Flèche


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Flèche


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Flèche


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Flèche

Flèche, barrage #02, 2017 140 × 54 × 110 cm, CP et peinture acrylique Flèche, barrage #02, 2017 140 × 54 × 110 cm, CP et peinture acrylique Flèche, barrage #03, 2017 88 × 240 × 33 cm, CP, sapin et acrylique


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Colophon

Le catalogue Retenue est produit par Chamalot-Résidence d’artistes en partenariat avec EDF, il a reçut le soutient de l’Atelier Prép’art et de la galerie Épisodique. Édité dans le cadre d’une résidence effectuée entre 2016 et 2018 à Chamalot-Résidence d’artistes, le catalogue retrace le projet éponyme réalisé autour des barrages hydroélectriques de Bort-les-Orgues, de l’Aigle et du Chastang situés sur la Dordogne, en Corrèze. Retenue, c’est un ensemble de tableaux, dessins, volumes, ainsi qu’une exposition déployée sur les sites des trois barrages au cours de l’été 2018.

Remerciements : Jérôme Cremoux, Daniel François et Yannick Chabin, respectivement chefs de groupement d’usines des barrages de Bort-les-Orgues, de l’Aigle et du Chastang. Vincent Marmonier, directeur du GEH et Céline Dusservais, chargée de communication. Christine et Philippe Pée de l’association Chamalot-Résidence d’artistes. Jacques Frézal. Camille Gallet, Emilie Houssa, Tom Laurent.

Édition : Chamalot-Résidence d’artistes 19300 Moustier-Ventadour Président, Stéphane Muracciole www.chamalot-residart.fr Directeur de publication : Benoît Géhanne Textes : Tom Laurent Émilie Houssa Photographies : Benoît Géhanne Aurélien Mole (pages 38-39) Design graphique : Atelier trois Impression : Pbtisk, République Tchèque Décembre 2018 Isbn : 978-2-917684-16-0 Prix de vente : 10 €




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