Mémoire, Le jardinage partagé : pratiques, perceptions, transformations, E.Basset

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LE JARDINAGE PARTAGE : PRATIQUES, PERCEPTIONS ET TRANSFORMATIONS ENQUETE ETHNOGRAPHIQUE, VILLE DE MONTPELLIER

RAPPORT D’ENQUETE Juin-Juillet 2013 Stage Surfood

Eléonore BASSET Licence 3 Géographie et Aménagement du Territoire Université Jean Moulin – Lyon III

Organisme d’accueil : UMR Art’Dev, Cirad Montpellier Tuteurs de stage : Emmanuelle CHEYNS, chercheur en sciences sociales, UMR Moisa, Cirad Max ROUSSEAU, chercheur en sciences politiques, UMR Art’Dev, Cirad Pascale SCHEROMM, chercheur en géographie, UMR Innovation, Inra


Je remercie mes tuteurs, Max, Emmanuelle et Pascale, ainsi que Romain Fèche pour ses précisions sur la Food Justice. Je tiens également à remercier chaleureusement tous les jardiniers et membres d’associations que j’ai pu rencontrer et interroger sur les jardins pendant ces deux mois d’investigation.

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Sommaire Introduction ............................................................................................................................................................. 4 Propos liminaires..................................................................................................................................................... 5 1.

2.

3.

Situation géographique et zone d’étude ................................................................................................. 9 1.1.

Le jardinage collectif à Montpellier .............................................................................................. 9

1.2.

Les jardins familiaux................................................................................................................... 10

1.3.

Les jardins partagés..................................................................................................................... 11

Méthode de recherche .......................................................................................................................... 12 2.1.

Choix de l’enquête ...................................................................................................................... 12

2.2.

Echantillonnage .......................................................................................................................... 12

2.3.

Entretiens et choix des traitements .............................................................................................. 13

Les jardins partagés montpelliérains : pratiques, perceptions et transformations ................................ 14 3.1.

Le jardinage partagé : quelle pratique de l’agriculture urbaine ? ................................................ 14

3.1.1. 3.1.1.1.

Origines socioprofessionnelles des jardiniers ................................................................ 14

3.1.1.2.

A la recherche d’une reconnexion à l’agriculture ? ....................................................... 14

3.1.2.

Le jardin comme espace politique ...................................................................................... 16

3.1.2.1.

Jardins partagés et initiatives citoyennes ....................................................................... 16

3.1.2.2.

Organisation démocratique et spatiale : un difficile consensus ..................................... 18

3.1.3.

3.2.

L’engagement citadin ......................................................................................................... 14

La place de l’alimentation pour le jardinier : une fonction vivrière mise de côté ? ........... 20

3.1.3.1.

Quelle production potagère ? ......................................................................................... 20

3.1.3.2.

Influences du jardin sur les pratiques alimentaires ........................................................ 22

Une pratique [trans]formatrice pour le jardinier ? ...................................................................... 24

3.2.1.

Le jardin partagé : un lieu d’expériences et d’éveil pour le citadin .................................... 24

3.2.1.1.

Pédagogie et jardinage ................................................................................................... 24

3.2.1.2.

Le « potager laboratoire » .............................................................................................. 25

3.2.2.

Le jardinage comme créateur de « bien être » urbain ? ...................................................... 27

3.2.2.1.

Une action embellisseuse de l’espace ............................................................................ 27

3.2.2.2.

Qualité de vie et vivre ensemble .................................................................................... 28

3.2.3.

Le jardinier, un acteur solidaire ? ....................................................................................... 29

3.2.3.1.

La rencontre fédératrice ................................................................................................. 29

3.2.3.2.

L’échange (étude de cas du jardin Clémenceau) ........................................................... 30

Conclusion ............................................................................................................................................................ 32 Bibliographie ......................................................................................................................................................... 33 Table des Illustrations & des Figures .................................................................................................................... 36 Annexes................................................................................................................................................................. 37

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Introduction

Cette enquête a pour objectif premier d’analyser comment les citadins se mobilisent autour de pratiques agricoles au sein des circuits de jardinage collectifs urbains. Dans un second temps, il s’agira d’évaluer l’apport de cette pratique pour le jardinier. Cette recherche sera menée au travers de l’étude des jardins partagés de la ville de Montpellier. On suppose que les jardins partagés sont des lieux de reconnexion du citadin à l’agriculture, ainsi que des espaces d’interactions sociales fortes. On se propose alors d’étudier les points de contact existants entre les jardiniers eux-mêmes, mais également entre jardinier et nature, et d’analyser comment l’engagement dans le jardinage partagé montpelliérains transforme l’individu dans son rapport à l’autre, à l’alimentation et à l’environnement naturel et urbain. Cette étude s’inscrit au sein du programme de recherche Surfood, monté par la chaire Unesco Alimentations du Monde et la Fondation Agropolis, qui a pour but d’étudier les systèmes alimentaires urbains durables.

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Propos liminaires L’enjeu que représentent l’alimentation et la santé des citadins, toujours plus nombreux (52% de la population mondiale vit en ville depuis 2011)1, est à associer à la relocalisation des systèmes de production agricole et des systèmes d’approvisionnement alimentaire. Aujourd’hui, « le phénomène global et mondial d’urbanisation s’accompagne d’un intérêt accru des planificateurs urbains , mais aussi des chercheurs pour intégrer l’agriculture de proximité des villes d ans l’aménagement du territoire des régions urbaines un peu partout dans le monde » (Aubry, Chiffoleau, 2009). Ainsi pour la ville de demain, la production d’une alimentation saine et variée s’envisage à une échelle locale. Effectivement, dans et autour des villes, différents modèles d’agriculture coexistent (Soulard, Margetic, Valette, 2011), et l’agriculture urbaine « est considérée comme l’agriculture localisée dans la ville et à sa périphérie et dont les produits sont destinés à la ville » (M’Baye et Moustier, 1999). Cette agriculture urbaine pourrait ainsi se concevoir comme une réponse au besoin de relocalisation et d’amélioration de la production alimentaire. L’alimentation durable d’aujourd’hui se pense donc en termes de proximité, mais aussi de diversité. Toutefois, il est vrai que l’enjeu de la diversité alimentaire pose la question de savoir jusqu’où, et en quelle quantité, la ville est capable de produire pour elle même. Seuls le maraîchage, la fruiticulture et certains petits élevages (lapins, volailles…) sont réalisés en ville aujourd’hui. D’autre part, l’appréhension d’une alimentation durable revêt également un caractère fortement social au travers des concepts de solidarité, d’accessibilité ou encore de sécurité alimentaire, et divers mouvements ou initiatives existent pour pallier les inégalités alimentaires. Le mouvement de la Food Justice, né dans les années 1990 aux États-Unis, en est un exemple. Il a émergé de revendications émises par les minorités ethniques face aux insuffisances du système alimentaire conventionnel américain qui serait, selon les activistes du mouvement, empreint d'un racisme institutionnalisé. Celles-ci s'exprimeraient notamment au niveau de l'accès physique à des produits alimentaires jugés qualitativement sains et économiquement abordables en milieu urbain, rendu difficile par l'absence de supermarchés. Un autre exemple évocateur est celui de la différenciation réalisée entre agriculteurs blancs et agriculteurs noirs, notamment en termes de subventions. En réponse à ces injustices, le mouvement mobilise lui-aussi un discours teinté par la promotion de la relocalisation de la production et de l'alimentation, notamment par le biais de soutiens mutuels entre producteurs et consommateurs appartenant à un même groupe ethnique (marchés de producteurs noirs par exemple, cultivant des denrées particulièrement utilisées dans la cuisine afro américaine...), ou encore en promouvant l'empowerment (autonomisation et responsabilisation) des minorités ethniques, et de leur membres, à travers la pratique de l'agriculture urbaine (d'après Alkon, 2009 ; Alkon et Mares, 2012 ; Alkon et Agyemann, 2011).

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www.banquemondiale.org

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Dans ce contexte, l’agriculture urbaine a donc été envisagée comme une réponse aux ségrégations spatiales et sociales liées à l’alimentation. Les Community gardens, ou « jardins communautaires », nées dans les années 1970 aux Etats-Unis s’inscrivent dans cette intention de promouvoir un meilleur accès à l’alimentation. Mais la production vivrière n’a pas été la seule source de leur émergence. Ces derniers sont issus d’initiatives privées visant à revaloriser des espaces urbains vacants, livrés au vandalisme et aux trafics en tous genres, afin d’en faire des espaces verts incluant des carrés potagers, des espaces de jeux… (Francis et al., 1984 ; Schmelzkopf, 1995)2. Ces jardins sont gérés par un groupe de citoyens (Cosgrove, 1998). En effet, pour F. Paddeu (2012), un jardin communautaire est « géré collectivement par ses membres . Ces parcelles aménagées en jardins d 'agrément ou en jardins potagers sont le résultat d 'une appropriation spontanée de parcelles urbaines inusitées par des citoyens . Les jardins communautaires ont été le signe d’un réinvestissement d’espaces publics délaissés , non pas par des acteurs privés, mais par des communautés d’habitants qui ont créé un nouveau mode de propriété publique ». Avant d’être des lieux de production alimentaire, ces terrains apparaissent, d’une part, comme des outils de régulation sociale dans les quartiers défavorisés, faisant intervenir des dynamiques de solidarité, de convivialité, et de resserrement du tissu social (Boulianne, 2001). Pour M. Boulianne, il est possible d’affirmer que « les jardins communautaires, qui favorisent la mixité des situations socio-économiques, des origines ethniques et des savoirs, sont le lieu d’échanges multiples, de dons et de contre-dons ». Notons d’autre part que ces derniers agissent pour la restructuration physique de l’urbain (Saldivar-Tanaka and Krasny, 2004), en se positionnant alors comme des embellisseurs de l’espace. De la même manière, les jardins à Toronto sont initiateurs d’une transformation de l’espace urbain, ainsi que d’une mise en relation des individus et des associations, créant un pluralisme social et culturel dans la ville (Baker, 2004).

Les jardins que nous retrouvons aujourd’hui dans les espaces urbains français sont les « jardins collectifs ». Notons que cette appellation rassemble deux types de jardins : les « jardins partagés » et les « jardins familiaux ». Les jardins familiaux sont les nouveaux jardins ouvriers français du XIXème siècle, qui avaient été mis en place après la révolution industrielle et l’exode rurale, dans le but d’offrir aux ouvriers une activité saine et une réduction de leurs dépenses alimentaires (Scheromm, 2011). L’appellation « jardins ouvriers » disparait en 1952 pour laisser place au terme de « jardins familiaux »3. Ces derniers sont composés de lopins individualisés loués annuellement à une entreprise ou à la municipalité par les citadins qui le demandent. Les jardins partagés, quant à eux, sont les héritiers directs des Community gardens américains4. Ils sont apparus progressivement dans les années 1990 en France sous 2

in Laura Saldivar-Tanaka, Marianne E. Krasny, 2004 D’après la Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs - www.jardins-familiaux.asso.fr 4 D’après le réseau du Jardin dans tous ses états - www.jardins-partages.org 3

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l’impulsion d’initiatives privées ayant pour mission d’associer « lien social » et « autosuffisance alimentaire ». Ces derniers comprennent une parcelle unique qui est exploitée de façon partagée, en collectif : « un jardin partagé est un jardin conçu, construit et cultivé collectivement par les habitants d’un quartier ou d’un village » (d’après le réseau national du Jardin dans tous ses états)5. Toujours selon ce même réseau, les jardins collectifs font intervenir des valeurs de solidarité, de convivialité et de partage entre les générations et les cultures ; ils auraient alors une « mission sociale explicite » (Boulianne, 2001). Ils sont, la plupart du temps, gérés par une association. Ces derniers visent également à embellir les friches et les espaces vacants en ville par une mise en valeur de la nature urbaine. Ils participeraient à la création de lieux à « vocation écologique et sociale » (Pashchenko, 2011). Ainsi, quelques soit son type, le jardin trouve son sens au croisement de perspectives sociales, environnementales et économiques6, et les individus investis dans ces groupements ont un rapport direct à la terre. Comprendre comment l’activité de jardinage interpelle l’individu sur des questions de durabilité nous intéresse ici, puisque le jardinier est inséré dans une relation de voisinage à la nature et à l’alimentation. On suppose que cette proximité du jardinier avec la nature est une composante à part entière de son engagement puisque ce dernier agit sur elle et la domestique.

Il s’avère que les interactions entre les humains et les espaces naturels ou agricoles revêtent des formes plurales et complexes, parfois encore peu étudiées. En effet, alors que la question qui prévaut aujourd’hui dans la gestion des territoires et l’aménagement des sociétés n’est autre que celle de la mise en place d’une bonne cohabitation entre besoins anthropiques et exigences environnementales faisant se réconcilier urbanisme et développement durable, la question de la perception de la nature ou de l’agriculture urbaine dans la vie ou l’esprit des citadins est rarement traitée, et peu de travaux s’intéressent à cette reconnexion du citadin à l’agriculture (Scheromm, 2013)7. Effectivement des préoccupations politiques insistent sur « l’image verte » des villes, affichant des considérations écologiques comme moteur électoral ou marketing territorial. Mais le fait de concevoir le citadin autrement que comme un maillon de la dynamique urbaine, profitant des aménités vertes et consommateur de nature, est peu présent dans les politiques de la ville. Pourtant, les liens entre la ville, la nature et l’individu n’ont jamais été aussi forts et l’agriculture urbaine prends la main sur les modes d’habiter on l’a vu. Des initiatives naissantes depuis quelques années, réconcilient donc l’individu et son espace de vie grâce à la nature. Il nous est alors possible de penser que les jardins partagés s’inscrivent dans cette dimension. On se propose donc de baser notre analyse sur ces espaces urbains de culture. ***

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www.jardins-partages.org Economiques au sens d’une production de denrées alimentaires 7 www.metropolitiques.eu 6

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Dès lors des questionnements se posent à nous. Quels enjeux urbains et alimentaires gravitent autour de ces jardins partagés ? Quelles dynamiques sont créées grâce à ces pratiques « agricoles », s’il nous est possible de les qualifier comme telles ? Comment un jardinier appréhende-il et vit-il la nature et l’agriculture urbaine ? En quoi pourrait-il se saisir de questions relatives à l’alimentation urbaine ? Quelle est la place de la solidarité et du lien social dans ces espaces de culture ? Comment les « citadins-jardiniers » entrent en contact les uns avec les autres, et en quoi cette pratique est transformatrice pour eux ? Quel apport confère la pratique du jardinage au citadin ? Nous poserons cette question pour examiner le sujet :

En quoi la pratique de l’agriculture urbaine transforme le citadin dans son rapport à la nature et à autrui ?

On fait alors l’hypothèse que des dynamiques de solidarité et de « vivre ensemble » naissent grâce à cette pratique commune de la nature et de l’agriculture, et que le jardin est (et est perçu comme) un outil de régulation sociale dans les quartiers, grâce à son caractère restructurant de l’espace urbain et son organisation démocratique. De la même manière, en plus d’être un vecteur de lien social, on suppose que le jardin produit chez le « citadinjardinier » une transformation liée à son rapport à la nature d’une part, qui se manifeste par une sorte de « naturalisation » progressive de sa vie8, et vis-à-vis d’autrui d’autre part, qui se manifeste par un développement de l’altruisme9 chez ce dernier. On imagine également que le jardinier n’appréhende plus seulement la production alimentaire urbaine comme une agriculture de subsistance, mais aussi dans une dimension thérapeutique, et que naissent progressivement des préoccupations diététiques plus poussées dans son régime alimentaire.

Après avoir situé notre cadre d’étude et exposé brièvement nos choix méthodologiques, il nous sera possible de dresser l’analyse des résultats de l’enquête sur les jardins partagés Montpelliérains. Nous tenterons également d’établir de brèves comparaisons entre les initiatives montpelliéraines connues et les cas des jardins communautaires nord américains étudiés dans la littérature.

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Développement d’autres pratiques en lien avec la nature parallèlement à son activité de jardinage, respect plus poussé du monde végétal, apprentissage de la botanique… 9 Ce terme est entendu ici dans le sens d’un rapprochement de l’individu avec les autres, d’un développement de son empathie ou de son esprit du partage

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1.

Situation géographique et zone d’étude 1.1.

Le jardinage collectif à Montpellier

Il nous est possible de situer notre cadre d’étude grâce aux travaux de recherche de Pascale Scheromm10 (2011) qui a étudié l’agriculture dans la ville de Montpellier. Ses travaux ont notamment servi à recenser et cartographier les zones urbaines en culture. Une partie du travail est consacré aux jardins urbains (cartographie, typologie, analyse des pratiques…). Ainsi, nous disposons d’une carte de localisation et de répartition des jardins partagés et familiaux de la ville (Cf. Figure n°1)11, et d’une typologie différenciant les jardins familiaux des jardins partagés. Ces derniers sont classés selon leur appartenance à la municipalité, à une association, à un établissement d’enseignement supérieur ou à des particuliers. Les jardins familiaux quant à eux dépendent de la mairie, mais peuvent également appartenir à une entreprise, une association ou des particuliers.

Figure n°1 : Les jardins collectifs à Montpellier

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Scheromm Pascale, 2011, « L’agriculture dans la ville de Montpellier : espaces et pratiques », Mémoire de recherche, Projet ANR DAUME 11 Publiée dans « Les jardins collectifs, entre nature et agriculture » (P. Scheromm 2013) www.metropolitiques.eu

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Ces recensements ont montré que la ville de Montpellier compte 11 hectares de jardins, sur une surface totale en agriculture urbaine de 435 hectares. Ces derniers sont donc largement minoritaires dans le paysage agricole montpelliérain, mais selon P. Scheromm (2011) « ils sont pourtant l’objet d’un véritable renouveau dans leurs formes et dans les pratiques des citadins qui les cultivent ». Il est cependant nécessaire ici de distinguer les jardins familiaux des jardins partagés. Ces espaces présentent des caractéristiques relativement différentes sur le plan de leur organisation, de leur production, des engagements citadins…

1.2.

Les jardins familiaux

Il existe huit jardins familiaux à Montpellier, localisés en bordure périphérique de la ville. Il a été décidé de ne pas établir l’analyse sur ces derniers car la plupart d’entre eux sont issus d’initiatives municipales ; de fait, envisager l’engagement citoyen dans ces espaces de culture, aurait pu être fait uniquement au travers du contrat de location passé entre les jardiniers et la mairie. En outre, le jardin familial est nettement moins porteur de lien social que le jardin partagé, dans le sens où l’espace de culture est individualisé et grillagé ; on suppose que les interactions humaines se trouvent, de fait, amoindries.

Illustration n° 1 : Les jardins familiaux, une gestion municipale

Un jardinier interrogé (Jardin du Rieucoulon) reconnait qu’il existe « peu de contact entre les jardiniers ». Il est vrai que les questions de la place de la production agricole et de l’autonomisation alimentaire auraient pu être soulevées, étant donné que les lopins individuels ont des surfaces importantes12 et que la production est relativement conséquente (par rapport aux productions des espaces partagés). Pourtant, en interrogeant des jardiniers13, on a pu s’apercevoir que cultiver de tels espaces était plus coûteux que d’acheter des légumes en supermarché par exemple (location du lopin, achat de graines et de matériel, charges…). Les citadins s’insérant dans ces jardins ne seraient alors pas là pour réaliser des économies sur les produits alimentaires. Leurs motivations s’assimilent davantage à la recherche d’une activité de loisir.

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Environ 120m², selon P. Scheromm – soit la taille approximative d’un jardin partagé de centre ville Dans les jardins familiaux du Rieucoulon et de Malbosc

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1.3.

Les jardins partagés

Cette enquête porte donc sur les jardins partagés, qui sont au nombre de dix-neuf (Cf. Annexe n°1). Ces derniers ont une répartition plus homogène dans l’espace urbain montpelliérain ; on retrouve des jardins partagés dans des quartiers centraux de la ville, en bordure de centre historique, mais aussi dans les quartiers résidentiels plus excentrés. J’ai choisi (avec l’aide de Pascale Scheromm), que l’enquête se concentrerait sur trois d’entre eux14 : le jardin du parc Clémenceau, le jardin de la Cavalerie, et le jardin du Père Soulas. Cependant, pour enrichir l’enquête, trois autres jardins ont été étudiés brièvement15, et cités dans le rapport : le jardin de Magnol16, le jardin du square du père Bonnet, et le jardin des Amandiers.

Illustration n° 2 : Le panneau d’entrée du jardin de la Cavalerie repeint par les habitants

Plusieurs acteurs sont impliqués lors de la création de ces jardins partagés : des habitants du quartier, des associations, le réseau Main Verte de la municipalité, les maisons pour tous. La plupart du temps l’initiative émane d’un collectif de riverains, ou d’une association (PAVé, Passe Muraille, Beaux Arts Pierres Rouges, Terre Nourricière…), qui font leur demande à la municipalité. La mairie leur attribue une parcelle, et les aide financièrement et juridiquement parlant à se mettre en place progressivement. Un suivi des jardins par le réseau Main Verte de la ville est officiellement organisé. Trois associations à Montpellier se positionnent comme des intermédiaires entre la mairie et les petites associations qui gèrent les jardins : Passe Muraille, Etat des lieux et l’APIEU (l’Atelier Permanent d’Initiation à l’Environnement Urbain)17. Chaque jardin possède son organisation propre. Ils sont tous cultivés collectivement, mais nous verrons par la suite que ces espaces ont tendance à s’individualiser sous le poids de la demande des riverains. Leur taille est relativement réduite ; selon P. Scheromm, ces parcelles collectives varient de 100 à 400 m².

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En vert foncé dans le tableau – Annexe n°1 En vert pâle dans le tableau – Annexe n°1 16 Ce jardin – non représenté sur la carte des jardins collectifs présentée précédemment – est situé à côté du jardin des étudiants de Supagro, dans la rue de Las Sorbes 17 Sources : Anne Baffrey, animatrice à l’association Passe Muraille 15

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2.

Méthode de recherche

Afin d’appréhender au mieux le sujet, plusieurs phases préalables nous ont été indispensables. Seront brièvement présentés dans cette partie, les choix méthodologiques opérés pour la réalisation de notre enquête sur les jardins partagés montpelliérains.

2.1.

Choix de l’enquête

Après avoir effectué une recherche bibliographique, j’ai identifié des lieux « tests » sur la ville de Montpellier afin de réaliser les premières observations directes18. Ces dernières m’ont permis d’évaluer dans un premier temps les espaces d’étude stratégiques, ainsi que de capter les comportements, les pratiques des jardiniers, les ambiances, et de révéler rapidement les interactions entre les individus. Dans un second temps, les personnes ressources ont été identifiées : responsables des associations, services municipaux, citadins impliqués dans la création des jardins… La suite du travail a consisté à formuler des questionnements généraux puis spécifiques, ainsi que des hypothèses précises à partir des observations de terrains et des lectures. Ma technique d’enquête répond à une démarche hypothético-déductive, c’est à dire que je pars d’hypothèses avant d’arriver à des données expérimentales sensées valider ou non les idées de départs. Après avoir réalisé le premier guide d’entretien destiné aux entretiens informatifs avec les personnes « responsables » des jardins, ou les personnes « pionnières » (Cf. 2.3), des rendezvous avec ces acteurs ont été fixés. Une fois les entretiens informatifs terminés, la phase d’entretiens compréhensifs avec les jardiniers a été mise en place : réalisation du guide d’ « entretien jardiniers » et visite « à l’improviste » des jardins pour rencontrer les jardiniers. Les rencontres avec les jardiniers ont eu lieu en général en fin d’après-midi (de 17h à 19h) et le samedi. Il était assez compliqué de réaliser les rencontres en journée, car très peu de jardiniers étaient présents sur les jardins.

2.2.

Echantillonnage

Les acteurs enquêtés sont de deux types : les « responsables jardins » et les jardiniers. Les « responsables jardins » ont été contactés par téléphone ou email, afin de fixer un rendezvous. J’ai donc ciblé ces personnes à l’avance. L’idée de ces rencontres était d’avoir une base pour comprendre le jardin dans son ensemble (historique, organisation, ambiance du jardin, rapport des jardiniers entre eux…). Ces acteurs ont eu le recul par rapport au jardin nécessaire à l’enquête. J’ai donc interrogé cinq de ces acteurs pendant 1 heure en moyenne (Cf. Annexe 18

Sur les jardins partagés et familiaux

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n°2) : la trésorière de l’association PAVé (Jardin Clémenceau) ; une chef de projet de l’association Mareschal et jardinière au jardin de la Cavalerie ; la directrice de l’animation du village du Père Soulas et de la maison d’enfant (Jardin du Père Soulas) ; l’animateur environnement du jardin de Magnol ; un des membres de l’association du Père Bonnet. La seconde catégorie d’acteurs interrogés est celle des jardiniers (Cf. Annexe n°2). Ces derniers ont été choisis aléatoirement. C’est pourquoi aucune « feuille de quotas » n’a été réalisé avant les entretiens. En effet, dans le cadre de notre étude, il n’est pas intéressant de vouloir sélectionner un « type de jardinier » ou une « catégorie d’âge » en particulier, puisque c’est l’étude d’un jardinier lambda, inséré dans un circuit de jardinage partagé, qui nous concerne. Pour le cas des jardiniers l’échantillonnage est donc de convenance. J’ai pu en interrogé sept d’entre eux : quatre au jardin Clémenceau, deux au jardin de la Cavalerie, un au jardin du Père Soulas19.

2.3.

Entretiens et choix des traitements

Avec l’aide d’Emmanuelle Cheyns j’ai réalisé deux guides d’entretiens (Cf. Annexes n°3 et 4). Le premier guide, relatif aux entretiens informatifs avec les personnes pionnières du jardin pose des questions ouvertes sur la création du jardin, son évolution, les rapports entre les jardiniers… Quatre ont été réalisé en direct, et un par téléphone. Le second guide, relatif aux entretiens compréhensifs, pose des questions plus précises sur la personne du jardinier, ses pratiques, ses motivations, ses perceptions… Ce questionnaire est organisé de sorte que l’enquêteur puisse percevoir l’évolution du jardinier dans un processus de transformation, en s’intéressant à « l’avant jardinage », au « pendant », et à « l’après ». Pour ce questionnaire, deux entretiens tests ont été réalisé afin de juger de la pertinence de nos questions. Il est à noter que ce guide n’a pas été suivi précisément, et que les questions ont varié et ont été adaptées à chaque discours d’enquêtés. Ces récits ont permis de faire ressortir des impressions globales sur le cas des jardins partagés à Montpellier. L’analyse qui va suivre ne saurait faire de généralités sur la situation des jardins partagés montpelliérains ou français, elle se contente d’évaluer les pratiques, les perceptions et les transformations des jardiniers montpelliérains sur la base des observations et des propos des individus enquêtés. Cette étude s’est établie sur une durée de deux mois (analyse comprise), insuffisante à la production de données réellement généralisables. Il en ressort ainsi des vues personnelles basées sur les discours des citadins interrogés, qui se veulent les plus honnêtes et justes possibles.

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Notons que je n’ai pu rencontrer qu’un seul jardinier au Père Soulas ; c’est pourquoi peu de récits de ce jardin figurent dans l’analyse

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3.

Les

jardins partagés montpelliérains : pratiques, perceptions et transformations 3.1.

Le jardinage partagé : quelle pratique de l’agriculture urbaine ?

Afin de percevoir toute la complexité du pouvoir transformateur d’un jardin pour un individu, ainsi que son apport physique ou social dans le quartier et la vie des citadins, il nous faut nous intéresser de prime abord aux motivations qui poussent les citadins à rejoindre un jardin. Comprendre pourquoi l’individu s’insère dans ce type d’espace, comment il le fait, et à quelle organisation humaine et institutionnelle il est confronté en le faisant, nous permettra de nous saisir de la question de l’engagement citoyen dans le jardinage, et de nous représenter dans un premier temps ce que ce dernier lui apporte sur le plan de son rapport à l’alimentation.

3.1.1. L’engagement citadin 3.1.1.1.

Origines socioprofessionnelles des jardiniers

Les origines socioprofessionnelles auxquelles appartiennent les citadins enquêtés insérés dans les circuits de jardinage partagé sont d’une grande variété. On retrouve dans les jardins montpelliérains des instituteurs, des retraités, des agents administratifs, des étudiants, des personnes sans emploi... Cette variété pourrait s’avérer fluctuante selon si l’on s’intéresse à un jardin situé dans le quartier central de la ville, ou à un jardin de faubourgs ou de banlieue proche. En réalité la spatialité et la localisation du jardin ici ne nous fait pas envisager cette distinction sociale, puisque d’un jardin partagé montpelliérain à l’autre les profils ne varient que de façon minime. Remarquons cependant que cette apparente mixité est à relativiser dans le sens où il est possible de constater une certaine homogénéité culturelle ou intellectuelle au sein des jardins partagés. En effet, les personnes (adultes) interrogées sont issues de milieux sociaux relativement favorisés et ont fait des études. Cette caractéristique peut être un premier facteur influençant l’engagement du citadin dans le jardinage partagé. Notons que ces jardiniers sont tous des citadins, et des habitants du quartier dans lequel est situé le jardin.

3.1.1.2.

A la recherche d’une reconnexion à l’agriculture ?

En interrogeant les jardiniers on constate rapidement que ces citadins viennent au jardin avec l’idée de trouver, et même de s’approprier, un espace de culture sur lequel ils pourraient pratiquer le jardinage comme une activité de loisir.

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Nombre d’entre eux à l’arrivée dans le jardin manifestent le désir de produire leurs propres légumes, ou leurs propres plantes. Un jardinier de la Cavalerie explique qu’il est venu pour faire sa propre production : « J’avais envie de cultiver mes légumes, de faire mes propres créations, de faire un potager plus fructueux que sur mon balcon. J’étais vraiment là à la base pour produire des légumes et des fleurs. […] J’ai pu planter dans mon carré de la roquette, de la verveine, des haricots, des blettes, des œillets d’inde… En plus, je viens vraiment avec le plaisir de toucher la terre ». Ce jardinier s’apparente aux « soil citizens » des jardins communautaires torontois définis par L. Baker (2004), puisqu’il s’engage dans cet espace qui lui offre l’opportunité de travailler la terre de ses mains et de produire sa propre nourriture ; les soils citizens de fait, passent du statut de simple consommateurs, au statut de « citoyens de la terre ». Notons que la différence ici entre les soil citizens dont parle L. Baker, et les jardiniers montpelliérains, tiendrait au fait qu’à leur arrivée dans le jardin ces derniers ne considèrent, ni ne prônent, la production de façon collective20. Le rapport à la nature ou à l’agriculture dans le jardin apparait en second lieu dans le discours des enquêtés. Ils expriment ce lien lorsqu’ils commencent à parler de leur expérience en jardinage passée. Ce bagage en nature diffère peu selon les individus. Il est vrai que certains jardiniers sont novices et possèdent peu de connaissances sur la production potagère : pour la trésorière de l’association PAVé (Jardin Clémenceau) « certains adultes n’ont pas de notions de base, c’est compliqué de les faire jardiner au début ». Cependant tous nos interrogés apparaissent sensibilisés aux questions agricoles, et affichent un bagage en jardinage relativement fourni (potager familial, famille issue de milieu ruraux…). Pour la directrice de l’animation dans le village du Père Soulas (Jardin du Père Soulas) : « les adultes ici ont déjà touché de près ou de loin à la nature dans leur vie ». Les jardiniers nous racontent qu’ils ont appris le jardinage avec leurs parents en général. Il m’a été possible de reconstituer le bagage en jardinage de certains enquêtés : « Dans notre ancienne maison avec mes parents, on avait un terrain et on plantait des légumes. Et mon père avait une parcelle dans un jardin ouvrier à un kilomètre de la maison, on se nourrissait de ses produits, je me souviens il y en avait même trop, on faisait des sauces tomates, des tomates pelées, des confitures… Puis à Pau avec mon mari on avait des arbres fruitiers dans le jardin, et j’avais surtout une rocaille dans laquelle je plantais des fleurs » (extrait d’un entretien au jardin Clémenceau). « Je suis plutôt un jardinier d’avant, ici ça fait juste écho et ça m’a donné matière, sur mon balcon j’ai pleins de plantes, là où habites mes parents il y a plein de plantes aussi. Je suis née dans une maison où il y a un jardin, donc j’ai l’habitude d’avoir les mains pleines de

20

Nous verrons par la suite que cette attente vis-à-vis de la production alimentaire individualisée va rapidement s’altérer (Cf. 3.1.3)

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terre. J’ai appris à jardiner avec mes parents, et maintenant j’apprends moi-même au jardin partagé » (extrait d’un entretien au jardin de la Cavalerie). « J’ai jardiné dans des maisons de famille. J’ai grandi à la campagne, en Normandie, chez mes grands-parents qui avaient un potager aussi » (extrait d’un entretien au jardin Clémenceau). « J’ai grandi à la campagne, j’avais un jardin d’agrément. J’ai appris à jardiner avec mes parents et ma sœur dans le potager familial. Je dois ajouter que j’ai toujours aimé les champignons, depuis que je suis petite, j’allais les cueillir avec ma mère. Depuis 6 ans je suis inscrite dans une société d’horticulture et d’histoire naturelle et je m’intéresse à la mycologie. On fait des sorties botaniques à la montagne le dimanche, et avec une copine on va chercher les champignons en saison » (extrait d’un entretien au jardin de la Cavalerie). Le jardin partagé, envisagé ici en temps qu’espace de nature, serait alors pour eux une façon de se reconnecter à la production potagère, puisque tous présentent une expérience passée en jardinage.

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La question de savoir ce qui amène le citadin au jardin se doit d’être doublée de celle qui consiste à comprendre ce qui le fidélise. Il existe un turn over des membres assez fort dans les jardins21, et la constance d’engagement est parfois difficile à trouver. Des petits noyaux durs font vivre les jardins22, alors marqués par des flux de va-et-vient. C’est pourquoi, il apparait pertinent de se demander quelles structures accueillent les jardiniers, comment sont organisés ces jardins et quelles conséquences sont induites par la structuration institutionnelle et spatiale de ces derniers.

3.1.2. Le jardin comme espace politique 3.1.2.1.

Jardins partagés et initiatives citoyennes

Chaque jardin a son histoire, encrée dans le temps et dans l’espace. Les jardins partagés sont issus d’initiatives citadines ou associatives. Certaines créations relèvent presque de « combats citoyens ».

21

La plupart des enquêtés sont présents sur les jardins depuis moins de 2 ans (Cf. Annexe n°2) Selon les entretiens informatifs : 4 personnes au jardin du Père Soulas, 4 personnes au jardin de la Cavalerie, une dizaine de personnes au jardin Clémenceau 22

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Prenons l’exemple singulier de la création du jardin du Parc Clémenceau créé en 200523. Les habitants du quartier se sont battus pendant 8 ans pour la création de l’espace vert du parc Clémenceau auprès de la municipalité. « J’ai vraiment cru à ce projet, on a bataillé 8 ans quand même ! […] Au début on est parti novice, on ne savait rien, mais on avait lu des choses sur les jardins partagés de New York… » (extrait de l’entretien avec la trésorière de PAVé). Ce mouvement est le premier à Montpellier. Après expropriation du terrain par le ministère de l’intérieur désireux de reconstruire le commissariat, le projet est abandonné pour faute de financements, et le terrain racheté par la SEM24 de Montpellier. La ville avait alors comme visée de faire un projet de ZAC25 pour mettre en place des logements. Les habitants du quartier se sont opposés à ces démarches municipales et ont revendiqué la création d’un parc. Après plusieurs années de négociations et d’actions (pétitions, conférences, fresque murale26…), la création du parc figure sur les programmes des élections municipales de 2001. Ce dernier sera inauguré par Georges Frêche, alors maire de Montpellier, le 19 avril 2003. Le jardin partagé est créé 2 ans plus tard sur proposition des associations PAVé et Passe Muraille à l’extrémité Nord-Ouest du parc. De la même manière, les jardins partagés de la Cavalerie, du Père Bonnet, de la Cité Lemasson, du parc Rimbaud… sont nés d’une demande des habitants du quartier désireux alors d’obtenir un espace de verdure, de culture ou simplement de rencontres. D’autres initiations de jardins répondent à des projets associatifs ayant une mission sociale ou pédagogique forte. C’est le cas par exemple du jardin du Père Soulas, du jardin de Magnol ou du carré Jupiter. Ce sont les citadins eux-mêmes qui s’engagent pour créer leur espace de jardinage. Les jardins sont, de fait, marqués par une forte dimension démocratique, car ils émanent d’initiatives citoyennes, et sont gérés par des citoyens. Les citoyens participent à la création et aux décisions relatives à leur espace de jardinage, puisqu’ils font des propositions et assistent aux délibérations municipales. En ce sens, ils s’apparentent aux mouvements initiatiques des jardins communautaires à Toronto ou à New-York puisque ces derniers sont portés par des initiatives citadines également. Nous pouvons tout de même établir une différenciation entre ces deux types de jardins sur l’origine sociale de l’initiative. Alors que les impulsions américaines ou canadiennes sont données par des personnes immigrées ou à faible revenus (Baker, 2004 ; Schmelzhopf, 1995 ; Wekerle, 2000), il semblerait que dans les jardins étudiés elles soient portées par des citadins issus de milieux sociaux plus aisés.

Récit issu de l’entretien avec la trésorière de l’association PAVé, elle même initiatrice du jardin Société d’Economie Mixte 25 Zone d’Aménagement Concertée 26 Avait été mis en place sur les murs d’enceinte du terrain une fresque sur laquelle tout le monde pouvait venir écrire ou peindre quelques choses en rapport avec le futur jardin 23 24

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3.1.2.2.

Organisation démocratique et spatiale : un difficile consensus

Ces jardins sont portés aujourd’hui par des associations montpelliéraines (PAVé, Passe Muraille, Beaux Arts Pierres Rouges, Terre Nourricière…). Le suivi des jardins par le réseau Main Verte de la ville est officiellement organisé on l’a vu, mais les démarches pour obtenir du matériel sont longues, et le consensus est parfois difficile à trouver autour de l’attribution des terrains notamment. On note souvent une paralysie des projets du à la pression foncière. Mais cette recherche de consensus est aussi à étudier à l’intérieur même du jardin. L’enquête a révélé que les jardins pouvaient être vécus comme des espaces de conflits ou de mésententes. Ainsi le citadin qui s’insère dans le jardin, se joint à un groupe humain porteur de rivalités. Ces tensions s’entendent à deux niveaux. Dans un premier temps, il est à noter que l’organisation spatiale est génératrice de désaccords, et de plus en plus les jardins partagés perdent leur caractère uniquement collectif. Les schémas habituels d’organisation de l’espace de culture, caractérisés par une parcelle gérée collectivement, disparaissent progressivement, pour laisser place à des « jardins mixtes » alliant parcelle collective et lopins individualisés (Cf. Figure n°2).

Massif floral collectif

Malle ou local à outils partagés

Parcelles Espace partagé

Espace partagé

Banc

Banc

Individuelles

Figure n°2 : Schématisation d’un jardin mixte

Cette nouvelle organisation répond aux demandes des jardiniers eux-mêmes désireux de s’approprier un espace de culture propre pour cultiver leurs légumes, mais allant à l’encontre des valeurs premières de la gestion collective d’une parcelle. A Montpellier, le jardin des Amandiers ou celui de la Cavalerie par exemple présentent déjà cette combinaison, et d’autres groupes sentent la transition vers une parcellisation s’approcher : le jardin du Père Soulas, le jardin Clémenceau… Les « gestionnaires » des jardins (notamment à Clémenceau) tiennent à la conservation du caractère partagé de la culture. De fait des désaccords naissent entre les aspirations de chacun. La trésorière de l’association PAVé m’a expliqué que parfois des jardiniers, ou des citadins Page | 18


qui n’étaient pas encore insérés dans le jardin, demandaient un espace à eux, mais qu’elle tenait à l’idée partagée du jardinage : « Ici on fait ensemble ». L’animatrice du village du Père Soulas m’a également expliqué ses constatations sur les attentes des jardiniers : « ici les gens s’approprient déjà les légumes, par exemple on entend dire « Pourquoi as-tu arrosé MES tomates la dernière fois ? » ». Selon elle « l’avenir du jardin pourrait aller dans le sens d’une parcellisation collective, mais avec des temps de partage pour se retrouver ». Ainsi, elle pense que le jardin ne peut pas fonctionner dans son organisation et sa structuration actuelles.

Le deuxième type de frein au caractère collectif du jardin partagé relevé lors de l’enquête, résulte de la prise de décision, ou de la prise de parole des jardiniers. Peu de réunions sont organisées, et la régulation du groupe humain se trouve ralentie d’une part. D’autre part, la prise de parole n’est pas la même entre les jardiniers ; ceci est notamment dû au manque d’investissement et d’engagement de certains. Le jardin de la Cavalerie par exemple souffre d’un manque de jardiniers, et une absence de dialogue semble demeurer entre jardiniers et associations ; un jardinier avoue qu’il ne « rencontre jamais les membres de l’association ». Nous pouvons ajouter qu’il semble y avoir une déconnexion entre l’association et les jardiniers puisque ces derniers ne tiennent pas le même discours et ne perçoivent pas les choses ne la même manière. Par exemple, à la question « Combien de jardiniers compte le jardin ? », l’association m’a répondu « une dizaine », tandis que les jardiniers affirment ne pas être plus de quatre. De la même manière au jardin du Père Soulas, la directrice de l’animation nous explique ce sentiment de mise à l’écart des jardiniers : « On voulait que les gens soient impliqués à tous les niveaux de décision, mais on s’est rendu compte que ce n’était pas possible car ici c’est un lieu privé et que la décision est institutionnelle. La décision de la direction allait dans le sens d’un espace partagé, alors que les gens voulaient des parcelles individuelles. Là, il y a eu des difficultés, les gens se sont dit « on peut prendre une décision sur quoi alors ? » ».

Ainsi les citadins investis dans ces circuits ne sont pas égaux face à la prise de parole et la manifestation de leur idée du jardinage. Le mode organisationnel de ces espaces aurait une influence sur le caractère démocratique de ces derniers, défendu pourtant par la symbolique du partage de la parcelle.

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Dès lors, derrière ces initiatives citoyennes innovantes socialement et spatialement, mais aussi derrière ces cas conflictuels, pouvons-nous apparenter les jardins à des espaces politiques ? Page | 19


Selon K. Schmelzhopf (1995) il y a plusieurs niveaux de compréhension des jardins communautaires nord américains comme des espaces politiques : la défense des droits des jardiniers, la protection du jardin contre les actes malveillants, et la médiation entre les individus regroupés dans une organisation vectrice de conflits. On retrouve ces caractères dans les jardins montpelliérains étudiés. La défense des droits passe notamment par les revendications portées contre la mairie par certaines associations. Par exemple, le membre de l’association du Père Bonnet m’a expliqué qu’ils attendaient de signer la convention d’utilisation du terrain du square du Père Bonnet pour le jardinage depuis 3 ans. La protection du jardin contre les actes malveillants est également effective, et ce dans tous les jardins étudiés. A Clémenceau par exemple, suite à des vols à répétitions et des dégradations des cultures, le jardin a été clôturé. Enfin, on a vu que les organisations des jardins étudiés étaient vectrices de conflits. Ici la médiation passe par la capacité de résilience de certains d’entre eux. Cette adaptation est tangible notamment à Clémenceau où les différends qui existent entre l’utilisation du carré d’école pour l’expérience de permaculture (Cf. 3.2.1.2) par un jardinier, et les vouloirs du reste du collectif, semblent s’atténuer. L’association prend de plus en plus en considération les envies du jardinier et participe même à l’extension de son espace. Au Père Soulas, cette adaptation tient au fait que des réunions sont organisées avec les jardiniers pour leur laisser la parole : une fois par trimestre est organisée une réunion pour anticiper les plantations et la rotation. Nous pourrions rajouter que ces jardins peuvent également être assimilés à des espaces politiques car les associations ou institutions qui les portent sont créatrices de revendications collectives et relativement marquées idéologiquement.

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Les difficultés qui se présentent dans les jardins partagés étudiés ont été évoquées. De fait, il apparait juste de se demander quelles conséquences sur la production du jardin, et sa perception par les jardiniers, sont induites par ces organisations.

3.1.3. La place de l’alimentation pour le jardinier : une fonction vivrière mise de côté ? 3.1.3.1.

Quelle production potagère ?

L’enquête a montré très rapidement que la production potagère des jardins partagés n’était pas assez importante pour nourrir les jardiniers : « on mange peu la production, il n’y en a Page | 20


vraiment pas beaucoup » explique un jardinier de Clémenceau. D’après l’animatrice du village du Père Soulas, les jardiniers n’ont récolté sur l’ensemble du jardin qu’« un seul melon l’année dernière ». La production des jardins restent donc très faible27. D’après les observations de l’enquête, ces déficiences peuvent être expliquées par deux facteurs. Le premier est agronomique, le second est humain. La production dans les jardins est réalisée sans intrants chimiques, les cultures sont toutes biologiques. Ces dernières sont exposées aux insectes (et aux maladies dans une moindre mesure), qui amoindrissent les rendements, et les jardiniers n’ont pas réellement développé de techniques pour lutter contre ces nuisances. « Nous avons un problème de production ici c’est évident. L’année dernière il y a eut beaucoup de pluie par exemple. Toutes les tomates ont été malades et sont mortes » (extrait d’un entretien à la Cavalerie). L’organisation du jardin joue aussi dans cette compréhension de l’absence de la production potagère, puisque la répartition des « tâches » de jardinage n’est pas toujours planifiée. De fait, la culture n’est pas réalisée de façon optimale.

Par conséquent, nous ne pouvons attribuer au jardin une fonction vivrière, et ce dernier, dans son fonctionnement actuel, ne peut être assimilé à un moyen d’autonomisation alimentaire. Nous avons vu précédemment que le jardinier à son arrivée dans le jardin appréhendait la production alimentaire de façon individuelle. Du fait de ces faibles rendements, leurs attentes s’estompent pour laisser place à des considérations plus collectives du jardinage. « Au début je produisais pour moi, mais je ne produisais pas beaucoup. Du coup, j’ai cultivé aussi sur la parcelle partagée. Je me suis rendu compte qu’on n’a pas plus de produits en privatif qu’en partage » (extrait d’un entretien au jardin de la Cavalerie). Ici, le jardinier qui décide de rester investi dans le jardin, voit naitre en lui d’autres considérations et d’autres motivations de jardinage du fait de ces « déceptions » liées au manque de la production potagère. Ainsi, dans les jardins « mixtes » étudiés s’opère un report du jardinage depuis les parcelles individuelles, vers la parcelle partagée. De la même manière, dans les jardins totalement partagés, les jardiniers qui restent engagés dans le jardin, acceptent le partage progressivement mais dans un but autre que celui de produire des légumes. « Maintenant leurs motivations s’axent surtout sur le côté social du jardin plutôt qu’autour du prisme de l’alimentation ou de l’agriculture, et ce peut-être parce qu’il y a eut des problèmes de répartitions des terres au début (l’enquêtée entend ici les tensions dues aux demandes de parcellisation de l’espace par les jardiniers)» (extrait de l’entretien avec l’animatrice du village du Père Soulas). 27

Notons tout de même que le jardin des étudiants de Supagro est un cas isolé dans le sens où sa production (répartie sur 400 m²) est conséquente

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Ainsi s’accompli une transformation des attentes du jardinier au fur et à mesure de sa « progression » dans le jardin, passant de considérations relatives à l’alimentation très individualistes, à des motivations plus collectives et orientées communautairement.

Remarquons cependant que cette faible production maraichère peut être parfois un choix pour les jardiniers. En effet les jardins de centre ville (Clémenceau par exemple – Cf. Illustration n°3) ont plutôt tendance à avoir une fonction ornementale. Ces jardins se présentent alors comme des places de floriculture. Les fonctions ornementales, récréatives ou de découverte des plantes, prévalent dans ces espaces, qui voient leur fonction de production alimentaire fortement dépréciée.

Illustration n°3 : Le jardin Clémenceau, une fonction ornementale

Jusqu’à présent, nous avons donc pu constater que la présence de l’alimentation était très réduite dans les jardins, si elle a pu être une motivation à la base, et même un sujet de discorde (car les jardiniers voulaient leur propre production), elle disparait des motivations au bout de quelques temps (découragement) et d’autres considérations grandissent et font vivre le jardin. 3.1.3.2.

Influences du jardin sur les pratiques alimentaires

Les jardins se présentent alors comme des espaces récréatifs, et les légumes cultivés ne confèrent donc pas une source alimentaire. Mais les espèces qui poussent dans les jardins montpelliérains ne pourraient-elles pas être envisagées dans une autre dimension que celle de la subsistance ? La dimension thérapeutique de ces dernières peut être envisagée, autour de la naissance de préoccupations diététiques pour le jardinier, et d’un plus grand respect des Page | 22


légumes, des fruits et des plantes. En ce sens il est possible de se demander si le jardinage change les pratiques alimentaires du jardinier par le simple contact au jardin. Certains jardins sont à buts pédagogiques et de sensibilisation aux pratiques alimentaires. L’association Terre Nourricière (qui a crée le jardin du Père Soulas et celui du Parc Magnol) agit dans ce sens par exemple en créant des projets d’éveil sur « comment bien se nourrir », et « comment comprendre la nourriture ». Cette association se pose des questions comme « Qu’est ce qui nous nourrit ? Comment se nourrit-on ? Et quel choix citoyens faisons-nous au travers de l’alimentation ? ». Les jardins partagés, pour elle, sont des outils pour mettre en place cette sensibilisation (notamment auprès des jeunes). Ainsi, elle agit pour la découverte de nouvelles plantes, et pour l’apprentissage de la façon dont pousse un légume. Les enfants les plus jeunes apparaissent intéressés selon un animateur environnement au jardin de Magnol : « il y a les « motivés du jardin » ». Le discours de l’association apparait porteur, au moins pour le cas des enfants qui assistent aux sessions. Mais mis à part le cas des jardins de l’association Terre nourricière, on ne peut pas constater un revirement des pratiques alimentaires chez les jardiniers interrogés. Il est incontestable qu’ils apprennent sur l’alimentation et les produits frais, de proximité et de qualité, mais leur consommation n’est pas automatique. Ainsi un jardinier du jardin Clémenceau avoue « encore aller au supermarché Lidl faire ses courses ». D’autres jardiniers ont des pratiques de consommation alimentaires qui s’orientent vers les marchés de pleins vents ou les vendeurs locaux ; cependant, ce n’est pas la pratique du jardinage qui les a dirigé dans ce sens, mais bien le fait qu’ils étaient plus sensibles à la consommation de produits frais et régionaux, et qu’ils ont toujours consommé ce type d’aliments.

***

Ainsi, comprendre les jardins comme espaces de production alimentaire et de transformation du citadin vis-à-vis de l’alimentation n’est pas pertinent et il nous faut, pour parfaire cette analyse, étudier en quoi ces derniers sont assimilables à d’autres apports pour le citadin que celle de la subsistance alimentaire.

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3.2.

Une pratique [trans]formatrice pour le jardinier ?

Le citadin par la pratique du jardinage, se reconnecte donc à la nature et la vie collective. Il apparait pertinent de se demander si cette reconnexion est source d’autre chose pour le jardinier. Nous étudierons cet apport au travers de l’apprentissage au jardin, de la qualité de vie et du lien social. 3.2.1. Le jardin partagé : un lieu d’expériences et d’éveil pour le citadin 3.2.1.1.

Pédagogie et jardinage

Les jardins partagés étudiés se révèlent être des espaces d’apprentissage pour les individus. L’activité de jardinage n’est pas innée, elle s’apprend. Pour un jardinier de la Cavalerie « on ne nait pas jardinier, on le devient ». Ce dernier affirme « apprendre au jardin » : « Dans mon développement ça va être d’avoir de plus en plus de techniques, de plantes et donc d’être de mieux en mieux équipé dans ce jardin » (extrait d’un entretien à la Cavalerie). Cet apprentissage fait parti de l’activité en elle même. Nous avons vu précédemment que les jardiniers arrivaient au jardin avec un certain bagage en jardinage (Cf. 3.1.1.2). La plupart du temps le jardin leur permet d’approfondir leurs connaissances. Chaque jardinier y acquiert des compétences nouvelles sur la nature et les plantes, ainsi que sur les techniques de production et de gestion des sols. Ici, l’insertion dans un jardin pour le citadin constitue une étape de plus dans son approche du jardinage, mais ne constitue pas une rupture à proprement parlé.

Nous avons relevé que dans les jardins étudiés cet apprentissage peut revêtir divers visages. Il peut être fait de manière individuelle ; dans ce cas le jardinier ira chercher des informations et des techniques seul, notamment sur internet28. Cette recherche participe aux formes d’individualisation progressive de la production dans certains jardins partagés. De cette façon le jardinier cultive sur son lopin, avec les techniques qu’il a appris seul. Mais l’apprentissage du jardinage peut être également collectif ; dans ce cas, simplement, les plus « anciens du jardin » apprennent les techniques aux « nouveaux ».

Illustration n°4 : Carrés d’écoles à Clémenceau

Enfin, certaines structures à Montpellier (jardin de Magnol, jardin du Père Soulas, jardin du parc Clémenceau) utilisent le jardin

Notons que la place d’internet dans le jardinage n’est pas négligeable ; pour certains enquêtés il constitue une de leurs principales sources d’apprentissage du potager 28

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à but pédagogique et éducatif ; ici le jardin se présente presque comme un espace de formation. La plupart du temps, les participants sont les enfants. Au jardin Clémenceau, quatre carrés de culture sont attribués aux écoles du quartier (Cf. Illustration n°4).

Illustration n°5 : Au jardin de Magnol le jardinage est rendu ludique

« J’aime le coté « pédagogie » au jardin, ici les enfants viennent jardiner parfois quand ils sont dans le parc pour enfants à côté. Je suis sur qu’il faut amener les enfants au jardinage » (extrait d’un entretien à la Cavalerie). Au jardin de Magnol, un accueil des enfants est organisé le mercredi par un animateur. Pour ce faire, l’espace de jardinage est aménagé pour les enfants : achat de petits arrosoirs, étiquettes, pancartes colorés… Mais des ateliers pour adultes sont également organisés, dans une dimension d’apprentissage en groupe. 3.2.1.2.

Le « potager laboratoire »

Grâce au jardin, les citadins interrogés disent avoir la possibilité d’expérimenter des techniques de jardinage. Ce dernier leur permet d’être acteur de leur apprentissage de l’agriculture et de la nature. Ainsi les jardins montpelliérains étudiés se présentent comme des lieux d’innovations où sont testées des pratiques de production potagère ou florale. « Ici je peux tester pleins de choses […] mon jardinage évolue de plus en plus, je vais progressivement vers quelque chose de plus sain, concentré sur les besoins de la nature. Par exemple j’ai mis en place un paillage sur la parcelle partagée » (extrait d’un entretien au jardin de la Cavalerie). Au jardin du Père Soulas par exemple les jardiniers ont mis en place un système de rotation des cultures. Ainsi, trois parcelles sur quatre29 sont interverties chaque année pour permettre la mise en jachère de l’une d’entre elles. D’autres jardins se perfectionnent avec le temps en mettant progressivement en place compost, système de goutte à goutte, butte de culture agro écologique, utilisation de graines kokopelli, paillage…

29

La quatrième portion est non mobile, car plantée en arbres fruitiers

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Il convient de parler dans ce développement d’une initiative qui a pris place dans le jardin Clémenceau. Cette initiative est une expérience agricole individuelle au cœur du jardin. Un jardinier a investi un carré d’école pour y tester des techniques de permaculture (Cf. Illustration n°6). Pour ce dernier, la permaculture a un « côté scientifique », que le jardin partagé lui permet d’explorer. Ainsi ce jardinier a mis en place quatre buttes pérennes sur lesquelles il associe des espèces, et cherche à produire une synergie entre les plantes. Pour lui la permaculture est « une recherche d’autonomie » : « On fait travailler la terre, on aide la nature à travailler, pour se laisser du temps après ». Il fait cette expérience dans le but de l’étendre par la suite à un plus grand nombre de jardiniers.

Illustration n°6 : La butte pérenne au jardin Clémenceau

Mais son expérience revêt un caractère idéologique fort également. Le jardin lui offre la possibilité de mettre en pratique et d’accomplir ses convictions : « La permaculture correspond à mon éthique. J’aime la ville et la liberté qu’apporte la ville. Je pense qu’il faut amener la campagne à la ville plutôt que d’amener la ville à la campagne. Il y a cette idée dans la permaculture, de travailler sur les villes en transition et le changement climatique également ». Son initiative relève d’une démarche idéologique voulant recréer « le jardin d’Eden », mais aussi militante, car « contraire aux formes d’agriculture conventionnelles ».

Le jardinage ici n’est pas un élément de transformation des convictions du citadin, liées à la nature ou l’écologie, mais bien un outil qui lui permet de les mettre en pratique.

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Notons que ce « jardin laboratoire » peut aussi se présenter comme une source d’inspiration pour d’autres jardiniers. Un jardinier du jardin Clémenceau nous raconte. « J’ai envie d’écrire autour de ce lieu, de le photographier, de faire une série de portraits de jardiniers… Il y a des choses à éclairer… les rapports humains par exemple ». Son rapport au jardin se comprend ici dans une dimension artistique. Sa représentation du jardin n’est pas axée sur la production agricole, mais bien sur les citadins avec qui il est en contact. Le jardin est vu dans ce cas comme un décor de fond sur lequel ce jardinier place les rapports des individus qu’il a envie de scénariser. ***

Les citadins enquêtés semblent donc apprendre une nature qu’ils domestiquent grâce au jardinage. Cette nature recrée ne serait-elle pas une source de bien-être ?

3.2.2. Le jardinage comme créateur de « bien être » urbain ? 3.2.2.1.

Une action embellisseuse de l’espace

L’une des fonctions premières des jardins communautaires nord américains était la restructuration physique de l’urbain. Ainsi des espaces vacants, en proie au vandalisme et à la paupérisation, ont été la scène d’initiatives de recomposition urbaine visant à agir sur la qualité de l’environnement quotidien (Pashchenko O., 2011). De la même manière, les jardins partagés français se substituent à des espaces en friche et participent à la création d’une « image positive du quartier » (Manola T., Plocque M., Tronquart C., del Rio R., 2009). Le jardin se positionne comme un outil de transformation de l’espace urbain en faisant entrer la nature en ville. Cette production de nature participe à la rénovation du bien être urbain et offre aux citadins de nouveaux modes d’habiter leur quartier. Le jardin partagé dont nous parlons ici peut être assimilé à une intention paysagère (Pashchenko O. 2011) ; ces derniers créent du « beau » dans la ville et agissent pour la transformation de la qualité de vie. Ainsi, l’individu investi dans ces circuits collectifs de jardinage, devient un acteur de l’espace urbain dans le sens où il agit sur ce dernier. Illustration n°7 : Le jardin du Père Soulas : un espace de nature au milieu du quartier

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3.2.2.2.

Qualité de vie et vivre ensemble

Cet investissement est producteur de bien être (urbain) à l’échelle individuelle (le jardinier lui-même s’engage pour une amélioration de son espace de vie et de culture), mais aussi à l’échelle collective, puisque naissent des dynamiques de vivre ensemble dans le quartier. Ces deux approches semblent liées puisque l’amélioration d’un environnement de vie (on parle ici des hommes et des lieux) participe à la création d’un mieux être personnel. Sur le plan individuel, plus que d’agir dans le sens d’une transformation de la qualité et des pratiques de vie du jardinier30, le jardin procure une sorte de satisfaction du besoin de nature : « Je recherche la proximité avec la nature […] Ce jardin me permet de concilier une vie en ville dans un petit appartement, et une vie à la campagne ; et ici c’est mon petit jardin, ma petite campagne » (extrait d’un entretien au jardin de la Cavalerie). Il nous est possible ici de faire un rapprochement avec les travaux de L. Bourdeau-Lepage (2013) qui définissent notamment l’individu d’aujourd’hui comme un homo qualitus, c'est-àdire un homme qui « fait de la satisfaction de son désir de nature […] un élément de son bienêtre ». De la même manière, selon les enquêtés, le jardin participe à la réduction du stress et apparait alors comme un lieu de détente. Une jardinière de la Cavalerie nous raconte que pour elle le jardin est un « espace de respiration, de bien-être et de tranquillité ». Le jardinage et le soin de la nature d’une manière générale deviennent dès lors des outils thérapeutiques, qui participent au mieux être personnel des citadins qui revendiquent un verdissement de la société en soulevant l’importance des parcs et jardins urbains : pour cette même jardinière, « il faudrait plus d’espaces comme celui-ci ». Ces communautés d’habitants se saisissant de la question du « mieux vivre » urbain se postent comme des créateurs de nouveaux espaces publics au travers des jardins partagés. Progressivement est instituée une dynamique urbaine autour de ces espaces : « Ici les relations que l’on a avec les gens sont de bon voisinage, on sent que le jardin fédère quand même, il y a un dénominateur commun […] une vraie dynamique » (extrait d’un entretien au jardin Clémenceau). Les jardins partagés étudiés sont donc des initiateurs de vivre ensemble autour du végétal dans les quartiers. Ce constat a été fait sur tous les jardins montpelliérains visités. Ce phénomène est dû au fait que la majorité des jardiniers sont des habitants du quartier d’une part. D’autre part la gestion collective d’une parcelle pousse les individus à entrer en contact (Cf. 3.2.3.1), à interagir, à s’organiser et à planifier leur travail ensemble. Le terme « ensemble » est donc révélateur d’une gestion commune de l’espace, et d’une action dans le sens d’une réflexion collective du bien commun. 30

Ici l’hypothèse d’une naturalisation progressive de la vie de l’individu investit dans le jardinage est réfutable dans le sens où le jardin arrive comme une simple étape dans sa trajectoire en nature, et non comme une rupture transformatrice (Cf. 3.1.1.)

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Cette réflexion va plus loin. Certains jardins sont même des reflets de quartier, dans lesquels chaque plante a une histoire. Le jardin Clémenceau en est un exemple type. Les jardiniers se souviennent de la personne qui a planté telle ou telle plante et pourquoi elle l’a planté. « Une petite fille d’origine marocaine était venue planter un noyau de datte dans le jardin. Aujourd’hui, vous voyez, le dattier mesure 1,50 mètre ! Les plantes ont une histoire ici je trouve » (extrait de l’entretien avec la trésorière de PAVé). De la même manière, une personne âgée ne sachant pas quoi faire de ses fleurs en pot lors de son déménagement, est venue les planter dans le jardin. A Clémenceau, le jardin est un miroir du quartier autour duquel les habitants se rassemblent.

*** Ce « rassemblement » est une composante primordiale dans l’étude des jardins. La création du vivre-ensemble a pu être étudié précédemment et envisagé comme un élément bonifiant dans le quartier. Mais les interactions entre les individus au sein des jardins étudiés sont plus complexes, et vectrices d’un autre enrichissement pour le citadin.

3.2.3. Le jardinier, un acteur solidaire ? 3.2.3.1.

La rencontre fédératrice

Les citadins se rassemblent donc autour de la pratique commune du jardinage. De fait, en plus d’entrer en contact avec la nature, ces derniers interagissent les uns avec les autres. Le lien social apparait comme quelque chose de recherché dans le jardin. Cependant l’enquête a révélé que la convivialité attendue n’était pas effective dans tous les jardins étudiés. Un jardinier de la Cavalerie nous raconte qu’il s’attendait à « quelque chose de plus convivial » : « Je suis chômeur, je suis un peu coupé de la société, ce jardin est là pour me construire un tissu social […] mais je suis un peu déçu, j’aurai voulu voir plus d’interactions ». A l’inverse, au jardin de Clémenceau une vraie dynamique de convivialité s’est instaurée : « Le jardin est un lieu de rencontre, non seulement entre les générations, mais aussi entre les populations, les origines […] des dames viennent, on se salue, je n’aurais jamais eut l’occasion de leur parler si elles n’étaient pas venues » (extrait de l’entretien avec la trésorière de l’association PAVé).

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Notons de plus que les jardiniers organisent des évènements autour du jardin, qui participe au développement de la convivialité. Par exemple une fois par an (au printemps) PAVé organise un échange de plants devant le jardin. Ainsi des citadins peuvent venir échanger des plants ou des graines avec d’autres pour les planter chez eux. De la même manière, en hiver une soupe est préparée par les jardiniers à Clémenceau, et en été ils organisent des apéritifs entre eux (Cf. Illustration n°8).

Illustration n° 8 : « L’apérosage » à Clémenceau

La création du square du Père Bonnet dans le quartier de Figuerolles s’inscrit dans cette visée. En 2010 cet espace a été demandé à la mairie par des habitants du quartier. Un des initiateurs du jardin interrogé nous indique que le but du jardin est de créer un lieu de rencontre dans le quartier. Ce lieu est agrémenté d’un jardin partagé que tous les habitants du quartier peuvent venir cultiver. Pour lui « le jardin est vecteur de lien social ». Aujourd’hui cet espace accueille tous les jours des riverains qui viennent s’assoir et dialoguer autour du jardin, sans forcément parler du jardin en lui même. Le rôle des bancs dans un jardin participe à ces rencontres. Dans les jardins visités, systématiquement des bancs, ou des tables de pique-nique sont présents. Lors de l’enquête j’ai demandé aux jardiniers de dessiner le jardin dans lequel ils étaient investis. Ces derniers représentent spontanément les bancs du jardin (Cf. Annexe n°5). Ils ne dessinent et ne nomment que très rarement les plantations. Les jardiniers interrogés semblent donner de l’importance à ces éléments, er la représentation qu’ils se font du jardin est plus sociale que productiviste.

Les jardins partagés sont donc des points de contact entre les individus, des vecteurs de communication. Le jardinier évolue ici dans son rapport à l’autre dans le sens où le jardin produit chez lui un enrichissement et un élargissement de son environnement social. En ce sens, le citadin devient solidaire, car investit dans des rapports de proximité avec autrui.

3.2.3.2.

L’échange (étude de cas du jardin Clémenceau)

Ce rapport de proximité avec l’autre entraine de fait un échange entre les individus. Nous avons vu que les individus rassemblés dialoguaient. On peut parler alors ici d’un échange verbal ; le jardinier a la possibilité de se confier à un autre, il peut lui raconter ses vacances, ses problèmes quotidiens… C’est ainsi qu’au jardin Clémenceau deux jardinières (qui ne se Page | 30


connaissaient pas avant le jardin) assises pour écosser du blé, bavardent pendant plusieurs heures (Cf. Illustration n°9). Le jardinier se présente alors comme une compagnie pour l’autre jardinier. Un autre jardinier de Clémenceau nous explique comment lui voit les échanges : « Chacun évoque un peu son quotidien, les problèmes au travail, les problèmes de voisinage… c’est une manière de communiquer, de discuter. Après il y a des discussions autour du jardin aussi, des choses toutes simples, et je m’aperçois que ça fait du bien à tout le monde ».

Illustration n° 9 : Discussion au jardin Clémenceau

Ce jardinier accorde de l’importance aux conversations, lui-même était venu sur le jardin dans l’idée de partager avec les autres. Il explique qu’il ne se verrait « pas seul à jardiner ». Ces dynamiques d’échange dans les jardins étudiés sont portées également par un sens de l’entraide. D’après les observations, cette dernière est effective entre les générations et les genres de jardinier. Elle peut être physique. Dans ce cas, les jardiniers vont s’aider à cultiver le jardin dans un but commun (relais dans l’arrosage, le désherbage…) ; il y a un échange mutuel de techniques et de capacités physiques. Nous sommes ici dans la perspective où un individu en aide un autre. Mais cette aide à l’autre prend d’autres formes dans les jardins étudiés, elle s’assimile aussi à de la bienveillance, du soutien moral. Toujours à Clémenceau, un jardinier au chômage a trouvé un emploi dans un théâtre grâce à un autre jardinier. Les jardiniers étudiés restent donc solidaires les uns avec les autres mêmes en dehors du jardin. C’est un apport considérable pour le jardinier investit dans cette dynamique. En effet, d’autres individus lui témoignent de l’intérêt et « prennent soin » de lui. Ce soin est à mettre en lien avec le soin à la nature dont nous avons parlé précédemment (Cf. 3.2.2.2). Le jardinier prend soin de l’autre, mais prend également soin de la nature. En ce sens, il est impliqué dans un circuit de solidarité transgénérationnelle. En cultivant dans le jardin (de manière écologique), il est acteur d’une recherche de durabilité urbaine, solidaire envers les générations futures. Il existe donc dans ce jardin des formes d’engagements réciproques entre les individus impliqués dans la pratique du jardinage, qui devient de fait une pratique altruiste, enrichissante humainement parlant.

*** Page | 31


Conclusion

On ne peut pas affirmer que la pratique du jardinage agit comme une transformation pour le jardinier dans son rapport à la nature et à l’autre, car l’individu montre déjà des formes de prédispositions aux évolutions qu’il subit. Cependant cette activité s’accompagne d’un véritable enrichissement personnel pour le citadin. Ainsi, si cet enrichissement n’est pas effectif sur le plan des habitudes alimentaires ou d’une naturalisation dans les pratiques de vie, il trouve son sens au croisement de schémas de socialisation et d’éveil environnemental de l’individu. Les jardins partagés participent donc à l’entretien d’un rapport entre jardinier et nature, et entre jardinier et autrui. Enfin, ces derniers s’apparentent à des supports d’évolution pour la ville, sa vocation sociale et ses paris écologiques.

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SCHMELZKOPF Karen, 1995, « Urban Community Gardens as Contested Space », Geographical Review 85, p 364-382 SCHUKOSKE Jane E., 2000, « Community development through gardening: state and local policies transforming urban open space », University Journal of Legislation and Public Policy, Vol. 3, p 351-392 SOULARD Christophe-Toussaint, MARGETIC Christine, VALETTE Élodie, 2011, « Introduction : Innovations et agricultures urbaines durables », Norois WEGMULLER Fabien, DUCHEMIN Eric, 2010, « Multifonctionnalité de l’agriculture urbaine à Montréal : étude des discours au sein du programme des jardins communautaires », Vertigo, Vol. 10, n°2 WEKERLE Gerda R., 2000, « Multicultural Gardens: Changing the Landscape of the City », in Proceedings of the International Symposium: Urban Agriculture and Horticulture; The Linkage with Urban Planning, p 1-9 WINSON Anthony, 1993, « The Intimate Commodity : Food and the Development of the Agro-Industrial Complex in Canada », Garamond Press

Sitographie

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www.banquemondiale.org

-

www.jardins-familiaux.asso.fr

-

www.jardins-partages.org

-

www.lepassemuraille.org

-

www.metropolitiques.eu

-

www.montpellier.fr

-

www.pave.montpellier.free.fr

-

www.scholar.google.fr

-

www.verpopa.wordpress.com

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Table des Illustrations & des Figures

Figure n°1 : Les jardins collectifs à Montpellier, P. Scheromm, 2013………………....……9 Figure n°2 : Schématisation d’un jardin mixte, E. Basset, 2013………………………...….18 *** Illustration n°1 : Les jardins familiaux, une gestion municipale, E. Basset, 2013………….10 Illustration n°2 : Le panneau d’entrée du jardin de la Cavalerie repeint par les habitants, E. Basset, 2013…………………………………………………………………………………11 Illustration n°3 : Le jardin Clémenceau, une fonction ornementale, E. Basset, 2013………22 Illustration n°4 : Carrés d’écoles, E. Basset, 2013………………………………………….24 Illustration n°5 : Au jardin de Magnol : le jardinage rendu ludique, E. Basset, 2013……..25 Illustration n°6 : La butte pérenne à Clémenceau, E. Basset, 2013……...…………………26

Illustration n°7 : Le jardin du Père Soulas : un espace de nature au milieu du quartier, E. Basset, 2013………………………………………………...……………………………….27 Illustration n°8 : « L’apérosage » à Clémenceau, B. Martin-Rabaud, 2013………..………30 Illustration n°9 : Discussion au jardin Clémenceau, E. Basset, 2013………………………31

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Annexes Annexe n°1 : Les jardins partagés montpelliérains, E. Basset31, 2013 :

Nom du jardin

Adresse

Date de création

Type de jardin

1

Jardin du Parc Clémenceau

Avenue Georges Clémenceau, 34000 Montpellier

2005

Partagé

2

Jardin de la Cavalerie

Rue de la Cavalerie, 34000 Montpellier

2005

Mixte

3

Jardin du Père Soulas

2452 avenue du Père Soulas, 34000 Montpellier

2010

Partagé

4

Jardin des Amandiers

205 rue de Cheng du, 34070 Montpellier

2006

Mixte

5

Jardin de Magnol

Rue de Las Sorbes, 34000 Montpellier

2011

Partagé - éducatif

6

Jardin du Père Bonnet

Rue du père Bonnet, 34000 Montpellier

2010

Partagé

7

Jardin de la Carriera

Rue Louis Pergaud, 34080 Montpellier

8

Jardin Jupiter

510 avenue de Barcelone, 34080 Montpellier

2010

Partagé

9

Jardin de la Roseraie Sainte Odile

16 rue Saint Vincent de Paul, 34000 Montpellier

2011

Partagé

10

Jardin Saint Martin

Rue Jean Vachet, 34000 Montpellier

2005

11

Jardin du Parc Rimbaud

Rue Saint-André-de-Novigens, 34000 Montpellier

31

Sur la base des travaux de recherche de P. Scheromm (2011), des recensements municipaux (www.montpellier.fr), et des entretiens.

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12

Jardin de la résidence de la Pompignane

Rue Willy Klein, 34000 Montpellier

13

Jardin Mélina Mercouri

842 rue de la Vielle-Poste, 34000 Montpellier

2005

14

Jardin de la cité Lemasson

Boulevard Pedro de Luna, 34000 Montpellier

2010

15

Jardin de Supagro

Rue de Las Sorbes, 34000 Montpellier

2007

16

Jardin de la Colombière

Avenue Charles Flahault, 34090 Montpellier

17

Jardin de l’université de lettres (III)

Route de Mende, 34000 Montpellier

18

Jardin de l’université des sciences (II)

Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier

2010

Partagé

701 rue de Malbosc, 34000 Montpellier

2011

Partagé

1 rue du marché aux bestiaux, 34000 Montpellier

En construction

Partagé

19 Jardin de Malbosc (Verpopa)

20

Jardin Frédéric Chopin

Mixte

Partagé

Partagé

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Annexe n°2 : Personnes enquêtées :

Les personnes pionnières enquêtées, E. Basset, 2013 :

Fonction de la personne enquêtée

Nom du jardin

Jardin Clémenceau Jardin de la Cavalerie Jardin du Père Soulas Jardin de Magnol Jardin du Père Bonnet

Nom de la personne enquêtée

Trésorière de l’association PAVé Chef de projet de l’association Mareschal Directrice de l’animation du village du Père Soulas Animateur environnement à Terre Nourricière Membre de l’association du Père Bonnet

Christiane GUIOT Caroline MILLOT Catherine VIGOUREUX Benjamin DEVAUX « Enrique »

Les jardiniers enquêtés, E. Basset, 2013 :

Nom du jardin

Jardin Clémenceau

Jardin de la Cavalerie Jardin du Père Soulas

32

Nom de la personne enquêtée32

Age

Profession

Date d’entrée dans le jardin

Frédéric

Résultat non disponible

Sans emploi (photographe)

2011

Philippe

52 ans

Architecte

2012

Madeleine

84 ans

Retraitée

Résultat non disponible

Sabrina

50 ans

Guillaume

36 ans

Claudine

65 ans

Retraitée

2012

Christian

Résultat non disponible

Secrétaire

Résultat non disponible

Agent administratif aux PNF Sans emploi (informaticien)

2005 2011

Des pseudonymes ont été attribués

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Annexe n°3 : Guide d’entretiens informatifs, E. Basset, 2013 :

« LE JARDINAGE PARTAGE : PRATIQUES, PERCEPTIONS TRANSFORMATIONS »

~

JUIN-JUILLET 2013

GUIDE D’ENTRETIEN ENTRETIENS INFORMATIFS Date : Heure : Nom du jardin : Type de jardin : Nom de la personne enquêtée : Sexe de la personne enquêtée : Rôle dans le jardin de la personne enquêtée : 1- Quand le jardin a-t-il été crée ? Selon quelle initiative, et pourquoi ? Comment a-t-il été découpé, et comment le terrain a-t-il été choisi ? Y’avait-il beaucoup de jardiniers au début ? 2- Vous êtes présent sur ce jardin depuis le début ? Quel est votre rôle ? 3- Comment le jardin a-t-il évolué ? Y’a-t-il eut des moments marquants dans ce jardin ? (parcellisation, crise interne, changement d’organisation… ?) Parler moi des difficultés, des points positifs, des points négatifs. 4- Comment ces changements ont été vécus par les jardiniers ? Comment avez-vous géré ces difficultés ? 5- Que pouvez-vous me dire sur les relations avec la mairie ? Et sur les relations entre les jardiniers et l’association ? 6- Parlez-moi de l’ambiance du jardin, du rapport des jardiniers entre eux. Des difficultés des jardiniers (dans le jardinage et dans leur rapport aux autres). Tensions / Bonnes ententes ? 7- Qui sont les jardiniers ici ? Combien sont-ils ? Ce sont tous des citadins ? Habitent-ils dans le quartier ? Pourquoi viennent-ils ? 8- Est-ce que les jardiniers étaient novices avant de venir ici ? Quel était leur rapport au jardinage ou à l’agriculture ? Comment les gens apprennent le jardinage ici ? 9- Produisez-vous beaucoup ? Pourquoi ces légumes / ces fleurs ? Que faites-vous de la production ? 10- Comment est organisé le jardin ? (Prises de décisions, réunions, participation des jardiniers, gestion de la/des parcelles…)

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Annexe n°3 : Guide d’entretiens compréhensifs, E. Basset, 2013 :

« LE JARDINAGE PARTAGE : PRATIQUES, PERCEPTIONS TRANSFORMATIONS »

~

JUIN-JUILLET 2013

GUIDE D’ENTRETIEN ENTRETIENS COMPREHENSIFS

Date : Heure : Nom du jardin : Type de jardin : Date de création du jardin : Nom de la personne enquêtée : Sexe de la personne enquêtée : Age de la personne enquêtée : Catégorie socio-professionnelle de la personne enquêtée :

MOTIVATIONS - Avant – « Pourquoi jardinez-vous ici ? » 1) « Pourquoi avez-vous décidé de venir jardiner ici ? Qu’est ce qui vous a attiré ? Comment cela s’est passé pour vous ? » 2) « Quand avez-vous commencé à venir cultiver dans ce jardin ? Comment l’avez-vous connu ? Avec qui avez-vous pris contact la première fois ? Etes-vous du quartier ? » 3)

« Etait-ce la première fois que vous vous engagiez dans un jardin ? Aviez-vous eut d’autres expériences dans le jardinage ou l’agriculture ? Qui vous a appris à jardiner ? »

4) « Vous imaginiez quoi en venant ici ? Vous pensiez que le jardin allait vous apporter quoi ? Quelles étaient vos attentes vis-à-vis du jardin ? » 5) Si le jardinier parle de la nature : « Quel était votre rapport à la nature avant de vous engager dans ce jardin ? » (pratique familiale, bagage en nature) « Parlez-moi de son évolution ».

PROCESSUS D’EVOLUTION – Pendant – « Comment pratiquez-vous ce jardin ? » 6) « Qu’est ce que vous cultivez ? Pourquoi ? Comment ? (Agro écologie, irrigation… ?) Et pourquoi ces choix d’agriculture ? Mangez-vous tout ce que vous produisez ? Quelles sont vos autres sources d’approvisionnement en fruits et légumes ? »

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7) Cas des jardins mixtes : « Cultivez-vous aussi des choses sur la parcelle partagée ? Pourquoi ? » 8) Cas des jardins partagés : « Préféreriez-vous que l’espace soit parcellisé ? Pourquoi ? » 9) « Parlez-moi de l’ambiance dans le jardin, de vos relations avec les autres jardiniers (les connaissezvous bien ?) et avec l’association (Qui décide de l'allocation des lopins, des plantations, engrais etc. et sur quels critères ? Celles-ci sont bien reçues par tous ?) ». 10) « Etes-vous satisfait de vous être inscrit dans le jardin ? Ou avez-vous eut des déceptions ? Y’a-t-il eut des surprises et des choses auxquelles vous ne vous attendiez pas ? Comment les avez-vous surmontées ? » (Idée de rupture – faire le lien avec les difficultés du jardin qui ont été raconté lors des entretiens historiques). 11) « Avez-vous eut des difficultés ? (A vous insérer ? A cultiver la terre ?) Lesquelles ? » (Difficulté dans le rapport aux autres et à l’organisation démocratique, et dans le rapport à l’agriculture) « Comment les avez-vous surmontées ? » 12) « Le jardinage est lié pour vous à une idéologie, à des valeurs particulières ? Laquelle/Lesquelles ? »

TRANSFORMATION & PERCEPTIONS – Après – « Si vous deviez faire un bilan… » 13) « « Pouvez-vous me dire ce que le jardinage ici vous apporte ? Qu’est ce que vous avez appris dans ce jardin ? » (relations sociales, pratiques agricoles… ?) 14) « Est-ce que vous pouvez me parler de l’impact que cette expérience a eu sur votre mode de vie ? » (Sur vos pratiques alimentaires ? Sur vos pratiques sociales ?) « Et est ce que vous pouvez me parler de l’impact que cette expérience a eu sur votre rapport à la nature ? » 15) « Quelle est la place de la nature dans votre vie aujourd’hui ? Parlez-moi de votre pratique de la nature. Fréquentez-vous d’autres activités agricoles ? » 16) « Connaissez-vous les autres jardins collectifs de Montpellier ? Lesquels ? » 17) Perspective : « Comment auriez-vous envie que votre engagement dans le jardin évolue ? » (sur le plan de l’agriculture, de votre rapport aux autres…) « Avez-vous des projets dans ce jardin ou pour ce jardin (pour le collectif) ? » 18) « Qu’est ce que représente le jardin pour vous ? Selon vous qu’est ce qui est le plus important dans le jardin ? Pouvez-vous me dessiner le jardin ? A-t-il toujours été comme ça ? Qu’est ce qui a changé ? Pourquoi ces transformations ? »

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Annexe n°4 : Dessins de jardiniers :

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