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À propos Au fil de l’actualité

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La nausée, les mains sales et l’indifférence

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L’affaire divise. Elle déchire, sème la discorde, bat le pavé depuis des mois. Le paysage politique, ses clivages, ses alliances, ses jeux et ses codes s’en trouvent mis cul par-dessus tête. Comment s’est-on laissé prendre à ce piège? Comment a-t-on pu laisser enfermer tout un ensemble de problématiques sanitaires et politiques complexes dans une seule seringue? La question fera le bonheur des générations à venir de politistes, sociologues et psycho-analystes. L’auteur de ces lignes, qui n’est ni médecin, ni épidémiologiste, ni charlatan, ni même candidat à la présidence de la République, se gardera bien de donner à qui que ce soit des leçons de savoir-vivre en pandémie. Mais, au vu des diverses manifestations dites «antivax» qui perdurent, il pense utile de procéder à, comme le chantait joliment Jackie Quartz, «juste une mise au point». Sans prétention, à la va-vite, dans le désordre. Commençons donc par rappeler que le «moi, je fais ce que je veux» n’a que peu de rapports avec la liberté. Rappel nécessaire au vu de la capacité qu’ont les extrêmes droites à l’instrumentaliser au service de n’importe quelle grogne, pourvu qu’elle vise le président de la République et agite les fantômes d’autres forces, obscures, invisibles et surtout… étrangères. Cette captation d’un air du temps empreint de dégagisme, de frustrations sociales et de détestations xénophobes a mis bas les masques dans les premières manifs antivax. Des individus ont ainsi pu défiler en manifestant fièrement ce vieil antisémitisme qui attribue aux juifs tous les malheurs du monde. À leurs côtés, on dénonçait « Big Pharma » – un anglicisme annonçant que l’ennemi vient d’ailleurs – sans jamais évoquer la nécessaire levée des brevets, ni mentionner une multinationale «bien de chez nous», Sanofi pour ne pas la nommer, dont les errements et leurs causes n’ont rien de bien mystérieux. En tout cas, pas pour nos lectrices et lecteurs… D’autres enfin, systématisaient d’audacieux parallèles entre les décisions sanitaires du gouvernement et la politique génocidaire du IIIe Reich. Pour citer Pierre Desproges, pour le même prix, on a La Nausée et Les Mains sales. Avec, en prime, l’indifférence de leurs voisins de manifestation. C’est là le plus préoccupant, car – faut-il le rappeler? – il ne suffit pas de vitupérer contre le gouvernement pour être fréquentable.

Comment a-t-on pu laisser enfermer tout un ensemble de problématiques sanitaires et politiques complexes dans une seule seringue?

Rappelons qu’il ne suffit pas de vitupérer contre le gouvernement pour être fréquentable.

Abhisek sAhA/mAxppp

Défiance: cherche vaccin, stop. Urgent, stop.

On a évidemment le droit d’être dubitatif vis-à-vis de vaccins relativement vite mis au point; troublé par leur multiplication rapide et surpris de ce que le corps médical discute de leurs usages en fonction de critères tels que l’âge. On peut préférer «attendre». Même si l’on ne sait pas trop quoi. Encore faut-il que ces interrogations acceptent de prendre en compte un train de certitudes: le Covid tue; sans attendre et massivement. En être porteur, c’est contribuer à sa diffusion. La vaccination, appliquée depuis plusieurs mois et dans de nombreux pays, n’a, elle, tué personne. Sans protéger à 100% de la maladie, elle en combat les complications mortelles; elle contribue à alléger les charges hospitalières et elle constitue, à terme, le seul chemin vers un «après» encore très hypothétique du fait, justement, des inégalités vaccinales dans le monde. Ces simples faits fondent l’adhésion majoritaire à la politique de vaccination. D’où viennent alors la vivacité et la ténacité d’une opposition qu’on ne saurait, sauf à s’aveugler, ramener à sa seule dimension d’extrême droite? Pour l’essentiel, le refus procède d’une méfiance totale vis-à-vis de l’exécutif et de son management de crise, pur produit d’une tradition autoritaire perpétuée par tous les gouvernements précédents. On sait – ou l’on devrait savoir – que depuis l’affaire du sang contaminé, quelque chose s’est fêlé entre l’opinion publique et les