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Le syndicat redresseur de torts
Le 1er juillet 2020 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg), qui contraint les entreprises de cent travailleurs ou plus à effectuer une analyse de l’égalité salariale. Elles avaient un délai d’une année pour y procéder, un an supplémentaire pour faire vérifier leur analyse par un organe indépendant et encore une année pour communiquer les résultats, par écrit, à leur personnel. Autrement dit, l’entier du processus est arrivé à échéance le 30 juin de cette année et le Conseil fédéral devra rendre un rapport d’évaluation en 2029 au plus tard; un rapport intermédiaire pourrait intervenir en 2025.
Ces nouvelles normes sont le fruit d’un compromis qui ne satisfait à vrai dire pas grand monde. Lors de la procédure de consultation, les milieux patronaux ont critiqué une nouvelle contrainte bureaucratique, fondée sur la conviction erronée que les entreprises pratiquent régulièrement la discrimination salariale. Les syndicats, la gauche et les milieux féministes ont pour leur part fustigé le caractère insuffisamment sévère de la nouvelle législation et en particulier l’absence de sanctions. Se sentant apparemment habilité à pallier cette «carence», le syndicat Travail.Suisse annonçait fièrement, le 1er juin dernier, la mise en ligne d’une «liste noire contre la discrimination salariale» sur le site respect8-3.ch. Les employés y sont invités à dénoncer anonymement les entreprises qui n’auraient pas respecté leur obligation de communiquer les résultats de l’analyse à leur personnel. Qu’on se rassure: les dénonciations feront l’objet d’une «enquête très précise». Seules les entreprises qui ne réagiront pas ou ne fourniront pas les explications demandées figureront sur la liste. «La liste noire permet de sanctionner les entreprises qui enfreignent la loi et qui, à ce jour, n’avaient aucune conséquence négative à craindre.»
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Ainsi, les têtes pensantes de Travail.Suisse appellent à la délation, prétendent exiger des explications d’entreprises qui n’ont aucun compte à leur rendre et instituent des «sanctions» que la loi ne prévoit pas et dont le législateur n’a, pour l’heure, précisément pas voulu. De tels procédés sont consternants.
La question d’un renforcement de la LEg reviendra à l’ordre du jour à plus ou moins brève échéance, le Conseil national ayant accepté une motion en ce sens.
En attentant, on souhaiterait que Travail.Suisse fasse preuve d’un minimum de tenue et cesse de jouer les redresseurs de torts.