GUIDE DES ARCHITECTURES XXe SIECLE DE CASABLANCA

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Casablanca est « un livre à ciel ouvert de l’architecture de la première moitié du XXe siècle », comme cela a déjà été si bien écrit. En effet, cette métropole africaine a constitué un véritable laboratoire des mouvements architecturaux internationaux des années 1910 aux années 1960. L’art-déco, le néo-marocain, le Bauhaus, le fonctionnaliste et autre style brutaliste ont pu s’y développer avec une audace et sur une échelle incontestablement exceptionnelles dans le monde, ainsi que l’atteste l’ensemble des spécialistes. Ce premier guide, digeste et pratique, présentant plus d’une centaine de bâtiments représentatifs, s’adresse aussi bien aux étudiants et chercheurs qu’au grand public amoureux ou simplement curieux de cette cité à la physionomie si particulière.

GUIDE des architectures

du XXe siècle de

guide des architectures du XX e siècle de casablanca

Le Guide des architectures du XXe siècle de Casablanca est un ouvrage conçu et réalisé par Casamémoire, association pour la sauvegarde du patrimoine architectural du XXe siècle au Maroc, dans le cadre du projet Mutual Heritage.

CASABLANCA par c a s a m é m o i r e

éditions r e v u e   m a u r e


GUIDE des architectures

du XXe siècle de

CASABLANCA

direction générale abderrahim kassou

par casamémoire

direction éditoriale jacqueline alluchon coordination et cartographie aïcha el beloui ont participé à la réalisation de cet ouvrage florence michel-guilly et laure augereau direction artistique jamal boushaba réalisation graphique graphely impression somadi, décembre 2013 dépôt légal 2013 MO 3789 isbn 978-9954-501-87-0 © revue maure

crédit photos fonds photographique de casamémoire sauf jean-louis cohen (p. 28, 54 et 94) et bernard delgado (p. 51, 71, 104, 108, 109 et 111)

éditions

revue maure


sommaire introduction / les raisons d’une sélection / p. 6 introduction, suite / des hommes nouveaux pour une ville nouvelle / p. 8 carte de l’ancienne médina / p. 11 ancienne médina / une médina pas si ancienne que ça / p. 12 carte de casablanca / p. 20 carte de casablanca, secteur 1 / p. 39 carte de casablanca, secteur 2 / p. 64 carte de casablanca, secteur 3 / p. 95 index des architectes / p. 124 index des bâtiments / p. 126 bibliographie / p. 128


introduction / les raisons d’une sélection Casablanca est « un livre à ciel ouvert de l’architecture de la première moitié du XXe siècle », comme cela a été déjà si bien écrit. En effet, cette métropole africaine a constitué une expérience urbanistique et un laboratoire des mouvements architecturaux internationaux des années 1910 aux années 1960, uniques (1). Produit par Casamémoire (association pour la sauvegarde du patrimoine architectural moderne au Maroc), dans le cadre du projet Mutual Heritage et avec le soutien de l’Union européenne, ce premier guide présente un échantillonnage varié d’une centaine de bâtiments, sélectionnés parmi des centaines d’autres, aussi dignes d’intérêt. Divers principes généraux ont présidé à cette sélection que d’aucuns pourraient juger subjective. En premier, ont été distinguées les constructions relevant de ce style néo-marocain emblématique des villes nouvelles du pays et caractérisé par une heureuse et originale synthèse entre l’architecture moderne cubiste et des arts traditionnels locaux revivifiés (2). Sont bien présents, également, quelques-uns des plus beaux fleurons du style fonctionnaliste et autre Steam line, appliqué à Casablanca dès la fin des années 1920, imprimant ainsi à la ville ce caractère avant-gardiste dont s’est largement faite l’écho la littérature internationale spécialisée de l’époque, mais dont l’intérêt nous paraît aujourd’hui sous-apprécié par le grand public, sans parler des autorités. Enfin, nous avons mis particulièrement l’accent sur cette architecture issue des nombreux programmes d’habitat social et de relogement populaire dont Casablanca fut précurseur, sous la forte impulsion de l’urbaniste, adepte de la Charte d’Athènes, Michel Écochard (3). Une architecture méconnue du public car difficilement accessible et peu séduisante au premier regard. A contrario, l’art-déco, dont nous montrons néanmoins de forts beaux exemples, peut paraître sous-représenté au regard de son importance, tant quantitative que qualitative, dans la ville. C’est que, malgré tout, grâce notamment à quinze ans d’action de sensibilisation de la part de Casamémoire, il semble qu’aujourd’hui cette esthétique soit connue et reconnue de beaucoup. C’est d’ailleurs pour ces mêmes raisons que le style dit néo-classique, pourtant participant tout autant à l’identité de la cité, est, à une exception près, absent de ce guide dont le but, rappelons-le, est de porter un premier éclairage, un coup de projecteur, sur une centaine de bâtiments ou ensembles parmi les plus remarquables que recèle cette vaste métropole. Quoique réduite, la place réservée à l’ancienne médina, dans ce guide consacré à l’architecture du XXe siècle, est

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significative de la position de Casamémoire vis-à-vis de ce legs. En effet, comme cela est explicité plus loin (4), la médina de Casablanca ne rentre pas dans le cadre décidé par les autorités du Protectorat pour les grands centres urbains marocains, fondés sur une nette séparation entre la ville traditionnelle et la ville nouvelle. Ici, l’ancienne médina fait partie intégrante du centre-ville. Plusieurs sources ont permis de rassembler les informations sur les bâtiments répertoriés dans ce Guide des architectures de Casablanca. La majorité des connaissances est fournie par l’ouvrage de référence de Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, Casablanca, mythes et figures d’une aventure urbaine, mais aussi par la publication, remarquablement documentée, sur l’œuvre des architectes Édmond Brion et Auguste Cadet, Architecture marocaine du XXe siècle, de Gislhaine Meffre (5). À ces sources bibliographiques, il convient d’ajouter le travail des équipes de Casamémoire : consultation des permis de construire conservés dans les archives de la Communauté urbaine de Casablanca et recherche sur le terrain. Un travail d’inventaire nécessaire au classement de la ville en tant que patrimoine national dans un premier temps, puis comme patrimoine universel par l’Unesco, dans un second temps. Des classements qui, selon l’association, sont seuls à même de constituer un rempart suffisamment solide contre les coups de boutoir incessants que subit actuellement ce patrimoine si riche – dans tous les sens du terme. En effet, la bataille ne sera gagnée que lorsque tous – promoteurs immobiliers, particuliers et autorités – seront convaincus de l’intérêt économique réel que représente la possession de ce patrimoine singulier à la résonnance internationale. Par ces temps de mondialisation, il s’agit là d’un atout culturel et touristique stratégique, non d’un poids. Le Guide des architectures du XXe siècle de Casablanca est une œuvre collective, certes, mais essentiellement portée par le talent, l’obstination et la passion de l’architecte casablancaise Jacqueline Alluchon, co-fondatrice de Casamémoire. Qu’elle sache ici, la reconnaissance qu’en éprouvent ses collègues et amis de l’association.

l’éditeur

1, 2 et 3/ lire introduction, suite, p. 8 4/ lire ancienne médina, p. 12 5/ voir bibliographie, p. 128

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introduction, suite

des hommes nouveaux pour une ville nouvelle

A l’aube du XXe siècle, Casablanca est une petite cité d’une cinquantaine d’hectares, entourée d’une ceinture de remparts et comptant quelque 20 000 habitants (1). Dès avant l’instauration formelle du Protectorat en 1912, la population européenne, une des plus importantes du pays, s’était livrée à une spéculation anarchique sur les terrains extra-muros. L’urgence d’une réglementation s’est vite imposée aux yeux des autorités protectorales. Après les premiers plans de géomètres, dont Tardif qui dessine l’emprise de la ville nouvelle circonscrite par le boulevard Circulaire (actuels boulevards de la Résistance et Zerktouni), Henri Prost est nommé à la tête d’un Service spécial d’architecture et des plans des villes, premier du genre dans l’histoire de l’administration française. Il présente au général Hubert Lyautey, son premier plan pour Casablanca, en 1915. S’inspirant des récentes expériences américaine et allemande en la matière (zonage, occupation des sols, gabarits, alignement, remembrement), Prost va, en l’espace des huit ans que durera sa mission au Maroc, inscrire définitivement Casablanca dans l’histoire des villes modernes, mettant en œuvre pour cette future capitale économique, dotée d’un grand port, une réglementation originale et innovante, notamment en matière de négociation entre les autorités municipales et les propriétaires fonciers. On parlera de Casablanca comme d’« une ville pragmatique ». La réglementation établie par Henri Prost restera en vigueur jusqu’à l’arrivée, en 1947, de l’urbaniste Michel Écochard. Ce dernier propose, en 1951, un plan d’extension linéaire, le long de la côte, devant relier les deux pôles portuaires de Casablanca et Mohammedia, bordé par la création de l’autoroute Casa-Rabat. Il réalise la percée de l’actuelle avenue des FAR. Relançant le projet d’un quartier des affaires proche du port, il fait construire sur la nouvelle avenue, en « dents de peigne », de nouveaux buildings. Jusqu’en 1952, date de sa démission forcée, Michel Écochard mènera la bataille du logement social face aux intérêts du grand capital. Ses plans de zoning resteront néanmoins en vigueur jusqu’à la fin des années 1970. Les idées d’Écochard exerceront une grande influence sur la nouvelle génération d’architectes qui entrent en scène à l’Indépendance. La réglementation de 1952 sera appliquée jusqu’en 1984, date de la publication du schémadirecteur élaboré par le Cabinet Pinseau. Les promoteurs de ce qui deviendra, en moins de deux décennies, la plus grande agglomération du Royaume, sont d’ordre public et privé. Le premier marque la ville par une série d’équipements : hôpitaux, espaces verts, écoles, etc. Mais c’est la place Administrative, entourée de ses bâtiments officiels (la Poste, le Tribunal, l’Hôtel de ville, la Banque d’État,…) qui représente la « matrice » structurelle de la nouvelle ville.

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Lyautey a veillé personnellement à lui donner ce caractère néo-marocain auquel il tenait tant. Aux volumes cubistes et façades sobres empruntés à l’architecture des villes makhzen, à l’intégration systématique des éléments des arts décoratifs traditionnels, il convenait, selon le premier Résident général au Maroc, d’associer « les grandes ordonnances architecturales de France des XVIIe et XVIIIe siècles ». Les promoteurs du secteur privé sont, bien évidemment, les grandes entreprises telles les banques, assurances, dépositaires de marques d’automobile, mais également de riches particuliers. Ces derniers sont Européens, mais plus souvent Israélites d’Afrique du Nord, auxquels il faut ajouter quelques grands notables musulmans, tous attirés par la croissance prodigieuse de la ville. Leurs commandes, tant pour les immeubles de rapport que pour les habitations privées, montrent un goût étonnant pour les architectures modernes et une grande confiance dans l’essor de la mégapole en devenir. Parmi ces promoteurs, on trouve de nombreux architectes et entrepreneurs en bâtiment. Les architectes viennent, eux aussi, d’Europe (France, Italie) et d’Afrique du Nord (Tunisie, Algérie). Encouragés par l’atmosphère d’innovation qui règne dans la cité, ils vont pouvoir réaliser des édifices d’envergure, sur une bien plus grande échelle et avec bien plus de liberté de style et d’orientation que cela n’aurait été possible dans la « vieille Europe » de l’entre-deux-guerres. Ils trouveront dans l’architecture marocaine traditionnelle la correspondance avec le mouvement cubiste (toit-terrasses, volumes dépouillés) et, dans les arts décoratifs locaux, les éléments d’une ornementation propre à l’art-déco (zellij, fer forgé, plâtre sculpté). En étudiant, avec science, l’habitat traditionnel et l’organisation des villes, ils sauront construire les nouveaux quartiers, tels les Habous (2). Plus tard, après la Seconde guerre mondiale, de jeunes architectes expérimenteront de nouveaux modes d’habitat, en mettant en pratique, notamment, les principes nouveaux du Mouvement moderne. La réputation de modernité de Casablanca, se transformera, dès lors, en tradition. Les architectes de Casablanca trouveront à leur disposition des entrepreneurs, souvent d’origine italienne, d’excellent niveau. Maîtrisant un savoir-faire remarquable en matière de mise en œuvre, ils portent très haut le degré de perfection des finitions (maçonnerie, sols en granito poli, lambris et marches en marbre). Ces entrepreneurs seront secondés par les mâallems et artisans marocains dans la mise en œuvre des matériaux traditionnels : zellij, bois sculpté, plâtre ciselé, tuiles vertes. Très tôt, ils utilisent les nouvelles techniques de béton armé, à la suite des pionniers en la matière, les frères Perret, lesquels ont marqué leur passage à Casablanca. 1/ lire ancienne médina, p. 12 2/ voir p. 110

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ancienne médina

une médina pas si ancienne que ça Entre les VIIIe et XIVe siècles, la cité d’Anfa connaît un passé aussi riche que heurté (1). En 1469, elle est complètement rasée par les Portugais. Après une éclipse de trois siècles, le cheflieu, rebaptisé Dar El Beida, renaît sous l’impulsion du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah, dans le cadre de sa politique de fortification des ports de la côte atlantique. Le sultan relève la muraille d’enceinte, fait construire une mosquée, une medersa, un hammam, des fours et des moulins. Il fait venir de Meknès une centaine de soldats Boukharis et installe un contingent de Berbères Hahha venus du Souss. En 1830, Moulay Abderrahmane ouvre le port au commerce extérieur. L’avènement de la navigation à vapeur favorise les exportations de blé et de laine et les importations de produits manufacturés. En 1907, date du débarquement des militaires français, Casablanca est une cité d’une cinquantaine d’hectares, entourée d’une ceinture de remparts et comptant quelque 20 000 habitants. Elle est divisée en trois quartiers : le Tnaker, au nord-ouest, occupé par les ruraux vivant dans les noualas (huttes de roseaux) ; le Mellah, au sud-ouest, aux constructions modestes, réservé à la population israélite, dans le périmètre défini par le sultan Moulay Slimane au début du XIXe siècle ; enfin, la partie la plus structurée de la cité, le long du port et sur la rive sud-est de la muraille où s’ouvre la porte Bab Souk vers l’intérieur du pays. C’est là que se concentrent les bâtiments occupés par les étrangers (consulats, agences bancaires, hôtels et pensions), les maisons édifiées par les négociants marocains ainsi que les équipements publics. Rapidement, la ville administrée par les militaires français et espagnols se densifie. Les nouvelles mosquées et kissariat, les maisons des riches Marocains, les écoles – dont celles des Franciscains espagnols et de l’Alliance israélite universelle – , le cercle et l’église espagnols, le club international d’Anfa, les synagogues, les quinze consulats – dont les plus importants sont ceux d’Espagne, d’Angleterre, d’Allemagne et de France – , témoignent du mélange des cultures dans cette médina, à la population métissée et entreprenante. Cette médina se distingue des cités anciennes, préservées et volontairement séparées des villes nouvelles érigées par les services de l’urbanisme du Protectorat. Avec ses rues, ses places, l’esthétique de ses constructions, elle ressemble aux villes côtières, comme Tanger ou Essaouira, ouvertes au commerce extérieur, où se sont installés les étrangers dès le XIXe siècle. Contrairement aux constructions aveugles des médinas de l’intérieur du pays, ici, la plupart des façades présentent des fenêtres, porte-fenêtres et balcons ouvragés, tandis que les intérieurs conservent souvent des accents plus conformes à la tradition, avec patios, salons marocains et lambris d’azulejos. On y retrouve les éléments mélangés des styles du début du siècle : le néo-mauresque, le néo-

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immeuble dit « palais toscan ». début du XXe siècle. boulevard de la corniche

classique, l’art-nouveau et l’art-déco qui seront utilisés à plus grande échelle dans la ville nouvelle. La médina se videra peu à peu des grandes familles marocaines et des étrangers qui participent à l’essor de la ville nouvelle. La densité étouffante du Tnaker va provoquer son extension à l’extérieur, à l’ouest, tandis que les habitants du Mellah, en partie démoli en 1930, vont occuper le quartier Lusitania, proche. Depuis les années 2000, sur la façade longeant le port, quelques aménagements à vocation touristique ont vu le jour, tels les restaurants la Sqala et le Rick’s café. La majorité des habitants, environ 50 000, souffrent de l’insalubrité et du manque d’équipements de cette médina qui constitue toujours le point de chute des migrants ruraux : ils y trouvent leurs premiers emplois à travers des réseaux constitués. Alors qu’une opération d’envergure, la Marina, vient border sa face nord-est, l’ancienne médina, berceau de Casablanca, a reçu, en août 2010, la visite historique du roi Mohammed VI qui lance le projet ambitieux de sa réhabilitation. 1/ lire histoire de casablanca, des origines jusqu’à 1914. andré adam. faculté des lettres d’aix-en-provence. editions orphys, 1968

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bastion de la sqala. fin du XVIIIe siècle boulevard de la corniche

En 1770, le sultan Sidi Mohamed Ben Abdallah entame une politique de protection des côtes marocaines contre les incursions européennes en particulier portugaises.

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Le sultan édifie la ville d’Essaouira et renforce les défenses existantes des ports de l’Atlantique. À Casablanca, il restaure les murailles et construit plusieurs bastions dont seul subsiste celui de la Sqala. En le traversant, les habitants de la médina ont accès au port, passage moins fréquenté depuis l’aménagement d’un restaurant sur son site.

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jamaâ ould el hamra. XIXe siècle boulevard de la corniche

Cette importante mosquée a été construite au XIXe siècle, face au port. Seule une de ses portes date de la fin du XVIIIe siècle. Ses toits à deux pentes, récemment recouverts de tuiles vertes font référence aux nefs de la Qaraouiyine à Fès. Plus modestes, la mosquée Jamaâ Souk, au minaret orné de zellijs verts, située au sud, proche de la nouvelle Tour de l’Horloge, et la mosquée Jamaâ Chleuh, accessible par la rue de Salé, à partir de Bab Marrakech, datent de la même époque.

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synagogue ettedgui. 1935 rue de la mission architecte : georges buan

Elle a été reconstruite après le bombardement des Alliés de novembre 1942. Bien que toutes deux en dehors du Mellah, la synagogue ettedgui et celle des Souiriyine (77, rue de Rabat), ont été les plus importantes de l’ancienne médina. La communauté israélite fréquente toujours la maison de Rabbi Haïm Pinto, rue Mohamed-el-Hansali, et sa tombe dans le cimetière juif, situé hors les murs, à l’ouest, proche de Bab Marrakech. La restauration de la synagogue Ettedgui est inscrite dans le projet de réhabilitation de l’ancienne médina.

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ancien consulat d’allemagne. c.1900 Cette demeure construite par le Makhzen a été cédée en 1902 à l’Allemagne pour y installer son nouveau consulat. Par le traité franco-allemand de 1919, le bâtiment redevient propriété du Makhzen et est administré alors par le Pacha Tazi. Le deuxième étage, probablement surélevé dans les années trente, est orné d’un panneau sculpté mélangeant art-déco et arabesques néo-mauresques. À l’intérieur, le décor de plâtres ciselés, d’azulejos et de bois travaillé, apparente cette construction aux maisons bourgeoises citadines marocaines du XIXe siècle. Le bâtiment abrite aujourd’hui une école primaire. Au début du XXe siècle, les quinze consulats de la médina témoignent de la diversité de l’immigration européenne.

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place ahmed-el-bidaoui, hôtel central. fin XIXe siècle Cette place (ex-Amiral Philibert) fut créée, au début des années vingt, en démolissant les entrepôts qui l’encombraient, dégageant ainsi la façade de l’Hôtel Central, construit à la fin du XIXe siècle. Ce bâtiment, rénové, évoque les constructions modestes des petites villes méditerranéennes européennes de la même époque. Porte-fenêtres, balcons et terrasses offrent à ses clients une vue imprenable sur la mer et le port. À l’angle de la rue de la Douane, se trouve le petit immeuble où étaient installés les services douaniers. De l’autre côté de la place, une auberge de jeunesse a été aménagée dans les années soixante. Séparée de la Porte de la Marine par la voie ouverte à la circulation, sur le rempart, une ancienne maison récemment convertie en Musée de la Douane, abrite depuis septembre 2010, le siège du comité de pilotage du projet de réhabilitation de l’ancienne médina.

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Mode d’emploi

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Cet ouvrage comprend cinq cartes de repérage : la carte de l’ancienne médina ; la carte générale de Casablanca quadrillée où sont indiqués par des points rouges les bâtiments décrits ; trois cartes de trois secteurs agrandis du centre-ville où les bâtiments sélectionnés sont repérés par des numéros. Ces informations sont reportées en abrégé, en bas de page. Les noms des rues sont ceux que l’on trouve sur les cartes actuelles disponibles dans le commerce. Les dénominations des bâtiments correspondent généralement aux noms des propriétaires ou promoteurs initiaux, ainsi qu’ils sont classés dans les archives de la ville.

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en bas, photo d’époque.

cité hay hassani-derb-jdid. 1958/1962

route côtière d’azemmour, bd. de la grande-ceinture et bd. ibn-sina architectes : élie azagury (1918/2008) et dominique basciano (1911/2011)

Élie Azagury est chargé du plan d’aménagement d’un quartier destiné à 25 000 habitants, sur un terrain où étaient déjà regroupés, depuis les années quarante, plusieurs bidonvilles. Il s’agit d’une des premières grandes opérations de logements depuis l’Indépendance. L’architecte s’attache à diversifier l’offre, proposant des logements individuels à patio sur un ou deux niveaux regroupés selon plusieurs typologies, ainsi que des immeubles collectifs de R + 1 à R + 4, avec des appartements de deux pièces, pour les plus modestes. L’assemblage des cellules et la répartition des immeubles définissent une grande diversité d’espaces publics et de voies hiérarchisées. Malgré les surélévations, les modifications et la privatisation d’espaces publics transformés en jardinets, le quartier conserve une forte identité. D’autres architectes participent à cette opération d’envergure, notamment pour la construction des équipements, tels Zévaco, Gourdain, Lévy, J. Suraqui. Le nouveau quartier, édifié sur la trame 8 x 8, établie par Écochard (voir p.8), est à comparer dans son évolution réussie aux cités de Hay-Mohammedi (Carrières-Centrales), Sidi-Othman, etc. (voir p.119).

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situation : B/8

photo d’époque.

villa du docteur b. 1962

angle bd. du lido et route d’anfa-supérieur, aïn-diab architecte : wolfgang ewerth (1905)

Objet de curiosité, cette villa en forme de galette est devenue un élément de repère pour les Casablancais qui l’appellent familièrement la villa « camembert ». Située au sommet de la colline d’Anfa, elle jouit d’un panorama exceptionnel sur l’océan grâce à une façade circulaire entièrement vitrée, protégée de stores à lamelles horizontales. Construite sur de minces pilotis, elle semble flotter au-dessus du jardin. L’intérieur, au cloisonnement minimal, s’organise autour d’un patio circulaire. Une vasque étirée, posée devant l’entrée, confirme les références formelles de l’époque : l’architecture de Niemeyer au Brésil et l’iconographie des bandes dessinées des années 60. Le mur de clôture, bas, en pierres brutes, rappelle ceux séparant les champs de la région de Doukkala. Cédée récemment par ses propriétaires, sa vocation serait heureusement culturelle. Actif à Casa jusqu’en 1975, Ewerth est essentiellement l’auteur de villas dont celle de Serge Varsano, en 1954, à l’esthétique californienne. Située à Sidi-Maârouf, elle est malheureusement invisible depuis la route.

situation : C/5

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cité des jeunes. 1952

cité el-hank. 1955/1960

av. de l’atlas, quartier du c.i.l. architectes : robert maddalena (1916/1997), léon aroutcheff (1915/1977), robert jean (1916/1997), georges candilis (1913/1995) et shadrach woods (1923/1973)

bd. de la corniche et av. du cimetière architecte : j.h. laure

La Cité des Jeunes est une société anonyme, financée par l’État, le patronat et le CIL (Comité interprofessionnel du logement). Son objet est la réalisation de logements pour célibataires ou jeunes ménages européens des classes populaires. Ce quartier, constitué essentiellement de petites villas destinées à la classe moyenne, accueille ainsi une forme de mixité sociale. La cité est composée de barres orientées sud et est pour les pièces à vivre, distribuées à l’arrière par des coursives et des escaliers de béton. Ceux-ci, détachés des bâtiments, créent une animation spatiale grâce à leurs différentes structures. La disposition des sept barres de logements ménage, en son centre, de vastes espaces plantés, inaccessibles aux voitures. Au rez-de-chaussée de l’un des immeubles, des locaux sont réservés à des services sociaux, complétés par un petit terrain de sport. La cité continue à vivre dans un quartier en pleine mutation où la hausse des prix du foncier conduit souvent à la transformation des villas.

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situation : D/8

Dans les années cinquante, cette zone, face à la mer, allant du boulevard Moulay-Youssef au phare d’El-Hank, considérée comme insalubre, sera affectée à l’habitat israélite. Il s’agit de reloger les habitants de l’ancien Mellah qui va être démoli. En 1950, un premier immeuble d’une centaine de logements est construit par Louis Zéligson, encore aujourd’hui isolé face à la cité des Mokhaznis. En 1951, un ensemble plus important est réalisé par l’équipe Rousseau, Zéligson, Lucaud, Morandi et Aroutcheff, boulevard Moulay-Youssef, devant la Mosquée Hassan II. Entre 1955 et 1960, 37 barres, soit 3000 logements de 2, 3 et 4 pièces, vont constituer le cœur de la cité d’ElHank, conçues par J.H. Laure, chef du Bureau des bâtiments administratifs à Rabat. Elles tournent le dos à la mer, ainsi seules les pièces d’eau et les coursives d’accès sont exposées aux vents. Le confort est réduit au minimum : les accès se font directement dans ce qui est appelé « entrée-repas-cuisine », les salles d’eau ne possèdent qu’un w-c et un lavabo. La population israélite n’a, en réalité, pas occupé ces logements, lui préférant le quartier Lusitania.

situation : E/2

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photo d’époque.

poste transformateur. 1952

groupe scolaire idrissi, ex-racine. 1952

bd. franklin-roosevelt architecte : robert maddalena (1916/1997)

rues ahmed-gharci, ali-ibn-harazm et ibnou-essannâani architectes : jean-françois zévaco (1916/2003) et dominique basciano (1911/2011)

L’architecte se livre ici à un véritable exercice de style, à l’échelle du bâtiment, illustrant le vocabulaire des années cinquante. La forme légèrement ovoïde du bâtiment est soulignée par les angles adoucis du retrait carrelé qui semble soulever le bâtiment au-dessus du sol. De petits hublots piquent la surface entière d’une façade dense, percée de deux accès opposés, aux embrasures arrondies, et creusée, sous la toiture débordante, d’une mince bande périphérique d’ouvertures vitrées. Il faut souligner la qualité de la mise en œuvre des volumes, sans angles droits. La Lydec (gérant de la distribution de l’eau et de l’électricité à Casa) entretient soigneusement ce petit bâtiment ainsi que le square qui l’entoure. Robert Maddalena est aussi l’auteur, avec Raymond Lucaud, de la Foire internationale de Casablanca, en 1951, boulevard de Tiznit.

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situation : E/5

La vague de construction scolaire de l’après-guerre offre l’occasion pour une jeune génération d’architectes d’explorer des solutions innovantes, issues de réflexions sur l’éducation : circulations protégées, cours généreuses, éclairage mixte. Ici les portiques de distribution sont surbaissés et au-dessus, l’éclairage est filtré à travers un claustra de tubes de ciment. L’autre façade des classes est constituée de lames verticales posées de biais, si bien que sa perception varie selon le point de vue : transparente pour le maître d’école, aveugle pour les élèves. Il s’en dégage une atmosphère propice à l’étude, faite d’un dosage subtil entre ombre et lumière. Le programme comprend : une école de garçons, une de filles, une maternelle et un immeuble de douze appartements, où on retrouve le même vocabulaire architectonique, en particulier celui des claustras des circulations situées au nord. La structure spectaculaire, en béton, dégage un préau abrité, au rez-de-chaussée, sur l’autre façade. Faute de crédits, l’école ne bénéficie pas d’un entretien suffisant.

situation : F/5

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photo 1991.

villa sami suissa, chez paul. 1947/1948

école théophile gautier. 1960/1963

angle bd. abdelkrim-khattabi et bd. moulay-rachid architectes : jean-françois zévaco (1916/2003) et paolo messina (1914)

bd. bir-anzarane et rue el-kadi-iass architecte : jean-françois zévaco (1916/2003)

Cette villa, implantée dans l’axe d’une parcelle triangulaire, à la limite du quartier résidentiel d’Anfa, dominant la ville, est rapidement surnommée « la pagode » ou « villa papillon ». Conçue à partir d’un bloc rectangulaire de pierres brunes, elle est enveloppée à l’étage par un spectaculaire balcon aux lignes incurvées dont les porte-à-faux atteignent sept mètres d’envergure aux angles. La qualité des serrureries, châssisguillotines des salons, porte-fenêtre monumentale et grilles, est due aux Ateliers Vincent Timsit (voir p.118). Le hall, au sol de marbre noir de Belgique, dessert les pièces de réception par des cloisons coulissantes de verre trempé. En son centre, comme une sculpture, la première volée de l’escalier menant à l’étage est encadrée de garde-corps de verre maintenus par des pièces de bronze. La reconversion de la villa en un élégant restaurant-salon de thé a entraîné l’adjonction de deux espaces vitrés sous les balcons et le nivellement du jardin, initialement incliné en pente douce vers une piscine en demi-cercle.

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situation : F/5

C’est la deuxième école construite, avec l’école Georges Bizet boulevard Ghandi, pour la Mission française, par JeanFrançois Zévaco. Des portiques en béton brut soutiennent les dalles de couverture des circulations extérieures. Détachées des bâtiments, elles ménagent des espaces plantés devant les blocs de classes. Trois escaliers, insérés dans les fentes entre batiments, distribuent les six salles de classe de l’étage, permettant, en libérant les façades, un éclairage à double orientation. L’esthétique brutaliste affirmée d’origine a été quelque peut altérée depuis que le béton des portiques a été passé à la peinture.

situation : F/6

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immeubles pour l’o.c.h. 1947/1948

cité riviera-beaulieu. 1953/1955

bd. zerktouni, rues des-aït-taoujtate et des-aït-ishaq architecte : pierre chassagne (1897/1983)

bd. ghandi, rues des flamands et des éperviers architecte : alexandre courtois (1904/1974)

La cité-jardin du quartier Bourgogne est construite à partir de 1946, par l’Office chérifien de l’habitat, à l’usage de fonctionnaires. Au centre d’un îlot triangulaire, l’immeuble de Chassagne est implanté en retrait de l’alignement du boulevard Zerktouni. Le percement central du bâtiment, sur trois étages, est conçu comme une porte monumentale, dans l’axe du bassin ornant le jardin. Chaque bâtiment comporte 40 appartements, de deux à cinq pièces, ouvrant sur de profondes loggias. Pour cet habitat « bon marché », les surfaces sont généreuses, notamment celles des livings dotés d’une cheminée, des chambres supérieures à 16 m2 et des balcon-buanderies. Sur les façades arrières sont regroupés les pièces d’eau et deux des quatres escaliers abrités derrière des claustra-moucharabiehs. L’ensemble sera complété par d’autres immeubles confiés à Édmond et Jean Gourdain. Marius Boyer terminera l’îlot par un dernier immeuble et une station-service.

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situation : G/4

Cette cité a été construite en plusieurs tranches par l’Omnium technique de l’habitat (OTH), en réponse à la demande de logements pour des familles européennes modestes. On y reconnaît l’écriture sobre d’Alexandre Courtois. 400 logements allant des studios pour célibataires, aux appartements de cinq pièces, se déclinent en immeubles de R + 1 à R + 4. S’y ajoutent 33 villas au sud de la parcelle. La qualité de l’opération réside dans les surfaces généreuses des appartements, les espaces verts entre les immeubles, plantés de pins et d’eucalyptus, ainsi que dans des équipements tels le marché circulaire, une garderie et les boxes regroupés des garages.

situation : G/10

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immeuble cosyra. 1951

villa rosilio. 1951

angle bd. zerktouni et d’anfa architecte : jean-jacques honegger (1903/1985) ingénieur : pierre honegger

angle rues el-mourtada et mohamed-bahi architectes : jean-françois zévaco (1916/2003) et paolo messina (1914)

De 1949 à 1959, Pierre et Jean-Jacques Honegger, ingénieur et architecte suisses, vont mettre en œuvre, dans les bâtiments qu’ils construisent, des procédés de préfabrication mis au point dans leur bureau d’études Honegger-Afrique : dalles porteuses en caisson modulé sur 60 cm, panneaux de façades et brise-soleils. Situé à l’angle des boulevards Zerktouni et d’Anfa, en retrait par rapport à l’alignement, protégé par une rangée de jacarandas, l’immeuble Cosyra est doté de balcons filants ménageant devant chaque appartement de larges loggias abritées, exposées au sud. Conformément aux principes de la Charte d’Athènes, la cour a disparu au profit d’appartements aux pièces de séjour traversantes, éclairées sur deux côtés. Au rez-de-chaussée, pour les parties communes, un large porche distribue les deux escaliers et abrite un bassin surmonté, autrefois, d’une fresque murale, aujourd’hui disparue. Un autre immeuble, construit suivant les mêmes procédés, à quelques centaines de mètres de là, à été démoli en 2007. Vient de paraître, aux éditions Infolio, un ouvrage : Honegger frères.

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situation : H/5

Moins connue que la villa Suissa (voir p. 28), elle est pourtant tout aussi spectaculaire. Elle s’organise à partir d’une série de volumes libres, imbriqués les uns dans les autres. Les murs, tantôt aveugles, tantôt constitués de carreaux de verrecathédrale insérés dans une maille de béton, ne laisse rien deviner des niveaux, des espaces intérieurs ni de leur vocation. Sur la façade est, les porte-fenêtres sont les seules ouvertures. La courbe du living-room au rez-de-chaussée, soulignée par un bandeau lisse, répond aux formes libres de la couverture partielle de la terrasse accessible, introduisant une rupture dans la composition cubiste de l’ensemble. Les propriétaires actuels ont installé des bureaux dans cette maison, longtemps occupé par le ministère de l’Intérieur. La petite histoire raconte que les époux Rosilio, commanditaires, n’auraient jamais habité leur maison et qu’elle serait même cause de leur divorce…

situation : H/7

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à gauche, photo d’époque.

aquarium, institut scientifique des pêches maritimes. 1950 bd. sidi-mohamed-ben-abdallah, rue doukkala et bd. de tiznit architecte : georges delanoë (1911/1995)

Malgré son architecture sobre, lisse et blanche, dépourvue d’effets, le bâtiment laisse deviner derrière des façades presque aveugles sa richesse intérieure. Le programme a été scindé en deux parties distinctes – le centre de recherche d’une part et l’aquarium ouvert au public d’autre part – à la jonction desquelles s’élève « la tour de pression », haute de sept étages, véritable signal percé de hublots et dont la façade sud-est est entièrement vitrée. L’entrée publique était animée par le bassin et la grotte des phoques. Le hall et l’escalier monumental qui mène aux salles de l’aquarium, décorés de lambris et de fresques de zellijs évoquent le monde sous-marin. Les circulations dans la pénombre ne sont éclairées que par la lumière naturelle zénithale des aquariums. L’aquarium a été désaffecté dans les années quatre-vingt, en raison de la pollution de l’eau de mer pompée dans la baie. Il est aujourd’hui question que le bâtiment abrite un musée de la marine.

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situation : I/2

villas jumelles, dites les tourelles. c. 1930 angle rue d’alger et bd. rachidi architecte : marius boyer (1885/1947)

Malgré des modifications, telles la suppression des frontons et des frises de pierre sculptée entourant les deux volumes symétriques et la surélévation sur les terrasses reliant les deux maisons, « les Tourelles » restent un des éléments participant au charme de ce quartier du centre-ville. Avec talent, Marius Boyer mélange ici les genres : méditerranéen pour les tourelles terminées en miradors, art-déco des motifs de pierre sur les facettes des cages d’escalier, néo-marocain pour les rangées de zellijs et les toits de tuiles vertes. Ces maisons jumelles ont été construites pour deux entrepreneurs associés : Gouvernet et Lorentz. L’ensemble, transformé en musée il y a dix ans, est actuellement laissé à l’abandon. Il est un des derniers témoignages des villas construites par Boyer dans le quartier, après la disparition de la villa Benazeraf, rue d’Alger, remplacée par la Galerie Actua, et la destruction récente, avenue Moulay-Hassan-Ier, de la villa Houel. « les Tourelles » sont inscrites à l’inventaire des monuments historiques.

situation : I/5

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hôtel particulier. c. 1930

la koubba. 1915

rue d’alger architecte : marius boyer (1885/1947)

parc de la ligue arabe architecte : pierre gosset

Dans l’un des premiers quartiers résidentiels, proches du centre-ville, se sont construits nombre d’hôtels particuliers. Ceux de la rue d’Alger sont plus ambitieux que ceux de la rue du Parc. Celui-ci illustre un style propre au Casablanca des années 20 et 30, mettant en œuvre des références aussi bien art-nouveau, art-déco que néo-mauresque. Pour Marius Boyer c’est le prétexte à un exercice de style des plus sophistiqués. À mi-chemin entre les options des villas Les Tourelles (voir p. précédente), à dominante art-déco, et la villa Benazeraf (démolie dans les années 90) de style plus fonctionnaliste, l’architecte mise sur la dentelle délicate du fer forgé et la subtilité du plâtre sculpté traditionnel. Du boulevard MoulayYoussef à la place Oued-El-Makhazine, la rue abrite une collection exceptionnelle de bâtiments construits entre les années 20 et 40.

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situation : I/5

Construit pour l’Éxposition franco-marocaine de Casablanca, de 1915, à l’emplacement de l’actuel Marché central, le pavillon de la ville de Rabat a été remonté, grâce à sa structure métallique, dans le parc de la Ligue arabe, dessiné par Albert Laprade en 1917 (voir p.54). Reconverti en Palais des conférences – communément appelé la Koubba –, il accueille des concerts, des séminaires, des expositions et des projections de films. Une petite scène en bois et un sol de carreaux de grès ont été remplacés, il y a quelques années, par un revêtement en marbre peu approprié. La mezzanine permet d’augmenter l’accueil du public et le développement des cimaises. Dans le hall, un escalier de fonte ouvragée, en colimaçon mène à la cabine de projection. La coupole, à l’origine simplement chaulée, a fait l’objet de modifications et a été recouverte de panneaux de zellijs.

situation : I/5

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La villa Cohen (photo de droite) construite sur la largeur de la parcelle doit son originalité au panneau de zellijs du 1er étage, encadrant l’une des baies. Au-dessus du porche d’entrée, les couleurs inhabituelles et le calepinage particulier dessinent un motif géométrique caractéristique de l’art-déco. L’année suivante, sur le mitoyen (photo de gauche), la villa d’Emmanuel Chaine, rejoint l’alignement de la rue Curie. Plus imposante puisqu’elle se développe sur trois niveaux, elle se caractérise par son soubassement dont la hauteur permet d’abriter des services et d’aménager un passage aux voitures vers le garage situé dans l’arrière-cour. On y retrouve le style art-déco dans les vitraux ornant les bow-windows du rez-dechaussée et la porte d’entrée, ainsi que dans les claustras soulignant les garde-corps des terrasses et les frises du couronnement. Cette villa a fait l’objet de plusieurs demandes de démolition de la part de son propriétaire, jusqu’ici refusées.

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Parc de la ligue Arabe

rue curie architectes : à droite, pierre jabin (1894-1967), à gauche, emmanuel chaine

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hôtels particuliers. 1931/1932

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situation : I/5

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clinique radiologique. 1928

lycée ibn-toumart. 1929

rue d’alger architecte : pierre bousquet (1885/1954)

angle av. moulay-hassan-1er et rue d’alger architecte : georges-jean grel (1882/1972)

Le bâtiment abritait le cabinet radiologique du Docteur Speder et son appartement. Au premier étage, le balcon, protégé par un auvent porté par de fines colonnes, repose sur des corbeaux à volutes, caractéristiques de l’art-déco. Il est orné, comme le pan coupé de l’angle du bâtiment, de panneaux de zellijs aux motifs figuratifs, proches des décors art-nouveau. Le Docteur Speder était un amateur d’art : en 1932, il commande, à Jacques Majorelle, des fresques pour les murs de sa salle à manger. Le centre radiologique était considéré, à l’époque, comme très innovant. En 1932, la Revue Afrique du Nord illustrée en parle ainsi : « …une installation privée ultra moderne et telle qu’il est bien peu de très grands autres de la métropole qui peuvent en présenter de semblables ». Le cabinet est toujours en activité, mais une demande de démolition refusée a eu pour effet le badigeonnage des zellijs du premier étage afin, sans doute, de minimiser l’intérêt du bâtiment.

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n° 1. secteur 1 : J/4

Cet établissement (ex-Petit Lycée) figure parmi les premières réalisations scolaires de cette envergure à Casablanca. Le bâtiment offre une façade continue sur trois côtés, encadrant les cours de récréation. Une extension refermera plus tard l’îlot boulevard de Paris. S’inscrivant dans le style des bâtiments officiels, défini par les services d’urbanisme du Protectorat dirigés par Henri Prost de 1914 à 1922, l’architecte y utilise un vocabulaire néomarocain caractérisé par l’emploi des tuiles vertes vernissées du couronnement ainsi que celui de la pierre pour le sousbassement, la frise, les colonnettes et autres encadrements d’ouvertures. Georges-Jean Grel a débuté sa carrière à El Jadida, à la fin des années dix, et s’associera, à partir de 1935, à Georges Renaudin.

n° 2. secteur 1 : J/4

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cinéma opéra. 1950

immeuble hassan et de lasalle. 1928

rue félix-et-max-guedj architecte : léon aroutcheff (1915/1977)

av. moulay-hassan-1er, rues gentil et abou-sofiane architectes : joseph (1893/1975) et elias (1893/1977) suraqui

Dans les années cinquante, le cinéma tient toujours une place fondamentale dans les distractions des Casablancais. Aux salles édifiées dans les années trente, s’ajoutent ainsi les grands cinémas du centre comme le Rif, le Lynx et le Liberté. De son côté, Léon Aroutchef construit le Lutétia et le Verdun et L’Opéra. Ce dernier compte 1300 places, deux bars, l’un en mezzanine ouvrant sur le hall d’entrée, l’autre accessible en passant sous la scène. Le décor de l’entrée et de la salle est spectaculaire : immenses flammes orangées en stuc évoquant des illustrations de science-fiction, bar aux murs capitonnés. Au regard du mobilier et de l’aménagement intérieur, on serait tenté d’identifier le travail de Jean Royère, décorateur célèbre des années cinquante dont le séjour à Casa est attesté, ou encore celui de Matthieu Matégot, dont l’atelier de ferronnerie se trouvait à Aïn-Sebaâ. Fermé et laissé à l’abandon depuis des années, on peut craindre la démolition de ce grand édifice de béton longtemps dédié au cinéma bollywoodien.

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n° 3. secteur 1 : J/4

Implanté sur un îlot bordé de trois rues, l’immeuble comporte un rez-de-chaussée, trois niveaux de logements, surmonté d’un quatrième ponctuant les deux angles (rue abou-sofiane/ square Gentil ; square Gentil/avenue Moulay-Hassan-Ier) . Les quatre motifs décoratifs développés figurent parmi les plus spectaculaires du répertoire casablancais. Ils introduisent la couleur inattendue, orangée, des zellijs traditionnels utilisés ici à la place des céramiques et grés que l’on trouve alors, en Europe, sur les façades art-nouveau et art-déco. Le motif représenté est une fontaine stylisée, récurrent à l’époque.

n° 4. secteur 1 : J/4

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immeuble tabet. 1929

immeuble suraqui. 1929

rue abderhamane-sahraoui et bd. de paris architectes : joseph (1893/1975) et elias (1893/1977) suraqui

rue abderhamane-sahraoui architectes : joseph (1893/1975) et elias (1893/1977) suraqui

À l’angle du boulevard de Paris et de la rue AbderhamaneSahraoui, l’immeuble Tabet ferme une séquence entamée au carrefour de l’avenue Moulay-Hassan-Ier, offrant une série d’immeubles art-déco signés Jabin, Cadet et Brion ou Aldo Manassi. Celui-ci, plus modeste, ne compte que quatre niveaux, dont un appartement en terrasse. Il développe en revanche une profusion de détails ornementaux, en particulier le décor sculpté des motifs floraux art-déco, en sous-faces des balcons et des auvents. Un peu comme si les maçons italiens avaient voulu offrir au passant, levant la tête, un catalogue de leur savoir-faire. Cet immeuble est à voir avec son mitoyen, également signé des frères Suraqui (voir p. suivante).

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n° 5. secteur 1 : J/4

Contrairement à l’immeuble mitoyen parfaitement art-déco signé par ces mêmes frères Suraqui (voir p. précédente), celuici affiche sa différence, dans un style fonctionnaliste, proche de l’architecture de l’Europe de l’Est. Une telle juxtaposition démontre sans ambiguïté, la capacité des architectes de l’époque, œuvrant dans Casablanca, de passer d’un style à l’autre et de les expérimenter tous, en fonction de la demande. En l’occurrence, ce bâtiment est la propriété des deux architectes. Ils y développent leurs goûts personnels. Les bowwindows démultiplient l’accès à la lumière et encadrent, au centre du bâtiment, de profondes loggias. Les halls d’entrée illustrent le soin apporté aux détails de l’aménagement intérieur, en particulier les ferronneries art-déco de l’escalier.

n° 6. secteur 1 : J/4

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immeuble eyraud. 1930

ancien garage citroën. 1929

bd. de paris et hassan-II architecte : charles ravazé (1885/1945) ingénieur : georges gillet

rue abderramane-sahraoui et bd. de paris architecte : georges-jean grel (1882-1971)

Voici l’un des nombreux immeubles construits à l’angle de deux rues dont la façade principale épouse le pan coupé, lui permettant ici de bénéficier d’une orientation sud-ouest. Le rez-de-chaussée est occupé par des commerces, audessus desquels une fine galette sert de séparation visuelle avec les six niveaux d’habitation. D’un style art-déco épuré, l’ensemble est souligné par le couronnement du cinquième étage, rythmé d’auvents minces. Le hall d’entrée à partir de la rue Abderhamane-Sahraoui mérite une visite : on peut en effet y voir une illustration d’un « art global », autrement dit un aménagement intérieur associant bronzes et fer forgé de la porte, lambris de marbre, miroirs, sol en granito poli et autres techniques apportées par le savoir-faire des maçons italiens, venus en nombre dans les années 1910.

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n° 7. secteur 1 : J/4

Orienté sur la diagonale de la place Mohammed-V, à l’entrée du boulevard de Paris, il jouit d’un emplacement particulièrement privilégié pour un bâtiment à vocation commerciale. Sous les arcades de l’avenue Hassan-II, le grand hall d’exposition polygonal était surmonté d’une coupole de pavés de verre. À l’origine, le bâtiment – partie bureaux, partie garages – occupait une surface de 14 000 m2. Les plateaux de parking à la structure en béton , de plus de 16 m de portée, sont l’œuvre de Georges Gillet, alors représentant de l’entreprise Coignet, spécialiste de la construction en béton armé. Charles Ravazé était un des architectes de Citroën, comme Albert Laprade auquel fut confié, deux ans auparavant, l’édification du garage, aujourd’hui démoli, rue Marbeuf à Paris. La surélévation des années 40 de trois niveaux homothétiques par Balois et Hinnen a provoqué l’indignation d’Édmond Brion, auteur de Bank Al Maghrib, située à côté (voir p. suivante).

n° 8. secteur 1 : J/4

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bank al maghrib. 1937

la poste. 1918/1920 place mohammed-v, bd. de paris architecte : adrien laforgue (1871/1952)

rue idriss-lahrizi et avenue hassan-II architecte : édmond brion (1885/1973)

Tout dans ce bâtiment – le dernier construit sur la place – de l’architecture monumentale au plus petit détail, est digne d’intérêt. Brion signe ici une œuvre considérée comme un des exemples les plus aboutis du style néo-marocain. La façade principale, classique, est ornée d’une frise monumentale de pierre sculptée, prolongée d’un panneau de losanges d’inspiration almohade, autour des baies de la grande salle de réunion. La richesse des décors – pierres, zellijs, ferronneries, lambris marquetés – est couplé, dans la conception, à la modernité du fonctionnement. C’est la première Bank Al Maghrib que Brion construit seul après celles de Marrakech, El Jadida, Oujda et Rabat réalisées avec Cadet. On recommande la visite du hall, surmonté d’une verrière suspendue, où est exposée une sculpture de César, ami d’Azagury, auteur, avec Omar Alaoui, de l’intelligente extension du bâtiment en 1997. Pendant les Journées annuelles du patrimoine, au mois d’avril, le public peut accéder à la salle de réunion par un grand escalier monumental.

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n° 9. secteur 1 : J/4

Construite en même temps que l’actuel consulat de France, à l’opposé de la place, alors encore partiellement occupée par les campements militaires, la Poste est l’œuvre d’Adrien Laforgue (auteur également de la gare de Rabat-ville), qui prend pour modèle la Grand’Poste d’Alger, construite quelques années auparavant. L’architecte entame, ici, un travail remarquable sur les décors de zellijs, notamment la frise verte et bleue du couronnement, sous l’auvent recouvert de tuiles vertes, ainsi que le magnifique panneau bleu et noir marquant les entrées sous le portique. L’organisation spatiale intérieure a été considérée à l’époque comme très innovante. On note les ferronneries qui entourent le hall public sur deux niveaux et la coupole, aujourd’hui recouverte de panneaux en bois sculpté. L’ensemble est prolongé par les bâtiments des Colis-postaux sur le boulevard de Paris. La Poste inaugure cette collection remarquable d’édifices néo-marocains formant la place Administrative.

n° 10. secteur 1 : J/5

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hôtels particuliers. 1924/1930

ensemble de deux hôtels particuliers. 1936

rue du parc architecte : hippolyte-joseph delaporte (1875/1962)

rue khaoula-bent-khoualid architecte : édmond brion (1885/1973)

Dans cette rue résidentielle, proche du Parc (voir p. 54), ont été édifiés, dès les années 20 de petits hôtels particuliers dont la plupart sont de Delaporte. D’un édifice a l’autre, il fait montre d’une grande variété d’expression. Deux d’entre eux sont néo-mauresques : carreaux de faïence, zellijs excisés, auvents recouverts de tuiles vertes, fer forgé traditionnel (photos de droite). Les programmes de ces maisons pittoresques sont modestes : salon, salle à manger, deux petites chambres, salle de bains et cuisine minuscules, un jardin ou une cour à l’arrière, aérés par le jardin de l’Agence urbaine. Il utilise le style art-déco pour la maison mitoyenne (photo de gauche) et le bâtiment qu’il construit en face pour lui-même, complété par trois studios destinés à ses employés. À l’heure actuelle, la vocation de ce quartier « préservé » s’oriente vers la culture avec l’ouverture de galerie, fondation, restaurants et bientôt la construction d’un grand théâtre, prévu à la place du jardin de l’Agence urbaine donnant sur la place Mohammed-V.

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n° 11. secteur 1 : J/5

Cet ensemble constitué de deux hôtels particuliers offre un exemple de la virtuosité d’Édmond Brion et de sa capacité à s’exprimer à travers un programme modeste. Construit sur un angle, il ne laisse pas supposer les deux logements différents qu’il abrite. Soulignant la pureté des volumes, chaque élément est objet d’attention : élégance des escaliers intérieurs et des entrées protégées d’auvents en demi-cercle. Les matériaux utilisés ne sont pas en reste : sols en granito, garde-corps et grilles en fer forgé aux lignes ciselées, sans omettre le mur de clôture en briques serties de pierre, ni les encadrements des baies. Le confort n’a pas été oublié puisque les deux hôtels sont équipés de garages et de chauffage central. En face, Cadet et Brion réalisent la villa Thiel en 1932.

n° 12. secteur 1 : J/5

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immeuble ettedgui et mellul. 1932

église du sacré-cœur. 1930/1953

rue d’alger, av. moulay-hassan-Ier architectes : jean balois (1892/1967) et paul perrotte (1898/1954)

bd. rachidi architecte : paul tournon (1881/1964)

Le terrain étroit en forme d’arc de cercle donnant sur le rondpoint, rue d’Alger et avenue Moulay-Hassan-Ier, a conduit les architectes à développer une façade courbe, orientée au nord-ouest, ponctuée sur trois étages d’une série de sept bow-windows. Le soubassement est souligné de bandes horizontales de carreaux de faïence noirs, créant un motif de rayures évoquant l’architecture viennoise. Les deux halls d’entrée, surbaissés, sont ornés d’un décor subtil de zellijs en camaïeu de roses et beiges. Vingt appartements, de trois ou quatre pièces, et des garçonnières, occupent quatre étages – le premier, ou entresol, étant réservé aux bureaux. Installé à Rabat, Jean Balois travaille, de 1925 à 1929, avec Marius Boyer puis, de 1931 à 1937, avec Paul Perrotte. De l’autre côté de la place, subsistent, dans le quartier Lusitania, de beaux immeubles des années vingt et trente, des synagogues ainsi que quelques rares hôtels particuliers.

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n° 13. secteur 1 : J/4

Réalisée au début des années 30, la première tranche de l’église du Sacré-Cœur – soit trois travées, le porche et les clochers – sera construite à l’entrée du parc de la Ligue arabe (voir p. suivante), à l’écart des bâtiments officiels de la place. La troisième et dernière tranche ne sera achevée qu’en 1953. De dimensions monumentales (33 m sous la voûte, 75 m de long environ pour les cinq nefs), entièrement construite en béton armé, sa structure élancée et dépouillée met en valeur les vitraux qui rythment les bas-cotés et ornent le chœur d’une grande composition représentant le Christ en majesté, très stylisé. Enchâssés dans une résille de béton aux motifs géométriques rappelant l’architecture arabo-andalouse, les vitraux sont signés par Florence Tournon-Branly, Jean Mamez et Louis Barillet. Les clochers ont des allures de minarets alors que la ville nouvelle est alors encore dépourvue de mosquées. Rendue par l’Évêché à la Ville au début des années 70, l’ex-église – improprement appelée cathédrale – abrite aujourd’hui des manifestations culturelles : expositions, concerts, défilés de mode,…

n° 14. secteur 1 : J/5

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parc de la ligue arabe, ex-lyautey. 1917 bd. rachidi, bd. moulay-youssef et avenue hassan-II architecte : albert laprade (1883/1978)

En 1916, Laprade intègre l’équipe de Prost au Service des plans des villes, où il est en charge de l’aménagement des parcs et jardins, suivant le Rapport des réserves à constituer au dedans et aux abords des villes capitales du Maroc, établi, en 1915, par Jean-Claude Nicolas Forestier, à la demande de Lyautey, et complété par une liste détaillée des espèces végétales à introduire. Sur 15 ha, encore occupés par les militaires, Laprade dessine un grand parc suivant un axe à la française, bordé de phœnixs et de rangées de ficus et traversé, en son centre, par le boulevard Moulay-Youssef. Les travaux sont exécutés avec l’aide d’un contingent de prisonniers allemands. Des équipements sportifs sont prévus : le stade d’athlétisme, le terrain de pelote basque, complétés, dans les années 30, du bâtiment d’éducation physique (voir p.60), de la Boule fédérale casablancaise et d’un parc de jeux. Un emplacement, au nord, est réservé à l‘église du Sacré-Cœur (voir page précédente). Laprade dessine des fontaines et utilise les pierres de la dite prison portugaise de l’ancienne médina pour des arcades jadis surmontées de pergolas. Le traitement des allées de ficus, dont les branches

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n° 15. secteur 1 : J/5

réunies au sommet créent des voûtes végétales, est inspiré des jardins Maria Luisa, à Séville, de Forestier. Le long du boulevard Rachidi, le terrain libéré des casernes Heude, au début des années 70, a été récemment réaménagé en esplanade accueillant expositions et concerts. Le parc est vital pour un centre-ville dont le grave déficit en espaces verts est accéléré par les nombreuses suppressions d’arbres d’alignement et la disparition des villas entourées de jardins. Soulignons également qu’il représente un des rares espace massivement investi par une population estudiantine mixte qui y trouve, grâce à ses nombreux cafés et bancs, un lieu propice à l’étude et plus si affinités.

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immeuble la nationale. 1930/1931

consulat de france. 1916/1922

avenue hassan-II architectes : xavier rendu (1880/1941) et r. ponsard

place mohammed-v architecte : albert laprade (1883/1978)

L’immeuble de rapport, construit par l’entreprise la Nationale, bénéficie d’un emplacement exceptionnel, face à la place Mohammed-V et au parc de la Ligue arabe. Les trente appartements sont dotés des équipements de confort moderne et de surfaces généreuses, augmentées de loggias profondes, encadrées de colonnes de pierre brune, dont bon nombre ont été, depuis, vitrées. Cet ensemble de style fonctionnaliste garde encore une empreinte art-déco dans le dessin des fers forgés des balcons et ceux des portes d’entrée ornés de cabochons de laiton. L’envergure du bâtiment s’associe à l’échelle monumentale de la place MohammedV, à l’entrée de l’avenue Hassan-II. L’angle arrondi, surmonté d’une rotonde, donnant sur la Wilaya (voir p. 58), telle une proue, annonce cette architecture de style « paquebot » qui marquera le Casablanca des années 50.

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n° 16. secteur 1 : J/5

L’hôtel de la Subdivision militaire, abritant actuellement le consulat de France, est le premier bâtiment construit dans la future place Mohammed-V, encore occupée par les campements militaires installés depuis 1907. Le plan imaginé par Prost en 1915, articule les quartiers du port, cette future place Administrative et les quartiers résidentiels amorcés par le Parc. Négocier ces terrains avec l’armée sera le premier grand geste d’urbanisme inaugurant une politique de remembrement permettant la définition des grands axes de la ville nouvelle. Laprade fait partie de l’équipe de Prost. Il implante l’Hôtel en retrait et dans la parcelle en pan coupé, située entre les futurs Palais de justice et le futur hôtel de Ville (voir p. suivante). Le bâtiment reflète la passion de Laprade pour l’architecture marocaine. Son allure de pavillon résidentiel aux couronnements de tuiles vertes, illustre la volonté des services de la Résidence de rendre discrets les bâtiments à vocation militaire. Le jardin donnant sur la place, abrite aujourd’hui la statue de Lyautey, déplacée du square d’en face aux lendemains de l’Indépendance.

n° 17. secteur 1 : J/5

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wilaya du grand casablanca. 1928/1936 place mohammed-v architecte : marius boyer (1885/1947)

La Wilaya, ex-Hôtel de ville, est, avec Bank Al Maghrib, le dernier bâtiment construit place Mohammed-V. Celle-ci, esquissée en 1914 par Prost, précisée par Marrast en 1920, a fait l’objet des recommandations du général Lyautey. En 1927, Boyer remporte le concours de l’hôtel de ville, achevé en 1937. Le corps principal du bâtiment, signalé par le campanile de l’horloge, est constitué d’une colonnade, sobre et stricte, abritant l’entrée, surmontée d’un large balcon à arcades et de trois ouvertures monumentales encadrées de pierre. À l’intérieur, sur deux niveaux, une galerie entoure trois grands patios plantés, desservant les services publics. Elle est doublée, sur les façades, par une circulation couverte, permettant la liaison directe entre les bureaux. Répondant aux codes imposés par la Résidence, Boyer mélange les styles : l’art-déco, dans le hall et le double escalier d’honneur aux paliers ornés de deux toiles de Majorelle, le néo-marocain avec les arcades, les tuiles vertes et les zellijs de la façade, des lambris des circulations, de la salle des fêtes et des colonnes des patios. Le résultat est un joyau de cette architecture néochérifienne caractéristique des bâtiments administratifs du Maroc sous protectorat.

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n° 18. secteur 1 : J/5

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la casablancaise.1936

immeuble imcama. 1928

parc de la ligue arabe architecte : robert lièvre (1890/1962)

rues omar-slaoui et d’agadir, rond-point saint-exupéry architecte : albert greslin (1888/1966)

Casablanca, ville nouvelle et cité des affaires, est aussi, pour ses habitants, le théâtre de nouveaux modes de vie où le sport et la vie au grand air sont encouragés par des équipements ambitieux. La piscine municipale, construite dans les années 30, creusée dans les rochers, se voulait la plus grande du monde. Le parc Lyautey, actuellement de la Ligue arabe (voir p. 54), dessiné par Albert Laprade, abrite des emplacements dédiés au sport et devait, au-delà du boulevard Circulaire (actuel boulevard Zerktouni), s’achever sur un grand stade. Le pavillon de l’Éducation physique, appelé aussi « la Casablancaise », domine le petit stade d’entraînement. Son volume imposant et sévère et ses ouvertures hautes et étroites évoquent l’architecture italienne de l’époque, autrement dit l’esthétique mussolinienne, en plus légère...

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n° 19. secteur 1 : J/5

Exemple impressionnant des grandes opérations de logements des années 20 et 30 en centre-ville, cet immeuble de rapport comporte une soixantaine d’appartements. Il occupe un îlot imposant et domine, de sa façade principale incurvée, le rond-point dans l’axe du boulevard Moulay-Youssef. Le décor des quatre façades conjugue les éléments art-déco et l’art traditionnel des zellijs qui encadrent les fenêtres, et recouvrent les deux coupoles d’angle. Face au Parc, une élégante galerie à arcades souligne le dernier étage. Le luxe discret de cet ensemble réside aussi dans le confort innovant des services : terrasses, buanderies, escaliers de service, boxes de parking dans les cours. Dans le hall de cet immeuble bien entretenu, on peut apprécier la richesse du décor interieur : fers forgés de l’escalier, sols en granito, murs en marbres et zellijs. Albert Greslin a été le collaborateur de Georges Ernest Desmaret pour les Abattoirs en 1922 (voir p.117). Il est aussi l’auteur, avec Georges Gillet, ingénieur-entrepreneur, de l’Institution scolaire Charles de Foucauld (1935), boulevard Moulay-Idriss-1er.

n° 20. secteur 1 : J/6

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immeuble les studios. 1936

cité maréchal améziane. 1949/1953

avenue hassan-II architecte : marius boyer (1885/1947)

rues zarhoun, d’agadir, baghdad et tarablous architecte : maurice galamand

Au début du XXe siècle, on a construit nombre d’ateliers d’artistes notamment à Paris, caractérisés par leurs volumes à double hauteur éclairés par de grandes verrières dont la mezzanine était souvent utilisée comme chambre. Peu à peu, ces ateliers sont devenus des logements recherchés par une clientèle aisée. À Casablanca, ces programmes répondent aux besoins des nouveaux arrivants, souvent célibataires. De style fonctionnaliste, l’immeuble se présente en proue sur le carrefour de l’avenue Hassan-II et de la rue Omar-Slaoui. Les huit étages sur rez-de-chaussée abritent vingt-quatre studios en duplex, les neuvième et dixième étages – traités différemment – sont réservés à des appartements de huit pièces. Les ouvertures des loggias et mezzanines superposées, regroupées par deux et par quatre, expriment la réalité des quatre doubles niveaux utilisés. Deux des trois escaliers de service sont éclairés par un vitrage continu vertical qui souligne les façades latérales. Le luxe discret des « Studios » se trouve dans la générosité de ses équipements, le calepinage savant des revêtements de sols en granito poli et dans les volumes des pièces à double hauteur.

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n° 21. secteur 1 : J/6

Construite par l’Office chérifien des logements militaires, cette cité originellement connue sous les noms de Maréchal Foch puis de Maréchal Lyautey, est aujourd’hui la co-propriété de différents ministères. Ces cinq bâtiments abritent plus de 200 logements, de deux à cinq pièces, caractérisés par des surfaces généreuses et un certain confort. Deux barres R + 10, en forme de T, et deux barres R + 6, forment trois cours-jardins. Celle ouvrant sur la rue Tarablous, est fermée par une série de boutiques en R + 1. Au nord et à l’est, sont concentrées les pièces humides (salles de bains, cuisines, buanderies), derrière une façade en claustras continus, qui donne son caractère original à cet ensemble et s’anime, la nuit, à la lumière électrique. Maurice Galamand était installé à Oujda où il construisit entre autres, de 1937 à 1950, l’Hôtel de ville, le Lycée de jeunes filles et l’Hôpital.

n° 22. secteur 1 : J/6

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Érigé sur la nouvelle avenue menant au port, percée en 1922, face à l’ancienne médina (voir p.14), l’hôtel Plazza comporte trois niveaux de chambres et suites, le premier étage étant réservé aux services, salons et salle à manger. Le bâtiment a depuis subi de multiples transformations ayant modifié son fonctionnement. L’entrée actuelle date des années soixante. Les chambres n’ont, quant à elles, guère été modifiées et mériteraient une sérieuse remise en état. De leurs portefenêtres, la vue sur la médina et la mer est exceptionnelle. Interrompant les balcons filants des deux derniers niveaux, un volume vertical surmonté d’un mirador sert de signal. Sur toute la hauteur, il est percé d’une fente vitrée continue éclairant l’escalier de marbre et l’ascenseur restés dans leur état originel. Des rumeurs font craindre une prochaine démolition.

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bd. houphouët-boigny architecte : marius boyer (1885/1947)

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26 n° 1. secteur 2 : K/4

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immeuble moretti-milone. 1934/1935

hôtel excelsior. 1914/1916

place des nations-unies, bd. houphouët-boigny et av. des f.a.r. architecte : pierre jabin (1894/1967)

place des nations-unies. architecte : hippolyte-joseph delaporte (1875/1962)

Cet immeuble a été longtemps seul à dominer la place du haut de ses onze étages. Il préfigurait, en effet, les immeubles de grande hauteur, prévus dès les années trente, à l’entrée du quartier dit des affaires, mais dont l’un des grands axes, l’actuelle avenue des FAR, ne fut ouvert qu’en 1952. C’est à partir de cette date, dans un environnement enfin dégagé, que l’immeuble prendra toute sa valeur. Au-dessus du rez-dechaussée abritant des commerces et les trois halls d’accès, trois registres se développent sur la hauteur de la façade correspondant à des typologies différentes d’appartements. Les bandes horizontales qui marquent les balcons s’étirent au fur et à mesure que l’on s’élève dans les étages pour devenir une galerie continue au niveau du couronnement. Le hall d’accès de l’avenue Houphouët-Boigny, conjugue marbres et miroirs produisant une atmosphère très cinématographique. Moretti et Milone, cousins associés, font partie de ces nombreux entrepreneurs d’origine italienne qui vont former des générations de mâalems en maçonnerie auxquels l’on doit l’exécution exemplaire des édifices casablancais.

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n° 2. secteur 2 : K/4

Delaporte est l’auteur des premiers édifices élevés en dehors de l’ancienne médina, à savoir l’hôtel Excelsior et les Magasins Paris-Maroc, ces derniers aujourd’hui disparus. Construits en béton armé, le premier avec l’entreprise Coignet, les seconds avec les frères Perret, ces bâtiments amorcent ainsi le dessin de la place, à la charnière de l’ancienne médina, du port et de la ville future. Très vite, l’hôtel Excelsior va devenir, avec sa brasserie, le rendezvous de tous les nouveaux entrepreneurs que décrit si bien Claude Farrère dans son roman Les Hommes nouveaux. Le vocabulaire décoratif de la façade rappelle les constructions d’Algérie ou de Tunisie, de style néo-mauresque : arcs en plein cintre, tuiles vertes et carreaux de faïence (azulejos). À l’angle de la rue Brahim-Amraoui, le hall d’entrée est encore dans son état d’origine, malgré le vernis bon marché des comptoirs d’accueil. Les chambres, aux sols en carreaux de ciment, ont jadis souvent été réunies en appartements pour les nouveaux venus qui attendaient parfois plusieurs années avant de trouver un logement en ville.

n° 3. secteur 2 : K/4

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immeuble de la b.m.c.i. 1947/1950

immeuble el glaoui. 1922/1927

place des nations-unies architecte : alexandre courtois (1904/1974)

bd. mohammed-v, rues allal-ben-abdallah et el-amrani-brahim architectes : marius boyer (1885/1947) et jean balois (1892/1967)

Courtois, avec cet immeuble de 15 étages, met en œuvre un des principes qu’il étudie dans le projet d’aménagement et d’extension de la ville, dont il est chargé en 1943. En effet, il est attaché à la modernisation des voies et des places qu’il envisage structurées par des immeubles de grande hauteur. En construisant la BMCI, il rejoint l’echelle de l’immeuble Moretti-Milone (voir p.66), longtemps seule verticale sur l’explace de France, avec les magasins Paris-Maroc et le cinéma Vox (1935), démolis à la fin des années 70. Dès ce premier projet, Courtois utilise un style sobre, sans concessions, que l’on retrouve dans toutes ses œuvres. Quelques travaux récents ont modifié sa silhouette : adjonction d’une cage métallique occultant le dessin en gradins des cinq derniers niveaux, et remplacement de la pierre blonde couvrant les trois premiers étages par un marbre vert foncé. Premier grand prix de Rome en 1933, Courtois exerce au Maroc jusqu’à la fin des années 50. Il est l’auteur de la gare de Casa-port (1950), rasée en 2008.

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n° 4. secteur 2 : K/4

Cet immeuble dont le commanditaire n’est autre que le célèbre Glaoui, Pacha de Marrakech, est l’un des plus spectaculaires du boulevard Mohammed-V. Conçu dans un art-déco casablancais particulièrement achevé, ce R + 4 donne une impression de monumentalité due à un traitement de façade des plus savants : les deuxième et troisième étages sont réunis par une colonnade en marbre soutenant la galerie du quatrième, elle-même protégée par un moucharabieh de ciment. Les deux entrées de l’immeuble, rue El-AmraniBrahim, ainsi que celles du passage reliant le boulevard Mohammed-V à la rue Allal-Ben-Abdallah, sont soulignées par un traitement vertical particulier sur trois travées, couronnées par quatre duplexs recouverts de carreaux de zellijs rouges et verts, bénéficiant chacun de terrasse-jardins. Le passage commerçant traversant l’îlot est ponctué de trois rotondes vitrées dispensant un éclairage zénithal. Pour la petite histoire, Antoine de Saint-Exupéry, alors pilote de l’Aéropostale, a séjourné, avec sa femme Consuelo, dans cet immeuble.

n° 5. secteur 2 : K/4

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immeuble socifrance. 1935

immeuble bendahan. 1935

place des nations-unies architecte : erwin hinnen (1894/1986)

place du 16-novembre, rues chénier et aristide-briand architecte : édmond brion (1885/1973)

Dès 1935, Jabin et Hinnen introduisent sur l’ex-place de France, aujourd’hui des Nations-unies, une écriture de type Bauhaus qui va participer du visage moderne de la ville, sans références aux styles néo-classique, néo-marocain ou art-déco, alors en vigueur dans le centre-ville. Ici, de longs bandeaux blancs, entourant les baies carrées et les meneaux en pierre ocre, cernent le bâtiment sur trois faces. 60 appartements sont desservis, à partir de quatre halls d’entrée, par des escaliers reliés entre eux par des coursives. Pénétrer dans l’un d’entre eux, situé sous les arcades donnant sur la place, à côté du Café de France, permet d’admirer une cage d’escalier circulaire au graphisme d’une simplicité étonnante.

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n° 6. secteur 2 : K/4

Après 1935, date de sa séparation d’avec Cadet, Brion s’éloigne des styles néo-marocain et art-déco caractérisant leurs réalisations communes. Il s’affirme dans une écriture moderne, lumineuse et dépouillée, dont l’immeuble Bendahan est une illustration exemplaire. Édifié sur une parcelle trapézoïdale, le bâtiment offre, sur un rez-de-chaussée réservé aux commerces, quatre niveaux de logements, dont trois comportant des appartements de trois à quatre pièces. La façade la plus petite donnant sur la place du 16-novembre, est augmentée d’un cinquième étage partiel et d’un sixième en retrait couronné d’une fine galette aux angles arrondis. Le seul accès aux étages s’effectue sur la façade incurvée de la rue Bendahan qui sépare l’immeuble-îlot de l’autre partie du projet. Le hall d’entrée, surmonté d’une verrière, conduit à quatre escaliers implantés dans les angles. L’allure profilée et les angles arrondis de l’ensemble lui insufflent un réel mouvement, ce qui fait dire à Monique Eleb (voir Bibliographie p.126) qu’il s’apparente au style Steam line qualifiant le souci aérodynamique des productions industrielles, transports et bâtiments des années 30, aux États-Unis. On peut, plus simplement, le ranger dans le style « paquebot ». n° 7. secteur 2 : K/4

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wafasalaf, ex-banque de la compagnie algérienne. 1928

immeuble tazi. 1931

place des nations-unies architectes : henri prost (1874-1959) et antoine marchisio (1885-1954)

Prost, responsable du service des Plans des villes au Maroc, de 1914 à 1922, s’associe avec Marchisio, son successeur jusqu’en 1947, pour la construction de cet immeuble – comme pour l’hôtel de la Mamounia à Marrakech. L’immeuble composé d’un rez-de-chaussée et de trois niveaux de bureaux, était articulé autrefois autour d’un patio – aujourd’hui refermé – surmonté d’une verrière, permettant une communication visuelle entre les plateaux. Sous le signal surélevé, les arcades surdimensionnées ménagent un hall extérieur monumental donnant accès au bâtiment sur l’angle. La sobriété du traitement général des façades, la grande frise de zellijs en camaïeu de bleus dont les motifs abstraits font référence aux arts traditionnels du tapis, et le couronnement de tuiles vertes permettent de ranger cet immeuble dans le style néo-marocain mis au point sur les directives de Lyautey. Les marbres originaux du soubassement et des colonnes du rezde-chaussée ont été récemment remplacés par du granit rouge.

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n° 8. secteur 2 : K/4

place du 16-novembre, rues maârakat et chénier architecte : aldo manassi (1888)

De même que le grand îlot lui faisant face – celui traversé par le passage commerçant reliant la rue Tata au boulevard de Paris – cet ensemble a été commandé par Haj Omar Tazi, Pacha de Casablanca. Caractérisé par trois façades – creusées au dernier étage de balcons soutenus par des colonnes au décor de zellijs – et rythmée de frontons à redents, le bâtiment est conçu dans un style art-déco ayant conservé des éléments d’art-nouveau, tels ces ouvertures en plein cintre, ces allèges et ces auvents aux lignes courbes, de même que les panneaux de zellijs aux motifs figuratifs. L’immeuble fait partie de la véritable « collection » que constituent les bâtiments convergents vers la place circulaire du 16-novembre. Il est l’œuvre d’Aldo Manassi, un des architectes italiens présents à Casablanca les plus prolixes. Son activité est attestée dès 1921, on perd sa trace à la veille de la Seconde guerre. Ses projets se réfèrent dans un premier temps au style néo-classique et à l’ornementation baroque, avant d’évoluer vers l’art-déco dans les années 30.

n° 9. secteur 2 : K/4

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immeuble du grand bon marché. 1929/1932

immeuble maroc-soir. 1924

passages du grand-socco et sumica, bd. mohammed-v architectes : auguste cadet (1881/1956), édmond brion (1885/1973) et marcel desmet (1892/1973)

bd. mohammed-v architecte : marius boyer (1885/1947)

Le corps central du bâtiment, situé au-dessus des passages Sumica et du Grand-Socco, s’élance fort élégamment, sur trois travées, chacune surmontée d’une couverture à pans coupés, formant des frontons décorés de mosaïque de grès aux teintes métalliques bleues et vertes particulièrement raffinées. Mosaïque qu’on retrouve sous les sous-faces des galettes surplombant les balcons. De part et d’autre, les volumes, en retrait, sont couronnées par trois niveaux de gradins. Les passages, qui se rejoignent au centre de l’îlot, sont naturellement éclairés par une verrière soutenue par des fers plats. À droite, l’immeuble Trianon, réalisé en 1935 par Marcel Desmet, au style cubiste manifeste. À gauche, Édmond Brion, signe, en 1947, le Crédit du Maroc dans un style sobre. La porte monumentale de la banque est de Raymond Subes, célèbre ferronnier d’art parisien.

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n° 10. secteur 2 : K/4

La tour du siège de l’ex-quotidien la Vigie marocaine, couronnée de tuiles vertes, confère au bâtiment une dimension officielle à rapprocher de l’architecture des édifices administratifs dont le style néo-marocain est dicté par les autorités du Protectorat. C’est dire la place de ce groupe de presse, né dans les années dix au sein de l’ancienne médina, ayant été la voix du pouvoir colonial avant de devenir celle des autorités marocaines après l’Indépendance essentiellement avec le quotidien Le Matin. Marius Boyer met, ici, en œuvre les éléments néo-mauresques des années vingt : panneaux abondamment sculptés de part et d’autres de baies en plein cintre, surmontées d’auvents recouverts de tuiles vertes, zellijs et lambris à l’intérieur. Sous les arcades du boulevard Mohammed-V, les vitrines en aluminium brun et en verre fumé sont des ajouts des années quatre-vingt. Dans le même goût néo-marocain, on note un peu plus loin, sur le même trottoir, la Chambre de commerce et de l’industrie et, dans son prolongement symétrique, la Poste, à l’angle de la rue de la Chaouia et du boulevard Mohammed-V, toutes deux construites en 1918 par Pierre Bousquet.

n° 11. secteur 2 : K/4

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immeuble martinet. 1919

marché central. 1917

boulevard mohammed-v architecte : pierre bousquet (1885/1954)

bd. mohammed-v, rues mohamed-stitou, allal-ben-abdallah et chaouïa architecte : pierre bousquet (1885/1954)

Pierre Bousquet, présent à Casablanca dès 1914, y exerce jusqu’en 1952. Il est l’auteur de nombreux équipements d’importance comme le Lycée Lyautey, l’Hôpital civil, l’Institut Pasteur, sobres et fonctionnalistes. Sur le boulevard Mohammed-V, le Marché central (voir p. suivante), la Poste et la Bourse obéissent au courant néo-marocain. L’immeuble Martinet est, quant à lui, représentatif du style art-nouveau : courbes et contre-courbes soulignent les changements de registre d’une longue façade qui se retourne en pan coupé dominant la petite place entre le Marché central et l’immeuble Bessonneau. Les quatre étages sur arcades d’origine ont été surélevés dans les années 30. Des mouqarnas, éléments de l’architecture islamique, formés de stalactites, terminent les arêtes verticales des volumes en saillie, qui s’arrondissent au niveau du premier pour recevoir la dentelle des fers forgés. Cette réalisation est l’un des nombreux exemples de l’excellence de la mise en œuvre du savoir-faire des maçons casablancais de l’époque.

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n° 12. secteur 2 : K/4

En 1914, il est décidé de déplacer le marché municipal situé alors sur l’ancienne place de France (actuelle place des Nations-unies). Le nouvel emplacement est celui qu’avait occupé pendant deux mois l’Éxposition franco-marocaine de 1915, voulue par le général Lyautey afin de faire la promotion du potentiel économique du pays. Le bâtiment bas et dépouillé reprend le style des marchés citadins traditionnels marocains. Sur un quadrilatère au front continu, il est ponctué de boutiques sous les arcades le long du boulevard Mohammed-V. À l’intérieur, le corps central couvert est surmonté d’une ample rotonde abritant les marchands de poissons. La rue intérieure qui le ceinture est bordée de boutiques. Fraîcheur et ventilation sont assurées par des fontaines en zellijs traditionnels et d’étroites ouvertures fermées de moucharabieh de ciment. Huit accès permettent de le traverser en tous sens. L’entrée principale a été récemment soulignée par des encadrements sculptés et des panneaux de zellijs verts et jaunes.

n° 13. secteur 2 : K/4

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cinéma rialto. 1929

immeuble baille, café la chope. 1931

rue mohamed-el-qorri architecte : pierre jabin (1894/1967)

place du 16-novembre et rue du prince-moulay-abdallah architectes : auguste cadet (1881/1956) et édmond brion (1885/1973)

Baptisé cinéma-théâtre, le Rialto est l’un des premiers cinémas monuments de la ville. D’une capacité d’environ 1300 places, il est doté d’un balcon de 400 places porté par une poutre de 22 m sans point d’appui. Malgré de nombreuses rénovations et modifications, il reste toujours un des exemples de bâtiment de style entièrement art-déco. Haut lieu de la vie culturelle casablancaise, il a accueilli des vedettes de la chanson française : de Maurice Chevalier à Joséphine Baker. La programmation était ambitieuse : les films sortaient en même temps qu’à Paris et/ou qu’aux U.S.A. Les Premières suscitaient des soirées à thème mémorables, en fonction du film présenté. Le Rialto était l’un des lieux significatifs d’une ville profondément hédoniste, tournée vers le sport, le soleil et le cinéma. Bien entretenu, le cinéma reste toujours en fonction.

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n° 14. secteur 2 : K/4

C’est l’un des derniers projets de l’association Cadet et Brion. Fernand Baille, le promoteur, appartient à la vague d’entrepreneurs et d’architectes venus d’Algérie et de Tunisie attirés par l’irrésistible essor de la ville. Sur une parcelle d’angle de 600 m², le bâtiment comprend deux niveaux dédiés aux commerces, soulignés par une fine galette, et six étages de logements, ainsi qu’un septième niveau partiel sur l’angle. Trois travées de bow-windows scandent la façade sur la place, créant un arrondi accentué par le dessin des balcons et de l’auvent à pans coupés du dernier étage. Un décor typiquement art-déco est réservé au septième étage. Le revêtement de carreaux de grès bleu et vert crée un relief accrochant la lumière et donne l’illusion de zellijs traditionnels. L’immeuble s’inscrit dans le paysage de la ville caractérisé par les carrefours et places dominés par des façades d’angle spectaculaires.

n° 15. secteur 2 : K/4

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Immeuble bennarosh. 1932

place du 16-novembre et rue du prince-moulay-abdallah architecte : aldo manassi (1888)

Aldo Manassi, architecte formé en Italie, disparaît sans laisser de traces à la fin des années trente. Actif entre 1920 et 1930, il laisse avec cet immeuble de cinq étages l’une de ses dernières œuvres connues. D’un art-déco très marqué Europe centrale, voire viennois, le traitement des façades donne à l’ensemble un élan vertical remarquable : jeu monumental de redents et hautes porte-fenêtres, fronton décoré pour la façade d’angle, colonnes jumelées sur trois niveaux et trois travées pour les façades latérales. Le dernier étage est scandé par des groupes de quatre à cinq colonnes massives et de faible hauteur couronnées de zellijs en camaïeu de bruns. Il est intéressant de constater que les motifs art-déco des garde-corps et de l’imposte de la porte d’entrée en fer forgé ont été réemployés dans plusieurs immeubles de construction récente.

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n° 16. secteur 2 : K/4

attijariwafabank. ex-b.c.m. 1929 rues idriss-lahrizi et tahar-sebti architecte : marius boyer (1885/1947)

Avec le siège de la BCM, Marius Boyer inscrit au centre-ville un emblème significatif de la vocation économique de la nouvelle métropole. Le bâtiment d’inspiration cubiste est surmonté de deux tours laissant le centre de l’îlot ouvert sur la rue, ce qui permet l’éclairage naturel du hall des guichets à double hauteur. Les angles du bâtiment sont ponctués de loggias en porte-à-faux, accolées aux deux tours. Elles prolongent les surfaces des appartements de fonction par de véritables pièces en plein air suspendues. La rigueur du parti cubiste est tempérée par l’emploi de la pierre de Salé encadrant verticalement les baies et recouvrant la galerie périphérique du dernier niveau, donnant ainsi à l’ensemble l’allure stylisée des kasbahs du grand sud marocain. Sur les façades latérales, les entrées des logements sont signalées par une fente verticale continue, éclairant les cages d’escalier. Plus compacte, sans décor hormis le marbre du soubassement, la façade arrière révèle une modernité fortement Bauhaus.

n° 17. secteur 2 : K/4

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immeuble société mutuelle hypothécaire sud-américaine. 1929

immeuble du comptoir des mines. 1923

rue ibn-batouta architectes : marius boyer (1885/1947) et jean balois (1882/1967)

Depuis son arrivée à Casablanca en 1919, Marius Boyer compte à son actif de nombreuses réalisations importantes. La diversité de ses registres stylistiques a pour trait commun sa maîtrise et sa force créatrice. Pour exemple, ce bâtiment d’angle art-déco de quatre niveaux sur rez-de-chaussée, à qui l’architecte a réussi à conférer une dimension monumentale, grâce notamment, au traitement savant de la travée principale, au-dessus de l’entrée. Elle est surmontée d’une superstructure encadrée en terrasse de deux larges auvents en porte-à-faux déployés en ailes d’avion – peut-être en rapport avec les noms des aviateurs, héros de la Première guerre mondiale, donnés aux rues de ce quartier. Un décor de petits carreaux de grès bleus et or, au-dessus de la porte d’entrée, rappelle celui ornant l’immeuble Glaoui (voir p. 69) contemporain, réalisé également avec Jean Balois, son associé de 1925 à 1929, installé à Rabat.

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n° 18. secteur 2 : K/4

rue tahar-sebti architecte : marius boyer (1885/1947)

Le groupe Comptoir des mines et grands travaux du Maroc, spécialisé dans la fabrication d’explosifs, confie à Marius Boyer la construction de son siège en 1923, comme on peut le lire sur les panneaux de pierre de Salé sculptés ornant les façades. L’ordonnance sévère et monumentale de cet immeuble d’angle est accentuée par la galerie à arcades des quatrième et dernier étage. Les arabesques des frises et macarons de pierre plaqués sur les façades évoquent le décor des constructions viennoises du début du siècle, entre art-nouveau et art-déco. De la place d’Aknoul au boulevard Lalla-Yacout, la rue TaharSebti présente une suite de bâtiments, du néo-classique au mouvement moderne en passant par l’art-nouveau et l’artdéco, construits entre 1920 et 1930. On y retrouve la diversité des œuvres de Boyer avec la façade arrière de la BCM, de style Bauhaus (voir p. 81), et l’immeuble, angle rue Chaouïa et boulevard Lalla-Yacout, d’écriture art-nouveau : coupoles aplaties, volumes courbes et grilles de fer forgé représentant des paons.

n° 19. secteur 2 : K/5

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cercle des officiers. 1925

palais de justice. 1920/1923

place mohammed-v, rue laïmouna architecte : marius boyer (1885/1947)

place mohammed-v architecte : joseph marrast (1881/1971)

Pour le Cercle des officiers, Marius Boyer reproduit le dessin de la façade de l’Hôtel de la subdivision militaire, actuel consulat de France (voir p. 57). Les deux bâtiments en retrait, encadrent ainsi symétriquement l’imposant Tribunal de Marrast et participent à l’ordonnance de la place telle que voulue par le Résident général Lyautey. Les deux édifices à vocation militaire sont ainsi les moins spectaculaires de la place, à l’échelle d’habitations, comme si l’armée cherchait à se faire discrète derrière les édifices publics monumentaux. Les salons de l’étage, lambrissés de zellijs, ouvrent sur une grande terrasse dominant la place. Un temps ouvert au public par l’intermédiaire d’un restaurant marocain, le Rissani, le Cercle des officiers a repris une fonction purement militaire.

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n° 20. secteur 2 : K/5

L’édifice constitue l’élément majeur de la place qu’il limite à l’est comme un fond de scène. Il est accessible par un escalier imposant et une porte monumentale, abritée par un porche de pierre sculptée, couronné d’une frise exceptionnelle de zellijs verts et bleus, l’ensemble évoquant irrésistiblement l’architecture islamique des mosquées et medersas d’Iran ou d’Ouzbékistan. De part et d’autre, une large galerie ouverte, aux plafonds de cèdre peint, longe les patios richement plantés et fait office de salle des pas perdus. Dans l’axe de l’entrée, la grande salle d’audience se présente entièrement lambrissée – murs et voûtes –, ce qui lui confère une atmosphère particulière. Le Palais de justice, seul bâtiment que l’architecte a construit au Maroc, exprime de façon magistrale ce style néo-marocain, mettant en valeur les arts traditionels locaux. Joseph marrast a œuvré, au sein de l’équipe Prost, à des travaux d’ordre urbanistique. C’est à lui que l’on doit, entre autres, le dessin définitif de la place Administrative .

n° 21. secteur 2 : K/5

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immeuble levy-bendayan. 1929

immeuble liscia. 1937

bd. du 11-janvier, rue ferhat-hachad et av. lalla-yacout architecte : marius boyer (1888/1947)

avenue lalla-yacout et rue ibn-batouta architecte : pierre jabin (1894/1967)

Fin des années 20, Boyer inaugure ici un registre radicalement nouveau parmi la production des ses contemporains. En supprimant le front continu sur l’alignement et la cour intérieure, il propose des façades aux accents Bauhaus, creusées au-dessus de l’auvent du rez-de-chaussée, créant ainsi quatre cours ouvertes sur les voies. Par redents successifs jusqu’au cœur de l’îlot, elles permettent d’éclairer toutes les pièces des 45 appartements distribués par un escalier circulaire. Celui-ci bénéficie de la lumière naturelle à travers les escaliers de service dont les façades, en fond de cours, sont constituées, sur sept étages, de panneaux métalliques aérés par des lamelles horizontales. L’unique accès se fait rue Ferhat-Hachad à travers des emmarchements monumentaux lambrissés de marbre. Encadrant une des cours ouvertes, deux tours, reliées aux 5e et 6e étages par un pont à l’exécution impeccable, dominent le carrefour rue Ferhat-Hachad et avenue Lalla-Yacout. Cet ensemble maitrisé est certainement un des plus spectaculaires du centre ville.

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n° 22. secteur 2 : K/5

On reconnaît l’écriture stricte et serrée de Pierre Jabin dans cet immeuble de six étages, ceinturé de bandeaux blancs encadrant les baies régulières séparées par des meneaux striés, interrompus, sur cinq niveaux, par quatre volumes en saillie verticaux, recouverts de marbre gris. Au rez-dechaussée, occupé par des boutiques et des cafés, Dominique Basciano, réaménage, dans les années 70, le cinéma Lux, aujourd’hui fermé. Les sols et les murs des halls d’entrée à deux niveaux sont recouverts de patchwork de marbre – la famille Liscia etait propriétaire d’une marbrerie. La terrasse du septième, occupée par un appartement-jardin, est bordée d’une pergola de béton percé, soulignant la silhouette de l’immeuble arrondi sur l’angle de l’avenue Lalla-Yacout et de la rue Ibn-Batouta.

n° 23. secteur 2 : K/5

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garage auto-hall. 1930

garage fiat. 1919

av. lalla-yacout, rues oued-ziz-yaman, d’amman et mostafa-el-mâani architecte : pierre bousquet (1885/1954)

rues mostafa-el-mâani, habacha et el-wahda architecte : aldo manassi (1888)

Dès 1920, le percement de larges avenues et l’essor de l’industrie automobile vont favoriser l’implantation de grands garages, tels Citroën (voir p. 47), et Fiat (voir p. suivante). Les établissements Auto-Hall représentent essentiellement la marque Ford. Au centre de la façade boulevard LallaYacout, où sont disposés les halls d’exposition, s’ouvre l’accès monumental du garage et des bureaux. Son échelle évoque le passage des camions vers la rampe prolongée jusqu’au toit des deux étages ajoutés en 1954 par Erwin Hinnen. Le rezde-chaussée et le premier étage initiaux sont couronnés de fines galettes débordant largement et formant un porche à l’angle de la rue Mostafa-El-Mâani. Avec ce bâtiment de style moderne, conforme à la nouvelle industrie qu’il représente, Pierre Bousquet abandonne les registres art-nouveau, art-déco et néo-marocain dont il usait jusque-là. Auto-Hall s’inscrit dans la vague contemporaine des édifices dédiés à l’automobile, tels à Paris, celui d’Alfa-Roméo (1925) par Mallet-Stevens et celui de Citroën (1927) par Albert Laprade, rue Marbeuf.

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n° 24. secteur 2 : K/5

Conçu dans un style art-déco basique par l’Italien Manassi, le bâtiment des établissements Fiat occupe une emprise importante dans ce quartier de Mers-Sultan. Le rez-de-chaussée abrite salles d’exposition et garage ; l’étage, souligné par des ferronneries et des sculptures caractéristiques du style, est réservé aux bureaux et aux appartements de fonction. L’accès, implanté sur le pan coupé à l’angle des rues Mostafa-El-Mâani et Habacha, est signalé par deux motifs verticaux présentant le logo de la marque. On a dit de Casablanca, ville dépourvue de véritables monuments, que ses grands repères urbains étaient ses banques, ses cinémas et ses garages. Dès 1919, des établissements automobiles comme Fiat puis Citroën (voir p. 47) installent leur réseau dans cette ville nouvelle résolument tournée vers l’avenir.

n° 25. secteur 2 : K/5

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cinéma liberté. 1954

cinéma lynx. 1950

boulevards rahal-meskini et de la liberté architecte : albert planque (1910/1972)

avenue mers-sultan architecte : dominique basciano (1911/2011)

Dans une ville dont le seul théâtre a été « provisoire » de 1922 jusqu’à sa démolition en 1984, les salles de cinéma ponctuent la ville comme autant de lieux culturels. Le Liberté est l’un des derniers construits d’une longue liste. Il s’insère dans un ensemble comprenant une grande surface commerciale et des logements. Ce bâtiment à l’architecture moderne et sage diffère de la plupart des autres salles construites à la même époque, au style organique, presque baroque. Il est caractéristique de l’œuvre d’Albert Planque, installé à Rabat, ayant exercé au Maroc de 1946 à 1970. Le Liberté a fait l’objet d’une rénovation ces dernières années grâce à un mouvement de renouveau des cinémas du centre-ville, hélas éphémère. L’ensemble est à vendre aujourd’hui.

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n° 26. secteur 2 : K/6

Dominique Basciano peut être considéré comme un spécialiste des cinémas de Casablanca, on lui doit le Rif, avenue des FAR et le Lux , avenue Lalla-Yakout entre autres. Le Lynx est l’une de ses premières réalisations. Le projet associe une salle de cinéma, un hall d’exposition pour automobiles et un garage, enfin un petit immeuble d’habitation. À partir du hall d’entrée monumental à double hauteur, protégé de la rue par un mur de verre, on accède à la salle de cinéma de 1 200 places et à son balcon par un escalier sinueux. Le jeu des décors muraux et des faux plafonds en forme de vagues donne l’illusion de volumes libres alors que l’enveloppe générale est entièrement orthogonale. Un soin particulier a été apporté au confort des spectateurs, en particulier la pente étudiée pour une visibilité optimale de la scène qui peut accueillir des spectacles.

n° 27. secteur 2 : K/6

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église notre-dame-de-lourdes. 1954

lycée mohammed v. 1954

rond-point d’europe et bd. zerktouni architecte : achille dangleterre (1907)

avenue du 2-mars architectes : isaac lévy (1912/1989) et élie azagury (1918/2008)

La deuxième église monumentale de Casablanca, après l’église du Sacré-Cœur de Paul Tournon (voir p. 53), a été édifiée, après concours, près de la grotte reconstituée de Bernadette de Lourdes. Le plan est celui d’une basilique orientée à l’ouest. La forme est celle d’une tente dressée, aux parois étirées et inclinées. Les dimensions du bâtiment sont de 60 m de long, 26 m de large et 26 m de hauteur. De chaque côté, vingt-quatre spectaculaires meurtrières de 17 m de haut s’élancent pour soutenir la voûte, et accueillir les vitraux. La structure des bascôtés, rejetée à l’extérieur, permet la continuité de deux murs de vitraux. Les lignes abruptes de l’ensemble du bâtiment contrastent avec la qualité de la lumière filtrée à l’intérieur. Gabriel Loire, célèbre verrier de Chartres, est l’auteur des vitraux. Exceptées l’église néo-gothique des Roches-Noires et l’église espagnole de l’ancienne médina (voir p.14), la modernité sera systématiquement adoptée pour l’architecture chrétienne casablancaise.

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situation : K/6

Sur un terrain bordé par le boulevard Victor-Hugo, l’avenue du 2-mars et la rue de Salonique, les premiers bâtiments du lycée (ex-Lyautey) ont été construits par Pierre Bousquet en 1922. L’extension concerne la nouvelle entrée et le pavillon des sciences, en façade sur l’avenue du 2-mars. Un auvent constitué de poutres en béton armé signale l’entrée du lycée, calée dans le décrochement entre les deux blocs des classes de sciences, dont les façades, orientées à l’ouest, sont protégées par un quadrillage de brise-soleils en béton. Le Lycée Mohammed V a formé une grande partie de l’élite casablancaise, particulièrement politique. En effet, dès 1965, il fut un ardent foyer de contestation.

situation : K/7

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bd. zerktouni et rond-point d’europe architecte : alexandre courtois (1904/1974)

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situation : K/6

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La majorité des grands groupes scolaires de Casablanca sont construits dans les années 50, pour faire face à la croissance de la population. Face à l’église Notre-dame-de-Lourdes, de l’autre coté du boulevard Zerktouni, ce lycée se présente sous la forme d’une longue barre de quatre niveaux, protégée de la circulation par la cour plantée de jacarandas. On identifie sans difficulté l’écriture de Courtois dans la simplicité des volumes et la sobriété des ouvertures protégées de lames verticales serrées sur la façade sud. Le rez-de-chaussée est entièrement libéré pour accueillir le préau. Les accès sont constitués par six escaliers à l’air libre jusqu’au premier étage. Ils se prolongent à l’intérieur pour ne distribuer que deux classes à la fois. Elles bénéficient ainsi d’une double orientation. Au quatrième étage une fente horizontale continue indique les logements de fonction en retrait.

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lycée de jeunes filles. 1954

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à gauche, photo d’époque.

gare routière de la c.t.m. 1951/1955

immeuble assayag. 1930/1932

rue léon-l’africain et av. des f.a.r. architecte : alexandre courtois (1904/1974)

rue hassan-seghir architecte : marius boyer (1885/1947)

Cet ensemble à fonctions mixtes répond au plan élaboré par Michel Écochard, responsable du service d’urbanisme de 1947 à 1952. L’avenue des FAR, alors appelée « la grande transversale est-ouest », percée en 1952, devait recevoir des immeubles de grande hauteur, disposés en peigne, laissant ainsi passer l’air et le soleil et libérant le sol pour des espaces piétonniers plantés. Entre l’hôtel El Mansour et la place Zellaka, n’a été réalisée que la séquence dont fait partie cette barre de logements étroite et longue, posée en biais sur une galette d’un étage sur portique abritant des commerces, avenue des FAR, et la gare routière de la CTM, rue Léon-l’Africain. On y reconnait l’écriture lisse et stricte de Courtois. Sur sept étages, des bandeaux continus encadrent des ouvertures à trames étroites et des loggias profondes. Ils sont interrompus aux deux-tiers de la façade par les claustras verticaux de la cage d’escalier. Avenue des F.A.R, les portiques abritaient une bibliothèque et un théâtre municipaux aujourd’hui fermés.

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n° 1. secteur 3 : L/4

Dans les années 20, la refonte des quartiers du port en quartier des affaires est envisagée. Eirik Labonne, secrétaire général de la Résidence, encourage architectes et urbanistes à y édifier des immeubles de grande hauteur. Ainsi, Boyer, qui imagine des tour-portiques, réalise cet ensemble en deux parties de huit et quatre étages, séparées par une rue intérieure couvrant le garage en sous-sol. Sur l’avenue Hassan-Seghir, trois blocs, reliés jusqu’au 7e, se déclinent en gradins, créant de larges terrasses devant des studios. Ils sont couronnés par trois duplexs. À partir de trois escaliers, environ 90 appartements s’organisent autour des paliers circulaires, disposition leur permettant de bénéficier de trois orientations et d’être isolés par les parties communes insérées entre eux (escaliers de service, ascenseurs, vide-ordures). Elles sont directement ventilées et éclairées par des verrières à lamelles qui soulignent la verticalité de trois tours. Au 8e, les cages d’escaliers communiquent à travers les locaux des buanderies communes ouvrant sur des terrasses d’étendage. L’élégant ensemble évoque irrésistiblement certaine réalisation parisienne d’Henri Sauvage, à caractère constructiviste.

n° 2. secteur 3 : L/4

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à gauche, photo d’époque.

Immeuble bessonneau, dit hôtel lincoln. 1917

immeuble lévy et charbon. 1929

bd mohammed-V, rues ibn-batouta et abdallah-al-médiouni architecte : hubert bride (1889)

rue pierre-parent, bd. hassan-seghrir et rue n’chakra-rahal architectes : ignacio sansone (1905) et paul busuttil (1900)

L’ensemble, un des premiers repères du centre-ville, comprenait une soixantaine d’appartements, des commerces et un hôtel. Comme quelques bâtiments des années dix, il est construit en maçonnerie porteuse. Des poutrelles métalliques et des voutins en brique constituent les planchers. Le décor néo-mauresque est encore visible sur la structure d’ordonnance classique, évoquant l’architecture du XIXe siècle en Afrique du Nord. Au début des années quatre-vingt, l’effondrement d’une terrasse a provoqué la mort de deux clients de l’hôtel. Aussitôt évacué, l’immeuble a fait l’objet de procédures judiciaires et de demandes de démolition. L’inscription de sa façade à l’inventaire des monuments historiques, en 2000, n’a pas pour autant conduit à la réhabilitation obligatoire. De nombreux incidents, volontaires ou pas, ont contribué à une dégradation irréversible jusqu’à l’effondrement partiel en 2009. Aujourd’hui, nous apprenons que le bâtiment sera transformé en palace avec une façade reprise à l’identique.

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n° 3. secteur 3 : L/4

Ignacio Sansone est arrivé en 1920 de Tunisie où il avait débuté sa carrière en 1912. Maçon, devenu architecte, il s’associe jusqu’en 1939 avec son gendre Paul Busuttil, lui aussi natif de Tunis. Avec trois façades, cet ensemble se compose d’un rezde-chaussée commercial et de cinq niveaux de logements. Le premier et le quatrième étage sont ceinturés de balcons à balustres aux lignes ondulées d’inspiration art-nouveau. Le style art-déco s’exprime dans la frise sculptée du dernier étage et dans les cannelures verticales des deux rotondes d’angle surmontées de coupoles recouvertes de carreaux bruns et couronnées de lanternons de verre bleu. Dominant la petite place plantée de palmiers, l’immeuble Lévy et Charbon participe à la richesse patrimoniale de ce quartier déjà menacé. En effet, après la destruction des entrepôts Hamelle, avenue Hassan-Seghir, des menaces de démolition pèsent sur l’îlot proche, bordé par les rues d’Anjou, N’Chakra-Rahal et la rue Mohamed Smiha où se trouvent notamment les anciens locaux des Imprimeries réunies datant de 1920 et 1930.

n° 4. secteur 3 : L/4

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immeuble villas paquet. 1952

immeuble maret. 1932

bd. mohammed-v et place paquet architecte : jacques gouyon

boulevard mohammed-v architecte : hippolyte-joseph delaporte (1875/1962)

Cet immeuble de 16 étages présente un spectaculaire jeu de balcons filants, traités en rubans ondoyants qui semblent flotter sans interruption devant la façade en retrait, sans pour autant cacher la structure des poutres en porte-à-faux qui les soutiennent. Les allèges, minces, sont surmontées de gardecorps grillagés. L’appellation « Villas Paquet » fait référence aux nombreuses dépendances et services dont disposent les appartements qui apparentent ces derniers à des maisons individuelles. Avec l’immeuble Marignan de 12 étages, plus massif, surmonté d’une galette percée d’oculis, situé en face, celui-ci introduit une rupture d’échelle sur le boulevard Mohammed-V. L’écriture « paquebot », semblable à celle de l’immeuble Liberté (voir page 105), rappelle également celle de l’ensemble Fraternelle du nord (voir page 102), de l’autre coté du rond-point.

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n° 5. secteur 3 : L/4

Delaporte, arrivé en 1913 à Casablanca, signe avec les frères Perret les magasins Paris-Maroc, devenus les Galeries marocaines, démolis dans les années 1970. Il est aussi l’auteur de l’hôtel Excelsior et des petites villas de la rue du Parc (voir page 50) majoritairement de style néo-mauresque. Pour cet immeuble de six niveaux sur rez-de-chaussée, il mélange styles néo-classique et art-nouveau. L’angle en rotonde est le point de départ d’une série d’ondulations qui se propagent sur l’ensemble de la façade principale le long d’une impasse. Le sixième étage, en galerie, souligne le décor spectaculaire de l’étage inférieur pavé de zellijs polychromes à dominante turquoise, évoquant l’architecture de Gaudi. Le dôme qui surmonte l’angle du bâtiment, recouvert de zellijs, dialogue avec ceux de l’immeuble Lévy et Charbon (voir page 99) construit en 1929 à proximité. Le hall d’entrée principal, situé dans l’impasse, mérite la visite, pour son décor.

n° 6. secteur 3 : L/4

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immeuble de la fraternelle du nord. 1931/1932

immeuble shell. 1934

bd. mohammed-V, rues mohamed-diouri et ahmed-fariss architecte : marcel desmet (1892/1973)

rond-point patton architecte : marius boyer (1885/1947)

Desmet, dont c’est pratiquement le premier projet à Casa, construit un ensemble compact de huit immeubles pour la compagnie d’assurances La Fraternelle du Nord, sur une parcelle triangulaire de 4000 m². Huit escaliers et ascenseurs desservent, sur six étages, 156 appartements allant du studio aux cinq pièces. Les halls d’entrée ornés de panneaux de miroirs, les circulations verticales, les paliers, de dimensions généreuses, sont traités avec une grande sobriété, sans aucune ornementation. Dans la cour triangulaire, une galerie marchande permet la circulation entre les trois voies bordant l’îlot. Des loggias se creusent en façade, derrière les bandeaux lisses qui enveloppent l’ensemble. Dotés de cheminées et de volumes spacieux, ces logements à « moyen loyer », bénéficient d’un confort alors semblable à celui des immeubles de « luxe » contemporains. Parmi les édifices artdéco et néo-classique dominant le boulevard MohammedV, Desmet introduit, avec harmonie, dès le début des années 30, ce style résolument moderne, fonctionnaliste.

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n° 7. secteur 3 : L/4

L’immeuble, siège de la société Shell, représente, dès sa construction en 1934, un repère dans Casablanca. D’une écriture rigoureuse, le bâtiment s’incurve légèrement en son centre en épousant la courbe de la place. Au-dessus de la colonnade du rez-de-chaussée, il est strié de bandes horizontales lisses interrompues jusqu’au quatrième étage par les deux verticales des baies regroupées soulignant ses angles arrondis. Le bandeau continu du cinquième étage, légèrement en retrait, est orné d’un cadran en son centre et, de part et d’autre, du logo en forme de coquillage de la Shell. Le décor sombre et discret des cache-rideaux en pavés de verre piqués de cabochons de laiton doré et des meneaux de pierre, met en valeur la pureté dominante des bandes enveloppant l’ensemble. L’immeuble a été vendu il y a quelques années. Des travaux d’aménagement entamés par son nouveau propriétaire pour le transformer en hôtel sont actuellement suspendus.

n° 8. secteur 3 : L/4

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la pharmacie centrale. 1925

immeuble liberté, dit le dix-sept étages. 1949/1950

rue des ouled-ziane architectes : auguste cadet (1881/1956) et édmond brion (1885/1973)

bd. zerktouni, place lemaigre-dubreuil architecte : léonard morandi (1914/2007)

La Pharmacie centrale, équipement nécessaire à la nouvelle ville en plein développement, regroupe des bureaux du ministère de la Santé et des entrepôts de stockage. La façade assez austère, d’ordonnance classique est percée en son centre d’un porche de pierre fermé par une grille de fer forgé, donnant accès à la vaste cour des livraisons. Cependant on y reconnait l’écriture néo-marocaine de Cadet et Brion, alors déjà engagés dans la construction des Bank Al Maghrib et du quartier des Habous (voir p. 108). Une large frise de pierre sculptée englobe les ouvertures au dernier étage, protégée par un auvent recouvert de tuiles vertes, caractéristique des bâtiments officiels. Le soubassement de pierres et les hautes grilles de fer forgé des fenêtres du rez-de-chaussée contribuent au caractère contrôlé de l’ensemble. On retrouve des éléments art-déco dans les sculptures des trompes encadrant le porche et dans le décor des auvents et balcons aux extrémités de la façade. Rue Mohamed-Baamrani, des baies étroites et verticales rythment les pignons à deux pentes des entrepôts, sans aucune ornementation.

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n° 9. secteur 3 : L/5

L’immeuble Liberté constitue une sorte d’aboutissement du style « paquebot », développé dans les années 1930. D’une hauteur de 78 m, comptant 17 étages, la tour à l’enveloppe galbée, définie comme « la première expérience africaine à grande hauteur » pour un immeuble à appartements, est aujourd’hui encore considérée comme l’un des symboles le plus fort de l’architecture casablancaise. Donnant sur la place, les pièces principales des appartements, orientées au sud, sont protégées des vents de l’océan, situé au nord. L’immeuble comporte un niveau de bureaux avec accès par un escalier particulier. Quatre ascenseurs principaux et trois de services desservent les étages. Les bandeaux continus des balcons et les allèges délimitent des vues panoramiques sur la ville. Les 16e et 17e étages bénéficient de terrasses abritées et de patio-jardins. L’un des habitants du Liberté, l’industriel Lemaigre-Dubreuil, fut assassiné au pied de l’immeuble, en 1955, pour ses positions anticolonialistes. La place porte son nom.

situation : L/6

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mosquée assounna. c.1970

cité d’aïn-chock. 1946

angle bd. modibo-keïta et av. du 2-mars architecte : jean-françois zévaco (1916/2003)

bd. panoramique, barchid et av. tmara architectes : antoine marchisio (1885/1954) et paul busuttil (1900)

Au moment où Jean-François Zévaco construit cette mosquée, Casablanca est encore déficitaire en édifices religieux musulmans, puisqu’elle ne compte de mosquées d’importance dans la nouvelle ville que celles de Cadet et Brion, aux Habous, et celle de la cité d’Aïn-Chock d’Édmond Brion. Depuis maintenant une trentaine d’années, ce manque a été comblé dans presque tous les quartiers périphériques ainsi que par l’édification de la Mosquée Hassan II. L’originalité de la mosquée conçue par Zévaco réside dans le fait que l’architecte n’a fait appel à aucun élément décoratif traditionnel de l’architecture arabo-andalouse. Le minaret est entièrement en béton brut de décoffrage, les toitures voûtées – interprétation de celles fameuses de la Karaouiyine – ne sont pas recouvertes de tuiles vernissées, les ouvertures sont soulignées par des claustras en briques. C’est probablement une des seules mosquées dans le pays d’esthétique exclusivement brutaliste. Néanmoins, des transformations ont fait leur apparition, ces dernières années, sur l’une des entrées introduisant zellijs et tuiles vertes.

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situation : L/11

Destinée à résorber le bidonville de Ben-M’Sick, la cité est mise en chantier au milieu des années 40 pour 100 000 habitants. Le plan-masse de Marchisio propose une géométrie particulière. Les voies principales sont situées à 45° par rapport aux circulations secondaires donnant accès aux habitations. Cette implantation en « arêtes de poisson » préserve l’intimité des logements. Les typologies de ces derniers sont conçues par différents architectes, dont Paul Busultil. Comme aux Habous (voir p. 110), on note des détails architecturaux empruntés aux anciennes médinas. Cependant, l’offre des logements est, ici, beaucoup plus modeste. L’eau courante et l’électricité n’y seront installées que tardivement. Les équipements sont confiés à Édmond Brion pour la mosquée, Pierre Chassagne pour le hammam et Paul Busutill pour le marché couvert. Des travaux récents, ont malheureusement, obturé le plafond du marché, auparavant constellé d’étoiles de verres de couleur.

situation : M/12

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la mahkma. 1941/1952

quartier des habous. boulevard victor-hugo architecte : auguste cadet (1881/1956)

Pendant la 2e Guerre mondiale, la pénurie des matériaux, comme le ciment et le fer, a été l’occasion unique pour Cadet de retrouver les techniques de mise en œuvre des monuments d’architecture arabo-andalouse qu’il admirait tant. Il installe ses bureaux sur la place Moulay-Youssef, à deux pas du chantier qu’il dirige, entouré des meilleurs maâllems spécialistes des arts traditionnels, habillé comme eux, parlant leur langue, au point que la légende voudrait qu’il se soit converti à l’islam. Ce monument, à l’allure de forteresse médiévale s’étend sur 6000 m². Deux entrées monumentales et sévères, en chicane, conformément à la tradition, donnent accès l’une sur le Bd. Victor-Hugo, l’autre par des emmarchements à partir de la Grand’ Place. Passé ces porches on est saisi par la richesse et le raffinement du décor faisant immanquablement penser à l’Alhambra de Grenade. Autour du premier patio, s’organisent bureaux et salle d’attente. Le grand patio donne, lui, accès aux salons de réception, au bureau du Pacha, et aux deux grandes salles d’audience. Il s’ouvre dans l’axe de la grande cour appelée aussi patio des khalifat. Les sols et les colonnes

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situation : M/7

sont de marbre, les murs sont recouverts de zellijs, de plâtres ciselés et couronnés de cèdre sculpté. La grande cour, de facture plus austère, est bordée d’arcades, abritant quatre salles d’audience au rez-de-chaussée, et d’une galerie à l’étage, couverte de tuiles vernissées, à laquelle on accède dans les angles par trois escaliers à vis spectaculaires. Son aspect minéral évoque un cloître médiéval, égayé en son centre d’une fontaine de pierre entourée de quatre massifs plantés d’oranges, de palmiers et de cyprès. Le bâtiment qui fait actuellement office de siège du Conseil de la région du grand casablanca, est fermé la plupart du temps. Il s’ouvre au grand public lors des Journées annuelles du patrimoine, au mois d’avril. Point d’orgue de la réalisation du quartier des Habous, ce monument est considéré comme le dernier chef-d’œuvre de celui qui se qualifiait lui-même d’ « Architecte du Gouvernement Chérifien ».

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mode de vie adapté à leurs traditions. Les rues principales et les places sont bordées d’arcades abritant des commerces. Dans les ruelles qui les entourent, plus calmes, se trouvent les habitations. Étudiées une à une, leur morphologie et leur assemblage démontrent le talent et la connaissance profonde de l’architecture marocaine de leurs auteurs, entourés des artisans et entrepreneurs marocains au savoirfaire confirmé. Le soin apporté aux équipements est tout aussi remarquable : kissariat, toilettes publiques revêtues de zellijs, bassin de marbre et toit de cèdre sculpté, fontaines, portes de pierre travaillée, hammam. Deux très belles mosquées dominent le quartier de leurs minarets de style almohade : la mosquée Moulay Youssef inaugurée en 1923 et la mosquée Sidi Mohamed en 1936. Au début des années 50, l’ensemble est achevé avec la rue impériale bordée d’un côté de portiques abritant les librairies, de l’autre par l’imposant tribunal du Pacha, ou Mahkma (voir p. 108) . La réussite de cette expérience d’urbanisme, unique en son genre, est largement confirmée aujourd’hui par l’animation permanente qui y règne et la fréquentation touristique. Certains, même casablancais, croient y voir une authentique ville ancienne.

cité des habous. 1917/1955

architectes : auguste cadet (1881/1956) et édmond brion (1885/1973)

Dès 1916, Henri Prost et son équipe envisage la création d’une « Nouvelle ville indigène », destinée à résorber les habitations insalubres où s’entassent les immigrants venus de l’intérieur du pays. Elle sera implantée entre la route de Médiouna (aujourd’hui avenue Mohammed-VI), axe principal reliant le sud du Maroc à Casablanca, et la voie ferrée RabatMarrakech. Sur la partie proche du centre-ville, le palais du Sultan sera édifié en 1917 par les frères Louis-Paul et FélixJoseph Pertuzzio, son jardin andalou sera dessiné par JeanClaude Nicolas Forestier. Au sud, Albert Laprade esquisse le premier plan-masse du quartier, accompagné de croquis, plans et détails définissant la typologie des habitations et équipements, directement inspirées de l’architecture marocaine traditionnelle. Albert Laprade, appelé à Rabat pour construire la Résidence, Auguste Cadet et Edmond Brion seront seuls maîtres d’œuvre du projet de 1918 à 1955. Très vite, cette nouvelle médina sera occupée par une population de petits commerçants, de fonctionnaires et de notables d’origine fassie, retrouvant dans sa configuration un

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situation : M/7

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photo d’époque.

immeuble brami. 1952

gare routière. 1951

25, rue aït-ba-amrane architecte : gaston jaubert (1918)

angle de l’avenue pasteur et de la rue elkortobi architecte : isaac lévy (1912/1989)

Souvent associé à Élie Azagury, Isaac Lévy, né à Tanger, exerce à Casablanca de 1947 jusqu’au début des années soixante. Il participe, comme Azagury et Zévaco, eux aussi nés au Maroc, à la réalisation des programmes sociaux initiés par Michel Écochard, urbaniste de 1947 à 1952, à Hay-Hassani (exDerb-Jdid) (voir p. 22) et à El-Hank (voir p. 25). Cet ensemble destiné au transport des marchandises se compose de deux bâtiments distincts : les entrepôts à l’arrière, desservis par deux rues parallèles, et les locaux de l’administration sur l’avenue des FAR. Ceux-ci sont construits sur pilotis et présentent une façade entièrement vitrée, protégée par un panneau de brise-soleils en béton armé rappelant des réalisations du Corbusier. Les entrepôts situés perpendiculairement à l’administration sont bordés de quais de chargement couverts de larges auvents de béton en porte-à-faux.

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situation : N/4

Dans les années 30, à Casablanca, le nombre de célibataires, parmi les immigrants, est si important qu’il induit une réflexion sur le logement de petite surface. Cette demande spécifique est renouvelée après la deuxième guerre mondiale et le nouveau « boom » économique des années 50. Ainsi, cet immeuble qui propose des petits appartements en duplex, distribués par une coursive, un étage sur deux. Le séjour à double hauteur s’ouvre sur une loggia protégée au sud-est. Un escalier suspendu et transparent mène aux deux chambres à l’étage. L’aménagement intérieur reflète l’esthétique des années 50 : sols en opus incertum, séparations mitoyennes percées de hublots, etc. Le jeu des garde-corps filant sur la façade bombée souligne l’organisation sur deux niveaux. Le dernier étage est réservé à l’appartement du propriétaire.

situation : N/4

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immeuble atlanta. 1953

poste camiran. 1952

rue d’ifni architectes : a. le normand et louis-henri fleurant (1897/1980) châssis: jean prouvé (1909/1984)

boulevard émile-zola architecte : gaston jaubert (1918)

Non loin de l’immeuble Brami (voir p. précédente), Gaston Jaubert reprend le principe du duplex dans un immeuble, plus exposé sur le boulevard Émile-Zola. Entièrement visible derrière un vitrage rythmé par ses paliers, l’escalier, placé latéralement par rapport à la façade, dessert une quarantaine d’appartements de trois pièces en duplex. Le soubassement de l’immeuble abrite des commerces et épouse la forme du carrefour. Ici encore, on note le graphisme subtil de la façade creusée par les loggias à double hauteur, mettant en valeur le jeu de l’ombre et de la lumière. Gaston Jaubert quitte le Maroc en 1960. La majorité de son œuvre est constituée d’équipements et de logements sociaux, souvent en association avec Marcel Desmet et ATBAT-AFRIQUE comme bureau d’études.

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situation : N/4

L’appellation « poste Camiran » désigne un ensemble comprenant des logements (R+4), des bureaux, des locaux techniques abritant l’alimentation en électricité d’une grande partie de la ville. C’est donc un équipement stratégique protégé derrière un bâtiment fermé, enrobé par une alternance horizontale de bandes pleines et de pavés de verre. Au centre du plus long côté, un volume incliné en saillie présente des claustras en acier, signés par Jean Prouvé. Ce bâtiment est à rapprocher du poste transformateur de Maddalena sur le boulevard Franklin-Roosevelt (voir p. 26). Il est incorrectement appelé « Coca-Cola » en raison de l’usine située à proximité, à l’angle de la route des Ouled-Ziane, construite en 1950 par Pierre Bousquet et aujourd’hui désaffectée. On ne connaît pas d’autres bâtiments de Le Normand à Casablanca.

situation : N/6

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les anciens abattoirs. 1922

rue jaâfar-el-barmaki architectes : georges-ernest desmarest (1877/1959)

Les nouveaux abattoirs municipaux, bâtis à proximité de la gare Casa-voyageurs, au sud de la voie ferrée, succèdent à ceux construits en 1908 sur l’actuelle place des Nations-unies. La ville compte alors 100 000 habitants, et l’ampleur du projet témoigne de la vision de son extension future, suivant les plans d’urbanisme de Prost, ainsi que des préoccupations hygiénistes de l’époque. Sur cinq hectares, de véritables rues et places relient les différents bâtiments : en périphérie, les locaux administratifs et les logements en îlots isolés, entourés de jardins, au centre, dans la grande rue axée sur l’entrée principale, les écuries et les bâtiments d’abattage, reliés directement à l’immense halle. À celle-ci, s’adosse la tour des frigorifiques en partie effondrée suite à un incendie. À cela s’ajoutent les bâtiments nécessaires au traitement des carcasses, peaux, etc. Ces constructions illustrent les progrès de la maîtrise du béton armé, technique récente en 1922. Des poutres de 16 m de portée rythment le bâtiment principal de 160 m de long. À l’extérieur, des claustras de ciment assurent la ventilation et l’éclairage naturels.

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situation : P/4

Le style de l’ensemble est une belle et puissante fusion entre l’art-déco et le néo-mauresque. Les portes monumentales de la grande halle encadrées de volumes en saillie, surmontés de dômes et soulignés de panneaux verticaux ornés d’étoiles chérifiennes en carreaux de zellijs traditionnels, sont remarquables. En 2008, la Ville a décidé de reconvertir ces bâtiments en fabrique culturelle dont la gestion a été confiée à un collectif d’associations. Dans l’attente d’un projet de rénovation, de nombreuses manifestations s’y déroulent : musique, arts plastiques, cinéma, théâtre, expositions et autres rencontres démontrant, par une fréquentation à la foi massive et traduisant une mixité sociale rare, la pertinence et la vigueur du mouvement associatif casablancais.

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en bas, photo d’époque.

ateliers vincent timsit (vété). 1952

immeubles sidi-othmane. 1955

av. du nil, sidi-othmane architectes : jean hentsch et andré studer (1926)

boulevard moulay-ismaïl architecte : jean-françois zévaco (1916/2003)

Les ateliers Vété spécialisés dans la miroiterie et la serrurerie ont été sollicités par Jean-François Zévaco pour l’exécution de la plupart de ses projets. Il va donc naturellement concevoir le siège de cette entreprise, comprenant ateliers, bureaux et, au dernier étage, un appartement. Un pont monumental formé de deux poutres cintrées soutient les premier et deuxième étages, laissant entrevoir les portes métalliques des ateliers. Les ouvertures des bureaux sont rythmées par des demi-sphères en plexiglas oranges, serties dans les vitrages tandis que l’appartement au-dessus, sur le boulevard, est pratiquement aveugle. Seule une fenêtre en forme d’œil étiré permet la vue sur la mer à partir de la cuisine. Jean-François Zévaco a conçu cet ensemble dans tous ses détails : revêtements de galets, calepinages des sols, mobilier, serrurerie, boîte à lettres en laiton gravé et jusqu’au logo accroché à la superstructure afin d’être vu de loin. Dans un excellent état d’entretien, l’ensemble semble tout droit sorti d’un magazine de design contemporain branché.

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situation : Q/4

Initiée par le service de l’Habitat pour reloger les habitants des bidonvilles de Ben M’Sick, la cité a été inaugurée en 1954. Les premiers immeubles sont d’Erwin Hinnen. Les habitations individuelles occupent une trame de 8 x 8. Les deux barres et le petit immeuble de Hentsch et Studer renouvellent le concept de logements à patios superposés, inauguré par l’équipe ATBAT-Afrique aux Carrières Centrales dans les immeubles « Sémiramis » et « Nid d’abeilles » (voir p. 121). Moins médiatisés que ceux des Carrières-Centrales, ils ont cependant mieux supporté l’épreuve du temps et des transformations des habitants. Cela tient à la trame des appartements orientée à 45° par rapport à l’axe général de la barre et à la difficulté par conséquence de fermer les décrochements des patios de 7.20 m par 3 m, dont une partie est découverte. L’ensemble regroupe 200 appartements du deux au quatre pièces.

situation : Q/13

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en haut, à droite et en bas, à gauche, photos d’époque.

cité ouvrière cosumar. 1932/1937

immeubles sémiramis et nid d’abeille. 1952

boulevard oukat-badis architecte : édmond brion (1885/1973)

bd. oqba-ben-nafia, av. hidara-sidi-mohamed, al-koudia-tahrir (carrières-centrales) architectes : atbat-afrique (georges candilis, shadrach woods, vladimir bodianski, henri piot).

De toutes les cités ouvrières de Brion (Boujniba à Khouribga, Lafarge et Soceca à Casablanca), la Cosuma est celle dont l’esthétique et l’organisation se rapprochent le plus de celles du quartier des Habous construit avec Cadet de 1922 à 1954 (voir p. 110). La cité compte 330 logements en 1934, 450 en 1951, le chantier ayant été suspendu en 1939. Entourée d’une enceinte, les accès se font par deux portes opposées dont l’une, malheureusement endommagée, est ornée d’entrelacs sculptés. Les logements constitués, en majorité, d’une grande pièce et d’un patio où se trouve les coins cuisine et toilettes, sont accessibles dans les impasses, par des entrées en chicane, décalées les unes par rapport aux autres, afin d’éviter les vis-à-vis. Les rues sont rythmées par des arcades servant de supports à des pergolas aujourd’hui disparues. L’ensemble est équipé de boutiques, de deux fours, deux hammams et d’un dispensaire. En 1937, une mosquée a été inaugurée par feu le roi Mohammed V. Cette cité est toujours occupée par les exouvriers, aujourd’hui retraités.

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situation : R/3

L’équipe d’ATBAT-AFRIQUE expérimente, avec ces trois immeubles, un concept de logement collectif pour la population musulmane de milieux populaires. Ils sont construits sur la trame de 8 m x 8 m, définie par le service de l’Habitat, dirigé par Michel Écochard pour le logement à rezde-chaussée et patio, et mise en œuvre dans les opérations destinées à la résorption des bidonvilles. Inspirés par les habitations traditionnelles (kasbahs, ksour, villages fortifiés) ATBAT-AFRIQUE invente les logements à patio superposés d’où les noms Nid d’abeille (voir photos du bas) et Sémiramis (voir photos du haut). Cette expérience, objet de nombreuses publications, présentée au 9e CIAM (Congrès international de l’architecture moderne) en 1953 à Aix-en-Provence, devient une référence pour le mouvement de contestation du Team 10 mené par Alison et Peter Smithson et dont fera partie Georges Candilis. L’état actuel des bâtiments, dont les patios ont été systèmatiquement obturés par les usagers , montre les limites de l’expérience.

situation : S/7

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aérogare tit-mellil. 1951

route nationale n°9 et route principale n° 3015 architectes : jean-françois zévaco (1916/2003), domenico basciano (1911/2011) et paolo messina (1914) Zévaco, avec Basciano et Messina, réalise ici une œuvre remarquable par la liberté et le lyrisme des formes imaginées. Deux bâtiments, aux fonctions distinctes, sont reliés par une passerelle couverte, de 20 m de portée, semblant flotter audessus du sol. Du côté des hangars et des pistes, une rampe douce mène aux bureaux de l’administration. Huit tubes traversant une boule d’acier constitue la tour de contrôle, traitée comme une sculpture. A l’extrémité de la passerelle, un escalier métallique conduit au club-house de l’aéro-club, dont la terrasse ondulée, posée sur des pilotis tronconiques inversés, permet d’assister aux évolutions des avions de tourisme. L’entrée est éclairée par une suite de lames verticales de béton entrecoupées de verre dépoli, accompagnant la courbe du mur. Derrière la cheminée, un salon en demi-cercle était meublé de banquettes suspendues, en métal perforé, dues au ferronnier d’art Matégot. On parle de la réhabilitation de cet endroit à l’architecture ludique et poétique, actuellement délaissé.

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Index des architectes léon aroutcheff / p. 24 et 42 élie azagury / p. 22 et 93 jean balois / p. 52, 69, et 82 dominique basciano / p.22, 27, 91 et 122 vladimir bodianski / p. 121 pierre bousquet / p. 40, 76, 77 et 88 marius boyer / p. 35, 36, 58, 62, 65, 69, 75, 81, 82, 83, 84, 86, 97, et 103 hubert bride / p. 98 édmond brion / p. 48, 51,71, 74, 79, 104, 110 et 120 paul busutill / p. 99 et 107 auguste cadet / p. 74, 79, 104, 108 et 110 georges candilis / p. 24 et 121 emmanuel chaine / p. 38 pierre chassagne / p. 30 alexandre courtois / p. 31, 68, 94 et 96 achille dangleterre / p. 92 georges delanoë / p. 34 hippolyte-joseph delaporte / p.50, 67 et 101 georges-ernest desmarest / p. 116 marcel desmet / p. 102 michel écochard / p. 8, 22 et 121 wolfgang ewerth / p. 23 louis-henry fleurant / p. 115 jean-claude nicolas forestier / p. 54 maurice galamand / p. 63 georges gillet / p. 47 pierre gosset / p. 37 jacques gouyon / p. 100 georges-jean grel / p. 41 et 46 albert greslin / p. 6 jean hentsch / p. 119 erwin hinnen / p. 70 jean-jacques honegger / p. 32 pierre jabin / p. 38, 66, 78 et 87 gaston jaubert / p. 113 et 114 robert jean / p. 24 robert laforgue / p. 49 albert laprade / p. 54 et 57 j.h. laure / p. 25 a. le normand / p. 115 isaac lévy / p. 93 et 112 robert lièvre / p. 60 robert maddalena / p. 24 et 26 aldo manassi / p. 73, 80 et 89 antoine marchisio / p. 72 et 107 joseph marrast / p. 85

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paolo messina / p. 28, 33 et 122 léonard morandi / p. 105 paul perrotte / p. 52 henri piot / p. 121 albert planque / p. 90 r. ponsard / p. 56 henri prost / p. 72 charles ravazé / p. 47 xavier rendu / p. 56 ignacio sansone / p. 99 andré studer / p. 119 joseph et elias suraqui / p. 43, 44 et 45 paul tournon / p. 53 shadrach woods / p. 24 et 121 jean-françois zévaco / p. 27, 28, 29, 33, 106, 118 et 122

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index des bâtiments aérogare de tit-mellil / p. 122 anciens abattoirs / p. 116 ateliers vincent timsit / p. 118 aquarium, institut scientifique des pêches maritimes / p. 34 banques attijariwafa bank, ex-b.c.m. / p. 81 bank al maghrib / p. 48 wafasalaf, ex-banque de la compagnie algérienne / p. 72 la casablancaise / p. 60 cercle des officiers / p. 84 cinémas liberté / p. 90 lynx / p. 91 opéra / p. 42 rialto / p. 78 cités aïn-chock / p. 107 cosumar / p. 120 el-hank / p. 25 habous / p. 110 hay-hassani, derb-jdid / p. 22 des jeunes / p. 24 maréchal améziane / p. 63 riviera-beaulieu / p. 31 clinique radiologique / p. 40 consulat de france / p. 57 école théophile gautier / p. 29 église notre-dame-de-lourdes / p. 92 église du sacré-cœur / p. 53 garage auto-hall / p. 88 ex-garage citroën / p. 47 garage fiat / p. 89 gare routière / p. 112 gare routière de la c.t.m. / p. 96 groupe scolaire idrissi ex-racine / p. 27 hôtel excelsior / p. 67 hôtel plazza / p. 65 hôtel particulier (marius boyer) / p. 36 hôtels particuliers (rue curie) / p. 38 hôtels particuliers (rue du parc) / p. 50 hôtels particuliers (édmond brion) / p. 51 immeubles assayag / p. 97 atlanta / p.114 baille / p. 79 bendahan / p. 71 bennarosh / p. 80

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bessonneau, dit hôtel lincoln / p. 98 b.m.c.i. / p. 68 brami / p. 113 comptoir des mines / p. 83 cosyra / p. 32 el glaoui / p. 69 ettedgui-mellul / p. 52 eyraud / p. 46 fraternelle du nord / p. 102 grand bon marché / p. 74 hassan et de la salle / p.43 imcama / p. 61 levy-bendayan / p. 86 lévy et charbon / p. 99 liberté / p. 105 liscia / p. 87 maret / p. 101 maroc-soir / p. 75 martinet / p. 76 moretti-milone / p. 66 la nationale / p. 56 o.c.h. / p. 30 semiramis et nid d’abeille / p. 121 shell / p. 103 sidi-othmane / p. 119 société mutuelle hypothécaire sud-américaine / p. 82 socifrance / p. 70 studios / p. 62 suraqui / p. 45 tabet / p. 44 tazi / p. 73 villas paquet / p. 100 koubba / p. 37 lycée ibn toumert / p. 41 lycée de jeunes filles / p. 94 lycée mohammed v / p. 93 mahkma / p. 108 marché central / p. 77 mosquée assouna / p.106 palais de justice / p. 85 parc de la ligue arabe / p. 54 et 55 pharmacie centrale / p. 104 la poste / p. 49 poste camiran / p. 115 poste transformateur / p. 26 villas docteur b. / p. 23 rosilio / p. 33 sami suissa / p. 28 tourelles / p. 35 wilaya du grand casablanca / p. 58

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bibliographie casablanca, mythes et figures d’une aventure urbaine. jean-louis cohen et monique eleb. éditions belvisi/hazan. paris. 1998 architecture marocaine du xxe siècle, édmond brion et auguste cadet. gislhaine meffre. photographies, bernard delgado éditions senso unico. mohammedia. 2009 albert laprade. maurice culot, anne lambrichs et dominique delaunay. éditions norma. paris. 2007 les architectes italiens au maroc du début du protectorat français à aujourd’hui. milva giacomelli, ezio godoli et abderrahim kassou. éditions polistampa. florence. 2009 casablanca, le roman d’une ville. michel écochard. éditions de paris. paris. 1955 histoire de casablanca, des origines à 1914. andré adam. faculté des lettres d’aix-en-provence, éditions orphys. 1968 casablanca, histoire et guide de l’ancienne médina. robert chavagnac. éditions senso unico. mohammedia. 2004

revues afrique du nord illustrée. le maroc en 1932. mai 1932. n° 577 architecture française. n° 95-96. mai 1950 architecture d’aujourd’hui. n° 35 (mai 1951) et n° 60 architecture marocaine. n° 4. 1954 aumaroc. n° zéro. automne 2000 archives (permis de construire) de la communauté urbaine de casablanca

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Casablanca est « un livre à ciel ouvert de l’architecture de la première moitié du XXe siècle », comme cela a déjà été si bien écrit. En effet, cette métropole africaine a constitué un véritable laboratoire des mouvements architecturaux internationaux des années 1910 aux années 1960. L’art-déco, le néo-marocain, le Bauhaus, le fonctionnaliste et autre style brutaliste ont pu s’y développer avec une audace et sur une échelle incontestablement exceptionnelles dans le monde, ainsi que l’atteste l’ensemble des spécialistes. Ce premier guide, digeste et pratique, présentant plus d’une centaine de bâtiments représentatifs, s’adresse aussi bien aux étudiants et chercheurs qu’au grand public amoureux ou simplement curieux de cette cité à la physionomie si particulière.

GUIDE des architectures

du XXe siècle de

guide des architectures du XX e siècle de casablanca

Le Guide des architectures du XXe siècle de Casablanca est un ouvrage conçu et réalisé par Casamémoire, association pour la sauvegarde du patrimoine architectural du XXe siècle au Maroc, dans le cadre du projet Mutual Heritage.

CASABLANCA par c a s a m é m o i r e

éditions r e v u e   m a u r e


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