Le Souffle du Désert

Le Souffle du Désert Décembre 2014

Au cours des premiers mois de l’année 2014, les diverses provinces de l’Ordre des Carmes Déchaux ont vécu leur chapitre provincial respectif. Le nôtre fut « célébré », selon l’expression consacrée, entre le 29 avril et le 9 mai. Après deux mandats de trois ans, le frère Henri fut remplacé par le frère Marie-Philippe, précédemment prieur du couvent de Toulouse et autrefois permanent du Saint-Désert. Le frère Jean-Gabriel fut prieur du Saint-Désert durant cinq années ; le chapitre lui confia le priorat du couvent du Broussey, en Gironde. Quant au frère Joseph, il fut nommé économe provincial et alla résider au couvent de Montpellier, près de son nouveau bureau. C’est le frère Jean de Sainte-Marie qui vint de Toulouse reprendre au Saint-Désert les postes de prieur et d’économe. Les frères Henri et Claude le rejoignirent quelques jours après son arrivée, dans la seconde moitié du mois de mai. Le permanent des permanents, c’est le frère Paul, présent au Saint-Désert les trois années écoulées et prêt à y demeurer pour trois nouvelles années.

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Notre communauté, aux trois-quarts renouvelée, a voulu, dans l’obéissance, mettre l’accent sur le ressourcement spirituel de ses membres. De fait, les trois nouveaux arrivés, les frères Henri, Claude et Jean, avons dû assumer durant plusieurs années consécutives des responsabilités et des services, pour certains d’entre nous particulièrement onéreux, au sein de notre province religieuse. La nomination au Saint-Désert fut pour chacun de nous trois vécue comme un heureux bienfait qui nous était accordé.

Mais pour aucun de nous ce temps d’allègement de nos tâches ne pouvait être envisagé comme un repli sur soi.

Il se trouve que les Saints-Déserts sont régis par un texte normatif qui complète notre Règle et nos Constitutions. Ce texte a pour titre « Instruction sur les Déserts de l’Ordre des Carmes Déchaux ». Le mode de vie qui y est exprimé ajoute une note sensible de solitude et de silence à la vie habituelle des Carmes, ceci en vue de donner plus de temps à la prière, à la lecture biblique et spirituelle, à la formation théologique permanente, que nous ne pouvons le faire dans nos autres couvents, où la vie communautaire prend davantage de place et où les sollicitations du ministère nous occupent beaucoup. C’est pourquoi l’Instruction ne prévoit qu’une « activité apostolique exceptionnelle, en plus de l’apostolat de la prière contemplative, qui contribue grandement au bien de l’Eglise et du monde ». C’est ainsi que, pour conserver ce caractère d’exception à notre ministère actif que nous demande notre Ordre lui-même, nous avons estimé devoir répondre négativement à plusieurs demandes d’accompagnement spirituel, d’enseignements, de prédications ou d’accueil.

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Nous avons cependant accueilli un nombre important de frères, mais aussi quelques prêtres ou séminaristes séculiers, et quelques religieux. Dans des conditions d’hébergement très simples, nous nous essayons à leur offrir un cadre propice à ce ressourcement que nos supérieurs nous ont proposé de venir chercher ici.

Nous n’oublions pas que le Saint-Désert est aussi NotreDame de Pitié, autrement dit un sanctuaire marial quotidiennement fréquenté par des pèlerins ou des promeneurs, en nombre modeste certes, mais de manière tout à fait significative.

Les cierges allumés dans la chapelle, les intentions de prière déposées dans un cahier constituent les signes visibles de la confiance que l’on accorde, au fil des jours et depuis le milieu du XVIIe siècle, à Notre-Dame de Pitié. « L’Instruction sur les Déserts » nous invite aussi à équilibrer notre vie par le travail manuel. Cette prescription prend ici essentiellement la forme du nettoyage et de l’entretien, à la fois de la maison et de la propriété. Un incendie, heureusement repéré à temps par les pompiers et rapidement maîtrisé, a éclaté un début d’après-midi de la fin du mois d’août sur le parking situé en contrebas du monastère. S’il en était besoin, cet accident nous a fait prendre très au sérieux les consignes préventives édictées par les pouvoirs publics dans une région aussi prompte que la nôtre à de dramatiques embrasements.

Notre petite communauté a donc misé sur les compétences techniques et organisationnelles du frère Claude pour porter au mieux, avec les conseils et l’aide matérielle offerts par la Mairie de Roquebrune, cet indispensable effort de débroussaillement et 3

d’entretien des sous-bois, au bénéfice de la sécurité, non seulement du monastère, mais aussi de l’environnement dans lequel il se situe.

Cette année 2014 a vu l’ouverture, le 15 octobre, de l’année du centenaire de la naissance de sainte Thérèse. Après plusieurs jours de fortes pluies, le soleil avait reparu quelques heures avant les premières vêpres de la solennité. Et le jour de la fête, nous avons pu nous offrir le bonheur d’un repas dans le jardin, au soleil, sur une table et une nappe de fortune, dans le droit fil du style de vie simple et fraternel qu’affectionnait notre Mère sainte Thérèse. Le centenaire de sa naissance sera célébré le 28 mars prochain.

A cette année thérésienne s’ajoute l’année de la vie consacrée, qui commence ce premier dimanche de l’Avent.

Aux membres de la famille carmélitaine nous souhaitons une lumineuse année nouvelle avec notre Mère sainte Thérèse.

Aux consacrés, nous adressons nos vœux de sainte année, dans l’approfondissement et le renouvellement du don qu’ils ont fait d’eux-mêmes au Seigneur. Et à tous nos lecteurs nous présentons nos vœux les plus vifs pour que cette année soit tout éclairée de la joie du Sauveur.

Les frères du Saint-Désert

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Sainte Thérèse et saint Joseph Je voudrais relever simplement quelques confidences que nous partage sainte Thérèse de Jésus dans le Livre de la Vie, quelques confidences qu’elle fait au sujet de sa relation à saint Joseph. Nous y voyons, en effet, l’époux de la Vierge intervenir d’une manière décisive à deux moments importants de la vie de sainte Thérèse : à la fin de la grave maladie qu’elle connut dans les débuts de sa vie religieuse, puis au cours des préparatifs de la fondation du nouveau monastère d’Avila.

Allons voir ce que nous raconte sainte Thérèse au chapitre 6 du Livre de la Vie. A cette époque-là, elle sort peu à peu de la maladie qui l’a conduite aux portes de la mort. Et elle se décide à prier pour sa propre guérison. Elle fait dire des messes. Elle implore l’intercession des saints. Et voilà qu’elle s’adresse spécialement à saint Joseph. « Je pris pour avocat et pour maître le glorieux saint Joseph et je me recommandais beaucoup à lui » (Vie 6,6).

Avec le recul du temps, (Thérèse écrit quelques vingt-cinq ans après les faits) elle peut constater : « Je n’ai pas souvenir, jusqu’à ce jour, de l’avoir jamais supplié de m’accorder quelque chose qu’il m’ait refusé. Les faveurs que Dieu m’a faites par l’intermédiaire de ce bienheureux saint sont choses stupéfiantes, ainsi que les périls dont il m’a sauvegardée, corps et âme ; il semblerait que le Seigneur a donné à d’autres saints le pouvoir de nous secourir dans certains cas, mais l’expérience m’a prouvé que ce glorieux saint nous secourt en toutes circonstances » (Vie 6,6).

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Thérèse avance alors une explication à la puissance de l’intercession de saint Joseph. Elle se rappelle, en effet, qu’il assuma, dans le plan divin de salut des hommes, une mission tout à fait unique, celle d’accueillir et de protéger le Verbe incarné. Il fallait à Dieu un homme de confiance. Joseph fut cet homme de choix. Et sainte Thérèse comprend bien à quel point le Seigneur demeure reconnaissant à l’égard de cet homme de droiture et de bon sens. Aussi est-il manifeste que le Seigneur prête une attention toute particulière à la prière de son père adoptif. « Le Seigneur veut ainsi nous faire entendre, explique Thérèse, que, de même qu’il fut soumis sur terre à celui qu’on appelait son père, qui était son père nourricier et qui à ce titre pouvait lui commander, il fait encore au ciel tout ce qu’il lui demande » (Vie 6,6).

Le chapitre 6 se poursuit. Et Thérèse insiste sur le fait que saint Joseph fait progresser dans le bien celui qui l’appelle à l’aide. « Jamais je n’ai connu quelqu’un qui ait une sincère dévotion et le serve tout particulièrement sans mieux progresser dans la vertu ; les âmes gagnent beaucoup à se confier à lui » (Vie 6,7). Car saint Joseph est un maître, mieux un éducateur.

Ce fut bien là le propre de sa mission : élever humainement l’Enfant Jésus. Si donc saint Joseph a mis toutes ses vertus au service de Jésus, la Tête de l’Eglise, alors il s’applique aussi à éduquer les membres du corps ecclésial. Autrement dit, l’aide que nous prodigue saint Joseph s’enracine à la fois dans la mission paternelle qu’il reçut de Dieu, mais aussi dans la personnalité généreuse qui fut la sienne et qui fut tout ordonnée à sa mission.

Or la personnalité de Joseph n’a pu que s’épanouir au ciel. Et la sollicitude qu’il avait pour Jésus ne peut que s’étendre à chacun des fidèles de Jésus.

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Ce maître incomparable est tout à fait à même de nous conduire à une profonde intimité avec le Seigneur dans l’oraison. « Que ceux qui ne trouveraient pas de maître pour leur enseigner l’oraison prennent pour maître ce glorieux saint et ils ne s’égareront pas en chemin » (Vie 6,8).

Quand sainte Thérèse énonce ce conseil, elle vient de donner l’explication de la présence de Joseph sur le chemin de l’oraison. En effet, nous dit-elle, celui qui vécut dans une intimité si profonde avec Marie et Jésus ne peut que nous former à entrer à notre tour dans cette intimité.

Allons maintenant au chapitre 32 du même ouvrage de sainte Thérèse. Il y est question de la genèse du projet de fondation. Le Seigneur encourage Thérèse à se lancer : « Il me promit que le monastère se ferait sans aucun doute, que Dieu y serait très bien servi, et il me dit de le consacrer à saint Joseph, il garderait l’une de nos portes, Notre Dame garderait l’autre et le Christ se tiendrait au milieu de nous » (Vie 32,11).

Les premières carmélites déchaussées vont en effet constituer un milieu de vie simple et familial, à l’image de celui de la Sainte-Famille de Nazareth, tout centré sur la présence du Sauveur.

Un peu plus tard, alors qu’il n’était pas possible de payer les travaux déjà engagés, « saint Joseph, mon vrai père et seigneur, m’apparut et me fit comprendre que l’argent ne me manquerait point » (Vie 33,12). La Providence fit alors que Thérèse reçut de son frère Lorenzo, vivant encore en Amérique, l’argent qui lui était nécessaire.

Quelques temps après, le jour de l’Assomption, la Vierge Marie et saint Joseph lui apparurent : « Il me sembla, écrit 7

Thérèse, que Notre Dame me prenait les mains. Elle me dit que je lui causais une grande joie en servant le glorieux saint Joseph ; je pouvais croire que mon projet de monastère se réaliserait, etc. » (Vie 33,14).

Le monastère Saint-Joseph d’Avila, fondé en août 1562, existe toujours au lieu-même où sainte Thérèse l’établit.

C’est ainsi que, nous racontant plusieurs interventions à son profit de celui qu’elle appelle volontiers « le glorieux saint », sainte Thérèse nous engage à vivre réellement en la compagnie de saint Joseph et à lui confier toute notre vie, dans ses dimensions physiques, matérielles, psychologiques, spirituelles. « Je demande seulement, pour l’amour de Dieu, à ceux qui ne me croient pas d’en faire l’expérience » (Vie 6,8).

Fr Jean de Sainte Marie ocd

BULLETIN ANNUEL DE LIAISON DES AMIS DU SAINT-DESERT

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