GLOSSAIRE INTRODUCTION
préparation au travail de terrain
la récupération sur les berges : une nouvelle approche du terrain
tendences d’évolution
le workshop enjeux
l’émergence du projet le projet conclusion bibliographie
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« projet urbain en ville d’ailleurs »
le terrain à distance par les cartes et les photos
kumartuli, coulisse des pujas et mise en scène de l’artisanat Une pratique artisanale au rythme des pratiques religieuses
l’attractivité du quartier au détriment du savoir-faire
le réemploi au coeur du savoir-faire de la fabrication des idoles
un espace de tri et de stockage des matériaux récupérés à l’arrière de la ville productive Des trajectoires de matériaux récupérés qui connectent les berges à la ville un lieu du quotidien et de la récupération : une berge où les usages cohabitent
kumartuli, le quartier des sculpteurs d’idoles historiquemement, des berges qui évoluent aux besoins de la ville
La berge de la promenade au détriment des activités de récupération Changer de regard sur les déchets et valoriser le travail des récupérateurs
Des actions en trois temps pour préserver et valoriser les activités de récupération et de réemploi sur les berges phase 1 : créer une association des récupérateurs pour identifier et mutualiser les savoirs-faire phase 2 : Des ateliers temporaires de transformation 1. le bambou 2. Le textile 3. Les déchets ménagers
S’adapter aux temporalités des activités existentes et profiter de l’affluence des puja phase 3 : Les maisons du réemploi de la transformation
1. Localiser des espaces industriels vacants pour accueillir les maisons 2. connecter les berges à la ville grâce au réemploi et la transformation
Du déchet à la ressource, un processus qui fabrique de l’urbanité
5 SOMMAIRE
9 11 7 12 14 15 18 19 23 24 28 32 34 34 36 38 41 48 52 55
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Bengali Anglais
GHAT : Ensemble de marches ou de gradins qui descendent dans la rivière du Gange
murti : Sculpture d’idole représentant une divinité de la religion hindoue
para : Quartier caractérisé par la présence forte d’une communauté spécialisée dans un certain type d’artisanat
pandal : Pavillon temporaire fait majoritairement en bambou construit notemment lors des fêtes et des Pujas.
Pujas :
Dans l’hindouisme, la puja est un ensemble de rituels parlesquels on adore et vénère une divinité.
ragpicker : Chiffonier
Waste dealer
Littéralement, vendeur de déchets. Il rachète des déchets à des récupérateurs et les revend généralement à des centres de recyclage.
7 GLOSSAIRE
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« projet urbain en ville d’ailleurs »
Ce rapport d’accompagnement retrace les différents temps du projet que j’ai réalisé cette année dans l’atelier « Projet urbain en ville d’ailleurs ». Cet atelier s’est développé en trois étapes : une première étape d’analyse à distance qui s’est déroulée à Paris avant le voyage en Inde et le workshop à Kolkata, puis finalement le retour de terrain.À Kolkata, c’est à travers différents modes d’observation tels que la photographie, la vidéo, le relevé architectural et les entretiens que nous avons pu entamer un travail de documentation qui nous a permis de nous questionner et faire émerger des enjeux urbains locaux. À partir de l’observation et la documentation de la micro-échelle des métiers, nous avons pu inscrire des processus de fabrication dans des espaces : l’espace de l’atelier, du quartier, de la ville. Grâce à cet atelier, j’ai compris comment l’espace urbain pouvait être valorisé à partir de l’échelle «des petits riens» qui n’est visible qu’à travers la démarche de terrain et qui révèle des enjeux urbains majeurs.
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une démarche de projet en trois temps
Coupe d’un atelier de poterie et d’un atelier de réparation d’objets mécaniques Dessin réalisé au 1/20 depuis Paris
préparation au travail de terrain
le terrain à distance par les cartes et les photos
C’est à Paris que la première étape de ce travail a commencé. Cette première phase nous a permis d’introduire le travail de terrain et de nous familiariser avec la ville que nous allions découvrir pendant le workshop : Kolkata. Tout d’abord, nous avons découvert la rue que nous allions analyser pendant le workshop, Chitpur Road, à travers des photos de façades qui longent cette rue. Chaque façade se trouvait dans l’un des quartiers que nous allions analyser par la suite. Grâce à ces photos, nous avons pu produire des coupes et des élévations au vingtième pour essayer de comprendre les espaces de travail qui se trouvent sur rue et les activités qui les occupent. C’est à partir de ce premier dessin que j’ai découvert Kumartuli, le quartier des sculpteurs d’idoles, que j’allais étudier pendant le workshop
Pendant ce travail d’analyse réalisé à Paris, nous avons aussi étudié et reproduit à la main plusieurs cartes historiques de Kolkata, ce qui nous a permis de comprendre certaines grandes mutations de ce territoire ainsi que l’évolution de son tissu urbain. Cette analyse des cartes historiques nous a aussi permis de nous interroger sur les possibles liens entre les formes urbaines et les activités spécifiques à chacun des quartiers. Cette première observation du site à distance nous a permis à chacun d’arriver sur le terrain avec des questionnements qui allaient évoluer tout au long du workshop
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Carte schématique du quartier de Kumartuli représentant les temple et leur rapport au Hooghly Dessin réalisé depuis Paris à partir de cartes de Kolkata
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workshop à kolkata
Lors du workshop à Kolkata qui a duré un mois, chacun d’entre nous a pu travailler avec des étudiants des universités indiennes (CAT, Techno India University et BVCOA) et ainsi travailler en groupe sur les différents quartiers le long de Chitpur Road. Cette longue rue d’environ 5km qui traverse Kolkata du sud vers le nord et qui est l’une des plus anciennes rues de la ville, est restée, depuis son apparition, un axe commercial majeur de la ville. Tout le long de cette rue commerçante, de très nombreux ateliers se suivent et des artisans s’activent encore à transformer, construire, fabriquer, et font perdurer les traditions artisanales dans leur quartier. Ces différents quartiers qui bordent Chitpur road sont aussi appelés des para et sont caractérisés par la présence forte d’une communauté spécialisée dans un type d’artisanat. C’est à partir de cette micro-échelle du métier que nous avons abordé le terrain.
Mon équipe et moi nous sommes intéressés au quartier de Kumartuli. L’origine du nom de ce quartier vient du bengali : les kumar-s étant les potiers et tuli voulant dire quartier. C’est donc au nord de Chitpur road que nous avons pu nous immerger dans ce quartier où une grande communauté de potiers s’est installée il y a plusieurs siècles. Ces artisans perpétuent le savoir-faire de la fabrication d’idoles qui servent aux puja, grandes fêtes et rituels religieux hindous. En nous promenant dans les ruelles de Kumartuli, nous avons pu constater qu’il s’agissait d’un quartier renommé de la ville : chaque année, de nombreux visiteurs, pèlerins et touristes viennent admirer le travail de ces artisans qui continuent à employer un savoir-faire et des techniques traditionnelles de fabrication des murti
12 Le
kumartuli, le quartier des sculpteurs d’idoles
Un artisan prépare la paille pour la fabrication d’une murti devant son atelier Quartier de Kumartuli
Plan du quartier de Kumartuli qui répertorie toutes les activités liées à la fabrication d’idoles Plan réalisé lors du workshop au 1/1000ème
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kumartuli : coulisses des pujas et mise en scène de l’artisanat
En arpentant Kumartuli, nous nous sommes rendu compte que nous nous trouvions dans les coulisses des grandes fêtes religieuses hindoues, les puja. C’est dans ces rues étroites bordées d’ateliers que sont fabriquées les murti, statues qui représentent les différentes divinités hindoues. Plusieurs puja sont célébrées chaque année et chacune d’entre elles est un rituel qui doit provoquer la « descente » d’une divinité à l’intérieur d’une image la représentant. Ainsi, avant la célébration des puja, c’est à Kumartuli que les idoles sont fabriquées. Une fois terminées, elles sont vendues pour les différents rituels religieux. Cette première approche du terrain m’a permis de comprendre comment le quartier s’était construit à partir de la micro-échelle de cet artisanat, autour de toutes ces activités liées à la fabrication des murti. Kumartuli est un espace de fabrication très important dans la ville, les véritables coulisses des puja, mais c’est aussi une vitrine des savoirfaire traditionnels qui attire un public international.
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Coupe sur des ateliers de Kumartuli Coupe schématique réalisée lors du workshop
Les différentes puja tout au long de l’année rythment la vie urbaine de Kumartuli et le travail des artisans. Nous sommes arrivés à Kolkata au début du mois de février, peu de temps avant la Saraswati Puja Nous avons donc pu assister aux trois périodes qui rythment ce quartier : la période de fabrication des idoles, la Saraswati puja et l’après puja. En arrivant, nous avons pu constater une forte effervescence dans le quartier : les artisans travaillent dans la rue et dans les ateliers, les idoles sont transportées d’ateliers en ateliers pour les différentes phases de fabrication, ils sont ensuite vendus un peu partout dans le quartier, tout ça, sous les yeux des touristes fascinés qui se bousculent dans les rues étroites de Kumartuli.
Ensuite, lors de la puja, le quartier s’est presque vidé pendant deux jours pour les rituels et célébrations qui se font notamment sur les berges du Hooghly. Après la puja, le quartier reprend petit à petit vie et d’autres activités apparaissent telles que la récupération de certaines structures d’idoles qui sont entreposées un peu partout dans Kumartuli. Ces différentes temporalités liées aux puja façonnent les différents usages spatiaux du quartier et déterminent l’affluence de visiteurs et de promeneurs.
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Une pratique artisanale au rythme des pratiques religieuses
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Un artisan fabrique une murti avant la puja
Des murti prêtes à être immérgées dans le Gange pour célébrer la Saraswati puja
période de fabrication SAraswati puja
Après la puja...
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Après la puja, des structures d’idoles récupérées et stockées dans Kumartuli
Le bambou
arrive depuis le gange sert à la structure de la murti
l’attractivité du quartier au détriment du savoir-faire
elle est tissée autour de la structuctur en bambou comme base pour la boue
est sculptée sur la structure
Lors du workshop, mes collègues indiens et moi nous sommes intéressés au processus de fabrication des murti. Nous avons pu constater que cette fabrication impliquait de nombreux matériaux mais aussi différents corps de métiers. Chaque matériau passe entre les mains d’un artisan qui exerce un savoirfaire qui lui a été transmis depuis des générations. Bien que ces techniques de fabrication traditionnelles continuent d’attirer des milliers de personnes chaque année à Kumartuli et que la demande de murti est en croissance, l’avenir de ce savoir-faire est incertain. Les prix des matériaux de fabrication augmentent et les revenus des artisans baissent ce qui attire de moins en moins les nouveaux travailleurs et en pousse certains à quitter la profession. De plus la mairie de Kolkata a entrepris plusieurs projets de rénovation pour affirmer le potentiel touristique du quartier, sans prendre en considération les besoins des artisans qui vivent pour la plupart sur place. Des ateliers ont été détruits mais les projets de réhabilitation n’ont jamais abouti et des artisans ont été forcés de quitter le quartier.
La murti est peinte une fois que la boue a séché
les cheveux, les saris et les bijoux sont déposés sur la murti
lors des rituels, la murti est immérgée dans l’eau sacrée du gange
Un atelier du projet de réhabilitation de la mairie qui n’a pas aboutiProcessus de fabrication d’une murti Dessin réalisés pendant le workshop
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la paille
l’argile la peinture les ornements la puja
le réemploi et la récupération au coeur du savoir-faire des sculpteurs d’idoles
Après avoir constaté que l’image de Kumartuli était associée pour beaucoup à la beauté de toutes ces murti et que les techniques traditionnelles de fabrication provoquaient la fascination des visiteurs, j’ai voulu observer le quartier sous un angle différent. J’ai alors étendu mon périmètre d’étude jusqu’aux berges du Hooghly pour comprendre l’impact de cette activité sur les alentours du quartier. M’y promenant quelques jours après la Saraswati puja, j’ai été surprise de voir des tas de structures de murti qui avaient été repêchées près des ghat. Les jours qui ont suivi, les berges ont commencé à se remplir de ces carcasses qui étaient entreposées et qui séchaient au soleil. Un riverain m’a alors expliqué qu’après les puja, les structures des murti refaisaient surface et que celles qui étaient en bon état étaient repêchées pour être vendue à des potiers. Les structures, le bambou et la paille pouvaient alors servir à refaire des murti pour d’autres puja. J’ai alors compris que le processus d’utilisation du bambou et de la paille dans la fabrication des murti était cyclique.
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Des structures de murti repêchées après la puja
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Une structure de murti presque intacte récupérée après la puja
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textile carton déchets ménagers paille bambou
Plan du terrain situant les différents matériaux récupérés et les espaces de production dont ils sont issus Plan réalisé au 1/1000ème
la récupération sur les berges : une nouvelle approche du terrain
un espace de tri et de stockage des matériaux récupérés à l’arrière de la ville productive
Les activités de récupération et de réemploi liées à la fabrication des murti se situent sur les berges. Mais on y trouve aussi d’autres matériaux récupérés tels que du textile, des bobines, des briques, du carton, du papier, des matériaux de construction, des déchets ménagers... Tout le long des berges, différentes communautés de récupérateurs trient, stockent et transportent divers matériaux qui ont été collectés en ville. Chacun de ces matériaux est résidu d’une production domestique, industrielle ou artisanale et provient de zones importantes de production, de fabrication ou de consommation : Kumartuli, le marché sur Sovabazar St, usines de coton sur les berges, les zones résidentielles sur Chitpur road. Le long des berges, on retrouve alors des espaces où sont concentrés un certain type de matériaux récupérés, jamais très loin de la zone de production dont ils sont issus.
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bobinescartontuilestextile
matériaux de construction structures d’idoles bambou
Lors de mon travail de terrain, je me suis intéressée à quatre matériaux de récupération résidus de différentes pratiques artisanales, industrielles ou domestiques : les déchets ménagers, les bobines de fil et les chutes de tissus issues de l’industrie du coton et le bambou issu de la pratique artisanale de fabrication des murti Dans chacun des cas, un schéma de trajectoire des matériaux récupérés se répète. Les matériaux sont collectés en ville à proximité des lieux de production,
ils sont ensuite transportés sur les berges pour être triés et stockés, puis sont finalement revendus à des waste dealers (ou à des artisans dans le cas du bambou) sur Chitpur Road. Ainsi, la berge s’étend vers la ville à travers ces trajectoires du réemploi et de la récupération entre les ghat et Chitpur Road. Elle n’est plus essentiellement appréhendée comme un espace linéaire parallèle à l’eau, mais plutôt comme une multitude d’épaisseurs urbaines perpendiculaires à la rivière.
Axonométrie schématique montrant les trajectoires des différents matériaux récupérés entre les ghat et Chitpur Road
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Des trajectoires de matériaux récupérés qui connectent les berges à la ville
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Un homme triant des chutes de tissu issues de l’industrie du coton
Des bobines de fil récupérées dans les usines de cotons revendues sur Chitpur Road
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Un ragpicker triant des déchets
un lieu du quotidien et de la récupération : une berge où les usages cohabitent
Sur la partie des berges à laquelle je me suis intéressée, entre Sovabazar st. et Bagbazar, différents usages cohabitent. Tout d’abord, c’est un lieu de passage fréquenté puisqu’il est desservi par deux stations de la ligne extérieure du train et par des quais de passagers. C’est aussi un lieu de promenade où l’on s’arrête pour contempler la rivière. Cette partie de la berge a aussi un caractère religieux puisqu’elle est bordée de nombreux temples et ghat où des rituels sont pratiqués quotidiennement. Ces pratiques de la vie quotidienne cohabitent avec toutes les activités de récupération et de réemploi dont j’ai parlé précédemment.
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Un lieu de passage
Des pratiques du qutodien
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Un lieu de contemplation
Des pratiques religieuses
Tendences d’évolution
historiquement, des berges qui s’adaptent aux
UN FRONT DE BERGES QUI ÉVOLUE EN S’ADAPTANT AUX BESOINS DE LA VILLE
UN FRONT DE BERGES QUI ÉVOLUE EN S’ADAPTANT AUX BESOINS DE LA VILLE
LA BERGE DES VILLAGES
LA BERGE DES VILLAGES
En 1825, on observe qu’au nord de Kolkata, le front de la rivière est très peu urbanisé. Quelques villages commencent à s’installer au bord du Hooghly
La berge pré-industrielle
LA BERGE DES QUARTIERS
Vingt ans plus tard, on constate que le front de la rivière s’urbanise et tout au nord, on voit apparaître certains bâtiments à usages industriels. On remarque aussi qu’un projet d’élargissement de la berge est en cours au sud. Ce sont les prémisses du port industriel de Kolkata impulsé par les Anglais.
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LA BERGE INDUSTRIELLE LA BERGE POST-INDUSTRIELLE
Avec le port trust de 1870 et l’arrivée du chemin de fer des commissaires du port de Calcutta en 1875, la berge s’affirme comme zone industrielle de la ville. Elle est longée de grands bâtiments industriels et on voit apparaître de nouveaux quais.
Depuis la transformation du chemin de fer en ligne de passagers en 1984 et l’augmentation du trafic commercial par voies automobiles, les industries ont commencé à se délocaliser en dehors de la ville. Aujourd’hui, bien que le front de la rivière continue d’abriter quelques bâtiments industriels, de nouveaux usages sont apparus et la berge est devenue un espace principalement dédié à des pratiques quotidiennes et religieuses, à la promenade et aux loisirs.
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:
La berge de la promenade au détriment des activités de récupération et de réemploi
L’avenir des berges est aujourd’hui au cœur des débats sur le développement et le rayonnement de la ville. Les acteurs institutionnels du développement urbain de Kolkata comme la KMC (Kolkata Metropolitan Corporation) ont déjà réalisé des « projets d’embellissement » (beautification projects) des berges notamment de Princep Ghat à Baje Kadamtala Ghat en 2012. Ces projets ont pour objectif de redorer l’image de la ville et se développent à partir de master plans qui prennent peu en compte les enjeux urbains locaux. Or, au nord de la ville, les berges représentent pour certaines communautés, comme celle des ragpickers, un espace de vie, de travail et de ressources. De nombreux slums se situent encore sur ces berges le long du chemin de fer et risquent d’être rasés dans le cadre de ces projets « d’embellissement ».
Changer de regard sur les déchets et valoriser le travail des récupérateurs
Pour faire face à la très probable disparition de ces communautés de récupérateurs sur les berges il s’agirait de changer de regard sur les activités qu’elles pratiquent et sur les matériaux qu’elles manipulent. D’une part, parce que les récupérateurs et les ragpickers jouent un rôle primordial dans la propreté de la ville. D’autre part, dans un monde où la surconsommation et la pollution urbaine sont de plus en plus importantes, il faut impérativement réfléchir à comment gérer ces flux de déchets. Il faut donc essayer de ne plus considérer ces déchets comme tels mais comme des ressources potentielles à des nouvelles pratiques urbaines de transformation et de réemploi.
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enjeux
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cast iron ornamental benches, design and coloured pavers block along the entire stretch for smooth movement of the morning walker, after work runner and visitors, Victorian style Balustrade, cast iron ornamental benches for the use of visitors, Installation of ornamental light post, fountains. landscaping and greenery, Rehabilitation of existing hawkers in a systematic pattern.
« «
Des ragpickers triant des déchets Babughat
Programme pour le projet d’embellissement de Princep Ghat et Babughat issu du site de la KMC
l’émergence du projet
Des actions en trois temps pour préserver et valoriser les activités de récupération et de réemploi sur les berges
créer une association de récupérateurs pour identifier et mutualiser les savoirs-faire
installer des ateliers temporaires de transformation des matériaux récupérés présents sur les berges grâce à la mutualisation des savoirs-faire
S’adapter aux temporalités des activités de récupération existantes pour les préserver et profiter de l’affluence liée aux puja pour promouvoir le réemploi et la transformation créer des maisons du réemploi et de la transformation dans des espaces industriels vacants pour connecter les berges à la ville
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créer une association de récupérateurs pour identifier et mutualiser les savoirs-faire
La création d’une association de récupérateurs semble être primordiale à l’émergence d’un projet comme celuici. D’une part, parce que les récupérateurs travaillent dans des conditions déplorables (insalubrité, manque d’accès à du matériel de protection, revenus extrêmement faibles...) et qu’ils sont exclus de la société du fait de leur position dans le système de castes. Ces conditions de travail désastreuses sont surtout vécues chez la communauté des ragpickers, qui collectent, trient et vendent les déchets. Une association de ragpickers, appelée Tijala Shed, existe déjà à Kolkata depuis 1987 et travaille depuis 30 ans pour aider cette communauté à faire entendre ses droits. Cette association lutte pour leur fournir une éducation, des papiers d’identité et du matériel pour faciliter leur travail. Avec l’aide des acteurs de cette association, la création d’une nouvelle association des récupérateurs des berges pourrait être impulsée dans le cadre du projet. Elle permettrait de réunir différents groupes de récupérateurs, d’identifier les savoir-faire de chacun et d’engager un travail de mutualisation des ressources pour proposer de nouvelles pratiques comme la transformation de matériaux récupérés. Il s’agit de donner de la valeur ajoutée aux matériaux de récupération grâce au processus de transformation dans l’espoir de voir les revenus et la reconnaissance des récupérateurs augmenter.
38 Phase 1 :
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1. Le bambou
À Kumartuli Ghat, on retrouve des bambous empilés et stockés en grande quantité, puisque c’est par ici qu’ils arrivent depuis le Gange. Ces bambous peuvent servir à la fabrication des idoles mais aussi à la fabrication de pandal. Les pandal sont des pavillons temporaires créés pour les fêtes comme les puja. Le reste du temps, ces stocks de bambou ne sont pas utilisés. La fabrication de ces pandal est un savoir-faire bien présent dans le quartier.
En profitant de cette technique de construction de pavillons temporaire et des périodes creuses d’utilisation du bambou, de nouvelles structures qui abriteraient les ateliers temporaires de transformation pourraient être imaginées et construites. Pour ce faire, des points de récolte et de travail du bambou dédiés à la fabrication de ces ateliers pourraient émerger ponctuellement près des ghat.
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Phase 2 : créer des ateliers de temporaires de transformation
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2. Le textile
Une fois le bambou récolté et travaillé, des ateliers pourraient être installés ponctuellement et seraient dédiés à la transformation d’autres matériaux récupérés tels que ceux qui sont issus de l’industrie du coton. Les bobines de fils en carton épais étant très solides une fois emboîtées les unes aux autres pourraient servir à fabriquer du mobilier tel que des chaises, des tables, des lits… Les chutes de tissu pourraient, elles, être cousues en patchwork pour faire des coussins qui serviraient au mobilier ou pour servir de pare-soleil pour les ateliers. Ces ateliers temporaires devront se situer à proximité des zones de tri déjà présentes pour éviter de rajouter des flux de transport des matériaux et préserver les activités de réemploi et de récupération locales.
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Le même processus d’installation d’ateliers pourra s’appliquer pour la transformation des déchets ménager. Ces ateliers pourront se dérouler avec les ragpickers qui auront choisi d’intégrer le projet avec l’association des récupérateurs. Des points de collecte permettront de trier les matériaux qui pourront être transformés dans les ateliers et les matériaux qui continueront d’être vendus à des waste dealers sur Chitpur road. Ainsi, les matériaux que l’on retrouve en grande quantité et qui sont facilement transformables comme les bouteilles en plastique, le papier ou le carton pourront être transformés dans les ateliers. Des points de vente ponctuels sont aussi à imaginer et pourront reposer sur des accroches urbaines présentes sur les berges comme les murets, les arbres et les barrières.
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3. les déchets ménagers
Phase 2 : S’adapter aux temporalités des activités existentes et profiter de l’affluence des puja
Il me paraît primordial de considérer les temporalités des activités existantes sur les berges comme un élément important du projet. J’ai constaté que les berges étaient rythmées par des chronotopies à différentes échelles notamment annuelles et quotidiennes. Premièrement, à l’échelle annuelle, le quartier est rythmé par la saison des puja. L’installation des ateliers doit donc suivre le rythme de ces différentes saisons. Tout d’abord, la période de récolte des matériaux dédiés à la fabrication des ateliers doit s’effectuer pendant la saison creuse après les puja. C’est à ce moment que de nombreux matériaux récupérés sont stockés sur les berges. Les ateliers devront être installés pendant la saison de fabrication des murti pour s’adapter à la dynamique de transformation. Puis, lors de la saison des, puja pendant laquelle il y a une forte influence sur les berges, les matériaux transformés dans les ateliers pourront être vendus ponctuellement le long de la berge. À l’échelle de la journée, les activités de tri se déroulent d’environ 8h du matin jusqu’au début d’après-midi. Le transport des matériaux récupérés vers les points de vente (waste dealers) sur Chitpur road s’effectue généralement en fin de journée.
C’est à ce moment que les points de vente peuvent être installés sans perturber le travail des ragpickers.
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s’adapter à l’echelle anuelle
s’adapter à l’echelle quotidienne
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1. Localiser des espaces industriels vacants pour accueillir les maisons
Le long des berges, de nombreuses usines qui datent de la période industrielle subsistent. Or, certaines industries qui les occupaient ont été délocalisées hors de la ville et de nombreuses usines sont aujourd’hui vacantes. Nombreuses de ces usines désaffectées ont été investies pour d’autres usages. Au nord de Chitpur Road, un grand complexe d’anciennes usines de farines abrite aujourd’hui des ateliers et des habitations de sculpteurs d’idoles qui ont dû quitter Kumartuli lors des projets de réhabilitations inaboutis du quartier. Dans ces bâtiments industriels, de nombreux grands espaces restent aujourd’hui vacants. On y retrouve aussi des bâtiments qui sont utilisés par la mairie pour stocker du matériel médical (masques, vaccins...) mais qui ne sont pas occupés entièrement. Ces grands espaces facilement adaptables sont des endroits stratégiques pour imaginer une nouvelle berge du réemploi et de la transformation. D’une part, du fait de leur position dans le quartier : ces anciennes usines sont bordées dans leurs longueurs par des rues intérieures qui connectent les berges à Chitpur road. Et d’autre part parce que des processus de réemploi peuvent découdre des activités qu’elles abritent déjà (processus de réemploi existant dans la technique de fabrication des murti et forte présence de matériaux réutilisables dans les espaces de stockage de la mairie).
Coupe sur les bâtiments industriels abritant des espaces vacants
48 Phase 3 :
Les maisons du réemploi et de la transformation
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Coupe montrant la connexion entre les berges et Chitpur road à travers une possible maison du réemploi
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et sur Chitpur road
2. connecter les berges à la ville grâce au réemploi et la transformation
La dernière phase du projet consiste à aménager des espaces de réemploi et de transformation dans les lieux que nous avons localisés précédemment. L’un des enjeux majeurs de l’aménagement de ces grands ateliers de transformation est de pouvoir faire perpétuer des pratiques et des savoir-faire artisanaux tout en instaurant une dynamique de réflexion et d’innovation autour de la question du réemploi au sein du quartier. Pour cela, on peut imaginer que ces maisons seraient des espaces de transformation des matériaux récupérés mais aussi des lieux où l’on peut échanger avec d’autres acteurs autour de cette question afin d’associer des techniques de transformation artisanales à des techniques plus moderne. Ces grands espaces industriels très adaptables pourraient permettre d’accueillir un jour du matériel et des machines qui pousseraient le processus de transformation encore plus loin. Ces maisons devront permettre de connecter l’espace des berges à la rue, grâce à des processus de récupération et de transformation qui se déploient perpendiculairement au Hooghly. La berge doit pouvoir continuer d’exercer son rôle d’espace de stockage et de tri tout en s’immisçant dans la ville grâce aux maisons du réemploi pour finalement arriver jusqu’à Chitpur road afin de promouvoir ses nouvelles activités.
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UN FRONT DE BERGES QUI ÉVOLUE EN S’ADAPTANT AUX BESOINS DE LA VILLE
UN FRONT DE BERGES QUI ÉVOLUE EN S’ADAPTANT AUX BESOINS DE LA VILLE
Du déchet à la ressource, un processus qui fabrique de l’urbanité
conclusion À Kolkata, la question du traitement et de la gestion des déchets en ville est un enjeu majeur. La municipalité peine à gérer les flux massifs et quotidiens d’ordures et continue de se débarrasser de ses déchets dans des grandes décharges hors de la ville comme Dhap. Les pouvoirs publics tentent constamment d’invisibiliser les déchets et négligent les communautés de récupérateur pour ne plus entacher l’image de la ville. Or, la gestion des déchets informelle que pratiquent les ragpickers et les récupérateurs (non pas dans un souci environnemental mais comme une pratique de survie) est primordiale au fonctionnement de la
ville. Avec ce projet, j’essaye d’inverser le regard qui est porté sur ces berges et les activités de récupération qu’elle abrite en proposant de ne plus considérer les déchets comme un fardeau difficilement gérable mais comme une multitude de ressources pouvant créer de l’urbanité. Ainsi, ce projet pourrait permettre d’inverser le rôle de ces berges dans la dynamique urbaine. Elles ne sont plus à considérer comme un espace arrière de la ville où s’y déroulent des activités de récupération peu reluisante. Elles deviennent un avant, une vitrine du réemploi connectée à la ville par de nouvelles activités de transformation des déchets en ressource.
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LA BERGE DES VILLAGES
LA BERGE POST-INDUSTRIELLE
LA BERGE DES VILLAGES LA BERGE DES QUARTIERS LA BERGE INDUSTRIELLE
LA BERGE POST-INDUSTRIELLE
La berge du réemploi et de la transformation
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Chakrabarti D. Fuzzy Existences and In-betweenness: Place and Practices of the Idol-making Industry of Kolkata Urbanities. 2020 Feb
Chikarmane P. & Narayan L. Rising from the Waste – Organising Wastepickers in India, Thailand and the Philippines Committee for Asian Women, 2009
Chikarmane, P., Chaturvedi, B., Narayan, L. Recycling Livelihoods: integrating the informal sector in solid waste management in India, GTZ, 2008
Deepanjan S. Understanding Clustering inCreative-Knowledge Cities, GSTF Journal of Engineering Technology (JET) Vol.3 No.4, April 2016
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Potters’ Town Kumartuli may finally get makeover. DNA Daily News & Analysis. 2007 oct.
Ray S. West Bengal ready to spend more for riverfront, The Times of India, 2015 Jan
55 Bibliographie