Florence Muséifiée, quelles conséquences?

Florence muséifiée, quelles conséquences ?

Travail de fin d’études réalisé par Camille HENDLISZ - 000428371 Sous la direction de Mme Marianne PUTTEMANS Faculté d’architecture La Cambre Horta Année académique 2019-2020 Master en architecture

Abstract

Les villes historiques muséifiées se multiplient de nos jours, étant la conséquence directe de la vision moderne du patrimoine. Les effets de la patrimonialisation sur les villes mènent limpidement à la muséification de ces dernières. A l’heure des villes-musées surprotégées par des pratiques de conservatisme effréné, l’impossibilité d’évolution se fait ressentir. La ville sclérosée se transforme en décor de scène de théâtre, utilisée par la troupe du tourisme de masse.

Ce mémoire a pour but d’analyser l’impact de ces phénomènes appliqués à la ville de Florence. Contrairement à certaines autres villes-musées, seul le Centre Historique de la ville subit les conséquences de sa muséification. Alors que certains pourraient penser qu’un postulat pareil sur une si petite partie de ville n’est pas important et le considérer comme un cas isolé, le but de ce travail est de démontrer les enjeux et la nécessité d’une réaction aux problèmes posés.

Mots clés : Patrimonialisation, Muséification urbaine, Sclérose urbaine, Tourisme, Florence.

Abstract

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Remerciements

J’aimerais tout d’abord remercier toutes les personnes qui ont aidé, de près ou de loin à la rédaction de ce mémoire. Que ce soit pour un petit mot d’encouragement ou une discussion plus poussée autour de ce sujet, je suis extrêmement reconnaissante à mon entourage.

Je tiens à remercier ma promotrice, Marianne Puttemans, pour avoir été la première à m’avoir introduite à l’architecture en dernière année de secondaires, pour ses précieux conseils et son soutien depuis mes débuts à la faculté et particulièrement durant cette dernière année.

A mes trois cheerleaders préférés, Papa, Maman et Barbara, merci pour leur soutien inconditionnel tout au long de ces cinq années d’études, les petits meubles de maquettes confectionnés en charrette et les précieuses relectures effectuées pour ce dernier travail.

Merci à mes amis proches, pour ces moments partagés ces dernières années et particulièrement pour l’accompagnement dans les recherches et l’écriture de ce mémoire.

Remerciements

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Sommaire

Abstract Remerciements Introduction Matériel et méthodes I. Florence à travers les époques

a. Evolution urbaine de Florence

b. Florence et la liste du Patrimoine Mondial Unesco i. Historique ii. Géographique

c. Florence face aux obligations de sauvegarde et responsabilité des sites protégés

i. Convention pour la protection du Patrimoine Mondial, culturel et naturel

ii. Déclaration de Valeur Universelle Exceptionnelle

iii. Plans de gestion de Florence au Patrimoine Mondial

iv. Rapport périodique sur le statut de conservation

II. Le patrimoine

a. Concepts généraux du patrimoine i. Monument, monument historique

ii. Le patrimoine iii. Le patrimoine historique iv. Le patrimoine urbain

ii. La restauration iii. La rénovation

ii. La Charte de Venise iii. La Charte Européenne pour le patrimoine architectural iv. Conférence générale de l’Unesco à Nairobi v. La Charte de Washington vi. Principes de La Valette

ii. Législation italienne sur le patrimoine culturel

b. Détruire, maintenir, améliorer ? i. La conservation

c. La notion de patrimoine urbain internationalisée i. La Charte d’Athènes

d. Le patrimoine en Italie i. Particularités italiennes par rapport à son patrimoine

e. Les effets de la patrimonialisation, vers la muséification

III. La muséification

a. Introduction

b. La muséification i. Principes généraux

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ii. A l’échelle urbaine

c. Le musée et son évolution d. La ville-musée

Sommaire

3 5 9 11 13 15 19 19 21 25 25 25 27 28 33 35 35 36 38 39 42 42 42 44 45 45 45 46 47 47 48 49 49 49 52 55 57 58 58 58 59 63

e. Florence comme ville-musée f. Conséquences de la muséification

63 67 67 68

i. Critique de la ville-musée ii. La muséification urbaine

IV. La sclérose urbaine

a. La ville, l’urbain et la vie en société urbaine i. Les caracréristiques de la ville ancienne

ii.Les attentes de la ville moderne

i. Les conditions physiques des centres anciens italiens

i. Notions techniques ii. Difficulté de manoeuvre

i. Causes et conséquences de la sclérose urbaine ii. Réalité de la sclérose urbaine à Florence : un chef d’oeuvre des occasions perdues iii. Problèmes d’appropriation urbaine

b. Adaptation des centres anciens et sclérose urbaine

c. L’incompatibilité de la ville moderne et Florence

d. La sclérose urbaine

71 73 73 80 81 81 83 83 84 85 85 86 90

V. «The Firenze tour»

93 95 95 96

ii. Potentiel d’évolution durable 98

iii. Le tourisme entre conservation et transformation 99

iv. Le tourisme culturel, la ville d’art et le tourisme urbain

v. Les impacts du tourisme dans la ville d’art 100 102

b. Florence et le tourisme 103

c. Le sentiment du citoyen florentin face au tourisme 106

d. Le tourisme de masse

a. Le tourisme i. L’évolution du tourisme florentin

VI. Solutions aux problèmes de muséification urbaine

109 111

a. Réponse des spécialistes

i. Retour dans le temps : les réponses urbanistiques de Gustavo Giovannoni

ii. Les urbanistes locaux

iii. Politiques italiennes

111 112 114 115

b. L’Unesco réagit 117

c. Mouvements citoyens 117

i. Art urbain comme moyen d’appropriation urbaine 117

ii. Revendications citoyennes

d. Dans le monde de la conception architecturale de l’étudiant, j’y vois... 119 119

i. 156 doors 121

ii. Florence, musée volontaire 123

iii. L’heure de la reconversion a sonné

Conclusion Annexes Bibliographie Iconographie

127 131 165 179

Sommaire

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Introduction

« J’étais dans une sorte d’extase par l’idée d’être à Florence, et du voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tableaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » 1 - Stendhal.

Le syndrome de Stendhal, aussi appelé syndrome de Florence, a provoqué chez son auteur une série de désagréments, directement liés à la contemplation de la ville de Florence.

Vertige, suffocation, tachycardie, tremblements, hallucinations, perte du sentiment d’identité, douleurs thoraciques, amnésie2. Depuis des siècles et encore aujourd’hui, Florence provoque des émotions fortes chez son spectateur, ce qui la rend particulièrement attractive.

L’appellation « ville-musée » par laquelle Florence est identifiée, est issue de réflexions multiples sur l’évolution du patrimoine urbain. Cette appellation pourtant encore mal définie, fait référence à diverses analogies.

La première, la ville comme trésor urbain, regorge de chefs d’œuvres intemporels. Florence, bassin de culture, génère spontanément un gros engouement touristique, tant local qu’international. La seconde, directement liée à la discipline de la muséologie, implique que ces œuvres d’art sont sujettes à une conservation poussée. La dernière, nous interpelle sur l’avenir de cette ville-musée, lorsque les œuvres sont les bâtiments ; le mu1. STENDHAL, Rome, Naples et Florence, Delaunay, Paris, 1826, p.102.

2. GODEFROY, Michel, Syndrome de Stendhal. Psychopathologie de l’esthétique, L’encéphale 44, 2018, pp.299-300.

Introduction

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sée, l’espace urbain ; et le spectateur, initialement l’habitant, remplacé par le touriste.

Par rapport à ses consœurs villes-musées, la capitale de la Toscane jouit d’un statut particulier. Seul son Centre Historique est concerné par le conservatisme compulsif, tandis que ses quartiers périphériques où se sont réfugiés la majeure partie de la population bénéficient d’un timide développement constant.

Les conséquences de la muséification tendent à changer la nature même de sa patrimonialisation3. La magie de Florence est formée par son exceptionnel contexte bâti, inhérent à la culture portée par ses habitants. La situation est telle que les citoyens ne peuvent plus s’approprier leur propre ville, d’une part à cause des structures urbaines qui n’ont su évoluer à la suite du conservatisme poussé des autorités et d’autre part compte tenu de la promotion touristique et de ses effets sur la ville. L’exil forcé des habitants permet à l’industrie du tourisme d’utiliser ce patrimoine comme scène de théâtre. En résulte une ville artificielle, un parc de loisir thématique, vidée de son authenticité. Le touriste en est le premier abusé.

Il est important de prendre en compte les conséquences de la muséification de Florence, les forces qui sous-tendent les différentes évolutions que cette ville a connues au cours des siècles derniers et les éléments responsables de son état actuel.

En se concentrant sur le rôle des pratiques dérivées de l’architecture et de l’urbanisme, ce mémoire a pour objectif d’accompagner une déconstruction du concept de ville-musée appliquée à Florence et d’en tirer les enseignements introduisant les futurs débats constructifs concernant le Centre Historique.

Les questions posées tout au long du travail reprennent les thèmes suivants : comment Florence, labellisée « Patrimoine Mondial de l’Unesco », a pu échapper à tous ceux qui la chérissaient tant : ses conservateurs, ses touristes, ses curateurs, ses artistes et surtout, ses habitants ? Quelles sont les pistes pour y remédier ?

3. Patrimonialisation : fait de donner un caractère patrimonial.

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Introduction

Matériel et méthodes

En utilisant les mots clefs successifs ville-musée, urbanisme, muséologie, patrimoine, muséification, sclérose urbaine, tourisme de masse ; s’est constitué progressivement une bibliothèque extensive de livres et d’autres recherches autour de ces thématiques.

A leur lecture, un plan s’est naturellement dessiné, commençant par l’explication évolutive de l’histoire de la ville de Florence et ses changements urbanistiques. A partir du statut ville-musée, la notion de patrimoine, joignant ces deux appellations, a fait l’objet de recherches plus spécifiques, menant aux conséquences de la patrimonialisation des villes, la « muséification ».

La muséification, partie intègre de la discipline de la muséologie, a également fait l’objet de recherches particulières. Celles-ci ont permis d’établir le lien de la typologie de la ville-musée à sa discipline mère, la muséologie.

Les conséquences de la muséification se sont partagées en deux catégories. Premièrement il a été question de sclérose urbaine, inhérente à une vision conservatrice de la planification urbaine en contexte patrimonial. Deuxièmement, les effets du tourisme de masse sur la ville théâtralisée ont été analysés.

Enfin, un recueil de pensées élaboré tout au long de la conception du mémoire a mené à de nouvelles propositions de gestion du patrimoine. Un regard critique a été posé tout le long du travail sur l’influence de l’Unesco sur son site protégé. Le but de poser une base théorique et d’ensuite partager une pensée critique sur le sujet est de laisser la possibilité à chacun de se faire un avis propre sur la question, de partir sur les mêmes bases pour ensuite ouvrir le débat aux possibilités futures.

La bibliographie est précédée d’une analyse argumentée des ouvrages principaux utilisés lors de ce travail.

Matériel et méthodes

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I. Florence à travers les époques

Florence à travers les époques

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« Chaque ville est une ville au sommet d’une colline ; c’est un candélabre destiné à éclairer la route de l’histoire... D’une importance cruciale, certaines villes sont protégées par des valeurs éternelles, traînant derrière elles, tout au long des siècles et des générations, les événements historiques auxquels elles ont participé et dont elles ont été témoins » 1- Giorgio La Pira.

Version originale italienne « Ogni città è una città sul monte, è un candelabro destinato a far luce al cammino della storia. Ciascuna città e ciascuna civiltà è legata organicamente, per intimo nesso e intimo scambio, a tutte le altre città ed a tutte le altre civiltà: formano tutte insieme un unico grandioso organismo ». Du discours de Giorgio La Pira, Maire de Florence, à Florence le 2 octobre 1955 dans son discours pour La sauvegarde des villes du monde. Plus d’informations : MOLE, Aurelio, L’utopia di una città sul monte, Città Nuova, Site Internet : URL [https://www.cittanuova.it/lutopia-citta-sul-monte/?ms=002&se=004], 2018.

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Florence à travers les époques

a. Evolution urbaine de Florence Florence est un emblème mondial de l’art et de la culture italienne depuis toujours. Selon Dario Nardella, maire de Florence en 2018, cette ville est considérée comme un endroit appartenant à toute l’humanité, en grande partie pour le rôle qu’elle a tenu dans l’histoire de la civilisation et en particuliwer comme berceau de l’Humanisme moderne.4 La ville de Florence est en premier lieu bâtie en colonie romaine portant le nom de « Florentia ». Elle est construite sur un plan rectangulaire (sur base du Castrum, Cardo et Decumanus) avec un forum en son centre. Sous l’Empire d’Adrien, Florentia se qualifie de manière prospère et grandissante. Par après, la période byzantine réduit Florence au périmètre de maçonnerie romain. A partir de l’an 1000, le peuple florentin (populus florentinus), très dynamique, travaille sur l’expansion de la ville. Elle obtient son indépendance en 1115. En 1172, une première limite est tracée en rotation de 45 degrés par rapport à la trame romaine. Au même moment une « annexe » est bâtie au Sud de l’Arno.

En 1284, une grande muraille quadrilatérale (toujours axée à 45 degrés) est construite sur consultation d’Arnolflo di Cambio5 suivant le tracé précédent. Quatre grandes portes sont placées sur les pourtours de la muraille de manière à maintenir un lien avec l’extérieur de la ville. Florence se développe énormément à la fin du XIIIème siècle, passant de 30.000 habitants à 100.000 au début du XIVème siècle. Arnolfo di Cambio et Giotto6 travaillent ensemble sur une nouvelle vision du Classicisme et Réalisme, concepts qui mèneront par la suite aux principes premiers de l’Humanisme.

La peste de 1348 a pour conséquence un notable décroissement de la population florentine. L’histoire se complique entre 1420 et 1492, la ville est habitée par des vides entre la muraille que personne n’arrive à combler pour cause de crises économiques et politiques et de guerres. Cette période est marquée par l’entrée des Médicis à la tête de la ville. Une nouvelle expression artistique et scientifique se développe malgré le contexte peu favorable. Brunelleschi7, Donatello8 et Masaccio9 se démarquent dans le développement de la culture de la Renaissance, langage artistique de la cour des Médicis.

4. NARDELLA, Dario, Foreword, in, UNESCO, Monitoring of the management plan of the historic centre of Florence, Florence, 2018, p.2.

5. Arnolfo di Cambio, aussi appelé Arnolflo di Lapo, est un architecte sculpteur italien toscan du XIIIème siècle. Sa plus grande contribution à l’architecture est la définition du nouveau style gothique italien. Plus d’informations : GALDY, Andrea, Arnolfo Di Cambio.

Una Rinascita nell’Umbria Medievale and Arnolfo Alle Origini Del Rinascimento Fiorentino, in, Renaissance Studies, vol. 21, no. 1, Blackwell Publishing Ltd, 2007, pp. 105–110.

6. Giotto di Bondone est un peintre architecte sculpteur a participé à la modernisation de l’image de la religion, en mettant en avant les sentiments des protagonistes, ce qui fit de lui un précurseur de l’Humanisme. Plus d’informations : VASARI, Giorgio, Le vite de’ piú eccellenti pittori, scultori ed architetti, Letteratura italiana Einaudi, Torino, 1986, p.146.

7. Filippo Brunelleschi, sculpteur et architecte florentin du Quattrocento, considéré comme premier artiste moderne par ses confrères de l’époque, Brunelleschi est une des figures majeures de l’architecture de Florence. Il invente les premiers principes de la perspective.

Parmi ses œuvres notables florentines on compte le Dôme de Santa Maria del Fiore, l’Hôpital des Innocents et l’Eglise San Lorenzo.

Plus d’informations : VASARI, Giorgio, Le vite de’ piú eccellenti pittori, scultori ed architetti, Letteratura italiana Einaudi, Torino, 1986, p.262.

8. Donatello, du nom de Donato di Niccolò di Betto Bardi, est un sculpteur important du XIVème siècle florentin. Plus d’informations : VASARI, Giorgio, Le vite de’ piú eccellenti pittori, scultori ed architetti, Letteratura italiana Einaudi, Torino, 1986, p.330.

9. Masaccio ou Tommaso di Giovanni Cassai, est un peintre florentin du début du XVème siècle, considéré comme un des pionniers de la peinture Renaissance. Plus d’informations : VASARI, Giorgio, Le vite de’ piú eccellenti pittori, scultori ed architetti, Letteratura italiana Einaudi, Torino, 1986, p.285.

Florence à travers les époques

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La mort de Lorenzo di Piero de’ Medici (Laurent le Magnifique) en 1492 marque les prémices du Maniérisme et donne un nouveau tournant à l’image de la ville. Ammannati10, Vasari11 et Buontalenti12 offrent un décor théâtral à Florence qui transpire alors le luxe et les festivités. L’élément symbolique de la Florence des Médicis est le Corridor de Vasari, unissant de manière presque aérienne le Palazzo Vecchio (lieu de travail des Médicis) au Palazzo Pitti (lieu de résidence), qui est construit dans le but de créer un passage privatif pour la famille ducale dans la ville. La ville de Florence se fige durant les siècles suivants.

L’Histoire de Florence prend un tournant tout à fait différent au XIXème Siècle lorsque le Roi Vittorio Emanuele II décide de transférer la capitale d’Italie de Turin à Florence.

Les travaux pour Florence capitale changent radicalement 50% de l’urbanisme de la ville : le cœur commercial de la ville romaine et médiévale est abandonné pour laisser place à la réalisation de la Piazza della Repubblica. Peu d’études sont organisées lors de ces changements, la transition se devait d’être rapide. Si bien que, comme par exemple dans l’ancien ghetto juif, tout est effacé pour laisser place aux nouveaux grands palais florentins13 et à l’excavation des rues14. « Les anciens ateliers médiévaux n’ont pas été démolis pièce par pièce, mais presque entièrement détruits ».15 La seconde guerre mondiale touche énormément le Centre Historique avec la destruction d’îlots entiers et de bâtiments médiévaux, plus précisément dans la zone autour de l’Arno près du Ponte Vecchio. Les Florentins se retrouvent face à la grande peur de devoir choisir le futur de la ville, question qui n’avait jamais été envisagée jusqu’alors. Des voix prônèrent une ville rénovée physiquement et psychiquement, à l’image des idéologies de l’époque, comme l’explique Giovanni Michelucci, architecte moderne de l’époque, dans sa lettre ouverte « Le bonheur de l’Architecte »16. Les conséquences physiques de la guerre offrent de nouveaux horizons pour Florence qui n’auraient pu être imaginables sans les destructions.

De l’après-guerre à aujourd’hui, un grand nombre d’interventions et études archéologiques ont lieu, liées à la reconstruction urbaine. Les choix se détournent de ces opportunités et s’orientent vers une reconstruction identique au passé.

10. Bartolomeo Ammannanti, est un sculpteur et architecte florentin du XVIème siècle. Parmi ses œuvres principales, la fontaine de Neptune de la Piazza della Signoria, l’original Ponte della Trinita et l’extention du Palazzo Pitti. Il a travaillé auprès des Médicis. Plus d’informations : URL [https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Bartolomeo_Ammannati/105220].

11. Giorgio Vasari est un fameux peintre, architecte et écrivain du XVIème siècle. Employé par les Médicis, il conçoit le Corridor de Vasari et décore bon nombre de salles de la résidence et lieux de travail des Médicis. Plus d’informations : URL [https://www. virtualuffizi.com/fr/giorgio-vasari.html].

12. Bernardo Buontalenti est architecte, peintre et sculpteur florentin. Il est le disciple de Giorgio Vasari et participe lui aussi aux commandes des Médicis, notamment dans le Palazzo Pitti. Sa relation avec la famille Médicis était particulière, il était protégé par le duc Cosmo de Médicis. Plus d’informations : HOWARD, Deborah, Bernardo Buontalenti, in, The Burlington Magazine Publications, no. 1138, 1998, pp. 40–41.

13. Les palais florentins datent de l’époque médiévale. Ils caractérisent l’habitat des classes supérieures, de par leur matériaux solides et plus chers utilisés. Le palais florentin est généralement caractérisé de cette manière : trois registres aux affectations de la moins noble à la plus noble, des travées parfaitement régulières, l’entrée au milieu du bâtiment, une symétrie parfaite, le palais est axé autour d’une cour intérieure raffinée, de petites ouvertures facilement défendables au rez-de-chaussée. Ils ressemblent à une forteresse de l’extérieur et l’intérieur est caractéristique d’une architecture classique raffinée. Plus d’informations : PUTTEMANS, Marianne, Histoire de l’architecture jusqu’à la période moderne, Volume 2, Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2015, pp.22-24.

14. Changements urbanistiques de Florence capitale : Recherches élaborées par Corinto Corinti, ingénieur architecte nommé par la commune de Florence pour étudier les changements urbanistiques de Florence durant les travaux de transformation de la ville en capitale. Son travail constitue aujourd’hui encore la source première d’information sur le sujet. Plus d’informations : CESATI, Franco, Firenze antica dall`epoca romana al medioevo nelle 100 cartoline di Corinto Corinti, Newton & Compton, Rome, 2004.

15. ARTUSI, Luciano, GIANNETTI, Vincenzo, A vita nuova, Edizioni Lito Terrazzi, Florence, 1997.

16. MICHELUCCI, Giovanni, La felicità dell’Architetto, Tellini Editore, Firenze, 1981, pp. 37-43.

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Florence à travers les époques

Figure 1 - Le corridor de Vasari.

Florence Ă travers les ĂŠpoques

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Figure 2 - Enceinte à 45 degrés avec les forteresses

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Florence à travers les époques

b. Florence et la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco i. Historique Le centre historique de Florence est ajouté à la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco17 le 17 Décembre 1982 avec la recommandation de l’ICOMOS18. Le site répond à six critères lui offrant sa place dans la liste. Il est décrit comme « « une réalisation artistique unique, un chef-d’œuvre, résultat d’un travail continu de création pendant six siècles » (critère I), capable d’exercer « une influence prépondérante sur le développement de l’architecture ou des arts monumentaux, d’abord en Italie puis en Europe » (critère II), « avec ses rues encore intactes, des palais fortifiés (...), des loggias, des fontaines, un pont merveilleux du XIVe siècle », (critère III), qui a atteint « le pouvoir économique et politique en Europe entre le XIVe et le XVIIe siècle » (critère IV) et a été impliqué « dans des événements d’importance internationale. Dans la sphère de l’Académie néoplatonicienne, elle a développé le concept de la Renaissance » (critère VI). »19 Les explications décrites ci-dessous retracent fidèlement les commentaires écrits dans le rapport ICOMOS joint au dossier de candidature à l’inscription de Florence dans la liste Patrimoine Mondial. Ils ont été remaniés pour une meilleure compréhension de leur propos.20 Critère I – Représente un chef d’œuvre résultat du génie créatif humain L’ensemble urbain de Florence est une réalisation artistique unique, parfois comme chef d’œuvre absolu, fruit d’une création continue au travers des siècles. On y trouve, outre des musées grandioses (Archéologique, Galleria degli Uffizi, Bargello, Palazzo Pitti, Galleria dell’Accademia, …) la plus forte concentration d’œuvres d’art connues mondialement ; la Cathédrale Santa Maria del Fiore, le Baptistère et le Campanile de Giotto, la Piazza della Signoria dominée par le Palazzo Vecchio et la Galleria degli Uffizi, San Lorenzo, Santa Maria Novella, Santa Croce et la Cappella dei Pazzi, le Convento San Marco, Santo Spirito, …

Les œuvres résultat du génie créatif humain font partie intégrante du tissu urbain « banal » du centre-ville.

Critère II – Montrer un important échange de valeurs humaines dans un laps de temps certain ou une aire culturelle du monde, relative aux développements de l’architecture et de la technologie, des arts monumentaux, de l’urbanisme et du paysage.

Depuis le Quattrocento21, Florence exerce une influence importante dans le développement de l’architecture et arts monumentaux, en premier lieu en Italie et ensuite en Europe. Les principes artistiques de la Renaissance (qu’on pourrait aujourd’hui également associer à des styles de vie) ont été définis en partie par Brunelleschi, Donatello et Masaccio. Il est important d’également nommer Michelangelo et Leonardo da Vinci pour s’être 17. UNESCO, Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture. Elle est créée en Novembre 1945 en réponse aux dégâts matériels sur les villes de la seconde guerre mondiale. Plus d’informations : URL [https://whc.unesco.org/fr/list/].

18. ICOMOS, International Council of Monuments and Sites. Plus d’informations : URL [https://www.icomos.org/fr/a-proposde-licomos/mission-et-vision/licomos-en-bref].

19. CITTA DI FIRENZE, Florence World Heritage. Plus d’informations : URL [http://www.firenzepatrimoniomondiale.it/en/] 20. FOLCHI, Gugilielmo, Nomination to the World Heritage List ; Submitted by Italy, Florence, 1981.

21. Quattrocento, abréviation de « millequatrocento » en italien, représente le XVème siècle en Italie, époque qui suit le Moyen-Age. Cette période historique représente le siècle de la Première Renaissance introduisant la Renaissance en Europe. Plus d’informations : FEUILLET, Michel, L’art italien, Presses Universitaires de France, Paris, 2016, pp.28-49.

Florence à travers les époques

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formés et affirmés à Florence.

Critère III – Représenter un témoignage unique ou exceptionnel d’une tradition culturelle ou d’une civilisation vivante ou disparue.

Le Centre Historique de Florence apporte un témoignage extraordinaire des traditions passées florentines, tant au niveau de la ville mercantile médiévale qu’au niveau de la ville Renaissance. Florence a conservé ses rues intactes, ses Palais fortifiés typiques florentins (comme le Palazzo Spini, Palazzo del Podestà, Palazzo della Signoria), ses loggias (Loggia del Bigallo, Loggia dei Lanzi, Loggia degli Innocenti e del Mercato Nuovo), les fontaines et le Ponte Vecchio.

Les anciennes corporations de métiers ont laissé des monuments exceptionnels comme l’Orsanmichele.

Critère IV – Etre un exemple exceptionnel de bâtiment ou complexe architectural ou technologique ou paysager qui illustre une ou des étapes significatives dans l’histoire humaine.

Entre le XIVème et XVIIème siècle, la ville de Florence a exercé un fort pouvoir économique et politique en Europe. Pendant cette période, ont été bâtis des bâtiments prestigieux témoignant des richesses (ce qui à l’époque induisait le pouvoir) des grandes familles de banquiers. Nous faisons référence au Palazzo Rucellai, Palazzo Strozzi, Palazzo Pandolfini, Palazzo Gondi, Palazzo Pitti et son jardin Giardino di Boboli, la Sacrestia di San Lorenzo, la Cappella dei Medici, …

Critère VI – Etre directement ou indirectement associé à des évènements ou traditions vivantes, d’idées ou croyances, à des œuvres d’art ou littéraires de valeur universelle.

Florence est associée à des évènements à portée universelle, comme expliqué ci-dessus, : le développement de la Renaissance.

Florence a également marqué les esprits par le rôle qu’elle a tenu dans l’histoire de la civilisation et de l’humanisme. Le cas de cette ville est complexe car il ne s’agit pas simplement de préserver et valoriser les monuments ponctuant l’urbanisme florentin. La capitale de la Toscane est aussi célèbre pour tous les chefs d’œuvre culturels et littéraires laissés par de grands artistes, poètes et écrivains locaux.22 Il est important de noter que l’inscription de Florence au Patrimoine Mondial est un itinéraire à responsabilités impératives pour les acteurs du projet. L’Etat et les sujets responsables ont l’obligation d’assumer la responsabilité de la conservation du site et la sensibilisation de la population au Patrimoine Mondial.

22. UNESCO, Firenze Patrimonio del Mondo, Florence, 2014.

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Florence à travers les époques

ii. Géographique Le site classé est divisé en deux parties : une zone centrale (appelée « Core zone ») de 505 ha2 et une zone tampon (appelée « Buffer zone ») de 10.480 ha2.

La zone centrale représente la partie de ville entourée par la muraille et les routes médiévales. Concrètement, ce sont les limites physiques du Centre Historique de Florence.

La zone tampon23 est environnante à la muraille : elle comprend toute la municipalité de Florence, y compris les quartiers de Sesto Fiorentino, Fiesole, Campi Bisenzio et Bagno a Ripoli. Le but de cette zone tampon est de donner une protection ampliative au cœur de la ville ; c’est une zone de sauvegarde.

Dans un premier temps, le tracé d’une zone tampon n’avait pas été envisagé. A la vue des changements urbanistiques des quartiers annexes des dernières années et de la possibilité d’expansion de la ville qui potentiellement pourrait affecter le site, la zone tampon a été proposée. Cette inclusion aide à identifier le champ d’influence du contexte sur le site et peut permettre, dans le futur, de mesurer l’impact de nouvelles constructions sur la ligne d’horizon. (Figure 3).

L’outil principal utilisé dans l’analyse de la zone tampon par l’Unesco est la décomposition visuelle de la ville de Florence, à savoir les éléments attractifs et distractifs visuellement, influant le paysage de la ville. Ces points de vue permettent de servir de témoin à différentes échelles : 18 points de vue ont été identifiés depuis les collines autour du Centre Historique de Florence. 2 dans le Centre, 16 aux alentours (Figure 4).

La méthode développée à différentes échelles autour des points de vue a permis de définir pour des zones internes au Centre Historique une analyse de l’espace en fonction de la sensibilité perçue à hauteur d’être humain. Ces analyses ont été effectuées pour les scènes urbaines ou principaux monuments et bâtiments représentatifs de la ville, les plus à risque d’intervention future. A titre d’exemple, la figure 5 illustre l’analyse graphique de la Piazza Santissima Annunziata montrant les lignes directrices des futurs aménagements possibles.

23. BINI, Marco, CAPITANO, Carolina, FRANCINI, Carlo, BUFFER ZONE l’area di rispetto per il sito UNESCO Centro Storico di Firenze, dida ricerche, Florence, 2015.

Florence à travers les époques

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Figure 3 - Les points de vue à l’échelle de Florence et la Zone Tampon.

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Florence à travers les époques

Figure 4 - Les points de vue panoramiques de Florence.

Florence Ă travers les ĂŠpoques

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Figure 5 - Lignes directrices de l’aménagement temporaire pour l’aménagement temporaire de la Piazza Santissima Annunziata.

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Florence à travers les époques

c. Florence face aux obligations de sauvegarde et responsabilités des sites protégés L’obligation principale d’un site UNESCO est de maintenir dans le temps son exceptionnelle valeur universelle à l’aide d’un plan de gestion. Les obligations et responsabilités des gérants des différents sites inscrits sur la liste sont reprises dans la Convention pour la protection du Patrimoine Mondial, culturel et naturel.

i. Convention pour la protection du Patrimoine Mondial, culturel et naturel Le document principal de la gestion du centre historique de Florence est la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel introduite à l’UNESCO en 1972 lors de sa 17ème session de la conférence Générale.

La Convention a pour but de rassembler toutes les notions de protection et préservation du patrimoine culturel et du patrimoine naturel. Elle reconnait et met en avant le rapport entre l’être humain et son milieu et prône un équilibre entre les deux. Le dossier étudie l’importance de la protection et conservation tant au niveau national qu’international.

Par ailleurs, un fonds d’assistance est assuré par la Convention pour les sites n’ayant pas les moyens de subvenir à leurs besoins.

Le document est divisé en huit catégories, reprenant les 38 articles de la Convention. Les catégories suivantes se veulent, pour le maximum, englobantes pour tous les sites ; Définitions du Patrimoine Culturel et Naturel ; Protection nationale et protection internationale du Patrimoine Culturel et Naturel ; Comité intergouvernemental de la protection du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel ; Fonds pour la protection du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel ; Conditions et modalités de l’assistance internationale ; Programmes éducatifs ; Rapports ; Clauses finales.

Outre les conseils de sauvegarde d’un site, la Convention démontre également les sérieuses pertes pour l’humanité occasionnées par l’influence de l’évolution de la vie sociale et économique sur le site, qui endommageraient la Valeur Universelle Exceptionnelle du bien.

Cette convention a pour but de mettre en valeur les caractères d’exceptionnalité, d’intégrité et d’authenticité de la ville.

ii. Déclaration de Valeur Universelle Exceptionnelle (Statement of Outstanding Universal Value OUV) Le concept de Valeur Universelle Exceptionnelle est le concept clé de la Convention décrite ci-dessus. L’OUV est basé sur le principe que certains sites (patrimoine culturel et naturel) sont d’importance si exceptionnelle et universelle pour tous peuples confondus qu’ils bénéficient d’une préservation particulière au titre du patrimoine mondial de l’humanité.

Cette déclaration permet de mesurer le degré d’intégrité, d’authenticité, de protection et de gestion de chaque site Patrimoine Mondial.

Florence à travers les époques

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Le site de Florence répond aux critères officiels de l’OUV, à savoir : intégrité, authenticité, protection et gestion du site.

L’explication ci-dessous est issue des propos officiels du site de l’Unesco à propos de la ville de Florence24.

Intégrité

Mesure de l’intégralité et de l’intégrité du Patrimoine.

La valeur universelle exceptionnelle de Florence est reprise par divers éléments ponctuant le paysage toscan. La ville est encerclée par une muraille du XIVème siècle (le mura) et est formée sur base du Castrum 25 centré aujourd’hui par l’actuelle Piazza della Repubblica.

Les ruelles pavées avoisinantes datent de la ville médiévale et de la ville Renaissance.

Florence s’intègre dans un environnement historique urbain presque inaltéré et un environnement paysager entouré de collines typiques de l’horizon toscan.

Authenticité

L’authenticité correspond à l’exigence de crédibilité.

Le critère d’authenticité a pour but d’indiquer si le bien inscrit sur la liste est correctement ce qu’il prétend être.

La particularité de Florence se trouve dans le respect des techniques anciennes de construction. Les Florentins sont restés très attachés aux matériaux constituant le noyau historique construit et continuent à bâtir à partir de ces « enseignements du passé ». Ils ont su utiliser les matériaux traditionnels comme la Pietra forte , la Pietra serena , le plâtre et remettre en scène les fresques fortement utilisées dans les palais médiévaux. Florence garde sur le plan architectural ses volumes et ses caractéristiques d’ornementation « originelles ».

Tout ceci est également accentué par le Patrimoine Immatériel de Florence, alimenté de l’artisanat et des boutiques traditionnelles florentines qui procurent aujourd’hui encore des preuves concrètes de continuité avec le passé et perpétuant l’image créative de la ville.

Malgré les transformations opérées dans le centre historique au XIXème siècle, toutes ces valeurs en gage d’authenticité sont encore perceptibles.

Protection et gestion du site Patrimoine Mondial

La protection de Florence opère également au niveau national avec le Ministère des biens et des activités culturelles et du tourisme, qui contrôle toutes les actions pouvant bouleverser le patrimoine culturel du site. Ce dernier a mis en place un plan de gestion dont la conduite est assurée par la municipalité de Florence. Un code pour la protection et préservation du Patrimoine Culturel et Paysager est à respecter.

24. UNESCO, Centre Historique de Florence. Plus d’informations : URL [https://whc.unesco.org/fr/list/174/] 25. Le castrum, ou quadrilatero romano, littéralement traduit « Quadrilatère romain », correspond à l’ensemble des bâtisses situées dans la partie de ville où se trouvait le tissu romain basé sur les deux axes structurants ; le « Cardo » (axe Nord-Sud) et « Decumanus » (axe Est-Ouest). Plus d’informations : URL [https://www.universalis.fr/encyclopedie/castrum/].

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Florence à travers les époques

iii. Plans de gestion de Florence au Patrimoine Mondial Ces informations sont issues du plan de gestion actuel de Florence, datant de 2016.26 Le plan de gestion de Florence est un outil de préservation du patrimoine matériel et immatériel de la ville. Il donne un cadre à toute action de conservation, protection et d’amélioration de l’ensemble complexe du Patrimoine Culturel. Le plan de gestion du Centre Historique de Florence est également un outil précieux pour le gouvernement de la ville dans le but d’améliorer la connaissance et la sensibilisation au Patrimoine Culturel de Florence au sens large.

Cet outil dynamique doit approcher sa mission de manière holistique ; il se doit de traiter de l’aménagement du territoire, du tourisme, de l’organisation de la mobilité, du commerce et tout autre aspect culturel et social de la vie de Florence.

Le premier plan de gestion est développé à partir de 2004 quand l’Unesco prend la décision de recommander un plan de gestion pour les sites précédemment inscrits à la liste du Patrimoine Mondial. Suite à la loi 77 du 20 février 2006 du Parlement Italien relative aux « Mesures spéciales pour la protection et la mise en valeur des sites culturels, paysagers et naturels italiens, inscrits sur la «Liste du patrimoine mondial», sous la protection de l’UNESCO », tous les sites inscrits à la liste sont astreints de rédiger et adopter un plan de gestion.

Cet outil de large portée et de longue durée se veut être le plus englobant possible.

Par ce biais, il prétend être : – Un instrument flexible assurant la conservation des qualités patrimoniales d’un site.

– Un document replaçant les bases quant aux divers sujets et acteurs influant le contexte culturel et socio-économique du site, permettant sa transmission aux générations futures.

– Un instrument pouvant favoriser des projets de protection et de développement plus généraux sur le territoire, assurant une cohérence de conservation des sites au niveau national.

A l’issue du rapport périodique (cf. point suivant) de 2014, six menaces potentielles sont énoncées, à savoir (1) l’impact du tourisme de masse sur une perspective à long terme, (2) l’impact des infrastructures de la mobilité urbaine (organisation de parkings, lignes de tram et organisation de la distribution des marchandises), (3) l’impact de la pollution de l’air, (4) les dommages causés par les actes de vandalisme sur le patrimoine historique et artistique, (5) les inondations causées par l’Arno, (6) le dépeuplement des résidents locaux du centre historique.

Le second plan de gestion de Florence de 2016 focalise une attention particulière sur l’analyse des six menaces vues ci-dessus avec pour changements majeurs à ses titres l’ajout d’une zone tampon au périmètre protégé de Florence, une inclusion d’approche intégrée à travers des processus de participation de communautés locales (via les groupes Il Tavolo delle Idee - La Table des Idées et La Maratona dell’Ascolto – Marathon de la Consultation) et une requalification et explication des associations citoyennes participatives et leurs objectifs.

De manière à suivre l’évolution du progrès élaboré par le plan d’action, il a été décidé de 26. UNESCO, The Management Plan of the Historic Centre of Florence, Florence, 2016.

Florence à travers les époques

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contrôler tous les deux ans à travers un exercice de suivi sous la forme de réunions composées de tous les acteurs (privés et publics) des projets sélectionnés.

Actuellement et depuis 2007, le comité de pilotage27 du plan de gestion est composé de : La municipalité de Florence - Zone de coordination administrative L’Autorité régionale de Toscane, Département de la culture et de la recherche Le Ministère du patrimoine et des activités culturelles (MiBAC28) - Bureau de l’UNESCO La section de l’archéologie, des beaux-arts et du paysage pour la ville métropolitaine de Florence (MiBAC) Le Secrétariat régional de la Toscane du ministère du patrimoine et des activités culturelles La Direction régionale des musées de Toscane L’objectif principal, selon le bureau UNESCO de la commune de Florence, « est d’arriver à un document qui puisse concrètement servir de base aux politiques de conservation, de gestion et de développement du Centre historique de Florence. » 29 La mission du plan de gestion se veut encourageante dans la gestion du changement, sans oublier les racines et les modèles de référence qui sont liés à l’histoire et au développement du territoire d’une ville comme Florence.

iv. Rapport périodique sur le statut de conservation Ces informations sont tirées du dernier rapport périodique sur le statut de conservation du bureau Unesco de Florence30.

Le rapport périodique permet d’indiquer le statut de conservation et de gestion du site protégé. Chaque Etat-membre de la Convention est tenu d’établir un rapport périodique.

Le but principal est multiple : fournir un état d’évaluation de l’application des règles mises en œuvre par la Convention, en vérifier l’actualisation des informations du site Patrimoine Mondial pour enregistrer les éventuels changements des statuts de conservation et finalement, permettre de donner un instrument coopératif et d’échange d’informations entre les pays membres de la Convention.

L’Unesco organise une compilation du rapport périodique par zone géographique, permettant à chaque site de se situer dans un contexte plus large.

Les rapports, remis par chaque Etat-membre sont examinés par le Comité Patrimoine Mondial, qui a son tour propose des conclusions et recommandations pour le futur à travers notamment un plan d’action. Le premier cycle de rapports périodiques en Europe a été lancé entre 2001 et 2006, le second entre 2012 et 2014.

Il a été démontré en 2013 lors du second cycle européen qu’il était très difficile de cibler des critères précis dans le suivi du Patrimoine Culturel pour les propriétés de grande taille comme les centres historiques.

Suite à toute cette mise en place, il été décidé de structurer le suivi du plan de gestion 27. Comité de pilotage, ou Steering Committee, mis en place le 30 mai 2007 suivant la newsletter du secrétaire général du Ministère des Biens et des Activités Culturelles. Plus d’informations : UNESCO, The Management Plan of the Historic Centre of Florence, Florence, 2016, p.30.

28. MiBAC, Ministère pour les Biens et Activités Culturels. Plus d’informations : URL [https://www.beniculturali.it/] 29. UNESCO, The Management Plan of the Historic Centre of Florence, Florence, 2016, p.5.

30. UNESCO, Monitoring of the Management Plan of the Historic Centre of Florence, Florence, 2018.

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Florence à travers les époques

du Centre Historique de Florence sur base de stratégies reprises dans un document pour l’intégration d’une perspective de développement durable dans les processus de la Convention.31 Ce document développe les points clés du développement durable en centre historique : durabilité environnementale, développement social inclusif, développement économique inclusif et promotion de la paix et de la sécurité.

Le Helsinki Action Plan for Europe32 donne également un nouveau tournant au site florentin, présentant une liste d’actions capables d’orienter et harmoniser les lignes directrices et les orientations stratégiques du Centre Historique de Florence.

Le but général est de répondre aux 17 objectifs, illustrés avec la figure 6.

Le suivi du plan de gestion de Florence se fait en deux phases : la vérification de la conformité du projet et l’analyse de l’état d’avancement des projets.

La première phase évalue le projet par la mise en évidence et l’analyse des critiques/menaces éventuelles du site. La deuxième phase consiste en l’identification et analyse des données permettant d’évaluer l’efficacité du projet.

Cette première partie a pour but d’expliquer le contexte historique dans lequel la ville de Florence a évolué. Il est important de noter l’influence de l’inscription du site à la Liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco.

31. UNESCO, Policy for the integration of a sustainable development perspective into the processes of the World Heritage Convention, Paris, 2018.

32. Helsinki Action Plan, développé par des experts du patrimoine indépendants ensemble aux centre Unesco et des comités de consultation. Il entend répondre aux points problématiques soulevés dans les rapports périodiques. Plus d’informations : URL [https://whc.unesco.org/fr/actualites/1570].

Florence à travers les époques

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Figure 6 - L’objectif de développement durable du rapport périodique de 2018.

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Florence à travers les époques

II. Le patrimoine

Le patrimoine

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La figure décrite de « perte du patrimoine » est utilisée pour faire comprendre que ce dernier tend à changer de nature. Il est important d’essayer de comprendre l’évolution sémantique de la notion de patrimoine afin de définir toutes ses formes et analyser celles auxquelles Florence fait référence tout au long de son histoire jusqu’à aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’implique l’appellation « Florence, Patrimoine Mondial » ?

34

Le patrimoine

a. Concepts généraux du patrimoine i. Monument, monument historique La Convention concernant la protection du Patrimoine Mondial culturel et naturel de l’Unesco donne la définition de « Monument » suivante : « œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science »33.

Françoise Choay dans «L’Allégorie du patrimoine»34 et «Le Patrimoine en questions»35 sépare la notion de monument de celle du monument historique. La première personne à avoir étudié la différence entre ces deux termes est Aloïs Riegl36 dans le cadre de son étude pour l’Introduction du projet de législation des monuments historiques en 190337. Il écrit le livre Le culte moderne des monuments38 et fait l’analyse sémantique des monuments en proposant des nouvelles mesures de préservation.

De l’Antiquité au Moyen-Age, la construction d’un monument relève d’une intention : celle de perpétuer la mémoire d’un évènement, d’un personnage ou d’un lieu. Il est reconnaissable également grâce à sa fonction identificatoire. « Il existe dans toutes les cultures et sociétés humaines. Il apparait comme un universel culturel. »39 Le développement de l’industrie de l’imprimerie avec l’invention du livre donne indirectement un caractère nouveau au monument. La fonction mémorielle de ce dernier se voit attribuée aux écrits imprimés, plus précis et facilement reproductibles et permettant une meilleure diffusion.

A partir de ce moment, le monument ne fait plus que référence à l’adjectif monumental, désignant une chose grandiose.

Le monument historique est choisi pour ses caractéristiques valorielles tant au niveau historique qu’esthétique.

Ce n’est qu’à partir de la Renaissance, par contemplation et éblouissement de l’art et architecture ancienne (alors appelé « antiquité »40), qu’on commence à considérer un bâtiment d’une autre époque ancienne comme monument également. A Rome, le « titre » de monument est attribué d’après la fascination au Classicisme grec et romain. Les protagonistes de la Renaissance florentine, tout particulièrement les architectes, posent de manière générale un regard nouveau sur l’art. Les intellectuels étudient l’Humanisme, prônant un savoir universel. L’accès à la culture et à l’histoire en faisant partie, le rapport au monument comme document - « preuve du passé », est indissociable de cette expansion de culture.

L’Italie, joue un rôle précurseur dans l’évolution du rapport au monument historique comme précisé précédemment par son implication culturelle (et économique) dans la 33. UNESCO, Convention concernant la protection du Patrimoine Mondial culturel et naturel, Paris, 1972.

34. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, p. 9-24.

35. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009.

36. Aloïs Riegl est un historien de l’art autrichien ayant vécu de 1858 à 1905. Plus d’informations : RIEGL, Aloïs, Le culte moderne des monuments, Editions du Seuil, Paris, 1984, p. 33.

37. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p. 3.

38. RIEGL, Aloïs, Le culte moderne des monuments, Editions du Seuil, Paris, 1984.

39. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p. 5.

40. Ibid. p. 7.

Le patrimoine

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révolution culturelle du Quattrocento (liée aux idées Renaissance). Cette période est suivie d’un siècle porté sur les recherches de documentation iconographiques et littéraires sur les villes, notamment avec le livre « L’Antiquité expliquée et représentée en figures »41.

Les avancées scientifiques apportent une vision plus objective aux recherches sur les monuments jusqu’à arriver au siècle des Lumières, aux théories humanistes et universalistes.

Le patrimoine se veut devenir un document historique intelligible et vulgarisé.

Les manières de considérer les monuments (intentionnels ou historiques) sont multiples et diffèrent d’un pays à l’autre et d’une période à l’autre. Il faut tout simplement noter qu’aujourd’hui ils sont plus généralement qualifiés de patrimoine.

ii. Le patrimoine La réalité du patrimoine d’aujourd’hui est multiple. Pour la comprendre il faut analyser l’évolution sémantique du mot. « Patrimoine » vient du terme latin Pater signifiant « le père ». Ce terme englobe tous les biens hérités des ancêtres ou du père.42 Dans la Rome Antique, outre sa valeur pécuniaire, le patrimoine représentait un concept plus général de biens et de valeurs à transmettre et protéger.

Peu à peu le temps lui donne la définition de « biens matériels et intellectuels hérités par une communauté. »43 Il faut noter que la notion de patrimoine diffère selon les cultures. Le rapport d’une société à sa ville, ses œuvres d’arts, ses bâtiments, ses coutumes, dépend de son passé. Il touche au plus intime de chacun, interroge ses origines et ses souvenirs.

Après une prise de conscience collective, le mot patrimoine perd de sa sacralité et devient « un bien commun de la nation, à la fois témoignage physique de son histoire et de son identité »44.

André Chastel45 précise les nuances de la notion de patrimoine dans sa définition attribuée dans le livre «Les Lieux de mémoire Tome II», écrit collectivement et dirigé par Pierre Nora 46: « Les difficultés commencent avec ce qu’il faut bien appeler la nouvelle dimension du terme. Au sens où on l’entend aujourd’hui dans l’usage courant — sans parler des discours officiels —, il s’agit d’une notion globale, vague, et ne l’ignorons pas, il est question tous les jours dans les discussions de notre époque du “patrimoine culturel” qui embrasserait légendes, particularités attachantes, sensibles, vitales, de la nature ; les dernières années ont même vu apparaître la métaphore saisissante du patrimoine «génétique»…

41. DE MONTFAUCON, Bernard, L’Antiquité expliquée et représentée en figures, Vol. 1, Paris, 1719.

42. Selon le Dictionnaire Universel d’Antoine Furetière : (…) un bien ancien dans la famille, ou du moins hérité de son père.

FURETIERE, Antoine, Dictionnaire Universel, Editions Vve Delaulne, Paris, 1732, volume 5.

43. LE PETIT ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Editions Dictionnaire Le Robert, Paris, 1991, p.1378.

44. AUDERIE, Dominique, La Notion et la protection du Patrimoine, Presses Universitaires de France, Paris, 1997.

45. André Chastel est une figure importante dans le domaine d’histoire de l’art de la deuxième moitié du XXème siècle. Il base une grande partie de son travail sur la culture italienne. Sa thèse de doctorat est notamment principalement axée sur la Renaissance avec pour titre : « Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique ». Plus d’informations : URL [http://www.centrechastel.paris-sorbonne.fr/page/qui-etait-andre-chastel].

46. Pierre Nora est un historien ayant reçu les titres de Grand officier de la Légion d’honneur, Officier de l’ordre national du Mérite, Commandeur des Arts et des Lettres par l’Académie Française. Plus d’informations : URL [http://www.academie-francaise.fr/ les-immortels/pierre-nora].

36

Le patrimoine

En s’élargissant, la notion prend une valeur affective plus marquée pour désigner certaines conditions fondamentales de l’existence nationale, voire de l’existence humaine.

Cette évolution ne fait peut-être que traduire le trouble de la conscience collective face à des menaces, plus ou moins précises et plus ou moins obscures, pour son intégrité. » 47 Le patrimoine joue aujourd’hui avec différentes composantes; il est défini par la recherche identitaire, l’histoire, la contemplation, sa valeur de développement et sa valeur légale. Il regroupe un vaste ensemble de biens hétéroclite à temporalités multiples, par exemple des rites culturels, sites naturels, biens immobiliers. Ces biens sont principalement divisés en deux catégories, à savoir le patrimoine matériel (physique) et le patrimoine immatériel (significatif).

Ces notions peuvent être vues comme une source d’inspiration, un idéal ou modèle à atteindre, ou à dépasser.

Ce n’est qu’avec la révolution industrielle qu’on commence à comprendre que, la prise en compte des questions des questions de patrimoine urbain entrent en lien avec celles posées par la discipline de l’urbanisme.48 « Le patrimoine matériel et immatériel est une source de cohésion sociale, un facteur de diversité et un moteur de créativité, d’innovation et de régénération urbaine ».49 De manière générale le patrimoine appelle une référence au passé, qui serait, en théorie, à préserver pour aujourd’hui et demain.

Comme le précise Jean-Pierre Mohen50 dans Les Sciences du patrimoine51, il est important de noter qu’il est question de patrimoine culturel dans ce cadre.

La notion de culture, autant que celle de patrimoine, est très large et ces deux concepts sont très nuancés. La culture est « l’ensemble des manifestations intellectuelles du phénomène humain, comportant la fabrication des outils, l’aménagement des habitats et des sépultures, la production de l’art visuel et auditif, l’organisation du territoire et de la chasse… »52. Étroitement liés, les versants anthropologiques de la culture lient les questions de patrimoine et surtout d’héritage culturel au thème du Centre Historique. La notion « culturel » porte également un caractère politique, car elle implique une contribution dans un projet culturel ou un devenir culturel, donc universel.53 Jean-Pierre Mohen fait également référence à la transmission de patrimoine culturel dans son livre, notion qu’il me semble important d’aborder parallèlement ici, depuis longtemps la transmission du patrimoine culturel est signe de malaise54. Pour reprendre les 47. NORA, Pierre, Les Lieux de mémoire, tome II, Gallimard, Paris, 1986, p. 405-449.

48. HAMEL, Pierre, POITRAS, Claire, Patrimoine, culture et aménagement : éléments de problématique, Cahiers du GRETSTE, n°15,1998, p.24.

49. UNESCO, Une nouvelle vie pour les villes anciennes ; Petit guide d’utilisation de l’approche centrée sur le paysage urbain historique, 2013.

50. Jean-Pierre Mohen était le conservateur général patrimoine et directeur du Centre de recherche et de restauration des Musées de France au début des années 2000. Plus d’informations : URL [https://data.bnf.fr/fr/11916379/jean-pierre_mohen/].

51. MOHEN, Jean-Pierre, Les Sciences du patrimoine ; Identifier, conserver, restaurer, Odile Jacob, Paris, 1999.

52. Ibid, p.163.

53. Ibid, p.21.

54. MOHEN, Jean-Pierre, Les Sciences du patrimoine ; Identifier, conserver, restaurer, Odile Jacob, Paris, 1999, p.23.

Le patrimoine

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mots de Mohen. « Si la transmission de biens culturels est une condition de l’évolution et de la vie des sociétés humaines depuis que celles-ci sont apparues, il convient de se demander pourquoi ce comportement millénaire fait aujourd’hui l’objet d’un doute ou au contraire celui d’un culte, selon les mots d’Aloïs Riegl (1903). »55 La notion de patrimoine quant à elle est définie plus classiquement par son lien avec le monument, concept que Françoise Choay déconstruit tout au long de son livre « L’allégorie du Patrimoine »56.

Le concept de patrimoine prend un tournant nouveau lors de la publication de la Convention mondiale de l’Unesco en 1972, donnant de l’importance au patrimoine culturel plutôt qu’au monument historique (notion définie à la page 35), montrant l’inclusion d’un « tout patrimonial » substituant le monument indépendant éparpillé dans la ville.

iii. Le patrimoine historique La notion de patrimoine historique apparaît avec l’élan Humaniste de la Renaissance.

Trois idéaux principaux structurent alors cette notion.

La conservation de l’héritage de la nation est le premier point, soulignant le caractère mémorial de l’objet mis en valeur. Le second touche l’instruction publique. Dans la démarche d’idéalisation du savoir universel et de son accessibilité générale, l’objet urbain patrimonial instruit le passant et le citoyen, tant sur l’histoire de la ville que sur l’histoire de l’architecture ou de l’urbanisme. La volonté est donc de rendre visible mais également intelligible le patrimoine urbain. François Hartog57 définit le régime d’historicité58 par « comment une société traite de son passé et en traite la modalité d’une conscience de soi d’une communauté humaine. » 59 La volonté de progrès universel transforme le patrimoine historique en moyen de recherche d’identité sociale. Car si celui-ci est fondateur et un prolifique acteur du savoir, « il devient également lieu de référence où la culture trouve ses modèles pour se développer. » 60 Le patrimoine est un manifeste d’une historicité révolue.

Le troisième pilier incita l’architecte à redécouvrir les témoins du passé pour se former l’œil et la main. Condorcet 61 dit à ce propos : « L’art de réunir un grand nombre d’objets sous une disposition systématique, qui permette d’en voir d’un coup d’œil les rapports, d’en saisir rapidement les combinaisons, d’en former plus facilement des nouvelles ».62

55. Ibid.

56. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996.

57. François Hartog est un historien français de l’époque actuelle. Plus d’informations : LESSAULT, Bertrand, F. Hartog. Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps ; Paris : Le Seuil, 2003, 33/3, 2004.

58. HARTOG, François, Régimes d’historicité, Présentisme et expériences du temps, Editions du Seuil, Paris, 2003.

59. Ibid., p.19.

60. ROBERT, Yves, Art contemporain et patrimoine, Théorie de la conservation et de la restauration des patrimoines, Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2017, p.15.

61. Nicolas de Condorcet est un philosophe (homme politique et également mathématicien) illustre des lumières. Plus d’informations : URL [https://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Condorcet/172512].

62. DE CONDORCET, Nicolas, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, Editions A. Pons et Garnier-Flammarion, Paris, 1988, p.291.

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Le patrimoine

iv. Le patrimoine urbain L’élite intellectuelle du siècle des lumières (XVIIIème siècle) en Europe parcourt le monde à la découverte des bâtiments emblématiques des villes. Françoise Choay63 associe cette action à la fondation de la notion de patrimoine urbain. Les villes et voisinages sont définis par l’architecture majeure (monuments) de ces derniers et enrichie par l’analyse de l’architecture mineure (tissus urbains composés d’habitations, d’échoppes d’artisanats, de petites rues typiques, …). Choay explique par-ailleurs que c’est à l’époque des Lumières que les premiers débats sur la conservation des villes apparaissent avec la question récurrente : « Vaut-il mieux uniquement préserver l’architecture majeure ou n’a-t-elle de sens que dans un contexte commun à l’architecture mineure ? » Choay explique que le patrimoine urbain est, tout comme la notion de patrimoine, une création occidentale. Les recherches de la Renaissance encouragent la naissance de formes inédites de patrimoine, notamment par l’accent mis sur la centralité et la sensibilité humaine (fondements de l’humanisme). Cette période recherche également les traces du « temps qui s’écoule », premier travail de référencement alors.

Dans son chapitre « L’invention du patrimoine urbain »64, Françoise Choay décrit la construction de cette notion au travers de trois figures : la figure mémoriale, la figure historique et la figure historiale.

La figure mémoriale

John Ruskin65, en Angleterre, convaincu de la supériorité de l’artisanat médiéval, est le premier qui étend le patrimoine aux activités urbaines.

Ruskin a développé dans le courant Arts&Crafts la théorie expliquant qu’un pays peut être jugé par la valeur de ses productions esthétiques.66 Une partie de son étude sociologique des arts et de l’artisanat est portée sur la ville italienne de Venise. Dans son premier livre de la trilogie «The stones of Venice»67, Ruskin démontre qu’il est impératif de préserver les édifices de la ville pour leur valeur esthétique et leur valeur mémoriale. Le tissu urbain entier joue le rôle de monument historique. Ce combat est joint par William Morris68, tous deux défendent «la vie et survie de la ville occidentale pré-industrielle»69.

Le constat est clair : la ville est un document témoin et pour en garder sa valeur il faut la considérer dans son entièreté.

La figure historique

Elle est décrite dans les recherches de Camillo Sitte70 dans son livre « L’art de bâtir les 63. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, p.130-145.

64. Ibid., p.130-151.

65. John Ruskin, grande figure du mouvement Arts & Crafts anglais est écrivain et critique d’art du XIXème siècle. Plus d’informations : RUSKIN, John, CLARK, Kenneth, Praeterita : the Autobiography of John Ruskin, Oxford University Press, 1978.

66. POLLY BLAKESLY, Rosalind, The Arts and Crafts Movement, Phaidon Press, Londres, 2006.

67. RUSKIN, John, The stones of Venice. Volume first. The foundations, Smith, Elder & Co., Londres, 1851.

68. William Morris est un artiste écrivain éditeur architecte anglais du début des années 1900. Ses idées suivent celles de John Ruskin, prônant l’artisanat. Plus d’informations : DORE, Helen, William Morris, Pyramid, 1990.

69. CHOAY, Françoise, Op cit., p.136.

70. Camillo Sitte, architecte viennois et théoricien de l’architecture, se démarque pour sa nouvelle pensée de l’urbanisme au XIXème siècle. Plus d’informations : CHOAY, Françoise, Pour une nouvelle lecture de Camillo Sitte, Communications, 27, Sémiotique de l’espace, sous la direction de Pierre Boudon, 1977, pp. 112-121.

Le patrimoine

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villes »71. Plutôt que de dépeindre une critique chagrine72, Sitte constate la carence de la ville historique à répondre aux questions nouvelles en posant les questionnements adéquats pour le futur. « La ville ancienne, périmée par devenir de la société industrielle, n’en est pas moins reconnue et constituée en une figure historique originale qui appelle la réflexion. […]. [L’art de bâtir les villes] est dédié aux problèmes de la ville présente et future, au regard de laquelle la ville ancienne possède la dignité d’objet historique au sens plein du terme. »73 Plutôt que de simplement dénoncer l’industrialisation pour ses effets sur l’architecture, comme ont pu le faire Ruskin et Morris, Sitte en reconnait les qualités. « Le progrès technique façonne notre monde : il confère à l’espace urbain bâti une extension et une échelle sans précédent, lui attribue de nouvelles fonctions parmi lesquelles le plaisir esthétique ne semble plus avoir sa place. »74 Ces analyses ne sont pas purement « scientifiques », Sitte explique clairement que la ville ancienne peut encore nous donner des leçons. « L’étude morphologique des villes anciennes et donc de l’histoire formelle de leur espace constituent ainsi pour l’urbaniste un outil heuristique sans équivalent ».75 Il est clair que Sitte ne pose pas d’avis sur la question de conservation urbanistique, mais il fait néanmoins remarquer qu’un centre urbain historique ne peut certes plus répondre aux demandes de la vie moderne, mais leurs qualités esthétiques et l’enseignement historique qu’on peut en tirer en justifient la conservation appliquée.76 La figure historique défendue par Choay porte également un rôle muséal. Toutes les analyses des centres historiques jusqu’alors présentées induisent à la notion de la muséification de la ville. Ce mouvement implique qu’une ville, représentée par sa quantité de monuments (historiques ou volontaires), forme une œuvre d’art unique, la ville étant le musée à ciel ouvert. Cette notion de muséification des villes est reprise plus précisément dans la troisième partie, voir page 58.

La figure historiale

Ce dernier point se veut être le résumé des deux premières figures présentées ci-dessus.

En faisant un retour sur Gustavo Giovannoni77, sa particularité dans le domaine est d’avoir toujours vu l’ensemble urbain ancien comme un document historique avec une valeur d’usage. La notion de valeur d’usage fait ici référence à une ville vivante, vécue et en mouvement.

Giovannoni est manifestement la première personne utilisant l’expression de « patrimoine urbain ». Il considère cette discipline comme acteur participatif de l’urbanisation. Telles constatations sont exprimées dans son livre « L’Urbanisme face aux villes anciennes »78.

71. SITTE, Camillo, L’art de bâtir les villes, Editions du Seuil, Paris, 1996.

72. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, p.137.

73. Ibid., p. 136.

74. Ibid., p. 137.

75. Ibid., p. 138.

76. SITTE, Camillo, Op. cit.

77. Gustavo Giovannoni est un architecte, urbaniste et ingénieur italien (originellement de Rome) de la fin du XIXème et début du XXème siècle. Plus d’informations : GIOVANNONI, Gustavo, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Editions du Seuil, Paris, 1998, pp.7-29.

78. GIOVANNONI, Gustavo, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Editions du Seuil, Paris, 1998.

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Il traite de la ville comme un « organisme esthétique »79. La conclusion de Giovannoni est articulée de la sorte : la ville forme un tout muséal mais reste un tissu vivant. Il démontre ce postulat en trois arguments dont nous en reprendrons la synthèse dressée par Françoise Choay80 : « D’abord, tout fragment urbain ancien doit être intégré dans un plan d’aménagement (piano regolare) local, régional et territorial qui symbolise sa relation avec la vie présente. […]. Ensuite, le concept de monument historique ne saurait désigner un édifice singulier à part du contexte bâti dans lequel il s’insère. La nature même de la ville et des ensembles urbains traditionnels […] résulte de cette dialectique de « l’architecture majeure » et de ses abords. […]. Enfin, ces deux premières conditions remplies, les ensembles urbains anciens appellent des procédures de préservation et de restauration analogues à celles définies pour les monuments par Boito. […]. « On ne saurait exclure les travaux de recomposition, de réintégration, de dégagement » ».81

79. «La ville comme organisme cinématique» chapitre du livre suivant : GIOVANNONI, Gustavo, L’Urbanisme face aux villes anciennes, Le Seuil, Paris, 1998, p.113.

80. CHOAY, Françoise, Op. cit., p. 149-150.

81. Ibid., p. 149-150.

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b. Détruire, maintenir, améliorer ?

Les manières de gérer le patrimoine sont multiples. Parmi elles, il en existe trois interventions générales : la conservation, la rénovation et la restauration. Ces trois types d’interventions permettent de mettre en lumière et rendre lisible des valeurs anciennes.

i. La conservation La conservation est définie par Le Petit Robert comme « action de conserver, de maintenir intact ou dans le même état » 82.

L’état d’esprit des conservateurs peut être vu comme une hostilité à l’évolution, nous parlerons dans ce cas-ci de conservatisme.

Dans le cadre de l’étude de la ville de Florence, il a souvent été choisi d’exercer de la conservation préventive (par le biais d’une analyse des risques de dégradation préalable) ou curative (action directe sur une dégradation précise).

Leon Battista Alberti83 est un des premiers théoriciens de la conservation. Les travaux des humanistes et artistes du Quattrocento (Renaissance italienne) ont, ouvert mondialement la reconnaissance du patrimoine. Alberti fait partie de cette élite érudite et militante. Motivé par l’analyse des vestiges de Rome et attristé par la destruction de celle-ci, il développe une grande théorie sur la conservation des édifices anciens dans le « De re ædificatoria »84. Alberti et les autres architectes de la même école de pensée mettent sur un piédestal les valeurs esthétiques de l’architecture gréco-romaine. D’après son analyse, la conservation est conseillée presque uniquement pour les monuments historiques de l’Antiquité, garants d’un esthétisme non égalé.85 Selon la réflexion de Françoise Choay, il s’agit de «conservation relative»86.

Le courant de conservation, installé en Europe en réponse aux politiques destructrices modernes et des dommages causés par la deuxième Guerre Mondiale, est un courant déjà critiqué par Aloïs Riegl dans « Le culte moderne des monuments » en 1903. « Au plan de la théorie comme à celui de la pratique, le dilemme destruction/conservation ne peut être tranché dans l’absolu, que le quoi et le comment de la conservation ne comporte jamais une solution – juste et vraie – mais des solutions relatives, d’une pertinence relative. » 87

ii. La restauration La restauration d’un monument historique permet de remettre en activité, en état les biens.

Cette discipline naît au même moment que la notion de monument historique apparaît.

82. LE PETIT ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Editions Dictionnaire Le Robert, Paris, 1991, p.371.

83. Leon Battista Alberti est un poète et architecte du XVème siècle illustre de la Renaissance italienne. Plus d’informations : VASARI, Giorgio, Le vite de’ piú eccellenti pittori, scultori ed architetti, Letteratura italiana Einaudi, Torino, 1986, p.370.

84. ALBERTI, Leon Battista, De re ædificatoria, Presses de Niccolò di Lorenzo, Florence, 1485.

85. D’après les mots de Françoise Choay dans la préface du livre. RIEGL, Aloïs, Le culte moderne des monuments, Editions du Seuil, Paris, 1984, p.12.

86. Ibid., p.13.

87. Ibid., p.17.

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Son ancêtre est considérée comme étant la maintenance88, utilisée alors pour entretenir et réparer les biens patrimoniaux. La maintenance des bâtiments et œuvres a légitimé les altérations et transformations de ces derniers, sans trop analyser au préalable ou a postériori les dégâts occasionnés et les conséquences d’une telle pratique.

Les connaissances concernant l’histoire de l’architecture, l’histoire des techniques, l’archéologie, etc., étant de plus en plus précises avec le temps, il devient possible de restituer l’édifice restauré dans sa composition originelle. Enfin, il est possible d’analyser aujourd’hui dans quel contexte le bâtiment a été construit. Malgré ceci, de manière générale, la restauration n’est pas en mesure de rendre une image tout-à-fait fiable au bâtiment pour diverses raisons : les matériaux ne sont plus les mêmes, les techniques de construction évoluent, etc. Le monument historique transmet des valeurs esthétiques, il est difficile de transmettre celles-ci des siècles plus tard. Ces valeurs esthétiques sont aussi marquées par l’usure due au temps. 89 « En d’autres mots encore, la restauration n’est-elle pas synonyme de copie ? »90.

Bien que controversée, la restauration a ses défenseurs. Aloïs Riegl plaide pour une « interprétation relativiste de la restauration, fondée sur son analyse des valeurs contradictoires dont tout monument est porteur » 91.

Ruskin quant à lui pense qu’intervenir par ajout (éléments neufs, copies ou reconstitution) ou suppression sur un bâtiment ancien est un sacrilège. « L’architecture a pour mission de transmettre la mémoire des générations passées et le travail sacré qui les fait œuvrer à la réalisation progressive de notre humanité »92.

Cette théorie est développée dans le livre « Les Sept Lampes de l’architecture » où il insiste sur le devoir de l’architecte quant à la restauration des édifices patrimoniaux endommagés, avec l’obligation préalable d’effectuer des études historiques et archéologiques. Pour lui il est accepté de reconstituer la forme initiale du bâtiment par copie ou par conjecture.93 Pour Viollet-le-Duc, la restauration n’est pas une fin, mais un moyen libre pour faire évoluer les styles d’architecture.

Ruskin et Viollet-le-Duc sont abordés ici pour l’influence qu’ils ont exercée sur Camillo Boito94, grande figure de la restauration.

Il invente la restauration-signal, à l’aide de matériaux hétérogènes et signes distinctifs graphiques, Boito indique l’endroit où la restauration est faite. Il porte néanmoins son attention sur les dangers de l’interprétation libre (ou comme il aime l’appeler le « polyglottisme contemporain »)95.

Les théories de Riegl rejoignent celles de Boito, à la différence de la nuance posée par Boito qui connaît les spécificités de la pratique. Ce relativisme lui permet d’écrire son 88. Préface de Françoise Choay dans : BOITO, Camillo, Conserver ou restaurer ?, Editions de l’Encyclopédie des Nuisances, Mayenne, 2013, p10.

89. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p. 21.

90. Ibid., p. 22.

91. Ibid., p. 22.

92. Préface de Françoise Choay dans : BOITO, Camillo, Op. cit.

93. Ibid.

94. Camillo Boito est un architecte et écrivain italien de la fin du XIXème siècle, c’est un grand théoricien des pratiques de la conservation et restauration. Plus d’informations : Préface de Françoise Choay dans : BOITO, Camillo, Op. cit., p.10.

95. Préface de Françoise Choay dans : BOITO, Camillo, Op. cit., p15.

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livre « Conserver ou restaurer ? », posant les contradictions de la pratique patrimoniale.

Boito est très engagé au niveau du patrimoine italien. Il écrit par ailleurs en 1885 un texte concernant la nécessité d’une loi sur le patrimoine historique en Italie (« Nos vieux monuments : nécessité d’une loi pour les conserver »).

iii. La rénovation La rénovation est le « rétablissement dans l’état premier (sens moral), régénération ».96 La rénovation peut aussi être amélioratrice de l’état de base.

Viollet-le-Duc donne son interprétation de ce que devrait être la rénovation partout en Europe, se basant sur le cas de l’Italie. « Si les italiens restaurent, avec une persistance qui leur fait honneur, les vieux monuments, si nombreux chez eux, ils ne cessent de les entretenir soigneusement. Restaurer et entretenir sont deux actes très différents. L’entretien est la conséquence d’une attention de tous les instants. Pour entretenir un édifice, il ne suffit pas de consacrer chaque année les sommes nécessaires à cet entretien, il faut l’aimer comme on aime son chez-soi, ne rien négliger pour que chaque chose soit maintenue dans l’état convenable. »97 Dans le cadre de ce mémoire, nous entendrons plus parler de rénovation urbaine, qui trouve une définition cohérente avec la proposition du Conseil économique des Nations unies pour l’Europe 98 datant de 1972 ; « On entend par rénovation urbaine, les opérations qui ont pour but de traiter un quartier bâti en vue de l’adapter aux nécessités de la vie urbaine. Les opérations peuvent être la reconstruction complète, la réhabilitation ou la restauration du quartier. »99

96. LE PETIT ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Editions Dictionnaire Le Robert, Paris, 1991, p.1665.

97. VIOLLET-LE-DUC, Eugène, De la restauration des anciens édifices en Italie, Encyclopédie d’architecture, deuxième série, I, Paris, 1872, pp57-59.

98. La commission économique des Nations Unies pour l’Europe est une organisation qui a pour but principal de promouvoir l’intégration de l’économie infra-européenne depuis 1947. Plus d’informations : URL [https://www.unece.org/fr/mission. html].

99. ROBERT, Yves, Art contemporain et patrimoine, Théorie de la conservation et de la restauration des patrimoines, Presses Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2017, p.22.

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c. La notion de patrimoine urbain internationalisée Les recommandations de Gustavo Giovannoni portant sur le patrimoine urbain ont influencé plusieurs textes et chartes internationales encore de mise aujourd’hui, comme les écrits sur le patrimoine des villes historiques de l’Unesco, Icomos ou encore du Conseil européen. Ces chartes et écrits influent encore aujourd’hui sur les recommandations prises par le bureau Unesco de Florence dans ses rapports périodiques et plans de gestion.

Toutes ces Chartes et Conventions ayant été écrites par l’Icomos et l’Unesco s’appliquent directement ou indirectement au cas de l’Italie et à la ville de Florence. Elles nous permettent de comprendre comment l’entité urbaine historique est considérée depuis un siècle et quels principes patrimoniaux y sont appliqués.

i. La charte d’Athènes, 1931100 Les écrits de Giovannoni sont spécialement repris dans la Charte d’Athènes en 1931. En voici des extraits résumés par le site internet officiel de l’Icomos, sélectionnés ici dans le cadre de l’influence opérée sur Florence.

La charte est divisée en deux parties principales, les résolutions prises et les conclusions générales des discussions.

Au niveau des résolutions, la charte explique comment et par qui le site doit être orchestré, c’est-à-dire par des organisations internationales spécialisées et au niveau national par la législation locale. Pour ce qui est des techniques de restauration, toute intervention est contrôlée par des comités de concertation, des techniques et matériaux nouveaux peuvent être utilisés.

Le point III. – La mise en valeur des monuments, des conclusions générales du rapport met à l’honneur sur l’importance du respect dans la conservation portée sur le tissu urbain avoisinant le monument. « La Conférence recommande de respecter, dans la construction des édifices le caractère et la physionomie des villes, surtout dans le voisinage des monuments anciens dont l’entourage doit être l’objet de soins particuliers. »101 La charte recommande également un environnement neutre de tout artefact moderne pour les monuments. « Elle recommande surtout la suppression de toute publicité, de toute présence abusive de poteaux ou fils télégraphiques, de toute industrie bruyante, même des hautes cheminées, dans le voisinage des monuments d’art ou d’histoire. »102 Des précisions sont données dans le rapport complet en annexe.

ii. La charte de Venise, 1964103 Dans la continuité de la charte d’Athènes, la charte de Venise est élaborée en 1964, suite 100. Cfr. Annexes (p. 133.)

101. ICOMOS, La charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques, Athènes, 1931.

102. Ibid.

103. Cfr. Annexes (p.137.)

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au deuxième Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques. Elle est adoptée en 1965 par l’Icomos.

Cette charte traite principalement des monuments singuliers. Le terme « site monumentaux » est utilisé pour décrire des cas comme la ville de Florence ou une ville est entièrement ou partiellement concernée.

Les articles 6 et 7 de la charte portent sur la conservation et expliquent tous deux l’importance de la prise en compte de l’échelle et du contexte historique du site. « Article 6.

La conservation d’un monument implique celle d’un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits.

Article 7.

Le monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe.

En conséquence le déplacement de tout ou partie d’un monument ne peut être toléré que lorsque la sauvegarde du monument l’exige ou que des raisons d’un grand intérêt national ou international le justifient. » 104 L’article 14 traite spécifiquement du sujet des sites monumentaux, précisant que toute la charte de Venise s’applique également à ce type de bien patrimonial. « Article 14.

Les sites monumentaux doivent faire l’objet de soins spéciaux afin de sauvegarder leur intégrité et d’assurer leur assainissement, leur aménagement et leur mise en valeur. Les travaux de conservation et de restauration qui y sont exécutés doivent s’inspirer des principes énoncés aux articles précédents. » 105

iii. Charte Européenne pour le patrimoine architectural, 1975106 La première fois que des ensembles urbains historiques sont mentionnés et traités dans des chartes à l’échelle de l’Europe se manifeste en 1975 à Amsterdam lors du congrès sur le patrimoine architectural européen. Ce congrès conclut l’année européenne du Patrimoine architectural et est organisé par le conseil (ICOMOS).

L’ensemble urbain historique, considéré pour la première fois comme élément constituant le patrimoine architectural européen au même titre que les monuments reçoivent des recommandations spécifiques à une telle typologie.

Les recommandations de cette Charte sont principalement portées sur la conservation intégrée.

104. ICOMOS, Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, Venise, 1964, p.2.

105. Ibid., p.3.

106. Cfr. Annexes (p.141)

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Cette dernière est définie par l’article 7 de la Charte comme étant « le résultat de l’action conjuguée des techniques de la restauration et de la recherche de fonctions appropriées.

L’évolution historique a conduit les cœurs dégradés des villes et, à l’occasion, les villages abandonnés, à devenir des réserves de logements bon marché. Leur restauration doit être menée dans un esprit de justice sociale et ne doit pas s’accompagner de l’exode de tous les habitants de condition modeste. La conservation intégrée doit être de ce fait un des préalables des planifications urbaines et régionales. »107

iv. Conférence générale de l’Unesco à Nairobi, 1976108 Cette conférence internationalise les préoccupations et recommandations pour les centres urbains historiques.

La nouveauté se porte sur la définition du terme de sauvegarde de patrimoine : « On entend par « sauvegarde » l’identification, la protection, la conservation, la restauration, la réhabilitation, l’entretien et la revitalisation des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement. »109 L’expression « revitalisation des ensembles historiques » permet de voir le patrimoine comme une base à protéger tout en la laissant vivante et actrice de la vie moderne.

v. Charte de Washington, 1987110 D’après l’internationalisation des mesures de sauvegarde du patrimoine urbain historique, l’ICOMOS élabore la charte de Washington reprenant la littérature élaborée alors sur cette thématique et l’additionnant aux principes de Gustavo Giovannoni portant en partie sur le danger des gros axes routiers en centre historique.111 Cette Charte recommande également la mise en place de plans de sauvegarde.

107. COUNCIL OF EUROPE, Comité des Ministres, Charte Européenne pour le patrimoine architectural, Amsterdam, 1975, p.3.

108. Cfr. Annexes. (p.145.)

109. UNESCO, Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine, Nairobi, 1976.

110. Cfr. Annexes. (p.157.)

111. FALLAH, Bessam, Pour une patrimonialisation intégrée au développement urbain : élaboration des conditions de conciliation entre obligations de préservation et impératifs de développement à travers l’étude de cas d’Avignon, Université d’Avignon, Avignon, 2013.

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vi. Principes de La Valette pour la sauvegarde et la gestion des villes et ensembles urbains historiques, 2011112 Dernière Charte élaborée par l’ICOMOS, voulant compléter la Charte de Washington.

Une analyse portée sur la mise en place des zones centrales et zones tampons des centres urbains historiques protégés a dirigé l’écriture du texte.

Cette dernière Charte « reprend les mêmes orientations en incluant des thématiques urbaines actuelles en proposant via les plans de gestion une approche pluridisciplinaire des ensembles urbains historiques. »113

112. Plus d’informations : URL [https://www.icomos.org/Paris2011/GA2011_CIVVIH_text_EN_FR_final_20120110.pdf].

113. FALLAH, Bessam, Op. Cit., p.41.

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d. Le patrimoine en Italie i. Particularités italiennes par rapport à son patrimoine Le travail d’Aloïs Riegl, a fortement influencé les écrits de Camillo Boito et Gustavo Giovannoni, qui ont marqué la législation italienne.

Il faut noter que l’Italie, de manière générale et depuis des années, est à l’origine de grandes questions de mouvance patrimoniales et architecturales. Il suffit d’en revenir aux premiers aménagements urbains des romains pour se rendre compte de l’influence que ces évènements historiques ont joué sur nos villes aujourd’hui.

Comme expliqué dans le premier chapitre, dans le passé, l’Italie a été un centre de diffusion des arts, de l’architecture et de la construction. De nombreuses villes sont construites sur les principes élaborés en Italie, particulièrement pendant la Renaissance.

L’Italie est un des premiers pays à avoir reconnu le rôle tenu par son patrimoine dans la construction de ses villes et institutions, mais surtout dans la construction d’une identité commune à l’époque de l’unification du pays.

La plupart des préoccupations premières sur le patrimoine bâti italien démarrent à Rome, ville de l’excellence italienne. Nous le remarquons premièrement dans les écrits de Leon Battista Alberti et son regard nostalgique sur Rome et ses critiques sur le devenant de celle-ci.

ii. Législation italienne sur le patrimoine culturel114 Les prémices de législature dans le domaine du patrimoine est apporté par les fouilles et le catalogage entrepris par l’église italienne en 1820 dans l’édit du cardinal Bartolomeo Pacca, en prévision d’une protection artistique et historique de l’art des Eglises.

Cet édit marque déjà des caractéristiques qui restent aujourd’hui encore dans la législature italienne. Les principales raisons de la législation sur les monuments et objets d’art sont : « l’attraction pour les étrangers à admirer » (le tourisme culturel), la « curiosité érudite des antiquaires » (science historique et archéologique et histoire de l’art) et la stimulation de la « noble émulation d’artistes » (formation des artistes).

Cet édit au caractère préventif est adopté et adapté par les autres entités italiennes.

Après l’unification de l’Italie de 1861, le Royaume portant une politique économique libérale impose un blocage de la dispersion du patrimoine culturel sans changer les règles préexistantes à l’évènement historique. La compétence de protection du patrimoine appartient encore aux différents ex-Etats. L’État italien, après l’unification, a donc conservé le corps législatif inégal des États de pré-unification dans le domaine de la protection du patrimoine culturel. A cause de la difficulté de concilier l’idéologie libérale avec l’intérêt public dans la conservation du patrimoine culturel, il a adopté des dispositions épisodiques transitoires ou d’urgence.

Le pays s’uniformisant et étant traversé par des flux migratoires, la tendance de l’Eglise perd en popularité et les biens immobiliers d’ordre religieux deviennent progressivement 114. COSI, Dante, Diritto dei beni e delle attività culturali, Aracne, Rome, 2008.

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propriété de l’Etat et sont placés sous l’administration du ministère de l’Education.

La première loi nationale apparait en 1902 (loi Nasi) et est le fruit de trente ans de travail sur le projet du ministre Correnti, loi établissant le catalogue unique des monuments et œuvres d’intérêt historique, artistique et archéologique appartenant à l’Etat. Son évolution en 1909 (loi Rosadi-Rava) et d’application en 1913 propose la reconstruction et le maintien de la mémoire historique d’un peuple, à l’aide d’ensemble des témoignages exemplaires, uniques et irremplaçables, avec une valeur esthétique attribuée et illustrant la culture du peuple italien.

L’application des principes fondateurs de cette loi est toujours en vigueur aujourd’hui, à savoir : – L’établissement du principe d’inaliénabilité du patrimoine culturel de l’Etat et des entités publiques et privées.

– Affirmation de la possibilité pour l’administration publique de soumettre des travaux de propriété privée jugés « d’intérêt important » à des contraintes de protection.

– Habilitation de l’administration publique à réquisitionner les œuvres privées qui doivent être acquises dans le système des monuments publics et des musées.

– Etablissement d’un contrôle sur l’exportation et la circulation des biens privés.

– Favoriser la pratique systématique de la recherche archéologique.

– Organisation et administration (centrale et périphérique) chargées de la conservation et de la protection du patrimoine culturel.

En 1939, sous le régime fasciste, on introduit la protection des choses culturelles et beautés du paysage avec la loi Bottai. C’est la première fois que le territoire à une échelle plus large entre en compte. Par ailleurs, la réforme Bottai rassemble les compétences de patrimoine historique, artistique, culturel et environnemental sous l’argument de la construction de l’identité et de l’unité du peuple.

La première loi nationale d’urbanisme et d’aménagement du territoire s’ajoute en 1942 à la loi Bottai.

Le programme général de la politique culturelle fasciste menée par Mussolini à l’échelle du pays influe sur le domaine artistique et historique, sur les beautés du paysage et archives de l’Etat et s’étend aux activités culturelles : théâtres, opéras et spectacles itinérants sont encouragés par des subventions et soumis à des contrôles de programmes.

La Constitution de la République italienne se dote d’une constitution culturelle qui met l’accent sur une politique de la culture et non sur une politique culturelle. Les textes se réfèrent alors à une liberté culturelle qui s’étend au résultat de l’activité culturelle. La mise en place de tout ceci offre un cadre à l’apprentissage de la discipline, par extension la liberté d’enseignement.

Une Commission d’enquête pour la protection et la mise en valeur des objets d’intérêt historique, archéologique, artistique et paysager est adoptée en 1964. L’importance de la mission portée par cette Commission (autrement nommée Commission Franceschini) mène à la naissance du Ministère du Patrimoine culturel et environnemental en 1975.

Il faut noter que les interventions pour la protection du patrimoine sont adoptées dans

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l’urgence pour répondre à des problèmes imminents, comme précisément le cas des règles d’urbanisme pour la définition des centres historiques, les sanctions pour contrefaçon et la réglementation des échanges de biens, les questions de sécurité, les dispositions sur les contraintes paysagères et environnementales.

Les années 1990 marquent la décision de régionaliser les décisions pour le patrimoine culturel. C’est ainsi qu’en 1998, les moyens possibles de collaboration entre l’Etat, les Régions et les Collectivités locales sont établies pour le lancement de politiques efficaces de protection et de valorisation du patrimoine.

La même année, l’administration centrale du patrimoine culturel est restructurée sous la nouvelle dénomination « Ministère du Patrimoine Culturel et des Activités ».

Cet ajout du terme activités reflète l’idée que les biens patrimoniaux sont dynamiques civiquement parlant. En 2000, ce ministère est divisé en quatre départements : le Département du Patrimoine Culturel et Paysager, le Service des archives et des bibliothèques, le Département du divertissement et du sport et une Direction de la Recherche et de l’Innovation. Le fait d’avoir favorisé un développement régional et d’avoir divisé le ministère en départements a pour conséquence l’hétérogénéité du devenir du patrimoine culturel.

Le Code du Patrimoine Culturel et du Paysage est promulgué en 2004 par le ministre Urbani et structuré comme suit : dispositions générales, patrimoine culturel, protection, utilisation et valorisation, les biens paysagers, sanctions.

Certaines innovations importantes font effet et marquent un tournant radical vers une norme laïcisée du patrimoine culturel italien.

Le nouveau statut du « bien culturel » se réfère à une réglementation administrative (de la conservation et circulation) indifféremment référencée aux biens culturels publics ou privés.

Le Code décentralise les compétences de gestion aux régions et collectivités locales par le biais de nouvelles formes de coopération, d’accords et arrangements politiques. D’autre part, l’Etat peut cogérer des services culturels, administrativement et économiquement parlant.

Le Code limite la gestion publique des biens culturels par le recours de gestionnaires externes.

Le Code signe l’abandon du concept de « bien environnemental » au profit de la notion de « paysage », liée à l’urbanisme. Ce Code ne fait aucune référence aux biens environnementaux essentiels dans le paysage urbain (tels que les centres historiques) qui sont eux protégés par d’autres systèmes européens.

L’histoire globale des réformes du secteur organisationnel du patrimoine culturel montre une évolution fragmentée souvent mise en place dans l’urgence du cas individuel. On remarque également le manque de définition du patrimoine urbain depuis longtemps et les lacunes de la législation italienne à son égard, ce qui explique la mise en place de cadrage par les organisations annexes telles que l’Unesco et l’Icomos.

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e. Les effets de la patrimonialisation : vers la muséification La patrimonialisation est le processus qui mène à la construction du patrimoine. De prime abord, le patrimoine n’existe pas. Il est le fruit d’une reconnaissance générale.

Les effets dans le temps de la patrimonialisation sur la ville ont affecté le développement et les modes de production de celle-ci.

Les conséquences de la patrimonialisation ont été fort critiquées ; celles étudiées dans ce cadre retracent les idées de distanciation du réel par le biais du patrimoine, le narcissisme gravitant, le sentiment de nostalgie et finalement la conséquence de la muséification.

Premièrement, plus qu’avoir gelé son devenir, l’acte de patrimonialiser un bien universalise l’idée qu’il est représentatif d’une culture ancienne et tend à « transférer dogmatiquement l’universalité anthropologique du monument à l’ensemble des créations »115 de cette époque, comme le disait Claude Lévi-Strauss en qualifiant ce mouvement de « destructrice de particularismes »116. Pour citer ce dernier, « Toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus, sinon même leur négation. »117 . Cette référence à Claude Lévi-Strauss est élaborée par Françoise Choay « Le Patrimoine en questions » 118 .

Ce tout « patrimonialisé », comprenant les usages quotidiens et les particularités de la ville, prend une distance face au réel moderne, se réfléchit dans un nouveau miroir créant une bulle temporaire en l’honneur de l’histoire passée.119 « Le concept de patrimoine culturel tira sa signification contemporaine d’un redoublement muséographique du monde. Il faut, pour qu’il y ait du patrimoine reconnaissable, gérable, qu’une société se saisisse en miroir d’elle-même, qu’elle prenne ses lieux, ses objets, ses monuments comme des reflets intelligibles de son histoire, de sa culture. Il faut qu’une société opère un dédoublement spectaculaire qui lui permette de faire de ses objets et de ses territoires un moyen permanent de spéculation sur l’avenir. »120 La patrimonialisation a pu mettre en avant des comportements douteux de narcissisme comme a pu l’expliquer Françoise Choay dans son dernier chapitre « La compétence d’édifier » du livre L’allégorie du Patrimoine. « L’observation et le traitement sélectif des biens patrimoniaux ne contribuaient plus à fonder une identité culturelle dynamiquement assumée. Ils tendraient à être remplacés par l’auto-contemplation passive et le culte d’une identité générique. »121 Car si l’intention première de patrimonialiser ses biens donne un cadre à nos biens historiques, il faut avant tout que le pays ou propriétaire soit prêt à reconnaitre sa légitimité à la patrimonialisation. Ce narcissisme, faisant référence à l’auto-contemplation, est légitime dans un premier temps de la part des politiques culturelles mais sur le long terme peut porter préjudice au message à faire passer. Choay légitimise le narcissisme patrimonial que dans 115. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p. 37.

116. LEVI-STRAUSS, Claude, Tristes tropiques, Plon, Paris, 1955.

117. Ibid.

118. CHOAY, Françoise, Op. cit., p. 37.

119. CHOAY, Françoise, L’allégorie du Patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, p.152.

120. JEUDY, Henri-Pierre, La machinerie patrimoniale, Sens & Tonka, Paris, 2001, p17.

121. CHOAY, Françoise, Op. cit., p.181.

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Le patrimoine

sa première phase, « temps de suspendre symboliquement le cours de l’histoire, temps de reprendre souffle dans l’actualité, temps de conforter notre identité anthropologique afin de pouvoir en poursuivre la construction, temps de réassumer un destin et une réflexion. Passé ce délai, le miroir du patrimoine nous abîmerait dans la fausse conscience, le refus du réel et la répétition. » 122 Les tenants politiques de tout exercice urbain ont un impact important dans le processus de réflexivité derrière la patrimonialisation urbaine, que ce soit dans une optique de promotion pour le tourisme culturel ou une optique probablement mieux-pensante dans le cadre de valorisation de patrimoine à des fins historiques. « La valeur patrimoniale qui leur est octroyée fait office de « label », elle est la garantie de leur authenticité. Toute la « machinerie patrimoniale » qui s’est mise en place ne suit plus qu’une seule voie : celle de la reconnaissance institutionnelle que le patrimoine confère à toute forme de revendication identitaire. » 123 Une deuxième conséquence de la patrimonialisation d’un bien est le choix de sa conservation. La conservation ne semblant pas être de prime abord une conséquence négative, cette pratique peut mener à des sentiments de mélancolie, forme à aspects négatifs de la nostalgie.La conservation nous dédouane de notre devoir de mémoire, mais « Si le risque de l’oubli engendre la culpabilité et légitime les entreprises de revisitation de l’histoire, la conservation patrimoniale nous donne pour compensation, la nostalgie. Mais la jouissance de la nostalgie tourne vite à la morbidité. La répulsion qu’inspire l’exhibition des traces conservées, de leur théâtralisation trop forcenée peut aussi bien engendrer une haine du patrimoine. Et celle-ci nous tient quand l’excès de la conservation, le pouvoir infernal des racines anéantissent la vie présente, la dépossèdent de ses charmes. […] L’étalage patrimonial pétrifie la nostalgie elle-même et annule l’aventure de la transmission. »124 D’une certaine manière, la patrimonialisation est un processus rassurant pour la mémoire, alliée à notre lutte contre l’oubli.

Le concept de théâtralisation repris par Jeudy comprend la notion de muséification que nous voulons analyser dans le cadre de ce mémoire et qui sera notre troisième point dans le cadre de l’analyse des conséquences de la muséification. « Ce jeu infernal de la mémoire, l’ordre patrimonial le contrôle, le fige en lui imposant un sens spectaculaire. Le plaisir de la restitution « vivante » nous fait vivre comme des « néomorts », comme des êtres déjà morts qui continuent d’être en instance de survie. »125 Ce sens spectaculaire, l’art du spectacle, devenu art de l’artefact dans les villes historiques, mène à la muséification. Car dans un tout patrimonial ou l’ensemble est figé pour rester conservé, l’idée du musée vient mettre un fil rouge à la collection générale et couvrir les biens d’une cloche de verre.

Florence, un musée à ciel ouvert. Telle est la devise des sites touristiques faisant la promotion des activités offertes par la capitale de la Toscane. Mais pouvons-nous encore la présenter comme une ville vécue de manière moderne ou plutôt comme une scène de théâtre ? « Comment lui en vouloir au musée ? Il remplit bien sa fonction : il est le rappel machinal de ce qui a été »126.

122. CHOAY, Françoise, Op. cit., p.190.

123. JEUDY, Henri-Pierre, Op. cit., p34.

124. Ibid., p10.

125. Ibid., p11.

126. Ibid., p28.

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III. La muséification

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a. Introduction « Le destin de toute œuvre artistique est assurée par la transmission muséographique. »127 dit Henri-Pierre Jeudy dans son livre « La machinerie patrimoniale ».

Tandis que la question du devenir des centres anciens se pose depuis des siècles, le risque majeur pour ces derniers est de se muter en musée. «Préserver les centres anciens et leur permettre d’évoluer relève d’un redoutable exercice d’équilibre auquel toutes les villes européennes sont confrontées et répondent en dosant savamment «protection» et «évolution».»128 La mise en valeur du Patrimoine au penchant muséifiant, tel est l’équilibre instable dans lequel se trouve Florence. Une nouvelle forme de développement du territoire résultant de l’incapacité d’adaptation, concernant l’ancien et le nouveau et liée au développement du tourisme urbain crée un nœud de questions dans la discipline. Tout reposerait sur la question d’adaptabilité au moderne, car dans l’impossibilité de l’accomplissement de cette tâche, diverses conséquences s’opèrent sur le patrimoine urbain. Il faut évidemment mentionner l’exil des populations locales, l’occupation excessive des touristes dans la ville, les politiques très peu éthiques d’aménagement du territoire qui s’en suivent. Ces conséquences sont développées plus précisément dans les quatrième et cinquième parties de ce travail.

A propos du nœud mentionné plus haut, il est difficile de savoir quel élément est conséquence de quelle activité. Est-ce l’afflux de touristes qui prévaut sur la vie locale, en muséifiant les pratiques ? La désertification du centre urbain ne laisserait que le tourisme prévaloir ? Est-il question d’abus de patrimonialisation menant à la muséification des villes ? Il est donc nécessaire d’analyser les mécanismes de la muséification, ses causes et ses conséquences.

D’une brève introduction sur la muséographie et ses disciplines annexes, nous allons comprendre sous quels critères tangibles la comparaison de Florence au musée peut s’opérer et quels en sont les produits de cette analyse. Le complexe muséal est un ensemble très vaste ce qui nous permettra l’expression de ville-musée.

127. JEUDY, Henri-Pierre, Op. cit., p11.

128. CALVANUS, Frédérique, Comment éviter la muséification de la ville de Bayonne, 2011.

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b. Muséification i. Principes généraux Le terme muséification est donc lié aux termes de patrimoine et dans ce cas-ci au développement urbain. Comme précisé dans l’introduction à cette partie, cette notion est nouée d’incompréhensions.

Les auteurs Philippe Duhamel et Rémy Knafou donnent une définition convaincante de la muséification, abordant les thèmes d’obsession de la conservation par la monumentalisation des lieux.129

ii. A l’échelle urbaine On notera que de manière générale, est placé dans un musée un objet dont la valeur d’usage n’est plus actuelle. La muséification ou muséalisation130 enclenche un système de présentation de ces objets derrière des vitrines afin d’illustrer leur passé. Dans le cas de la muséification urbaine, les objets sont le bâti et les monuments.

La muséification se trouve à un point charnière entre la réhabilitation, le tourisme urbain et le patrimoine.

La réhabilitation est (comme précisé dans la partie précédente sur le Patrimoine) un processus redonnant à la ville sa capacité d’assumer son rôle sociétal. Il faut évidemment mettre en garde la réhabilitation des penchants passéistes caractéristiques de la muséification. Dans un cadre plus moderne et en reprenant l’idée de Perla Sefaty-Korosec, sociologue et essayiste marocaine, sur la restauration. Cette pratique «suppose non seulement une compréhension préalable du passé, mais aussi une vision de l’usage social que l’on voudrait faire de ce passé»131 . On ne peut plus se contenter de conserver le Patrimoine, il faut également l’interpréter et l’analyser. Mais ce processus d’interprétation, de mise en valeur ou exposition peut également mener à la muséification.

André Gob132 explique cette notion de muséification de l’urbain par l’utilisation d’outils d’interprétation et par le changement draconien des valeurs portées par la ville. La fonction devient celle du document historique sensible dans un système décontextualisé, le rapport productif matériel de l’homme à son environnement.133 D’autre part, on entend parler de muséification comme conséquence du tourisme urbain décrit dans le livre « Le tourisme urbain »134. Les dispositifs de mise en scène digne des musées permettent de comprendre la dimension patrimoniale du site et donc attirent les touristes. Ceux-ci sont généralement planifiés par les politiques de promotion du tourisme des villes.

129. DUHAMEL, Philippe, KNAFOU, Rémy, Mondes urbains du tourisme, Belin, Paris, 2007, pp.14-19.

130. NAVARRO, Nicolas, La muséalisation de l’urbain : interprétation du patrimoine, recréation d’une urbanité, 2011. URL [https://quelquepartenthese.wordpress.com/2011/01/18/premiers-pas/].

131. KOROSEC-SERFATY, Perla, Muséification des centres urbains et sociabilité publique : effets attendus, effets déconcertants, in, GERMAIN, Anick, MARSAN, Jean-Claude, Aménager l’urbain. De Montréal à San Francisco. Politique et design urbains, Edition du Méridien, Québec, 1987, pp.120-121.

132. GOB, André, DROUGUET, Noémie, La muséologie : histoire, développements, enjeux actuels, 4ème édition, Armand Colin, Paris, 2014.

133. DESVALLEES, André, MAIRESSE, François, Vers une redéfinition du musée ?, L’Harmattan, Paris , 2007.

134. CAZES, Georges, POTIER, Françoise, Le tourisme urbain, Presses Universitaires de France, Paris, 1996.

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c. Le musée et son évolution L’action de muséifier fait référence au système muséal et plus précisément à l’analogie du fonctionnement urbain à celui du musée. Le but du cadre théorique suivant, à propos du musée, permettra de délimiter et déterminer l’analogie présentée.

Le musée, originellement lieu consacré aux Muses135, devenu endroit où l’érudit se retrouve seul face à son étude dans le courant des années Renaissance, s’est ouvert au public avec la nouvelle perspective offerte par les Lumières. « Le musée est un objet complexe, multiforme et multifonctionnel. »136 La muséification tient son expression de la science qui étudie les musées, la muséologie.

Sa définition nous est due à Georges Henri Rivière137 qui décide d’étudier la place du musée dans la société, les formes spécifiques et nuances, le statut de conservation des œuvres, la présentation, etc.

La muséologie est entourée d’un vocabulaire spécifique important dans ce cadre.138 – Précisément dans le domaine du patrimoine, on entend plus facilement parler de muséalité, qui s’apparenterait à la patrimonialité.

Zbynek Stransky139 définit la muséalité comme l’ensemble des pratiques générales pour conserver des biens, passant du processus de réflexivité, des raisons patrimoniales, etc.140 «Cette approche place au centre de sa réflexion l’objet et la collection et se fonde sur le principe qu’il existerait une qualité intrinsèque de l’objet appelée « muséalité »»141.

– La muséographie définit l’ensemble des techniques et pratiques réalisées au musée.

La discipline de la muséographie est l’application du processus de création d’une exposition. Cette notion est parfois confondue aujourd’hui à la scénographie, l’art du spectacle.

Elle représente plus précisément l’aménagement de l’espace d’exposition. « Emprunté au monde du théâtre, le terme renvoie à une représentation du monde dans un espace de jeu et d’action. »142 Aujourd’hui adressé pédagogiquement à un public large, le musée est un moyen d’accéder à la connaissance mais également un lieu de patrimonialisation et collectionnisme.

La collection faisant référence à un rassemblement d’objets, les motivations de groupement peuvent être multiples. Ces dernières sont souvent justifiées par des raisons pratiques ou symboliques.

Goethe143 est un des premiers à avoir théorisé les aspects psychologiques et sociologiques 135. Muses, « Dans le cadre de la mythologie grecque, les neuf Muses sont les neuf déesses porteuses de l’inspiration artistique. » Plus d’informations : URL [https://www.universalis.fr/encyclopedie/les-muses/].

136. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p16.

137. Georges Henri Rivière est un acteur de la vision moderne du musée en France et internationalement de la fin du XXème siècle.

Plus d’informations : RIVIERE, Georges Henri, La Muséologie selon Georges Henri Rivière : cours de muséologie : textes et témoignages, Dunod, 1989.

138. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p21.

139. Zbynek Stransky est un muséologue tchèque connu pour avoir voulu donner une approche scientifique à l’étude de la muséologie dans les années 1960. Plus d’informations : MAIRESSE, François, Zbynek Z. Stránský et la muséologie. Une anthologie., Editions l’Harmattan, Paris, 2019.

140. STRANSKY, Zbynek, Introduction à la muséologie, Université Masaryk, Brno, 1995, pp. 123-127.

141. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p19.

142. Ibid., p22.

143. Johann Wolfgang von Goethe est une figure littéraire importante allemande du XVIIIème Siècle. Plus d’informations : URL [https://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Goethe/171823].

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des collectionneurs dans son livre Le collectionneur et les siens144.

Le collectionnisme quant à lui fait précisément appel aux historiens italiens ayant caractérisés « l’engouement pour la collection »145 en Italie entre le XIV et XVIIIème siècle et ensuite généralisé en Europe.

Le Collectionnisme de la Renaissance s’ouvre pour diverses raisons aux fondements de l’humanisme.

– « Les auteurs anciens, grecs et latins, sont redécouverts et traduits ; les manuscrits sont recherchés, parfois très loin, et viennent enrichir les bibliothèques des collectionneurs.

– L’humanisme place l’homme au centre de sa réflexion : les créations artistiques y trouvent une justification en dehors de toute référence religieuse.

– Le développement important du commerce et l’apparition du capitalisme, par les moyens financiers importants qu’ils concentrent, favorisent la naissance et l’enrichissement de collections privées.

– Le goût pour l’Antiquité, issu de la redécouverte des auteurs anciens, va trouver une circonstance extraordinaire de s’alimenter dans le retour définitif des papes à Rome (après l’exil à Avignon de 1310 à 1377 et le Grand Schisme d’Occident) et les grands travaux d’aménagement de la ville qui s’en suivent. » 146 Le cas le plus symbolique de collectionnisme humaniste durant cette période est celui de la famille des Médicis à Florence.

Les volontés premières des musées telles que nous les connaissons aujourd’hui sont issues de la Révolution Française et du désir de démocratiser l’art, d’éduquer le peuple, de former des artistes, d’ « édifier le peuple et justifier la nation »147. Les expectatives de cette période sont multiples et souvent contradictoires, gages d’écoles de pensée de l’avenir du patrimoine différentes, reflétant les discordances entre les sciences qui étudient cette discipline et son devenir.

L’expression de ville-musée explorée dans ce cadre-ci est permise par l’évolution du musée en une large gamme d’institutions. Cette diversification est obtenue par divers facteurs : la démocratisation de l’accès à la culture, la mondialisation des pratiques muséales, l’expansion du tourisme culturel (pour l’accès à une culture dite de masse, nous en reviendrons au cinquième chapitre axé sur le tourisme) et l’accès aux nouvelles technologies permettant la diversification de la communication intrinsèque et extrinsèque du musée.

Les zones géographiques traitées par les musées sont désormais d’échelles multiples, le statut diffère en fonction de sa gestion, la forme devient de plus en plus complexe et diversifiée.

Nous voyons la création des premiers zoos en Europe dans le courant du XIXème siècle, issus de l’observation scientifique des animaux, suivie des premiers parcs naturels aux Etats-Unis.

Il devient de plus en plus important de trouver un moyen pour exposer les villes en 1880, on trouve notamment la création des musées de ville retraçant l’histoire de notoriétés locales, le souvenir d’évènements marquants sur la ville, le développement urbanistique, l’histoire de la population, le folklore et traditions immatérielles locales, etc.

144. GOETHE, Johann Wolfgang, Le collectionneur et les siens, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1999.

145. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p25.

146. Ibid., p26.

147. Ibid., p30.

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Les centres d’interprétation148 voient le jour dans les années 1950 aux Etats-Unis, dans l’idée de créer un centre muséal pour un site entier. Ils ne détiennent pas d’objets ou œuvres, leur but est complémentaire au site interprété, introductif de ce dernier.

Les écomusées et musées de société retracent les liens entre l’humain et la société de manière plus générale dans son milieu. Ils apparaissent aux Etats-Unis de nouveau autour des années 1960 sous la forme de « Neighborhood Museums » (musées de quartiers) et « Community Museums » (musées communautaires). Selon l’article premier de la Charte des écomusées149 issue de la Fédération des écomusées et musées de société, la définition donnée est la suivante : « Un écomusée est une institution culturelle assurant, d’une manière permanente, sur un territoire donné, avec la participation de la population, les fonctions de recherche, conservation, présentation, mise en valeur d’un ensemble de biens naturels et culturels, représentatifs d’un milieu et d’un mode de vie qui s’y succèdent. ».150 Les écomusées ont pour caractéristiques d’être toujours liés au territoire, sont souvent nés dans des régions en crise de reconversion151 et impliquent la participation de la population. Ils accompagnent les villes dans le cadre de reconversion économique et sociale.

Les musées en plein air n’ont pas spécialement de bâtiments ou dispositifs pour protéger les œuvres. Le premier musée de ce type est fondé en 1891 à Stockholm et s’est étendu par après un peu partout en Europe et dans le reste du Monde. Le principe est le suivant, les œuvres font partie d’un environnement naturel ou urbain, ouvert au public. Nous parlons ici d’une approche écologique d’interprétation du patrimoine : «la présentation, l’interprétation et la conservation de l’œuvre d’art sont indissociables de celles du site.»152 L’œuvre vieillit avec le site et toute dégradation de l’environnement altère l’œuvre inévitablement.

Certaines institutions sont aujourd’hui comparables au système muséal que nous connaissons. L’exemple le plus représentatif dans le cadre de cette analyse est le mémorial.

Le musée fait appel à des mécanismes mémoriels chez l’humain. De par cette comparaison, le mémorial est souvent associé au musée. La grande différence est que le mémorial fait essentiellement appel à l’émotion alors que le musée tient une attitude plus scientifique et critique. La différence entre le mémorial au musée est de même envergure qu’entre le lieu de culte et un musée. La dimension sacrée, non mesurable et en un sens dogmatique (approche émotive) est incompatible avec le caractère scientifique du musée (approche réflexive).153 La sphère muséale courante vient donc du développement de l’évolution socio-économique du musée et du tourisme culturel. Depuis les années 80’ on voit se démarquer un mouvement du musée spectaculaire comme aime l’appeler François Mairesse154. «Ce mouvement se résume par une architecture omniprésente, par la culture de l’évènementiel, par le ludisme et le politiquement correct qui apparentent la visite d’un musée à un 148. CHAUMIER, Serge, JACOBI, Daniel, Nouveaux regards sur l’interprétation et les centres d’interprétation, La Lettre de l’OICM, n°119, 2008.

149. Cfr. Annexes (p. 160.)

150. FEDERATION DES ECOMUSEES, Charte des écomusées, 1981.

151. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p59.

152. Ibid., p61.

153. Ibid., p67.

154. MAIRESSE, François, Le Musée Temple Spectaculaire, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 2002.

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divertissement, etc. L’influence des parcs d’attraction n’y est pas étrangère.»155 Nous y reviendrons un peu plus tard.

Finalement, la nouvelle définition du Musée proposée par l’ICOM156 est la suivante : « Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples. Les musées n’ont pas de but lucratif. Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. »157

Le musée, espace d’excellence mémoriel, garant de continuités et significations historiques, sert aux planifications futures. De sa structure claire et stable, il aide à joindre les fils du temps à l’aide d’une continuité matérielle.

D’après cette définition du musée, comment une ville peut-elle être muséale ?

155. GOB, André, DROUGUET, Noémie, Op. cit., p41.

156. ICOM Conseil International des Musées. Association fondée dans les années 1960 en France, elle s’ouvre au début des années 1970 à l’internationale. L’ICOM est l’organisation internationale des musées et des professionnels de musée vouée à la recherche, à la conservation, à la pérennité et à la transmission à la société, du patrimoine naturel et culturel mondial, présent et futur, matériel et immatériel. Plus d’informations : URL [https://icom.museum/fr/a-propos-de-licom/missions-et-objectifs/].

157. ICOM, Définition du musée, s.d., URL [https://icom.museum/fr/ressources/normes-et-lignes-directrices/definition-du-musee/].

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d. La ville-musée La ville-musée est un terme encore mal défini et nouveau dans les processus de planification urbaine. Le dictionnaire Larousse le définit comme une « Ville riche en monuments de valeur et en œuvres d’art. »158 La ville-musée est un reflet de la ville ancienne vécue de façon moderne. Elle est la gardienne des trésors urbains. La plupart de ceux-ci sont les bâtiments, incarnant les fiertés de la ville. A l’intérieur on y trouve les peintures, sculptures, argenteries illustres de son époque dorée. La ville-musée est riche de son patrimoine hérité du passé.

D’une tentative de définition plus large, j’aimerais ajouter à cette définition la mise en avant de l’importance de l’attrait au tourisme de masse dans la ville-musée pour son caractère presque exclusivement culturel.

Le terme ville-musée est de mise lorsque nous faisons référence au conservatisme totalitaire, poussant à mettre la ville sous la protection d’un présentoir de verre de musée.

Cependant comme expliqué précédemment, l’évolution de la sphère muséale a ouvert ses pratiques au monde contemporain. Le terme ville-musée n’est plus seulement un héritage du passé, elle peut également être le produit d’un choix délibéré et être utilisé dans le cadre d’expériences urbaines nouvelles.

Prenons l’exemple du projet « Museum City : Improvisation and the narrative of spaces »159. Cette expérience urbaine recherche la manière dont les endroits et les places peuvent raconter des histoires. A travers l’art de la performance, la ville devient une expérience sonore-urbaine par le biais de dispositifs de recherche de sons et réverbérations dans ses rues.

L’exemple du projet São Paulo160 comme musée met en avant le critère de définition premier de la ville : the megacity of São Paulo. Le modèle théorique du musée territorial est nourri par la notion claire et évidente qu’une ville est quelque chose qui subit constamment des mutations, un être en perpétuelle pulsation. L’idée est de voir la ville comme un artefact muséal. Via la découverte urbaine et l’interaction avec les habitants, São Paulo se construit dans l’imaginaire commun comme une ville éducative se considérant comme une institution active capable de transférer les sentiments et ambitions de sa population à travers un programme concret de musée.

En se concentrant sur la nouvelle typologie des villes-musées, ce modèle tente de stimuler un nouveau chemin alternatif qui observe et interagit avec la réalité contemporaine, en essayant de comprendre les dynamiques, ainsi que les problèmes qui caractérisent la vie humaine dans ces territoires.

Il est cependant important de noter que cette nouvelle typologie de musées permettant d’expérimenter la ville d’une manière inédite a été appliquée principalement à des méga158..LAROUSSE, Ville-musée ; villes-musées, s.d., URL [https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/villemus%C3%A9e/82005].

159. SCHROEDER, Franziska, Museum City: Improvisation and the narratives of space, Organised Sound, 21(3), 2016, pp.249259.

160. IGNEZ MANTOVANI FRANCO, Maria, The city museum of São Paulo : a new design for city museums in the era of the megacity, Vibrant, v10n1, 2013.

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poles, retraçant l’évolution de la ville lambda à la ville surpeuplée. La ville-musée permet d’interpréter les phénomènes d’urbanisation passés et de mieux appréhender ses changements futurs.

La première définition s’appuyant sur les pratiques conservatrices des villes anciennes laisse suggérer un avenir urbain aux penchants fatalistes. La seconde définition basée sur l’expérience nouvelle s’ouvre à des disciplines encore toutes fraiches, tant au niveau de la planification urbaine que de l’appropriation de la ville, qu’elle soit temporaire ou permanente.

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e. Florence comme ville-musée La muséification de Florence est donc due à différents facteurs.

Premièrement, le cadre législatif, abordé en page 49, encadrant la protection du patrimoine bâti expose une claire volonté de conservation.

Deuxièmement, de par son nombre conséquent de monuments et monuments historiques, ainsi que de références témoignant d’une vie passée, elle remplit entièrement la définition officielle donnée par le dictionnaire Larousse exposée au point précédent.

Chaque coin de rue est porteur d’anecdote, datant d’époques multiples. Les Florentins sont très attachés et fiers de leur patrimoine, de manière générale assez proactifs quant à la promotion de leur histoire. En guise d’exemple, un Florentin, ancien joueur du club de football de la ville AC Fiorentina, surnommé WikiPedro travaille depuis trois ans au recensement de ces histoires illustres de Florence. Il joue de sa popularité pour faire entendre les histoires de la ville de Florence. Ce sont des anecdotes inédites, sorties du carcan touristique, à la destination des italiens et habitants de Florence161. Cette initiative à portée informatrice de la part d’un Florentin n’est pas isolée. Il est très courant en errant dans les rues de Florence de tomber sur une personne âgée, passionnée par sa ville et prête à raconter son expérience urbaine personnelle. Cette espèce de fascination pour l’histoire fait partie intégrante du rêve quelque peu mystique du musée florentin et participent à la surprotection des pratiques exercées jusqu’alors.

Les futurs acteurs du patrimoine florentin sont éduqués de manière assez conservative face à leur contexte bâti. Il y a peu de remise en question de leur part concernant l’avenir des villes-musées. Cette conception préservatrice routinière appuie la théorie associant Florence à une ville musée.

La valorisation labellisée par l’Unesco du Centre Historique de Florence oblige la ville à un statut de conservation. D’autre part, en plus de sa dimension conservatoire, le message porté par sa labellisation Unesco constitue un «fait social à forte dimension symbolique»162 qui conduirait à une nouvelle forme d’interprétation du collectionnisme selon Michel Rautenberg163.

Le site de Florence, en faisant référence au but premier du collectionnisme, est composé d’un ensemble se voulant être une représentation miniature du monde, une sorte de microcosme urbain.

Nicolas Navarro dans son article « La muséalisation de l’urbain : interprétation du patrimoine, récréation d’une urbanité »164 fait un parallèle avec les études de Rautenberg exprimant quant à lui les tenants communicationnels de la patrimonialisation, dans lequel le sujet devient un support de médiatisation165.

Cette interprétation symbolique Unesco intervient dans l’imaginaire commun de tous. Tant la conception mentale du devoir de protection et d’attention est forte, tant cette labellisation 161. RESTA, Pietro, Non sei mai stato a Firenze se…, Mondadori, Firenze, 2020.

162. RAUTENBERG, Michel, Comment s’inventent de nouveaux patrimoines : usages sociaux, pratiques institutionnelles et politiques publiques en Savoie, in, DAVALLON, Jean, Nouveaux regards sur le Patrimoine, Culture et Musées, n°1, 2003, pp.19-40.

163. Michel Rautenberg est un anthropologue français. « Ses travaux portent sur l’habitat, le patrimoine culturel et la mémoire collective, les imaginaires sociaux, en privilégiant depuis 15 ans les terrains urbains et industriels ». Plus d’informations : URL [http://univ-st-etienne.academia.edu/michelrautenberg/CurriculumVitae].

164. NAVARRO, Nicolas, Op. cit.

165. DAVALLON, Jean, Le don du patrimoine. Une approche communicationnelle de la patrimonialisation, Lavoisier, Paris, 2006.

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est un argument médiatique touristique supplémentaire.

La comparaison de la ville au musée est également due aux dispositifs de présentation abondamment parsemés dans la ville, qui permettent d’éprouver la dimension patrimoniale du site. Cette mise en valeur renvoie au principe faisant reconnaître le patrimoine, le faire sortir du lot. Cet engouement touristique participe à son analogie muséale. Dans la recherche d’une évolution possible (qui est analysée au dernier chapitre), comment serait-il possible de faire basculer éthiquement la muséification forcée vers une muséification choisie par la collectivité florentine ?

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f. Conséquences de la muséification i. Critique de la ville-musée A la ville-musée, sont imputables les mêmes reproches qu’au musée dans sa forme plus générale. Il fait bon sens de retourner historiquement sur ces derniers.

Dans la conception populaire de l’ère de la Révolution française, une représentation de domination autoritaire s’est créée du musée. Cette dernière idée, bien que le musée ayant évolué entre-temps, continue à influencer l’imaginaire collectif. Une évolution de la sphère muséale comme présentée ci-dessus est garante d’une capacité à incorporer la réflexion critique publique. N’étant peut-être pas suffisante, beaucoup considèrent encore aujourd’hui la sphère muséale comme inaccessible et bien qu’elle ne demeure plus de la propriété étatique, le musée est considéré comme étant destiné aux classes instruites supérieures. Tous ont digéré une idée d’exclusion sociale pratiquée par les institutions muséales.

Au lendemain de la création des musées révolutionnaires, Antoine Quatremère de Quincy166 établit l’idée167 que le musée dans son sens général désigne «un culte des images détachées de leur « destination » sociale – un spectacle, autrement dit, vidé de toute expérience vitale –, il rejette l’opprobre sur l’échec programmé de la fonction de revivification de la création collective – c’est-à-dire, aussi bien, de la vie sociale en son principe – dont le musée tirait officiellement sa légitimité.»168 Plus qu’être un lieu figé, il participe activement à la diffusion de la catastrophe. La notion de musée-cimetière, notion alimentée par divers auteurs parle d’elle-même. Jacques Lacan169 prononce dans le cadre d’un discours170 la formule « mise au musée ». Cette expression dénonce la muséification homologue à la mise à mort de l’art. Il convient de citer Alphonse de Lamartine171 : « Je suis las des musées, cimetières de l’Art », André Malraux : « Le musée ne doit pas devenir un cimetière » ou encore Théophile Thoré172 (alias William Bürger) : « Les musées ne sont que les cimetières de l’art, des catacombes où l’on range, dans une promiscuité tumulaire, les restes de ce qui a vécu. [...] Tout cela, on le pend pêle-mêle aux murailles d’un bazar neutre, d’une sorte d’asile posthume – de cité mortuaire – où les générations qui ne créent plus rien vont admirer ces débris illustres. »173.

Ces personnalités publiques n’appartiennent pas tous au monde spécialisé de la planification urbaine, du tourisme, de l’art ou patrimoine. Ce sont des philosophes, écrivains, 166. Antoine Quatremère de Quincy est un architecte, archéologue, historien de l’art et homme politique parisien du XIXème siècle.

Plus d’informations : RUPRECHT, Louis A. Jr., Classics at the Dawn of the Museum Era: The Life and Times of Antoine Chrysostome Quatremère De Quincy (1755–1849), in, Arion (Boston), vol. 22, no. 1, Trustees of Boston University, 2014, pp. 133–174.

167. QUATREMERE DE QUINCY, Antoine, Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, Fayard, Paris, 1989, p.36.

168. LABRUSSE, Rémi, Muséophobies. Pour une histoire du musée du point de vue de ses contempteurs, 2016, in, Romantisme, n°173, p71.

169. Jacques Lacan est un psychanalyste parisien du XXème siècle. Plus d’informations : À propos de Jacques Lacan, Mouvements, vol. no23, no. 4, 2002, pp.154-163.

170. Discours prononcé par Jacques Lacan le 14 novembre 1962 au cours de la séance inaugurale de son séminaire sur l’angoisse. « L’empêchement est un symptôme et l’inhibition est ce symptôme mis au musée ». BARAZER, Claude, Mise au musée, Presses Universitaires de France, Paris, 2018, p. 861.

171. Alphonse de Lamartine est un écrivain français, Ministre des Affaires étrangères et membre de l’Académie française du XVIIIème siècle. Plus d’informations : GUYARD, Marius-François. Alphonse de Lamartine, Editions universitaires, 1956.

172. Théophile Thoré est un historien et critique d’art du XIXème siècle, il écrit sous le nom de William Bürger. Plus d’informations : URL [https://data.bnf.fr/fr/12737137/theophile_thore/].

173. THORE, Theophile, Salon de W. Bürger, 1861 à 1868, Volume 1, J. Renouard, Oxford, 1870.

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donnant un avis sensible sur le devenir des œuvres artistiques. Emane des manifestations populaires une «inquiétude radicale face à un processus de désagrégation du rapport vivant au monde dans les sociétés modernes, dont le musée serait à la fois le symptôme et, à sa manière, par les pratiques sociales qu’il suscite, un moteur»174.

Certains imputent au musée d’être un faux temple. Porteur du rêve, ses pratiques désenchantent leur propos. La notion du temple fait également référence au culte mystique nommé « religion de l’art ». Mais ne perdraient-ils pas de leurs propos au nom d’un espace muséal inadéquat ? Telle est l’opinion de Caspar David Friedrich175. Aucun espace de contemplation exclusive ne conviendrait « à ce reflet de l’Absolu qu’est l’œuvre d’art ».176 L’entassement des œuvres d’art ne permettrait pas de profiter pleinement de ces dernières individuellement, malgré l’intention initiale.

Dans la proposition révolutionnaire d’Antoine de Quatremère de Quincy, « au lieu de refuser le présent au profit d’un passé idéalisé, c’est le futur qu’elle vise strictement, un futur lavé des ambiguïtés du musée tel que l’Occident l’a conçu jusqu’alors. Inévitablement, la critique radicale de l’idée de musée, dans la mesure où cette dernière s’est installée au cœur de la culture moderne, mène alors à repenser les principes fondateurs de notre vision du monde dans son ensemble. »177.

ii. La muséification urbaine « Lorsque le centre ancien est évoqué, c’est essentiellement dans sa capacité à donner de l’image, en tant que ressource patrimoniale, le plaçant de ce fait dans une situation tendancielle de muséification. (…) A trop vouloir conserver les centres-villes, on les fait mourir, soit par embaumement soit par abandon. » 178 Premièrement, lorsque le site patrimonialisé est soumis à des pratiques de conservation et de restauration, il se fige dans l’incapacité de répondre aux normes modernes. Le phénomène muséalisant produit des « « pétrifications » muséales où l’urbanité ne serait plus à même de s’exprimer »179, que l’on présente comme des manifestations de sclérose urbaine.

Deuxièmement, lorsque le site patrimonialisé est offert à des pratiques excessives d’exposition, menant à une politique du tourisme de masse prépondérante, la ville est vendue comme un parc d’attraction et n’est plus vécue normalement. Les touristes affluent dans le but de vérifier l’image qui leur a été vendue. Nous parlerons ici de disneylandisation urbaine.

174. LABRUSSE, Rémi, Muséophobies. Pour une histoire du musée du point de vue de ses contempteurs, 2016, in, Romantisme, n°173, p71.

175. Caspar David Friedrich est un peintre allemand du XVIII-XIXème siècle. Plus d’informations : AMSTUTZ, Nina, Caspar David Friedrich and the Aesthetics of Community, in, Studies in Romanticism, vol. 54, no. 4, the graduate school, Boston University, 2015, pp. 447–475.

176. LABRUSSE, Rémi, Op. cit., p74.

177. Ibid., p75.

178. LOYER, François, Paris, Ville décor, in, Le Débat, vol. 80, n°3, Gallimard, 1994, pp.36-50.

179. NAVARRO, Nicolas, Op. cit.

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IV. La sclérose urbaine

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« Les villes sont des organismes dynamiques. Il n’y a pas une seule ville «historique» dans le monde qui n’ait pas changé son caractère «original» : cette caractéristique est par nature destinée à suivre les changements de la société. Afin de protéger le paysage urbain historique, il est nécessaire de construire des alliances stratégiques et dynamiques entre les différents acteurs de la scène urbaine, principalement entre les autorités publiques qui gèrent la ville et les acteurs qui y opèrent. »180 180. UNESCO, Une nouvelle vie pour les villes anciennes ; Petit guide d’utulisation de l’approche centrée sur le paysage urbain historique, 2013.

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a. La ville, l’urbain et la vie en société urbaine La ville, lieu de rassemblement de la société, trouve son origine dans la polis grecque, la ville médiévale, la ville de la Renaissance, la ville industrielle, le post-urbain.

Comme dit Hegel, « L’air de la ville rend libre ». Cette dernière est caractérisée par ses liaisons avec le citoyen. Là où l’expérience urbaine qualifie également la ville, de par ses relations à l’humain, représentant les expériences entre le privé et le public, l’intérieur et l’extérieur, le personnel et l’impersonnel comme l’explique Olivier Mongin181 dans « La Condition urbaine »182.

La ville est l’artefact de la civilisation. Elle est l’alliage de l’imaginaire au bâti physique.

Les réussites et échecs de l’humanité se cachent entre les pierres. Les bâtiments publics, civiques, les monuments, les archives et institutions sont les témoins de notre héritage culturel passé de générations en générations. C’est dans la ville que nous trouvons l’avenir de l’humanité qui est façonné tant au passé, présent et futur pendant des siècles.

La question de la culture urbaine est assez récente et a été ignorée pendant longtemps comme il a pu être démontré dans les chapitres précédents. Le respect du patrimoine urbain est une notion encore très jeune.

Au niveau des recherches sur les cultures urbaines, une nette différence est mise sur les pays européens, riches de centres historiques anciens. Ces traditions, comme Olivier Mongin l’explique, ne doivent pas mener à la surprotection des «valeurs urbaines inscrites dans l’histoire pour l’éternité»183, car l’urbain d’aujourd’hui tend vers le post-urbain. « Céder à la tentation de la ville-musée revient à mettre entre parenthèses les mutations de l’urbain à l’échelle mondiale, les évolutions au long cours […]. » 184 La ville étant en évolution constante devient progressivement urbain, dans le besoin de réseaux de voies de communications. Alors que la ville a ses aspects finis de la culture de la limite, l’urbain représente une toile d’araignée illimitée.

i. Les caractéristiques de la ville ancienne Les principes des villes anciennes de l’Italie du Nord présentés dans ce chapitre sont issus de l’analyse urbanistique de Gustavo Giovannoni185. Giovannoni a déjà été présenté dans le chapitre du patrimoine urbain comme étant le premier utilisateur de cette notion.

Ce sous-chapitre sur la ville ancienne se veut complémentaire à l’explication de l’évolution urbaine de Florence, expliquée en chapitre VI.a. page 111, ici dans le cadre plus général de l’Italie appliqué à Florence, afin de comprendre pourquoi ces actions ont eu lieu et dans quel courant de pensées elles se sont inscrites.

Un principe important à mentionner avant de rentrer dans le vif du sujet est celui de

181. Olivier Mongin est un écrivain essayiste français. Il a beaucoup participé à la littérature sur la mondialisation. Plus d’informations : URL [https://esprit.presse.fr/ressources/portraits/olivier-mongin-341].

182. MONGIN, Olivier, La Condition urbaine, La ville à l’heure de la mondialisation, Editions du Seuil, Paris, 2005.

183. Ibid., p.12.

184. Ibid., p.12.

185. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., pp. 45-87.

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la persistance du plan élaboré par Pierre Lavedan186 dans son livre « Qu’est-ce que l’urbanisme ? »187. La persistance du plan explique le phénomène que les tracés urbanistiques restent inchangés avec le temps, à la différence des bâtiments qui se modifient. Le tracé urbain reste le même tandis que l’expression architecturale du paysage urbain est changée.

L’exemple de la Via Torta à Florence est assez représentatif de ce concept, le tracé de la rue est aligné sur celui de l’ancien amphithéâtre romain aujourd’hui disparu. Le contexte bâti intérieur actuel a été transformé en ilot d’habitations typique florentin. La condition architecturale a changé tandis que le tracé urbanistique demeure identique. ILLUSTRATION VIA TORTA AVANT APRES Il est donc possible de manière générale de comprendre comment les villes étaient formées dans le temps à l’aide d’une analyse de sa trame urbaine, n’ayant généralement pas beaucoup bougé. Cette théorie s’applique à la plupart des villes médiévales italiennes, il faut cependant noter que les importants travaux pour Florence capitale ont tout de même modifié le cœur originel urbanistique de la ville, bien qu’elle reste représentative de ses siècles de luxure inégalable de la (« douce ») époque oligarchique mercantile.

La partie de ville en damier (le centre autour de la Piazza della Reppubblica) est caractéristique de la configuration classique avantageant l’orientation régulière des bâtiments et du rationnement égalitaire des quartiers et ilots. Les Romains travaillant toujours sur cette figure urbanistique y ont ajouté une muraille (le mura di Firenze) qui servait de limite protectrice, administrative et douanière. ILLUSTRATION partie en damier + mura di Firenze La partie de ville en quadrilatère se trouve dans son hyper-centre près de la Piazza della Reppubblica et est remplie de palais florentins. La muraille de Florence « le mura di Firenze » est, issue de l’époque romaine et améliorée successivement jusque dans les années 1800. La forteresse surplombant la muraille de Florence « Fortezza da Basso », a été construite bien plus tard à l’époque de Alessandro de’ Medici afin de protéger la ville d’attaques extérieures. La version que l’on connaît aujourd’hui de la muraille date de 1534.

La ville ancienne italienne est souvent caractérisée par l’éparpillement de monuments utilitaires ou culturels, en particulier les théâtres et amphithéâtres et thermes. Ces bâtiments sont représentatifs de l’importance de la vie civique à l’époque romaine. Les romains étaient d’ailleurs précurseurs dans les principes de planification à but sanitaire avec les aqueducs et égouts. Les premiers grands axes construits à cette époque sont illustres d’une culture de la démonstration, plus tard considérés très importants pour des raisons hygiéniques.

La trace de l’amphithéâtre romain se trouve le long de la Via Torta, le bâtiment interne à celle-ci reprend par ailleurs l’ancienne forme du bâtiment romain et les mêmes ouvertures y sont faites.

Des anciens thermes romains Le terme Captoline (sur la Via Strozzi), Le terme dei bambini (près de l’ancien Forum, vers la Piazza della Reppubblica actuelle), Le terme di Torre Pagliazza (dans le quartier de via de’ Calzaiuoli) il ne reste quasiment plus rien si ce ne sont des écriteaux dans la ville ou des traces manuscrites dans les livres d’histoire.188 186. Pierre Lavedan est un urbaniste et historien français du XXème siècle. Plus d’informations : GRUDET, Isabelle, L’historien Pierre Lavedan et les transformations de l’urbanisme en France (1919-1955), Espaces et sociétés, vol. 130, no. 3, 2007, pp.41-55.

187. LAVEDAN, Pierre, Qu’est-ce que l’urbanisme ? Introduction à l’histoire de l’urbanisme, H. Laurens, Paris, 1926.

188. HARDIE, Colin, The Origin and Plan of Roman Florence, Journal of Roman Studies, vol. 55, 1965, pp.122–140.

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Les autres quartiers de Florence (par exemple celui de l’Oltrarno, San Frediano) basés sur des plans davantage aléatoires répondent à une disposition de regroupement de maisons unifamiliales et de la société de castes.

Durant l’époque médiévale, de nouvelles catégories de bâtiments importants viennent s’inscrire dans la ville. Sur le périmètre des murs protecteurs de Florence se construit la forteresse (Fortezza da Basso).

La manière d’agencer les ouvertures des rues sur les places publiques est précurseur des pratiques actuelles. L’apport particulièrement illustre de cette période est la place publique.

Gustavo Giovannoni donne une définition précise de la place médiévale : « Les places médiévales nous apportent d’abord la connaissance de tout un répertoire de dispositions pratiques, telles que : la conception de la place comme une salle séparée, dégagée en grande partie des voies de circulation ; la largeur variable des voies, dont aucune norme ne fixe une fois pour toutes les dimensions ; le débouché des rues sur la place, en forme d’entonnoir ou présentant des élargissements latéraux propres à faciliter les rencontres ; des effets architecturaux fondés sur le contraste des masses, sur les espaces étroits et clos, sur l’harmonie pittoresque des formes irrégulières. Ces caractères, aux antipodes de la banalité académique qui prévaut trop souvent dans le traitement des villes modernes, sont dignes d’être étudiés afin de leur trouver de nouvelles applications. Ensuite, outre ces enseignements utiles pour la vie urbaine moderne, il s’en présente d’autres qui concernent le respect bien compris de la ville ancienne. »189 La Piazza della Signoria et la Piazza della Reppubblica sont construites sur ces principes.

La renaissance apporte de nouveaux rapports harmoniques dans le contexte urbain, ouvrant ses rues à des perspectives visuelles sur les monuments principaux de la ville ou sur la campagne toscane avoisinante. Ceci est une des raisons pour lesquelles le monument est indissociable de son contexte, car les deux ont été pensés de pair.

Un peu plus tard, les places médiévales sont revues pour répondre à des règles de rapports urbanistiques plus précis. Brunelleschi travaille à Florence sur une place entre la cathédrale Santo Spirito et l’Arno sur base de critères très clairs dont Giovannoni nous donne une définition : « […] l’édifice qui domine la place ; plus d’espace trop restreint, mais un parterre de forme régulière, dont les rapports avec les dimensions du palais paraissent étudiés dans le même esprit que les vides et les pleins, les grandes masses et les petits détails de la façade. Ces rapports sont en harmonie avec les principes théoriques formulés par Serlio190 dans son Septième Livre d’architecture191, selon lequel est exigée, devant chaque monument, une place plus ou moins carrée dont le côté soit égal à la largeur de la façade. »192 Ces principes se profilent comme répondant à la proportion divine au XVIème siècle.

Cette théorie de composition est spécialement suivie dans la construction des Offices par Vasari.

Les immeubles du XVIIème siècle, construits dans les arrondissements du centre pur de Florence sont plus grands que les précédents, accueillants plusieurs familles sous le même 189. GIOVANNONI, Gustavo, Op.cit., p.59.

190. Sebastiano Serlio, architecte et théoricien de l’architecture de la fin du XIVème siècle, début XVème. Plus d’informations : PEROUSE DE MONTCLOS, Jean-Marie, Serlio à Fontainebleau, Annali di architettura 13, Vicence, 2001.

191. SERLIO, Sebastiano, Il settimo libro d’architettura, André Wechel & Jacopo Strada, Francfort-sur-le-Main, 1575.

192. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p.70.

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toit. Les rues se transforment avec la création des carrosses.

Ailleurs dans le monde et en opérant une influence considérable sur Florence et son patrimoine ancien, la période baroque marque la recherche de réalisations de la grandeur, ennoblissant les points les plus importants de la ville. La période néoclassique poursuit la précédente et rigidifie les traits et actes. Toujours dans cette continuité mais beaucoup plus tard, arrive la ville moderne, manifeste du gigantisme et des exigences pratiques.

Le XIXème siècle comme déjà mentionné maintes fois est parsemé d’embuches pour la ville d’art lorsque celle-ci devient la capitale (1865-1870). Il est possible de dire aujourd’hui qu’elle bénéficie actuellement de ces travaux au niveau des connexions extérieures du centre vers les villes plus denses voisines, bien que cela reste à être amélioré. Certaines voiries du centre se voient élargies durant ces travaux dévastateurs, aujourd’hui encore trop étroites pour répondre aux normes urbanistiques modernes.

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Figure 7 - Exemple de persitance de Plan sur la Via Torta.

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Figure 8 - Relevé historique du tissu quadrillé de la ville. © Corinto Corinti.

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Figure 9 - Relevé historique d’une ancienne rue antique. © Corinto Corinti.

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ii. Les attentes de la ville moderne Le paragraphe suivant est un résumé succinct du chapitre sur les villes modernes193 de Gustavo Giovannoni.

Issue de l’évolution expliquée ci-dessus, la ville moderne s’affirme rapidement au XXème siècle, ne laissant pas la ville ancienne s’adapter correctement. Cette évolution est principalement due aux progrès des sciences et des techniques de manière plus générale.

La ville, lieu de rencontre et d’effervescence productive, rassemble de plus en plus de citoyens.

Les citadins s’agglomèrent dans ces villes, initialement planifiées pour accueillir des centres de population beaucoup plus modeste. S’installe alors un rythme de vie plus intense, bruyant, pollué, anxiogène.

Le mode de vie moderne a des attentes précises envers sa ville que la ville ancienne ne peut satisfaire. Les villes modernes doivent pouvoir (liste non-exhaustive) : accueillir de larges réseaux permettant les échanges commerciaux, développer une manière logique de circuler dans la ville séparant les flux, accueillir de larges espaces verts, tenir une organisation claire au niveau des services publics, organiser un réseau de mobilité rapide, offrir le confort et la sécurité aux habitants, offrir des logements en quantité suffisante et de bonne qualité.

Ces conclusions sont écrites dans les années 1930. Presque cent ans plus tard, la ville moderne vue par Giovannoni porte des critères désuets. La société actuelle s’affirme dans le système des mégapoles, une sorte d’«urbain généralisé, ville générique»194. Comme l’explique Olivier Mongin : « Cette nouvelle condition contemporaine de l’urbain rend apparemment archaïque l’idéal-type de la ville : à une culture des limites succède non sans violence l’absence de limites, la puissance de l’illimité. Plus l’urbain est « généralisé » et moins les villes sont des espaces autonomes, des lieux d’intégration et d’affranchissement. »195.

L’urbain à l’image de la toile d’araignée infinie, favorise les réseaux et les flux. Tout se retrouve hiérarchisé, fractionné, réparti en entités individuelles ouvertes.

Il faut noter que Florence est tiraillée entre son incompatibilité à la ville moderne et son envie de suivre le mouvement, et se trouve aujourd’hui clairement face à des dilemmes.

193. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., pp. 89-175.

194. MONGIN, Olivier, Op. cit., p.129.

195. Ibid., p.130.

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b. Adaptation des centres anciens et sclérose urbaine Les villes-musées s’adaptent-elles au temps qui passe ? Quels types de comportements sont acteurs de leur futur ?

Une des solutions souvent proposées est de penser la ville-musée comme le nouveau noyau central d’une ville pouvant s’étendre sur la périphérie. Le centre, – ville historique, ne peut cependant pas jouer le rôle de noyau central du tissu démographique du lieu en restant figé/non-évolutif en raison de problèmes dus à l’hygiène, l’économie, la circulation, l’esthétisme. Dans le cas échéant, il se fatigue et perd ses capacités à assumer la fonction de cœur urbain.

La ville ancienne actuelle est aujourd’hui caractérisée par la promiscuité, caractéristique qui n’est pas inhérente à la ville depuis sa construction mais à la densification des tissus urbains sur plusieurs siècles.

i. Les conditions physiques des centres anciens italiens Cette analyse est issue du travail de Gustavo Giovannoni sur les villes anciennes.196

Problèmes d’hygiène

L’urbanisme de Florence est caractéristique de différents problèmes liés à l’hygiène : manque d’air frais ambiant et de lumière tant dans les rues que dans les logements, une surpopulation du centre en comparaison aux quartiers annexes et une pauvreté marquante des habitations. Ces critères sont déjà notés par Giovannoni197 dans les années 1930, mais n’ont clairement pas évolué depuis.

La ville est très vite inondée lors des fortes pluies, créant pendant plusieurs jours des zones d’eau stagnantes pleines de bactéries. Les égouts de Florence, datant des travaux de Poggi pour Florence capitale ne suffisent pas à drainer l’eau écoulée lors des intempéries.

Charge économique

De manière générale les coûts engendrés par les travaux en centre anciens sont très importants. La démolition de bâtiments en centre historique correspond à une destruction de richesse publique. D’autre part, de gros travaux de la sorte engendrent des mouvements de population importants, des déménagements de foyers, de commerces, changeant toutes les habitudes des locaux en ces quartiers, comme l’explique Giovannoni. 198 Il faut cependant noter que les travaux au prix probablement exorbitant pratiqués dans les rues commerciales de haut standing ont donné une réelle plus-value au niveau du commerce florentin et ont entrainé un accroissement considérable de rentabilité.

Les flux de circulation

La circulation est compliquée dans le centre pour différentes raisons, premièrement à cause des obstacles constants. Les routes n’ont pas été dessinées initialement pour le trafic auquel le mode de vie moderne fait référence. De plus, ces tracés initiaux sont irréguliers, 196. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit.

197. Ibid., p.201.

198. Ibid., p.205.

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pas spécialement reliés aux réseaux nécessaires aujourd’hui. Pour pallier ce problème, les ruelles sont adaptées à l’aide de détours et autres « subterfuges », impactant l’efficacité du réseau routier final.

Mis à part les rues redessinées pour Florence capitale, le reste des rues et ruelles sont généralement très étroites et n’offrent qu’une circulation en sens unique. Lorsqu’un véhicule est à l’arrêt au milieu du passage, cela crée directement un embouteillage occasionnant d’une part une pollution très rapide de l’air ambiant mais également une pollution sonore due à la réverbération des sons dans ces espaces confinés.

Le centre historique de Florence est limité au trafic automobile (ZTL) 199 sauf exceptions, ce qui a permis dans un premier temps de désengorger le flux des voitures et camions dans le centre. Il faut tout de même noter que pour un centre à trafic limité, beaucoup de véhicules y passent constamment.

A force de réorganiser les voies du centre, la ville «se déchire»200 petit à petit sans pour autant laisser derrière elle un système efficace. « Quand le démon du mouvement fébrile a envahi les rues mi-nouvelles, mi-anciennes, la densification progressive du mouvement est inéluctable et les dégâts sont irréparables. »201

Les problèmes esthétiques

Les acteurs du paysage urbain florentin mettent depuis longtemps un point d’honneur à respecter le contexte bâti face aux monuments. Pour eux, il faut absolument veiller à l’harmonie entre les monuments principaux et l’architecture mineure. Il s’agit du mouvement du contextualisme.

La tendance en Italie a toujours penché vers la primauté des valeurs esthétiques anciennes en préférant donner à chaque style urbain leur représentation spécifique. Le mélange de style en site ancien est extrêmement mal vu.

L’accompagnement stylistique opté par certains architectes de Florence est encore critiqué aujourd’hui. Giovannoni cite les dires de ses collègues urbanistes italiens à propos de « l’exemple désastreux du bâtiment moderne à cinq étages qui se dresse sur la Piazza della Signoria (…) qui prétend suivre les lignes du palais Strozzi ou du palais Riccardi, alors qu’il les déforme avec des espaces misérables, sa régularité banale et son hauteur excessive. »202

199. ZTL : Zone à trafic limité. Plus d’informations :URL : [https://www.accessibilitacentristorici.it/ztl/toscana/firenze.html] 200. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p.208.

201. Ibid., p.208.

202. Ibid., pp.215-216.

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c. L’incompatibilité de la ville moderne et Florence i. Notions techniques Il serait difficile de faire l’apologie de la ville moderne à Florence, car comme sous-entendu ci-dessus, ces deux modes de vivre la ville sont complètement incompatibles.

La ville moderne a des effets négatifs sur la protection des villes anciennes.

La ville en opposition à la campagne est le lieu de l’espoir et des possibilités. L’action d’un humain passant d’une vie rurale à une vie urbaine n’est pas anodine. On y trouve des endroits excitants, bons pour vivre et travailler. A partir du moment où tout le centre est relégué à des affaires autres telles que le commerce et le tourisme, la vraie vie citadine s’étend sur les campagnes, privant les habitants des avantages du système de la ville.

Hygiène

Les normes d’hygiène actuelles ne peuvent se satisfaire de techniques mises en œuvre il y a des siècles de ça. Tout spécialement après cette période de pandémie du covid-19, il est attendu des villes une résilience face aux catastrophes et un système à jour au niveau des avancées hygiénistes faites au cours des siècles derniers. Il n’est plus possible d’accepter l’air vicié par la pollution dans le centre. Soit la ville doit s’ouvrir à des travaux d’adaptation aux normes (ce qui serait malencontreux pour son caractère authentique), soit la ville doit s’adapter à un mode de vie plus lent. « Les moyens techniques et mécaniques les plus modernes doivent contribuer au désengorgement des villes et cesser d’être des facteurs d’embouteillage et d’asphyxie. »203 D’autre part, la question du logement rentre également dans cette catégorie. Les bâtiments vétustes du centre, insalubres à l’intérieur, ne répondent plus à aucune norme de logement. Vu que la demande dans le centre est importante, notamment liée au tourisme, sous la couverture de faire vivre une expérience insolite et authentique, les propriétaires se permettent de laisser les bâtiments dans de piteux états en appliquant des prix exorbitants.

Economie locale

Les villes à travers le monde se ressemblent de plus en plus, elles perdent leurs particularités et leur excentrisme. Elles deviennent banales et homogènes.

Il est de bon ton de parler des effets de la globalisation et mondialisation du commerce à Florence, ayant transformé les petites échoppes artisanales en monstres de l’industrie commerciale, dont l’architecture des magasins est normée mondialement.

Circulation des véhicules

Il y a un caractère malsain de la part de Florence de vouloir absolument suivre les avancées mécaniques des villes, jusqu’à ce qu’elle en oublie ses caractéristiques urbanistiques premières.

Les rues de Florence étaient prévues pour des charrettes, des piétons et des chevaux.

Malgré la loi interdisant la circulation de la voiture dans le centre de la ville, les rues sont principalement occupées par des voitures parquées, des taxis klaxonnant le piéton et des motos aux rugissement des moteurs résonnants dans tous les coins de la ville. Ces engins 203. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 39.

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mécaniques polluent et salissent les rues, tant au niveau physique que sonore.

Esthétisme

Devant s’adapter un minimum aux normes actuelles, il est souvent choisi de modifier avec un style similaire à l’existant. Ces postiches parsèment la ville qui perd en crédibilité.

Le changement, lorsqu’il est inévitable, doit pouvoir s’inscrire dans la ville en assumant totalement son caractère moderne. La méthode que je vais appeler caméléon n’est pas convaincante.

L’exemple des arrivées électriques sur les palais florentins est marquant. Ne voulant pas modifier sa façade, ces plaques sont recouvertes par des pierres de manière à reformer la façade : passables de loin, décevantes de près.

ii. Difficulté de manœuvre Il convient de notifier les incohérences des politiques d’aménagement de la ville. Il y a une claire volonté de suivre le mouvement, de ne pas se retrouver à la traine face aux autres villes touristiques. D’un autre côté, de peur de modifier les caractéristiques premières de la beauté extraordinaire de Florence, les interventions ne sont jamais totalement assumées et peu à peu constituent un faux dans le paysage florentin.

L’imaginaire collectif considère que tout compromis au niveau des adaptations des centres anciens sont nuisibles tant pour les nouveaux espaces arrangés que pour les espaces anciens, car pouvant détruire le cachet authentique de la ville ancienne tout en condamnant le développement adapté des nouvelles parties.204 Les évolutions techniques permettant un cadre plus sain aux villes requièrent des marches de manœuvres importantes, là où les villes anciennes faillent de nouveau à la requête.

204. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 200.

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d. La sclérose urbaine « Hier comme aujourd’hui, deux conceptions s’affrontent lorsqu’il est en question de rénover un centre ancien et de définir les rapports entre contexte ancien et développement nouveau : selon la première, les vestiges du passé – à l’exclusion des œuvres et des monuments les plus remarquables – sont d’autant d’entraves à la réorganisation urbaine ; la seconde, en revanche, les considère comme des bases intangibles. »205

i. Causes et conséquences de la sclérose urbaine De son expression empruntée au titre du sous-chapitre Sclérose206 de Françoise Choay du livre « Le Patrimoine en questions », la sclérose urbaine fait référence à l’incapacité de construire un futur évolutif pour la ville ancienne.

Selon cette dernière, « Muséification, dysneylandisation, pastiches sont les signes d’une stérilisation progressive, d’une incapacité à construire une alternative à un univers technicisé et monosémique »207. Accepter la sclérose des villes induit la perte de résilience de ses membres.

Les conséquences de la patrimonialisation ainsi que la muséification des villes mènent à des comportements peureux face à la conception de la nouvelle ville ancienne.

Gustavo Giovannoni dit à ce propos : « La monomanie du conservateur à outrance qui, au dernier moment, exige la sauvegarde de n’importe quel fragment de muraille ancienne, empêchant du même coup la création d’une voie qui pourrait peut-être en ouvrant les portes au mouvement, le canaliser efficacement vers la périphérie et réduire sa pression excessive dans la ville ancienne. »208 La sédentarisation de l’humain est caractérisée depuis toujours par sa compétence d’édifier209. L’évolution des villes est inhérente à l’évolution des sociétés et nos manières de concevoir notre environnement bâti. « Les limites du classement patrimonial révèlent un autre paradoxe, à savoir que la protection à outrance du patrimoine bâti qui peut conduire à inhiber toute imagination urbanistique et à brider la création architecturale, mais aussi conduire à la ruine de certaines activités pourtant à la base des bâtiments que l’on souhaite classer. »210 Aujourd’hui nous arrêtons volontairement ces transitions, induisant une perte de pouvoir sur notre manière de percevoir et interagir avec le temps211, alors qu’il serait peut-être temps de participer activement à l’élaboration d’un patrimoine vivant.

205. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 34.

206. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009.

207. Ibid., p. 43.

208. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 195.

209. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, pp. 180-199.

210. VANDER GUCHT, Daniel, Ecce Homo Touristicus ; Identité, mémoire et patrimoine à l’aire de la muséalisation du monde, Editions Labor, Loverval, 2006, p. 8.

211. CHOAY, Françoise, Op. cit., p. 190.

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ii. Réalité de la sclérose urbaine à Florence : un chef d’œuvre des occasions perdues Au lendemain de la seconde guerre mondiale

L’exemple le plus marquant d’occasion perdue à Florence est la reconstruction de la ville après les bombardements de la deuxième guerre mondiale.

Indietro non si torna, « Pas de retour en arrière » est l’expression utilisée par Giovanni Michelucci212 dans la lettre ouverte213 décrite au chapitre premier. Pour rappel au lendemain des bombardements le centre est détruit en partie. Sont touchés un bon nombre d’ilots d’habitation et malheureusement la zone le long de l’Arno à la hauteur du Ponte Vecchio.

La reconstruction à l’identique pose un débat à cette époque entre d’une part les conservateurs purs voulant retrouver une Florence d’avant et d’autre part ceux prônant une architecture nouvelle à l’image des valeurs portées alors.

Les conséquences désastreuses auraient pu être le point de départ d’une réaction optimiste. La reconstruction peut porter les valeurs des nouveaux aspects sociaux à caractère libre et justicière de l’après-guerre, ou encore servir de mémorial des évènements passés en y donnant un aspect moderne.

Respecter le passé de la ville est possible dans de telles situations avec des approches différentes. Des expérimentations joignant de nouveaux matériaux et des constructions innovantes (dans le tissu du Centre Historique florentin au moins) avec les matériaux traditionnels de la ville ont fait partie des propositions faites par les associations d’architectes de l’époque. Différentes études et interprétations ont montré les bénéfices des élargissements spatiaux conséquents aux bombardements.214 Il aurait pu être au moins question de reconstruire de manière à répondre aux problèmes premiers de ces anciens tissus urbains, à savoir le manque de lumière et d’air dans la plupart de la ville associée à des problèmes d’hygiènes urbains liés à promiscuité des espaces.

Les architectes et spécialistes engagés pour la reconstruction de Florence ont préféré reproduire superficiellement le tissu médiéval pour ses aspects touristiques, un bâtard qu’on ne pourrait apparenter ni à du faux-antique ni à du faux-moderne.

Un passé comme hypocrisie.

L’inondation de 1966215

Le 4 novembre 1966, Florence vit sa plus grosse inondation. La vitesse de l’eau en crue est de 65km/h, dont la force détruit les balustrades des rives de l’Arno et rentre à toute allure dans la ville. Les échoppes du Ponte Vecchio sont rongées par l’eau. L’eau monte jusqu’à plus de 10 mètres de hauteur au niveau de la Piazza Santa Croce.

L’eau a amené avec elle les immondices, emporté des œuvres d’art urbaines de toute la ville et laisse sur son passage un lit de boue de plusieurs mètres de haut, mettant en péril 212. Giovanni Michelucci est un architecte florentin des années 1950. Ses travaux se basent sur des propositions d’opération fondées sur des recherches précises d’impact social et culturel. Plus d’informations : URL [https://www.universalis.fr/encyclopedie/ giovanni-michelucci/].

213. MICHELUCCI, Giovanni, La felicità dell’Architetto, Tellini Editore, Firenze, 1981, pp. 37-43.

214. Ibid., p. 39.

215. INA, 1966, inondations tragiques à Florence, Ina Art et Culture, 1967. URL : [https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/1966-inondations-tragiques-a-florence/].

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les bâtiments illustres du patrimoine de la ville. Une horde de citoyens s’est mobilisée bénévolement pour nettoyer leurs rues, marquant l’attachement des Florentins à leur ville.

Toute la voirie le long de l’Arno du côté Nord de la ville s’est écroulée et est reconstruite comme avant, tout comme les échoppes du Ponte Vecchio.

Les œuvres du patrimoine florentin en péril ont d’abord été sauvées et ensuite protégées des dommages collatéraux à l’inondation.

La restauration faite sur la ville et sur les œuvres d’art a été organisée de la même manière : restituer en l’état. Tout ceci fait sens, mais reste une occasion manquée pour l’urbanisme d’évoluer.

Aujourd’hui les quelques écriteaux éparpillés à travers Florence représentent les seules preuves de cette tragédie.

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Figure 10 - Bombardement du Ponte Santa Trinità, 1944. © inconnu

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Figure 11 - Inondation sur la Piazza Santa Croce en 1966. Š inconnu

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iii. Problèmes d’appropriation urbaine L’appropriation urbaine s’explique par la notion du ressenti de l’usager de l’espace urbain.

Ce ressenti regroupe de manière générale les interactions entre les citoyens et leur ville.

Est considérée par le terme « appropriation urbaine » s’asseoir sur un banc public pour lire son livre, errer dans la ville pour y découvrir ses secrets, le street-art comme moyen d’expression, etc.

Ce qui rend possible cette appropriation est généralement un sentiment d’appartenance et de bien-être, ou tout au contraire la manifestation d’un sentiment de désaccord ouvert publiquement par le biais de l’expression urbaine.

Le Centre Historique de Florence répond particulièrement à cette question. L’échelle de la ville étant relativement petite, elle se parcourt à l’aide d’une mobilité douce, ce qui offre une dimension plus humaine à sa découverte et aide à son appropriation.

Quelles sont les valeurs portées par les bâtiments patrimoniaux et l’agencement urbain de Florence et comment sont-elles ressenties par les habitants de la ville ?

Henri Lefebvre, grand philosophe du XXème siècle, explique la manière dont la figure sociale est représentée dans la ville. « La structure sociale figure dans la ville, s’y rend sensible, y signifie un ordre. Inversement, la ville est un morceau de l’ensemble social ; elle révèle, parce qu’elle les contient et les incorpore dans la matière sensible, les institutions, les idéologies. Les édifices royaux, impériaux, présidentiels « sont » une part de la ville : la part politique (capitale). Ces édifices ne coïncident pas avec les institutions, avec les rapports sociaux dominants. Et cependant, ces rapports agissent entre eux, ils en représentent l’efficacité et la « présence » sociales. »216 La présence des bâtiments de pouvoir des Médicis est une marque de gouvernance passée sur la ville. Est-il encore possible encore aujourd’hui de parler d’une influence de gouvernance passée sur les habitants actuels ?

Cette théorie est également applicable aux édifices religieux de la ville. Lefebvre s’exprime à ce propos : « L’idéologie religieuse se signifie à l’échelle supérieure par la cathédrale, par les sièges des grands organismes de l’Eglise, et aussi par les églises, les presbytères de quartier, les divers investissements locaux de la pratique religieuse institutionnalisée. »217 La ville italienne de manière plus générale est encore fort marquée par l’influence de l’Eglise. Plus précisément à Florence, les noms des quartiers sont nommés en fonction des églises et cathédrales principales. La place de l’église est donc encore très importante.

A titre d’anecdote, lors du calcio storico218, quatre grandes équipes s’affrontent depuis le Renaissance sur une épreuve sportive (particulière). Ces quatre équipes constituent la représentation de quartiers à savoir : Santa Croce, Santo Spirito, Santa Maria Novella et San Giovanni. Ces quartiers sont les noms de quatre lieux saints : la basilique Santa Croce, la Basilique Santa Maria Novella, la Basilique Santo Spirito et le Baptistère Saint-Jean.

216. LEFEBVRE, Henri, Le droit à la ville, 3ème édition, Editions Economica, Paris, 2009, p. 58.

217. Ibid.

218. Le calcio storico fiorentino est un tournoi de « foot » datant de la Renaissance. Plus d’informations : URL [https://www. calciostoricofiorentino.it/?q=calcio-storico-fiorentino-presentazione].

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Différentes questions se posent ici : l’Italie est donc encore très pieuse, mais l’est-elle autant qu’avant ? Est-il encore justifiable d’avoir autant d’églises actives aujourd’hui ? De plus, ces églises ne représentent plus la majorité des populations. Le Patrimoine est voué à être converti à d’autres affectations, même si l’Eglise garde le mot final sur ses bâtiments.

Sommes-nous prêts à encore suivre aujourd’hui les dogmes religieux ?

En reprenant l’analogie de la ville-musée, il faut s’attendre à ce que l’humain réagisse au patrimoine à la manière d’une visite de musée. Un air contemplatif, sans trop s’approcher. Surtout, ne pas toucher. Un regard discret vers le gardien, rien, changement de salle.

La visite devient barbante ? Ça ne fait rien, changement d’exposition. Un petit creux ? Il suffit d’un stop à la cafeteria du musée.

Finalement, est-il vraiment possible de se sentir confortable dans un musée ? « Parfois la confusion entre identité civique et sens d’appartenance est très nuancée.

Florence, de fait, est à tout le monde et à personne. Il se dit, avec des accents légèrement curieux, que Florence appartient au monde. »219

219. GALLI, Garzia, LENSI, Massimo, La filosofia del trolley ; Indagine sull’over tourism a Firenze, Carmignani Editrice, Florence, 2019.

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V. « The Firenze tour »

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«La façon dont nous étions est une drogue puissante, et le patrimoine devient une industrie, simplement parce qu’il y a un marché pour celui-ci.»220 Remarque La source principale de ce chapitre se base sur la thèse de recherche de l’architecte florentine Ilenia Maria Romano221 sur la « Pression touristique sur le Centre Historique de Florence – site UNESCO. Un modèle pour l’évaluation de l’impact perceptif »222. La structure suivante suit celle de son premier et troisième chapitre, sur l’évolution du tourisme, potentiel d’évolution écologique et valorisation de la ville d’art (premier chapitre), ainsi que le cas d’étude du Centre Historique de Florence, site UNESCO (troisième chapitre).

220. JONES, Ian, MACDONALD, Robert, MCINTYRE, Daryl, City museums and city development, Rowman Altamira, Londres, 2008.

221. Ilenia Maria Romano « est architecte et chercheuse en technologies architecturales ; elle est diplômée avec mention en architecture de l’université de Florence. Elle est technicienne qualifiée et experte en matière d’enquêtes pour la documentation du patrimoine architectural et environnemental ; elle est également diplômée du Master en Territoire et Architecture durables de l’université Politecnico di Milano. Elle a été chercheuse invitée au Centre d’études sur les politiques urbaines de l’Université de Manchester en 2015, et a participé à plusieurs recherches avec le Bureau de l’UNESCO de la municipalité de Florence depuis 2013. » Plus d’informations URL : [https://fupress.com/catalogo/pressione-turistica-sul-centro-storico-difirenze---sito-unesco/3782].

222. ROMANO, Ilenia Maria, Pressione turistica sul Centro Storico di Firenze - sito UNESCO. Un modello per la valutazione dell’impatto percettivo, Firenze University Press, Firenze, 2018.

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a. Le tourisme i. L’évolution du tourisme florentin La définition officielle donnée par l’UNWTO223 est : « Le tourisme est un phénomène social, culturel et économique qui implique le déplacement de personnes vers des pays ou des lieux situés en dehors de leur environnement habituel à des fins personnelles ou professionnelles. Ces personnes sont appelées visiteurs (qui peuvent être soit des touristes, soit des excursionnistes, des résidents ou des non-résidents) et le tourisme est lié à leurs activités, dont certaines impliquent des dépenses touristiques. »224 Le tourisme est probablement le mouvement d’être humain le plus considérable de l’histoire de l’être humain. C’est également un instrument d’intégration entre les populations.

Le tourisme a un impact sur la croissance culturelle, le développement économique et les phénomènes de transformation de territoires. Certaines de ces transformations peuvent s’opérer de manière naturelle tandis que d’autres provoquent de grosses révolutions culturelles.

Le tourisme est une composante de la « dynamique complexe des processus de production et de consommation »225.

Florence fait partie des parcours touristiques classiques depuis la nuit des temps. Précisément, la naissance du tourisme est datée du Grand Tour, grand voyage touristique à but éducatif pour les jeunes aristocrates français, anglais et allemands des années 1600.

Florence est alors un arrêt important en Italie lors de ce voyage.

Depuis toujours, le voyageur a pour habitude de retracer ses excursions par des souvenirs matériel, des écrits, etc. Les motivations de l’époque sont marquées par une envie de dépaysement, tant visuel que culturel.

A partir de 1800 le voyage touristique se démocratise, Florence est toujours une destination phare, tant pour les étrangers que pour les italiens. A ce titre, le premier guide touristique sur l’Italie voit le jour « Itinerario italiano » dont Florence est un chapitre important.

Le tourisme voit sa cote de popularité grimper durant le XIXème siècle en Europe. La politique de propagande touristique de Paris qui combine des aspects de divertissement, technologie, histoire, art et mode. L’Italie se démarque avec l’analogie du pays au binôme « nature et culture »226. L’idéologie promue par les incubateurs du tourisme cherche à démontrer que cette dernière est un système complexe qui nécessite une vision large.227 Malgré les critiques qui commencent à pleuvoir sur le tourisme italien, certains y trouvent leur compte. Par exemple, le régime fasciste n’est de prime abord pas très enthousiaste à propos de la question touristique italienne. Par après, la promotion touristique fait par223. UNWTO est l’Organisation Mondiale du Tourisme, elle est « chargée de promouvoir un tourisme responsable, durable et universellement accessible ». Plus d’informations : URL [https://www.unwto.org/fr/a-propos-omt].

224. UNWTO, Glossary touism terms. URL : [https://www.unwto.org/fr/glossary-tourism-terms].

225. BERRINO, Annunziata, Storia del turismo in Italia, il Mulino, Bologne, 2011, p.12.

226. Ibid., p.166.

227. Ibid., p.197.

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tie de la propagande fasciste sous l’enseigne de l’image idéale du tourisme italien comme œuvre du fascisme. « Le fascisme revendique l’idée d’un tourisme qui doit contribuer à montrer de l’Italie non seulement les paysages, l’art et le climat, mais aussi les valeurs morales, civiles, politiques et productives. »228 Illustrant l’importance du tourisme en Italie, au lendemain de la guerre, avant de gérer les problèmes liés aux ruines de guerre et les besoins fondamentaux de la population, l’Italie demande compensation aux allemands et aux américains pour les dommages causés aux hôtels réquisitionnés par les troupes militaires. Au niveau des infrastructures du système touristique italien, le pays est très en retard par rapport à ses voisins.

L’après-guerre n’est pas marqué par une déflation du tourisme en Italie, au contraire on remarque déjà en 1946 des mouvements touristiques venants des Etats-Unis et d’Allemagne. Un nouveau chapitre s’ouvre en 1957 lorsque la compagnie aérienne Alitalia est fondée. La publicité touristique fait bien son travail, l’Italie devient dans l’imaginaire commun un voyage obligatoire à faire une fois dans sa vie. Venise, Milan, Florence, Rome et Naples sont les destinations les plus convoitées jusqu’encore aujourd’hui.

Les crises pétrolières des années 70 portent un coup important au tourisme de manière générale. Le mouvement touristique ralentit dans toute la Méditerranée et s’arrête presque entièrement en Italie car cet épisode arrive au moment où le pays est en première position mondiale des arrivées internationales.

Les années 80 et 90 sont marquées par la nouvelle vision du tourisme à durée plus brèves.

Les compagnies low-cost apparaissent au même moment tandis que les politiques de vacances des travailleurs s’assouplissent. Les touristes ne passent plus par des agences pour planifier leur voyage mais se basent sur des systèmes de recommandations. Le voyage devient un bien à prix démocratique.

La demande actuelle du touriste est de trouver des territoires hospitaliers et organisés, des zones où la mise en scène touristique s’accompagne de l’authenticité de la vie quotidienne de ses habitants et d’un environnement capable d’imager l’identité locale.

Les attentes du touriste lambda sont-elles compatibles avec l’augmentation remarquable de la propagande à la culture de masse à travers le monde ?

ii. Potentiel d’évolution durable Les destinations visées par le tourisme voient leur économie et développement local fortement influencés par le phénomène. Cette influence opère sur l’environnement social, culturel, naturel, génère des changements positifs ou négatifs et transforme de manière irréversible les zones concernées.

Les prémices du tourisme écologique découlent directement de l’évolution générale de la pensée du développement durable. Jusque dans les années 70 le tourisme est considéré comme une discipline qui ne génère aucune forme d’impact, seulement une richesse propre. A partir de ce moment-là, on commence à entendre les premières préoccupations 228. BERRINO, Annunziata, Op. cit., p.223.

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concernant les répercussions sociales, économiques, écologiques et culturelles, venant de la perte de biodiversité et des équilibres instables entre les êtres vivants et leurs territoires.

En réponse à ses préoccupations, en 1988 l’UNWTO définit le tourisme écologique : « Le développement durable du tourisme répond aux besoins des touristes et des zones d’accueil actuelles, tout en protégeant et en améliorant les possibilités pour l’avenir.

Elle doit être le principe directeur de la gestion des ressources de manière à pouvoir répondre aux besoins économiques, sociaux et esthétiques et, en même temps, à préserver l’intégrité culturelle, les équilibres fondamentaux de la nature, la biodiversité et le soutien à l’amélioration de la qualité de la vie. »229.

Durant les années 90, l’UNWTO s’aligne sur les normes impératives internationales préconisant un développement écologique, économique et social, décrivant précisément la relation entre le potentiel attractif d’un lieu et la complexité systémique que caractérise le phénomène touristique. Pour la première fois on met également en avant le bien-être des habitants locaux de ces lieux attractifs.

L’étape la plus importante pour le tourisme durable a lieu en avril 1995 lors de la rédaction de la Charte du Tourisme Durable de Lanzarote, à l’issue de la première conférence mondiale sur le tourisme durable tenue à Lanzarote. Cette charte est accompagnée d’un plan d’action qui recommande l’adoption de mesures spécifiques pour promouvoir l’intégration du tourisme dans la stratégie complexe du développement durable et établit les lignes directrices pour atteindre les six principaux objectifs, à savoir : évaluer la contribution du tourisme à la durabilité mondiale, planifier le tourisme, en ayant la durabilité comme paramètre, renforcer le rôle des principaux protagonistes du tourisme, promouvoir le tourisme à un niveau local, donner la priorité à certains cas spécifiques, développer des mesures de soutien.

Toute une série de chartes et déclarations portant des mesures internationales pour un développement éthique et durable du tourisme marquent la fin du XXème siècle. En 2001, la plupart de ces dernières sont rassemblées dans la Charte de Rimini, adressée aux destinations du tourisme de masse. Le Sommet mondial de 2002 se termine par l’adoption d’un plan de mise en œuvre final visant à promouvoir le développement du tourisme durable et aborde certaines questions clés dans le cadre de l’élaboration du Code mondial d’éthique du tourisme officiellement adopté par l’UNWTO afin d’accroître les avantages de la ressource touristique pour les communautés d’accueil, de maintenir l’intégrité culturelle et environnementale, d’accroître la protection des zones écologiquement sensibles et des traditions naturelles et humaines.

Toutes les considérations faites jusqu’à présent sur la relation du tourisme et de la durabilité s’orientent vers un processus de tourisme durable doit prendre « pleinement en compte ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, de l’industrie, de l’environnement et des communautés d’accueil » 230. A savoir : les besoins économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, ainsi que les besoins des visiteurs, de l’industrie, de l’environnement et 229. UNWTO, Glossary touism terms. URL : [https://www.unwto.org/fr/glossary-tourism-terms].

230. UNEP, UNWTO, Making Tourism More Sustainable - A Guide for Policy Makers, 2005. URL [http://www.unep.fr/ shared/publications/pdf/DTIx0592xPA-TourismPolicyEN.pdf]

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des communautés vivant dans la destination touristique d’accueil231.

iii. Le tourisme entre conservation et transformation « Le touriste » est un rôle que n’importe qui peut endosser, la seule condition étant que la situation soit temporaire. Le touriste a le privilège d’ignorer les conventions sociales et culturelles si ce ne sont les aspects institutionnels, politiques et économiques des lieux.

Le regard du touriste est tout particulier en espace urbain. A la manière de vivre un film, le touriste est curieux, absorbé dans l’histoire. Le tourisme est parfois décrit comme le facteur de pollution anthropique le plus pénétrant et le plus systématique au monde232.

Beaucoup de ces comportements dérivent de cette même condition temporaire qu’a le touriste dans l’utilisation de sa destination. Il faut également noter que la consommation et le partage de la culture a changé de nature, suivant un développement économique et social, la culture n’étant plus réservée aux personnes instruites mais aux masses de touristes voulant connaitre l’identité du lieu qu’ils visitent.

Il faut également préciser que la mutation des destinations du tourisme et des pratiques opérées entre ces deux composantes sont également dues à l’innovation technologique.

Le tourisme est face aux processus de transformation du territoire qui peuvent être motivées par l’impact économique du tourisme même sur le lieu.

L’Italie est considérée depuis des siècles comme un point de référence de la culture européenne. Une grande attention est accordée à la possibilité d’intégrer la conservation de son patrimoine culturel, à la production de la culture du futur. Les ressources culturelles et le patrimoine socio-culturel représentent une source de développement territorial, grâce aux bénéfices indirects qu’ils génèrent dont le tourisme est une composante importante.

L’intérêt pour la culture permet de conserver l’histoire. D’un autre côté le tourisme dénature ce qu’il est censé observer : d’un côté, le tourisme induit un intérêt pour la culture et par conséquent la conservation du patrimoine, d’un autre côté, ce même tourisme déclenche les processus de transformation dénaturant ce même patrimoine. « Nous sommes donc confrontés à l’un des paradoxes qui caractérisent ce phénomène, et le tourisme, comme les autres secteurs économiques, la consommation, la production et le commerce, doit suivre ces principes généraux qui guident et favorisent les processus de transformation durable, tant en termes d’impacts physiques et matériels déterminés sur les territoires et les environnements dans lesquels ils se développent, qu’en termes d’effets immatériels qui affectent la culture, les habitudes et la dimension sociale. »233 Il ne faut pas se méprendre, le secteur touristique n’est pas exclusivement un secteur économique mettant l’accent sur la transformation de la destination, la prédisposition à la consommation et le spectaculaire artificiel. Cette manière de penser rejoint les théories de conservatisme (Cfr. p.85), qui mènent à la sclérose urbaine.

Ces deux manières d’appréhender le patrimoine peuvent s’ouvrir à des questions de dé231. BERRINO, Annunziata, Op. cit., p.7.

232. CICI, Carlo, CHITOTTI, Olga, VILLA, Alessandro, Turismo sostenibile. Dalla teoria alla pratica, EdicomEdizioni, Monfalcone, 1999.

233. ROMANO, Ilenia Maria, Pressione turistica sul Centro Storico di Firenze - sito UNESCO. Un modello per la valutazione dell’impatto percettivo, Firenze University Press, Firenze, 2018, p. 40.

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veloppement durable. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le phénomène touristique : trouver et maintenir un équilibre entre la conservation et la transformation induites des activités touristiques, aider à défendre ses particularités, à le valoriser et à le construire en se basant sur ses nécessités des réalités actuelles.

Finalement, le tourisme a la possibilité d’offrir aux territoires de nouvelles fonctions et activités adaptées aux dynamiques de la vie contemporaine. Les influences des stratégies de promotion et conservation de la ville en question valorisent les projets participant à l’identité locale du site. Cependant, comme il a été démontré, cet équilibre est instable et la promotion des valeurs locales peuvent en sortir dénaturées.

iv. Le tourisme culturel, la ville d’art et le tourisme urbain L’augmentation du désir du voyage est directement liée à la croissance de la connaissance, de la compréhension des lieux, de leurs processus évolutifs et à l’intérêt pour le patrimoine de la communauté. Ces désirs ont influencé le domaine du tourisme, s’ouvrant à une nouvelle typologie, le tourisme culturel234. Un des outils majeurs du tourisme culturel est la participation active des identités locales et la capacité de susciter des émotions et sentiments chez les touristes, sous la forme de tourisme expérientiel235.

Le tourisme culturel dans le milieu des villes historiques trouve difficilement une définition inclusive de toutes ses composantes, car dans le tourisme culturel sont comprises toutes les motivations aux voyages concernant la visite de lieux historiques et l’apprentissage qu’il est possible d’en tirer, mais également le tourisme visant l’immersion dans le style de vie locale, en analyser la culture et pratiques locales.

L’Organisation Mondiale du Tourisme donne en 1985 une définition plus générale du terme : « un besoin humain de diversité, tendant à accroître le niveau culturel de l’individu et impliquant de nouvelles connaissances, expériences et rencontres » 236.

Les villes d’art sont particulièrement attractives pour le tourisme culturel car elles concentrent une immense expression de l’art dans l’organisation de l’espace urbain237. La définition précise de la ville d’art est également nuancée, différant en fonction du lieu de provenance de celui qui la donne. En Europe la ville d’art dans l’imaginaire commun représente les villes qui ont une importance particulière dans leur profil culturel historique.

L’Unesco en 1994 utilise le terme ville d’art dans le titre de sa brochure « Tourisme et ville d’art ; L’impact du tourisme et des gestions de flux des visiteurs à Aix-en-Provence, Amsterdam, Bruges, Florence, Oxford, Salzburg et Venise »238. Dans ce cadre, l’Unesco lui donne la signification compilant, les œuvres d’art et du patrimoine culturel d’intérêt historique et culturel présent dans la ville, avec, le flux de tourisme culturel généré par cette concentration.

Ces derniers principes combinés à l’idée de l’expérience locale, font penser que la plu-

234. CICERCHIA, Annalisa, Risorse culturali e turismo sostenibile, FrancoAngeli, Milan, 2009.

235. BOYD, Stephen, TIMOTHY, Dallen, Heritage tourism, Pearson Education, Essex, 2003.

236. UNWTO, Glossary touism terms. URL : [https://www.unwto.org/fr/glossary-tourism-terms].

237. SITTE, Camillo, Op. cit.

238. UNESCO, Tourism and cities of art ; The Impact of Tourism and Visitor Flow Management in Aix-en-Provence, Amsterdam, Bruges, Florence, Oxford, Salzburg and Venice., Venise, 1994.

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part des villes italiennes sont génératrices de tourisme urbain 239 plutôt que de tourisme culturel.

Le tourisme urbain génère des études dans les années 80 car il devient clair que ce dernier génère une demande croissante et qu’il s’inscrit dans les stratégies de revitalisations de la ville.

L’interaction dynamique entre le patrimoine culturel et le tourisme urbain offre en fait des possibilités très positives, d’un point de vue économique, social, culturel, éducatif, scientifique, environnemental, mais seulement s’il existe une coopération continue entre les différents acteurs, une collaboration avec l’objectif commun d’accroître la connaissance des lieux et de préserver l’intégrité culturelle des sites des formes de dégradation des espaces et des modes de vie des communautés locales.240 Malgré les bonnes intentions émises ci-haut, le cas de Florence a été géré différemment, soulevant des reproches de n’avoir suivi seulement les questions génératrices d’offre plutôt que le statut citoyen241.

v. Les impacts du tourisme dans la ville d’art La taille des villes historiques influe sur les impacts du tourisme, celles de grande dimension sont « capables d’absorber de manière moins traumatique les effets dérivés de la présence élevée de flux de visiteurs »242. Les effets sur les villes ne sont pas exclusivement attribuables au phénomène touristique. Deux catégories d’impacts sont analysables : l’impact physique et écologique et l’impact social.

Ces dernières années, les analyses de l’impact du tourisme sur les contextes urbains ont accordé une plus grande importance à la dimension économique pour deux raisons : (1) l’importance des effets économiques en termes de génération de revenus et de création d’emplois ; (2) la disponibilité d’outils et de paramètres permettant de quantifier et d’évaluer ces effets.

Les effets du tourisme sur l’écologie et les domaines socio-culturels sont plus difficiles à évaluer sur une courte période notamment par manque de moyens. De plus, il est difficile de déterminer les effets à long terme qui sont dus au développement touristique.

Certains critères sont mis en place243 afin d’essayer d’analyser ces dommages selon : les aspects environnementaux (liés aux changements de la qualité de l’air, de la température et des rayons de lumière) ; les dommages et détériorations physiques sur les structures historiques (érosion accidentelle des surfaces dues aux passages), tassements dus aux charges quotidiennes et vibrations) ; les dommages intentionnels (le patrimoine peut être visé par des interventions terroristes, graffitis, prélèvements de petites parties pour des souvenirs) ; l’ignorance et la négligence des touristes (déchets, nuisances sonores) ; la transformation et modernisation des édifices historiques (générées par la demande touristique) ; 239. COSTA, Paolo, FURLAN, Maria Carla, MANENTE, Mara, Politica Economica del turismo, Touring University Press, Milan, 2001, p. 216.

240. ASHWORTH, Gregory, PAGE, Stephen, Urban tourism research : Recent progress and current paradoxes, in, Tourism Management, 32, 2011.

241. BECHERI, Emilio, Turismo : « un rospo da baciare ». Il caso di Firenze, in, Turismo e città d’arte, Istituto Veneto di Scienze Lettere ed Arti, Venise, 2007, p. 54.

242. UNESCO, CST, MIBACT, Lo sviluppo turistico nei siti del patrimonio UNESCO. Principali caratteristiche e trasformazioni indotte, Edisai Edizioni, Ferrare, 2013, p. 28.

243. PICTURE, Pro-active management of the Impact of Cultural Tourism upon Urban Resources and Economies, 2011. URL [https://cordis.europa.eu/project/id/502491/reporting/fr].

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les conflits d’usage (par exemple des lieux sacrés).

Au niveau sociologique, le tourisme impacte à différents niveaux suivant les catégories socio-économiques et socio-culturelles. Le tourisme peut donc accentuer la différence entre les zones touristiques et les zones résidentielles.

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b. Florence et le tourisme Florence est la ville d’art par excellence dans l’imaginaire mondial et a toujours brassé un grand nombre de visiteurs. Grace à son potentiel artistique et son inestimable patrimoine architectural diffus dans tout le Centre Historique, Florence est considérée comme une destination touristique d’excellence, le tourisme étant une de ses principales sources de revenus économiques.

Tant les secteurs privés et publics répondent aux demandes du secteur touristique. Sur le plan économique, les avantages pour Florence sont de plus en plus importants, de nombreux touristes consacrent la majeure partie de leur budget à la visite. Cette dernière est fortement liée aux activités touristiques et les activités commerciales se transforment pour répondre aux exigences des touristes.

Il y a un clair phénomène de gentrification du Centre Historique de Florence par la présence des touristes, menant à l’exode du centre par les résidents locaux. L’Unesco se prononce à ce propos de son plan de gestion de 2016 : « Il est essentiel de réaliser des études analytiques sur la capacité de charge que le site et les lieux attractifs peuvent supporter et, par conséquent, sur la gestion contrôlée des flux touristiques. Des stratégies telles que le développement d’outils innovants pour l’information et la planification du tourisme (smart city), l’application de solutions opportunes pour la gestion des flux et des files d’attente dans les principaux musées attractifs, contribueraient à réduire la congestion dans les «points chauds» de la vieille ville, assurant non seulement une meilleure conservation du site de l’UNESCO, mais aussi une amélioration de la qualité de vie et de l’expérience des touristes. »244

244. UNESCO, The management Plan of The Historic Centre of Florence, Florence, 2016, p. 81.

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c. Le sentiment du citoyen florentin face au tourisme Cette pression touristique décrite dans le sous-chapitre précédent ne laisse pas les résidents indifférents. Peu à peu, différents mouvements citoyens se soulèvent pour faire entendre leur voix dans les décisions de gestion touristique du Centre Historique. Parmi ces différents groupes, le groupe Il progetto Firenze se démarque par sa démarche sensible et son comité qu’ils décrivent comme non-spécialiste. « Nous sommes des résidents du centre et dans ce livre245nous racontons notre expérience. Nous ne sommes pas sociologues, anthropologues ou économistes, ni politiciens de profession. Nous racontons l’évolution de la ville face au phénomène du tourisme de masse avec les yeux de ceux qui vivent, travaillent ou étudient à Florence. L’industrie touristique est à la tête du modèle de développement local et les effets sur la population se sentent. »246 Leur devise écrite sur leurs panneaux lorsqu’ils arpentent les rues est la suivante : « Firenze non è in vendita » - « Florence n’est pas à vendre ».

Le collectif a écrit un livre publié en 2019 s’appelant « La filosofia del trolley » - « La philosophie du trolley » dans l’idée, comme expliqué ci-dessus, de transmettre le sentiment des citoyens florentins face à l’invasion touristique de la ville. Le but premier du livre est de donner de l’ampleur politique et civique à la «classe des résidents»247 car ces derniers ne sont jamais représentés ou invités lors des discussions de spécialistes sur l’impact du tourisme sur la ville.

L’overtourism influe directement sur la vie quotidienne des locaux. Les appartements sont vendus à des sociétés de logement courte durée, transformant ainsi les immeubles d’habitations des locaux en gites de passage. Les charges communes quotidiennes augmentent, car la consommation d’énergie augmente également, due au passage constant dans les espaces communs. Ces vieux immeubles ne sont pas prévus pour des passages aussi fréquents et des charges aussi élevées.

Les services essentiels voient également leur prix augmenter, les commerces alimentaires typiques florentins ne vendent plus, dus à l’exil des populations locales et donc à la perte de la clientèle fidèle. Les taxes de location des magasins augmentent également en réponse à la demande croissante de chaines internationales, mettant en danger l’équilibre économique des petits marchands. Le travail créé par le tourisme de masse est précaire et sous-payé.

Les habitudes du touriste ne ressemblent en rien aux habitudes du local. Le premier consomme rapidement, jette immédiatement à la poubelle, dans un cercle vicieux, ce qui augmente les prix de l’élimination des déchets, directement imposés aux Florentins.

Les voies de circulation sont complètement bouchées, malgré la zone à trafic réduit, les taxis affluent en tous sens pour le déplacement du touriste. Les trams sont continuellement bondés, les prix de l’abonnement ont également augmenté.

La biodiversité économique de la ville date d’une époque révolue, le Centre Historique ne répond plus qu’à la demande du tourisme. Hôtels de luxes, appartements louables 245. GALLI, Garzia, LENSI, Massimo, La filosofia del trolley ; Indagine sull’over tourism a Firenze, Carmignani Editrice, Florence, 2019.

246. Ibid.

247. Ibid.

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pour séjours courts, magasins de souvenirs, restauration rapide ont remplacé les appartements des locaux, les échoppes d’artisanats locaux, les petites épiceries et les petits restaurants de quartier.

Les Florentins d’un côté ne peuvent plus se permettre l’accès au logement, au travail, aux épiceries du Centre Historique, d’un autre côté, ils sont obligés d’arriver en retard au travail à cause des hordes de touristes qui bouchent les rues avec leurs valises, des trams pleins à toute heure de la journée. Ils ne peuvent plus vivre la pollution sonore des touristes, jour et nuit. Assez logiquement, ils mettent de manière logique leur appartement en location sur Airbnb et s’exilent dans les communes annexes de Florence, à la recherche de calme et viabilité.

On a vendu aux touristes une « Florence typique, visitable en 24 heures tout en pouvant jouir de son patrimoine et sa culture ». Le touriste lambda n’est pas là pour apprécier l’art de la ville, comprendre la culture ou encore la manière de vivre « florentine », il vient pour prendre ses photos et repartir. C’est ici qu’intervient la philosophie du trolley, « dans une ville comme Florence, la manière de vivre est une création pure, commerciale.

Le tourisme exploite la ville au point de consommer son identité. »248 De quelle manière est-il possible d’assumer la protection de l’identité de Florence dans ces conditions ?

Dans cet univers complexe, les Florentins demandent une nouvelle loi régionale sur le tourisme de masse, leur permettant de retrouver une manière saine de vivre la ville et de recevoir la protection nécessaire pour les résidents qui sont devenus la main d’œuvre exploitée de cette industrie touristique dévorante. Les premières pages du livre en question sont marquantes et il suffit de s’arrêter sur une phrase pour en comprendre la lourdeur de sens : « Je suis florentin mais je vis ma vie avec modération et distance. »249

248. GALLI, Garzia, LENSI, Massimo, Op. cit.

249. Ibid.

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Figure 12 - Manifestations du collectif Il progetto Firenze. ©Il progetto Firenze.

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d. Le tourisme de masse Le sentiment florentin, comme on a pu le comprendre, est spécialement affecté par une forme très précise de tourisme, le tourisme de masse. Cette expression fortement connotée est directement liée à celle de la culture de masse, dont souffre également Florence.

Pour en revenir aux principes premiers de la démocratisation de la culture, les humanistes suivant les idées de la Renaissance, défendent férocement une culture accessible à tous.

Daniel Vander Gucht explique que « la culture comme outil d’émancipation individuelle va se dissoudre progressivement dans la notion d’« identité culturelle ». Une résolution de l’Unesco datant de 1982250 stipule d’ailleurs que « l’identité culturelle est le noyau vivant de la personnalité individuelle et collective ; elle est le principe vital qui inspire les décisions, les conduites, les actes perçus comme les plus authentiques. »251.

Cette culture démocratisée et vendue comme outil de construction personnel attire de plus en plus d’amateurs. Cette nouvelle demande génère une nouvelle offre : celle du tourisme de masse. Ces nouveaux types d’expéditions ont tendance à dénaturer l’objet concerné de la visite. L’objet est théâtralisé, mis en scène pour être plus digeste, plus vendeur. La mise en valeur du patrimoine urbain est une conséquence directe de la muséification des villes. Voulant répondre à la demande touristique ou voulant générer un flux touristique, les villes s’adonnent à des pratiques de mise en valeur du patrimoine polluant visuellement la perspective patrimoniale.

Françoise Choay s’exprime à ce sujet : « L’ambivalence de l’expression « mise en valeur » désigne un fait inédit dans l’histoire des pratiques patrimoniales : l’antagonisme de deux systèmes de valeurs et de deux styles de conservation. »252. Ces dispositifs théâtralisent les œuvres patrimoniales, ou dans le cas de Florence, le site tout entier. Par le biais de rayons de lumières axés directement sur les monuments, ils mettent impudiquement le bâtiment en avant, comme il ne l’aurait jamais été pensé ou vu. Cette idée d’animation le rend plus facilement présentable et donc consommable.

Le merchandising du patrimoine mène à sa consommation directe, « le contact du visiteur ou spectateur à l’objet patrimonial lui consacre immédiatement une satisfaction culturelle »253. Mais sans avoir vraiment étudié le patrimoine, la satisfaction du visiteur reste du domaine visuel, une photo supplémentaire dans le téléphone portable et c’est aussitôt oublié. Le visiteur visite un site pour s’assurer de sa conformité à la photo vue sur sa promotion. « La photographie, ou le caméscope qui a pris le relais dans l’appareillage du touriste, est donc à la fois ce qui le dispense de regarder et de faire l’expérience de la rencontre avec cet ailleurs »254.

Ce cercle vicieux de la marchandisation du patrimoine est à la base même de la transition de la ville-musée en parc d’attraction. Bien que le tourisme soit générateur d’une activité moderne dans le centre historique de Florence, le jeu en vaut-il la chandelle ?

250. UNESCO, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 1982.

251. VANDER GUCHT, Daniel, Ecce Homo Touristicus ; Identité, mémoire et patrimoine à l’aire de la muséalisation du monde, Editions Labor, Loverval, 2006, p. 27.

252. CHOAY, Françoise, L’allégorie du patrimoine, Editions du Seuil, Paris, 1996, p.158.

253. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p. 38.

254. VANDER GUCHT, Daniel, Op. cit., p. 114.

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Daniel Vander Gucht résume parfaitement le paradoxe présenté dans ce sous-chapitre : « La démocratisation de la culture pas plus que la démocratie culturelle n’y ont pourtant trouvé leur compte, mais les bons comptes avancés par les gestionnaires de ces musées florissants ont trop souvent tendance à confondre abusivement fréquentation massive et recrutement démocratique des visiteurs. » 255

255. VANDER GUCHT, Daniel, Op. cit., p. 49.

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VI. Solutions aux problèmes de muséification urbaine

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Vertige, suffocation, tachycardie, tremblements, hallucinations, perte du sentiment d’identité, douleurs thoraciques, amnésie256. Le syndrome de Stendhal semble frapper à nouveau mais la pathologie est toute autre : la prise de conscience de l’évolution majoritairement péjorative des déterminants de Florence laisse sans voix.

Il a été présenté dans les chapitres précédents les problèmes liés à la muséification de Florence, séparant les analyses des impacts dus au tourisme et des impacts dus à la surprotection du patrimoine urbain. Il est temps de voir, toutes disciplines confondues, comment il est possible de répondre aux problèmes énoncés. Le chapitre suivant se partage en quatre grandes parties représentant les acteurs du changement de Florence, de la plus grande influence à la plus petite.

256. GODEFROY, Michel, Syndrome de Stendhal. Psychopathologie de l’esthétique, L’encéphale 44, 2018, pp.299-300.

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a. Réponses des spécialistes Bien que l’incompatibilité de Florence avec les centres urbains de vie moderne ait été démontrée, certains changements sont bienvenus afin d’assurer une qualité de vie optimale dans le Centre Historique.

La planification urbaine moderne requiert des connaissances multifacettes impliquant les architectes et urbanistes, mais c’est également une belle base fertile pour d’autres disciplines comme l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, l’éduction et la muséologie.

i. Retour dans le temps : les réponses urbanistiques de Gustavo Giovannoni Dans les propositions passées dont il est possible de trouver des marques/documents aujourd’hui, il faut évidemment mentionner les travaux de Gustavo Giovannoni, dont le but premier de son livre « L’urbanisme face aux villes anciennes », était de proposer deux grands aménagements aux villes anciennes.

Il a déjà été démontré l’influence que Giovannoni a eu sur le tournant actuel du patrimoine urbain. Précurseur des notions d’architecture mineure, il met un point d’honneur au travail associé entre cette dernière et les monuments de la ville. « Croire que l’on valorise une église ou un palais médiéval en l’isolant au milieu d’un vaste espace, parmi des édifices modernes, c’est ne pas comprendre l’importance fondamentale du contexte dans lequel il ne peut produire son effet mais se trouve, en toute inconscience, transformé en une triste ruine. Introduire dans une place ancienne une large artère rectiligne moderne et y faire ainsi pénétrer, de force, une circulation intense, c’est mutiler une œuvre d’art, abâtardir et falsifier un témoignage de vie urbaine. »257 L’urbaniste italien propose deux grandes catégories de changements urbanistiques. Pour commencer, il faut désengorger le Centre Historique afin de pouvoir préserver ses qualités architecturales, urbanistiques et surtout artistiques, mises en danger par la surpopulation.

Il propose dans un premier temps de « décentraliser et construire »258. Cela signifie de réorienter toutes les personnes qui « vivotent » dans la ville vers la campagne afin de désengorger le centre. Cette solution fait partie du programme fasciste de l’époque qui voulait combattre le phénomène d’exode rural « car l’agriculture est bien plus importante pour l’économie de notre pays que l’industrie »259.

Une autre manière de désengorger le centre est de greffer des nouveaux quartiers aux centres anciens. Une ceinture extérieure permet de distribuer la circulation routière vers les autres quartiers plus modernes de la ville. Florence est un peu construite de cette manière, cependant le centre de vie civique se trouve toujours dans le Centre Historique, cœur de la ville. Les quartiers annexes, Campo di Marte, Gavinana-Galluzzo, Isolotto-Legnaia, Rifredi, plus récents, sont marqués par la circulation intense des voitures alors que les rues n’y sont pas spécialement adaptées. Même les infrastructures « récentes » ne sont pas en bon état. Ces quartiers sont également caractéristiques d’une surpopulation.

De plus, ils sont très mal raccordés entre eux et au centre au niveau des axes routiers et 257. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 60.

258. Ibid., p. 203.

259. Ibid., p. 98.

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moyens de transport.

Dans un deuxième temps, il s’agit de répondre aux quatre problèmes structurant sa proposition – hygiénique, social, économique et esthétique – présentés précédemment au sous-chapitre « L’incompatibilité de la ville moderne et Florence », page 112.

Pour l’assainissement hygiénique, il préconise de réduire la densité de population et de faire entrer de l’air frais et de la lumière dans les rues. A la question sociale, il y répond par une politique de suppression des taudis. Pour l’évolution économique et artistique, il propose de faire un tri des éléments non nécessaires et mineurs, et ouvrir à de nouvelles perspectives le centre urbain, il dit à ce propos qu’il faut « supprimer avec prudence les éléments amorphes, ouvrir des perspectives et faire renaitre dans l’agglomération la beauté fraiche et saine de la végétation. »260. Ces interventions doivent rester ponctuelles et ne peuvent pas s’inscrire dans des plans régulateurs généraux.

Tous ces principes convergent vers la même solution, ce que Giovannoni appelle l’éclaircissage261. Pour résumer cette théorie s’agit de démolir de manière parsemée dans la ville certains bâtiments ou îlots d’habitation pour ouvrir de nouvelles petites places publiques avec des jardins, garants du renouvellement de l’air. Gustavo préconise ce type d’intervention pour les quartiers de Santa Croce et San Frediano.

Les théories de Gustavo Giovannoni jouent un rôle précurseur dans l’histoire de Florence. Elaborées et publiées autour des années 1930, il est marquant de se rendre compte que les problèmes repérés à l’époque sont toujours d’actualité aujourd’hui. Comment expliquer que peu ou rien n’a changé depuis ?

ii. Les urbanistes locaux Il faut évidemment noter que les projets urbanistiques locaux souvent ne visent pas le Centre. Malgré les analyses des points de vue (étudiés en page 21) qui laissent croire à une ouverture envers la modification du centre, il n’en est rien. La plupart des nouveaux projets publics se concentrent sur les quartiers annexes à Florence centre. Ce choix est évidemment compréhensible dans l’idée où la nouvelle vraie vie florentine s’y développe.

Il faut quand même noter un délaissement général du centre touristique, malgré les mises en garde données par les spécialistes.

La nouvelle Piazza Santa Maria Novella est un des rares exemples d’espace urbain en Centre Historique réaménagé dernièrement. En effet, elle subit un remaniement au début des années 2000, qui ne laisse pas le Florentin indifférent. Seulement quelques modifications y ont été refaites : un repavage complet, l’implantation de nouvelles zones vertes avec la disparition de la circulation et des parkings. Jusqu’ici les interventions ont amélioré la qualité de vie sur la place publique. C’est au niveau de l’aménagement du mobilier urbain que le problème se pose, les bancs sont en acier corten et en verre, ce qui rend leur utilisation impossible dès les premiers rayons de soleil. Ces quelques bancs ont révolté les Florentins, comme si l’espace était seulement qualitatif par son aménagement esthétique.

D’un autre côté, très peu de personnes ont pris la peine de souligner le confort du piéton qu’on retrouve aujourd’hui sur la place. Les Florentins ont décidément du mal à accepter les changements orchestrés sur leur centre patrimonial.

260. GIOVANNONI, Gustavo, Op. cit., p. 285.

261. Ibid., pp. 286-315.

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Figure 13 - La nouvelle Piazza Santa Maria Novella. ©Michaela Sieberová.

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iii. Politiques italiennes La loi régionale du tourisme a été actualisée en 2016, répondant à celle des années 2000 qui était alors devenue un « instrument inadéquat ».

Les nouveaux objectifs exposés dans cette loi sont les suivants : – Reconnaître le rôle stratégique du tourisme pour le développement économique durable, la promotion et la valorisation du territoire ; – Promouvoir et valoriser, sur le marché local, national et étranger, l’image unitaire du système touristique toscan et de chacune de ses composantes ; – Définir et mettre en œuvre des politiques pour la gestion coordonnée des ressources touristiques, en valorisant également le patrimoine régional historique, monumental, naturaliste et culturel ; – Encourager l’amélioration et l’expansion de l’offre d’hébergement touristique, également par le soutien à l’innovation technologique et organisationnelle dans le secteur ; – Favoriser le renforcement structurel du système d’offre touristique également par l’information et la qualification professionnelle des opérateurs, des services et des structures ; – Orienter les politiques visant à réaliser un tourisme durable sur le plan environnemental, économique et social ; – Reconnaître, promouvoir et valoriser toutes les formes de tourisme thématique ou sectoriel.

La commune de Florence s’occupe de la gouvernance de différentes parties de l’application de la loi en région toscane. Par sa position de capitale de la province Toscane, elle est compétente pour la gestion des agences de voyage et de tourisme et la classification des établissements d’hébergement, la tenue du registre des associations pro loco, la collecte et le traitement des données statistiques concernant le tourisme. Les communes de la région quant à elles (Florence en est une) s’occupent spécialement des réglementations des fonctionnements des installations d’hébergement, du contrôle de l’exercice d’activités professionnelles et de l’accueil et information concernant l’offre touristique du territoire communal.

Les lois se sont transformées afin de protéger et encourager la mise en place de différents types de logements de vacances, laissant la typologie Airbnb s’immiscer dans tous les recoins de ville. Au vu de la propagation de ce type de logement touristique, une réglementation a été mise en place permettant à la municipalité de contrôler dans une certaine mesure le flux de passage : cette loi concerne l’obligation de communiquer à la municipalité les dates de séjour des voyageurs ainsi que le nombre d’entre eux dans le même logement. « Il convient de souligner un certain nombre de dispositions visant à rendre effective l’obligation de déclarer les flux touristiques à des fins statistiques, en prévoyant des sanctions financières pour ceux qui ne le font pas. »262 On voit donc que la plupart de ces lois sont tournées vers la protection du touriste et les politiques de promotion du territoire toscan. Peu de textes visent à protéger l’habitant local, ou même à rationaliser l’implantation d’hébergements de courte durée.

262. REGION TOSCANE, Turismo, ecco il testo unico, 2019. URL [https://www.regione.toscana.it/-/turismo-la-nuova-legge-regionale-testo-unico-sul-sistema-turistico-regionale-].

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b. L’Unesco réagit Comme il a été vu dans le chapitre premier à propos des recherches de l’Unesco sur le devenir de Florence, divers problèmes ont été repérés à l’issue du dernier rapport périodique de 2018.

Ces nouveaux projets cherchent, à répondre cinq points clés de ce rapport périodique. A savoir : la gestion du système touristique de Florence ; la conservation et connaissance du patrimoine monumental ; les systèmes de circulation ; le lien de la ville avec l’Arno et les changements climatiques ; le niveau de vie, de commerce et de logement dans le Centre Historique. Ces études sont listées et détaillées dans le plan de gestion de 2018263.

L’Unesco propose des études et analyses, impose des directives dans la conservation suivant certaines perspectives. Malheureusement, il faut bien se rendre compte que celles-ci sont majoritairement axées sur la promotion du tourisme, masquées derrière des termes tels que « revalorisation du patrimoine ».

Les projets d’aménagement répondant à la gestion du système touristique de Florence se concrétisent, continuant à aller dans la direction de la promotion du tourisme. En voici quelques exemples : Florence Greenway264 : création d’un chemin vert touristique de 15km de long rejoignant trois grands jardins de Florence tandis que cette zone ne souffre pas encore d’asphyxie touristique.

The path of the prince : création d’une activité touristique sur les pas de Cosme 1er dans le couloir de Vasari.

D’un autre côté, des projets de recherches sont lancés pour l’Unesco par rapport à l’impact des flux du tourisme de masse sur la ville. Les études d’impact pleuvent mais aucun projet concret ne voit le jour afin de répondre véritablement aux questions soulevées dans ces études. « L’impact du tourisme de masse à long terme a été identifié comme une menace pour l’intégrité du site du patrimoine mondial, le centre historique de Florence. La pression continue des flux touristiques pourrait avoir des conséquences sociales, culturelles, économiques et environnementales négatives, c’est pourquoi il a été jugé approprié de réaliser une étude pour comprendre comment et quand la capacité de charge touristique sera dépassée. »265 En ce qui concerne les projets pour la conservation et connaissance du patrimoine monumental, l’Unesco s’en tient à analyser des caractéristiques urbanistiques de la ville de Florence pour donner des bases de données et offrir une meilleure restauration. Les musées tels que les Offices se voient modifiés pour accueillir des installations mécaniques permettant un meilleur accueil des touristes. Des projets éducatifs sont déployés, expliquant aux touristes et locaux comment utiliser et parcourir au mieux la ville. L’idée initiale étant de sensibiliser à une visite respectueuse de l’environnement s’est transformée en distribution de flyers expliquant les chemins touristiques à faire.

263. UNESCO, Monitoring of the management plan of the Historic Centre of Florence, Florence, 2006, p.37.

264. Ibid., pp.46-48.

265. Ibid., pp.49-51.

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La partie consacrée aux systèmes de transport s’est concentrée sur des projets de bike sharing, l’e-mobility (les taxis sont des voitures électriques), des nouvelles lignes de tram. Ces projets poussent à une mobilité responsable et offrent, tant aux touristes qu’aux locaux, de nouvelles manières de circuler dans la ville.

Les études sur l’Arno et les impacts de ses débordements sur la ville sont purement techniques et réellement mises en place pour la sauvegarde de la ville.

Les projets sur le niveau de vie, de commerce et de logements dans le Centre Historique cherchent spécialement à protéger le décorum urbain, promouvoir de nouvelles expériences touristiques dans les quartiers Oltrarno (zone Sud) et encourager les artisans locaux à ouvrir de nouveaux commerces dans cette zone.

Malheureusement, les projets fédérés par plan de gestion Unesco laissent comprendre que Disneyland a besoin de nouvelles attractions et recrute activement des acteurs pour se déguiser en Daisy et Mickey. Il n’est donc pas étonnant que l’Unesco se voie attribuer en 2008 le prix du Tourisme mondial266 (World Tourism Award)267.

266. UNESCO, Le Centre du patrimoine mondial honoré du World Tourism Award, 2008. URL [https://whc.unesco.org/fr/ actualites/465].

267. CHOAY, Françoise, Le Patrimoine en questions, Editions du Seuil, Paris, 2009, p.41.

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c. Mouvements citoyens i. Art urbain comment moyen d’appropriation urbaine S’approprier le patrimoine florentin est complexe, en particulier à cause de la théâtralisation de la ville. Il est difficile de se sentir chez soi quand la ville ne nous appartient pas. La surabondance des touristes n’aide en rien, ceux-ci s’y croient tout permis, de par notamment leur majorité par rapport aux habitants.

Les citoyens actuels ont besoin de se sentir libres dans Florence, ils ont besoin de s’exprimer, d’occuper différemment les places et endroits. Certains habitants de Florence utilisent la ville comme moyen d’expression. Le street-art est un moyen puissant de communication et d’appropriation urbaine, de prime abord incompatible avec une ville entièrement classée au Patrimoine Mondial.

Plusieurs formes d’art urbain voient le jour depuis une vingtaine d’années. Les protagonistes de ces pratiques « considèrent leurs actions comme un palliatif à une ville malade »268. La pratique de l’art urbain est une action forte et non dénuée de sens, l’artiste impose son droit à la parole par le biais de l’infraction légale afin de s’approprier l’espace dans lequel il vit. 269 « Ces micro-actions relèvent d’une micro-politique parce qu’elles déconstruisent les normes sédimentées et proposent un autre modèle. Les murs qui ne sont pas faits pour dessiner le deviennent. »270 Une forme particulière d’art urbain prend place dans les rues de Florence. Malgré les revendications portées par la pratique de l’art urbain, les artistes restent très respectueux de leur contexte bâti. Ils pratiquent une forme d’art urbain appelée éphémère.

Sont visés les boitiers électriques ou encore les panneaux de circulation, en bref, tout ce qui ne constitue pas précisément le patrimoine bâti de Florence mais qui y contribue de force. Il faut noter que cette forme de street-art n’est pas représentés par des tags envahissants ou destructeurs. Ce sont des petits artistes locaux, en besoin d’extériorisation, qui participent à une vision plus récente de la ville.

D’autres passent par l’œuvre d’art autocollante, pour des dessins, des petites notes dans la rue, toujours dans le but de faire rire, d’émerveiller, décrocher un sourire, ou encore dénoncer un problème social.

ii. Revendications citoyennes Comme expliqué dans la partie traitant du sentiment citoyen, les Florentins ne veulent plus rester dans l’inaction par rapport aux impacts du tourisme sur leur ville. Il est important de noter que les Florentins ne considèrent pas la situation perdue et ne se trouvent pas non plus dans un choix de l’éviction totale du tourisme à Florence. Ils considèrent qu’il est nécessaire de reconsidérer les choix de l’actuel modèle de développement de la ville.

268. RECOURS, Robin, RIFFAUD, Thomas, Le street art comme micro-politique de l’espace public : entre « artivisme » et coopératisme, Cahiers de Narratologie, 2016.

269. Ibid., p2.

270. Ibid., p4.

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Le livre La filosofia del trolley271 explique simplement une volonté de se réapproprier les droits de Florence par rapport aux touristes. Les politiques concentrées sur le développement d’un tourisme durable tendent à oublier que le tourisme d’un site est directement lié à la vie courante des locaux. Si la vie courante des locaux disparait, le tourisme par conséquent change car le site n’est plus représentatif de ce qu’il vend. Le collectif Progetto Firenze, composé essentiellement d’habitants de Florence, revendique le droit de parole et de pouvoir des citoyens dans les décisions de l’avenir de la ville. Ils attendent également de leurs élus une plus grande part de considération pour les habitants dans les prises de décisions de gestion des flux touristiques. Ils s’attendent à voir installée une politique de gestion ferme des entrées et sorties de touristes afin de ne plus approcher ni dépasser les seuils de tolérance et d’absorption de la ville.

271. GALLI, Garzia, LENSI, Massimo, Op. cit.

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Solutions aux problèmes de muséification urbaine

d. Dans le monde de la conception architecturale de l’étudiant, j’y vois…

Il me semble que mon statut d’étudiante me permet d’élaborer de nouveaux projets utopiques, parfois même naïfs. «Car si pas maintenant, quand ?»272 Dans le cadre urbain, pousser un projet radical à son paroxysme permet d’élaborer une situation type et d’en extraire les conclusions profitant à un futur projet concret, à savoir l’étude de l’impact du projet radical sur son contexte.

Ce sous-chapitre est dédié à ma voix étudiante et à celle de mes camarades florentins.

A travers les projets utopistes suivants, le but est de faire rêver, faire peur, mais surtout conscientiser à l’influence des projets radicaux sur le paysage de Florence. Parce qu’après tout, les politiques de promotion touristique de Florence dans le cadre actuel consistent également en un projet radical.

i. 156doors Enrico Casini et Lorenzo Bacci, deux anciens étudiants de l’Université de Florence, ont pour l’habitude de remuer la ville à l’aide de projets provocateurs. Le projet présenté ci-dessous a été effectué dans le cadre d’un concours public. Il propose un aménagement de la place publique de Santa Croce à l’aide d’un Dispositif Morphologique. L’expérience de cette nouvelle structure s’inscrit tant dans le présent qu’en analogie au passé. « Le Musée comme Limbo. En même temps, il a été étendu et comprimé. La morphologie de ce musée appartient à la ville de Florence, une salle urbaine enfermée dans une arcade. Comme le cloître de Santa Croce, ou de Santa Maria Novella, il y a un intérieur et un extérieur. En étudiant cette limite construite, l’identité du lieu est créée. Exactement dans le comprimé de Santa Croce, ce Dispositif Morphologique marque la succession du temps, du cloître d’Arnolfo, au cloître de Brunelleschi, au «Petit Cloître Antique». Désormais aussi le Cloître Contemporain, qui traduit cette fermeture sur lui-même en un espace pour la ville, une salle urbaine. L’espace nous apparaît là où il est refusé, ou du moins là où il trouve une limite. Le cloître contemporain se réfère au complexe historique en ces termes. Il nie, en se fermant, l’espace et affirme par conséquent l’identité spatiale qui lui manquait auparavant. Cela nous met face à un choix. Le choix de la découverte, de l’enquête, de la nécessité d’entrer. En entrant, on découvre une situation inattendue ; le même mécanisme d’émerveillement que l’on peut percevoir dans le Cloître de Brunelleschi, on le redécouvre ici en traversant l’espace public.

La fermeture devient ouverture : ayant compris la résilience des espaces historicisés qui parviennent à survivre jusqu’à aujourd’hui, a fini par configurer le cloître contemporain comme un filtre pour l’urbanité, les portes qui au rez-de-chaussée s’ouvrent pour balayer la logique de l’enceinte sont le stratagème pour donner la possibilité de dépasser la limite physique que les anciens avaient fixée et fermée. Les 156 portes marquent l’invention qui permet de découvrir le monde intérieur du Dispositif. »273

272. HAZAKEN, Hillel, Pirke Avot 1:15.

273. BACCI, Lorenzo, CASINI, Enrico, 156doors, Florence, 2019.

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Figure 14 - 136 doors, Santa Croce. ©Enrico Casini

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ii. Florence, musée volontaire « Une nouvelle typologie urbaine se crée du processus de muséification des villes. Les fonctions des espaces, les fréquentations et la réputation de la ville sont témoins d’une contextualisation nouvelle. Ce nouveau musée urbain est représentatif des évolutions contemporaines de la discipline de l’urbanisme.»274 Il a été abordé plus tôt le principe de la ville-musée volontaire. Cette nouvelle typologie urbaine répond à l’évolution commune de la sphère muséale et sphère urbaine. L’industrie du tourisme inflige une pression insurmontable sur la ville de Florence, dont il est enfin question d’apporter une solution.

Cette partie honorant spécialement ma conception future de la ville-musée, je me permets de changer de ton et de raconter une histoire. Camille, 22 ans, adore les histoires.

Nous sommes en 2040 et Florence renaît enfin de ses cendres. En se baladant dans les rues, c’est à croire qu’un tel passé n’a jamais existé. En revenant sur les quelques évènements qui ont marqué l’histoire de la ville, on se rend compte que les dernières années n’ont pas été de tout repos. Au niveau de son urbanisme, deux grandes catastrophes lui tombent dessus.

Il y a près de cent ans, les ponts si chers à notre ville succombent aux bombardements suite à la deuxième Guerre Mondiale. Leur nouvelle élaboration a duré longtemps, car nos architectes urbanistes étaient tiraillés entre le choix de la reconstruction identique et la conception d’un projet moderne portant les couleurs du siècle passé. Heureusement qu’ils n’ont pas succombé à la drogue puissante des tendances passéistes, vous imaginez avoir un pastiche en un lieu aussi important et central que celui-ci ? Nos nouveaux ponts répondent à l’image actuelle des habitants, qui possèdent leur ville et savent jouir de l’évolution de celle-ci.

Une vingtaine d’années plus tard, une terrible inondation remplit les rues de Florence, détruisant sur son passage une partie de la promenade le long de l’Arno. J’ai cru voir sur les photos d’époque cette ancienne promenade, étroite et partagée avec des centaines de voitures et je suis ravie de me rendre compte qu’on a la chance aujourd’hui, de s’y balader tranquillement, à pied ou à vélo. De nouveaux espaces verts le long de l’Arno absorbent en partie les crues du fleuve et quand on arrive à saturation des sols, des bassins sont prévus à cet effet.

Ils ont pensé à tout !

Florence devient de plus en plus populaire auprès des touristes à partir des années 1990 et malheureusement nos politiques succombent aux tentations de l’industrie du tourisme de masse. Après tout, nous avons le patrimoine nécessaire pour faire croire à n’importe qui que les vacances dont ils ont absolument besoin peuvent se faire en 2 jours dans le marathon de la découverte de la dolce vita florentine. L’industrie touristique a ravagé notre cher Centre Historique. Les Florentins se sont exilés des quartiers fréquentés par les touristes et la machinerie touristique a pris le dessus pendant des années. J’étais assez jeune à ce moment-là mais je me souviens encore parfaitement de cette asphyxie qu’on pouvait ressentir lors d’un passage obligé dans ces zones. Enfin, je ne dois pas vous réexpliquer ce qu’il s’est passé, ces années étaient tellement traumatisantes qu’on s’en rappelle encore parfaitement.

En 2020, le monde entier est touché par une pandémie qui obligea tout être humain à rester 274. NAVARRO, Nicolas, Op. cit.

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enfermé chez lui des mois durant. C’est précisément à ce moment-là qu’on s’est rendu compte que l’économie sur laquelle se basait Florence n’était en aucun cas résiliente. Le tourisme s’étant arrêté pendant près de 6 mois laissa un grand trou dans les cagnottes municipales.

La ville se reconstruisant petit à petit et nous, ayant appris durant les mois suivant la pandémie à apprécier la ville sans ses marées hautes de touristes, avons choisi de ne pas retourner en arrière. Très vite, des réglementations limitant le logement touristique se sont mises en place et les résidents de Florence ont commencé à revenir habiter dans le Centre. L’application de la limitation du nombre de touristes dans le centre a changé la donne du devenir de la ville. Le ratio touriste/citoyen est aujourd’hui plus qu’honnête. Pour ce qui en est de nos commerces, une même limitation a été mise en place, réduisant drastiquement les magasins de souvenirs et redonnant la place à la magie des artisans florentins. Après tout, on a toujours été connus pour ça. Nos restaurants ont repris en qualité, aujourd’hui presque exclusivement tenus par des locaux. Ces anciens fast-foods portant les fausses couleurs de l’Italie n’ont évidemment pas convaincus les résidents revenant habiter dans le centre.

Un tas d’évènements culturels sont organisés aux quatre coins de la ville. Nos bâtiments emblématiques ont été reconvertis en centres culturels modernes, espaces de rassemblement citoyen, lieux de formation, etc. De projets de reconversion de patrimoine architectural en logement social voient le jour. Qui l’eût cru ? Il est vrai que la typologie de ville ancienne répond parfaitement aux demandes des logements sociaux car tout est à proximité. D’un autre côté, la reconversion des immeubles de logement florentin a permis à la ville de répondre à cette demande pressante des dernières années en matière de logement social, sans pour autant s’adonner aux pratiques de construction rapide d’immeubles peu qualitatifs dans un contexte aussi spectaculaire. Tous ces bâtiments reconvertis nous fournissent toujours l’explication de leur histoire, tant pour moi que pour le touriste lambda qui se balade dans la ville. C’est un plaisir de partir à la découverte de ce que fût Florence autrefois.

Les activités modernes et culturelles mises en place dans la ville répondent aux demandes et besoins vitaux, sociaux et culturels des citoyens. Par miracle, cette offre ravit les touristes, venus pour s’imprégner de cette culture incroyable, fabriquée de toute pièce de l’idéologie de vie italienne et influencée par le contexte bâti datant de la Renaissance. Cette nouvelle forme de tourisme est respectueuse des pratiques locales, également de par l’enseignement offert lors de la visite du site.

Enfin, tout ça pour dire que je suis fière d’avoir vu cette évolution positive de Florence et il en résulte que, contrairement à mes grands-parents, je suis contente de partager aujourd’hui ma vie quotidienne avec les touristes que je croise au jour le jour. Je comprends leur venue, la ville de Florence est devenue tellement agréable.

Cette ville-musée, de par son référentiel de connaissances du passé, offre une ressource unique menant à la compréhension du présent et fournit une plateforme renseignée à la planification de la ville future. Florence, mon musée à ciel ouvert, a su se démarquer de son passé.

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iii. L’heure de la reconversion a sonné Après cet interlude imaginaire, il convient de remettre les pendules à l’heure. Les changements drastiques formulés dans le texte ci-dessus ne peuvent révolutionner Florence. Par contre la juste mesure et la réflexion moderne permettent probablement d’entrevoir une sortie de crise. L’histoire du musée volontaire de Florence illustre une pratique architecturale importante : la reconversion.

Nos bâtiments et espaces urbains évoluent avec le temps. Ils sont marqués par des usages et perceptions différentes fluctuant au gré des saisons et temps historiques. Aujourd’hui maintenus en forme pour pérenniser ce rapport au patrimoine, les bâtiments anciens de Florence abritent des fonctions culturelles liées au tourisme.

La société actuelle est caractéristique de la surconsommation dans un système linéaire.

Les usages et envies de l’être humain varient d’un jour à l’autre et le dernier cri devient vite has-been.

La pratique de la reconversion est dérivée de celle de la conservation, mais nécessite une pratique et théorie nouvelle. Il faut bien identifier les raisons de la sauvegarde du bâtiment lui-même et pourquoi le reconvertir. Dans le cadre de Florence, la question du choix de la conservation est assez simple : le tissu général de la ville contribue à sa patrimonialité urbaine. Quasiment tous les bâtiments, monuments ou ceux attribués à l’architecture mineure, participent au paysage urbain général de la ville.

La reconversion s’adonne à la pratique de la programmation inhabituelle. Les nouveaux usages des bâtiments s’apparentent de près ou de loin à la programmatique initiale de ce dernier. Le nouveau programme implanté au bâtiment est choisi en fonction de son contexte urbain et de sa disposition interne propre. La démarche de reconversion s’inscrit dans celle de la requalification urbaine et participe activement au développement du territoire, agencé sur la question du devenir patrimonial275.

Il faut tout de même préciser que les Florentins sont conscients de la force de la reconversion sur leur ville. Beaucoup de bâtiments dans le centre historique ont été sujets à cette forme de pratique architecturale protectrice du patrimoine. Il convient de citer par exemple la Loggia-Caffè de la Piazzale Michelangelo, initialement prévue comme musée dédié à Michel-Ange, aujourd’hui réaffectée en café, attirant une masse de touristes impressionnante de par sa position stratégique face au panorama le plus instagrammable de la ville276. Le musée degli innocenti est un autre exemple illustre de la reconversion.

Ce nouveau musée d’art et d’histoire est situé dans le fameux Ospedale degli Innocenti de Brunelleschi. L’ancien orphelinat dont les façades représentent l’œuvre principale constituant la magnifique Piazza delle Santissima Annunziata répondent aujourd’hui à une typologie nouvelle. L’église en son centre est restée telle quelle tandis qu’une aile du complexe s’est transformée en logement et l’autre aile est devenue un musée.277 Ce musée allie l’architecture contemporaine à celle des années 1400 de Brunelleschi. Il est même possible de dire que ces annexes contemporaines subliment ce bâtiment emblématique.

275. RIBEIRO PEIXOTO, Elane, Autour des reconversions architecturales et des monuments historiques, in, L’homme et la société, L’Harmattan, n°145, 2002, pp. 51-65.

276. ALEARDI, Andrea, MARCETTI, Corrado, Firenze verso la città moderna ; Itinerari urbanistici nella città estesa tra Ottocento e Novecento, Fondazione Michelucci, Florence, 2013, p.38.

277. MUSEO DEGLI INNOCENTI, La storia. URL [https://www.museodeglinnocenti.it/storia/].

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Choquant ? Peut-être pour les conservateurs monomaniaques italiens. Pour les autres, c’est une ouverture rafraichissante sur une réappropriation du patrimoine.

La reconversion étant déjà une pratique en marche à Florence, il serait donc temps de penser aux habitants locaux plutôt qu’à la promotion touristique dans la pratique de cette discipline.

Fini les musées à rallonge et illustres de la gloire passée florentine, laissez place à la vie active !

Finalement, pourquoi le Palazzo Vecchio ne deviendrait-il pas la nouvelle école de danse contemporaine de Florence ?

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Conclusion

Florence est une de ces villes magiques qui fait rêver l’humanité depuis des siècles. Au cours des dernières années, elle a vécu différentes catastrophes qui ont altéré son tissu urbain, générant des questionnements sur le type de réparations à apporter. Les choix résolument conservateurs pris par les autorités, renforcés par le classement en 1982 par l’Unesco du Centre Historique de Florence au Patrimoine Mondial de l’humanité.

La patrimonialisation doctrinale, en « négligeant » le principe premier qu’une ville est faite pour être vécue, a directement mené à la muséification de la ville de Florence dont les conséquences sont désastreuses, puisqu’elles ont entraîné une sclérose et une disneylandisation urbaine.

La sclérose urbaine, générée par la crainte d’abîmer le patrimoine de la ville de Florence, est un phénomène qui empêche toute évolution urbaine. Elle est entretenue par l’attitude des urbanistes et des architectes actuels qui choisissent l’inaction, persuadés de ne pas pouvoir surpasser leurs prédécesseurs, et par les choix politiques passéistes. La sclérose urbaine est un cercle vicieux : moins la ville évolue avec son temps, moins il est possible de se l’approprier, moins le dessinateur de la vie locale devient un acteur de l’évolution de la ville.

La disneylandisation urbaine correspond à la transformation de la ville en parc thématique pour tourisme de masse, théâtralisant le décor urbain. Les flux constants et asphyxiants des touristes empêchent les habitants du centre de vivre normalement et les poussent à l’exil dans les quartiers annexes. Ce mouvement démographique laisse l’industrie du tourisme libre de disposer à sa guise du centre historique intensifiant le problème.

Parmi les solutions envisagées par les acteurs locaux, peu ont abouti. Gustavo Giovannoni

Conclusion

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prescrit en 1949 un Centre Historique désengorgé et mieux éclairé afin de répondre aux problèmes hygiéniques, sociaux, économiques et esthétiques. Près de cent ans plus tard, peu de ses directives ont été suivies. Les politiques actuelles répondent aux problèmes en privilégiant le tourisme, source d’une manne économique. L’Unesco, sous le couvert de la protection du patrimoine urbain, ne prête pas l’oreille aux problèmes soulevés par les citoyens et se concentre sur la promotion d’activités à but touristique.

Les citoyens, de leur côté, se positionnent de plus en plus clairement pour revendiquer leur droit à la parole et à la réappropriation de leur patrimoine confisqué.

Il faut espérer que leur parole se fasse entendre, et que les acteurs urbains choisissent finalement de recentrer la sphère d’activité de Florence sur les pratiques et coutumes des citoyens modernes par le biais de la réappropriation de leur exceptionnel patrimoine hérité. Ce n’est probablement qu’à ce prix que Florence pourra enfin évoluer dans la sphère des villes sensibles, cycliques et authentiques.

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Conclusion

Conclusion

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Annexes

Annexes

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Ces annexes sont annoncées dans le travail lors de l’analyse et mention des Chartes qui ont orchestré le devenir du patrimoine urbain de Florence. Afin d’offrir des informations plus complètes sur le contexte de ces dernières, il a été choisi de les mettre en annexe afin de pouvoir s’y référencer. Il faut cependant noter qu’elles ne font pas partie de la présentation et argumentation principale de ce mémoire.

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a. La Charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques – 1931 278 Adoptée lors du premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques, Athènes 1931 Sept résolutions importantes furent présentées au congrès d’Athènes et appelées «Carta del Restauro»: Des organisations internationales prodiguant des conseils et agissant à un niveau opérationnel dans le domaine de la restauration des monuments historiques doivent être créées.

Les projets de restauration doivent être soumis à une critique éclairée pour éviter les erreurs entrainant la perte du caractère et des valeurs historiques des monuments.

Dans chaque État, les problèmes relatifs à la conservation des sites historiques doivent être résolus par une législation nationale.

Les sites archéologiques excavés ne faisant pas l’objet d’une restauration immédiate devraient être enfouis de nouveau pour assurer leur protection.

Les techniques et matériaux modernes peuvent être utilisés pour les travaux de restauration.

Les sites historiques doivent être protégés par un système de gardiennage strict.

La protection du voisinage des sites historiques devrait faire l’objet d’une attention particulière.

Conclusions générales : I. - Doctrines. Principes généraux La Conférence a entendu l’exposé des principes généraux et des doctrines concernant la protection des Monuments.

Quelle que soit la diversité des cas d’espèces dont chacun peut comporter une solution, elle a constaté que dans les divers États représentés prédomine une tendance générale à abandonner les restitutions intégrales et à en éviter les risques par l’institution d’un entretien régulier et permanent propre à assurer la conservation des édifices.

Au cas où une restauration apparaît indispensable par suite de dégradations ou de destruction, elle recommande de respecter l’œuvre historique et artistique du passé, sans proscrire le style d’aucune époque.

La Conférence recommande de maintenir l’occupation des monuments qui assure la continuité de leur vie en les consacrant toutefois à des affectations qui respectent leur caractère historique ou artistique.

II. - Administration et législation des monuments historiques La Conférence a entendu l’exposé des législations dont le but est de protéger les monuments d’intérêt historique, artistique ou scientifique appartenant aux différentes nations.

278. ICOMOS, La charte d’Athènes pour la Restauration des Monuments Historiques, Athènes, 1931.

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Elle en a unanimement approuvé la tendance générale qui consacre en cette matière un certain droit de la collectivité vis-à-vis de la propriété privée.

Elle a constaté que les différences entre ces législations provenaient des difficultés de concilier le droit public et les droits des particuliers.

En conséquence, tout en approuvant la tendance générale de ces législations, elle estime qu’elles doivent être appropriées aux circonstances locales et à l’état de l’opinion publique, de façon à rencontrer le moins d’opposition possible, en tenant compte aux propriétaires des sacrifices qu’ils sont appelés à subir dans l’intérêt général.

Elle émet le voeu que dans chaque État l’autorité publique soit investie du pouvoir de prendre, en cas d’urgence, des mesures conservatoires.

Elle souhaite vivement que l’Office international des Musées publie un recueil et un tableau comparé des législations en vigueur dans les différents États et les tienne à jour.

III. - La mise en valeur des monuments La Conférence recommande de respecter, dans la construction des édifices le caractère et la physionomie des villes, surtout dans le voisinage des monuments anciens dont l’entourage doit être l’objet de soins particuliers. Même certains ensembles, certaines perspectives particulièrement pittoresques, doivent être préservés. Il y a lieu aussi d’étudier les plantations et ornementations végétales convenant à certains monuments ou ensembles de monuments pour leur conserver leur caractère ancien.

Elle recommande surtout la suppression de toute publicité, de toute présence abusive de poteaux ou fils télégraphiques, de toute industrie bruyante, même des hautes cheminées, dans le voisinage des monuments d’art ou d’histoire.

IV. - Les matériaux de restauration Les experts ont entendu diverses communications relatives à l’emploi des matériaux modernes pour la consolidation des édifices anciens.

Ils approuvent l’emploi judicieux de toutes les ressources de la technique moderne et plus spécialement du ciment armé.

Ils spécifient que ces moyens confortatifs doivent être dissimulés sauf impossibilité, afin de ne pas altérer l’aspect et le caractère de l’édifice à restaurer.

Ils les recommandent plus spécialement dans les cas où ils permettent d’éviter les risques de dépose et de repose des éléments à conserver.

V. - Les dégradations des monuments La Conférence constate que, dans les conditions de la vie moderne, les monuments du monde entier se trouvent de plus en plus menacés par les agents atmosphériques.

En dehors des précautions habituelles et des solutions heureuses obtenues dans la conservation de la statuaire monumentale par les méthodes courantes, on ne saurait, étant don-

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né la complexité des cas, dans l’état actuel des connaissances, formuler des règles générales.

La Conférence recommande: La collaboration dans chaque pays des conservateurs de monuments et des architectes avec les représentants des sciences physiques, chimiques et naturelles, pour parvenir à des méthodes applicables aux cas différents.

Elle recommande à l’Office international des Musées de se tenir au courant des travaux entrepris dans chaque pays sur ces matières et leur faire une place dans ses publications.

La Conférence, en ce qui concerne la conservation de la sculpture monumentale, considère que l’enlèvement des oeuvres du cadre pour lequel elles avaient été créées est «un principe» regrettable.

Elle recommande, à titre de précaution, la conservation, lorsqu’ils existent encore, des modèles originaux et à défaut, l’exécution de moulages.

VI. - La technique de la conservation La Conférence constate avec satisfaction que les principes et les techniques exposés dans les diverses communications de détail s’inspirent d’une commune tendance, à savoir: Lorsqu’il s’agit de ruines, une conservation scrupuleuse s’impose, avec remise en place des éléments originaux retrouvés (anastylose) chaque fois que le cas le permet; les matériaux nouveaux nécessaires à cet effet devraient être toujours reconnaissables. Quand la conservation des ruines mises au jour au cours d’une fouille sera reconnue impossible, il est conseillé de les ensevelir à nouveau, après bien entendu avoir pris des relevés précis.

Il va sans dire que la technique et la conservation d’une fouille imposent la collaboration étroite de l’archéologue et de l’architecte.

Quant aux autres monuments, les experts ont été unanimement d’accord pour conseiller, avant toute consolidation ou restauration partielle, l’analyse scrupuleuse des maladies de ces monuments. Ils ont reconnu en fait que chaque cas constiuait un cas d’espèce.

VII. La conservation des monuments et la collaboration internationale Coopération technique et morale La Conférence convaincue que la conservation du patrimoine artistique et archéologique de l’humanité intéresse la communauté des États, gardien de la civilisation: Souhaite que les États, agissant dans l’esprit du Pacte de la Société des Nations, se prêtent une collaboration toujours plus étendue et plus concrète en vue de favoriser la conservation des monuments d’art et d’histoire; Estime hautement désirable que les institutions et groupements qualifiés puissent, sans porter aucunement atteinte au droit public international, manifester leur intérêt pour la sauvegarde de chefs-d’oeuvre dans lesquels la civilisation s’est exprimée au plus haut degré et qui paraîtraient menacés; Émet le voeu que les requêtes à cet effet, soumises à l’organisation de Coopération intel-

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lectuelle de la Société des Nations, puissent être recommandées à la bienveillante attention des États.

Il appartiendrait à la Commission internationale de Coopération intellectuelle, après enquête de l’Office international des Musées et après avoir recueilli toute information utile, notamment auprès de la Commission nationale de Coopération intellectuelle intéressée, de se prononcer sur l’opportunité des démarches à entreprendre et sur la procédure à suivre dans chaque cas particulier.

Les membres de la Conférence, après avoir visité, au cours de leurs travaux et de la croisière d’études qu’ils ont pu faire à cette occasion, plusieurs parmi les principaux champs de fouilles et les monuments antiques de la Grèce, ont été unanimes à rendre hommage au gouvernement Hellénique qui, depuis de longues années, en même temps qu’il assurait lui-même des travaux considérables, a accepté la collaboration des archéologues et des spécialistes de tous les pays.

Ils y ont vu un exemple qui ne peut que contribuer à la réalisation des buts de coopération intellectuelle dont la nécessité leur était apparue au cours de leurs travaux.

Le rôle de l’éducation dans le respect des monuments La Conférence, profondément convaincue que la meilleure garantie de conservation des monuments et œuvres d’art leur vient du respect et de l’attachement des peuples euxmêmes.

Considérant que ces sentiments peuvent être grandement favorisés par une action appropriée des pouvoirs publics. Émet le vœu que les éducateurs habituent l’enfance et la jeunesse à s’abstenir de dégrader les monuments quels qu’ils soient, et leur apprennent à se mieux intéresser, d’une manière générale, à la protection des témoignages de toute civilisation.

Utilité d’une documentation internationale La Conférence émet le vœu que : Chaque État, ou les institutions créées ou reconnues compétentes à cet effet, publient un inventaire des monuments historiques nationaux, accompagné de photographies et de notices ; Chaque État constitue des archives où seront réunis tous les documents concernant ses monuments historiques ; Chaque État dépose à l’Office international des Musées ses publications ; L’Office consacre dans ses publications des articles relatifs aux procédés et aux méthodes générales de conservation des monuments historiques ; L’Office étudie la meilleure utilisation des renseignements ainsi centralisés.

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b. La Charte de Venise : charte internationale sur la conservation et restauration des monuments et sites – 1964 279 IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964 Adoptée par ICOMOS en 1965.

Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires.

L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité.

Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions.

En donnant une première forme à ces principes fondamentaux, la Charte d’Athènes de 1931 a contribué au développement d’un vaste mouvement international, qui s’est notamment traduit dans des documents nationaux, dans l’activité de l’ICOM et de l’UNESCO, et dans la création par cette dernière du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels. La sensibilité et l’esprit critique se sont portés sur des problèmes toujours plus complexes et plus nuancés ; aussi l’heure semble venue de réexaminer les principes de la Charte afin de les approfondir et d’en élargir la portée dans un nouveau document.

En conséquence, le IIe Congrès International des Architectes et des Techniciens des Monuments Historiques, réuni, à Venise du 25 au 31 mai 1964, a approuvé le texte suivant : DÉFINITIONS Article 1.

La notion de monument historique comprend la création architecturale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique. Elle s’étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle.

Article 2.

La conservation et la restauration des monuments constituent une discipline qui fait appel à toutes les sciences et à toutes les techniques qui peuvent contribuer à l’étude et à la sauvegarde du patrimoine monumental.

279. ICOMOS, Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, Venise, 1964.

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Article 3.

La conservation et la restauration des monuments visent à sauvegarder tout autant l’œuvre d’art que le témoin d’histoire.

CONSERVATION Article 4.

La conservation des monuments impose d’abord la permanence de leur entretien.

Article 5.

La conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceux-ci à une fonction utile à la société ; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices. C’est dans ces limites qu’il faut concevoir et que l’on peut autoriser les aménagements exigés par l’évolution des usages et des coutumes.

Article 6.

La conservation d’un monument implique celle d’un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits.

Article 7.

Le monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe.

En conséquence le déplacement de tout ou partie d’un monument ne peut être toléré que lorsque la sauvegarde du monument l’exige ou que des raisons d’un grand intérêt national ou international le justifient.

Article 8.

Les éléments de sculpture, de peinture ou de décoration qui font partie intégrante du monument ne peuvent en être séparés que lorsque cette mesure est la seule susceptible d’assurer leur conservation.

RESTAURATION Article 9.

La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera toujours précédée et accompagnée d’une étude archéologique et historique du monument.

Article 10.

Lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d’un monument peut être assurée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l’efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et garantie par l’expérience.

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Article 11.

Les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés, l’unité de style n’étant pas un but à atteindre au cours d’une restauration.

Lorsqu’un édifice comporte plusieurs états superposés, le dégagement d’un état sousjacent ne se justifie qu’exceptionnellement et à condition que les éléments enlevés ne présentent que peu d’intérêt, que la composition mise au jour constitue un témoignage de haute valeur historique, archéologique ou esthétique, et que son état de conservation soit jugé suffisant.

Le jugement sur la valeur des éléments en question et la décision sur les éliminations à opérer ne peuvent dépendre du seul auteur du projet.

Article 12.

Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et d’histoire.

Article 13.

Les adjonctions ne peuvent être tolérées que pour autant qu’elles respectent toutes les parties intéressantes de l’édifice, son cadre traditionnel, l’équilibre de sa composition et ses relations avec le milieu environnant.

SITES MONUMENTAUX Article 14.

Les sites monumentaux doivent faire l’objet de soins spéciaux afin de sauvegarder leur intégrité et d’assurer leur assainissement, leur aménagement et leur mise en valeur. Les travaux de conservation et de restauration qui y sont exécutés doivent s’inspirer des principes énoncés aux articles précédents.

FOUILLES Article 15.

Les travaux de fouilles doivent s’exécuter conformément à des normes scientifiques et à la « Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques » adoptée par l’UNESCO en 1956.

L’aménagement des ruines et les mesures nécessaires à la conservation et à la protection permanente des éléments architecturaux et des objets découverts seront assurés. En outre, toutes initiatives seront prises en vue de faciliter la compréhension du monument mis au jour sans jamais en dénaturer la signification.

Tout travail de reconstruction devra cependant être exclu à priori, seule l’anastylose peut être envisagée, c’est-à-dire la recomposition des parties existantes mais démembrées. Les éléments d’intégration seront toujours reconnaissables et représenteront le minimum nécessaire pour assurer les conditions de conservation du monument et rétablir la continuité de ses formes.

Annexes

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DOCUMENTATION ET PUBLICATION Article 16.

Les travaux de conservation, de restauration et de fouilles seront toujours accompagnés de la constitution d’une documentation précise sous forme de rapports analytiques et critiques illustrés de dessins et de photographies. Toutes les phases de travaux de dégagement, de consolidation, de recomposition et d’intégration, ainsi que les éléments techniques et formels identifiés au cours des travaux y seront consignés. Cette documentation sera déposée dans les archives d’un organisme public et mise à la disposition des chercheurs ; sa publication est recommandée.

Ont participé à la commission pour la rédaction de la charte internationale pour la conservation et la restauration des monuments : M. Piero Gazzola (Italie), président M. Raymond Lemaire (Belgique), rapporteur M. José Bassegoda-Nonell (Espagne) M. Luis Benavente (Portugal) M. Djurdje Boskovic (Yougoslavie) M. Hiroshi Daifuku (UNESCO) M. P.L. de Vrieze (Pays-Bas) M. Harald Langberg (Danemark) M. Mario Matteucci (Italie) M. Jean Merlet (France) M. Carlos Flores Marini (Mexique) M. Roberto Pane (Italie) M. S.C.J. Pavel (Tchécoslovaquie) M. Paul Philippot (ICCROM) M. Victor Pimentel (Pérou) M. Harold Plenderleith (ICCROM) M. Deoclecio Redig de Campos (Vatican) M. Jean Sonnier (France) M. François Sorlin (France) M. Eustathios Stikas (Grèce) Mme Gertrud Tripp (Autriche) M. Jan Zachwatovicz (Pologne) M. Mustafa S. Zbiss (Tunisie)

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c. La Charte Européenne pour le patrimoine architectural – 1975280 Adoptée par le Conseil de l’Europe, octobre 1975 INTRODUCTION Grâce à l’initiative prise par le Conseil de l’Europe en proclamant 1975 Année européenne du patrimoine architectural, de gros efforts on été déployés dans l’ensemble des pays européens pour sensibiliser l’opinion aux valeurs culturelles, sociales, économiques irremplaçables des monuments, des ensembles et sites en milieu urbain et rural hérités du passé.

Il importait de coordonner tous ces efforts au niveau européen, de créer une vision commune du problème, et surtout de forger un langage commun dans l’énoncé des principes généraux qui doivent guider l’action concertée des instances responsables et des citoyens.

C’est dans ce but que le Conseil de l’Europe a établi le texte de la Charte ci-après.

Certes, au-delà de la formulation des principes, se pose le problème de leur application.

L’action future du Conseil de l’Europe tendra à approfondir les possibilités d’application de ces principes dans les différentes situations nationales et à progressivement améliorer les législations et les réglementations en vigueur, ainsi que la formation professionnelle dans le domaine considéré.

La Charte Européenne du Patrimoine Architectural a été adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et solennellement proclamée au Congrès sur le Patrimoine Architectural européen qui a lieu à Amsterdam du 21 au 25 octobre 1975.

Le comité des ministres, Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin notamment de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun ; Considérant que les États membres du Conseil de l’Europe, Parties à la Convention culturelle européenne du 19 décembre 1954, se sont engagés en vertu de l’Article 1er de cette Convention à prendre les mesures propres à sauvegarder leur apport au patrimoine culturel commun de l’Europe et à en encourager le développement ; Reconnaissant que le patrimoine architectural, expression irremplaçable de la richesse et de la diversité de la culture européenne, est l’héritage commun de tous les peuples et que sa conservation engage par conséquent la solidarité effective des États européens ; Considérant que la conservation du patrimoine architectural dépend largement de son intégration dans le cadre de vie des citoyens et de sa prise en compte dans les plans d’aménagement du territoire et d’urbanisme ; 280. COUNCIL OF EUROPE, Comité des Ministres, Charte Européenne pour le patrimoine architectural, Amsterdam, 1975.

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Vu la Recommandation de la Conférence européenne des Ministres responsables du patrimoine architectural, tenue à Bruxelles en 1969, et la Recommandation 589 (1970) de l’Assemblée Consultative du Conseil de l’Europe, relative à une Charte du patrimoine architectural, Réaffirme sa volonté de promouvoir une politique européenne commune et une action concertée de protection du patrimoine architectural, s’appuyant sur les principes de sa conservation intégrée ; Recommande aux gouvernements des États membres d’adopter les mesures d’ordre législatif, administratif, financier et éducatif nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de conservation intégrée du patrimoine architectural et de développer l’intérêt du public pour une telle politique en tenant compte des résultats de la campagne de l’Année Européenne du Patrimoine Architectural, organisée en 1975 sous les auspices du Conseil de l’Europe ; Adopte et proclame les principes de la présente Charte, préparée par le Comité des Monuments et Sites du Conseil de l’Europe, ci- après libellés : 1. Le patrimoine architectural européen est formé non seulement par nos monuments les plus importants mais aussi par les ensembles que constituent nos villes anciennes et nos villages de tradition dans leur environnement naturel ou construit.

Pendant longtemps on n’a protégé et restauré que les monuments majeurs, sans tenir compte de leur cadre. Or, ils peuvent perdre une grande partie de leur caractère si ce cadre est altéré. En outre, les ensembles, même en l’absence d’édifices exceptionnels, peuvent offrir une qualité d’atmosphère qui en fait des œuvres d’art diverses et articulées. Ce sont ces ensembles qu’il faut conserver aussi en tant que tels.

Le patrimoine architectural témoigne de la présence de l’histoire et de son importance dans notre vie.

2. L’incarnation du passé dans le patrimoine architectural constitue un environnement indispensable à l’équilibre et à l’épanouissement de l’homme.

Les hommes de notre temps, en présence d’une civilisation qui change de visage et dont les dangers sont aussi éclatants que les réussites, sentent d’instinct le prix de ce patrimoine.

C’est une part essentielle de la mémoire des hommes d’aujourd’hui, et faute d’être transmise aux générations futures dans sa richesse authentique et dans sa diversité, l’humanité serait amputée d’une partie de la conscience de sa propre durée.

3. Le patrimoine architectural est un capital spirituel, culturel, économique et social aux valeurs irremplaçables.

Chaque génération donne une interprétation différente du passé et en tire des idées nouvelles. Toute diminution de ce capital est d’autant plus un appauvrissement que la perte

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des valeurs accumulées ne peut être compensée même par des créations de haute qualité.

En outre, la nécessité d’épargner les ressources s’impose à notre société. Loin d’être un luxe pour la collectivité, l’utilisation de ce patrimoine est une source d’économies.

4. La structure des ensembles historiques favorise l’équilibre harmonieux des sociétés.

Ces ensembles constituent, en effet, des milieux propres au développement d’un large éventail d’activités. Ils ont, dans le passé, généralement évité la ségrégation des classes sociales. Ils peuvent à nouveau faciliter une bonne répartition des fonctions et la plus large intégration des populations.

5. Le patrimoine architectural a une valeur éducative déterminante.

Il offre une matière privilégiée d’explications et de comparaisons du sens des formes, et une mine d’exemples de leurs utilisations. Or, l’image et le contact direct prennent à nouveau une importance décisive dans la formation des hommes. Il importe donc de conserver vivants les témoignages de toutes les époques et de toutes les expériences.

Ces témoignages ne sont assurés de survivre que si la nécessité de leur protection est comprise par les plus grand nombre et spécialement par les jeunes générations qui en auront demain la responsabilité.

6. Ce patrimoine est en danger.

Il est menacé par l’ignorance, par la vétusté, par la dégradation sous toutes ses formes, par l’abandon. Un certain urbanisme est destructeur lorsque les autorités sont exagérément sensibles aux pressions économiques et aux exigences de la circulation. La technologie contemporaine, mal appliquée, abîme les structures anciennes. Les restaurations abusives sont néfastes. Enfin et surtout, la spéculation foncière et immobilière tire parti du tout et annihile les meilleurs plans.

7. La conservation intégrée est le résultat de l’action conjuguée des techniques de la restauration et de la recherche de fonctions appropriées. L’évolution historique a conduit les cœurs dégradés des villes et, à l›occasion, les villages abandonnés, à devenir des réserves de logements bon marché. Leur restauration doit être menée dans un esprit de justice sociale et ne doit pas s›accompagner de l›exode de tous les habitants de condition modeste. La conservation intégrée doit être de ce fait un des préalables des planifications urbaines et régionales.

Ils convient de noter que cette conservation intégrée n’est pas exclusive de toute architecture contemporaine dans les ensembles anciens, mais celle-ci devra tenir le plus grand compte du cadre existant, respecter les proportions, la forme et la disposition des volumes ainsi que les matériaux traditionnels.

8. La conservation intégrée demande la mise en œuvre de moyens juridiques, administratifs, financiers et techniques.

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Moyens juridiques La conservation intégrée doit utiliser toutes les lois et règlements existants qui peuvent concourir à la sauvegarde et à la protection du patrimoine quelle que soit leur origine.

Quand ces dispositions ne permettent pas d’atteindre le but cherché, il convient de les compléter et de créer les instruments juridiques indispensables aux niveaux appropriés : national, régional et local.

Moyens administratifs L’application d’une telle politique exige la mise en place de structures administratives adéquates et suffisamment étoffées.

Moyens financiers Le maintien et la restauration des éléments du patrimoine architectural doivent pouvoir bénéficier, le cas échéant, de toutes aides et incitations financières nécessaires, y compris les moyens fiscaux.

Il est essentiel que les moyens financiers consacrés par les pouvoirs publics à la restauration des quartiers anciens soient au moins égaux à ceux qui sont réservés à la construction neuve.

Moyens techniques Les architectes, les techniciens de toutes sortes, les entreprises spécialisées, les artisans qualifiés susceptibles de mener à bien les restaurations sont en nombre insuffisant.

Il importe de développer la formation et l’emploi des cadres et de la main-d’œuvre, d’inviter les industries du bâtiment à s’adapter à ces besoins et de favoriser le développement d’un artisanat menacé de disparition.

9. Le concours de tous est indispensable à la réussite de la conservation intégrée.

Bien que le patrimoine architectural soit la propriété de tous, chacune de ses parties est à la merci de chacun.

Chaque génération ne dispose d’ailleurs du patrimoine qu’à titre viager. Elle est responsable de sa transmission aux générations futures.

L’information du public doit être d’autant plus développée que les citoyens ont le droit de participer aux décisions concernant leur cadre de vie.

10. Le patrimoine architectural est le bien commun de notre continent.

Tous les problèmes de conservation sont communs à toute l’Europe et doivent être traités de façon coordonnée. C’est au Conseil de l’Europe d’assurer la cohérence de la politique de ses États membres et de promouvoir leur solidarité.

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d. Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine – 1976281 La Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, réunie à Nairobi du 26 octobre au 30 novembre 1976 en sa dix-neuvième session, Considérant que les ensembles historiques ou traditionnels font partie de l›environnement quotidien des êtres humains, qu›ils leur assurent la présence vivante du passé qui les a façonnés et qu›ils garantissent au cadre de vie la diversité requise pour répondre à celle de la société et que, de ce fait, ils acquièrent une valeur et une dimension humaine supplémentaires.

Considérant que les ensembles historiques ou traditionnels constituent à travers les âges les témoignages les plus tangibles de la richesse et de la diversité des créations culturelles, religieuses et sociales de l›humanité et qu›à ce titre, leur sauvegarde et leur intégration au cadre de vie de la société contemporaine est un élément fondamental de la planification urbaine et de l›aménagement du territoire, Considérant que devant les dangers d›uniformisation et de dépersonnalisation qui se manifestent souvent à notre époque ces témoignages vivants des époques antérieures revêtent une importance vitale pour chaque être humain et pour les peuples qui y trouvent à la fois l›expression de leur culture et lun des fondements de leur identité, Constatant que, partout dans le monde sous prétexte d›expansion ou de modernisme, des destructions ignorantes de ce qu›elles détruisent et des reconstructions irraisonnées et inadéquates portent gravement atteinte à ce patrimoine historique, Considérant que les ensembles historiques ou traditionnels constituent un patrimoine immobilier dont la destruction entraîne souvent des perturbations sociales, même lorsqu›elle ne cause pas de pertes économiques, Considérant que cette situation engage la responsabilité de chaque citoyen et impose des obligations aux pouvoirs publics qu›ils sont seuls à pouvoir assumer, Considérant que devant ces dangers de détérioration, voire ‹de disparition totale, les États doivent tous agir pour sauver ces valeurs irremplaçables en adoptant d›urgence une politique globale et active de protection et de réanimation des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement, dans le cadre de la planification nationale, régionale ou locale, Constatant l›absence dans beaucoup de pays d›une législation suffisamment efficace et souple concernant le patrimoine architectural et ses rapports avec l›aménagement du territoire, Notant que la Conférence générale a déjà adopté des instruments internationaux pour la protection du patrimoine culturel et naturel, tels que la recommandation définissant 281. UNESCO, Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine, Nairobi, 1976

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les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques (1956), la recommandation concernant la sauvegarde de la beauté et du caractère des paysages et des sites (1962), la recommandation concernant la préservation des biens culturels mis en péril par des travaux publics et privés (1968) et la recommandation concernant la protection sur le plan national du patrimoine culturel et naturel (1972), Désirant compléter et étendre la portée des normes et principes formulés dans ces instruments internationaux, Étant saisie de propositions concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine, question qui constitue le point 27 de l›ordre du jour de la session, Après avoir décidé lors de sa dix-huitième session que cette question ferait l›objet d›une recommandation aux États membres, Adopte, ce vingt-sixième jour de novembre 1976, la présente recommandation.

La Conférence générale recommande aux États membres d’appliquer les dispositions ci-après en adoptant, sous forme de loi nationale ou autrement, des mesures en vue de donner effet dans les territoires sous leur juridiction aux principes et aux normes énoncés dans cette recommandation.

La Conférence générale recommande que les États membres signalent cette recommandation à l’attention des autorités nationales, régionales et locales, ainsi qu’aux institutions, services ou organismes et associations concernés par la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement.

La Conférence générale recommande que les États membres lui fassent rapport, aux dates et sous la forme qu’elle déterminera, sur la suite donnée par eux à cette recommandation.

I. Définitions 1. Aux fins de la présente recommandation : a. On entend par « ensemble historique ou traditionnel » tout groupement de constructions et d’espaces y compris les sites archéologiques et paléontologiques constituant un établissement humain en milieu urbain comme en milieu rural, dont la cohésion et la valeur sont reconnues du point de vue archéologique, architectural, historique, préhistorique, esthétique ou socioculturel. Parmi ces « ensembles » qui sont d’une très grande variété, on peut distinguer notamment les sites préhistoriques, les villes historiques, les quartiers urbains anciens, les villages et hameaux ainsi que les ensembles monumentaux homogènes, étant entendu que ces derniers devront le plus souvent être conservés dans leur intégrité. b. On entend par « environnement » des ensembles historiques ou traditionnels, le cadre naturel ou construit qui affecte la perception statique ou dynamique de ces ensembles ou qui leur est rattaché de façon immédiate ou par des liens sociaux, économiques ou

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culturels. c. On entend par « sauvegarde » l’identification, la protection, la conservation, la restauration, la réhabilitation, l’entretien et la revitalisation des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement.

II. Principes généraux 2. Les ensembles historiques ou traditionnels et leur environnement devraient être considérés comme constituant un patrimoine universel irremplaçable. Leur sauvegarde et leur intégration dans la vie collective de notre époque devraient être un devoir pour les gouvernements et pour les citoyens des États sur le territoire desquels ils sont situés.

Devraient en être responsables dans l’intérêt de tous les citoyens et de la communauté internationale, les autorités nationales, régionales ou locales, selon les conditions propres à chaque État membre en ce qui concerne la distribution des pouvoirs.

3. Chaque ensemble historique ou traditionnel et son environnement devraient être considérés dans leur globalité comme un tout cohérent dont l’équilibre et le caractère spécifique dépendent de la synthèse des éléments qui le composent et qui comprennent les activités humaines autant que les bâtiments, la structure spatiale et les zones d’environnement. Ainsi tous les éléments valables, y compris les activités humaines même les plus modestes, ont, par rapport à l’ensemble, une signification qu’il importe de respecter.

4. Les ensembles historiques ou traditionnels et leur environnement devraient être activement protégés contre toutes détériorations, en particulier contre celles qui résultent d’un usage inapproprié, d’adjonctions parasites et de transformations abusives ou dépourvues de sensibilité qui porteront atteinte à son authenticité ainsi que celles dues à toutes formes de pollution. Les travaux de restauration qui seront entrepris devraient reposer sur des bases scientifiques. De même, une grande attention devrait être accordée à l’harmonie et à l’émotion esthétique résultant de l’enchaînement ou des contrastes des différents éléments composant les ensembles et qui donnent à chacun d’eux son ambiance particulière.

5. Dans les conditions de l’urbanisation moderne, qui entraîne un accroissement considérable de l’échelle et de la densité des constructions, le risque de destruction directe des ensembles historiques ou traditionnels se double du risque, bien réel, d’une défiguration indirecte du voisinage ou dans la perspective de quartiers nouveaux. Les architectes et les urbanistes devraient veiller au respect des vues sur ou depuis les monuments et les ensembles, et à ce que les ensembles historiques ou traditionnels soient intégrés harmonieusement dans la vie contemporaine.

6. A une époque où l’universalité des techniques de construction et des formes architecturales risque de provoquer une uniformisation des établissements humains, la préservation des ensembles historiques ou traditionnels peut contribuer à l’approfondissement des valeurs culturelles et sociales propres à chaque nation, et favoriser l’enrichissement du patrimoine culturel mondial sur le plan architectural.

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III. Politique nationale, régionale et locale 7. Dans chaque État membre, une politique nationale, régionale et locale devrait être formulée dans les conditions propres à chacun d’entre eux en matière de distribution des pouvoirs afin que les mesures juridiques, techniques, économiques et sociales soient prises par les autorités nationales, régionales ou locales en vue de sauvegarder les ensembles historiques ou traditionnels et leur environnement et de les adapter aux exigences de la vie contemporaine. Cette politique devrait influencer la planification nationale, régionale ou locale et orienter la planification urbaine et rurale ainsi que l’aménagement du territoire à tous les niveaux. Les actions qui en découlent devraient être intégrées à cette planification dans la formulation des objectifs et des programmes, dans la distribution des fonctions et dans le déroulement des opérations. Le concours des individus et des associations privées devrait être recherché pour la mise en oeuvre de la politique de sauvegarde.

IV Mesures de sauvegarde 8. La sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement devrait être assurée conformément aux principes énoncés ci dessus et aux méthodes exposées ci-après, les mesures spécifiques étant déterminées selon les compétences législatives et constitutionnelles et l’organisation sociale et économique de chaque État.

Mesures juridiques et administratives 9. La mise en oeuvre d’une politique globale de sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement devrait se fonder sur des principes valables pour l’ensemble de chaque pays. Les États membres devraient adapter les dispositions existantes ou, le cas échéant, promulguer de nouveaux textes législatifs et réglementaires afin d’assurer la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement, en tenant compte des dispositions contenues dans ce chapitre ainsi que dans les chapitres suivants. Ils devraient encourager l’adaptation ou l’adoption de dispositions sur le plan régional ou local visant à une telle sauvegarde. Il convient de revoir les lois relatives à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et au logement, de manière à coordonner et harmoniser leurs dispositions avec celles des lois concernant la sauvegarde du patrimoine architectural.

10. Les dispositions portant institution d’un régime de sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels devraient énoncer les principes généraux relatifs à l’établissement et l’adoption des plans et documents nécessaires et, en particulier Les servitudes générales applicables aux zones protégées et à leur environnement; L’indication des programmes et opérations qui devront être prévus en matière de conservation et d’équipements; Les obligations d’entretien et la désignation des responsables de cet entretien; Les domaines auxquels pourront s’appliquer les interventions d’urbanisme, de remodelage et d’aménagement rural; La désignation de l’organisme responsable dont l’autorisation est requise pour toute restauration, modification, construction nouvelle ou démolition dans le périmètre protégé; Les modalités de financement et d’exécution des programmes de sauvegarde.

11. Les plans et documents de sauvegarde devraient notamment définir Les zones et les

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éléments à protéger; Les servitudes spécifiques qui les affectent; Les normes régissant les travaux d’entretien, de restauration et de transformation; Les conditions générales d’installation des réseaux et des équipements nécessaires à la vie urbaine ou rurale; Celles de l’implantation des constructions nouvelles.

12. La législation de sauvegarde devrait être assortie en principe de dispositions préventives contre les infractions au règlement de sauvegarde et contre toute hausse spéculative des valeurs immobilières dans les zones protégées, qui risquent de compromettre une protection et une restauration conçues en fonction de l’intérêt collectif. Ces dispositions pourraient viser des mesures d’urbanisme influant sur les prix des terrains à bâtir, telles que l’établissement de plans particuliers d’aménagement, le droit de préemption accordé à un organisme public, l’expropriation dans l’intérêt de la sauvegarde ou l’intervention d’office en cas de carence des propriétaires, et instituer des sanctions effectives telles que suspension des travaux, obligation de remise en état et/ou amende appropriée.

13. Le respect des mesures de sauvegarde devrait être imposé tant aux collectivités publiques qu’aux particuliers. Toutefois, un mécanisme de recours contre les décisions illégales arbitraires ou injustes devrait être prévu.

14. Les dispositions relatives à l’implantation d’organismes publics et privés et aux travaux publics et privés devraient être adaptées à la réglementation de sauvegarde des ensembles historiques et de leur environnement.

15. En particulier les dispositions relatives aux immeubles et îlots insalubres ainsi qu’à la construction de logements sociaux devraient être conçues ou amendées de manière à s’accorder à la politique de sauvegarde et à y contribuer. Le régime des subventions éventuelles devrait être établi et modulé en conséquence, afin, notamment, de faciliter l’aménagement de logements sociaux par la réhabilitation de bâtiments anciens. Les démolitions ne devraient être autorisées que pour les bâtiments sans valeur historique ni architecturale, et les subventions auxquelles elles pourraient donner lieu devraient être strictement contrôlées. En outre, une part appropriée des fonds prévus pour la construction de logements sociaux devrait aller à la réhabilitation des bâtiments anciens.

16. Les effets des mesures de protection sur des édifices et des terrains devraient être rendus de notoriété publique et faire l’objet d’une inscription auprès d’un organisme officiellement compétent.

17. Compte tenu des conditions propres à chaque pays et de la distribution des pouvoirs au sein des diverses administrations nationales, régionales et locales les principes suivants devraient inspirer la mise en oeuvre de la sauvegarde a. Une autorité responsable devrait assurer la coordination permanente de tous les intervenants : services publics nationaux, régionaux et locaux ou groupes de particuliers; b. Les plans et documents de sauvegarde devraient être élaborés après que toutes les études scientifiques nécessaires auront été menées par des équipes pluridisciplinaires composées notamment : de spécialistes de la conservation et de la restauration y compris les historiens d’art, d’architectes et d’urbanistes, de sociologues et de planificateurs, d’éco-

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logistes et d’architectes-paysagistes, de spécialistes de la santé publique et de l’assistance sociale, et plus spécialement de tous les experts des disciplines utiles à l’aménagement des ensembles historiques et traditionnels; c. Les autorités devraient prendre l’initiative d’organiser la consultation et la participation de la population concernée; d. Les plans et documents de sauvegarde devraient être approuvés par l’organisme désigné par la loi; e. Les services publics chargés de l’application des dispositions de sauvegarde à tous les niveaux - national, régional et local - devraient être pourvus du personnel nécessaire et dotés de moyens techniques, administratifs et financiers adéquats.

Mesures techniques, économiques et sociales 18. Une liste des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement à sauvegarder devrait être établie au niveau national, régional ou local. Cette liste devrait indiquer des priorités pour permettre une allocation judicieuse des ressources limitées disponibles aux fins de sauvegarde. Les mesures de toute nature qui s’imposent de façon urgente devraient être prises sans attendre l’établissement des plans et documents de sauvegarde.

19. Une analyse de l’ensemble tout entier, y compris de son évolution spatiale, intégrant les données archéologiques, historiques, architecturales, techniques et économiques devrait être faite. Un document analytique aboutissant à déterminer les immeubles ou les groupes d’immeubles à protéger rigoureusement, à conserver sous certaines conditions ou dans des circonstances tout à fait exceptionnelles et rigoureusement documentées, à détruire, devrait être dressé, ce qui permettrait aux autorités de bloquer tous les travaux incompatibles avec ce document. En outre, un inventaire des espaces publics et privés ainsi que de leur végétation devrait être établi aux mêmes fins.

20. En plus de cette enquête architecturale, une connaissance approfondie des données et structures sociales, économiques, culturelles et techniques, ainsi que du contexte urbain ou régional plus large est nécessaire. Des études devraient si possible, analyser la population, les activités économiques, sociales et culturelles, les modes de vie et les rapports sociaux, les problèmes fonciers, l’équipement urbain, l’état de la voirie, les réseaux de communication, les interrelations avec la zone environnante. Les autorités concernées devraient attacher la plus haute importance à ces études et considérer que l’établissement de plans de sauvegarde valables ne saurait être conçu sans elles.

21. Préalablement à l’établissement des plans de sauvegarde et après l’analyse décrite ci-dessus il conviendrait en principe d’établir une programmation qui tienne compte à la fois du respect des données urbanistiques, architecturales, économiques et sociales, et de la capacité du tissu urbain et rural à accueillir des fonctions compatibles avec sa spécificité. La programmation devrait viser à l’adaptation des densités et prévoir la réalisation échelonnée des opérations ainsi que des logements de transit nécessaires pendant la durée des travaux, et des locaux pour le relogement permanent de ceux des habitants

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qui ne peuvent retourner à leurs habitations antérieures. Cette programmation devrait être établie en associant au maximum à son élaboration les collectivités et-les populations concernées. Le contexte social, économique et physique des ensembles historiques et de leur environnement étant en évolution constante, les études et enquêtes devraient être mises à jour régulièrement. Il serait par conséquent essentiel que la préparation des plans de sauvegarde et leur mise en oeuvre soient entreprises sur la base des études disponibles plutôt que d’être retardées pendant que l’on cherche à améliorer le processus de planification.

22. Une fois les plans et règlements de sauvegarde établis et approuvés par l’autorité publique compétente, il serait souhaitable que leur exécution soit assurée par leurs auteurs ou sous leur responsabilité.

23. Dans les ensembles historiques ou traditionnels ou certains éléments appartiennent à des périodes historiques différentes, la préservation devrait se faire en prenant en considération les manifestations de toutes ces périodes.

24. Lorsqu’il existe des plans de sauvegarde, les programmes d’assainissement urbain ou de curetage consistant dans la démolition d’immeubles dépourvus d’intérêt architectural ou historique et trop délabrés pour être conservés, la suppression des adjonctions et surélévations sans valeur et parfois même la démolition d’édifices récents qui rompent l’unité de la zone ne pourraient être autorisés qu’en conformité avec le plan de sauvegarde.

25. Les opérations d’assainissement urbain ou de curetage applicables aux zones quine sont pas couvertes par des plans de sauvegarde devraient respecter les bâtiments et autres éléments ayant une valeur architecturale ou historique, ainsi que les éléments qui les accompagnent. Si ces éléments risquent de pâtir de ces opérations, des plans de sauvegarde devraient être nécessairement et préalablement élaborés.

26. Une surveillance soutenue est nécessaire pour éviter que ces opérations ne servent à la spéculation ou à d’autres fins contraires aux objectifs du plan.

27. Les normes générales de sécurité en ce qui concerne les incendies et les catastrophes naturelles devraient être observées dans toute opération d’assainissement urbain ou de curetage portant sur un ensemble historique ou traditionnel à condition que cela soit compatible avec les critères de la préservation du patrimoine culturel. Dans le cas contraire, des solutions particulières devraient être recherchées en collaboration avec tous les services concernés afin d’assurer le maximum de sécurité tout en ne portant pas atteinte au patrimoine culturel.

28. Un soin particulier devrait être apporté à la réglementation et au contrôle des constructions nouvelles pour assurer que leur architecture s’insère harmonieusement dans les structures spatiales et dans l’ambiance des ensembles historiques. A cette fin, une analyse du contexte urbain devrait précéder toute construction nouvelle non seulement pour définir le caractère général de l’ensemble, mais aussi pour en analyser les dominantes : harmonie des hauteurs, couleurs, matériaux et formes, constantes dans l’agencement des façades et des toitures, rapports des volumes bâtis et des espaces ainsi que leurs proportions moyennes et l’implantation des édifices. Une attention particulière devrait être ac-

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cordée à la dimension des parcelles, tout remaniement risquant d’avoir un effet de masse nuisible à l’ordonnance de l’ensemble.

29. L’isolement d’un monument parla suppression de son voisinage ne devrait pas être autorisé; de même, son déplacement ne devrait être envisagé qu’exceptionnellement pour des raisons impérieuses.

30. Les ensembles historiques ou’ traditionnels et leur environnement devraient être protégés contre les effets négatifs de l’apposition de supports, de câbles électriques ou téléphoniques, de l’installation d’antennes de télévision et de grands panneaux publicitaires.

Lorsqu’ils sont déjà en place, des mesures appropriées doivent être prises pour les faire enlever. L’affichage, la publicité lumineuse ou non, les enseignes commerciales, la signalisation routière, le mobilier urbain et les revêtements de sol devraient être étudiés avec le plus grand soin et contrôlés pour être intégrés harmonieusement. Un effort particulier devrait être fait pour éviter toute forme de vandalisme.

31. Les États membres et les collectivités concernées devraient protéger les ensembles historiques ou traditionnels et leur environnement contre les nuisances de plus en plus graves causées par certains développements technologiques, telles que toutes les formes de pollution, en interdisant l’implantation d’industries nocives dans leur proximité et en prenant des mesures préventives contre les bruits, secousses et vibrations des machines et des moyens de transport. Des mesures devraient être en outre prévues contre les détériorations provenant de la surexploitation touristique.

32. Étant donné le conflit existant, dans la plupart des ensembles historiques ou traditionnels, entre la circulation automobile d’une part, l’échelle du tissu urbain et les qualités architecturales, d’autre part, les États membres devraient inciter et aider les autorités locales à chercher des solutions à ce problème. Pour y parvenir et pour favoriser la circulation piétonne, il conviendrait d’étudier avec le plus grand soin l’emplacement et l’accès des parcs de stationnement périphériques et même centraux, et d’établir des grilles de transport qui facilitent en même temps la circulation piétonne, la desserte et les transports publics. De nombreuses opérations de réhabilitation, telles que la pose souterraine de réseaux électriques et autres, qui seraient trop coûteuses à mener séparément, pourraient être alors coordonnées facilement et économiquement avec l’aménagement de la voirie.

33. La protection et la restauration devraient être accompagnées d’une action de réanimation. Il serait par conséquent essentiel de maintenir des fonctions existantes appropriées, notamment le commerce et l’artisanat, et d’en créer de nouvelles, qui, pour être viables à longue échéance, devraient être compatibles avec le contexte économique et social, urbain, régional ou national dans lequel elles s’insèrent. Le coût des opérations de sauvegarde devrait être évalué non seulement en fonction de la valeur culturelle des constructions, mais également de leur valeur par l’usage qui peut en être fait. Les problèmes sociaux de la sauvegarde ne peuvent être posés correctement que par une référence à ces deux échelles de valeur. Ces fonctions devraient convenir aux besoins sociaux, culturels et économiques des habitants sans nuire au caractère spécifique de l’ensemble concerné. Une politique d’animation culturelle devrait faire des ensembles historiques des pôles d’activités culturelles et leur donner un rôle essentiel dans le développement culturel des communautés qui les entourent.

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34. En milieu rural tous les travaux entraînant une dégradation du paysage et tous les changements dans les structures économiques et sociales devraient être soigneusement contrôlés, afin de préserver l’intégrité des communautés rurales historiques dans leur cadre naturel.

35. L’action de sauvegarde devrait associer la contribution de l’autorité publique à celle des propriétaires particuliers ou collectifs et des habitants et usagers isolés ou groupés, dont les initiatives devraient être encouragées. Une coopération constante devrait donc être établie à tous les niveaux entre les collectivités et les particuliers notamment par les méthodes suivantes : informations adaptées aux types de personnes concernées; enquêtes adaptées aux personnes interrogées; création de groupements consultatifs comprenant des représentants des propriétaires, des habitants et des usagers auprès des organismes de décision, de planification, de gestion et d’animation des opérations liées aux plans de sauvegarde ou création d’organismes d’économie mixte participant à la mise en oeuvre.

36. La constitution de groupements bénévoles de sauvegarde, d’associations à but non lucratif et l’institution de récompenses honorifiques ou pécuniaires pour que soient reconnues les réalisations exemplaires en matière de restauration et de mise en valeur, devraient être encouragées.

37. Les investissements publics prévus par lés plans de sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement devraient être garantis par l’inscription de crédits adéquats dans les budgets des autorités centrales, régionales et locales. L’ensemble de ces crédits devrait être géré de manière centralisée par le ou les organismes de droit public, privé ou mixte chargés de coordonner aux niveaux national, régional ou local toutes les formes d’aide financière et de les orienter vers une mise en oeuvre globale.

38. Les aides publiques, sous toutes les formes décrites dans les paragraphes suivants, devraient partir du principe que les collectivités interviendraient là où c’est nécessaire et approprié en tenant compte du « surcoût » de la restauration, c’est-à-dire du coût supplémentaire imposé au propriétaire comparé à la nouvelle valeur vénale ou locative du bâtiment.

39. En général, ce genre d’investissements publics devrait servir à conserver d’abord l’environnement bâti existant, en particulier l’habitat social, et n’être engagé pour de nouvelles constructions que dans la mesure où celles-ci ne menacent pas l’utilisation et les fonctions des bâtiments existants.

40. Dés dons, subventions ou des prêts accordés à des conditions favorables ou des avantages fiscaux devraient être consentis aux propriétaires privés et aux usagers qui procèdent aux travaux prévus par les plans de sauvegarde conformément aux normes de ces plans.

Ces dons, subventions; prêts ou avantages fiscaux, pourraient être accordés par priorité à des groupements de propriétaires ou d’usagers de logements et de locaux commerciaux, les opérations groupées étant économiquement plus avantageuses que les actions individuelles. Les avantages financiers consentis aux propriétaires privés et aux usagers devraient éventuellement être subordonnés au respect de certaines conditions imposées dans l’intérêt du public, telles que parfait entretien des immeubles, possibilités de visite

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des immeubles, accès aux parcs, jardins ou sites, prises de vues, etc.

41. Des dotations spéciales devraient être prévues dans les budgets des organismes publics ou privés pour la protection des ensembles historiques ou traditionnels mis en péril par de grands travaux publics ou privés et par des pollutions. Les collectivités publiques devraient également prévoir des dotations spéciales pour la réparation des dommages causés par des désastres naturels.

42. De plus, les services ou administrations qui agissent dans le domaine de la construction publique devraient agencer leurs programmes et budgets de façon à contribuer à la réhabilitation d’ensembles historiques ou traditionnels en finançant des travaux conformes à la fois à leurs propres objectifs et à ceux du plan de sauvegarde.

43. Pour accroître les moyens financiers à leur disposition, les États membres devraient encourager l’institution d’établissements financiers publics ou privés pour la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement dotés de la personnalité morale et pouvant recevoir des dons de particuliers, de fondations et d’entreprises industrielles et commerciales. Des régimes fiscaux privilégiés pourraient être consentis aux donateurs.

44. Le financement des travaux, quelle que soit leur nature, accomplis pour la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement, pourrait être facilité par l’institution d’un organisme de prêts bénéficiant de l’aide d’institutions publiques et d’établissements de crédits privés, chargés de consentir des prêts aux propriétaires à des taux réduits assortis de délais de remboursement étendus.

45. Les États membres et les autorités concernées à tous les niveaux pourraient faciliter l’établissement d’associations sans but lucratif se chargeant d’acquérir et, éventuellement après restauration, de vendre les immeubles en employant des fonds de roulement spécialement destinés à maintenir dans les ensembles historiques ou traditionnels des propriétaires désireux de les sauvegarder et d’en préserver le caractère.

46. Il est essentiel d’éviter que les mesures de sauvegarde entraînent une rupture du tissu social. Pour éviter dans les immeubles ou les ensembles à restaurer les mutations de populations au détriment des habitants les moins favorisés, des indemnités compensatrices de hausse de loyer pourraient permettre aux occupants de conserver leurs logements et leurs locaux commerciaux et artisanaux ainsi que leurs modes de vie et occupations traditionnels, tels que l’artisanat rural, les petites exploitations agricoles, la pêche, etc. Ces indemnités, déterminées en fonction des revenus, aideraient les intéressés à faire face à l’augmentation des charges que motivent les travaux accomplis.

V. Recherche, enseignement et information 47. Afin d’améliorer les compétences techniques et artisanales nécessaires et d’encourager une prise de conscience et la participation de toute la population à l’effort de sauvegarde, les mesures ci-après devraient être prises par les États membres conformément à leur compétence législative et constitutionnelle.

48. Les États membres et les collectivités concernées devraient encourager les recherches

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sur L’urbanisme des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement; Les rapports entre la sauvegarde, la planification et l’aménagement du territoire; Les méthodes de conservation appliquées aux ensembles; L’altération des matériaux; L’application de techniques modernes aux travaux de conservation; Les techniques artisanales indispensables.

49. Un enseignement spécifique traitant des questions précitées devrait être instauré ou développé et devrait comprendre des stages pratiques. En outre, il est essentiel d’encourager la formation de techniciens et d’artisans spécialisés dans la sauvegarde des ensembles, y compris des espaces verts, qui les entourent. Le développement de l’artisanat, menacé par le processus d’industrialisation, devrait être encouragé. Il serait souhaitable que les institutions concernées coopèrent à cet égard avec les organismes internationaux spécialisés en la matière, tels que le Centre pour la conservation et la restauration des biens culturels à Rome, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et le Conseil international des musées (ICOM).

50. La formation du personnel administratif chargé des opérations locales de sauvegarde des secteurs historiques devrait, là où c’est approprié et nécessaire, être financée et dirigée parles autorités appropriées suivant un programme à long terme.

51. La prise de conscience des nécessités de la sauvegarde devrait être encouragée par l’éducation scolaire, postscolaire et universitaire et par le recours aux moyens d’information tels que les livres, la presse, la télévision, la radio et le cinéma et les expositions itinérantes.

Les avantages non seulement esthétiques et culturels mais aussi sociaux et économiques que peut présenter une politique bien menée de sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et de leur environnement, devraient faire l’objet d’une information claire et complète. Cette information devrait être diffusée largement auprès des organismes publics ou privés, nationaux, régionaux et locaux et parmi la population qui doit savoir pourquoi et comment son cadre `de vie peut être amélioré par des efforts ainsi entrepris.

52. L’étude des ensembles historiques devrait être incluse dans l’enseignement à tous les degrés et, en particulier, dans l’enseignement de l’histoire, afin d’enraciner dans les jeunes esprits la compréhension et le respect des oeuvres du passé et de montrer le rôle de ce patrimoine dans la vie contemporaine. Un tel enseignement devrait utiliser largement les moyens audiovisuels et les visites d’ensembles historiques ou traditionnels.

53. Le recyclage des enseignants et des guides et la formation de moniteurs devraient être facilités afin d’aider les groupes de jeunes et d’adultes désireux de s’initier à la connaissance des ensembles historiques ou traditionnels.

VI. Coopération internationale 54. Les États membres devraient collaborer dans le domaine de la sauvegarde des ensembles historiques ou. traditionnels et de leur environnement en ayant recours, s’ils le jugent souhaitable, à l’aide d’organisations internationales, intergouvernementales et non, gouvernementales, notamment en utilisant le Centre de documentation Unesco/ICOM/ICOMOS. Cette coopération multilatérale ou bilatérale devrait être ju-

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dicieusement coordonnée et se concrétiser par des mesures telles que les suivantes : a. Échange d’informations de tous genres et de publications scientifiques et techniques; b. Organisation de stages d’études et de groupes de travail sur des sujets déterminés; c. Octroi de bourses d’études et de voyages, et envoi du personnel scientifique, technique et administratif et du matériel; d. Lutte contre les pollutions de tous genres; e. Mise en oeuvre de grands projets de sauvegarde d’ensembles historiques et diffusion de l’expérience acquise. Dans les régions situées de part et d’autre d’une frontière et où se posent des problèmes communs d’aménagement et de sauvegarde des ensembles historiques et de leur environnement, les États membres concernés devraient coordonner leurs politiques et leurs actions afin d’assurer le meilleur usage et la meilleure protection de ce patrimoine; f. Assistance mutuelle entre pays voisins pour la préservation d’ensembles de zones d’intérêt commun caractéristiques du développement historique et culturel des régions.

55. Conformément à l’esprit et aux principes de la présente recommandation, un État membre ne devrait prendre aucune mesure tendant à démolir ou changer le caractère des quartiers, villes et sites historiques situés dans des territoires occupés par cet État.

Le texte qui précède est le texte authentique de la Recommandation dûment adoptée par la Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture à sa dix-neuvième session, qui s’est tenue à Nairobi et qui a été déclarée close le trentième jour de novembre 1976.

EN FOI DE QUOI ont apposé leurs signatures, Le Président de la Conférence générale Le Directeur général

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e. Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques, Charte de Washington – 1987282 Adoptée par L’Assemblée Générale d’ICOMOS à Washington D.C., octobre 1987 PREAMBULE ET DEFINITIONS Résultant d’un développement plus ou moins spontané ou d’un projet délibéré, toutes les villes du monde sont les expressions matérielles de la diversité des sociétés à travers l’histoire et sont de ce fait toutes historiques.

La présente charte concerne plus précisément les villes grandes ou petites et les centres ou quartiers historiques, avec leur environnement naturel ou bâti, qui, outre leur qualité de document historique, expriment les valeurs propres aux civilisations urbaines traditionnelles. Or, celles-ci sont menacées de dégradation, de déstructuration voire de destruction, sous l’effet d’un mode d’urbanisation né à l’ère industrielle et qui atteint aujourd’hui universellement toutes les sociétés.

Face à cette situation souvent dramatique qui provoque des pertes irréversibles de caractère culturel et social et même économique, le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) a estimé nécessaire de rédiger une «Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques».

Complétant la «Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites» (Venise, 1964), ce nouveau texte définit les principes et les objectifs, les méthodes et les instruments de l’action propre à sauvegarder la qualité des villes historiques, à favoriser l’harmonie de la vie individuelle et sociale et à perpétuer l’ensemble des biens, même modestes, qui constituent la mémoire de l’humanité.

Comme dans le texte de la Recommandation de l’UNESCO «concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine» (Varsovie-Nairobi, 1976), ainsi que dans différents autres instruments internationaux, on entend ici par «sauvegarde des villes historiques» les mesures nécessaires à leur protection, à leur conservation et à leur restauration ainsi qu’à leur développement cohérent et à leur adaptation harmonieuse à la vie contemporaine.

PRINCIPES ET OBJECTIFS La sauvegarde des villes et quartiers historiques doit, pour être efficace, faire partie intégrante d’une politique cohérente de développement économique et social et être prise en compte dans les plans d’aménagement et d’urbanisme à tous les niveaux.

Les valeurs à préserver sont le caractère historique de la ville et l’ensemble des éléments matériels et spirituels qui en exprime l’image, en particulier: la forme urbaine définie par la trame et le parcellaire, les relations entre les divers espaces urbains: espaces bâtis, espaces libres, espaces plantés, 282. ICOMOS, Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques, Washington, 1987.

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la forme et l’aspect des édifices (intérieur et extérieur), tels qu’ils sont définis par leur structure, volume, style, échelle, matériaux, couleur et décoration, les relations de la ville avec son environnement naturel ou créé par l’homme, les vocations diverses de la ville acquises au cours de son histoire.

Toute atteinte à ces valeurs compromettrait l’authenticité de la ville historique.

La participation et l’implication des habitants de toute la ville sont indispensables au succès de la sauvegarde. Elles doivent donc être recherchées en toutes circonstances et favorisées par la nécessaire prise de conscience de toutes les générations. Il ne faut jamais oublier que la sauvegarde des villes et quartiers historiques concerne en premier leurs habitants.

Les interventions sur un quartier ou une ville historique doivent être menées avec prudence, méthode et rigueur, en évitant tout dogmatisme, mais en tenant compte des problèmes spécifiques à chaque cas particulier.

METHODES ET INSTRUMENTS La planification de la sauvegarde des villes et quartiers historiques doit être précédée d’études pluridisciplinaires. Le plan de sauvegarde doit comprendre une analyse des données, notamment archéologiques, historiques, architecturales, techniques, sociologiques et économiques et doit définir les principales orientations et les modalités des actions à entreprendre au plan juridique, administratif et financier. Le plan de sauvegarde devra s’attacher à définir une articulation harmonieuse des quartiers historiques dans l’ensemble de la ville. Le plan de sauvegarde doit déterminer les bâtiments ou groupes de bâtiments à protéger particulièrement, à conserver dans certaines conditions et, dans des circonstances exceptionnelles à détruire. L’état des lieux avant toute intervention sera rigoureusement documenté. Le plan devrait bénéficier de l’adhésion des habitants.

Dans l’attente de l’adoption d’un plan de sauvegarde les actions nécessaires à la conservation doivent être prises, comme bien entendu pour la suite, dans le respect des principes et méthodes de la présente Charte et de la Charte de Venise.

La conservation des villes et des quartiers historiques implique un entretien permanent du bâti.

Les fonctions nouvelles et les réseaux d’infrastructure exigés par la vie contemporaine doivent être adaptés aux spécificités des villes historiques.

L’amélioration de l’habitat doit constituer un des objectifs fondamentaux de la sauvegarde.

Au cas où il serait nécessaire d’effectuer des transformations d’immeubles ou d’en construire des nouveaux, toute adjonction devra respecter l’organisation spatiale existante, notamment son parcellaire et son échelle, ainsi que l’imposent la qualité et la valeur d’ensemble des constructions existantes. L’introduction d’éléments de caractère contem-

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porain, sous réserve de ne pas nuire à l’harmonie de l’ensemble, peut contribuer à son enrichissement.

Il importe de concourir à une meilleure connaissance du passé des villes historiques en favorisant les recherches de l’archéologie urbaine et la présentation appropriée de ses découvertes sans nuire à l’organisation générale du tissu urbain.

La circulation des véhicules doit être strictement réglementée à l’intérieur des villes ou des quartiers historiques; les aires de stationnement devront être aménagées de manière à ne pas dégrader leur aspect ni celui de leur environnement.

Les grands réseaux routiers, prévus dans le cadre de l’aménagement du territoire, ne doivent pas pénétrer dans les villes historiques mais seulement faciliter le trafic à l’approche de ces villes et en permettre un accès facile.

Des mesures préventives contre les catastrophes naturelles et contre toutes les nuisances (notamment les pollutions et les vibrations) doivent être prises en faveur des villes historiques, tout aussi bien pour assurer la sauvegarde de leur patrimoine que la sécurité et le bien-être de leurs habitants. Les moyens mis en œuvre pour prévenir ou réparer les effets de toutes calamités doivent être adaptés au caractère spécifique des biens à sauvegarder.

En vue d’assurer la participation et l’implication des habitants, une information générale commençant dès l’âge scolaire doit être mise en œuvre. L’action des associations de sauvegarde doit être favorisée et des mesures financières de nature à faciliter la conservation et la restauration du bâti doivent être prises.

La sauvegarde exige que soit organisée une formation spécialisée à l’intention de toutes les professions concernées.

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f. Charte des écomusées -1981283 Instruction du 4 mars 1981 du ministre de la Culture et de la Communication Idée lancée par Georges Henri RIVIÈRE au début des années 50, expérimentée à partir de 1968 dans les parcs naturels régionaux, en 1971 au Creusot, l’écomusée est devenu depuis lors un phénomène culturel d’ampleur nationale.

Il répond sans aucun doute au désir de plus en plus vif des français de s’approprier pleinement leur patrimoine ethnographique et de rechercher ainsi le sens profond du territoire sur lequel ils vivent, dans toutes ses dimensions spatiales et temporelles.

Laboratoire, école, conservatoire, l’écomusée englobe et dépasse le concept classique de musée : la diversité de ses missions donne à cette institution une vocation pluridisciplinaire et suppose une organisation interne particulière pour assurer la participation de tous les intervenants, scientifiques, gestionnaires, populations.

Cette spécificité ne pourra s’exprimer durablement que si parallèlement des garanties juridiques et scientifiques solides sont assurées au statut et à la conservation des collections, à la mise en œuvre des programmes de recherche, d’inventaire, d’animation.

Face aux entreprises de plus en plus nombreuses, d’intérêt très divers, face à des demandes d’aides renouvelées, le ministère de la Culture se devait donc de préciser le cadre de son intervention.

Le but de ce texte n’est pas de figer ni de s’approprier cette institution, mais de dégager les principes fondamentaux de son organisation, de son fonctionnement et de préciser les conditions dans lesquelles le ministère de la Culture pourrait apporter son aide à ces initiatives.

Jean-Philippe LECAT (diffusé par voie administrative) Définition Article I - L’écomusée est une institution culturelle assurant, d’une manière permanente, sur un territoire donné, avec la participation de la population, les fonctions de recherche, conservation, présentation, mise en valeur d’un ensemble de biens naturels et culturels, représentatifs d’un milieu et des modes de vie qui s’y succèdent.

Objectifs Article II - Les missions définies à l’article I sont réalisées par la mise en œuvre notamment des actions suivantes : -Établissement de l’inventaire du patrimoine mobilier et immobilier de l’écomusée.

-Conservation physique et présentation des collections d’objets et de documents relatifs à ce territoire.

-Organisation d’expositions, animations et autres manifestations.

-Enrichissement des collections sous forme d’achats, dons ou legs, mise en œuvre de collectes, conclusion de conventions, après avis de la direction des musées de France avec les personnes possédant une fraction de ce patrimoine.

283. FEDERATION DES ECOMUSEES, Charte des écomusées, 1981.

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-Étude, en liaison avec les services régionaux de l’Inventaire général, des éléments significatifs du patrimoine local, mobilier, immobilier, situés sur l’aire de rayonnement de l’écomusée.

-Proposition aux instances compétentes des mesures de protection nécessaires pour des biens in situ qu’il n’est pas envisagé d’acquérir.

-Définition et mise en œuvre de programmes de recherche, conduites avec l’aide des organismes d’enseignement et de recherche, si possible à l’échelon régional, dans le cadre de l’écomusée, sur les pratiques, les savoirs, l’organisation sociale des habitants.

-Formation de spécialistes (conservateurs, enseignants, chercheurs, techniciens) en coopération avec les organismes d’enseignement et de recherche.

-Conservation et communication des données de la recherche.

-Élaboration et mise en œuvre avec l’aide des établissements scolaires et universitaires d’actions de sensibilisation et de diffusion.

-Présentation pédagogique du territoire sur lequel est installé l’écomusée.

Statut de l’écomusée Article III - La maîtrise d’ouvrage d’un écomusée peut être assurée par une collectivité locale, un établissement public, un syndicat mixte, une association, une fondation.

Statut des collections Article IV - Le patrimoine naturel et culturel de l’écomusée se compose de biens mobiliers et immobiliers fongibles et immatériels. Il est aliénable et imprescriptible. Pour les bien fongibles ces caractères s’attachent à l’espèce ou la race dont ils sont représentants.

Pour les biens mobiliers qui témoignent du monde industriel, ils s’attachent à la série dont ils se présentent comme exemplaire.

Les acquisitions, l’acceptation définitive d’un don ou d’un legs par un écomusée, doivent être précédées d’un avis du ministère de la Culture après consultation du conseil artistique de la Réunion des musées nationaux.

En cas de fermeture définitive de l’écomusée ou de dissolution de l’organisme propriétaire, ses biens sont attribués, après avis de la direction des musées de France, à un organisme ayant des fins, un statut analogue et situé sur le même territoire.

Fonctionnement de l’écomusée Article V - Le fonctionnement de l’écomusée est déterminé par les règles qui régissent la gestion des établissements qui en ont la charge. Toutefois, la spécificité des écomusées se traduira par la mise ne place de trois comités devant garantir la qualité scientifique de l’entreprise et assurer la participation effective de tous les intervenants. Selon la nature juridique de l’écomusée, selon son importance, le système des trois comités pourra recevoir une formalisation plus ou moins poussée.

Article VI - les trois comités évoqués ci-dessus sont les suivants : Le comité scientifique Reflet de l’interdisciplinarité propre aux écomusées, il se compose des spécialistes de disciplines fondamentales et appliquées utiles à l’action de l’écomusée, telles que l’agronomie, l’archéologie, biologie, écologie, économie, ethnologie, géologie, histoire, histoire de l’art, sociologie, etc. ; Il élabore le programme scientifique de l’écomusée, assiste le directeur de l’écomusée dans la mise en œuvre des actions arrêtées, il veille à la rigueur scientifique des propositions émanant du comité des usagers.

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Le comité des usagers Expression de la participation de la population à l’écomusée, il se compose des représentants des associations, et autres organismes qui font un usage régulier de l’écomusée et acceptent de collaborer à ses activités. Il propose un programme d’actions, procède à l’évaluation et à l’appréciation des résultats obtenus.

Le comité de gestion Il se compose de représentants des organismes qui finances l’écomusée, mettent à sa disposition des services, ont passé avec lui une convention portant concession de biens (départements ministériels, collectivités locales, secteur privé et autres organismes publics).

Sur le rapport du directeur, le comité examine le budget de l’écomusée, en contrôle l’administration et la gestion.

Article VII - Dans le cas de statut associatif le conseil d’administration est composé de représentants des trois comités ci-dessus.

Le directeur de l’écomusée Article VIII - Il dirige l’écomusée, veille à l’étude, la conservation, la mise en valeur de son patrimoine assure la préparation et l’exécution du budget. Il assiste, avec voix consultative, aux réunions des trois comités.

Il est recruté sur la liste d’aptitude aux fonctions de conservateur de musées contrôlés dans les conditions fixées par le décret du 31 août 1945.

Il est choisi par l’organisme propriétaire de l’écomusée selon les procédures prévues par le statut de cet organisme.

Il peut être assisté d’un adjoint scientifique recruté selon les mêmes conditions.

Les autres personnels relèvent entièrement de l’écomusée et sont sous sa seule autorité.

Leur statut obéit au droit commun de l’organisme employeur.

L’intervention du ministère de la Culture Article IX - Elle est assurée conjointement par la direction des Musées de France et la direction du Patrimoine représentées localement par le directeur régional des Affaires culturelles. Elle peut prendre en particulier les formes suivantes : La direction des Musées de France assure le contrôle scientifique de la conservation et de la présentation des biens de l’écomusée, apporte son aide scientifique et financière pour la réalisation des activités muséographiques suivantes : expositions, animations, restauration, acquisitions, catalographies. Elle peut également accorder des crédits d’investissement pour les travaux de gros œuvre ou d’aménagement intérieur entrepris par l’écomusée (rénovation, réaménagement de bâtiments existants, extensions, construction). En revanche, elle ne peut apporter d’aide pour le fonctionnement courant de l’écomusée (dépenses de personnel en particulier) ; -La direction du patrimoine, sur proposition du Conseil du patrimoine ethnologique en liaison avec la direction des musées de France, apporte son concours scientifique et financier aux programmes d’actions de recherche et de sensibilisation entrepris dans le territoire de l’écomusée sur les pratiques, savoirs, organisations sociales et devenirs de ses habitants.

La direction du Patrimoine instruit les mesures de protection et conservation in situ.

Parallèlement à l’action de ces deux directions, la Mission de développement culturel peut participer au montage administratif et financier d’opérations particulières. L’aide

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de l’État en faveur des écomusées sera également mise en œuvre dans le cadre de procédures interministérielles pouvant associer d’autres départements ministériels (industrie, environnement, universités, agriculture, éducation, Datar et le fond d’intervention culturelle-FIC, etc).

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Bibliographie

Bibliographie

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Bibliographie argumentée Les principaux auteurs étudiés pour ce travail sont : Françoise Choay, André Gob et Noémie Drouguet, Nicolas Navarro, Gustavo Giovannoni, Olivier Mongin, Daniel Vander Gucht, Ilenia Maria Romano et Garzia Galli et Massimo Lensi.

Françoise Choay, historienne de la planification urbaine et architecturale, est un grand nom de l’étude du patrimoine. En effet, ses écrits philosophiques sur l’évolution du patrimoine architectural et urbain constituent une ressource importante de la littérature à ce propos. Sa manière d’analyser le fait historique à partir d’une base théorique a été fortement appréciée dans le cadre des lectures de ce mémoire. Sa manière d’écrire a sans aucun doute influencé la structure et l’écriture de ce mémoire.

André Gob et Noémie Drouguet ont été étudiés pour leurs études sur la muséologie.

N’étant pas une discipline fort étudiée à la Faculté d’architecture La Cambre Horta, leur petite «encyclopédie» ont aidé à la vulgarisation de la discipline, de manière complète et détaillée. Cette base théorique a permis un développement d’esprit critique sur cette discipline.

Nicolas Navarro est l’auteur français d’une thèse portant sur la patrimonialisation. Il a été très intéressant d’étudier la nuance qu’il porte entre la patrimonialisation, la muséification et la muséalisation. Ces deux derniers termes ne pouvant s’assimiler à une même définition car le mot «muséification» reflète les penchants négatifs de la mise au musée selon lui. Sa lecture a permis de nuancer l’apport du contexte muséal sur une ville et a permis de former un esprit critique sur le concept de la ville-musée.

Gustavo Giovannoni a écrit un livre principal étudié dans ce mémoire. Etant architecte urbaniste et ingénieur dans les années 1930-1940, il étudie le devenir des villes anciennes en Italie. Il est impressionnant de se rendre compte qu’encore aujourd’hui, toutes les conclusions tirées par cet auteur sont toujours aussi pertinentes et d’actualité. De plus, son livre présenté maintes fois dans l’écrit de ce mémoire reste encore aujourd’hui un ouvrage majeur de la littérature du devenir des villes anciennes italiennes.

Olivier Mongin est un essayiste français s’étant fort concentré sur l’évolution de l’urbain.

Il travaille sur les nécéssités de la nouvelle ville appelée urbain, issue de la 3ème urbanisation.

Le travail d’Olivier Mongin a aidé dans l’élaboration de l’histoire du futur utopique de Florence.

Daniel Vander Gucht, sociologue belge, élabore une étude critique du tourisme, remis en contexte dans une étude sociologique actuelle. Son analyse a aidé dans la formulation de l’argumentation concrète sur l’impact du tourisme à Florence.

Ilenia Maria Romano est une architecte florentine dont la thèse sur l’impact du tourisme sur le Centre Historique de Florence a permis d’accéder à des données précises sur l’organisation du tourisme florentin et italien de manière plus générale.

Garzia Galli et Massimo Lensi sont acteurs du groupe «Progetto Firenze» et ont le volonté de faire entendre la voix citoyenne lors des débats sur l’impact touristique sur leur ville. Leur écrit constitue un témoignage important dans l’écriture de ce mémoire et a permis de donner une approche plus sensible à l’explication du vécu florentin.

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Iconographie

Iconographie

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Les dessins non numérotés ou non répertoriés dans l’iconographie sont réalisés par l’auteure.

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Iconographie

Figure 1 - Illustration redessinée par l’auteure, basée sur le document du tour operator Mercurio Viaggi.

MERCURIO VIAGGI, Corridoio Vasariano, 2019, Mercurio Viaggi, https://mercurioviaggi.com/tag/italy/. Dernière consultation le 15 août 2020.

Figure 2 - Illustration redessinée par l’auteure, basée sur le document du livre «Guida della città di Firenze ornata di pianta e vedute», de Antonio Campani.

CAMPANI, Antonio, Pianta di Firenze, Guida della città di Firenze ornata di pianta e vedute, Florence, 1822.

Figure 3 - Illustration redessinée par l’auteure, basée sur le document Unesco de la brochure «Buffer Zone».

BINI, Marco, CAPITANO, Carolina, FRANCINI, Carlo, Piano strutturale, tutele, BUFFER ZONE l’area di rispetto per il sito UNESCO Centro Storico di Firenze, dida ricerche, Florence, 2015, p. 15.

Figure 4 - Illustration redessinée par l’auteure, basée sur le document Unesco de la brochure «bel_Vedere_firenze».

CAPITANO, Carolina, FRANCINI, Carlo, Unità scenica di paesaggio, bel_Vedere_firenze, Florence, 2008, pp. 40-43.

Figure 5 - llustration redessinée par l’auteure, basée sur le document Unesco de la brochure «Buffer Zone».

BINI, Marco, CAPITANO, Carolina, FRANCINI, Carlo, Spazio pubblico: rilievo dei principali punti di visuale dalla Piazza SS. Annunziata verso la scena urbana e linee guida di progetto, BUFFER ZONE l’area di rispetto per il sito UNESCO Centro Storico di Firenze, dida ricerche, Florence, 2015, p. 20.

Figure 6 - llustration redessinée par l’auteure, basée sur le document Unesco du dossier «Monitoring of the management plan of the historic centre of Florence».

UNESCO, The Sustainable Development Goals, Monitoring of the management plan of the historic centre of Florence, Florence, 2018, p. 34.

Figure 8 - CORINTO, Corinti, Pianta dimostrativa della città di Firenze al principio del sec. XI, in, CESATI, Franco, Firenze antica dall`epoca romana al medioevo nelle 100 cartoline di Corinto Corinti, Newton & Compton, Rome, 2004.

Figure 9 - CORINTO, Corinti, Firenze Antica - Via Calimara, in, CESATI, Franco, Firenze antica dall`epoca romana al medioevo nelle 100 cartoline di Corinto Corinti, Newton & Compton, Rome, 2004.

Figure 10 - Firenze foto storiche 1944, Italia 1945 Alter vista, 2017, https://italia1943. altervista.org/firenze-foto-storiche-1944/. Dernière consultation le 13 août 2020.

Figure 11 - L’alluvione di Firenze, 50 anni fa, Il Post, https://www.ilpost.it/2016/11/04/ alluvione-firenze-1966/veduta-di-piazza-s-croce-dopo-lalluvione-di-firenze-del-novembre-1966/. Dernière consultation le 13 août 2020.

Iconographie

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Figure 12 - PROGETTO FIRENZE, Firenze non è in vendita, Progetto Firenze, http://www.progettofirenze.it/. Dernière consultation le 12 août 2020.

Figure 13 - SIEBEROVA, Michaela, Piazza Santa Maria Novella, Instagram, 2020, https://www.instagram.com/p/CCNvyOyiHU6/. Dernière consultation le 14 août 2020.

Figure 14 - CASINI, Enrico, 136 doors, Santa Croce.

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Iconographie