La revue des Cahiers du football, numéro 1-2-3

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en cas d’infraction minime. On a trois fumigènes, on ferme la tribune ! Cette réponse n’est pas éducative et ne résout rien.

JUSTEMENT, CELA FAIT UN AN QUE LES RÉFÉRENTS SUPPORTERS SONT VRAIMENT OBLIGATOIRES. QUEL EST LE PREMIER BILAN ?

COMMENT FAIRE ÉVOLUER LES POSITIONS ?

NICOLAS HOURCADE. Il faut rappeler que les référents supporters sont inscrits dans la loi en France car les clubs français ne se pliaient pas aux recommandations de l’UEFA sur la désignation d’un SLO en coupe d’Europe. On est parti d’une situation où la plupart des clubs français et la LFP étaient rétifs à cette fonction. Lyon, Strasbourg ou Paris ont montré que cela marchait. Et les autres clubs se sont rendu compte qu’avec un bon référent supporters, on préparait mieux les déplacements, par exemple. Résultat, les clubs voient l’avantage et même la LFP commence à être véritablement proactive.

JAMES ROPHE. En faisant évoluer les discours, ce qui est déjà notre cas et celui des clubs. Le premier réflexe des instances, c’est la défiance. C’est vraiment ce qui ressort dans les discussions que nous pouvons avoir entre supporters. Et pour revenir à l’action des clubs, la LFP a dans l’idée de créer une commission supporters pour travailler sur ces questions. XAVIER PIERROT. Pour les membres de la commission de discipline, l’indépendance est un maître-mot. Quand vous dites que les clubs peuvent influer sur elle, ce n’est pas vrai. Sa position n’est pas du tout la même que celle de la commission de sécurité, qui travaille avec les représentants des clubs… NICOLAS HOURCADE. Effectivement, elle est indépendante. Mais à certains moments, on voit bien que l’action de la LFP suggère certaines sanctions. Et comme les clubs « font » la LFP, on peut imaginer qu’une réflexion collective pourrait être engagée sur les types de sanctions, tout en préservant l’indépendance de la commission. LE TEMPS D’UN MATCH, EST-CE QU’IL Y A UNE RELATION ENTRE LES STEWARDS ET LEADERS DES GROUPES ULTRAS ? XAVIER PIERROT. Historiquement, certains stewards connaissent les groupes de supporters et sont dans les tribunes. Cela n’empêche pas qu’ils soient quand même intransigeants sur le respect du règlement. Des référents supporters [ou supporters liaison officers – SLO] sont également présents. C’est un jeu à trois : le club est représenté par le SLO, le stadier est là pour faire son travail et le supporter pour vivre sa passion. Je trouve positif que le stadier connaisse la tribune, cela évite de réagir au quart de tour. COMMENT, ALORS, NE PAS TOMBER DANS LE COPINAGE ? XAVIER PIERROT. Il n’y en a pas car on ne détermine les sanctions qu’à l’aide de la vidéosurveillance. Le témoignage du stadier peut nous permettre de regarder les images du bon endroit si quelque chose nous a échappé, mais il ne peut que compléter le dispositif. Les sanctions ne tombent jamais seulement sur la foi d’un témoignage de stadier. JAMES ROPHE. Je pense que l’instauration du référent supporters va changer la donne. Le lien avec les supporters ne peut pas reposer seulement sur un directeur sécurité et des responsables de groupe. Avant, il était demandé à un responsable sécurité d’être aussi le premier accueillant, de faire attention à ce que tout se passe bien. Mais en cas de problème, cela lui retombait directement dessus. Le SLO est là pour faire le lien. NICOLAS HOURCADE. Ce qui compte, c’est la qualité de la relation. Fixer un cadre avec des droits et des devoirs pour chacune des parties permet d’interagir plus librement, de cadrer le dialogue et de trouver des solutions avant le moment chaud du match. Le SLO fait en sorte que certains petits problèmes ne surviennent plus le jour J car ils ont été pris en compte auparavant. Si le déplacement est bien préparé, si les supporters savent quel matériel ils vont pouvoir faire rentrer, il n’y a pas de fortes tensions à la fouille.

A-T-IL FALLU CONVAINCRE CERTAINS GROUPES DE SUPPORTERS ? NICOLAS HOURCADE. Ah oui ! Certains n’en ont pas compris l’intérêt car ils ont pris l’habitude de fonctionner à leur manière. Pour eux, il n’y a pas besoin d’un SLO car ils discutent déjà avec le président. Mais ce n’est pas parce qu’il y a un SLO qu’ils ne pourront plus parler aux dirigeants. Et ce n’est pas au président de discuter avec le club qui accueille en déplacement, de savoir quelle taille de drapeaux les supporters utilisent, à quelle heure les bus arrivent… XAVIER PIERROT. À Lyon, nous avons été à l’avant-garde car nous procédons ainsi depuis 2002. Pour autant, nous apprenons encore. Quand nous nous déplaçons à Amsterdam contre l’Ajax, en 2017, nous n’avons pas un SLO face à nous, mais cinq. En revenant, nous avons pris la décision d’en nommer un second. Car dans un club comme le nôtre, avec deux kops et douze associations aux cultures différentes, c’est entre deux et cinq SLO qu’il nous faudrait pour gérer l’ensemble des sujets. Que ce soit l’organisation d’une collecte de fonds, un pique-nique ou la conception d’un tifo… NICOLAS HOURCADE. Le SLO n’est pas là seulement pour gérer les problèmes, mais aussi pour développer le supportérisme. Les clubs allemands ont l’obligation d’avoir quatre référents supporters en Bundesliga. Face à cette obligation, certains disent : « Oui, mais ils ont 40 000 spectateurs en moyenne ». Peut-être faut-il se demander s’ils n’ont pas ces affluences parce qu’ils ont mis les moyens pour les développer. JAMES ROPHE. Le référent apporte beaucoup d’expérience sur de nombreuses problématiques, mais aussi un peu de bon sens et d’humain. J’ai vu l’importance du référent sur certains déplacements du PSG. Les supporters qui ne sont pas habitués, qui ne font pas partie d’un groupe, ont quelqu’un vers qui se tourner. J’en vois l’intérêt et ce que cela apporte aux gens. L’ANS SE MOQUE SOUVENT DES ARGUMENTS DES PRÉFECTURES POUR INTERDIRE LES DÉPLACEMENTS. COMMENT ÉVOLUER SUR CE PLAN-LÀ ? XAVIER PIERROT. Je peux poser une question à James ? J’aimerais bien qu’il se mette quelques secondes à la place du préfet qui doit décider si les Stéphanois peuvent venir à Lyon [l’interview a été réalisée avant le derby du 23 novembre]. L’année dernière, neuf cents Lyonnais avaient été autorisés à aller à Geoffroy-Guichard. Résultat, dès l’arrivée au stade, il y a eu des charges des Stéphanois et une riposte des Lyonnais. Et là, prendre des sanctions individuelles semble compliqué car les deux camps sont impliqués. Je me mets à la place du préfet du Rhône : comment prendre le risque de les faire revenir ? Moi, je suis pour qu’ils viennent et je pense que les interdire n’est probable-

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