Expo 67 à Montréal, Entre temps et contre-temps

EXPO67 À MONTRÉAL, ENTRE TEMPS ET CONTRE-TEMPS

COMMENT LE MEGA-EVENT VIENT QUESTIONNER LA FABRICATION DE LA VILLE AU XXe SIÈCLE Mémoire de fin d’étude | Catherine BARON LA SALLE Sous la direction de Géraldine TEXIER-RIDEAU EVAN | 2020-2021

EXPO67 À MONTRÉAL, ENTRE TEMPS ET CONTRE TEMPS

COMMENT LE MEGA-EVENT VIENT QUESTIONNER LA FABRICATION DE LA VILLE AU XXe SIÈCLE Mémoire de fin d’étude | Catherine BARON LA SALLE Sous la direction de Géraldine TEXIER-RIDEAU EVAN | 18-01-2021

PRÉAMBULE

REMERCIEMENTS Je souhaite avant tout remercier : Mme Géraldine Texier-Rideau, Architecte DPLG, Doctorante en histoire de l’architecture de la ville et professeure encadrante de ce mémoire Pour l’encadrement M. André Lortie, Architecte et commissaire de l’exposition Les années 60: Montréal voit grand Pour les mots échangés Mme France Vanlaethem, Architecte et professeure de l'école de Design de l’UQAM Pour les éclaircissements M. Mickaël DumasDelage, Pour son aide et son support tout au long du processus M. Sylvain La Salle, Pour ses souvenirs partagés Mlle Jeanne Bernier, Pour son aide sur le visuel Ma famille, Pour les encouragements L’atelier de mémoire, Pour son soutiens

PRÉAMBULE

SOMMAIRE

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Introduction : LA NOTION D’ÉVÉNEMENT Le mega-event Archigram et le concept d’Instant City Projet Exposition universelle Paris 2025 Montréal comme cas d’étude L’impact de l’événement sur le territoire

Portrait des temporalités : 25 1. L’ÉVÉNEMENT | 185 jours

Expérience de l’évènement Expo 67 du

27 avril 1967 au 29 octobre 1967 32 2. LES ANNÉES 60 | 5 ans

La période d’effervescence des années 60 de la construction de la

Place Ville-Marie en 1962 au lendemain de l’Expo 67 en 1967 38

3. LE TEMPS LONG | 100 ans Le temps plus long de 1930 à 2030 qui retrace dans son entièreté l’évolution de ce projet urbain dont a émergé le centre-ville

Chapitres : 45 HYPERVILLE 46 Le Campus MIL, vers la ville durable 48 Montréal, reflet des utopies modernes Le concept du cœur de ville

Le concept de réidentification

Un noyau urbain en plusieurs couches 56 Montréal ville internationale, une nouvelle identité Le style international à Montréal

L’évolution d’un style

Expo67, point d’orgue du modernisme à Montréal 64 Montréal, La ville et son double Mégacité

Composition impensée de la ville pragmatique

Composition d’ensemble de la ville éphémère

73 HYPERCENTRALITÉ 74 Projet Ste-Catherine, hypercentre de la métropole 76 Le Centre des affaires, une nouvelle centralité La Gare Centrale à l’origine d’un nouveau centre

La Place Ville Marie, Premier composant du centre moderne

Expo 67, catalyseur d’une nouvelle centralité 84 Le Centre urbain, une centralité plurielle Cœur de ville et polycentrisme

Du centre ancien vers un centre moderne

Consolidation du centre et étalement urbain 90 La centralité dans la ville du XXIe siècle

Densifier le cœur de ville

Un intérêt retrouvé pour le centre

Rénovation contemporaine du centre moderne 97 HYPERMOBILITÉ 98 Projet Rosemont-la-Petite-Patrie, mobilité durable et hyperproximité 100 La circulation à l’origine d’un renouvellement urbain Mutation des infrastructures de transport

La place du piéton dans le tout à l’auto des années 60

L’évolution du réseau piétonnier souterrain 108 La mobilité, sens dessus dessous

La Place Ville Marie, initiatrice d’un modèle

La Place Bonaventure, le modèle en plein essor

Expo 67, la complémentarité du réseau 116 La mobilité dans la ville du XXIe siècle Infrastructures de transport collectif structurantes

Un réseau renforcé Mobilités actives Conclusion : 122 REGARD CRITIQUE SUR L’ÉVÉNEMENT

Le mega-event aujourd’hui

Le devenir du site d’Expo67

Quand le mega-event réinvente la ville Annexes : 126 Bibliographie et médiagraphie 128 Échange avec André Lortie 132 Table iconographique

Fig. 1 Place des Arts à l’occasion du Festival de Jazz 2015

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INTRODUCTION

LA NOTION D’ÉVÉNEMENT La ville étant depuis toujours lieu de rencontre et de rassemblements, elle devient alors une scène où se dessinent de nouveaux usages dans l’espace public. En se penchant sur les différentes temporalités de la ville, il est intéressant de s’interroger sur la façon dont un événement ponctuel peut engendrer des transformations et mutations urbaines.

L’évènement se définit par quelque chose qui arrive, qui se produit sur un temps court. Il s’allie donc au concept de l’instantanéité et de l’éphémère. Il suppose l’inattendu et vient rompre un certain déterminisme. Par nature, il comporte une dimension non programmée qui engendre l’imprévu. L’une de ces forces est de remettre en cause et de déranger l’ordre établi. Toutefois, il est aussi possible de programmer l’événement, de le prévoir et de le préparer. Dans certains cas, il n’arrive pas par hasard.

Il s’appuie sur un passé et s’exécute dans un certain contexte dans le but d’arriver à quelque chose. Dans les deux cas, il y aura toujours un élément, un facteur qui relèvera de l’imprévu et de l’inattendu, car l’événement ne peut être réellement mesuré.

S’intéresser à la ville et sa temporalité pose plusieurs questions.

En effet, l’approche spatio-temporelle de la ville de Luc Gwiazdzinski, géographe, enseignant en aménagement et urbanisme à l’Université Joseph Fourier à Grenoble et membre du MOTU à Milan, théorise ce que l’événement peut créer dans l’espace urbain. Sa dimension constitue une donnée importante de notre réflexion. Les événements rythment la ville, du marché, au festival, à l’exposition universelle, dans chacun des cas, l’événement transforme la ville pour un temps donné, d’une journée, d’une semaine, d’un mois. De l’échelle de la rue à celle de la ville, elle devient une scène recevant toutes sortes de manifestations1.

L’impact de ces événements sur le système urbain est multiple.

Ils transforment l’espace-temps en sublimant le quotidien tout en donnant l’impression d’une ville nouvelle qui reste pourtant la même. Une transfiguration de la rue et de la ville entière de laquelle on s’empare sur un temps court. Durant ce 1

GWIAZDZINSKI, Luc, « Chronotopies – L’événementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures», Bulletin de l’Association de géographes français, 2009, p. 345-357

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temps court de l’événement, la ville se réinvente. De nouveaux usages naissent dans l’espace public transformant le rythme de la ville. Un usage différencié selon la saison, les jours ou les heures où le parc devient un cinéma durant certains soirs d’été puis une patinoire pendant les longs mois d’hiver. Ils recréent un certain « vivre ensemble » et renforce le lien social qui est parfois partagé avec des gens venant d’ailleurs2. En outre, ils ont aussi été l’occasion de tester certains dispositifs de transports, d’organisation et bien plus encore. L’événement et l’éphémère ont souvent fait évoluer les villes tout en étant à l’origine de leur transformation.

LE MEGA-EVENT

Le macro-événement ou « mega-event » d’envergure internationale tels que les Expositions universelles ou les Jeux olympiques ont cette particularité d’avoir un impact réel sur l’espace urbain qui les accueillent. Un impact dont il est possible de mesurer les effets car l’événement s’inscrit dans une double temporalité. Celle de la manifestation qui transpose un moment court et intense de la vie d’une ville. Puis, celle plus longue induisant l’héritage qui le fait perdurer. L’événement malgré son instantanéité, modifie en profondeur l’image et l’organisation d’une ville 3.

Cet héritage peut aussi se spatialiser à plusieurs niveaux et dimensions : la vie de gens, le projet de territoire et enfin la métropole 4. En effet, l’événement constitue, dans la majorité des cas, les premiers pas d’un projet de forte transformation urbaine de la ville hôte et même d’un territoire plus vaste. Ces derniers sont alors perçus comme des laboratoires d’expérimentation où les enjeux sont plus vastes que l’évènement lui-même : de véritables révélateurs des tendances sociétales, technologiques et techniques, des principes d’aménagement et de construction, des modes de gouvernance, etc.5. Ils représentent des opportunités de transformation et d’évolution du territoire lorsqu’ils servent d’outils à la stratégie d’ensemble.

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3

DE LA MASSIERE, Emmanuel, NAPPI-CHOULET, Ingrid, dir. « L’héritage urbain et Immobilier

des mega-events », Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement Durable, n°6, 2018, p.19-27

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Fig. 2 Exposition universelle de 1900 à Paris

ARCHIGRAM ET LE CONCEPT D’INSTANT CITY

C’est d’ailleurs ce qu’a voulu démontrer Archigram avec le projet Instant city et la série Airship Sequence of Effect on an English Town. Archigram, un collectif d’architectes britanniques ayant été actifs entre les années 1960 et 1970. Ensemble, ils ont créé une revue d’architecture avant-gardiste du même nom qui a inspiré les travaux de six architectes: Peter Cook, Ron Herron, David Greene, Warren Chalk, Dennis Crompton, Mick Webb. Le projet Instant City (1968) s’inscrit dans la suite de Plug In City (1964). Ces deux projets ont fait l’objet d’une démarche d’aporie architectural dont Instant City marque l’aboutissement6.

Elle développe l’idée d’une ville itinérante qui s’infiltre temporairement dans une communauté superposant le temps d’un instant, de nouveaux espaces de communication à la 6

FRAC Centre-Val de Loire, Instant City, 1968-1970, Collection FRAC Centre-Val de Loire, https://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/cook-peter/instant-city-64. html?authID=44&ensembleID=113

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ville existante. Un environnement audiovisuel fait des mots et d’images projetés sur des écrans suspendus s’associe à des objets mobiles ; des ballons dirigeables avec des tentes suspendues ; des capsules et des mobile-home ainsi qu’à des objets technologiques ; grues à portique ; des raffineries et des robots.

Le tout ayant pour but de créer un espace de consommation d’informations destiné à une population en mouvement. Ce projet constitue la première étape d’un réseau d’information, d’éducation, de loisirs et d’équipement qui constitueront les secteurs périphériques entourant la métropole dans le but d’intégrer la communauté locale dans la communauté métropolitaine.

Un tel projet met en scène une ville instantanée qui s’installe sur un site, fabrique un événement puis disparaît. Reste ensuite le réseau mis en place par l’événement. Un tel projet se veut la démonstration que l’architecture peut être autre chose et bien plus qu’une simple construction ; parfois un événement, une action dans le temps présent. Elle est alors un scénario en constante réécriture par tous les habitants qui viendront l’animer. Elle témoigne d’une ville sans véritable existence qui s’apparente plutôt à un incident dans le temps et dans l’espace.

Un concept entre permanence et transition, mobile et éphémère ; le projet Instant City incarne l’utopie d’une architecture sans ancrage ni fondations. L’utopie d’une ville volante et aérienne où l’architecture est transformée en situation, en environnement réactif. L’architecture sert ici d’objet de consommation et à la création d’un environnement artificiel7.

PUISSANCE DE L’ÉVÉNEMENT

Instant City, ce projet de ville nomade peut sans doute s’associer aux villes éphémères mises en place lors de ces mega-events. La ville éphémère, lieu de l’événement, vient mettre en scène un urbanisme éphémère qui transformera l’espace urbain sur un temps défini. Ce concept viendra même remettre en question, en ce début de XXIe siècle, notre conception de la ville en tant que telle ; la ville qui s’inscrivait jusque-là dans la durée8. En effet, ces villes éphémères qui seront de véritables vitrines de la modernité et du progrès technique se développeront à partir de la seconde moitié du XIXe siècle.

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HOARAU-BEAUVAL, Christine, « Chapitre 2 : L’Héritage de la Révolution Industrielle », Urbanisme de dalle, Urbanisme Verticale, Entre utopies et réalités, Editions Le Moniteur, Pars, 2019, p.27-38

Fig. 3 Airship Sequence of Effect on an English Town, Archigram

D’un point de vue urbain, les expositions universelles, héritage de la révolution industrielle, auront constitué de réels accélérateurs de progrès en léguant à la ville moderne des dispositifs qui en font l’essence même aujourd’hui : l’électricité, le téléphone, le métro et même le cinéma. Des événements qui auront profondément et durablement transformé la ville et les modes de pensées9.

Une ville en particulier s’est emparée de ces événements pour se transformer de façon assez radicale au cours du XIXe et XXe siècle.

En effet, entre 1844 et 1937, la ville de Paris recevra à de nombreuses reprises ces expositions universelles. Durant cette période d’effervescence, la ville deviendra un terrain d’expérimentation qui mettra de l’avant la société en progrès. La ville sera marquée par ces réalisations ambitieuses parfois démesurées qui préfigureront les grandes interventions du XXe siècle10. Effectivement, l’ouest 9

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parisien et notamment, le champ de mars deviendra un véritable terrain d’expérimentation et le site de ces nombreux événements.

Par la suite, le mega-event deviendra un réel outil de transformation urbaine. Le rythme de transformation des villes étant habituellement lent, les grandes métropoles verront le mega-event comme une opportunité pour accélérer leur investissement. En effet, la tenue de tels événements permet, dans la majorité des cas, de débloquer des ressources pour le développement urbain. Des projets urbains déjà envisagés par les administrations régionales, mais qui sans l’événement, ne bénéficieraient pas du support économique des autres niveaux du pouvoir public, gouvernement fédéral, national, des organisations internationales ou du secteur privé11.

Pour de nombreuses villes, ces événements d’envergure internationale ont permis d’accélérer leurs transformations et de repenser leur avenir de manière stratégique. Ces transformations concernent évidemment le lieu de l’événement et dans certains cas le reste du territoire qu’on cherche à améliorer. Grâce à leur grande visibilité, ces manifestations permettent de penser la ville dans une autre dimension, dans une perspective différente en termes de temps, d’échelle territoriale et d’investissement.

Cette coopération entre la ville et les différentes strates du gouvernement est d’ailleurs ce qui a fait le succès de tels événements à l’origine de certaines transformations urbaines remarquables12. Un succès d’autant plus grand lorsque ces installations et ces mutations s’inscrivent durablement dans la ville ; dans un temps plus long que celui de l’événement.

Par ailleurs, la visibilité internationale offerte par ce type d’événements a permis, dans plusieurs cas, à la ville hôte de s’inscrire au rang des grandes villes du monde. À Barcelone, les JO de 1992 ayant spectacularisé la ville, ont fortement accru le tourisme, plaçant la ville dans les premiers rangs des destinations touristiques. Cette attraction a en outre entraîné l’arrivée de multiples talents, d’étudiants universitaires, d’investissements, d’entreprises, mais surtout d’une reconnaissance internationale13.

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DE LA MASSIERE, Emmanuel, NAPPI-CHOULET, Ingrid, dir. « L’héritage urbain et Immobilier des mega-events », Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement Durable, n°6, 2018, p.99-102

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Malgré son temps court, l’événement a la puissance d’engendrer de nombreuses transformations dans le but d’améliorer sa ville hôte et de répondre à certains de ses enjeux. Ils ont la particularité de venir activer les lieux dans lesquels ils prennent place. Cependant, ces profondes transformations ne sont pas sans conséquence et sont parfois créatrices d’« éléphants blancs » comme cela a été le cas dernièrement au JO de Rio en 2016. Les « éléphants blancs » désignent métaphoriquement ces structures onéreuses financées par les fonds publics qui, une fois l’événement terminé, n’ont plus d’utilité et sont même parfois laissés à l’abandon14. À Rio et même dans le reste du Brésil à la suite de la Coupe du Monde et des Jeux olympiques, les stades construits à l’occasion de ces deux événements se retrouvent aujourd’hui sans utilité ; ces installations réservées au sport d’élite ont pris place dans des villes se souciant très peu des besoins de leur population15. Le bilan de ces mega-events s’avère alors désastreux pour la ville et le pays tout entiers. De plus, ces événements de grande échelle ont souvent été des gouffres financiers dont les métropoles peinent à se sortir. Leur convocation au sein d’un projet urbain est donc aujourd’hui remise en question.

PROJET DE L’EXPOSITION UNIVERSELLE PARIS 2025

La ville de Paris, qui sera l’hôte des Jeux olympiques en 2024 avait aussi prévu de recevoir l’exposition universelle de 2025. Ce projet a vu le jour après l’Exposition universelle de Shanghaï en 2010, n’aura finalement pas lieu. Un tel projet interroge, néanmoins, le macro-événement aujourd’hui. La candidature française est née de la volonté d’une mobilisation nationale autour d’une exposition en prise avec les enjeux du XXIe siècle marquant du même coup les 125 ans de l’Exposition universelle de 1900 à Paris.

Effectivement, ces mega-events ont un rôle de sensibilisation aux enjeux et aux défis du temps présent, mais aussi de l’avenir. Ils permettent aussi d’apporter une réponse à ces défis en favorisant la coopération internationale. En ce sens, le thème de l’Expo devait être « La connaissance à partager, la planète à protéger » mettant de l’avant l’objectif de l’Exposition universelle 2025. Une telle thématique désignait d’une certaine façon la France comme figure de proue dans la lutte contre le réchauffement climatique et tous les enjeux écologiques qui y sont liés16.

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Ibid p. 107-111

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Ibid p. 63-67

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Effectivement, l’héritage de ces événements est plus que jamais une donnée importante dans l’élaboration de ces projets et de leur candidature, ce qui n’était aucunement le cas auparavant.

Le devenir de telles installations, le développement durable et la préservation de l’environnement étaient des aspects largement négligés et même totalement oubliés dans l’organisation de tels événements. Pour le projet de l’Expo Paris 2025 et pour les Jeux olympiques de 2024, la ville avait un réel souhait de tenir des événements écoresponsables en intégrant les questions environnementales dans l’essence même des projets17. Un héritage dont la considération doit être pensée à plusieurs échelles, temporelles et spatiales.

Comme énoncé plus tôt, l’héritage de ces mega-events est à la fois urbain et immatériel. Paris avait la volonté de transformer le site de l’Expo en nouvelle cité universitaire en transformant les pavillons nationaux en résidences étudiantes, en laboratoire de recherche ou pour l’accueil de « start-up ». Ce futur campus aurait pris place à Paris-Saclay, en périphérie de Paris intramuros en faisant partie intégrante de sa rénovation urbaine.

MONTRÉAL COMME CAS D’ÉTUDE

Tout comme le projet de Paris qui prévoyait de recevoir deux mega-events dans un temps très court, la ville de Montréal, dans les années 60 et 70, a aussi été l’hôte de deux événements d’envergures. Effectivement, elle a reçu l’exposition universelle en 1967 qu’on connaîs mieux sous le nom d’ « Expo67 » et les Jeux Olympiques en 1976.

Aujourd’hui, elle se présente comme la deuxième ville francophone au monde, après Paris. Elle compte près de 4 millions d’habitants dans son aire urbaine et environ 1,8 million d’habitants dans la ville intra muros. De plus, elle est la deuxième métropole canadienne après Toronto et au Québec, elle est la ville la plus importante bien qu’elle ne soit pas la capitale. Effectivement, elle concentre près de la moitié des 8.5 millions d’habitants de la province du Québec. Le centre-ville de Montréal présente d’ailleurs la plus forte densité de population de la province et l’une des plus enviables en Amérique du Nord tout en étant le moteur économique du Québec. Chaque jour, ce sont près de 100 000 résidents, plus de 300 000 travailleurs, 18

17

Ibid p. 99-102

150 000 étudiants et des milliers de visiteurs qui foulent les sols du cœur de la métropole montréalaise. Ce territoire en plein essor retrouve depuis quelques années un élan qu’il avait perdu longtemps. A ce jour, plusieurs projets tant immobiliers qu’urbains sont en train de se réaliser dans le centre-ville, marquant d’une certaine façon sa rénovation urbaine.

Par ailleurs, le centre-ville de Montréal se distingue du reste de la ville par sa morphologie particulière qui s’étend entre le fleuve Saint-Laurent et le mont Royal. Effectivement, on voit émerger une multitude de gratte-ciels à l’endroit du centreville proposant une attitude différente au reste du territoire.

Cependant, il faut savoir que cette morphologie est héritée des années 60, une décennie qui a complètement changé le visage de la ville a bien des égards. Comme énoncé plus tôt, la ville sera l’hôte de l’exposition universelle de 1967 ce qui motivera forcément la ville à se transformer profondément. Effectivement, avant l’Expo et les années 60, Montréal était vu, par le reste de la province, comme une ville malfamée où la pègre et la prostitution régnaient. De plus, tous ces changements ont pris place dans un climat de luttes linguistiques entre francophones et anglophones où Montréal était le champ de bataille principal lors de la Révolution Tranquille qui a commencé avec les années 60. Cependant, après l’Expo, tous étaient fiers d’être québécois et surtout montréalais. ça l’Expo, c’était plus que les pavillons, c’était le climat de confiance « C’était que ça a généré auprès de tout nous autres, c’était qu’on était capable ! Ça a changé notre Québec complètement. […] On m’a toujours dit, Philippe tu es né pour un petit pain, pas vrai ! 18

»

D’ailleurs, dans l’Expo 67 on voit souvent l’élément qui déclencha la modernisation de Montréal, de son cadre bâti et de ses réseaux de transport. Une intuition laissant penser que l’événement serait à l’origine de la construction du métro et de la Place des Arts et qu’il provoqua une fièvre constructive ayant favorisé la percée du modernisme à Montréal. Pourtant, cette contribution ou ce rôle reste encore aujourd’hui assez controversé. En effet, selon France Vanlaethem, architecte et professeure à l’École de design de l’UQAM, l’Expo n’aurait eu aucune incidence sur les nouveaux aménagements et cette conception nouvelle 18

Témoignage de Philippe de Gaspé Beaubien II, directeur des opérations de l’Expo67, extrait du film : Expo 67 Mission Impossible

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de l’urbanisme montréalais. Il n’aura permis que d’accélérer et de relancer des projets qui étaient déjà esquissés depuis plusieurs années. Notamment, les opérations projetées par les compagnies ferroviaires au début du siècle. Une question déjà traitée par F. Vanlaethem dans son article Architecture et urbanisme : la contribution d’Expo 67 à la modernisation de Montréal, dans lequel elle ira même jusqu’à se demander plutôt « quel fut le poids des considérations urbaines et architecturales dans la candidature de Montréal comme ville hôte de l’exposition universelle de 1967 ? ». À l’inverse, selon André Lortie, architecte français, concepteur et commissaire de l’exposition Les années 60 : Montréal voit grand, cet événement serait « le catalyseur qui précipita la solution d’aménagement du Grand Montréal »19. Il aurait favorisé un changement d’échelle et de méthode dans le contrôle du développement urbain, le passage d’un urbanisme de régularisation à un urbanisme de planification.

L’IMPACT DE L’ÉVÉNEMENT SUR LA VILLE

Ce mémoire s’interrogera donc sur ce que l’événement peut produire dans l’espace urbain. Plus précisément, la manière dont la notion d’événement réinterprète et réinterroge la composition urbaine de la ville. En prenant comme cas d’étude la ville de Montréal et l’Expo 67, cette réflexion apportera un nouveau regard sur les documents et les dires de certains acteurs s’étant 19

LORTIE, André dir., «Les acteurs», Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.52

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Fig. 5 Morphologie du centre-ville

penchés sur ces questions. Parmi ceux-là, les publications d’André Lortie, France Vanleathem, et Paul André Linteau, historien et professeur émérite de l’UQAM ayant beaucoup œuvrer à retracer l’histoire de Montréal, constitueront la base historique de ce mémoire. Un mémoire qui aura comme objectif de mesurer l’impact de l’événement sur l’agglomération montréalaise, mais surtout sur son centre urbain, en réinterrogeant l’Expo 67 au regard de la situation actuelle et des enjeux contemporains.

Observer l’avant, le pendant et l’après évènement à travers les thématiques du Montréal d’aujourd’hui : Comment le megaevent vient-il requestionné la fabrication de la du XXe siècle ?

Cette histoire de Montréal propose donc trois temporalités qui s’imbriquent les unes dans les autres. Le temps court de l’événement, ici les quelques mois durant lesquels l’exposition a eu lieu, du 27 avril 1967 au 29 octobre 1967. Puis, une deuxième période commençant avec la construction en 1962 de la Place Ville Marie, l’immeuble phare du centre-ville, jusqu’au lendemain de l’Expo en 1967. Elle illustrera l’effervescence des années 60 caractérisée par la réalisation du nouveau cœur de ville moderne.

Enfin, un temps plus long de 1930 à 2030 qui retrace dans son entièreté l’évolution de ce projet urbain duquel a émergé le centre des affaires qui continue encore d’évoluer.

Ces trois temporalités se superposeront et se chevaucheront pour raconter une autre histoire de Montréal. De plus, celles-ci feront chacune l’objet d’un portrait qui entamera cette nouvelle réflexion sur la ville de Montréal et son centre urbain. Cette nouvelle histoire nous permettra de jouer avec la chronologie des événements pour mieux comprendre comment s’est développé ce modèle urbain lié au Centre des affaires mis en lumière à l’Expo67. En se basant sur ces échelles de temps, le propos se construira autour de trois thématiques : l’hyperville, l’hypercentralité et l’hypermobilité qui rythmeront cette nouvelle façon de raconter Montréal. Le préfixe hyper est utilisé ici pour parler d’épaisseur, d’intensité de concertation, mais aussi de représentions et de projections.

L’hyperville, en se dissociant de la définition d’André Corboz qui renvoie à la ville horizontale, définit ici la ville épaisse qui s’est dessinée dans les années 60. Ce modèle urbain issu des utopies avant-gardistes fera de Montréal une ville « moderne ».

Par ailleurs, la recherche d’une certaine modernité semble toujours être au cœur des préoccupations dans le dessin des futurs aménagements de la ville. En effet, la ville de Montréal

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et l’image qu’elle veut projeter cherchent toujours à être une valeur d’exemple ou un modèle des idéologies de l’époque dans laquelle elle se trouve. Aujourd’hui, l’une des volontés de la ville est de devenir un modèle de développement durable en lien avec les enjeux contemporains. Même si les enjeux de l’époque n’étaient pas les mêmes, cette volonté de devenir un modèle de modernité est ce qui a caractérisé les transformations urbaines des années 60. En effet, cet urbanisme et ces architectures propres au Montréal de l’époque sont dans un certain sens, le reflet matériel des utopies du mouvement moderne. Montréal sera donc vue comme la ville du futur à l’occasion de l’Expo 67.

Cet imaginaire fait encore partie intégrante de l’image de la ville aujourd’hui.

L’hypercentralité concentre principalement notre regard sur le coeur de Montréal et sa place au sein de la métropole montréalaise.

S’intéresser au centre oblige préalablement à comprendre la genèse de cette centralité caractérisant encore aujourd’hui le Grand Montréal. Une centralité complètement repensée dans les années 60 avec l’émergence du nouveau centre des affaires mis à distance par rapport au Vieux-Montréal qui occupait jusque-là le rôle de centre-ville. Cette dissociation des activités qui constitue normalement l’unité spatiale d’un centre urbain vient alors réinterpréter la notion de centralité traditionnelle.

Effectivement, les noyaux urbains qui apparaîtront au fils des transformations de la ville viendront conférer une centralité plurielle au centre-ville de Montréal. Cette centralité plurielle ou ce polycentrisme sera donc à l’origine de la notion d’hypercentre de la métropole que le Projet Sainte-Catherine cherche à mettre de l’avant. Une ambition nous ramenant forcément aux années 60 et à cette volonté du maire Jean Drapeau de faire de la ville de Montréal une métropole internationale. D’ailleurs, cette attitude s’illustrera et s’incarnera dans l’ampleur dans la majorité des opérations immobilières et des infrastructures de ce nouveau centre moderne dans les années 60. Expo67 prendra donc place dans ce contexte d’effervescence constructive. Le site de l’exposition qui se voulait au plus proche du nouveau centre participera aussi à renforcer cette centralité et à la réinterroger le temps de l’événement.

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L’hypermobilité, concept incluant toute la problématique des infrastructures de transport a été une thématique forte dans l’aménagement du centre à l’époque. Elle l’est aujourd’hui

encore. Elle constitue un facteur renforçant la centralité d’une ville ou de son centre. Regarder le Montréal d’aujourd’hui conduit à la notion d’hyperproximité associée à la mobilité durable et au milieu de vie qu’on retrouve dans la stratégie d’aménagement du centre-ville pour 2030. Par ailleurs, ces réflexions sur les mobilités et leur manière d’organiser la ville ont été des éléments clefs dans l’aménagement du centre des affaires dans les années 60. Un aménagement conçu autour des différentes mobilités qu’on retrouvera aussi sur le site d’Expo 67.

Effectivement, les nouvelles infrastructures de transport qui apparaîtront dans la métropole au cours des années 60 viendront consolider l’emplacement du nouveau centre des affaires. Les compagnies ferroviaires et leur projet de Gare Centrale ont déterminé l’emplacement du nouveau noyau urbain et le futur Centre des affaires. La Place Ville Marie à l’origine de ce nouveau centre et du modèle de multi-level city, fut le résultat de ce projet datant du début de XXe siècle à l’endroit de l’édifice. Par la suite, le réseau autoroutier viendra structurer la périphérie. Tandis que le métro inauguré en 1966 viendra consolider le nouveau centre urbain. De la même façon, il structurera le développement urbain dans l’ensemble de la ville dans les années suivantes.

Encore aujourd’hui, ce réseau de transport en commun mis en place dans les années 60 est support des aménagements futurs prévu pour 2030. À travers ces trois parties, on cherchera à comprendre comme le centre urbain de Montréal et le modèle urbain qu’il a mis en place témoigne d’une manière de penser la ville au XXe siècle.

Par le biais de l’événement, on verra comment ces projections sont visibles aujourd’hui et comment la ville choisit de s’appuyer sur ce qui a été mis en place dans les années 60 pour penser la ville du XXIe siècle.

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PORTRAIT DES

TEMPORALITÉS

Fig. 5 La foule sur le site de l’Expo67

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TEMPORALITÉ

1. L’ÉVÉNEMENT | 185 jours

L’exposition universelle de Montréal s’est tenue du 27 avril au 29 octobre 1967 soit les 185 jours durant lesquels Montréal allait être le centre du monde. L’exposition se construira sous la thématique de « Terre des hommes » ; un thème qui renvoie à l’un des plus prestigieux romans d’Antoine de Saint-Exupéry publié en 1939. Effectivement, Terre des hommes prône les valeurs humanistes, l’ouverture des peuples et des individus aux différences, leur solidarité sous le symbole d’un monde moderne empreint de paix et de justice sociale. À cette époque où plusieurs conflits sévissent, ce thème à l’image des années 60 prend toute son importance. Toutefois, la thématique Terre des Hommes qui s’était voulue très vague pouvait laisser place à toutes les extrapolations20. À ce grand thème se sont ensuite greffé quelques thématiques clefs tels que : L’homme et son génie créateur, L’homme interroge l’univers, L’homme à l’œuvre, L’homme et l’agriculture, L’homme dans la cité, L’homme et la santé et enfin Habitat 67 qui ont pris la forme de pavillons thématiques21.

Le 28 avril 1967 à 9h30, l’exposition universelle de Montréal ouvre ces portes. Lors de la première journée, 407 500 visiteurs passeront les tourniquets d’entrée de la Place d’Accueil dans la cité du havre et ceux de la station de métro de l’Ile SainteHélène22. Un premier jour qui fut précédé d’une journée d’inauguration, le jour 0 du 27 avril 1967. Une journée créée dans le but de ne pas empêcher les premiers visiteurs de découvrir le site durant les discours officiels23. Ce jour-là, 7000 invités de marque envahirent le sol de la Place des Nations, lieux de grands discours et de spectacles où le gouverneur général du Canada déclara ouverte la plus grande exposition universelle jamais tenue jusque-là.

20

Canada’s History, Expo 67 : Des îles inventées [en ligne], 21 août 2017 [consulté le 11-11-2020], Youtube, https://www.youtube.com/watch?v=x-mrgnMa9j8 21

DESILET, Luc, « 8/ Terre des hommes : il était une fois un poème », Expo 67 : 50 ans, 50 souvenirs marquants et autres secrets bien gardés, Guy Saint-Jean Éditeur, Montréal, 2017, p.47-49 22

BEAUCHEMIN,Luc dir., Expo 67 au jour le jour : avril [en ligne], Archives de Montréal, 2017 [consulté le 26-10-2020], http://archivesdemontreal.com/2017/04/27/expo-67-au-jour-le-jouravril/ 23 Idem

27

L’EXPO EST OUVERTE ! titrait le journal La Presse avec sa grande photo couleur sur toute la page. […] Les deux premiers jours, le temps était splendide et j’y étais avec mes parents. L’Expo 67 était bondée de 550 000 visiteurs à sa deuxième journée ! Le monorail bleu roulait au ralenti, il y avait des spectacles devant tous les pavillons, les bateaux de la voie maritime sifflaient et les gens s’envoyaient la main24.

Durant les 6 mois de l’Expo, plus de 50 millions d’entrées furent enregistrées. Des visites effectuées par environ 20 millions de personnes ; les gens revenaient, des Montréalais pour la plupart, mais aussi des gens des autres régions, du reste du Canada et des touristes surtout américains. Le billet d’entrée prenait la forme d’un passeport que les gens s’empressaient de faire tamponner à l’entrée des pavillons.

Le parc des Îles comptait les pavillons nationaux de 62 pays en plus des pavillons commandités tels que Kodak, le Labyrinthe de l’Office National du Film ou du Téléphone et des pavillons thématiques. En tout, 90 pavillons jonchaient furent érigés sur le site de l’Expo. Tous s’étaient emparés de la thématique de l’Expo comme bon leur semblait. Effectivement, chaque pavillon traitait d’une multitude de thématiques racontant d’une façon ou d’une autre la Terre des Hommes. Les Américains, outre leur espace sur la course à la lune, avaient créé différentes ambiances sous le thème du divertissement : du cinéma, de la musique et des arts visuels. Les Russes parlaient de Science et de Technologie ; la France de littérature, de technologique, etc. ; les Jamaïquains avaient fait de leurs pavillons un grand bar où l’on pouvait goûter une multitude de cocktails à base de Rhum25. On trouvait aussi de la nourriture du monde entier qui représentait chacune des cultures qu’on retrouvait là. C’était en quelque sorte l’antichambre de plusieurs voyages : « À l’Expo, les pays se présentaient à nous à travers leur culture, leurs innovations, leur théâtre, leur gastronomie. L’immersion était totale26 ».

24

TAILLEFER, Denis, « Expo 67. Denis Taillefer. Denis au pays des îles enchantées » [en ligne], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, avril 2017 [consulté le 10-112020], https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/expo-67-denis-taillefer-denisau-pays-des-iles-enchantees-0 25

Canada’s History, Expo 67 : Des îles inventées [en ligne], 21 août 2017 [consulté le 11-11-2020], YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=x-mrgnMa9j8 26

28

MERCIER, Johanne, « L’Expo 67 de Janette Bertrand » [en ligne], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, août 2017 [consulté le 10-11-2020] https://ville. montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/lexpo-67-de-janette-bertrand

On a aussi pu assister à une sorte de festival informel du film27. En effet, plusieurs pavillons présentaient des films qui venaient révolutionner l’univers de l’audiovisuel. Dans le pavillon du Téléphone, un film était présenté sur plusieurs écrans à 360° installés sur les murs d’une pièce ronde où la foule regardait l’écran depuis le centre de la pièce. Le pavillon de la Tchécoslovaquie projetait sur un Diapolyécran en se servant de la Polyvision un film où chaque cube donnait une nouvelle dimension à l’image, c’était aussi le premier pas du cinéma interactif. Le pavillon Kaléidoscope lui proposait trois salles de projection cintrées de miroirs donnant ainsi des effets d’infinité ou de volume qui semblait dépasser la dimension du pavillon. Le Labyrinthe, pavillon de l’ONF, était le précurseur du cinéma qu’on connait aujourd’hui comme le cinéma IMAX soit des écrans multiples qui combinent différentes images ou qui offrent un panorama élargi. L’Expo67 a été d’une certaine façon les premiers pas de notre société multi-images d’aujourd’hui28.

De plus, tout au long de l’Expo on a pu assister à un défilé de célébrités qui venait découvrir l’événement ; parmi ceux-là, des représentants politiques, des personnalités connues, des stars de cinéma, des musiciens qui se produisaient en spectacles dans tout le centre-ville, etc. Les 185 jurs d’exposition ont été accompagnés par la trame sonore de Srgt Peppers des Beatles ; qui ont d’ailleurs enregistré la chanson All you need is love dans une des unités d’Habitat 67 à l’occasion du Mondovision Notre Monde-Our World29. Chaque jour, un lot de festivités animait les différents pavillons en plus de leurs activités habituelles plongeant le site dans une authentique effervescence culturelle.

Une même effervescence qu’on retrouvait aussi au niveau architectural et urbain ; l’Expo67 aura été un réel laboratoire d’expérimentation. Le parc des Îles apparaissait comme une grande composition hétéroclite où chacun des pavillons se distinguait par son architecture extravagante. D’ailleurs, plusieurs grands noms de l’architecture de l’époque ont été à 27

Canada’s History, Expo 67 : Des îles inventées [en ligne], 21 août 2017 [consulté le 11-11-2020], YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=x-mrgnMa9j8 28 Centre d’Histoire de Montréal, Roger Laroche sur ses coups de cœur à Expo 67 [en ligne], 31 mai 2017 [consulté le 11-11-2020], YouTube, https://www.youtube.com/ watch?v=qh1fmswUTrI&feature=emb_title 29

TAILLEFER, Denis, « Expo 67. Denis Taillefer. Denis au pays des îles enchantées » [en ligne], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, avril 2017 [consulté le 10-11-2020],https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/expo-67-denis-tailleferdenis-au-pays-des-iles-enchantees-0

29

l’origine de certains pavillons nationaux. On pense notamment, à Frei Otto pour le pavillon de l’Allemagne et à Richard Buckminster Fuller pour le dôme géodésique des États-Unis.

Une série de cartes postales montrant plusieurs des futurs pavillons avait été publiée. Pour le jeune étudiant en architecture que j’étais, ces projets étaient fascinants. Alors que certaines constructions étaient sculpturales, ondulées ou en forme de spirales, les bâtiments des futurs pavillons thématiques L’Homme à l’œuvre et L’Homme interroge l’univers, avec leur géométrie hexagonale, ont retenu mon attention30.

Cette expérimentation et recherche de la forme révélait sans doute une certaine compétition entre les différents pays. On pense notamment aux États-Unis et à l’URSS qui était en pleine Guerre froide et dans une course effrénée de la conquête spatiale.

Par ailleurs, les derniers jours de l’Expo furent animés par des cérémonies de clôture et les dernières festivités. Le 29 octobre 1967, un sentiment de deuil planait sur la ville. Les visiteurs, dignitaires et journalistes invités s’entassèrent sur les assises de la Place des Nations pour entendre les derniers discours.

On entendit notamment les paroles de Jean Drapeau, maire de Montréal qui fut acclamé de plusieurs ovations : « Après avoir vécu 185 jours à apprendre le monde, Montréal doit, en un seul jour, apprendre à s’en séparer 31». À 14 h, le gouverneur du Canada déclara sur un ton neutre, la fermeture de l’Expo67. Après ces quelques mots, on éteignit la flamme du monument de la Place des Nations ; on descendit le drapeau de l’Exposition de son mât. Puis, on vit passer dans le ciel les huit avions à réaction des Paladins du Centenaire. Soixante-sept coups de canon furent tirés de la pointe de l’île de la Cité du Havre annonçant la fermeture officielle des pavillons, des bars et des restaurants de l’exposition universelle de 1967. Par la suite, les gens furent dirigés vers la cité du Havre pour assister aux derniers feux d’artifice et à 16 h 40, les gens commencèrent à quitter le site du parc des îles32.

30

DAGENAIS, Dominic, « Expo 67. Bruce Allan » [en ligne], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, 27 juin 2017 [consulté le 11-11-2020], https://ville.montreal.qc.ca/ memoiresdesmontrealais/expo-67-bruce-allan 31

30

BEAUCHEMIN, Luc dir., Expo 67 au jour le jour : octobre [en ligne], Archives de Montréal, 2017 [consulté le 23 -10-2020], http://archivesdemontreal.com/2017/06/02/expo-67-au-jour-lejour-octobre/ 32 Idem

Fig. 6 Échantillonage de quelques pavillons d’Expo67 Cartes postales de la Compagnie de l’exposotion universelle

31

Fig. 7 Construction de la Place Ville Marie, 1962 32

TEMPORALITÉ

2. LES ANNÉES 60 | 5 ans

Les années 60 ont été, pour beaucoup de grandes villes occidentales, synonymes d’un « optimisme ravageur » comme l’exprime André Lortie dans sa publication Les années 60 : Montréal voit grand. Selon lui, la ville de Montréal ne semble pas avoir échappé à cette effervescence liée aux années 60.

En effet, en observant cette décennie, on s’intéresse par le fait même aux racines et à l’origine des « conditions métropolitaines contemporaines 33». En effet, les projets ayant vu le jour à cette époque imposent encore aujourd’hui leur logique urbaine. Ce deuxième temps symbolise les transformations profondes qui ont marqué la ville de Montréal dans sa quête de modernisation. À cette même période, elle sera l’hôte d’un évènement d’envergure internationale, L’Exposition universelle de 1967 qui sera d’ailleurs révélatrice de ces mutations urbaines. Les années 60 à Montréal seront donc caractérisées par la construction de nombreuses infrastructures et architectures nouvelles qui laisseront leur marque sur l’espace urbain. Elles seront d’ailleurs à l’origine d’un urbanisme s’associant aux « multi-level city » dont les fondements prennent racine dans les avant-gardes et dans le courant moderne d’après-guerre ; des architectures qui feront l’essence même de la ville.

Cette décennie viendra notamment marquer la relocalisation du centre des affaires qui se trouvait jusque-là dans le Vieux Port de Montréal au cœur du centre ancien. Le point de départ de ce nouveau noyau urbain fut la Place Ville Marie construite en 1962.

Celle-ci influencera la conception et la construction la même année, de trois autres tours à bureau emblématique de cette période : l’édifice de la banque de commerce (devenue CIBC), l’édifice CIL (devenue la tour Telus) et le siège social d’HydroQuébec. Tout cela pour faire du boulevard René-Levesque anciennement boulevard Dorchester, la nouvelle artère de prestige de Montréal et le point focal du nouveau centre urbain34.

Cette nouvelle artère marquera ainsi la victoire du nouveau centre moderne sur le Vieux-Montréal et son Vieux-Port. Le centre ancien gardera en revanche quelques équipements administratifs 33

LORTIE, André dir., « Introduction », Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p. 21.

34

LINTEAU, Paul-André, « Chapitre 14 : Excitation et lendemain de veille 1960-1976 », Une histoire

de Montréal, Éditions Boréal, Montréal, 2017, 360 p.

33

tels que l’hôtel de ville et le palais de justice. Par ailleurs, la Place Ville Marie, la tour CIL et la tour CIBC viendront par « leur implantation, leur hauteur et leur facture architecturale35 » moderne, donner à la ville une nouvelle morphologie urbaine.

En effet, elles réinventeront la ville en remettant en cause le rapport entre le sol et le bâti ; une architecture beaucoup plus novatrice, selon France Vanlaethem, que le siège social d’Hydro Québec qui « témoigne d’un modernisme encore emprunt de classicisme36 ».

Parmi les grandes opérations immobilières ayant fait la renommée de la ville, on compte aussi la Tour de la Bourse dont la première phase sur deux fut menée en 1965 aux abords du square Victoria. À cette liste, on pourrait également ajouter le Château Champlain construit en 1967 aux abords de la place du Canada. Enfin, la place Bonaventure aussi construite en 1967 sera la dernière pièce d’un projet urbain porté par la Compagnie de Chemin de fer Canadien du Nord (CNoR) aussi à l’origine de la Place Ville Marie ; un projet urbain qui avait pour objectif d’intégrer une gare centrale au cœur de la métropole. La Place Bonaventure sera aussi caractérisée par sa galerie commerciale qui devait être l’une des plus prestigieuses au Canada et permettre aux hommes d’affaires de poursuivre leurs échanges en marge d’Expo67 dont la conception se faisait dans les bureaux de la Place Ville Marie37.

En outre, l’élément majeur de ce nouveau Montréal moderne sera sans aucun doute l’inauguration du métro en 1966. En effet, celui-ci viendra consolider la position du nouveau noyau urbain tout en facilitant le transport quotidien de plusieurs milliers d’habitants. Chaque station deviendra un élément structurant du tissu urbain de proximité tout en devenant un facteur de localisation pour les promoteurs de complexes à bureaux38. De plus, certaines de ces stations seront des composantes majeures du réseau de la ville souterraine entamé quelques années plus tôt avec la Place Ville Marie.

Au-delà des projets immobiliers, le réseau routier en pleine 35

VANLAETHEM, France, Architecture et urbanisme : la contribution d’Expo 67 à la modernisation de Montréal, Bulletin d’histoire politique, Association québécoise d’histoire politique, 2007,p.124

34

36

Idem

37

Ibid p.129

38

LINTEAU, Paul-André, « Chapitre 14 : Excitation et lendemain de veille 1960-1976 »,Une histoire de Montréal, Éditions Boréal, Montréal, 2017, p. 267-295

évolution dans les années 60 sera aussi un composant important des grandes mutations urbaines de l’époque. En 1967, à temps pour l’événement, la majorité des infrastructures routières prévues pour décongestionner le centre étaient complétées.

Effectivement, les fonds débloqués pour la réception de l’exposition universelle auront permis la construction de l’autoroute Transcandienne qui allait desservir la ville d’est en ouest. Cependant, le tronçon du tunnel Ville-Marie était encore en projet. Malgré l’ouverture tardive du chantier, l’autoroute qui allait passer sous le centre des affaires contribua tout de même à la renommée internationale de la ville à l’occasion de l’Expo6739.

En effet, le tunnel de l’autoroute transformera complètement la morphologie du noyau urbain érigé dans les années 60, qui sera dorénavant en trois dimensions. Les voies et les usages n’étaient plus juxtaposés, mais bien superposés. En effet, à l’endroit de la place Bonaventure, allait se croiser l’autoroute Transcanadienne, la ligne de métro nord-sud, les voies de chemin de fer desservant la gare Centrale et le réseau piétonnier souterrain. Cette vision futuriste de l’architecture et de l’urbanisme sera d’ailleurs l’un des éléments présentés en 1961 pour la candidature de Montréal pour l’exposition universelle de 1967. À la veille de l’Expo67, Montréal semblait être à l’image d’une ville du futur selon la presse architecturale occidentale40.

En effet, ces souterrains aménagés dans les entrailles de la ville sont le résultat d’une circulation en trois dimensions de laquelle émergent des mégastructures alliant architecture, urbanisme et multiples usages qui réinventent l’espace urbain et la morphologie de la métropole montréalaise ; une description à mi-chemin entre le pragmatisme et l’utopie s’apparentant à une fiction, un mythe. Tout cela fut le fruit de cette course à la modernité dans laquelle a été plongée la ville dans les années 60.

L’Expo67 viendra alors clore cette période d’effervescence et de profondes transformations urbaines, comme énoncé par France Vanlaethem, lors d’un entretien. De plus, ces architectures des années 60 sont à l’origine de tout un imaginaire qui habite la ville depuis 60 ans. Le sous-sol de la ville, ou la « ville intérieure » qui se construira progressivement ensuite portera avec elle cette vision imaginée dans les années 60 intriguant toujours le monde entier.

39

VANLAETHEM, France, Architecture et urbanisme : la contribution d’Expo 67 à la modernisation de Montréal, Bulletin d’histoire politique, Association québécoise d’histoire politique, 2007, p.128 40

Idem

35

Un souterrain prolifère depuis [60 ans] dans les entrailles de Montréal. Creusé une galerie à la fois, il s’étend aujourd’hui sur 30 km de tunnels gris, d’escaliers mécaniques, d’avenues larges et éclairées, de vastes places intérieures où la restauration rapide règne et où scintillent les magasins garnis de miroirs et de mille marchandises. […] sous le béton où, à une autre époque une ville souterraine a été rêvée à l’abri du froid brutal de l’hiver et des chaleurs accablantes de l’été41.

Si le rôle d’Expo67 face aux transformations profondes qu’a connu la ville dans les années 60 reste encore confus, il aura permis l’accélération et l’achèvement de projet esquissé précédemment.

De plus, on peut tout de même affirmer que l’événement aura mis en lumière ce modèle urbain propre au Montréal de l’époque.

En effet, Expo67 attirera le regard du monde entier sur la ville en chantier. Montréal sera vu comme la version la plus poussée de cet urbanisme en trois dimensions traduisant les principes de la ville moderne d’après-guerres. La ville sous les le feu des projecteurs viendra alors s’inscrire au rang des grandes villes du monde.

41

Déglise, Fabien, «Résumé», MONTREAL SOUTERRAIN, sous le béton, le mythe, Les éditions Héliotrope, 2008, Montréal, 170p.

36 Fig.8 Plan du Centre de Montréal, 1966

Fig. 9 Boulevard Dorchester, 1961

37 Fig. 10 Forme urbaine de noyau à plusieurs niveaux, 1966

Fig. 11 Festival 38 Osheaga 20 dans l’Espace 67 du Parc Jean Drapeau, août 2018

TEMPORALITÉ

3. LE TEMPS LONG | 100ans

Analyser Expo67 sur une autre échelle de temps que celle de l’événement, conduit à observer qu’elle raconte une histoire de Montréal sur un temps plus long. En effet, l’événement mettra en lumière le modèle urbain érigé au courant des années 60 ; un modèle dont on verra les prémices dès le début du siècle dans les années 30. Ensuite, après Expo67, Montréal sera l’hôte neuf ans plus tard des Jeux olympiques de 1976 ; ce qui tiendra la ville en haleine entre ces deux mega-events. En outre, l’année 2017 sera aussi une date importante, car elle marquera les 50 ans de l’Expo67, mais aussi la mise en place de plusieurs projets pour 2030. Ces dates clefs de cette nouvelle histoire de la ville font l’objet de la troisième temporalité, d’une durée d’une centaine d’années.

Dans un premier temps, la ville en coupe et ces architectures qui se sont construites dans les années 60 sont en fait, le fruit d’un projet urbain datant de la décennie précédente et même pour certaines opérations, des années 30. Effectivement, les opérations projetées par les compagnies ferroviaires au début du siècle sont venues structurer le nouveau centre des affaires.

Au Canada, les compagnies de chemins de fer seront des acteurs importants dans le développement urbain dès le milieu du XIXe siècle. En effet, Montréal dépourvue de plan d’urbanisme dans ces années-là, se servira des gares et des squares pour structurer le tissu urbain, ces espaces publics seront donc à l’origine de plusieurs transformations urbaines42.

Avant la construction de la Place Ville Marie, les rails de chemin de fer qui allaient rejoindre la future gare Centrale depuis le Nord scindaient le tissu urbain dans l’axe de l’avenue McGill College laissant une faille béante au pied du mont Royal. En tout, 50 ans sépareront le percement du tunnel sous le mont Royal et la construction de la gare Centrale43. À partir de 1938, le « Montreal Terminus Développement » ou le projet de gare centrale sera réalisé progressivement, par fragments contrairement à la volonté initiale de créer une unité monumentale. Le projet initial 42

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, « Chapitre 2 - Un projet urbain en suspens », La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec, Amérique, Montréal, 2012, p. 55-82.

43

Idem

39

prévoyait déjà de relier la Gare Centrale au Square Dominion, futur emplacement de la Place Ville Marie. Ce projet urbain issu d’une volonté des compagnies ferroviaires privées d’implanter au cœur de la ville un troisième terminus serait donc à l’origine de cette composition urbaine et de l’emplacement du nouveau centre des affaires. De ces opérations sont apparues la Place Ville-Marie et la Place Bonaventure ; les architectures phares des années 60 qui formeront le nouveau noyau urbain. Elles feront aussi partie intégrante de ce modèle urbain à plusieurs niveaux renforcé par l’arrivée du métro en 1966 et mis en lumière par l’Expo67.

L’Expo 67 fera de Montréal une ville internationale et en quelque sorte le modèle de la ville du futur. Ce succès et cette effervescence frappant la ville lors de l’exposition universelle devraient alors persister jusqu’aux Jeux olympiques de 1976. En effet, on apprendra en mai 1970 que Montréal sera l’hôte de son deuxième événement d’envergure, neuf ans après l’Expo67. Le succès qu’a connu l’exposition sera sans doute à l’origine du choix de la candidature de Montréal pour la tenue des JO de 1976.

D’ailleurs le maire Drapeau, l’un des acteurs étant à l’origine de cette période d’effervescence urbaine, aura joué un grand rôle dans l’écriture de ce Montréal moderne. Son passage aux rênes de la ville lui aura permis de penser la ville à long terme et de concevoir pour Montréal une stratégie visant à faire de la métropole une ville internationale. Effectivement, tout au long de ses mandats successifs, Jean Drapeau cherchera à donner à Montréal une envergure internationale et à l’inscrire au rang des grandes villes du monde.

Cependant, ces grands projets l’empêcheront de voir son déclin44. Au début des années 60, les investissements dans l’économie montréalaise étaient encore vigoureux. Cependant, on observera un essoufflement assez rapide de cet élan après 1967. Le système qui assurait le développement urbain de Montréal commence alors à s’écrouler. Avec l’activité de la construction en train de chuter, le grand projet des Jeux olympiques de 1976 deviendra un véritable gouffre financier45.

La Ville s’endettera énormément pour ériger le Parc olympique et connaîtra ensuite de nombreuses années marquées par les contraintes budgétaires. Effectivement, les transformations 44

40

LINTEAU, Paul-André, « Chapitre 14 : Excitation et lendemain de veille 1960-1976 », Une histoire de Montréal, Éditions Boréal, Montréal, 2017, p. 267-295.

45

Idem

de Montréal des années 60 se justifieront par une forte volonté de modernisation. Cependant, ces transformations auront provoqué des bouleversements en profondeur tout en occasionnant de grands problèmes d’ajustement. La ville de Montréal sera en perte de vitesse dans l’ensemble canadien, affaiblie par l’importance que prendra Toronto qui sera nommé métropole économique du pays. Montréal restera toutefois une métropole importante et dynamique, malgré un avenir apparaissant plutôt sombre au lendemain des Jeux olympiques de 1976 jusque dans les années 9046.

L’année 2017 entre nostalgie et perspective d’avenir sera marquer d’une part le 50e anniversaire de l’Expo67 et de l’autre par la nouvelle stratégie d’aménagement du centre-ville de Montréal pour 2030. A l’occasion des 50 ans de cet événement marquant de l’histoire de la ville de Montréal, plusieurs publications, ouvrages et expositions témoigneront de cette nostalgie liée à Expo67. Tous ces projets viseront à nous remémorer et à réinterroger l’événement aujourd’hui.

Il y a deux Expos 67. Tout d’abord celle inscrite dans le grand livre d’histoire, qui se décline en statistiques et fait partie du passé. Puis l’autre, plus intime qui, malgré son 50e anniversaire, n’a pas pris une seule ride. Cette Expo-là vit toujours dans le cœur de ceux et celles qui l’ont visitée. Dès que la porte de la mémoire s’entrouvre, les visages s’animent, les yeux s’enflamment. Chacun a son histoire.

Chacun a son souvenir. Chacun a son Expo47.

En effet, tout un imaginaire flotte encore sur la ville plus de cinquante ans après l’Expo. Il semble intéressant maintenant de confronter l’événement et le modèle qu’il a induit aux enjeux de notre société d’aujourd’hui ; des aménagements sur lesquels la ville semble encore s’appuyer pour son plan d’aménagement qui met le centre-ville en perspective pour 2030. Les infrastructures datant des années 60 doivent être rénovées laissant place à de nouveaux projets pour repenser l’espace urbain. On cherche à consolider les milieux de vie qui se développe depuis 60 ans en les connectant les uns avec les autres. Toutefois, les grands chantiers et les infrastructures issues des années 60 ont parfois 46

Idem

47

MERCIER, Johanne, « L’Expo 67 de Janette Bertrand » [en ligne], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, août 2017 [consulté le 10-11-2020] https://ville. montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/lexpo-67-de-janette-bertrand

41

scindé le tissu urbain rendant les connexions difficiles48. De ce fait, on cherche aussi à retrouver le niveau 0 du sol en retravaillant la surface et en la connectant mieux avec la ville souterraine. On remarque également une forte volonté de la ville de penser la ville durable49. Le développement durable sera donc au cœur de nombreux projets.

Enfin, le temps présent où certains projets se sont réalisés tandis que d’autres sont encore en projet. La superposition de ces différentes temporalités peut poser question. Que reste-t ’il des grands événements marquants des années 60 ; cette période de profondes transformations de la ville qui ont fait de Montréal ce qu’elle est aujourd’hui ? Comment le parc des îles, les pavillons éphémères de l’Expo et les gratte-ciels modernistes s’inscriventils aujourd’hui dans le paysage montréalais ? Et surtout comment racontent-ils la ville aujourd’hui ? Ces questionnements sur le temps présent forme les bases de réflexions menée plus loin dans le présent mémoire. Les projets récemment réalisés seront d’ailleurs la clef d’entrée pour en aborder les différentes parties.

Le concept d’hyperville présente ici, une ville concentrant de multiples imaginaires. En effet, la ville de Montréal et plus précisément le centre des affaires apparue dans les années 60 est le fruit des théories et des concepts urbains et architecturaux du XXe siècle ; des résolutions urbaines qui permettront de penser la ville « moderne ».

42

48

Ville de Montréal, (2017). Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan, 60 p.

49

Idem

Fig. 12 Tranché du chemin de fer traversant le centre, 1929

Fig. 13 Quadrilatères de la Compagnie de chemin de Fer du CN, 1959

Fig.14 Projet de revitalisation de de l’Esplanade de Place Ville Marie

43

CHAPITRE 1

L’HYPERVILLE Dans cette histoire de Montréal, l’hyperville nous renvoie dans un premier temps, à la ville épaisse ou à la ville en coupe qui constitue le noyau urbain du centre des affaires. En ce sens, cet urbanisme vertical concentre une multiplicité de concepts, d’usages tout en étant à l’origine d’une centralité forte à l’intérieur de la ville. Cela nous amènera donc à nous emparer de ce terme pour traduire l’intensité des projections qui ont été portées sur Montréal à la fin des années 60 ; des projections issues des théories et concepts avant-gardistes défendus lors des CIAM. Le préfixe hyper témoigne aussi de l’intensité des regards qui se sont tournés vers Montréal à l’occasion de l’Expo67.

Effectivement, l’événement aura donné une visibilité notable à la ville permettant d’affirmer ce modèle urbain à l’image des utopies urbaines du XXe siècle.

A contrario, ce terme d’hyperville a déjà été utilisé pour décrire la ville horizontale ; une ville s’étalant toujours plus et multipliant les noyaux urbains dispersés. Cela renvoie effectivement à l’hyperville d’André Corboz, historien de l’architecture et de l’urbanisme, qui considérait la Suisse entière comme tel dans sa publication La Suisse comme hyperville.

Cette définition ne sera cependant pas celle qu’on retiendra pour décrire Montréal où l’hyper renverra plutôt à la concentration, à l’épaisseur, à l’intensité. L’hyperville sera en fait support d’imaginaire. On se demandera donc si cette représentation de Montréal, révélé par l’exposition universelle en 1967 est encore visible aujourd’hui.

LE CAMPUS MIL, VERS LA VILLE DURABLE

Fig. 15 Plan masse du MIL Montréal, 2011

Aujourd’hui, avec les enjeux de notre société actuelle et comme la majorité des villes, Montréal cherche à devenir une ville durable. Elle s’est d’ailleurs lancé le défi de devenir un exemple de développement durable pour son horizon 203050. Par le biais de projets d’aménagements phares et par de nombreuses actions, la ville compte devenir une figure exemplaire de la durabilité.

Le premier pas dans cette direction sera de transformer le site de l’ancienne gare de triage d’Outremont, située sur le versant nord-ouest du mont Royal, en un quartier universitaire : le campus MIL de l’Université de Montréal. Ce projet situé à proximité du noyau urbain est desservi par deux stations de métro et par tout un réseau de pistes cyclables. Il sera l’occasion de réaménager cette « longue cicatrice » du paysage montréalais. Effectivement, le campus permettra de requalifier cette friche industrielle ferroviaire en l’intégrant et en la reliant aux quartiers limitrophes, bien sûr en respectant les principes du développement durable51. La première phase du projet inauguré en octobre 2019 sera l’achèvement du Complexe des sciences de l’UdM. Pour la deuxième phase, on prévoit l’agrandissement du complexe des sciences pour y intégrer les départements de mathématiques, de statistique, d’informatique et de recherche 50 51

46

Ville de Montréal, (2016). Montréal Durable 2016-2020, 43p.

LETARTE, Martine, Campus MIL: la naissance d’un quartier [en ligne], Revue les diplômé, UdeM Nouvelles, 20 septembre 2019 [consulté le 24-12-20], https://nouvelles.umontreal.ca/ article/2019/09/20/campus-mil-la-naissance-d-un-quartier/

opérationnelle. On y trouvera aussi un centre d’innovation soutenant l’entrepreneuriat des chercheurs et des étudiants. À terme, le campus universitaire prendra place au cœur d’un parc verdoyant de logements sociaux et où l’accession à la propriété restera abordable. Le lien entre ce nouveau quartier au reste de la ville devra se faire à l’aide d’une passerelle puisque le chemin de fer scindant le tissu urbain, était difficilement franchissable. Cette nouvelle relation entre Outremont, quartier huppé de Montréal et Parc-Extension, plus défavorisée sera aussi significative d’un point de vue social52. En outre, ce nouveau quartier visant la certification LEED Or mettra en avant l’accessibilité au campus par mobilité douce. Ainsi, les pistes cyclables et les chemins piétons prendront le pas sur la voiture puisque plus d’espace sera consacré à la présence du cycliste et aux piétons qu’a la voiture. « La Ville et l’UdeM ont innové dans leurs façons de faire, souligne, ravie, Lucie Careau [Directrice de l’urbanisme à la Ville de Montréal], et cela a permis au projet d’atteindre de meilleurs objectifs, que ce soit en matière de performance environnementale, de mobilité durable ou de qualité des milieux de vie53».

Pourtant, malgré son souhait et ces actions pour devenir une ville exemplaire en termes de développement durable, Montréal ne semble plus être un modèle urbain aussi fort au niveau international qu’elle l’a déjà été. Au XXe siècle, elle sera l’une des versions les plus abouties d’une pensée urbaine propre aux avant-gardes architecturales d’après-guerre, mais aujourd’hui, elle ne semble plus autant cristalliser une manière de concevoir la ville en accord avec nos enjeux contemporains. De plus, contrairement au Montréal des années 60, la ville ne focalise plus les regards bien qu’elle attire tout de même l’attention sur quelques projets innovants. Cependant, l’imaginaire qu’elle projette depuis Expo 67 ancrera une certaine notoriété qui est toujours vivante aujourd’hui.

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Idem

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Idem

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MONTRÉAL, REFLET DES UTOPIES MODERNES L’urbanisme et les architectures propres au Montréal des années 60 relevant des avant-gardes sont en quelque sorte, le reflet matériel ou la projection des utopies et du mouvement moderne d’entre-deux-guerres ; un mouvement qui s’internationalisera et se diversifiera selon les territoires durant les années 50 et 60.

Ces fondements seront, comme énoncé plus tôt, tiré des idées défendues et développées lors des Congrès Internationaux d’Architecture Moderne, CIAM et par le TEAM X ; plus particulièrement lors du CIAM 8 de 1951 «The heart of the city» qui mettait l’accent sur la structure sociale du noyau urbain54.

On reconnaitra aussi certaines stratégies de réseau piétonnier tridimensionnel issu de Le Corbusier et de projets expérimentaux britanniques qui avait été présenté lors du congrès. Par la suite, cette vision sera formalisée par la réponse qu’ont apportée Alison et Peter Smithson à l’occasion du concours pour la reconstruction du centre de Berlin en 1958 ; une dissociation des circulations qui se caractérisera par l’ajout de niveaux au-dessus du sol55. Ces réflexions sur la fabrication de la ville montreront que Montréal et son centre des affaires sont en fait une allégorie du mouvement moderne.

LE CONCEPT DU CŒUR DE VILLE

À la veille de l’exposition universelle de 1967, les regards du monde entier sont tournés vers Montréal. Effectivement, les transformations radicales qu’a connues le nouveau centre des affaires attireront l’attention des critiques d’architecture occidentaux. Parmi ceux-là, l’architecte, historien et théoricien américain Peter Blake portera un regard attentionné sur la ville en chantier dans son article « Dowtown in 3-D ». Dans cet article P. Blake qualifiera Montréal de première ville du XXe siècle en Amérique du Nord. Selon lui, la ville aura sa propre formalisation du cœur de ville. Effectivement, « Ce qui distingue ce cœur, ce ne sont pas tant les tours que leurs proliférations de racines en un réseau aux multiples niveaux de boutiques, de systèmes de transport et de promenades piétonnières 56». Au 54

JAMES, Vincent, YOOS, Jennifer, The Multilevel Metrpolis [en ligne], Places, 2016 [consulté le 31-07-2020], https://placesjournal.org/article/multilevel-metropolis-urban-skyways/

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55

Référence extraite de l’échange avec André Lortie réalisé le 11-09-2020

56

BLAKE, Peter, « Downtown in 3-d », The Architectural Forum, septembre 1966, p. 31

moment de l’article en 1966, P. Blake semblait dire que le cœur de la ville, à l’endroit où se rencontrent les tunnels pour le métro et l’autoroute, était le noyau urbain le plus abouti de l’époque ; un noyau d’une surface de de 80 hectares qui mettais en avant la vision du multi-level city, était en train de se construire. Cette notion du cœur de ville qu’exprime P. Blake dans son article n’est évidemment pas étrangère aux concepts amenés lors du CIAM 8.

Le huitième Congrès International d’Architecture Moderne qui s’est tenue à Hoddesdon au Royaume-Uni en 1951, théorisera le concept « The Heart of the city » autrement dit le cœur de ville.

Dans son article « CIAM 8. The Heart of the City as the symbolical resilience of the city » Leonardo Zuccaro Marchi, architecte italien s’étant penché sur cette notion de cœur de ville, affirmera que ce huitième congrès marquera une transition dans la pensée urbaine après la Seconde Guerre mondiale. Au moment du congrès, deux conditions urbaines opposées seront mises en avant et traitées comme les enjeux principaux auxquelles les noyaux urbains, ou « cœurs de la ville » étaient confrontés à l’époque57. Le premier constat revendiquait la disparition de ces cœurs de ville d’une part, à cause des dégâts causés par la guerre et d’autre part, par la négation de la centralité urbaine due à l’étalement urbain qui repousse les limites de la ville toujours plus loin. Cependant, le cœur de la ville représente deux figures différentes : le symbole humaniste qui s’oppose à la mécanisation et la métaphore du cœur dans sa dimension organique et anatomique qu’on vient superposer sur l’espace urbain58. Cette définition du noyau urbain, qu’on exprimait ici comme le cœur de la ville, semblait assez floue, même à l’époque. Effectivement, à l’occasion de ce huitième congrès, les définitions étaient multiples et complexifiaient grandement le concept ; S. Giedion définissait le cœur de la ville comme une « agrégation d’individus » ; selon le groupe MARS c’était l’« élément qui fait d’une communauté une communauté » ; selon P. Johnson le « fond de la spontanéité » ; selon Le Corbusier c’était le « lieu de rencontre des arts »59.

57

ZUCCARO MARCHI, Leonardo, « CIAM 8. The Heart of the City as the symbolical resilience of the city », History Urbanism Resilience : The Urban Fabric, Volume 17, n°2, 2016 58

Idem

59

Idem

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A cela, Eric Mumford, professeur à l’école d’architecture de l’Université de Washington à St. Louis, dans son ouvrage The CIAM Discourse on urbanism, 1928-1960, ajoutera que même si la définition du cœur ou « the core » restait vague, le CIAM 8 proposa tout de même un résumé des besoins du noyau : Summary of Needs at the Core, écrit par S. Giedion. Celui-ci affirma : qu’« il devait y avoir un seul noyau principale dans chaque ville, et que ce noyau devrait être protéger de la circulation60». De ce fait, le CIAM 8 fut le plus importants des congrès d’architecture d’après-guerre. Effectivement la thématique « Heart of the city » fut l’une des premières discussions sur l’espace public urbain dans les circonstances transformées de l’architecture moderne d’après-guerre.

LE CONCEPT DE RÉIDENTIFICATION

En s’intéressant toujours à l’article de Peter Blake présenté cidessus, celui-ci utilisera le terme de « multi-level core » pour qualifier les nouveaux aménagements du centre des affaires de Montréal. Ce terme se traduisant par un noyau urbain à plusieurs niveaux, fait référence d’une part au cœur de la ville et de l’autre à des projets phares illustrant de cette pensée urbaine. Effectivement, cette manière de fabriquer la ville fait parfaitement écho à la vision d’Alison et Peter Smithson, architectes anglais et membres du TeamX, qui traduit le concept de la réidentification61. La figure singulière issue des récentes structures du centre des affaires procurera à Montréal une nouvelle identité forte qui concentrera les regards sur la ville.

Le problème de la réidentification de l’homme avec son habitat (contenu et contenant) ne peut être réglé par l’utilisation de formes hiérarchiques de groupements de maisons, de rues, de squares, d’espaces verts, etc., car la réalité sociale correspondante n’existe plus. Dans le complexe d’associations qu’est une collectivité, la cohésion sociale n’est possible que si la facilité de mouvement l’est, et ce constat ne nous munit que d’une seconde loi selon laquelle la hauteur (densité) doit épouser la croissance ou la décroissance démographique. Pour pérenniser cette facilité de mouvement dans une ville construite en hauteur, nous proposons une cité à niveaux 60

MUMFORD, Eric, « From the Heart of the city to the end of CIAM », The CIAM Discourse on

urbanism, 1928-1960, THE MIT Press, 2000, p.215 61

50

LORTIE, André, « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les année 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.75-115

multiples avec des rues résidentielles « aériennes ». Ces rues sont agencées en un complexe réseau à niveaux multiples, raccordé au besoin aux lieux de travail et aux éléments au sol nécessaires à chaque niveau d’association. Notre hiérarchie des associations s’imbrique dans un continuum modulé représentatif de la complexité réelle de l’association humaine […] À notre avis, cette hiérarchie des associations humaines devrait remplacer la hiérarchie des fonctions de la Charte d’Athènes62.

Alison et Peter Smithson testeront cette vision ou ce modèle lors du concours pour la reconstruction du centre de Berlin en 1957-58 évoqué précédemment. Comme l’a retracé, Estel Ortega Vazquez, architecte espagnole et professeure à l’UIC de Barcelone, le projet des architectes anglais se verra discerner la troisième place et ne sera donc jamais construit. Ce concours proposé pour la nouvelle capitale unifiée dans l’ouest Berlin à Hauptstatdt a permis pour beaucoup d’architectes de l’époque de mettre en œuvre leur nouvelle vision de l’urbanisme dans un contexte réel. De plus, ce concours ayant eu lieu dans les mêmes années que la dissolution des CIAM par le TEAM X, poussa les concepteurs qui y ont participé à utiliser l’occasion comme tribune pour renouveler les idées qui avait traité pendant ces congrès. Effectivement, les années 50 ont été marquées par plusieurs débats entre architectes et urbanistes sur le sujet de la relation entre la ville moderne et la ville existante. Ceux-ci ont dû proposer de nouvelles réponses et inventer de nouvelles formes urbaines pour répondre aux besoins des habitants de la ville. Après la guerre, plusieurs terrains dévastés ont créé une opportunité de repenser la ville63.

La proposition des Smithson se basait sur la structure sociale plutôt que sur l’organisation fonctionnelle pour analyser le territoire, un procédé en accord avec les idées du Team X qui s’opposaient à la charte d’Athènes. Le projet s’inspirait donc du concours de Golden Lane à Londres en 1952 et du diagramme Cluster présenté lors du CIAM9 à Aix-en-Provence en 1953.

L’objectif était de transformer la présence chaotique de la voiture qui prenait de plus en plus de place dans la ville, en un élément 62

Extrait du texte d’Alison et Peter Smithson accompagnant la grille « Urban Reidentification » au CIAM 9, 1953. Alison Smithson, The Emergence of Team X out of CIAM: Documents (Londres, 1982), cité par LORTIE, André dir., Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.113 63

ORTEGA VAZQUEZ, Estel, Berlin Hauptstadt. Alison and Peter Smithson with Peter Sigmond, Departament de Projectes Arquitectònics UPC, 2011, p 92-99.

51

structurant de l’espace urbain64. Comprenant l’importance de la mobilité dans la société moderne, la structure proposée constituait un réseau viaire de grande échelle. L’un des enjeux de l’époque était la présence disproportionnée des véhicules par rapport au piéton. Les Smithson ont donc opté pour une structure multicouche qui allait se développer par-dessus la ville existante en se détachant du tissu existant. Le défi était donc de connecter cette ville future à la ville existante. Le projet visait à conjuguer ces deux morphologies complètement différentes dans le but de créer des liens en termes de lieu et de paysage et non de formes urbaines. La structure associée au territoire non bâti allait devenir un nouveau paysage urbain acceptant la différence entre l’existant et le moderne65. Ainsi, le projet des Smithsons proposait une configuration de deux réseaux superposés présentant une géométrie différente et interconnectée en certains points66.

52

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Idem

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Idem

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Idem

Fig. 16 Projet d’Alison et Peter Smithson Hauptstadt, Berlin, 1958

UN NOYAU A PLUSIEURS NIVEAUX

On peut maintenant affirmer que le noyau urbain qui s’est dessiné dans les années 60 à Montréal est le résultat des représentations de la pensée urbaine d’après-guerre. Cette vision de la métropole à plusieurs niveaux a d’ailleurs été étudiée par Jennifer Yoos et Vincent James, architectes américains associés du studio VJAA, dans leur ouvrage Parallel cities : The Multi level Metropolis. Cet urbanisme et cette vision qui appartenaient jusque-là aux utopies et à l’avant-garde architecturale ont finalement été mis en place par des concepteurs pragmatiques qui naviguaient entre les sphères du public et du privé. Cette nouvelle façon de fabriquer la ville avait comme objectif de viabiliser les centres urbains et de les rendre accessibles et confortables pour les piétons. Elle donna naissance à un réseau qui ne cessa de s’épaissir et de se dédoubler pour se développer en un plan des sols en plusieurs couches. Ce principe sera attrayant pour les urbanistes et les

Fig. 17 Le plan directeur de la Ville Souterraine, Vincent Ponte

53

chefs d’entreprise grâce à leur capacité à concentrer le transport en commun, le commerce et la valeur immobilière. En effet, une fois établis, ces systèmes ont eu tendance à s’étendre progressivement, mais de manière assez informelle en suivant les intérêts de développement privés et publics.

De plus, deux concepteurs seront particulièrement influents dans le déploiement de ces systèmes piétonniers sur plusieurs niveaux, l’architecte autrichien Victor Gruen et l’urbaniste américain, Vincent Ponte. Ceux-ci, en se basant sur le travail des CIAM, ont élaboré de nouvelles typologies dans la conception des villes telles que Fort Worth, Dallas, St. Paul et bien sûr Montréal, délaissant les fondements de la ville qu’on connaissait jusque-là, pour des systèmes aériens et souterrains modernes 67.

Vincent Ponte, ou le «Multilevel man» tel que décrit dans le Time Magazine, est le planificateur de la Ville Souterraine de Montréal dont le premier jalon a été la Place Ville-Marie en 1962.

Tout au long de sa carrière, il a fait promotion de la séparation de la circulation piétonne et automobile. D’ailleurs, Montréal a été le premier cas d’un système complet et autonome pour piéton sous le niveau du sol mis en œuvre à l’échelle urbaine ; des passages souterrains bordés de boutiques et de galerie commerciales reliant un bâtiment à un autre pour s’étendre dans tout l’arrondissement du centre-ville de Montréal. En revanche, ce système sera davantage motivé par l’économie que par les préoccupations sociales ou environnementales. En collaborant avec les grands magasins tels que Montreal City Transit et Eaton, il a répondu aux intérêts des communautés d’affaires du centre des affaires et des politiciens locaux. Par ailleurs, V. Ponte présentera les passages souterrains comme un outil urbain malléable qui aura ensuite été repris par d’autres dans la composition urbaine du centre-ville. De ce fait, on le considère alors plutôt comme le planificateur que développeur de la ville souterraine68.

En somme, les transformations radicales qui s’opéreront à Montréal dans les années 60 attireront l’attention des critiques d’architecture occidentaux, et ce même avant la tenue de l’Expo67. Évidemment, l’annonce d’un tel événement tournera les regards sur la métropole montréalaise et son nouveau noyau 67

54

JAMES, Vincent, YOOS, Jennifer, The Multilevel Metrpolis [en ligne] Places, 2016 [consulté le 3107-2020], https://placesjournal.org/article/multilevel-metropolis-urban-skyways/ 68

Idem

urbain en construction. L’événement permettra de faire de la ville de Montréal un véritable laboratoire urbain tant sur le site de l’exposition que dans la ville elle-même. En effet, Montréal nourrira l’imaginaire de plusieurs « visionnaires engagés » qui s’approprieront virtuellement la ville hôte69. Parmi ceux-là, les architectes Peter Cook et le collectif d’Archigram imagineront la tour Montréal ; une tour aux multiples usages liés au divertissement : auditorium, salle d’expositions, restaurants, boîte de nuit, observatoire, etc. Zvi Hecker, quant à lui, proposera un nouveau noyau urbain à Montréal et imaginera des nappes tridimensionnelles s’apparentant à celles de Yona Friedman, à Paris, et de Kenzo Tange, à Tokyo. Harry Parnass et Michel Lincourt, s’inspireront plutôt des préoccupations de l’Université de Berlin et de Candilis, Josic et Woods du Team X, en proposant l’éducation comme moteur d’organisation urbaine. À ces expérimentations fictives, A. Lortie ajoutera que « ce sont ces hybridations de pragmatisme et de théorie que l’on devine dans un étonnant dessin du service de l’urbanisme, où le devenir de la ville est fixé en une improbable tension entre réalité et fiction : les rives de l’autoroute Bonaventure sont occupées par une mégastructure proliférante de laquelle émergent les tours jumelles de la Bourse70».

Ainsi, cette pensée urbaine avant-gardiste à l’origine du noyau urbain qui s’est construit pendant les années 60 à Montréal aura alimenté, à l’occasion de l’Expo67, l’imaginaire de plusieurs projets fictifs. En effet, l’événement viendra en quelque sorte cristalliser cette vision de la ville moderne qui se trouve à michemin entre la réalité et la fiction. Elle alimentera tout un imaginaire que projette Montréal encore aujourd’hui renforçant de ce fait la thématique de l’hyperville. Le centre des affaires de Montréal sera d’ailleurs l’une des versions les plus abouties de cette conception de la ville. Il proposera une figure urbaine qui témoigne de la manière de fabriquer la ville au XXe siècle en convoquant des réflexions de l’après-guerre.

69

LORTIE, André dir., « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les

années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.113 70

Idem

55

MONTRÉAL VILLE INTERNATIONALE, UNE NOUVELLE INDENTITÉ L’une des motivations à l’origine de toute l’effervescence qu’a connu la métropole dans les années 60 sera la volonté forte de Jean Drapeau, maire de la ville de 1954 à 1957 puis de 1960 à 1986, de faire de la ville de Montréal une ville internationale. Cette volonté qui sera le moteur de toute cette période est encore perceptible dans l’espace urbain. Si les utopies du mouvement moderne se ressentent notamment dans les souterrains de la ville, les architectures qui émergent du sol en surface traduisent elles aussi une pensée architecturale précise. Effectivement, les tours du centre des affaires qui sont apparues au même moment que les pavillons de l’exposition universelles participent aussi au caractère international de la ville. Comme énoncé plus tôt, le Montréal de l’après-guerre, en quête de modernité fera émerger cette figure singulière qu’est le centre des affaires ; une nouvelle figure qui forgera l’identité de la métropole71. L’objectif était de redonner une personnalité à la ville en misant sur la qualité de son architecture et en faisant appel aux architectes les plus en vogue de l’époque malgré leur jeunesse pour certains. L’image Internationale de Montréal s’affirmera notamment grâce au renouvellement urbain révélé par l’événementiel.

Au lendemain de l’Expo67, Jean Drapeau avait réussi son pari.

Acclamé, félicité et remercié par la foule lors de son discours de clôture de l’Expo, il verra encore plus grand pour sa ville lorsqu’il déposera quelques années plus tard la candidature de Montréal pour la réception de son deuxième mega-event.

D’ailleurs cette volonté forte du maire d’internationaliser la ville se ressentira tant dans l’aménagement urbain qu’au sein même de l’architecture. Effectivement, le style international qui aura marqué le mouvement moderne depuis les années 30 sera en quelque sorte l’ambassadeur de cette volonté forte.

Le style international est né en 1932 à New York dans un ouvrage des Américains Henry Russell Hitchcock et Philip Johnson. Dans cet ouvrage, ils présenteront une architecture nouvelle héritée de la période expérimentale des avant-gardes européennes de la décennie précédente ; une période qui renvoie aux grands noms du courant moderne soit Le Corbusier, Walter Gropius et Ludwig 56

71

LORTIE, André dir., « Perception depuis l’étranger », Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.180-189

Mies van der Rohe72. Leurs architectures étaient fondées sur une pensée révolutionnaire de l’époque, réinterrogeant le rôle de l’art et de l’architecture au sein de la société industrielle. P. Johnson et H.R. Hitchcock y voyaient surtout un style ; un système de formes précis, exclusif, généralisable qui était parfaitement représentatif de son époque qu’ils qualifieront d’ « International Style73».

72

DESCHAMPS, Yves, « Megacity Montreal », Montréal : le patrimoine moderne, Continuité, n°53, 1992, p.23-26 73

Ibid p.23

Fig. 18 Le Centre des affaires vue de la jetée McKay, 1966

LE STYLE INTERNATIONAL A MONTRÉAL

À Montréal, le style international s’illustrera notamment dans l’architecture trois tours situées à quelques mètres les unes des autres sur le boulevard Dorchester (devenu boul.

René-Levesque). Dans son article « Megacity Montreal» Yves Deschamps, historien de l’architecture québécois retracera l’histoire du style international dans la métropole montréalaise.

Ces trois tours évoqués précédemment sont la Place Ville-Marie, l’édifice CIL et l’édifice de la Banque Impériale de Commerce. La Place Ville-Marie dessinée par l’agence M. Pei & Associates et l’édifice CIL dessiné par l’agence Skidmore, Owings and Merrill

57

auront été conçus par les deux firmes américaines les plus emprise du style international du moment. La tour CIBC sera dessinée par Peter Dickinson, un jeune architecte de Toronto d’origine britannique. Plusieurs autres édifices du nouveau centre des affaires auront été signés par des architectes de l’internationale. Les Italiens Luigi Moretti et Pier Luigi Nervi signeront le complexe de la Bourse. Mies van der Rohe imaginera pour Montréal le Westmount Square construit en 1967 qui sera lui un peu plus excentré du nouveau centre moderne. À ceux-là s’ajouteront d’autres architectes comme Victor Prus, Daniel van Ginkel, ou encore André Blouin qui participeront eux aussi à la propagation du style international à Montréal ; un style qu’on retrouvera autant dans l’aménagement du territoire que dans les détails des édifices74.

Effectivement, les premiers gratte-ciels issus du mouvement moderne de Montréal respectent tous les règles du style international. Cependant, leur forme générale s’apparente plutôt au « style de Chicago » où tous les étages sont identiques et se termine par une terrasse plate ; en opposition au «style de New York» où le profil à gradins se termine souvent par une flèche comme on a pu l’observer sur le Chrysler Building construit en 193075. De plus, leurs façades sont faites de mur-rideau comprenant des éléments standards (fenêtre-allège) répétés de façon presque uniforme, à l’exception du sommet, de la base et aux étages techniques qui présentent des différences très discrètes. Cette uniformité quasi parfaite accentue la verticalité de ces architectures. De plus, le style international est aussi caractérisé par une autre particularité ; un dégagement au sol que Mies van der Rohe, Le Corbusier et Gropius voyaient comme un indispensable de la construction en hauteur. Par ailleurs, cette exigence n’allait pas de soi avec les habitudes nord-américaines et leur vision étroite de la rentabilité spatiale76.

Même si les règles précises et exclusives du style international laissaient peu de place à la nuance, on peut tout de même en observer quelques-unes au sein des trois tours montréalaises.

En restant dans les limites acceptées de la discipline, on observe 74

Musée McCord Museum, Échanges Urbains avec Clement Demers - City Talks with Clément Demers [en ligne], 19 septembre 2014 [consutlé le 13-11-2020], Youtube, https://www.youtube. com/watch?v=XwMOleaE6WE&feature=emb_title 75

58

DESCHAMPS, Yves, « Megacity Montreal », Montréal : le patrimoine moderne, Continuité, n°53, 1992, p.23-26 76

Ibid p.24

par exemple que les allèges de la tour C.I.B.C. sont en ardoise, ce qui diffère des façades métalliques considérées comme la norme. Pour la Place Ville-Marie, c’est son sol artificiel et son plan cruciforme qui font échos à une autre école du mouvement moderne ; celle de Le Corbusier prendra le pas sur celle de Mies van der Rohe qui régnait en Amérique à cette époque. Même si son plan et son implantation nous rappelle Le Corbusier, le plastique de sa façade en mur-rideau relève bien de l’École de Chicago dont les fondements reprennent l’architecture de Mies van der Rohe77.

77

Ibid p.25

Fig. 19 Façade mur-rideau de la Place Ville Marie

59

L’ÉVOLUTION D’UN STYLE

Le style international connaîtra une deuxième génération qui s’illustrera aussi à Montréal et qui apparaîtra au milieu des années 60. Tout en maintenant les principes du mouvement moderne, on cherchera à nuancer l’expression de ces architectures et leur trouver une nouvelle plasticité. Cette génération se caractérisera notamment, par l’utilisation du béton armé a même l’enveloppe, mais aussi dans sa structure qui était auparavant faite de métal.

Effectivement, l’utilisation du béton se fera ressentir par sa présence et par sa plasticité qui s’oppose à la transparence des façades de la structure acier. Cette nouvelle attitude prend racine dans l’architecture de Le Corbusier et dans la tendance néo-brutaliste78.

La tour de la Bourse construite en 1967 fut l’une des premières tours à présenter ce changement d’expression. Au moment de sa construction, elle était la plus haute tour en structure béton. Si ces façades en mur-rideau verre et métal ont suivi les normes connues, les formes arrondies de ses colonnes d’angle et la courbure de ses façades font allusion à la colonne classique. Ce geste de la part de ces concepteurs italiens suggérait donc la recherche d’une nouvelle plasticité79. Cette nouvelle plasticité peut être observée sur plusieurs autres édifices qui sont apparus dans un deuxième temps au courant des années 60, notamment sur le Château Champlain évoqué précédemment. Effectivement, ces édifices attestent un certain désir de renouvellement plastique et une recherche plus variée de la forme en respectant tout de même le style international par leur implantation dégagée et avec la typologie de la tour80.

L’autre immeuble phare du nouveau centre des affaires est sans aucun doute la Place Bonaventure construite en 1967. Au niveau de l’architecture et de son style, on la considère en quelque sorte comme l’antithèse de la Place Ville-Marie81. Par ailleurs, l’architecture de la Place Bonaventure est assez révélatrice de la rapidité de l’évolution de la pensée architecturale dans ces années-là. Cet édifice qui lie architecture et urbanisme sera l’œuvre d’une agence montréalaise : Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Sise qui au cours des années 60

60

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Idem

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Idem

81

Idem

auront acquis audace et expérience. Effectivement, cette agence qui avait assisté Pei dans la conception de La Place Ville-Marie marque leur évolution avec la Place Bonaventure. On remarque d’ailleurs leur préoccupation pour l’espace public et surtout la place. Si la Place Ville-Marie proposait un vaste espace ouvert, ce deuxième édifice allait amener une réponse complètement différente afin de tenir compte du paysage et du climat en proposant ici un espace public intérieur. Leurs différences allant bien plus loin, on remarque aussi une attitude différente dans ces deux propositions : « La Place Ville-Marie, extravertie, claire, exprime un optimisme sans bornes ; la Place Bonaventure, fermée, caverneuse, semble tourner le dos à la ville pour former en son centre une sorte de havre convivial, maternel contre les éléments, contre l’espace éclaté qu’ont créé, dans cette partie de la ville, les nouvelles constructions et les démolitions plus ou moins planifiées82». Ces deux architectures auront marqué à leur façon l’histoire de l’architecture contemporaine, une portée considérable sur le plan locale, mais d’autant plus à l’internationale.

82

Idem

Fig. 20 La Place Bonaventure et la Place Ville Marie vue de la rue University, 1968

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EXPO67, POINT D’ORGUE DU MODERNISME À MONTRÉAL

À l’occasion de l’Expo67, plusieurs autres architectures faisant échos au mouvement moderne seront construites dans le parc des Îles. Par ailleurs, les expositions universelles cherchant à mettre de l’avant les avancées scientifiques, technologiques ou idéologiques internationales, la tradition veut que le pays hôte de l’évènement puisse laisser sa marque avec l’une de ces réalisations. On peut penser au Cristal Palace réalisé à Londres pour l’exposition de 1851 ou à la Tour Eiffel de Paris à l’occasion de l’Expo de 1889.

Fig. 21 HABITAT 67

À Montréal, Habitat 67 incarnera le progrès et l’innovation, un monument historique d’avant-garde. L’architecte retenue sera Moshe Safdie à seulement 25 ans. Cette opération fera l’objet du projet de fin d’étude de M. Safdie qui sera diplômé de l’Université McGill en 1961, il sera aussi l’une des rares recherches modernes de l’habitat à Montréal. Sa thèse intitulée A Three-Dimensional Modular Building System proposait une solution de rechange économique à la maison unifamiliale de banlieue, alors très en vogue à travers l’Amérique du Nord 83. De plus, sa construction faite à partir d’un assemblage d’éléments préfabriqués en béton allait rendre sa construction rapide et peu coûteuse permettant de loger des ménages à revenus modestes. « Mon idée était de penser l’appartement comme une maison. D’offrir une qualité de vie, avec un espace et une terrasse pour chacun, malgré la densité de l’architecture84» ; une opération dense, mais intime.

83

DAGENAIS, Dominic, « Expo 67. Habitat 67 », Mémoires des Montréalais, Centre d’histoire de Montréal, https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/expo-67-habitat-67

62

84

Témoignage de M. Safdie dans GAUDREAU, Valérie, « Moshe Safdie : Rêver la banlieue en ville », Sortir du moule, Continuité, n°142, 2014, p.31

Outre Habitat 67, plusieurs autres architectures furent des exemples du caractère expérimental de l’Exposition. Cette recherche se ressentait tant dans ses espaces, son mobilier, ses réseaux de transport qui répondaient tous à la même préoccupation. D’ailleurs, les réponses qu’ont apporté les concepteurs de l’époque ne cherchaient plus une unité, au contraire, dans un certain chaos on observait l’abandon du style international pour la recherche architecturale. Chacune des architectures semblait suivre une piste différente qui à certain moment entrait en contradiction avec les autres. Par exemple, les pavillons de l’Allemagne, des États-Unis, du Québec, de l’Ontario, etc. illustraient bien ces divergences de pensée85.

De cette façon Expo67 la fin du style internationale dans la métropole montréalaise même si aux États-Unis, ce style persista jusque dans les années 80.

Cela dit, la volonté d’internationaliser la ville se ressentira notamment au sein des architectures, mais aussi dans le choix des architectes qui construiront ce nouveau centre moderne.

Effectivement, le style international sera en quelques sorte un symbole tangible de cette effervescence dans la métropole Montréalaise. Quelque chose qu’on ressentira même jusque dans le pavillon du Québec de l’Expo6786. Il sera même comparé au pavillon de Barcelone de Mies van der Rohe de l’exposition universelle de 1929 par Sybil Moholy-Nagy, critique du New York Times. Ce pavillon aux façades penchées faites de mur-rideau en verre miroir sera à l’image du centre des affaires qui se construisait en face : « sophistications technique et programmatique, alliées à une certaine sobriété architecturale87».

Cette facture résolument moderne est en phase avec le message de vitalité canadienne française qui est au cœur du projet pour ce pavillon, qui fait les louanges d’un peuple qui a su maîtriser les éléments afin de construire son identité dans un territoire hostile.

Il est, en quelque sorte, le point d’orgue d’une réidentification des Québécois à leur propre environnement qui n’est plus celui des champs et des bois, mais celui de la ville, une ville en train de glisser de l’industrie vers le tertiaire88.

85

Idem

86

LORTIE, André, « Montréal 1960, les ressorts d’une réidentification », Strates [En ligne], n° 13, 2007, mis en ligne le 22 octobre 2008 [consulté le 24-12-20], http://journals.openedition.org/ strates/6083 87

Ibid paragraphe 27

88

Ibid paragraphe 28

63

MONTRÉAL, LA VILLE ET SON DOUBLE

Fig. 22 Le Centre des affaires vu depuis l’Expo67

Ce qui est particulier à Montréal, c’est que le noyau urbain du centre des affaires s’est développé en même temps que la conception de l’Expo67. En effet, pendant que des îles apparaissaient dans le milieu du fleuve Saint-Laurent, des tours émergeaient du sol dans le centre urbain. D’ailleurs, André Lortie évoquera en parlant des écrits de Reyner Banham, « Megacity Montreal », que celui-ci ne distinguait même pas les deux scènes montréalaises.

Seulement, selon A. Lortie, « d’un côté, l’Exposition universelle réalise une sorte d’utopie pragmatique faite de bribes des pensées architecturales et urbanistiques les plus en pointe, dans le sillon de celles qui l’ont précédée. De l’autre, les complexes négociations entre la ville du tournant du siècle et ces mastodontes que sont les places Ville-Marie ou Bonaventure engagent une véritable dynamique de réidentification89». Il parlera même de la ville et son double pour qualifier ces deux scènes.

Cependant, ce double n’est pas nécessairement le reflet de la ville90. Toutes deux ayant été conçues sous les mêmes concepts, Expo 67 se voulait très démonstrative. Tandis que la transformation de Montréal est très concrète. Si l’Expo67 a été le résultat d’une grande composition urbaine, le centre des affaires 89

64

LORTIE, André dir., « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.112 90

Échanges avec André Lortie 11-09-2020

s’est développé, sans véritable planification. Les choses arrivent par additions sans composition d’ensemble. En revanche, quand on prend chaque composant séparément, on observe des réponses étudiées et même sophistiquées. Dans le cas de l’Expo67, «la démonstration se confine parfois à l’esthétique91».

Par ailleurs, si l’on revient au fait que l’émergence du nouveau centre et l’exposition universelle se soient réalisées au même moment, cela ne permet pas que l’une influe sur l’autre, selon A. Lortie. L’influence viendrait plutôt de la manière dont on abordait les questions urbaines dans les années suivant la Seconde Guerre mondiale. Cette approche se serait ensuite traduite sur les deux espaces.

MÉGACITÉ

En 1968, dans son ouvrage Megastructure, Urban Futures of the Recent Past, Reyner Banham, qualifiera Montréal de « Megacity ».

Ce terme vient surement des nombreuses architectures qualifiées de mégastructure qui se sont construites dans la ville au cours des années 60. Effectivement, les mégastructures urbaines sont l’une des formes de l’utopie du XXe siècle ; une utopie technologique évoquant un imaginaire technocratique92. L’idée était de « concevoir de nouvelles concentrations urbaines qui correspondent à nos besoins de déplacement rapide et d’échanges, de dynamisme et de mobilité 93». La forte urbanisation qui s’est développée dans le monde et notamment en Europe dans l’après-guerre a poussé les architectes à concevoir, dès la fin des années 50, de nouveaux schémas d’urbanisation intégrale. Ce nouveau schéma marquera une reconfiguration fondamentale dans l’aménagement de l’espace urbain. En effet, les mégastructures deviendront un nouveau modèle d’urbanisme alliant mobilité, relationnel et progrès technologique pour répondre aux nouveaux besoins du mode de vie occidental94.

91

Idem

92

RAGNON, Michel, « Architecture et mégastructures », Le gigantesque, Communications, n°42, 1985, 4p.69-77 93

RAGNON, Michel, Prosepctive et Futurologie, 1978 cité par Mégastructures, Frac Centre-Val de Loire, https://www.frac-centre.fr/ressources/parcours-thematiques/megastructures-619.html 94

FRAC Centre-Val de Loire, Mégastructures [en ligne], [consulté le 11-12-2020], https://www. frac-centre.fr/ressources/parcours-thematiques/megastructures-619.html

65

La mégastructure se définit par sa capacité d’extension et sa modularité laissant place à une grande liberté de planification à travers son ossature ouverte. Sa forme systématique s’apparentant à la grille ou à la trame urbaine permet une organisation spatiale mobile, idéale et égalitaire ; des revendications sociales caractéristiques de cette époque.

L’espace urbain vient ensuite se transformer en un réseau d’agglomération permettant une implantation libre des cellules d’habitat. L’architecture devient alors une infrastructure, où viennent s’intégrer les différents espaces d’habitation et de circulation95.

En observant ces mégastructures, on parlera aussi de gigantisme architectural et vertical. À Montréal, on retrouvera ces structures tant dans la ville et son nouveau centre urbain que sur le site de l’Expo67 ; une volonté de grandeur qui pourrait surement justifier la réception du mega-event Expo67 et des Jeux olympiques de 1976. Cette échelle mégastructurelle aura sans doute été introduite dans un premier tant par l’ampleur que le maire Jean Drapeau souhaitait donner à sa ville, puis par l’échelle du mega-event en tant que tel. On pourrait donc dire que l’échelle des transformations qu’a connues Montréal au fil des années 60 a été insufflée par l’échelle de l’événement qu’elle recevra pour clore cette période.

95

Idem

Fig. 23 Vue aérienne du Centre des affaires, 1966

66

COMPOSITION IMPENÉE DE LA VILLE PRAGMATIQUE

Cet urbanisme particulier a vu le jour en 1962.Il continue encore aujourd’hui de se développer. Pourtant, ce réseau piétonnier semble s’être développé sans véritable stratégie ou ligne directrice96. En effet, André Lortie la qualifiera de « […] composition urbaine impensée d’échelle mégastructurelle »97.

Elle n’est cependant pas le fruit du hasard comme pourrait le laisser penser le terme « impensée ». Dès les années 50, tout a été mis en place pour que le centre-ville soit réaménagé. Ces transformations devaient advenir, mais cela aurait pu prendre un tout autre aspect. Effectivement, ce nouveau centre-ville n’a pas été pensé comme une composition urbaine en soi98. Elle sera plutôt le résultat d’une pensée urbaine initiée à Montréal par Vincent Ponte. D’un point de vue marxiste, le centre des affaires pourrait être le résultat des forces du marché et de l’immobilier. À l’inverse, elle serait le résultat d’une injonction sociale si l’on se place du point de vue de la sociologie urbaine99.

Ce réseau s’est étendu durant les premières années avec comme seuls outils la réglementation de zonage et l’octroi de permis de construire. En effet, depuis ces débuts en 1962, la ville souterraine n’a jamais connu de plan directeur. Au fur et à mesure qu’elle se développait, quelques initiatives en matière de planification ont pu être observées dans le but d’avoir une approche plus rationnelle de son expansion qui était jusque-là assez organique et peu concertée. On la verra apparaître sur les plans officiels qu’en 1992 avec le premier Plan d’urbanisme de Montréal100.

En revanche, deux esquisses de plan directeur ont été réalisées depuis 1962. Une première esquisse de Vincent Ponte qui après avoir réalisé la Place Ville-Marie, fut approché en 1964 par les propriétaires d’immeubles au nord de celle-ci pour concevoir un plan directeur pour les 7 hectares de terrains qu’ils possédaient.

Ponte réalisa donc un plan assez conceptuel s’organisant autour d’un axe central, aujourd’hui l’avenue McGill College, bordée de nouveaux immeubles aux multiples usages tous reliés les uns 96

BOISVERT, Michel, « Le RESO à Montréal », Montréal et Toronto villes intérieures, Les presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2011, 257 p.

97

LORTIE, André, « Montréal 1960 : les singularités d’un archétype métropolitain », Les

années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.96 98

Entretien André Lortie 11-09-2020

99

Idem

100

BOISVERT, Michel, « Le RESO à Montréal », Montréal et Toronto villes intérieures, Les presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2011, p.16-24

67

aux autres. En résultera un réseau piétonnier protégé s’étalant sur plusieurs niveaux qui devait être réalisé sur une période de 10 ans. Il faudra plutôt une trentaine d’années pour arriver à ce qu’avait imaginé V. Ponte101.

Ensuite, en 1984 sous l’initiative de l’architecte-urbaniste Clément Demers, un exercice de planification fut entrepris par le Service d’urbanisme de la ville. Un document beaucoup plus concret dont l’objectif était de relier par des corridors intérieurs les immeubles de bureaux et les galeries marchandes aux stations de métro, mais aussi, les équipements culturels et les sites inoccupés, lieux de futurs projets. La volonté d’une meilleure interaction avec la rue fut aussi mise de l’avant, surtout avec les artères commerciales importantes comme la rue Sainte-Catherine. À partir de là, un plan basé sur le parti pris d’une boucle immense au cœur du centre urbain à laquelle viendraient se greffer des ramifications allant vers des immeubles en périphérie de celleci, fut imaginé. À ce jour, la boucle n’est toujours pas fermée bien qu’elle soit quasiment complète 102. N’étant pas une composition urbaine en soi, le centre des affaires s’est développé à la pièce au gré des investissements et des initiatives privées. De plus, les projets qui se construisent aujourd’hui dans l’arrondissement du centre-ville, même au-delà du centre des affaires, continuent de se rattacher à ce réseau piéton souterrain.

101

Idem

102

Idem

68

Fig. 24 Plan directeur du site de l’Expo 67

COMPOSITION D’ENSEMBLE DE LA VILLE ÉPHÉMÈRE

Si le nouveau centre des affaires est le reflet d’une pensée, ou d’une vision qui était défendue à l’aube des années 60, Expo67 suivra cette même logique de fabrication de l’espace urbain.

Cependant, le plan directeur du site de l’Expo67 est loin d’être une composition urbaine impensée comme a pu l’être celle du centre des affaires. Chaque pavillon et chaque espace seront positionnés en répondant à une longue série de critères. Outre le fait de vouloir placer le site de l’exposition au plus proche possible du nouveau centre moderne, l’idée de créer de toute pièce le site de l’exposition renforce davantage le caractère utopique de l’événement. En effet, la figure de l’île étant une forme d’utopie en soi, son emplacement de choix en face du centre moderne en train de se construire créera une réelle tension entre les deux espaces.

L’île à mi-chemin entre le territoire rêvé et le territoire réel a toujours eu un caractère mythique103. Effectivement, dans la littérature l’île a souvent été lieu d’utopies. On pense notamment à L’Utopie de Thomas More écrit en 1516 qui décrivait une société insulaire idéale régie par une stricte égalité. Par ailleurs, cette figure particulière fait référence à un territoire en marge de la société et suggère une certaine forme d’idéal où tout est à réinventer. « Il y a cette image du laboratoire, qui fonctionne en raison d’une double propriété de l’espace insulaire : sa coupure, qui instaure de la discontinuité, et sa clôture, qui met l’île au centre, même si elle est considérée comme marginale 104».

De ce fait, le choix du site insulaire pour l’Expo 67 ajoutera à l’imaginaire et à la représentation qu’on se fait de Montréal à cette époque.

Le projet de recevoir l’exposition sur l’île Sainte-Hélène sera proposé par Guy Beaudet ; une idée qui datait déjà de plusieurs décennies puisqu’en 1895, l’idée de tenir des foires et des expositions sur cette île en face du Vieux Port avait été soulevée.

D’ailleurs en 1935, un projet liant l’île Sainte-Hélène aux autres îles environnantes : l’île Verte et l’île Ronde, avaient été proposées 103

MELAY, Alexandre, « Au-delà de l’utopie : l’île comme révélateur de l’état socio-géopolitique du monde actuel », L’Île : prisme de la connaissance ou reconnaissance du monde, Carnets, n° 17, 2019, 15 p.

104

Citation de Éric Fougère extraite de MIRO, Élisabeth, « Épisode 4 : Le lieu des utopies », Entendez-vous l’écho ?, France Culture, https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vousleco/les-possibilites-dune-ile-44-utopies-insulaires

69

dans le but d’accueillir un grand parc au bord de la métropole105.

En 1963, la proposition de Guy Beaudet de tenir l’exposition dans le futur parc des îles fut acceptée. Une idée folle selon plusieurs, notamment pour le Premier ministre canadien de l’époque, John Diefenbaker : « construire des îles, au Canada, dans le pays où il y a le plus d’espace au monde 106».

Après plusieurs changements, Édouard Fiset, architecte et urbaniste québécois, sera nommé architecte en chef d’Expo67, avec un groupe de concepteurs, ils imagineront entre avril et décembre 1963 le plan directeur de la future exposition universelle de Montréal. Le site de l’exposition allait finalement s’étendre de la jetée Mackay (ou cité du Havre) jusqu’au parc des Îles. Les nombreux dessins retrouvés dans le fonds de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle témoigneront des nombreuses variantes étudiées au cours de ces 9 mois de conception, mais surtout de l’importance de l’articulation du site de l’expo avec la ville107. « L’Exposition occupe un site particulièrement dramatique le long d’IA voie maritime du SaintLaurent d’un côté, et le port de Montréal de l’autre, au pied de la ville et de ses gratte-ciels dont le mont Royal forme un arrièreplan impressionnant 108».

Edouard Fiset suite à la réalisation du plan directeur publia en janvier 1964 dans le journal de l’Institut Royal d’Architecture du Canada, un communiqué présentant le site et les différentes intentions pour l’aménagement de l’exposition. Le défi allait être de lier les quatre parties distinctes du site. La Pointe SaintCharles comprenant la Jetée Mackay située sur l’île de Montréal, en en lien avec centre des affaires marquerais l’entrée principale du site. De plus, elle allait recevoir « les projets à caractère permanent et requérant soit des mouvements de masse, soit des échanges fréquents et continus avec le centre urbain 109».

Ensuite, l’Île Verte, située au plus près du pavillon d’accueil de la jetée Mackay, malgré sa position de choix sera trop petite pour 105

Canada’s History, Expo 67 : Des îles inventées [en ligne], 21 août 2017 [consulté le 11-11-2020], YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=x-mrgnMa9j8 106

Extrait du film Expo 67 Mission Impossible

107

École de design de l’UQAM, Étude patrimoniale sur les témoins matériels de l’exposition universelle et internationale de Montréal de 1967 sur l’île Sainte-Hélène, Laboratoire de recherche sur l’architecture moderne et le design, 2005, 38p.

70

108

FISET, Édouard, « Le plan directeur », Journal RAIC – L’IRAC, Volume 41, n° 1, janvier 1964, p.55

109

Ibid p.56

recevoir les pavillons importants de l’exposition. On y aménagera donc des espaces publics tels que la place de la Confédération et la place des Nations lieu de spectacles et représentations diverses, qui seront en quelque sorte les figures de proue du site. L’île Notre-Dame, plus éloignée de l’entrée principale, mais plus grande permettra d’installer les pavillons plus importants, pôles d’attractions principaux qui allait attirer les visiteurs plus profondément dans le site et leur faire découvrir toutes les parties de l’exposition. On allait donc y retrouver le pavillon du Canada, de la Grande-Bretagne et de la France juste à côté de celui du Québec. À l’opposé de l’île Notre-Dame s’élèveraient sans doute les pavillons de la Russie, des États-Unis et de l’Allemagne de l’Ouest pour créer un nouveau pôle d’attraction. L’île Ronde liée aux trois autres se prêtait particulièrement à l’aménagement d’un parc d’attractions. Tandis que, l’île Sainte-Hélène, cœur de l’exposition allait être préserver comme un élément de nature et de repos « où se déversera le trop-plein de la foule 110». De ce fait, la répartition des pavillons nationaux, des pavillons privés et des pavillons thématiques se ferait selon les critères suivants : dans un premier temps selon la relation, politique ou économique des pavillons entre eux ; puis selon les thèmes abordés ; et enfin selon les exigences du plan directeur et les caractéristiques du site111.

En définitive, le plan directeur d’Édouard Fiset en plus de la réparation des pavillons, soulèvera des thématiques s’associant au concept urbain qui a été expliqué tout au long de cette partie. La ville de Montréal, tant dans son exposition que dans l’aménagement de son nouveau noyau urbain, reflétera une manière de fabriquer la ville propre aux idéologies d’après-guerres.

On retrouvera dans ces aménagements et ces architectures une vision révélant les promesses des avant-gardes. De plus, cette échelle mega-structurelle dont la ville héritera sera le résultat d’une association entre architecture et urbanisme, mais aussi de l’échelle macro d’Expo67. Cet événement qui aura laissé sa marque dans l’histoire de la ville et dans les mémoires fabriquera tout un imaginaire autour de Montréal ; c’est d’ailleurs grâce à ces projections, cette concertation et cette intensité qu’on qualifiera Montréal et son centre d’hyperville.

110 111

Idem

Ibid p.25

71

CHAPITRE 2

L’HYPERCENTRALITÉ Dans cette réflexion sur Montréal et la manière dont la ville s’est fabriquée depuis les années 60, la thématique de la centralité est particulièrement mise en avant. Effectivement, comme l’a démontré le chapitre précédent, le centre moderne sera le reflet d’une pensée urbaine étant l’aboutissement de tout un discours sur la manière de concevoir la ville au XXe siècle. La centralité semblait être un aspect important des préoccupations de l’époque comme on peut l’observer dans le CIAM 8 sur le cœur de ville.

Effectivement, à partir des années 60, Montréal aura comme objectif de s’inscrire au rang des grandes villes du monde tout en disputant la place de première métropole canadienne avec Toronto. Or, la métropole et le phénomène de métropolisation sont étroitement liés à la thématique de la centralité et du centre. S’intéresser à la centralité d’un lieu c’est aussi replacer le centre dans son ensemble, de le regarder à plus grande échelle.

Aujourd’hui le centre moderne héritée des années 60 constitue l’hypercentre du Grand Montréal.

La notion d’hypercentralité suggère une centralité plurielle où l’hypercentre serait le cœur du centre urbain. L’hypercentre désigne aussi le centre de la grande ville où d’une grande agglomération, puisque le terme de centre-ville s’applique plutôt aux petites et moyennes villes. De ce fait, le préfixe hyper témoigne d’une concentration et d’une intensification des activités et des usages ainsi qu’une densité plus importante.

Le Centre des affaires sera aujourd’hui qualifié d’hypercentre puisque l’arrondissement du centre-ville montréalais est constitué de plusieurs noyaux urbains exerçant tous une certaine attractivité.

PROJET STE-CATHERINE OUEST, HYPERCENTRE DE LA MÉTROPOLE

Fig. 25 Rendu du projet Sainte Catherine ouest

Le piéton placé au cœur de l’espace public, c’est ce que Valérie Plante, mairesse actuelle de la ville de Montréal, a prévu pour l’arrondissement du centre-ville montréalais. La nouvelle rue Sainte-Catherine au cœur du projet a l’ambition de se mesurer aux grandes artères commerciales du monde112. Ce projet, où la place de la voiture sera complètement repensée et réinterrogera la place du piéton en ville. La rue Sainte-Catherine sera réduite à une seule voie de circulation, élargie pour permettre la livraison des commerces et bordée de part et d’autre de trottoirs reverdis d’une largeur de 6,5 m. La première phase consistera à un réaménagement de la rue sur 670 m, de Bleury a Mansfield.

Puis, ce même traitement sera prolongé jusqu’à Atwater et fera l’objet d’une deuxième phase113.

Ce secteur en plein renouvellement urbain réinterroge d’une certaine façon le chantier des années 60. Ces interventions : le réaménagement de la rue Sainte-Catherine Ouest, l’arrivée du Réseau express métropolitain (REM) au centre-ville ainsi que les importants investissements privés, comme la revitalisation 112

MOUTON, François réalisateur, Le projet « Sainte-Catherine » de l’administration Plante

[vidéo], avril 2018 [consulté le 30-10-20], Téléjournal Montréal, https://ici.radio-canada.ca/ nouvelle/1097461/reamenagement-rue-sainte-catherine-projet-montreal-circulation-centreville

74

113

Ville de Montréal, La future Sainte-Catherine ouest : une artère revitalisée [en ligne], 2018

[consulté le 30-10-20], https://www.amenagermontreal.ca/sainte-catherine-nouvelles

de la Place Ville-Marie ainsi que son esplanade, et la rénovation du Centre Eaton, sont en fait une rénovation urbaine du centre constituée des années 60114. La rue Saint-Catherine deviendra alors le fil conducteur de ces espaces en transformations.

Son renouvellement mènera aux réaménagements de plusieurs espaces publics sur ces abords ; parmi ceux-là, le square Dorchester rénové en 2018, le square Phillips qui sera rénové prochainement et notamment, la nouvelle place McGill. À cela s’ajoutent aussi la Place des Arts et le parvis de l’Église SaintJames. La place McGill qui sera située sur l’actuelle avenue McGill College constituera la troisième phase du projet ; une avenue emblématique de la ville reliant l’université McGill à la Place Ville-Marie. Cette avenue sur laquelle viendra s’implanter, de la rue Sherbrooke à la rue Cathcart, un espace entièrement piéton s’ouvrant sur le mont Royal, offrira une vue qui jusque-là était inexploitée115. Ces interventions traduiront une volonté de la ville de transformer l’expérience du piéton. En effet, ce nouvel aménagement permettra à la nature de se déployer en plein cœur de ville en offrant aux Montréalais, étudiants, travailleurs et touristes, une parcelle végétalisée en prolongement du mont Royal. Également, le REM sera un autre projet structurant de la ville. En effet, cette nouvelle infrastructure reliera la banlieue montréalaise au centre de la métropole. Une première phase qui sera active dès 2021 desservira la Rive-Sud de Montréal depuis la Gare Centrale. Le reste du réseau sera mis en service dans les années suivantes. Ce nouveau moyen de transport en commun viendra se joindre au nœud multimodal de la gare Centrale, ainsi que la station de métro McGill, renforçant ainsi l’attractivité du centre des affaires au sein de l’aire urbaine montréalaise.

Ce projet de réaménagement de la mairesse Plante aura donc comme objectif de faire de la rue Sainte-Catherine, au niveau de la place McGill, l’hypercentre de la métropole.

114

Ville de Montréal, Place de l’avenue McGill College : Une avenue iconique [en ligne], 2018 [consulté le 30-10-20], https://www.realisonsmtl.ca/mcgillcollege 115

Idem

75

LE CENTRE DES AFFAIRES, UNE NOUVELLE CENTRALITÉ Le Centre des affaires qui émergera dans les années 60 sera le fruit d’un projet urbain datant du début du siècle. Si son emplacement est issu du projet de Gare Centrale de 1929, cette nouvelle centralité se détachant du Vieux-Montréal s’affirmera lors de la construction de la Place Ville Marie en 1962. Elle s’inscrira dans un plan d’ensemble liant la Gare Centrale à ce nouveau complexe urbain qui sera le premier composant de ce nouveau centre des affaires. Son chantier qui s’étalera sur une décennie et même au-delà placera la ville dans une période d’effervescence constructive. L’apogée de cette période sera évidemment l’Expo 67 qui viendra d’ailleurs renforcer l’attractivité de cette nouvelle centralité pour en faire le cœur de la ville de Montréal. En s’appuyant sur l’ouvrage La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal de Sara Marchand, France Vanlaethem et Paul-André Linteau, on retracera les événements qui auront mené à cette nouvelle centralité.

LA GARE CENTRALE, À L’ORIGINE D’UN NOUVEAU CENTRE

Cette nouvelle centralité naîtra du projet de Gare Centrale des compagnies de chemin de fer canadiennes qui débutera au tournant du XXe siècle. Le projet sera piloté par la compagnie du Canadien National (CN) qui après une longue série d’études dévoilera en 1929 son grand projet du « Montreal Terminal »116. À cette époque, Le CN comptait déjà quatre gares de voyageurs au sein de la ville de Montréal. Trois d’entre elles se situaient à proximité les unes des autres dans le futur quadrilatère du centre des affaires, sans toutefois être reliées. À cela le CN désirait ajouter un nouveau terminus « ultra-moderne » qui allait desservir les grands hôtels, les théâtres et les grands magasins et remplacer le « Tunnel Terminal ».

Ce nouveau terminus constituait un projet urbain en soi, puisque le CN voulait participer à l’optimisation de la circulation à l’échelle de la ville. Ce projet visait donc à faciliter l’accessibilité des nouveaux aménagements qui allait remplacer l’ancienne gare en 116

76

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, « Chapitre 2 - Un projet urbain en suspens », La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec Amérique, Montréal, 2012, p. 55-82.

portant une attention particulière à l’articulation de circulation piétonne et routière117. De telles préoccupations s’inscrivaient bien dans l’air du temps puisqu’on voyait dorénavant la ville comme une machine, fonctionnelle et efficace délaissant les mises en scène classiques de la ville.

Par ailleurs, les grandes idées du CN pour la nouvelle gare furent interrompues par krach boursier de 1929. Le chantier de l’infrastructure ferroviaire qui était déjà commencé reprendra en 1935, puis en 1938 on commencera le chantier de la gare Centrale.

Celle-ci sera inaugurée en juillet 1943, malgré la Seconde Guerre mondiale. Cependant, le grand projet qui cherchait à rivaliser avec le Grand Central de New York s’avèrera beaucoup plus modeste118.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le potentiel immobilier de l’ilot de la Gare Centrale est remis en avant et on 117

Idem

118

Idem

Fig. 26 Chantier de la Gare Centrale, 1935

77

cherchera à l’exploiter. Le « Montreal Terminal Développement » suggèrera en 1951 une stratégie à long terme visant le développement de grands immeubles qui mènerait à la réalisation d’un projet de plus grande échelle. Après plusieurs tentatives de projets, on fera appel au promoteur new-yorkais William Zeckendorf de l’entreprise Webb & Knapp pour développer l’ilot nord de la Gare Centrale appartenant au CN. Une entente sera finalement signée en octobre 1956 entre Donald Gordon et William Zeckendorf en présence du maire Jean Drapeau119. De ces discussions émergera le projet de Place Ville Marie qui sera le point de départ du nouveau Centre des affaires et de la ville « moderne » de Montréal.

LA PLACE VILLE MARIE, PREMIER COMPOSANT DU CENTRE MODERNE

La Place Ville Marie sera conçue à New York par M. Pei & Associates. Pour la conception de ce projet, Pei s’associera a Henry N. Cobb, chargé de projet et à Vincent Ponte, urbaniste, tous issu de la Graduate School of Design de l’Université Harvard, foyer du modernisme en Amérique du Nord120.

Ce nouveau projet devait s’inscrire dans une vision d’ensemble comme l’exigeait l’entente entre le CN et Webb & Knapp. Autour du site étaient construits le siège de l’OACI et l’hôtel Reine Elizabeth.

Sur la rue University, au sud de Belmont, le chantier de l’immeuble de la Gare Centrale était presque terminé. Ces immeubles, tous en lien avec la mobilité faisaient du « quadrilatère central de la tour cruciforme une plateforme de correspondance 121». Ensuite, une seconde vocation culturelle et commerciale allait qualifier le quadrilatère nord renforçant cette idée de plaque tournante ou de « hub ». De plus, on proposera d’implanter au sud de la rue Dorchester un centre des congrès qui s’ajouterait au plus grand hôtel de convention au Canada (l’hôtel Reine Elizabeth). Puis, un terminus d’autobus surmonté d’un héliport occupant tout le quadrilatère sud s’ajouterait à la gare Centrale. Au plus près de la rue Sainte-Catherine allait se construire la pièce maîtresse de l’intervention. Effectivement, la tour cruciforme présenterait une programmation alliant bureaux, boutiques et théâtre.

119

Idem

120

78

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, « Chapitre 3 – Le projet de la Place Ville Marie », La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec Amérique, Montréal, 2012, p. 83-112.

121

Ibid p.97

Fig. 27 Plan directeur de la Place Ville Marie Fig. 28 Percée sur le mont Royal depuis l’Esplanade

Par ailleurs, le plan directeur de 1957 mettait en avant deux exigences principales : « d’une part, l’exploitation du chemin de fer et de la Gare Centrale reconnue comme la vocation première du site et, d’autre part, le traitement unitaire des trois quadrilatères en regard du déplacement des piétons, de la circulation automobile et de l’entreposage 122». D’emblée, le projet visait à recréer un noyau urbain ou un centre des affaires confirmant le statut de métropole ébranlée par la montée en puissance de Toronto qui attirait depuis la majorité des activités économiques du pays. De ce fait, on construira la tour la plus haute du Commonwealth accompagnée de son esplanade qui se voulait l’« un des plus beaux espaces publics du siècle ».

Ces nouveaux aménagements devaient conférer à Montréal un nouveau centre urbain qui l’inscrirait au rang des villes internationales.

A l’occasion d’une conférence au Centre canadien d’architecture pour l’exposition Les années 60 : Montréal voit grand en 2004, Henry Cobb expliquera que leur intention était d’« établir un dialogue avec le mont Royal » en dégageant la vue sur son sommet dans l’axe de l’avenue McGill College. Ce choix fut en 122

Idem

79

effet motivé par la topographie naturelle du site contrastant avec la large tranchée ferroviaire d’une quinzaine de mètres sur laquelle le site prenait place. Cette entaille dans le tissu urbain sera à l’origine de l’idée d’une place publique qui allait se situer au nord face à l’hôtel Reine Elizabeth et dans l’axe de l’avenue McGill College.

Pour le bâtiment phare du nouveau centre moderne, deux propositions furent présentées. La première version du projet qui proposait deux tours, ne fut cependant, pas à la hauteur des attentes de W. Zeckendorf et du site exceptionnel. Selon lui, ce projet n’avait pas la « présence physique, esthétique, émotionnelle capable de transformer Montréal123 ». À ce moment-là, le programme était encore assez flou. Le projet devait alors comporter une seule tour de bureaux d’environ 140 000 m² offrant à une majorité de locataires la possibilité d’affirmer leur identité corporative. Zeckendorf visait une clientèle de grandes entreprises qui était habituellement propriétaires de leur siège social.

Une autre solution sera ensuite proposée aux autorités du CN, une tour cruciforme ; un bâtiment de quarante étages où la circulation verticale constituerait le cœur de la tour. Son plan en croix offrira plusieurs avantages, notamment, des étages dont la surface était de trois à quatre fois plus importante que le plan d’une tour conventionnelle, tout en assurant une desserte efficace ainsi qu’une bonne entrée de lumière naturelle124. De plus, ce gratte-ciel allait être accompagné de bâtiments bas dont le nombre et la configuration restaient encore à déterminer.

Ceux-ci seront traités en nappes et enserreront le pied de la tour du côté des rues Cathcart et Mansfield. Des constructions encore incertaines du point de vue du nombre, du volume et qui d’un dessin à l’autre dégagèrent toutefois une place plus ou moins large dans l’axe de l’avenue McGill College. Cette place ou esplanade présentait une importante perméabilité spatiale où plusieurs cours allait s’ouvrirent sur cette surface établissant une transparence avec l’étage du dessous. De plus, la tour posée sur pilotis allait offrir une continuité en rez-de-chaussée entre le grand hall de l’immeuble et l’esplanade.

Trois ans après le premier coup de crayon et plusieurs modifications, la Place Ville Marie affirmera en 1962 son identité 80

123

Ibid p.94

124

Ibid. p. 98

de grand complexe urbain s’articulant autour d’un grand espace public125. Ce gratte-ciel cruciforme de 40 étages accompagné de trois immeubles bas constituera « un ensemble sur dalle dont la composition spatiale a été infléchie par la morphologie de la ville 126». L’esplanade dévoilera dans ces souterrains des réseaux de circulation connectés à l’ensemble du site et à la ville existante ; des réseaux constitués d’une galerie commerciale, deux niveaux dédiés à l’automobile et aux camions et un autre aux chemins de fer. Le plan directeur sera finalement accepté par le CN en juin 1959.

Comme énoncé précédemment, le projet de la Place Ville Marie influencera la conception de plusieurs projets qui seront construits la même année, en 1962. Elle sera le premier composant du Centre des affaires en train de se construire.

Même si la gare Centrale construite près de 20 ans avant la Place Ville Marie constituait déjà une certaine attractivité, on parlera d’un nouveau centre, et d’une nouvelle centralité qu’à partir de la réalisation de cet immeuble phare dans l’histoire de Montréal.

Le Centre des affaires continuera à se développer au gré des investissements privés et des projets immobiliers dans le courant des années 60. La dernière pièce de ce grand chantier sera le Complexe Desjardins construit en 1976. Par ailleurs, la réception de l’exposition universelle où son site s’est voulu au plus proche du nouveau centre de la ville moderne renforcera cette nouvelle centralité et son noyau urbain.

125

Ibid. p.104

126

Idem

Fig. 29 Maquette du quadrilatère du CN

81

EXPO67, CATALYSEUR D’UNE NOUVELLE CENTRALITÉ

Le choix du parc des Îles comme site pour recevoir l’exposition universelle de 1967 découlera d’une volonté de Jean Drapeau et des concepteurs de l’Expo 67 de situer l’événement dans la ville de Montréal, le plus près possible du nouveau centre moderne qui attirait déjà l’attention du monde entier. L’idée d’un tel site sera étudiée dans un premier temps par les architectes Bruno Bédard, Charles-Emile Charbonneau et Jacques-Yves Langlois avant que ne soit déterminé le site officiel.

Vite convaincus de l’intérêt de cet emplacement, ils présenteront le futur site de l’exposition comme une « vitrine » sur Montréal et ces gratte-ciels grâce à la vue depuis le fleuve127. En plus de la vue imprenable sur le nouveau cœur de ville, ce site présentait un avantage décisif, aucun terrain n’était à exproprier ; ce que les autres sites étudiés aux abords du centre des affaires ne permettaient pas. Cela était donc une façon de gagner du temps sur les délais légaux d’expropriation et d’économiser sur les fonds publics. À partir de là, la firme d’architectes Bédard, Charbonneau et Langlois préparera un dossier précis du projet et une étude de faisabilité au cours de l’été 1962128.

L’annonce du parc des îles comme site officiel de l’Expo 67 se fera en 1963. Contre toute attente, l’événement ne se situera pas à Pointe-Saint-Charles, mais sur des îles au milieu du fleuve. Le maire Drapeau attribuera, toutefois le mérite de l’idée à Guy Beaudet, qui lui aurait montré la beauté de ce site au cours d’une balade en bateau sur le fleuve, sans jamais accorder la paternité de cette idée aux architectes Bédard, Charbonneau et Langlois129.

Comme l’avait prédit les architectes de la rive sud de Montréal, le panorama sur la nouvelle ville « moderne » depuis le site de l’expo mettra en tension les deux scènes montréalaises principales de la fin des années 60. Une exposition internationale sur fond de gratte-ciels allait forcément renforcer l’attractivité du cœur de ville. De plus, la jetée Mackay, porte d’entrée depuis la ville dans le parc des Îles, devait s’inscrire dans la continuité du Centre urbain en allant vers Pointe-Saint-Charles et le Port.

127

BÉDARD, Raymond, L’histoire méconnue du site de l’Expo 67 [en ligne], Histoire Canada, 12 mars 2019 [consulté le 27-12-20], https://www.histoirecanada.ca/consulter/arts-culture-etsociete/l-histoire-meconnue-du-site-de-l-expo-67

82

128

Idem

129

Idem

D’ailleurs, l’aménagement des îles selon le plan directeur d’Édouard Fiset, est en quelque sorte une extension du projet de 1937 du paysagiste Frederick G. Todd qui voulait faire de ce lieu un grand parc à l’échelle métropolitaine. Un projet antérieur sur lequel s’appuiera E.Fiset pour la composition d’ensemble de l’exposition en préservant l’île Sainte-Hélène (île originelle) sous la forme d’un parc amenant un espace de nature et de repos dans le brouhaha de l’événement. De ce fait, le parc des Îles sera finalement un grand espace de loisir et de divertissement dans le prolongement de la ville qu’André Lortie comparera à Coney Island, au Flushing Meadow de New York, ainsi qu’au bois de Vincennes de Paris130. À cet égard, le rapport entre la position du parc des Îles et le nouveau centre aura une influence sur un espace comme sur l’autre. Le panorama de la ville en arrière-plan de l’Expo mettra en valeur une scène tout comme l’autre. De plus, ce double regard sur un espace et l’autre, nous pousse sans cesse à comparer d’un côté la ville réelle et de l’autre une ville rêvée pour qu’elle soit finalement une seule et même ville.

130

LORTIE, André, « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les

année 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.75-115

Fig. 30 Carte postale montrant le Centre-Ville depuis le site de l’Expo67

83

LE CENTRE URBAIN DE MONTRÉAL, UNE CENTRALITÉ PLURIELLE Avant les années 60, le centre urbain de Montréal se définissait selon les termes classiques de la centralité, c’est-à-dire une unité spatiale des lieux de pouvoirs tels que la mairie et le palais de justice, des lieux d’activité économique et des lieux symboliques comme les cathédrales et les espaces publics131. Puis, la construction de la Place Ville Marie en 1962 marquera la relocalisation du centre des affaires à l’ouest de la vieille ville, centre urbain de l’époque. À partir de là, une dissociation du centre en différents noyaux urbains s’amorcera progressivement, tant sur le plan spatial que sur le plan des fonctions économiques et sociales. Autrement dit, le centre se séparera en deux noyaux, le Vieux-Montréal et le nouveau centre moderne. Plus tard, on verra apparaître un troisième noyau, l’axe institutionnel qui se greffera au Complexe Desjardins construit en 1976.

Les nombreuses opérations qui se construiront à cette période relèveront d’un courant de planification conjuguant modernisme, fonctionnalisme, et rationalisme qu’on ressentira tant dans l’architecture que dans l’urbanisme. Une volonté au niveau de l’aménagement de passer de la conception d’une ville à la conception d’une métropole internationale. Ce changement d’attitude marquera aussi un changement de signification du concept de la centralité qui n’alliera plus centralité spatiale et centralité des activités132.

Aujourd’hui, quand on parle de l’arrondissement du centre-ville de Montréal, on imagine tout de suite les gratte-ciels des rues Sherbrooke, Maisonneuve, Sainte-Catherine et René-Levesque, mais aussi à tous les quartiers le long de ces axes majeurs qui se caractérisent par une certaine attractivité. On pense alors, au quartier des affaires, au quartier des spectacles, au quartier latin, au quartier gai et pour certains au Vieux-Port. Le territoire du centreville se définit donc par tout ce que suggère la notion de centralité, une densité de population, l’intensité des activités économiques, culturelles, institutionnelles, etc. On remarque aussi que l’on considère le parc des îles, aujourd’hui parc Jean Drapeau dans le territoire du centre-ville. L’arrondissement du centre-ville de 131

84

AHTIK, Vito, SOKOLOFF, Béatrice, « Centralité urbaine et aménagement du centre-ville de Montréal », Cahiers de Géographie du Québec, Volume 36, n°99, 1992, p. 463-482 132

Idem

Montréal s’étend donc sur un plus large territoire en ayant plusieurs noyaux urbains redéfinissant ainsi la centralité de l’arrondissement du centre-ville de Montréal comme une centralité plurielle.

COEUR DE VILLE ET POLYCENTRISME

L’apparition de cette nouvelle notion de centralité plurielle ou polycentrisme questionne le concept même de la centralité. De ce fait, en se basant sur les écrits de Frédéric Gaschet et Claude Lacour : Métropolisation, centre et centralité, on verra que la centralité est une donnée essentielle à la compréhension d’un espace qu’on qualifie de centre. Le centre, dont la nature n’a pas d’importance, « articule les pouvoirs, symbolise les lieux et cristallise les fonctions économiques. C’est le centre qui accueille les fonctions déterminantes de la ville, commandement, contrôle, coordination, création, qui structure et hiérarchise l’espace133». Or, lorsque le centre s’inscrit dans une pluralité de centres, sa nature redevient déterminante puisque le centre est « une réalité, relative, évolutive et diffuse 134».

Par ailleurs, on observera que la notion de centralité se confond souvent avec le centre ancien. Effectivement, après la révolution industrielle, des centres urbains différents du cœur historique ont commencé à apparaître. Avec le phénomène de métropolisation et la dépendance à la voiture, la ville s’inscrira dans une « logique de renforcement de la centralité, nourrie de la force renouvelée de la concentration et de la croissance urbaine, au prix sans doute d’un étalement et d’un éclatement des centres […] peut être la mort du centre historique 135». De nouveaux lieux centraux primeront alors sur les centres anciens. Ces lieux prenant la forme de « hubs » auront la capacité de concentrer différents usages et activités, ceux-ci seront à l’origine d’une nouvelle centralité urbaine. En permettant la communication et la circulation, leur centralité se verra augmentée et accéléré136.

133

GASCHET, Frédéric, LACOUR, Claude, « Introduction », Métropolisation, centre et centralité, Revue d’Économie Régionale & Urbaine, février 2002, p.50 134 Ibid p.51 135

GASCHET, Frédéric, LACOUR, Claude, « Partie II – Le cœur permanent de la centralité », Métropolisation, centre et centralité, Revue d’Économie Régionale & Urbaine, février 2002, p.59 136

Idem

85

DU CENTRE ANCIEN VERS UN CENTRE MODERNE

A Montréal, l’activité économique et le nouveau quartier financier entrainera la dissociation, comme énoncé plus tôt, du cœur de ville vers un nouveau centre « moderne ». Effectivement, au début des années 60, le Vieux-Montréal semblait avoir été déserté.

Le Port et l’activité maritime en perte de puissance aux dépens du transport aérien et routier entrainera un redéploiement des infrastructures de transport peu favorable au port de Montréal137. Le Vieux-Montréal sera donc peu à peu délaissé sans que certaines institutions financières et bancaires n’y puissent rien. L’activité économique ayant migré vers le nouveau centre des affaires, on assistera à la désindustrialisation progressive du port de Montréal. Le Vieux-Montréal gardera en revanche les lieux du pouvoir municipal et judiciaire qui constitueront plus tard certaine forme de centralité.

En contrepartie, même si les années 60 auront été marquées par la relocalisation du cœur de ville, la décennie fera entrer la vieille ville dans une importante période de transition. En dépit des activité financières et commerciales délocalisées, le centre ancien développera une toute nouvelle fonction touristique entrainant une transformation progressive du secteur. Effectivement, cette décennie caractérisée par des transformations urbaines profondes placera la vieille ville dans un long processus de 137

BEDNARZ, Nicolas, Les années 60 en couleurs : le Vieux-Montréal à l’aube d’une transformation, 1964 [en ligne], Archives Montréal, 25 juillet 2015 [consulté le 28-12-20], http:// archivesdemontreal.com/2012/07/25/les-annees-60-en-couleurs-le-vieux-montreal-a-laubedune-transformation-1964/ Fig. 31 La Place Jacques Cartier, Vieux Port de Montréal, 1961

86

patrimonialisation qui modifiera complètement le quartier.

C’est d’ailleurs à ce moment-là que le « Vieux-Montréal » entrera dans le langage courant138. En 1964, le secteur sera qualifié d’arrondissement historique de Montréal par le gouvernement du Québec139. De cette qualification s’en suivra un gros travail de réhabilitation financé par les investissements massifs des trois ordres du gouvernement ainsi que de nombreuses entreprises et de particuliers. Progressivement, ce quartier historique en mutation sera marqué par de nouveaux aménagements publics et l’apparition d’usages liés au tourisme. Cette attractivité retrouvée fera donc du Vieux-Montréal un second noyau urbain bien qu’il ne soit pas aussi fort qu’auparavant.

CONSOLIDATION DU CENTRE ET ÉTALEMENT URBAIN

Cette notion de polycentrisme est souvent liée à l’étalement urbain qu’une majorité des villes nord-américaines a connu dans la première moitié du XXe siècle. En effet, le phénomène de métropolisation fera apparaitre une nouvelle périphérie qu’on qualifiera de banlieue. Dans le projet d’agglomération de la ville de Montréal de l’époque évoqué par André Lortie dans l’ouvrage Les années 60 : Montréal voit grand, on observera un changement d’échelle dans la manière de planifier l’occupation du territoire. Après la Seconde Guerre mondiale à Montréal, tout comme à Paris et dans d’autres métropoles occidentales, une hausse démographique particulière viendra marquer les projets métropolitains. Effectivement, les prévisions démographiques d’après-guerre établissaient qu’en 1981, l’agglomération montréalaise allait compter 4.8 millions d’habitants puis en 2000, 7 millions d’habitants. A l’époque, les stratégies de développement urbain s’appuyaient sur ces prédictions pour penser la ville de demain140. En effet, dans les mêmes années en Île de France, on commençait a imaginé les villes nouvelles qui devait accueillir en 2000, les 14 millions d’habitants de la région parisienne. Ces prévisions auront alors un impact majeur sur les stratégies d’aménagement du territoire à l’aube des années 60.

A Montréal, ce changement d’échelle laissera place à une multitude d’études d’occupation du territoire s’interrogeant sur 138

DROUIN, Martin, Vieux-Montréal [en ligne], L’encyclopédie canadienne, 23 mai 2018 [consulté le 28-12-20], https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/vieux-montreal 139 140

Idem

LORTIE, André, « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les année 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.75-115

87

la future morphologie de l’agglomération. En se rapprochant des travaux de de Gaston Bardet, Yona Friedman et Kevin Lynch, on imaginera des formes urbaines : « stellaires, dispersées, linéaires, concentrées, galactiques, les esquisses d’occupation spatiale [seront] dressées en référence à des exemples précis : Saint-Pétersbourg pour la forme linéaire, ou Paris pour la forme concentrée141».

La solution choisie par le service d’urbanisme combinera « un centre dense, à l’image de Paris, à une périphérie en étoile à quatre branches, deux à dominante industrielle, le long du fleuve, et deux à caractère résidentiel, vers les Laurentides et les Cantonsde-l ’Est 142». De ce fait, ce projet d’agglomération mettra en avant la consolidation du cœur de ville par le biais d’une forte intervention dans la fabrication de ce nouveau noyau suggérant une mutation du cadre bâti vers une échelle méga structurelle.

A l’inverse, on ne cherchera pas à contenir l’urbanisation sur l’île de Montréal, mais à la pousser à s’étaler au-delà des frontières géographiques de la ville, brouillant ainsi ces limites. Nous assisterons donc à une « double dynamique paradoxale143» de l’étalement urbain et de la consolidation du cœur de ville. Ce qui rendra possible cette conjugaison de deux logiques urbaines sera notamment l’effort porté sur les infrastructures de transports dans les années 60.

Ce projet d’agglomération ambitieux mettra en perspective l’an 2000 en envisageant le renouvellement urbain du centre puis une organisation en périphérie qu’on qualifiera de « villes satellites ». Bien que ce projet ait été étudié dans la première moitié XXe siècle, il sera entamé en vue de l’Exposition universelle et ne sera rendu public qu’en 1967. En revanche, la stratégie qui se basait sur des prédictions démographiques très élevées, traduisait une ville et des infrastructures pour 5 à 7 millions d’habitants. En face, une expansion urbaine qu’on imaginait si forte sera finalement, au regard des courbes de croissance de la population, bien moindre. Le projet dans son entièreté sera donc jugé irréalisable. Cependant, l’ampleur que préfigurerait le centre des affaires dans le projet d’agglomération sera tout de même livrée puis révélés par les projecteurs de l’Expo 67.

88

141

Ibid p.88

142

Ibid p.89

143

Idem

Fig. 32 Carte du Grand Montréal, 1967

89

LA CENTRALITÉ DANS LA VILLE DU XXIe SIÈCLE Notre manière de concevoir et de fabriquer la ville a beaucoup évolué au fil du temps. Avec les enjeux environnementaux qui pèsent sur notre société actuelle, la ville devra concilier l’urbain et l’environnement. Sur les fondements du développement durable, concevoir la ville du XXIe siècle voudra forcément dire de penser la ville durable. Jusqu’à présent, le déséquilibre entre l’urbain et l’environnement est dû à la manière dont la ville consomme l’espace.

Sa croissance urbaine constante et son empreinte écologique sont les principales problématiques auxquelles la ville durable devra répondre. Le développement durable est une clef d’entrée puisque soulève une réflexion sur notre mode vie en considérant l’habitat, le transport, l’organisation et la gestion de l’espace144. Une nouvelle réflexion sur la centralité est donc nécessaire aux regards des problématiques liées à l’étalement urbain et ce qu’il implique.

DENSIFIER LE CŒUR DE VILLE

En 2017, sur les bases du Plan Métropolitain d’Aménagement et de développement (PMAD) établi en 2011 par la Communauté métropolitaine de Montréal (CUM), la ville de Montréal mettra en place une stratégie urbaine pour le territoire du centre-ville.

Le territoire touché par cette stratégie s’appuie à la fois sur des « caractéristiques géographiques et historiques ainsi que sur le potentiel d’expansion réel des milieux de vie existants 145». Les limites de ce territoire ont donc été déterminées par les lieux caractérisant la ville par leur importance économique culturelle et touristique. Seront alors concernés le centre des affaires et les quartiers limitrophes qui permettent le développement et l’intensification de leurs activités : Griffintown, le secteur BridgeWellington et le Vieux-Montréal au sud, les quartiers Saint-Jacques et Sainte-Marie à l’est, Milton-Parc au nord ainsi que le Quartier des grands jardins à l’ouest. Ce territoire qualifié de centre-ville déroge de la définition habituelle de ce terme qui s’applique normalement aux petites et moyennes villes, il permet toutefois la définition d’un hypercentre, le cœur du centre urbain qui est le centre des affaires.

Pour répondre à l’étalement urbain du grand Montréal qui s’est 90

144

Comité 21, La ville, nouvel écosystème du XXIe siècle, Rapport 2011-2012, 107 p.

145

Ville de Montréal, (2017). Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan, p.12

grandement accru dans la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, la ville de Montréal proposera dans un premier temps de réorienter la croissance urbaine vers le centre de la métropole en densifiant d’abord le territoire du centre-ville146. De plus, le caractère polycentrique de la région que le PMAD tient à préserver repose sur le renforcement du centre-ville. Cette volonté de consolidation du centre s’inscrit dans une impulsion ou un « élan » de développement urbain qui s’observe sur le territoire du centre-ville depuis quelques années. La volonté de la ville sera donc de « soutenir l’élan » en défendant un développement urbain durable.

146

Ibid p11

Fig. 33 Territoire du centre-ville et ses quartiers

UN INTÉRÊT RETROUVÉ POUR LE CENTRE

Effectivement, depuis près de cinq ans le développement du centre-ville est en plein essor. Cette hausse dans le développement urbain du cœur de la métropole était attendue depuis de nombreuses années selon les élus qui ont élaboré la stratégie pour le centre-ville en 2017. Cette impulsion dans le développement urbain s’explique notamment au niveau

91

démographique. Effectivement, depuis les années 2000 les montréalais réinvestissent leur cœur de ville. Entre 2001 et 2011, une forte croissance démographique marquera la population résidente du centre-ville qui aura augmenté de 12% en 10 ans auxquels s’ajouteront les 25 000 habitants qu’on prévoit dans cet « élan démographique ».

Par ailleurs, si on fait un bref saut dans les années 60, on remarquera que le nombre d’habitants du centre-ville avait chuté suite aux travaux d’envergures des tours à bureaux et des infrastructures de transport. Effectivement, certains quartiers résidentiels disparaîtront aux profits des nouveaux aménagements. Le chantier emportera plusieurs maisons ouvrières qui seront qualifiées de taudis ainsi qu’une partie du quartier du « Red light » reconnu pour ces cabarets, ces maisons closes et ces commerces illicites.

Aujourd’hui, 100 000 résidents du centre côtoient près de 720 000 travailleurs, étudiants et visiteurs qui se déplacent chaque jour dans les rues du centre-ville. Etant notamment le moteur économique du Québec, on retrouve sur le territoire du centre-ville : quatre intuitions d’enseignements supérieurs, deux hôpitaux universitaires, plusieurs équipements culturels diversifiés, une concentration d’attrait touristique, etc.147. En tout, 15 stations de métro desservent le territoire du centre-ville auquel le Réseau Express Métropolitain (REM) viendra s’ajouter.

A cette effet, l’impulsion dans le développement urbain du centre-ville se traduira notamment au niveau immobilier avec de nombreux investissements dans la construction de logements.

En effet, près du tiers des chantiers sont des constructions résidentielles148. Plusieurs tours à bureaux feront aussi partie de ces projets immobiliers. Cependant, sur les 19 km de berges le long du fleuve Saint-Laurent, les friches industrielles et les grands sites institutionnels à reconvertir présentent un important potentiel de développement encore inexploité.

Les grands projets liés à ce développement urbain seront donc le réaménagement du Vieux-Port, du secteur de la cité du Havre et de l’autoroute Ville-Marie. Ces interventions contribueront notamment à consolider les milieux de vie qui se sont établis ou 92

147

Ibid p.8

148

Idem

qui s’établirons sur le territoire du centre-ville. « À ce titre, les grandes institutions de savoir, de diffusion culturelle ainsi que le secteur des affaires offrent un réel potentiel de collaboration à des projets collectifs structurants149 ». Ces projets urbains structurants qui mobiliseront les différents gouvernements ainsi que les autorités de la ville de Montréal offrira une nouvelle opportunité de penser la ville et son centre. Elle permettra notamment de planifier le développement de ce cœur de ville pour 2030.

RÉNOVATION CONTEMPORAINE DU CENTRE MODERNE

Le cœur de ville héritée des années 60 est synonyme de fierté pour la majeure partie des montréalais. Effectivement, il est porteur de tout un imaginaire qui replace la ville à son apogée. Le centre-ville, en perte de vitesse après la réception des deux mega-events a progressivement perdu son caractère exceptionnel. Cependant, le retournement de la ville vers son centre entrainera la redécouverte de son cœur de ville.

Cependant, les infrastructures qui ont fait la renommée de Montréal à l’occasion d’Expo 67 et qu’on prévoyait rénover en 2017, rénovées aujourd’hui, ou en travaux laissant le centre-ville de nouveau en chantier.

L’une des volontés fortes de la stratégie urbaine de 2017 était d’ouvrir son centre sur le fleuve. Effectivement, à la fin des années 80, la ville entreprendra la requalification des installations portuaires désuètes avec l’aménagement le VieuxPort. L’intention sera de poursuivre les transformations du front fluvial pour en permettre l’accès à tout le centre-ville. Cette ouverture sur le fleuve est l’une des conditions clefs de son développement urbain, de l’intensification des ces activités et de sa densification résidentielle150.

Cependant, les infrastructures lourdes de transport routier et ferroviaire qui traversent le centre-ville scindait le tissu urbain et compliquant ainsi l’accessibilité des berges et à certains secteurs du centre-ville. Issus des années 60, ces deux autoroutes constituent un avantage indéniable pour l’inscription du centre urbain au sein du Grand Montréal. Le projet qui aujourd’hui a été 149 150

Idem

Ville de Montréal, (2017). « Chantier 2, Un centre-ville ouvert sur son fleuve », Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan, p.46

93

Fig. 34 Rupture du tissu urbain sur le territoire du centre-ville

réalisé était de mieux insérer ces infrastructures de transports dans le tissu urbain et dans le milieu dans lequel elles s’inscrivent.

En plus d’engendrer des nuisances dans un tissu aussi dense que le centre-ville, l’aménagement en tranché de ces infrastructures affaiblit grandement le réseau piéton et cycliste.

La ville a donc programmé après que la stratégie urbaine soit rendu public en 2017, le recouvrement sur certaines portions de l’autoroute Ville-Marie et le réaménagement de ses abords151.

A cette effet, l’autoroute a été recouverte du pied de l’hôtel de Ville, le Square Viger, dans le même secteur, elle a aussi été réaménagée, pour rétablir la connexion entre le VieuxMontréal et le Faubourg Québec. Ces interventions entament une réflexion sur les segments de l’autoroute Ville-Marie qui demeurent en tranchées. La stratégie avait aussi prévu le réaménagement de l’entrée de ville par l’autoroute Bonaventure et du quartier des gares qui a lui aussi été réalisés152. Ce secteur à l’opposé du dernier présenté, constitue le principal nœud de mobilité du centre, il est à la fois « une porte d’entrée » pour le centre des affaires et un milieux résidentiel nécessitant une forte requalification du domaine public. Des travaux d’abaissement de l’autoroute Bonaventure ont donc été réalisé tout comme le réaménagement du domaine public dans le Quartier des gares 151

94

Ville de Montréal, (2017). « Axe 4, Des infrastructures mieux insérées au tissu urbain »,

Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan, p.58 152

Idem

et la mise en valeur des viaducs ferroviaires. Finalement, le réaménagement de l’entrée de ville du pont Jacques-Cartier fera aussi parti de la stratégie153. Etant l’un des symboles de Montréal, et faisant partie intégrante du paysage urbain montréalais, il doit constituer un atout pour les quartiers qu’ils traversent.

Le réaménagement a été fait à la jonction du pont et des rue Papineau et De Lorimier où les déplacements étaient difficiles.

Toutes ces transformations ont laissé place à de nombreux espaces publics facilitant les déplacements à pied ou à vélo.

D’autres aménagements issus des années 60 feront aussi l’objet d’un renouvellement urbain. Notamment le réaménagement du Quartier des spectacles né de la Place des Arts conçu pour l’Expo 67, en Pôle des arts et le réaménagement de la rue Sainte-Catherine Ouest présenté précédemment. De plus, l’aménagement d’une promenade urbaine reliant le fleuve à la montagne et la rénovation de la rue Saint-Paul dans le VieuxMontréal154. La stratégie du centre-ville horizon 2030, suivra donc une logique de consolidation des milieux de vie présents dans le centre-urbain montréalais pour permettre à la ville de renforcée la centralité de son cœur de ville.

Par conséquent, la thématique de l’hypercentralité s’illustrera à Montréal, d’abord avec l’apparition dans les années 60 d’une nouvelle centralité au sein de la ville. On parle bien sûr du centre des affaires qui deviendra le cœur de l’agglomération montréalaise en pleine expansion, aux dépens du centre ancien.

Dès le début du siècle on aura cette volonté de consolider et de renforcer cette nouvelle centralité et de la lier à la métropole grandissante. Cependant, on voit aujourd’hui les limites de l’étalement urbain qui s’est opéré à partir de la seconde moitié du XXe siècle. On cherchera donc à retrouver une certaine centralité urbaine en réorientant la croissance de la ville vers son centre urbain, en le densifiant et en l’intensifiant. Cet intérêt retrouvé pour le centre-ville poussera la ville à consolider les milieux urbains qui l’habitent. De cette façon, la ville de Montréal tentera de pérenniser les aménagements issus des années 60 qui auront complètement bouleversé la conception du XXe siècle, pour maintenant penser la ville du XXIe siècle.

153

Idem

154

Ville de Montréal, (2017). « Des milieux de vie en consolidation », Stratégie centre-ville,

Soutenir l’élan, p.25

95

CHAPITRE 3

L’HYPERMOBILITÉ La thématique de la mobilité est aussi un facteur clef de la centralité d’une ville et de son centre. La ville avec l’avènement de la voiture se redéfinira complètement. Se déplacer prendra une tout autre dimension et deviendra un enjeu majeur de l’aménagement urbain, à l’époque comme aujourd’hui.

La mobilité était et demeure un enjeu majeur de l’aménagement des villes. La ville est le lieu de la coprésence, c’est sa principale raison d’être. Plus la ville grandit, plus elle se complexifie, plus la mobilité se sophistique pour répondre à la demande de coprésence dont les conditions se dégradent compte tenu de cette complexification. […]

Toutefois, les attentes des citoyens évoluent et les arbitrages entre les types de mobilité évoluent avec elles. L’enjeu demeure, mais les réponses changent155.

À Montréal, on parlera d’hypermobilité, notamment pour décrire les résolutions urbaines qu’ont apportées les concepteurs qui ont redéfini le cœur de ville de Montréal ; une gestion des flux prônant la séparation des modes de circulations. La complexité de ces mégastructures s’apparentant à celle d’une machine teintera même les pavillons de l’exposition et son site. L’Expo 67 et le centre moderne se construiront donc sur un nœud intermodal sur lequel la ville s’appuie encore pour structurer son développement.

155

Échanges avec André Lortie 11-09-2020

PROJET ROSEMONT-LA-PETITE-PATRIE, MOBILITÉ DURALE ET HYPERPROXIMITÉ

Fig. 35 Ecomobilité dans le quartier Rosemont-La-Petite-Patrie

Le quartier Rosemont-la-Petite-Patrie est un arrondissement montréalais situé au nord-est du centre-ville. François Croteau, maire de l’arrondissement depuis 2009, a présenté lors du Sommet virtuel 2020 des Entretiens Jacques Cartier en partenariat Orbimob Clermont Auvergne sur la mobilité durable, le projet expérimental d’« hyperproximité » mis en place dans son quartier.

F. Croteau expliquera que selon lui, la planification doit passer par une expérimentation sur le territoire pour être efficiente, notamment sur le plan de la mobilité durable où la stratégie doit être en accord avec la typologie du quartier et le climat particulier de Montréal. Ce projet est en lien avec la communauté d’innovation urbaine Montréal en commun piloté par la Ville de Montréal dont les partenaires expérimentent des solutions en accès à l’alimentation, en mobilité et en réglementation municipale dans un désir de repenser la ville156. En termes de mobilité durable de la ville souhaitera : réduire les déplacements polluants, développer une offre de mobilité durable, simplifier l’accès aux services et contribuer à rendre les déplacements durables efficaces.

Par ailleurs, le concept d’hyperproximité traduit un milieu de vie où l’on pourrait vivre, travailler, se divertir à moins de 500 m, 98

156

Source : https://laburbain.montreal.ca/montreal-en-commun

autrement dit, la ville des 15 minutes, où tout serait accessible à pied. L’objectif serait d’une part de consolider les milieux de vie et de l’autre de réduire la dépendance à la voiture. Ces milieux de vie seraient ensuite reliés par un réseau de pistes cyclables. De ce fait, on retrouverait dans chaque quartier une nouvelle centralité ce qui semblait déjà être le cas à Montréal.

Effectivement, depuis quelques années, une « vraie vie de quartier » s’est installée au cœur de chaque arrondissement, c’est d’ailleurs ce qui caractérise la ville. Chaque quartier est de plus en plus autonome et ne dépend du centre que pour au son bassin d’emploi, son enseignement supérieur et son offre culturelle diversifiée.

Le quartier de Rosemont-La-Petite-Patrie étant l’un des principaux territoires d’expérimentation de ce concept, le maire Croteau tient à mobiliser la collectivité pour trouver des solutions. Pour cela, il est surement nécessaire de changer de mode de gouvernance de pour permettre l’expérimentation citoyenne. Cela demanderait donc un lâcher pris du domaine public et serait certainement bénéfique selon lui.

Ce principe de proximité des services apparaitra souvent dans le document de planifications de la ville depuis le la publication du plan métropolitain d’aménagement et de développement par la communauté métropolitaine de Montréal. En effet, il sera sousjacent dans la majorité des stratégies qu’imagine la ville depuis le début de la décennie pour transformer le territoire du Grand Montréal. Encore une fois, on remarque que la thématique de la mobilité et de la centralité se rejoignent beaucoup, notamment dans le cas de Montréal.

99

LA CIRCULATION, À L’ORIGINE D’UN RENOUVELLEMENT URBAIN Dans la seconde moitié du XXe siècle, les villes nord-américaines seront marquées par les infrastructures nouvelles liées à la voiture. Effectivement, la voiture prenant de plus en plus de place dans l’espace urbain, la ville sera contrainte à repenser son fonctionnement et son organisation. Cela entrainera la mise en chantier de nombreuse plusieurs villes pour l’adapter à la voiture. Permettre une circulation fluide de la voiture sans pour autant en oublier le piéton. Penser l’un sans qu’il nuise à l’autre. À cet égard, la ville de Montréal sera la première à superposer la ville par-dessus un réseau piéton à l’échelle urbaine. Affirmant ainsi la place du piéton au sein de l’espace public.

UNE MUTATION DES INFRASTRUCTURES TRANSPORTS

À la veille des années 60, comme dans la majorité des villes qui se sont développées à cette époque, la ville de Montréal et son service d’urbanisme commenceront à déceler certaines problématiques du point de vue de la circulation automobile.

Effectivement, les rues trop étroites pour la conjugaison des voitures, du tramway et des piétons étaient constamment congestionnées notamment dans les secteurs centraux. La présence de la montagne compliquera quelque peu le plan d’ensemble rendu public en 1955, puisqu’elle constituait une barrière naturelle à la circulation nord-sud et coinçait la circulation est-ouest entre le mont Royal et le fleuve sur la rive sud de l’île ou s’établissait tranquillement le nouveau Centre des affaires. Le maire Drapeau dans une émission de Sur le vif produite par l’Office National du Film déclara que : Pour moi le problème est très grave, à mon avis c’est le problème numéro 1. Car si vous me permettez une comparaison, il en est de la circulation dans une grande ville, comme la circulation du sang dans le corps humain. Si les artères ne permettent pas une libre circulation, il peut en résulter pour Montréal une congestion économique très regrettable157.

157

100

Extrait de l’émission Sur le vif en 1955 DEVLIN, Bernard, Circulation à Montréal (1re partie) [en

ligne], ONF, 10 décembre 2014 [consulté le 30-12-20], https://www.onf.ca/film/circulation_a_ montreal_1re_partie/

Fig. 36 Cartes des infrastructures autoroutières du Grand Montréal, 1964

En effet, à l’aube des années 60, la ville de Montréal était encore la première métropole canadienne, mais son rang était très menacé par la ville de Toronto qui montait en puissance. De ce fait, les aménagements construits dans les années 60 viseront à maintenir la ville au rang de première métropole économique du pays. Cette perte de vitesse dans de la ville de Montréal l’ensemble canadien s’expliquera par une mutation des réseaux de transport. Les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale feront émerger de nouvelles infrastructures à l’échelle internationale. Effectivement, « Le bateau et le train, qui avaient fait la fortune de Montréal dans le système des échanges entre les centres urbains du Nord-Est américain, l’hinterland (matières premières et agriculture) et l’Europe, sont progressivement supplantés par le binôme avion-route 158».

Ayant été à l’origine de la désindustrialisation du Vieux-Port de Montréal, ce changement dans les infrastructures de transport entrainera un redéploiement de ce nouveau réseau sur l’ensemble du Canada. On construira donc à l’échelle du pays, 158

LORTIE, André, « Montréal 1960, les ressorts d’une réidentification » [en ligne], Strates, n° 13,

2007, mis en ligne le 22 octobre 2008 [consulté le 30-12-20], http://journals.openedition.org/ strates/6083

101

d’un océan à l’autre, l’autoroute Transcanadienne. Comme le décrit André Lortie, ce chantier colossal ne sera pas sans effet sur l’organisation urbaine puisque celle-ci rejoindra et traversera les centres urbains de toutes les grandes villes canadiennes. Par conséquent, le même phénomène qu’on observait aux États-Unis à la même époque où les centres urbains étaient sectionnés par les autoroutes nationales s’opérera sur le territoire canadien159. À Montréal, ces nouveaux aménagements issus d’un projet national donneront une opportunité sans précédent à la ville de Montréal pour renouveler le tissu urbain du centre160. Si en 1955 on s’interrogeait sur qui allait payer pour les nouvelles infrastructures prévues par le plan directeur, la candidature de Montréal pour la réception de l’exposition universelle de 1967 accepté en 1962 propulsera la planification de l’aménagement du domaine public, notamment au niveau de la circulation.

Avec la réception d’un tel événement, la ville hôte bénéficiera du financement des trois ordres du gouvernement : fédéral, provincial et municipal accélérant la réalisation de son projet urbain qui stagnait depuis le début du siècle. Comme énoncé précédemment, les prévisions démographiques surestimées d’après-guerre motiveront d’autant plus la construction d’infrastructures autoroutière et à l’élargissement des voies prévu par le plan directeur de 1944.

La rue Dorchester (aujourd’hui boul. René-Levesque) mainte fois citée fera partie de ces projets ponctuels d’élargissement de voie. En 1955, on assistera à l’élargissement de cette rue pour en faire un boulevard, « une grande artère de dégagement qui [fluidifiera] la circulation dans le centre voué au commerce, tout en offrant aux terrains dont les constructions sont détruites une forte valorisation potentielle le long de ce nouvel espace monumental 161». De cette intervention, s’en suivra la construction de la Place Ville Marie et de tous les autres projets immobiliers qui fabriqueront le nouveau Centre des affaires.

159

Idem

160

Idem

161

LORTIE, André, « Montréal 1960 : les singularités d’un archétype métropolitain », Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.85

102

Fig. 37 Dessins de l’autoroute est - ouest

Fig. 38 Dessins de l’autoroute est - ouest

LA PLACE DU PIÉTON DANS LE TOUT À L’AUTO DES ANNÉES 60

Malgré le tout à l’auto des années 60 et les grandes infrastructures en chantier, la place du piéton dans l’espace public sera étudiée parallèlement. En faisant référence aux premiers chapitres sur les utopies du mouvement moderne, on remarquera qu’une attention particulière était portée sur la séparation des différents flux de circulation pour rendre plus confortable la présence du piéton dans l’espace public. À la manière des Smithson, Vincent Ponte imaginera pour Montréal un réseau piétonnier indépendant de la circulation routière visant à viabiliser les parcours piétons dans ce cœur de ville marqué par les mobilités plus lourdes.

103

Les interventions de Vincent Ponte à Montréal entameront toute une réflexion sur la place du piéton dans la ville. Se focalisant sur le cœur des villes, « le lieu le plus dense et le plus intense, socialement et symboliquement 162», V. Ponte défendra qu’« aucune technologie ne peut déclasser le contact humain direct que favorise la concentration : les hommes d’affaires doivent pouvoir se visiter à distance de marche, les citoyens fréquenter les équipements commerciaux et culturels à pied 163». Le centre souffrant alors de congestion devra être ordonné, d’abord sur le plan de la circulation et des différents flux et non d’un point de vue fonctionnel.

Après le projet de la Place Ville Marie il imaginera toujours en collaboration avec H.Cobb le projet Mace financé par Eaton. Une opération visant à densifier et à monumentaliser l’avenue McGill College. Pour ce faire, ils concevront deux super îlots bordés d’arcades commerciales au nord de la rue Sainte-Catherine et deux grandes tours à l’approche du campus de McGill. Cependant, cette opération sera réalisée et modifiée par d’autres architectes dans les années 1980. V. Ponte participera aussi, à titre de consultant, à la réalisation de la dernière pièce de la rénovation urbaine du CN, la Place Bonaventure ; un complexe dessiné par la firme Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Sise à temps pour l’Expo 67.

Il poursuivra toujours en collaboration avec la firme montréalaise, en 1970, la conception du campus de l’université Concordia. Tous ces projets sont encore aujourd’hui partie prenante du Centre des affaires et de la Ville Souterraine164.

162

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, « Chapitre 2 —Un projet urbain en suspens », La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec Amérique, Montréal, 2012, p. 101.

104

163

Idem

164

Ibid p.100

Fig. 39 Réseau de la Ville Souterraine, 2016

ÉVOLUTION DU RÉSEAU PIÉTONNIER SOUTERRAIN

La ville souterraine ou ville intérieure comme semble l’avoir qualifié Michel Boisvert dans Montréal et Toronto villes intérieures, se défini par : « un ensemble d’immeubles raccordés par des liens piétonniers protégés, appartenant à plusieurs propriétaires, offrant une diversité de fonctions, notamment du transport collectif, du commerce de détail, des espaces de bureaux et des activités de divertissement, et disposant d’ententes avec les autorités locales pour l’occupation du domaine public.165 » Michel Boisvert, ancien professeur d’économie urbaine à l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Montréal et créateur de l’Observatoire de la Ville Intérieure (OVI), analysera l’évolution de cet urbanisme particulier à travers le monde, notamment à Montréal et à Toronto. Sur la base de ces recherches, on résumera l’évolution de la Ville Souterraine de Montréal depuis années 60 à aujourd’hui.

La construction de la Place Ville Marie en 1962, liée à la Gare Centrale, constituera le premier maillon du réseau piéton souterrain.

Conformément au projet de Vincent Ponte, la Place Bonaventure sera aussi raccordée à la Gare Centrale en 1966. De là, divers types d’ententes seront négociés pour permettre un accès direct aux différentes stations de métro depuis les immeubles voisins. Au début des années 70, plusieurs immeubles auront des accès directs au métro, mais le seul segment piéton sera celui reliant la Place Ville Marie à la gare Windsor en passant par le Place Bonaventure.

L’expansion du réseau se poursuivra dans le courant des années 70, mais il faudra attendre jusqu’en 1980 pour que ces multiples liaisons relient deux stations de métro. En effet, la station Place des Arts et la station Place d’Armes se situant sur deux lignes de métro parallèles seront reliées par des passages souterrains qui traverseront le Complexe Guy Favreau construit en 1983 puis le Palais des Congrès construit en 1986.

Le réseau s’étalera ensuite à l’ouest vers le centre des affaires grâce aux multiples galeries marchandes se situant le long de la rue Sainte-Catherine qui se connecteront les unes aux autres. Puis vers l’est, en reliant les différents pavillons de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) en pleine construction. En 1993, on verra enfin la construction du « chainon manquant » qui reliera le centre 165

BOISVERT, Michel, « Le RESO à Montréal », Montréal et Toronto villes intérieures, Les presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2011, p. 17-24

105

Eaton à la Place Ville Marie sur l’axe nord-sud et donc deux stations de deux lignes de métro différentes. Le réseau s’étendra alors progressivement malgré un ralentissement dans les années 2000.

Par ailleurs, on constatera que la ville Souterraine est formée d’un réseau principal et trois sous-réseaux166. Le réseau le plus dense est bien entendu celui situé sous le centre des affaires, regroupant sept stations de métro. Cette boucle presque complète sera le résultera de deux parties préexistantes et un d’un segment plus récent datant de 2004 située sous le nouveau quartier International167. Les trois autres sous-réseaux se sont construit chacun autour d’une station de métro : la plus à l’ouest, la station Atwater à laquelle s’est greffé en 1967 le Wesmont-Square et le Complexe Alexis-Nihon ainsi que le College Dawson plus ancien ; la station Guy-Concordia autour de laquelle s’est développée l’Université Concordia en 1974 ; puis, la plus à l’est, la station BerriUQAM, où se rejoignent trois lignes de métro ; autour de laquelle s’est développé entre l’Université du Québec à Montréal (UQAM) inauguré en 1969, Le Complexe Place-Dupuis en 1972, la Grande Bibliothèque du Québec en 2005 et la Gare d’autocars en 2011168.

En outre, on a vu se développer dernièrement autour de la station Champ-de-Mars quelques passages souterrains, notamment pour la relier au nouveau CHUM et pour traverser l’autoroute VilleMarie afin d’atteindre le Vieux-Port.

La Ville Intérieure reproduit d’une certaine façon les tracés de ce qu’on retrouve en surface. De la même manière, elle reprend le langage d’une ville traditionnelle avec des rues plus ou moins achalandée et de dégagements qu’on pourrait qualifier de places ou de squares publics ; un parcours ou plutôt un réseau entièrement piétonnier et protégé s’étalant sur plusieurs niveaux suivant la logique tridimensionnelle d’organisation spatiale.

Aujourd’hui, le Réso comme on l’appelle depuis 2004 compte en tout 32 kilomètres et relie gares, édifices à bureaux, complexes résidentiels, centres commerciaux, universités, services publics, musées, salles de spectacles, résidences de luxe, restaurants et hôtels.

166

GIRODO, Marion, MAGIN David, Seura Architectes, « Montréal, La ville intérieure », Mangroves urbaines, Editions La découverte, Paris, 2016, p.163-211 167

Le quartier International est le résultat d’un projet urbain qui a été relancé par la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1997 et qui a été complété en 2004.

106

168

GIRODO, Marion, MAGIN David, Seura Architectes, « Montréal, La ville intérieure », Mangroves urbaines, Editions La découverte, Paris, 2016, p.163-211

Fig. 40, 41 Evolution de la Ville Souterraine

1953-1962

1963-1982

1983-1993

107 1993-2010

LA MOBILITÉ, SENS DESSUS DESSOUS Les années 60 amèneront à Montréal une nouvelle manière de fabriquer la ville où les mobilités qui l’habitent prendront une tout autre forme en redéfinissant complètement la manière de concevoir l’espace urbain. On observera ce nouveau modèle dans la structure même des architectures qualifiées de mégastructures qui se sont construites durant cette période. Ces résolutions urbaines se retrouveront même sur le site de l’exposition où l’action de se déplacer fera aussi partie de la démonstration.

L’imaginaire que projetteront ces aménagements fera du cœur de Montréal une machine.

LA PLACE VILLE MARIE, INIATRICE D’UN MODÈLE

La Place Ville-Marie, bien qu’elle soit responsable de cette centralité nouvelle qu’a été le Centre des affaires dans les années 60, est citée ici pour sa résolution spatiale. Le modèle urbain tridimensionnel qu’elle proposera en 1962 dictera la manière de fabriquer la ville dans cette seconde moitié du XXe siècle. La Ville Souterraine qu’elle engendrera représente toutefois, qu’un aspect de ce projet novateur. Le génie de cette opération immobilière se trouve surtout dans la gestion des différents flux liés à la ville au sein même de son architecture.

Le problème n’est pas au sol, mais dans les airs ; la solution est la séparation des modes de déplacement et leur superposition dans l’espace. Dans un cercle de 200 à 300 acres, la surface maximale d’un cœur de ville vivant, il propose de donner à chacun leur domaine propre : de nouvelles rues souterraines ou aériennes, lumineuses et agréables, pour les piétons, les artères de la ville aux automobiles, tandis que des routes en sous-sol canalisent le passage des camions de quadrilatère en quadrilatère, vers les zones de déchargement des immeubles169.

Le projet sera en effet porteur d’une attention particulière dans l’ordonnancement des différemment flux dans l’espace. La circulation automobile au centre des préoccupations de l’époque sera assurée par l’aménagement d’une large voie traversant en 169

108

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, « Chapitre 2 —Un projet urbain en suspens », La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec Amérique, Montréal, 2012, p. 101.

son centre le stationnement souterrain. On accèdera à la voie par des rampes creusées dans le prolongement de la rue Cathcart et de l’avenue McGill College. Elle se liera à l’ilot central par le parking de l’hôtel Reine-Elizabeth situé sous le boulevard Dorchester. L’entrée carrossable desservant le quai de déchargement souterrain de la Place Ville Marie se trouvera dans l’alignement de la rue East. À cela se mêlera une liaison piétonnière qui se fera depuis l’esplanade très largement ouverte sur les rues voisines, ainsi que par l’étage commercial sous le niveau du sol qui viendra se connecter au reste du développement par des escaliers mécaniques et un tapis roulant170.

Par ailleurs, lors de la présentation du plan d’ensemble aux autorités du CN, une série de documents graphique offrant une succession de points de vue illustraient la manière dont le projet de la Place Ville Marie allait s’insérer dans la ville et même dans l’agglomération. À l’échelle de l’archipel, le site est présenté au sein du réseau des routes et des autoroutes, actuelles et futures, qui sillonnent un territoire transformé par l’étalement urbain. À l’échelle de la ville ou plutôt de son centre, il est pris dans le maillage des flux de circulation, tel un cœur irrigué par le système des artères et des vaisseaux. Finalement, tous les liens piétonniers et véhiculaires qui irriguent les trois quadrilatères et les relient à leur environnement immédiat sont figurés171.

Ce changement d’échelle incitera donc les gouvernements provincial et municipal à réétudier les systèmes autoroutiers pour améliorer les liaisons entre la ville et son centre, la périphérie et le reste de la province172. L’importance accordée à la circulation routière et les résolutions urbaines qui seront apportées par les concepteurs de la Place Ville Marie iront de pair avec les préoccupations de la ville et du maire Drapeau. Effectivement, cette attention portée sur la place de la voiture dans la ville rejoindra de nombreuses études effectuées dans la foulée du plan directeur de la ville déposé en 1944. La vision commune des autorités municipales et des concepteurs de ce projet urbain 170

Ibid p.102

171

Ibid p.104

172

Idem

109

Fig. 42 Coupe de la Place Ville Marie

d’initiatives privé sur cet enjeu majeur de la fabrication de la ville au XXe siècle sera surement à l’origine d’un tel succès qui fait de la Place Ville Marie, encore aujourd’hui l’immeuble phare de Montréal.

LA PLACE BONAVENTURE, LE MODÈLE EN PLEIN ESSOR

La Place Bonaventure construite en 1967 sera la seconde mégastructure érigée dans le Centre des affaires et la deuxième pièce du projet urbain lié à la compagnie ferroviaire du Canadien National (CN). Influencée par la Place Ville Marie, la Place Bonaventure sera elle aussi « un exemple intéressant d’un complexe urbain à usages multiples lié étroitement aux diverses méthodes de circulation 173» comme le décrira l’architecte en chef du projet, Raymon T. Affleck de la firme Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Sise. Vincent Ponte qui aura travaillé sur le projet à titre de consultant retrouvera la firme d’architecture montréalaise qui avait aussi participé à la conception de la Place Ville Marie.

Autrement, la structure abritera une multiplicité d’usages 110

173

AFFLECK R. T., MRAIC, ARCA, « Place Bonaventure, The Architect’s View », Architecture Canada, Journal RAIC, Volume 44, n° 7, Juillet 1967, p.32

Fig. 43 Coupe dans le coeur de la ville

Fig. 44 Coupe de la Place Bonaventure

comme le suggérait déjà la Place Ville Marie. Sous son enveloppe de béton, on retrouvera des boutiques, un cinéma, une exposition permanente, un hall d’exposition pour les expositions temporaires, des salles de démonstration, un espace de bureaux, un hôtel de quatre cents chambres et un stationnement pouvant accueillir mille voitures174.

Contrairement à la Place Ville Marie, la Place Bonaventure ajoutera le réseau du métro inauguré en 1966, à son équation complexe de gestion des flux. Au sein même de la structure se croiseront donc le métro, le train, la voiture et le piéton.

Effectivement, l’édifice allait se construire sur la superposition du chemin de fer, de l’autoroute Bonaventure et de la ligne orange du métro où allait ensuite se développer un système piétonnier interne qui à son tour allait se raccorder au système 174

Ibid p.35

111

piétonnier extérieur existant. Le dessin des interconnexions entre les diverses fonctions du bâtiment sera l’un des enjeux principaux de cette résolution urbaine175.

Le système de circulation évoluait en même temps que la structure elle-même éventuellement, il est devenu l’élément permanent (continuum) du rapport unité-diversité ; dans ce cas le système de circulation par rapport aux espaces locatifs (commerces de détail, espaces d’exposition, etc.). En effet, la ville est retournée sens dessus dessous et l’organisation urbaine habituelle des rues et des espaces publics liée aux usages privés est réapparue dans un vaste environnement au climat contrôlé176.

Ces liaisons intérieures se prolongeront même jusqu’à la Place Ville-Marie raccordant ainsi les trois « mégablocs » du cœur de ville, soient la Gare Centrale et l’Hôtel Reine-Elizabeth de l’ilot central, La Place Ville Marie au nord et La Place Bonaventure au sud177. D’ailleurs, ce réseau piétonnier souterrain qui est associé aux années 60 sera évoqué dès les premières esquisses du projet de la Gare Centrale en 1929. Effectivement, la topographie en pente générée par la proximité du mont Royal favorisera cet urbanisme à plusieurs niveaux. Enfin, les concepteurs des deux pièces associées projet urbain se seront chacun approprié l’outil pour former la première cellule de la Ville Souterraine telle qu’on la définissait déjà en 1967.

EXPO 67, LA COMPLÉMENTARITÉ D’UN RÉSEAU

On retrouvera aussi ces mégastructure chères au Montréal des années 60, sur le site de l’Expo 67. On pense d’abord au pavillon d’Habitat 67 de Moshe Safdie ainsi qu’au pavillon thématique « l’Homme interroge l’univers » imaginer par les architectes de la Place Bonaventure. Cependant, un accueil mitigé des critiques d’architecture sera réservé à ces mégastructures notamment, pour le pavillon d’Affleck, Desbarats, Lebensold, Sise qui semble manqué de réalisme178. Selon, André Lortie « l’innovation est ailleurs. Elle n’est pas formelle, mais technique et systémique 179».

Comme pour le centre urbain, le plan directeur de l’exposition sera 175

Ibid p.32

176

Idem

177

Idem

178

112

LORTIE, André, « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les année 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.75-115 179

Ibid p.112

pensé sous le concept de la mobilité et des flux. Effectivement, les modes de circulation feront partie des éléments essentiels au fonctionnement de l’Exposition. Ils prendront d’ailleurs une importance considérable au regard des distances relativement grandes qui séparaient les divers secteurs de l’exposition : l’île Sainte-Hélène, l’île Notre-Dame, la Cité du Havre, et La Ronde180. Édouard Fiset, architecte en chef de l’Exposition proposera donc de relier l’ensemble du site de l’Expo à l’aide des divers systèmes de transports.

Jacques Folch-Ribas dans son article « Urbanisme et architecture à l’exposition internationale » applaudira d’ailleurs la complémentarité des moyens de déplacement, agencé en en fonction de leur vitesse respective. Le train rapide Expo-Express, le mini-rail, le téléphérique, le vaporetto, l’aéroglisseur, le petit train omnibus électrique, tous ces modes déplacement seront issus d’une réflexion plus poussée sur la mobilité métropolitaine et sur la fabrication de la ville du XXe siècle181.

Par ailleurs, cette multitude de réseaux parcourant le site fera partie de l’exposition au même titre que la collection de pavillons.

Ils participeront notamment à l’imaginaire que projette le site.

L’Expo-Express, train électrique, amènera les visiteurs de la Cité du Havre où se trouvait la Place d’Accueil au parc des Îles, « sur les quais de l’Expo-Express les visiteurs se pressent dans les wagons qui les conduiront de la cité du Havre à l’île Sainte-Hélène, à l’île Notre-Dame et dans le secteur du parc de la Ronde 182». Il passera d’abord devant l’Habitat 67 où émerge un agencement complexe de boites de béton. Puis, il traversera le fleuve sur le pont de la Concorde côtoyant les paquebots qui rejoignent le port. Au loin se dessine une composition de pavillons éclectiques.

Le premier arrêt sera la Place des Nations… Depuis le site de l’exposition, dans le brouhaha des pavillons, on verra se croiser la voie élevée de l’Expo-Express et les rails aériens du Minirail. Ce Miniral s’apparentant au petit-train sillonnera le site en passant entre les pavillons et même au cœur de certains. Sur les canaux se baladeront des bateaux de toutes sortes et dans les larges voies du site se croiseront piétons et tricycles (pousse-pousse) ; 180

FISET, Édouard, « Le plan directeur », Journal RAIC – L’IRAC, Volume 41, n° 1, janvier 1964, p.56

181

LORTIE, André, « Montréal 1960 ; les singularités d’un archétype métropolitain », Les année 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, p.11 182

Québec d’autrefois – Archives, Expo 67 Documentaire de 1967 (Visite de l’Expo en mai 1967) [en ligne], 15 mai 2018 [consulté le 31-12-20], Youtube, https://www.youtube.com/watch?v=clMOU_ HHyYk&t=1600s

113

une profusion de manières de se déplacer traduisant sans doute cette société en mouvement.

Pourtant, l’isolement du parc des îles « rend captif ce grand déploiement qui ne parvient pas à contaminer le reste de la ville 183». Effectivement, seul le métro liera le réseau urbain au réseau de l’Expo. Malheureusement, la complexité qu’on retrouvera à l’Expo se confinera alors à la démonstration ; « L’Expo-Express ne peut quitter le site portuaire pour gagner la Place Bonaventure ou le stationnement du site de Radio-Canada, tel que les urbanistes l’ont envisagé ; aucun vaporetto n’affronte les courants du fleuve ; le téléphérique ramène inexorablement les voyageurs à leur point de départ 184».

114

183

Idem

184

Ibid. p.113

Fig. 45 Le miniral aérien, 1967 Fig. 46 Le minirail traversant le pavillon américain, 1967

115

LA MOBILITÉ DANS LE VILLE DU XXIe SIÈCLE Dans la seconde moitié du XXe, le développement urbain s’articulera principalement autour des infrastructures routières permettant aux banlieues de s’étendre tout en gardant la ville-centre accessible en peu de temps. Cependant, on voit aujourd’hui les limites de ce principe d’urbanisation du territoire. La croissance de la ville ayant fortement détendu le tissu urbain sera l’un des principaux enjeux de la fabrication de la ville durable. Penser la ville durable, c’est aussi réinterroger la mobilité à l’échelle de la ville ainsi qu’à l’échelle de la métropole. La mobilité durable ou l’écomobilité, nécessaire au développement durable de la ville, ne cherche pas à restreindre les déplacements, mais incite à se déplacer par des moyens de transports actifs ou collectifs qui amoindrissent les émissions de gaz à effet de serre. À cet effet, la place du piéton et du cycliste prendra une tout autre dimension dans l’aménagement des villes du XXIe siècle. Cependant, contrairement à la majorité des villes nord-américaines où la présence croissante de la voiture a engendré une urbanisation plus diffuse, l’armature urbaine du Grand Montréal se distinguera par la densité de sa forme urbaine.

Fig. 47 Vue du REM sur la Rive sud de Montréal

116

DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT COLLECTIFS STRUCTURANTES

Pour restreindre l’étalement urbain que pourrait générer une hausse démographique dans le Grand Montréal, la ville voudra réorienter la croissance urbaine au sein de la ville même en densifiant d’une part le centre et d’autre part les quartiers où se situent les différentes stations du réseau de transport en commun. Sur la base d’un aménagement du territoire de type TOD « Transit-Oriented-Developpement », l’objectif sera de diriger au moins 40 % de l’urbanisation projetée dans les quartiers desservis par les transports collectifs185. Effectivement ce type d’aménagement articule le développement urbain à la présence d’un équipement ou d’une infrastructure de transport collectif dans l’objectif d’inciter l’utilisation de ce mode de déplacement et de réduire la dépendance à la voiture. De cette façon, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) souhaitera favoriser un développement urbain durable par une croissance urbaine située.

Dans son plan métropolitain d’aménagement et de développement, la CMM définit le TOD par « un développement immobilier de moyenne à haute densité structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro, une station de SLR ou un arrêt de bus (axes de rabattement ou service rapide par bus. Situé à distance de marche d’un point d’accès important du réseau de transport collectif, le TOD offre des opportunités de logement, d’emploi et de commerce et n’exclut pas l’automobile 186». Ce principe d’urbanisation du territoire est emprunté à l’urbanisme américain Peter Calthorpe qui lui le définissait comme étant « [...] des logements de densité modérée et élevée ainsi que des utilisations publiques, des emplois, des commerces de détail et des services complémentaires […] concentrés dans des quartiers à vocations mixtes situés à des points stratégiques le long des réseaux de transport en commun régionaux 187». Le parti-pris est 185

Communauté Métropolitaine de Montréal, « Orientation 1 : Un Grand Montréal avec des milieux de vie durables », Plan métropolitain d’Aménagement et de Développement, 2012, p.49-126 186

Communauté Métropolitaine de Montréal, « Orientation 1 : Un Grand Montréal avec des milieux de vie durables », Plan métropolitain d’Aménagement et de Développement, 2012, p.80 187

Communauté Métropolitaine de Montréal, « Principes de planification d’un TOD », Guide d’Aménagement pour les aires de TOD, p.11

117

donc de crée des milieux de vie à proximité des points d’accès aux transports collectifs pour réduire l’utilisation de la voiture.

La station devient donc le support d’une nouvelle centralité mobilisant le tissu urbain accessible à une distance de marche.

Les aires TOD seront identifiées par le PMAD en fonctions du type d’infrastructures et de la densité projetée. Elles feront l’objet d’une planification détaillée de manière à « adapter l’aménagement des espaces selon les caractéristiques et les potentiels spécifiques à chacun des milieux et d’assurer une cohérence de l’ensemble des interventions 188». Effectivement, selon le potentiel de chacun, ces nouveaux aménagements seront aussi l’occasion d’intervenir sur ces milieux de vie et sur les infrastructures de transport.

UN RÉSEAU RENFORCÉ

Sur l’île de Montréal, c’est le métro qui est surtout structurant dans le territoire. On voit d’ailleurs que les différentes infrastructures de transport en commun ont été mise en place de façon à se compléter, depuis le centre jusque dans la périphérie. Outre le train et le métro, de nouveaux réseaux, en cours de réalisation aujourd’hui, viendront s’ajouter à ce nœud d’infrastructures centres. Notamment, le Réseau Métropolitain Express (REM) déjà évoqué dans le Projet Sainte-Catherine Ouest viendra renforcer la centralité du cœur de ville au sein de la métropole, un peu comme les autoroutes construites dans les années 60 ont pu le faire.

Le projet du REM annoncé dans la Stratégie du Centre-ville en 2017 sera piloté par la Caisse de dépôt et placement du Québec et visera à implanter à l’horizon 2020 une ligne de train électrifié entre Brossard et Deux-Montagnes via le centre-ville de Montréal, avec des antennes vers l’aéroport et Sainte-Anne-de-Bellevue.

Cette infrastructure sera complétée par le projet de service rapide par bus (SRB) prévu en 2022, qui partira de Laval pour rejoindre la station Pie-IX. À terme, ce réseau complémentaire prévoit un achalandage d’environ 70 000 déplacements par jour dans les deux directions. De plus, le prolongement de la ligne bleue du métro jusqu’à Anjou est encore à l’étude. Enfin, le Plan de transport de la Ville de Montréal évoquera en 2008 un 118

188

Communauté Métropolitaine de Montréal, « Orientation 1 : Un Grand Montréal avec des milieux de vie durables », Plan métropolitain d’Aménagement et de Développement, 2012, p.90

projet de réseau de tramway desservant le centre-ville est aussi à l’étude189.

On observera aussi en 2017 une hausse constante de l’achalandage des réseaux de transport. Effectivement, les déplacements en lien avec le centre-ville sont en constante croissance. En moyenne, « le centre-ville génère plus d’un million de déplacements par jour, dont 40 % se font avec les quartiers centraux de Montréal, situés le long des lignes orange et verte du métro. Les déplacements en lien avec la périphérie comptent pour 33 %, dont les deux tiers se font avec Longueuil et la Rive-Sud 190». Aujourd’hui pour se rendre au centre-ville, la majorité de la population utilise le transport en commun augmentant sa part modale. De ce fait, un peu plus de la moitié des déplacements vers le centre se font en transport collectif, atteignant 62 % des déplacements à l’heure de pointe du matin. Pour leur part, les automobilistes représentent 30 % des déplacements vers le centre. De plus, en 15 ans, le nombre de voitures accédant au centre-ville est resté stable attestant que la croissance des déplacements a donc été absorbée par le transport en commun191.

Malgré ces chiffres prometteurs, on observe une saturation du réseau de transport en commun existant, notamment en heure de pointe192. En effet, les stations de métro Berri-UQAM et McGill sont les plus achalandés du réseau. De plus, les lignes d’autobus traversant le centre-ville voient leurs performances compromises à cause de la congestion routière, malgré les voies réservées. La Gare Centrale et la Gare Lucien-L » Allier, où se situe le terminus de six lignes de trains de banlieue, arrivent sont aussi saturée. Tout cela, sans compter les travaux de maintenance qui devront être effectués d’ici 2030 sur voies d’accès régionales en place.

Rendre plus fluides et plus efficaces les mobilités dans le centreville permettra de renforcer l’attractivité et la prospérité du Grand Montréal. L’un des axes premiers de la stratégie urbaine du centre-ville sera donc d’optimiser le réseau de trans port en commun qui dessert le cœur de la métropole afin d’offrir un accès 189

Ville de Montréal, (2017). « Une hausse constante de l’achalandage es réseaux de transport », Stratégie centre-ville, Soutenir l’élan, p.29 190

Idem

191

Idem

192

Ibid p.33

119

rapide et durable tout en luttant contre la congestion automobile dans les quartiers du centre-ville et dans la périphérie.

L’implantation de nouvelles infrastructures de transport, tel que le réseau de métro léger du REM consolidera effectivement le réseau radial en multipliant les options de trajets dans le but de désengorger le réseau existant. Ces lignes complémentaires permettront d’absorber la forte croissance de l’achalandage tout en assurant un fonctionnement optimal du réseau déjà en place. Ainsi, le projet de Réseau Express Métropolitain répondra aux enjeux de déplacement via le pont Champlain et depuis l’aéroport, tout en augmentant la capacité de la ligne surchargée de Deux-Montagnes et s’inscrira dans l’optique de la Stratégie urbaine du Grand Montréal et du centre-ville193.

LES MOBILITÉS ACTIVES

Dernièrement, il a été observé que les pistes cyclables du centreville connaissaient un réel succès. Effectivement, Les pistes située sur les rues de Maisonneuve et Berri semblent être les plus empruntées, avec environ 5 000 passages par jour durant la saison estivale194. Si bien que d’autres pistes comme celle du canal de Lachine et celles menant à l’île Sainte-Hélène sont de plus en plus utilisées tant pour les déplacements utilitaires que pour le loisir. Cette utilisation grandissante de ce moyen de transport actifs amènera donc la ville à repenser la place du cycliste au sein de la ville et notamment dans le centre-ville.

Au-delà des infrastructures liées au transport en commun, la ville de Montréal souhaitera aussi développer le réseau de pistes cyclable en assurant sa continuité. La Stratégie incitera donc l’utilisation du vélo comme mode de déplacement quotidien et projette d’améliorer le réseau cyclable en connectant plus efficacement le centre-urbain avec ses quartiers limitrophes pour constituer un réseau cyclable radial. La ville planifiera également de rendre le réseau interne plus cohérent en assurant la continuité des pistes existantes permettant donc traverser les quartiers centraux sans coupures dans les voies cyclables.

Outre la discontinuité des pistes cyclables, d’autres enjeux sont liés aux déplacements à vélo. Effectivement, les problématiques liées à la cohabitation entre cyclistes et automobilistes sont 120

193

Idem

194

Ibid p.31

de plus en plus fréquentes et augmente grandement le risque d’accident. Certains aménagements de la ville sont peu favorables aux cyclistes et présente un risque plus élevé pour la sécurité de ces usagers de la route. De ce fait, l’augmentation du nombre de cyclistes dans les rues n’arrange pas la situation. La ville repensera donc le partages des rues en donnant une plus grande place au cycliste en le séparant des automobilistes. Le piéton également de plus en plus présent amènera aussi la ville à repenser les aménagements de son centre pour favoriser les déplacements à pieds. On pense par exemple au projet de la rue Sainte-Catherine et aux recouvrements de certaines portions de l’autoroute Ville-Marie qui ont laissé place à des espace public permettant la continuité du tissu urbain. L’enjeu des toutes ces transformations sera surtout de repenser la ville a taille humaine.

LE MEGA-EVENT AUJOURD’HUI

Ainsi, cette réflexion sur Montréal et l’Expo67 réinterroge la pertinence d’un tel événement aujourd’hui. Les Jeux olympiques

121

CONCLUSION

REGARD CRITIQUE SUR L’ÉVÉNEMENT de Rio en 2016 n’ayant pas connu un bon dénouement, l’impact du mega-event sur la ville aux regards d’enjeux de notre société actuels pose alors question. Dans certains cas, on a justifié les actions des autorités en charges de l’événement par l’image que veut donner la ville au monde entier. Tel a été le cas à Rio où des favelas entières ont été rasées pour laisser place aux installations olympiques qui ne sont aujourd’hui plus utilisées.

Ces questionnements ont conduit la ville de Paris à mener plusieurs études, notamment, L’héritage urbain et immobilier des mega-events présenté dans l’introduction.

Le devenir de ces installations reste un aspect discutable de cette démarche. Cependant, comme ça a été le cas à Montréal et à Barcelone en 1992, le mega-event devenant un accélérateur du développement urbain a eu des effets très bénéfiques sur les quartiers qui ont reçu l’événement. Il permet en effet créer une nouvelle réalité urbaine en très peu de temps tout en débloquant des fonds dont n’aurait pas bénéficié la ville hôte sans lui. À cet égard, le mega-event devrait être utilisé comme un moyen pour mener à bien un projet urbain qui s’inscrit dans un temps long et qui participe à la construction de la ville durable. Fabriquer la ville du XXIe siècle passe peut-être encore par la réception de mega-event soulevant des enjeux propres à son temps.

122

Fig. 48 Espace 67 et Montréal en fond

LE DEVENIR DU SITE D’EXPO 67 Durant l’hiver 68, j’étais très heureux que l’on nous annonce le retour de l’Expo sous le nom de « Terre des Hommes ». Plusieurs étaient sceptiques.

L’été 1968, les pavillons les plus populaires étaient disparus (U.R.S.S., Yougoslavie, Tchécoslovaquie), et l’atmosphère n’était plus la même. Plusieurs pavillons ont rouvert à l’identique. D’autres, avec de nouveaux thèmes, qui connurent de beaux succès. La Place des Nations accueillit les concerts mémorables de grands noms locaux et internationaux durant plusieurs saisons.

Avec le temps, les pavillons sont devenus décrépits par manque d’entretien et se sont mis à disparaître graduellement. Pour moi, Expo 67 a dit ses derniers mots le 8 décembre 1980, avec l’assassinat du John Lennon de All you need is love.

L’héritage qu’il m’en reste vit toujours dans ma tête et mon cœur, il est de poursuivre par moi-même ce beau mouvement de curiosité et de découvertes vers notre Terre des Hommes195!

Le centre s’étend maintenant jusqu’au parc Jean Drapeau anciennement le Parc des îles. Le site de l’exposition aura laissé place à un parc urbain conçu pour la réception d’événements.

Depuis l’Expo la ville est caractérisée par les nombreux événements culturels dont elle est l’hôte. Elle vit au rythme des festivals qui l’anime été comme hiver. Des événements qui se tiendront tantôt à la Place des Festivals, tantôt au parc Jean Drapeau qui accueille chaque année une petite dizaine d’événements de plus grandes envergures, dont le festival Osheaga s’apparentant à celui de Coachella aux États-Unis.

Espace 67 se situant sur l’île Sainte-Hélène, s’organise le long d’une allée centrale qui s’étend de la Biosphère jusqu’à la sculpture de l’homme d’Alexander Calder196. Cet espace se définit par sa double temporalité, au moment de l’événement et le reste du temps où cette vaste étendue n’est pas envahie 195

TAILLEFER, Denis, « Expo 67. Denis Taillefer. Denis au pays des îles enchantées » [en ligne], avril 2017 [consulté le 10-11-2020], Grand Dossier Mémoires d’Expo 67, Centre d’histoire de Montréal, https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/expo-67-denis-tailleferdenis-au-pays-des-iles-enchantees-0 196

Source : https://www.parcjeandrapeau.com/fr/grands-projets/espace-67-allee-centraleamphitheatre-village-evenementiel-agora-naturelle-promenade-riveraine-montreal/

123

par la foule. Cette allée conduit à un amphithéâtre dit naturel où tout semble possible. Le parterre minéralisé et la colline gazonnée permettant d’accueillir jusqu’à 65 000 spectateurs197. Un amphithéâtre sans scène permanente pour ne pas contraindre la configuration étant toutefois équipé de services et d’infrastructures permanentes nécessaires à la tenue d’événement de toute sorte.

Espace 67 se traduit par un village événementiel où peuvent se tenir foires, marchés et petites expositions ou simplement un endroit où flâner. Il donne lieu à un espace polyvalent et flexible suscitant un nouvel intérêt tout en pérennisant ce site et sa mémoire198. Enfin, il répondra d’une certaine façon au projet de parc qui a donné naissance à ces îles inventées.

LE MEGA-EVENT QUI RÉINVENTE LA VILLE

Pour conclure, Expo 67 à Montréal aura permis de révéler un modèle urbain et une manière de fabriquer la ville propre au XXe siècle. Effectivement, la ville de Montréal dans la construction de son nouveau centre « moderne » réalisera les promesses des avant-gardes tant au niveau de programmatique : dissociation fonctionnelle, grands bâtiments spécialisés, spécialisation des infrastructures, etc. que dans l’organisation de l’espace : concentration des fonctions économiques et symboliques au centre, combinaison des modes de déplacement, etc. Par ailleurs, si la ville confronte une pensée architecturale et urbanistique à la réalité urbaine appartenant aux tournants du siècle, Expo 67 réalise une sorte d’utopie faite de fragments d’une réflexion sur la ville et l’architecture où l’expérimentation se confiera alors à la démonstration.

De plus, grâce à l’événement la ville de Montréal a pu réaliser un projet urbain qui stagnait depuis le début du siècle, permettant de penser la ville dans son agglomération, à une plus grande échelle. En passant de la ville à la métropole, l’aménagement du territoire soulèvera deux thématiques clefs de sa planification : la centralité et la mobilité. On constate aujourd’hui que ces deux thématiques sont étroitement liées, notamment dans le cas de Montréal. Pour renforcer le cœur de ville, les autorités 124

197

Idem

198

Source : https://lemay.com/fr/projets/espace-67/

municipales dans les années 60 tout comme aujourd’hui, ont eu recours aux infrastructures de transport pour structurer son développement urbain.

Les années 60 auront laissé en héritage une condition métropolitaine où les réalisations de l’époque imposent leur logique urbaine propre, à la ville contemporaine. Les transformations urbaines qu’on subit les grandes villes occidentales dans la seconde moitié du XXe siècle relèvent toutes d’un processus semblable, Montréal se distinguera par sa réponse unique et la puissance du modèle urbain qui en résultera.

On pense notamment au réseau de transport en commun et Ville Souterraine, mais aussi aux infrastructures autoroutières que cette décennie aura mis en place sur lesquels la métropole s’appuie encore aujourd’hui pour penser la ville de demain. Si depuis les années 60 on a travaillé le sous-sol de la ville, on essaie aujourd’hui de réparer les cicatrices qu’un chantier si important à laisser sur le tissu urbain en surface, en essayant de ramener ces mégastructures à une échelle humaine.

Par ailleurs, le temps long de l’événement raconte en fait, un cycle de la ville. On revient aujourd’hui, 50-60 ans après leurs constructions, sur les aménagements qui ont défini la ville dans les années 60. On remarque alors la permanence de cette centralité née des avant-gardes, on constate par contre, que les infrastructures qui ont fait le succès de la ville dans les années 60 doivent être aujourd’hui rénovées, optimisées, repensées pour réponde au besoin de la ville XXIe siècle. Les enjeux restent, mais les réponses changent.

Expo67 aura donc un effet énorme sur l’imaginaire que projette Montréal encore aujourd’hui. Cet imaginaire émanera aussi des mégastructures qui occupent le cœur de ville. L’événement qu’a été Expo67 sera prolongé quelques années par Terre des Hommes pour ensuite disparaitre peu à peu. En restera l’imaginaire qu’il aura créé.

125

ANNEXES

BILBLIOGRAPHIE ET MÉDIAGRAPHIE RÉFLEXIONS SUR LA VILLE ET LA NOTION D’ÉVÉNEMENT : DE LA MASSIERE, Emmanuel, NAPPI-CHOULET, Ingrid, dir. « L’héritage urbain et Immobilier des mega-events », Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement Durable, n°6, 2018, 188 p.

GASCHET, Frédéric, LACOUR, Claude, « Métropolisation, centre et centralité », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, février 2002, p.49-72 GWIAZDZINSKI, Luc, « Chronotopies – L’événementiel et l’éphémère dans la ville des 24 heures», in Bulletin de l’Association de géographes français, 2009, p. 345-357 HOARAU-BEAUVAL, Christine, Urbanisme de dalle – Urbanisme vertical, Entre utopies et réalités, Editions Le Moniteur, Paris, 2019, 197p.

MONTRÉAL : BOISVERT, Michel, Montréal et Toronto villes intérieures, Les presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2011, 257p.

BLAKE, Peter, « Downtown in 3-d », The Architectural Forum, septembre 1966, p. 31- 48 LINTEAU, Paul-André, Une histoire de Montréal, Editions Boréal, Montréal, 2017, 360 p.

LINTEAU, Paul-André, MARCHAND Sara, VANLAETHEM, France, La Place Ville Marie : L’immeuble phare de Montréal, Les éditions Québec Amérique, Montréal, 2012, 242 p.

LORTIE, André dir., Les années 60 : Montréal voit grand, Le Centre canadien d’Architecture, Montréal, 2004, 205p.

AHTIK, Vito, SOKOLOFF, Béatrice, « Centralité urbaine et aménagement du centre-ville de Montréal », Cahiers de Géographie du Québec, Volume 36, n°99, 1992, p. 463-482

EXPO 67 : DESILET, Luc, Expo 67 : 50 ans, 50 souvenirs marquants et autres secrets bien gardés, Guy Saint-Jean Editeur, Montréal, 2017, p.186

126

VANLAETHEM, France, Architecture et urbanisme: la contribution d’Expo 67 à la modernisation de Montréal [en ligne], Bulletin d’histoire politique, Association québécoise d’histoire politique, 2007, [consulté le 09-09-2020], https://www.bulletinhistoirepolitique.org/le-bulletin/numeros-precedents/ volume-17-numero-1/architecture-et-urbanisme-la-contributiond%e2%80%99expo-67-a-la-modernisation-de-montreal/

BEAUCHEMIN,Luc dir., Expo 67 au jour le jour : avril [en ligne], Archives de Montréal, 2017 [consulté le 23 -10-2020], http://archivesdemontreal. com/2017/04/27/expo-67-au-jour-le-jour-avril/ CENTRE D’HISTOIRE DE MONTREAL, Mémoires d’Expo67 [en ligne], Mémoires des montréalais, 2017 [consulté le 23-10-20], https://ville. montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/memoires-dexpo-67 BARBEAU, Michel, MAROIST, Guylaine, RUEL, Eric, Expo 67 Mission Impossible [film], 2017, La Ruelle Films ECOLE DE DESIGN DE L’UQAM, Etude patrimoniale sur les témoins matériels de l’exposition universelle et internationale de Montréal de 1967 sur l’île SainteHélène, Laboratoire de recherche sur l’architecture moderne et le design, 2005, 38p.

FISET, Edouard, « Le plan directeur », Journal RAIC – L’IRAC, Volume 41, n°1, janvier 1964, p.54-56

UTOPIES ET COURANT MODERNE : DESCHAMPS, Yves, « Megacity Montreal », Montréal : le patrimoine moderne, Continuité, n°53, 1992, p.23-26 MUMFORD, Eric, The CIAM Discourse on urbanism, 1928-1960, THE MIT Press, 2000, Cambridge, 360 p.

ORTEGA, Estel, Berlin Hauptstadt. Alison and Peter Smithson with Peter Sigmond, Departament de Projectes Arquitectònics UPC, 2011, p 92-99.

RAGNON, Michel, « Architecture et mégastructures », Le gigantesque, Communications, n°42, 1985, p.69-77 ZUCCARO MARCHI, Leonardo, « CIAM 8. The Heart of the City as the symbolical resilience of the city », History Urbanism Resilience : The Urban Fabric, Volume 17, n°2, 2016 JAMES, Vincent, YOOS, Jennifer, The Multilevel Metrpolis [en ligne], Places, 2016 [consulté le 31-07-2020], https://placesjournal.org/article/multilevelmetropolis-urban-skyways/

127

ANNEXES

ÉCHANGE AVEC ANDRÉ LORTIE • L’espace urbain montréalais s’étant beaucoup transformé dans les années 60, notamment avec l’aménagement du nouveau centre-ville, selon vous, d’où vient ce modèle de multi-level city dont la Place Ville-Marie fut le premier jalon ?

On ne peut pas affirmer qu’il y ait eu un modèle. Le centre-ville de Montréal (pas que la Place Ville-Marie) concrétise une vision, que le milieu de l’architecture et de l’urbanisme attendait depuis plusieurs années. Un des jalons, parmi les formalisations de cette vision, est certainement la réponse qu’apportent les Smithson à l’occasion du concours pour la reconstruction du centre de Berlin en 1957-58. Ils y proposent une dissociation des circulations, mais qui se fait plutôt par l’ajout d’un niveau au-dessus du sol, à la manière de ce qui sera proposé quelques années plus tard dans le rapport de Colin Buchanan, Traffic in Towns, en 1963. Une des particularités du cas de Montréal est le fait que la dissociation se fait vers le bas, en occupant le soussol, ce qui permet la liaison avec le réseau du métro.

L’artisan de cette transformation est l’urbaniste Vincent Ponte, qui a terminé sa vie à Montréal. Vous pouvez relire l’article de Peter Blake « Downtown in 3 D », qui est intégralement reproduit dans Montréal voit grand.

• Dans votre publication, Les années 60 : Montréal voit grand, vous écrivez au moment où vous évoqué ce nouveau centre-ville ou centre des affaires (p.96) qu’effectivement « La Place VilleMarie est le premier jalon d’une composition urbaine impensée d’échelle mégastructurelle ». Cette composition urbaine seraitelle alors le fruit du hasard ?

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Elle n’est pas le fruit du hasard, car tout est en place pour qu’elle advienne dès les années 1950. Elle devait advenir.

Mais elle aurait pu prendre bien d’autres aspects, car elle n’est pas pensée comme une composition en soi.

Elle est le résultat à la fois d’une stratégie – celle mise

en œuvre par Vincent Ponte et discuté avec les élus (le maire Drapeau), les services techniques et les opérateurs immobiliers – et des forces du marché – si l’on se place d’un point de vue marxiste – ou d’une injonction sociale – si l’on se place du point de vue de la sociologie urbaine telle qu’elle est théorisée par un auteur comme Maurice Halbwachs par exemple.

• Le concept de la mobilité qui semblait être l’enjeu majeur de ces nouveaux aménagements notamment par la superposition des différents usages et moyens de transport est-il, selon vous, toujours un enjeu majeur de l’aménagement de nos villes aujourd’hui ?

La mobilité était et demeure un enjeu majeur de l’aménagement des villes. La ville est le lieu de la coprésence, c’est sa principale raison d’être. Plus la ville grandit, plus elle se complexifie, plus la mobilité se sophistique pour répondre à la demande de coprésence dont les conditions se dégradent compte tenu de cette complexification. Le temps est un des facteurs déterminant de l’intensification du capitalisme. Cela touche les mobilités. Toutefois, les attentes des citoyens évoluent et les arbitragent dans les types de mobilité évoluent avec elles. L’enjeu demeure, mais les réponses changent.

• Avec la crise sanitaire qui a fait ressortir de nouveaux enjeux de notre société notamment par rapport à la mobilité, un espace urbain basé sur la mobilité et la circulation sera-t-il encore viable à l’avenir ?

Je pense que l’augmentation des déplacements à vélo apporte à la fois un exemple de ce que j’écris au-dessus et une réponse à votre question. Les arbitrages changent en fonction des attentes des usagers de l’espace public et les supports de mobilité évoluent en fonction de ces arbitrages, transformant l’espace urbain. Allez voir la rue de Rivoli à Paris par exemple.

129

• Dans un autre ordre d’idée, quels liens peut-il y avoir entre l’aménagement du nouveau centre-ville et celle de l’expo67 qui se sont dessinés simultanément ?

Effectivement, dans votre publication Les années 60 : Montréal voit grand, vous écrivez « La ville et son double » pour évoquer ces deux scènes montréalaises.

La ville et son double ne signifie pas que l’un est le reflet de l’autre. Le Dr Jekyll est le double de Mr Hyde.

En l’occurrence, du point de vue des mobilités, Expo 67 se voulait très démonstratif. En face, la transformation de Montréal est très pragmatique. Il y a de grandes compositions du côté d’Expo 67, tandis que dans Montréal, les choses adviennent par addition, de manière impensée en ce qui concerne la composition d’ensemble, mais avec des solutions très étudiées et parfois sophistiquées quand on regarde chaque objet séparément. Certains avaient imaginé des plans d’ensemble notamment pour le Vieux Montréal (Moshe Safdi), mais ils n’ont pas été suivis. En revanche, du côté d’Expo 67, la démonstration se confine parfois à l’esthétique. C’est le cas du téléphérique, qui ramène les voyageurs à leur point de départ… Mais cette démonstration a des effets en ce qui concerne l’imaginaire que l’on projette sur Montréal, par exemple lorsque des mégastructures sont imaginées pour occuper le centreville. Il en reste toujours quelque chose. Mais cela nous mènerait un peu loin…

• Pensez-vous que l’Expo67 avec ces concepts et ces enjeux a influencé de près ou loin la conception de l’espace urbain du Montréal qu’on connait aujourd’hui ?

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Expo 67 a eu un impact déterminant sur Montréal car l’exposition a permis à la ville d’obtenir des moyens économiques considérables pour réaliser des aménagements qu’elle aurait mis des années à réaliser sans cette conjoncture favorable qui a fait que tous les gouvernements ont contribué financièrement.

Par ailleurs, le fait que l’émergence du centre-ville et l’exposition soient réalisé simultanément ne permet pas que l’un influe sur l’autre. Ce sont les approches des questions urbaines dans les années d’après la Seconde

Guerre qui influent simultanément sur les deux espaces.

Puis, après Terre des Hommes, qui la prolonge, l’exposition disparait… reste son imaginaire. Peut-on retrouver dans les aménagements du secteur des festivals, le long de la rue Jeanne-Mance, vers la place des Arts, des renaissances de la place des Nations ou des grandes esplanades des iles ? Je ne pense pas que l’on puisse faire une telle hypothèse. En revanche, les expositions universelles, dans leur spectacularisation de l’espace d’usage public, ont peut-être un effet sur l’imaginaire urbain. Ce serait cette ville spectacle que l’on retrouverait à Montréal au centre-ville.

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ANNEXES

TABLE ICONOGRAPHIQUE Introduction : FIG. 1 Place des Arts à l’occasion du Festival de Jazz 2015 Photo : Frédérique Ménard-Aubin, 2017 source: https://www.quartierdesspectacles.com/ FIG. 2 Exposition universelle de 1900 à Paris , Photo : Ministère de la Culture -Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / image RMN-GP source: https://www.photo.rmn.fr FIG. 3 Instant City, Before IC, a Sleeping Town, 1969 Airship Sequence of Effect on an English Town, Peter Cook (Archigram) source: https://www.frac-centre.fr FIG. 4 Morphologie du centre-ville Photo de David Boily, Archives La Presse, 2021 source:https://www.lapresse.ca/

Portrait des temporalités : FIG. 5 La foule sur le site d’Expo 67, Photo de : Michael Rougier, 1967 source: https://www.thestar.com/ FIG. 6 Echantillonage de quelques pavillons d’Expo67, Cartes postales de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967 Source: https://avenues.ca/ FIG. 7 Construction de la Place Ville Marie, 1962 Photo du Fonds d’Archives de la Place Ville Marie source:https://ici.radio-canada.ca/ FIG. 8 Plan du centre de Montréal, 1966 Plan des Archives de la ville de Montréal Source : http://archivesdemontreal.com/ FIG. 9 Boulevard Dorchester, 1961 Photo de Circa Source: https://www.neufarchitectes.com/ FIG. 10 Forme urbaine de noyau à plusieurs niveaux, 1966 Plan et Coupe de Peter Blake Source : Les années 60, Montréal voit grand FIG. 11 Festival Osheaga 20 dans l’Espace 67 du Parc Jean Drapeau, août 2018 Photo de Martin Chamberland Source: https://patwhite.com/

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FIG. 12 Tranché du chemin de fer traversant le centre, 1930 Photo du Musée McCord, MP-1989.20.2 source: https://ville.montreal.qc.ca/

FIG. 13 Quadrilatères de la Compagnie de chemin de Fer du CN, 1959 Plan des Archives de I.M.Pei and Associates Source: Les années 60: Montréal voit grand FIG. 14 Projet de revitalisation de de l’Esplanade de Place Ville Marie, 2020 Image de Sid Lee Architecture | Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes Source: https://www.ivanhoecambridge.com/

Chapitre 1 : L’Hyperville FIG. 15 Plan masse du MIL Montréal,2011, Plan de Lemay Architecte Source: https://lemay.com/ FIG. 16 Projet d’Alison et Peter Smithson Hauptstadt, Berlin, 1958 source: http://www.team10online.org/ FIG. 17 Le plan directeur de la Ville Souterraine Plan de Vincent Ponte Source: Montréal et Toronto : Villes intérieures FIG. 18 Le Centre des affaires vue de la jetée McKay, 1966 Photo des Archives de Montréal Source: http://archivesdemontreal.com/ FIG. 19 Façade mur-rideau de la Place Ville Marie Source: La place Ville-Marie: l’immeuble phare de Montréal FIG. 20 La Place Bonaventure et la Place Ville Marie vue de la rue University, 1968 Photes des Archives de Montréal Source: http://archivesdemontreal.com/ FIG. 21 Habitat 67 Photo de Marc Cramer + Thomas-Miau Source: https://thespaces.com/ FIG. 22 Le Centre des affaires vu depuis l’Expo 67 Photo de Jean Faugeron, Fonds André Blouin, Collection Centre Canadien d’Architecture, ARCH250435 Source: https://www.cca.qc.ca/fr/ FIG. 23 Fig. 21 Vue aérienne du Centre des affaires, 1962, Photos des Archives de Montréal Source:http://archivesdemontreal.com/ FIG. 24 Plan directeur du site de l’Expo 67 Plan de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967 Source: Les années 60: Montréal voit grand

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Chapitre 2 : L’Hypercentralité FIG. 25 Rendu du projet Sainte Catherine ouest, Image de Provencher Roy Architecture Source: https://www.amenagermontreal.ca/ FIG. 26 Chantier de la Gare Centrale, 1935 Source: La place Ville-Marie, l’immeuble phare de Montréal FIG. 27 Plan directeur de la Place Ville Marie, Source: La Place Ville-Marie, l’immeuble phare de Montréal FIG. 28 Percée sur le mont Royal depuis l’Esplanade Source: La place Ville-Marie, l’immeuble phare de Montréal FIG. 29 Maquette du quadrilatère du CN Source: La place Ville-Marie l’immeuble phare de Montréal FIG. 30 Carte postale montrant le Centre-Ville depuis le site de l’Expo67 Carte postale de la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967 Source: https://avenues.ca/ FIG. 31 La Place Jacques Cartier, Vieux Port de Montréal, 1961 Photos des Archives de Montréal Source: http://archivesdemontreal.com/ FIG. 32 Carte du Grand Montréal, 1967, Cartes des Archives de Montréal Source: http://archivesdemontreal.com/ FIG. 33 Territoire du centre-ville et ses quartiers Carte de la Ville de Montréal, 2017 source: Stratégie Centre-ville, Soutenir l’élan FIG. 34 Rupture du tissu urbain sur le territoire du centre-ville Carte de la Ville de Montréal, 2017 source: Stratégie Centre-ville, Soutenir l’élan

Chapitre 3 : L’Hypermobilité FIG. 35 Ecomobilité dans le quartier Rosemont-La-Petite-Patrie Images tirée de la vidéo de Rosemont Visonvélo Source:https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=2Ka66rVdVFI&ab_ channel=arrondissementrpp FIG. 36 Cartes des infrastructures autoroutières du Grand Montréal,1964 Cartes des Archives de Montréal source: http://archivesdemontreal.com/

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FIG. 37 Dessins de l’autoroute est - ouest, 1966 Dessin du Service d’urbanisme de Montréal Source: Les années 60: Montréal voit grand

FIG. 38 Dessins de l’autoroute est - ouest, 1966 Dessin du Service d’urbanisme de Montréal Source: Les années 60: Montréal voit grand FIG. 39 Réseau de la Ville Souterraine, 2016 Plan de Seura Architectes Source: Mangroves urbaines FIG. 40 Evolution de la Ville Souterraine Plan de Seura Architectes source: Mangroves urbaines FIG. 41 Evolution de la Ville Souterraine Plan de Seura Architectes source: Mangroves urbaines FIG. 42 Coupe de la Place Ville Marie Coupe de L’urbanisme souterrain : étude comparée exploratoire Source: https://www.researchgate.net/ FIG. 43 Coupe dans le coeur de ville Coupe de Ray T. Affleck source: Journal RAIC FIG. 44 Coupe de la Place Bonaventure Coupe de Ray T. Affleck source: Journal RAIC FIG. 45 Le minirail aérien, 1967 Photo d’une Presse associée Source: http://www.expo2025canada.ca/ FIG. 46 Le minirail traversant le pavillon américain, 1967 Photo de Simpson Gumpertz & Heger Incorporated Source: https://www.sgh.com/ FIG. 47 Vue du REM sur la Rive sud de Montréal Image de Lemay Architecte Source: https://ici.radio-canada.ca/

Conclusion : FIG. 48 Espace 67 et Montréal en fond, 2010 Source:https://www.helipass.com/

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