Magazine arts martiaux budo international février 2014

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« La mauvaise presse de notre style parmi les pratiquants d’arts martiaux ne peut être attribuée à personne d’autre qu’à nous-mêmes. »

L

a plupart des personnes qui vinrent découvrir notre style à cette époque étaient attirées par ce rêve que la publicité dans la presse spécialisée les avait vendu et bien sûr, abandonnèrent peu après, n’obtenant pas cette technique infaillible de protection supérieure à toutes les autres. Parallèlement, de nombreux instructeurs qui se formèrent et emboîtèrent le pas du cheval gagnant de l’époque, abandonnèrent peu de temps après le navire, lançant, dans beaucoup de cas, toute leur colère et leurs frustrations contre ce style qui n’était pas parvenu à satisfaire leurs attentes. Ce ne fut finalement rien de plus qu’une mode parmi tant d’autres qui viennent, brillent et s’éteignent dans l’oubli. Les années passant, nous ne sommes plus restés que quelques-uns. Comme je le commentais dans l’article du mois précédent, ces réflexions nous situent à une époque où le style grimpa au plus haut du panorama des arts martiaux en Europe pour être, peu de temps après, divisé en mille morceaux sous formes de petites organisations qui, dans la plupart des cas, s’affrontaient les unes les autres ou à tout le moins se tournaient le dos. Triste panorama pour des « frères » ayant une même origine. Mais, comme le définit une loi universelle, tout ce qui monte… finit par retomber. Et il en fut ainsi. Nous observons parfois, avec une certaine perspective, le panorama du WingTsun en Europe et nous devons bien reconnaître qu’en de nombreuses occasions, la mauvaise presse qu’a notre style parmi les pratiquants d’arts martiaux ne peut être attribuée à personne d’autre qu’à nous-mêmes. Mais loin de nous lamenter et d’essayer de rendre les autres responsables de nos problèmes ou même (l’option que beaucoup ont choisi) de l’abandonner pour chercher le style à la mode actuellement, certains, comme moi, pensent que ce style extraordinaire de boxe chinoise a encore de nombreuses choses à offrir au pratiquant d’art martial. Évidemment, il est clair que nous n’apprenons à voler à personne !!! Et que, bien sûr, notre style n’est pas

meilleur qu’un autre (il n’est pas pire non plus). Nos propositions vont dans le sens de faire du style WingTsun une voie de pratique des arts martiaux ou mieux dit, de la Boxe chinoise – si nous voulons définir avec plus d’exactitude ce que nous faisons –, loin des affirmations grandiloquentes au moyen desquelles nous essayions dans le passé de capter de grands groupes d’élèves. Pendant plusieurs années, nous n’avons pas très bien défini ce que nous voulions être et peut-être y a-t-il un vieux proverbe espagnol qui décrit à la perfection la situation actuelle du style en Europe. Traduit littéralement cela donne : « De ces argiles viennent ces boues ». Une de mes phrases favorites et que j’ai coutume d’utiliser dans mes formations pour instructeurs dit plus ou moins ceci : « Baissons la tête, fermons nos gueules et consacrons du temps à suer dans le silence d’une salle d’entraînement. » Cette sentence est en train de pénétrer petit à petit auprès de certains de ceux qui veulent du bien à ce style et ont décidé de continuer d’étudier et de pratiquer cet art qui nous passionne. Il existe une tendance chez certaines des organisations les plus grandes de WingTsun en Europe, immergées dans une lutte-campagne, à se qualifier « d’authentique et unique WingTsun ». Je me demande pourquoi elles s’évertuent tellement à s’attribuer l’étiquette d’uniques et authentiques. Il me semble que si ces gens utilisaient tout ce temps à pratiquer dans les salles d’entraînement, il ne leur resterait plus ni le temps ni l’envie de se perdre dans de telles disputes. J’aimerais personnellement que nos pratiquants, nos instructeurs et nos écoles soient un jour reconnus pour la leçon d’humilité, de sérieux et de travail qu’ils sont capables de donner et pas pour les étiquettes que ces personnages s’entêtent à s’attribuer. Ridicule, sans nul doute. Centrés sur la manière d’améliorer ce que nous aimons tant et ce à quoi nous consacrons une grande partie de notre vie, j’aimerais consacrer l’article de ce mois sur un thème que j’ai déjà traité dans l’un ou l’autre article de ce magazine ou dans mon blog, mais qui

me semble très important pour pouvoir proposer une voie à suivre : Que voulons-nous être ? La question semble évidente, mais elle ne l’est pas tant si nous regardons avec perspective la série d’articles que j’ai écrits, il y a quelques mois, et qui s’intitulait : « À la recherche d’un style reconnaissable ». Et bien que, dans mon deuxième livre qui sera bientôt mis en vente, je consacre un chapitre important à ce sujet, je ne voudrais pas m a n q u e r l’occasion de vous proposer de nouveau une série de questions sur lesquelles réfléchir. Je crois que cela nous fera toujours du bien. Quand je pose la question : « Que voulons-nous être ? », en plus d’une invitation à la réflexion, c’est également une claire exposition d’intentions. - En premier lieu, nous devons récupérer l’esprit critique. Quand j’ai commencé à pratiquer notre système, mon maître insistait toujours sur le fait de ne jamais croire les choses « parce que ». Il insistait sur le fait d’être toujours critique et d’exprimer toutes les questions qui pouvaient se présenter à moi, de ne rien accepter sans l’avoir vérifié et de ne jamais me laisser hypnotiser par ceux qui, élevées au sommet par un titre de grand maître, affirmaient et exprimaient des doctrines n’espérant qu’un type de réponse : l’assentiment.


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