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Talking Heads
PIANO MAN • Born in Ronse in 1982 • Starts improvising pieces on his grandparents’ piano at four years old • At seventeen, decides to become a professional musician • Studies classical music as well as jazz • Has accompanied more than 500 silent films at Cinematek • Spent time accompanying dance students at P.A.R.T.S. • Debuted in 2018 with Universe, followed by the EP Expansion in 2019. New work is expected later on this year • Belongs to a group of
classical musicians who do not only perform the work of dead composers
He quit classical lessons several times but never stopped improvising on the piano. “I went through a difficult period when my parents got divorced and I had some bad friends. I clung to music in that period; it was music that would drag me out of the shit.” At a certain point, he realized that music was to be his life. “It was a little terrifying. I was sitting at the piano, stood up for a moment, walked around, and then realized: yes, this is what I want to do.” His mastery of improvisation continued to be a well-kept secret during his studies at the conservato ry. “I always approached music very freely, but I felt imprisoned at the
“When I was a
teenager, I would listen to The Prodigy or Korn”
conservatory. The mentality of classical music is almost…clerical.” In the meantime, he was able to do his thing at Cinematek, where he started accompanying silent films. “I have done more than 500 already. Tonight I am accompanying The Birth of a Nation, a 190-minute film.” He doesn’t prepare. “The screen is my score.” It was only when he made Universe that he first wrote something down. “It was very sobering. Improvising is like going on a journey. You do whatever you want, you don’t have to think about it, you can’t make any mistakes. Once you start compos ing, you realize how important form is. How our ear longs for logical structures.” Without thinking about it, images flash through his head when he improvises. “It is like therapy. Emotions from the past re-emerge.” Hence the titles like “Douceur de la vie” and “Everything Is Perfect”. “Life isn’t always a walk in the park, but just like my music it can be very tender.”
N L Noah Vanden Abeele begeleidt in Cinematek al jaren stille films op piano, maar twee jaar geleden debuteerde de Brusselse pianist met zijn eigen werk, Universe. Een album waarop hij neoklassiek versmelt met zijn uitstekende kunde in de improvisatie.
F R Après avoir longtemps accompagné au piano des films muets de la Cinematek, Noah Vanden Abeele signe désormais ses propres compositions. Sur son album Universe, le pianiste bruxellois mêle musique néoclassique à son sens de l’improvisation.
Dangers publics
Michel Verlinden pose son regard critique sur les arts culinaires, les arts de la vie et l’art tout court.
Les bancs publics sont les postes d’observation de notre société. J’en suis convaincu. Confirmation l’autre jour à l’heure du midi. J’étais, comme souvent, dans les allées du Parc Royal, près de la fontaine qui jouxte le Parlement. Ce lieu d’habitudes et d’habitués est pour moi l’endroit idéal d’un déjeuner pris sur le pouce. J’en étais à la moitié de mon jambon-beurre lorsqu’est venu s’installer, juste en face de moi, un vieillard avec son chien. Ce n’était pas la première fois que je croise le bonhomme toujours en grande conversation avec le petit zinneke qui lui sert d’animal de compagnie. Le voir m’apaise, même s’il est évident que le dialogue qu’il tient avec Bicky, c’est le nom du quadrupède, témoigne d’une grande solitude. Les choses se sont gâtées quand sont venues s’asseoir deux femmes à mes côtés, quadragénaires actives et avisées. Faussement concentré sur mon casse-croûte, il m’était impossible d’ignorer leur conversation. Visiblement agacées par le vieux monsieur, elles n’étaient pas tendres avec lui, le trouvant pathétique, voire débile, de parler à un chien. «Il est bon pour la maison de retraite », ont-elles fini par convenir. Cette remarque m’a ébranlé. Je me suis rendu compte que ce qui m’apparaissait touchant et plein de charme était perçu comme « bon pour la casse » par d’autres. J’avais le cœur qui saignait face à ce refus d’éprouver au minimum de l’empathie pour cette tentative bénigne d’habiter un monde sans pitié. J’y ai repensé plus tard en lisant le tout nouvel ouvrage de la philosophe Isabelle Stengers, professeure dont j’avais autrefois suivi les cours à l’ULB. Dans Civiliser la modernité ? – White head et les ruminations du sens commun, Stengers nous rappelle l’importance d’être les uns avec les autres, plutôt que les uns contre les autres. Elle souligne ce besoin urgent de sens commun. On perd le sens commun quand on déclasse les comportements différents des nôtres. Que nous soyons sûr de ce qui importe (à tout hasard : faire l’auto-promotion de son existence sur les réseaux) et ce qui n’importe pas (parler avec un animal, en l’occurrence) dans cette vie, fait de nous des bombes humaines, explique-t-elle en substance. Morale de l’histoire ? Usons des bancs publics pour « faire commun »… en évitant de devenir des dangers publics.