La Plaine de la Crau - Bruno Pancrazi (mémoire 100 ans de paysage) ENSAPBx

LA PLAINE DE LA CRAU Regard sur un paysage atypique et précieux, une entité façonnée par l’homme et ses activités

Bruno Pancrazi Mémoire - 100 ans de paysage

◀ Panorama sur la Plaine de la Crau Photo de couverture (Crédit photo : Léa Ricoh©)

REMERCIEMENTS Compte tenu du contexte social et sanitaire exceptionnel dont nous avons tous subi les conséquences, la rédaction du présent mémoire n’est pas rigoureusement conforme aux attentes et aux objectifs primordiaux de l’exercice. Les prospections de terrain ou les entrevues physiques avec les acteurs qui façonnent ou qui interviennent sur les paysages ont été fâcheusement limitées dans leur nombre. Les ressources documentaires, elles aussi, ont manqué à l’élaboration d’un mémoire plus abouti, les bibliothèques et autres services publics étant fermés. La réalisation d’une composition à ce point pragmatique n’a pu être accomplie qu’avec la participation missionnée, solidaire, amicale ou aimante de personnes à qui je souhaite tout particulièrement exprimer ma reconnaissance.

En tout premier lieu, je tiens à remercier chaleureusement mon tuteur de mémoire, M. Rémi Bercovitz pour son soutien bienveillant, son suivi et ses conseils qui m’ont permis de mener à bien ce projet.

La recherche documentaire et la collecte d’informations relatives à ce sujet passionnant n’auraient pu être menées sans les entrevues enrichissantes et constructives des membres de la municipalité de la ville de La Crau, à qui je souhaite exprimer ma gratitude : M. Olivier Leroy, chef de service foncier/ droit des sols et directeur adjoint au service de l’urbanisme pour ses précisions avisées en terme de cohérence territoriale ; Mme Nathalie Baldacchino

et M. Pascal Porcile du service communication pour leurs renseignements et documentations indispensables à la concrétisation de ce mémoire. Je remercie également M. Michel Larignon, généalogiste passionné et historien de la vie paroissiale de la commune, pour cette entrevue captivante.

La qualité et la pertinence des documents photographiques présentés doivent leur excellence à un cortège de photographes professionnels, passionnés et consentants pour figurer dans cette étude : Léa, qui par sa coopération indispensable et son soutien inaltérable a permis d’alimenter la majorité de mes propos avec toute l’expérience d’une photographe professionnelle ; mon ami naturaliste et photographe Charly, pour ses sublimes clichés providentiels ; M. Julien Mauceri, photographe professionnel local et talentueux qui m’a donné son accord pour l’exploitation de ses délicieux « portraits » de paysages varois. Un grand merci à chacun.

Je voudrais également remercier ma mère pour ses nombreuses relectures attentives et sa dévotion ineffable. Mon père, pour ses archives personnelles concernant la ville de Toulon et son avis d’autochtone sur les territoires.

Laura pour sa relecture et ses conseils avisés.

J’adresse aussi mes remerciement, avec toute ma sollicitude aux membres de ma promotion : Hugo, Typhaine et les autres... avec qui, le soutien mutuel fut de mise dans la nécessité de faire face aux difficultés qui ont rythmé notre train de vie, entre charge de travail excessive et confinement aliénant. À tous ceux que j’ai omis de mentionner et qui ont contribué de près ou de loin à cet ouvrage...

rs

ès

ll i

ès

ll i

e

te

t

on

-P

ca s

-T ou

-V il le

lè d

ès

ll i

Fa r

Cr au

et

Va l

Cu e

So

So

So

La

La

La

Le

au

du

ge

R ou

n

ap

G

ea

u

rip is yl ve

au

sa

B

et

Va llé e

ap e

G

Le

do

tF ar on

tC ou

on

on

M

M

G ar de To ul on

La

re s M

au

(S ud

es

on

si fd

on

as M

de P la in

e

M

Cu e

rs

tR ed

on ve b Sa u de e Va llé

)

-P ie rr ef eu

ne

ié on M

eu ef rr ie P

R ou

ca s

de

▲ Panorama général sur la Plaine de la Crau présentant ses principales entités Vue photographique d’ensemble sur la Plaine de la Crau présentant les principales entités urbaines, géologiques et hydrographiques récuremment citées dans le mémoire (Crédit photo : Léa Ricoh©)

SOMMAIRE

INTRODUCTION

p.11

LA PLAINE DE LA CRAU, UN PAYSAGE COMPOSITE À FORT POTENTIEL

p.41

p.12

CARACTÉRISATION DU TERRITOIRE

p.21

p.22

CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET GÉOMORPHOLOGIQUE

p.35

UN SYSTÈME ÉCONOMIQUE EN MARGE DU LITTORAL

p.41

p.9

p.12

p.36

p.42

LA PLAINE DANS LE TEMPS

p.67

p.44

FIN DU XIXE SIÈCLE - DÉFINITION D'UN PAYSAGE EXCLUSIVEMENT RURAL

p.49

p.50

PRÉMICES D'UNE POLARISATION MULTISCALAIRE DES GRANDES VILLES ET AFFIRMATION D'UNE IDENTITÉ AGRICOLE SPÉCIFIQUE À L'AUBE DU XXE SIÈCLE

p.55

p.56

DES ANNÉES 60 À NOS JOURS : UNE URBANISATION OMNIPOTENTE, DES MUTATIONS IRRÉMÉDIABLES EN PLAINE : CONFRONTATION DES PAYSAGES URBAINS ET RURAUX

p.67

p.68

SCÉNARIOS PROSPECTIFS

p.85

p.70

RÉENGAGEMENT DES COMMUNES DANS UNE ÉCONOMIE AGRICOLE SPÉCIFIQUE

p.75

p.76

RÉGULATION DE L'EXPANSION URBAINE

p.79

p.80

RÉINTRODUCTION DE LA NATURALITÉ

p.83

p.84

SYNTHÈSE GRAPHIQUE DES SCÉNARIOS

p.85

p.86

CONCLUSION

p.87

p.88

BIBLIOGRAPHIE

p.89

AVANT-PROPOS Le présent mémoire est l’aboutissement d’un travail d’observation, de recherche et d’enquête : son but est de mettre en lumière les règles qui régissent la matérialité évolutive d’un paysage particulier, c’est-à-dire les facteurs socio-écologiques qui conditionnent les transformations et l’évolution d’un territoire donné. Il s’agit de replacer ces facteurs au sein d’un contexte historique singulier, celui du lieu choisi, dans un cadre précis et élargi, afin d’établir les enjeux paysagers et d’imaginer quels pourront en être les scénarios à venir.

Il est question de comprendre les dynamiques paysagères dans une dimension temporelle et de construire, à partir de celles-ci, un discours en vue d’échanges et de débats permettant entre autre, de s’emparer du paysage comme d’un outil de médiation.

Le département du Var est avant tout le département du tertiaire : son économie touristique, ses stations balnéaires de renom et son climat clément ont contribué à fonder cette vocation récréative qu’on lui connait.

La réputation touristique de la Côte d’Azur est internationale et n’est plus à démontrer. La célébrissime French Riviera dépasse donc largement les frontières françaises, sa notoriété n’est plus à faire, si bien que le système

littoral tout entier s’en retrouve bouleversé. D’un point de vue continental, les villes se sont densifiées jusqu’à former une sorte de chaîne urbaine littorale quasi-continue. Seuls les reliefs naturels peuvent constituer une gêne à cette frénésie constructrice. La saturation des espaces côtiers disponibles ainsi que la flambée des prix du foncier contraignent les métropoles à s’étendre en retrait, dans les terres et en particulier dans les plaines. La Plaine de la Crau est en ligne de mire de ce schéma d’expansion urbaine puisqu’elle se situe dans la périphérie directe de l’agglomération Toulonnaise, déjà repue de son trop-plein démographique. Pourtant, comme toute plaine alluviale, ce territoire possède bien d’autres vocations que de servir de quintaine au rayonnement du système littoral, en étant le récipient par défaut de l’étalement urbain. L’agriculture fut longtemps l’activité principale du lieu : les habitants de la plaine y produisirent pendant des siècles un blé fort réputé, des fruits et légumes ainsi que du bois de pin, particulièrement apprécié à la cour du roi. Bien que les pratiques agricoles aient évolué, la Plaine de la Crau demeure une entité exceptionnelle dans le département du Var et reste à ce jour, un territoire qui aspire à mettre à profit la richesse de ses terres inestimables1.

1 DAGORNE, A. In : CHAUSSADE, J. dir. Norois, Revue géographique de l’Ouest et des pays de l’Atlantique Nord n°133-135 - Espaces côtiers et sociétés littorales. Colloque international des 28, 29 et 30 novembre 1986 à Nantes. 1997 *Notion de « système littoral » : « ensemble englobant, à l’interface terre/mer, les communes littorales, les estrans et les eaux cotières [...] » (p.181)

INTRODUCTION Le département du Var se situe à l’interface d’un paysage maritime et de moyenne montagne particulièrement boisé. La naturalité le dispute au tourisme de masse qui, par ailleurs, constitue la principale source de revenus du département. Les stations balnéaires occupent tous les littoraux qui ne sont pas bordées d’abruptes falaises. Ailleurs, l’appétit d’une population exogène pour les panoramas et les cadres de vie séduisants ont eu pour effet d’occuper les derniers espaces encore disponibles. Dans les terres, hors des massifs protégés ou des reliefs trop escarpés pour pouvoir y construire quoi que ce soit, l’emprise urbaine se fait de plus en plus prégnante. Pour conserver son attrait touristique, le département se doit de préserver ses espaces « naturels », il doit cependant faire face à la croissance démographique qui s’accélère, décennies après décennies. Les limites de la ville gagnent peu à peu sur les parcelles à construire encore disponibles. La pression urbaine s’est manifestée de manière prématurée et s’est affirmée avec fulgurance2, laissant peu de place, donc, pour le développement de l’agriculture ou de l’élevage.

Entre mer et montagne, la French Riviera est de notoriété internationale, reconnue pour être une région géographique privilégiée par le climat et dont la globalité des activités attire toujours plus d’habitants saisonniers ou annuels. Sa renommée s’est constituée à partir de sites emblématiques : La Ciotat, Bandol, Sanary, Hyères-les-Palmiers, l’île de Porquerolles, Saint-Tropez jusqu’à la principauté de Monaco en passant par la Croisette à Cannes ou par la promenade des anglais à Nice sont des lieux qui évoquent la douceur de vivre au soleil de la Méditerranée. Pourtant, le Var possède bien une activité agricole, certes meurtrie, mais qui demeure bien présente, presque isolée de la houle provoquée par l’économie touristique du littoral. Les exploitations agricoles se répartissent dans les dernières portions de territoire encore épargnées. L’agriculture varoise se caractérise par une prédominance des secteurs viticole et horticole, lesquels constituent à eux seuls 85 % de la production agricole pour tout le département3, le reste étant attribué aux productions typiques d’olives, de figues et de quelques denrées adaptées au climat méditerranéen.

2 DALIGAUX, J. MINVIELLE, P. et ANGLES, S. Méditerranée. Espaces agraires, dynamiques paysagères, structures foncières, acteurs et planification. 2013 3 re »

Site de la Préfecture du Var. Section politiques publiques. Page « Agricultu-

La Plaine de la Crau se présente comme une singularité dans le paysage varois. En effet, le pléonasme qui la désigne semble décrire à quel point cette inflexion du relief se démarque de l’homogénéité inhérente à la topographie du département. Le mot Crau, issu du provençal Craou signifie, en effet, « plaine couverte de cailloux » (Pégorier)4.

Liée à la géologie plutôt qu’à la géomorphologie, « Crau » dériverait en effet d’une racine celtique : crag, signifiant « pierre, rocher ». D’autres racines linguistiques font un parallèle avec l’aridité, la sécheresse, voire la stérilité du terrain5. Irriguée par deux larges cours d’eau, longtemps sujette aux inondations et largement exploitée pour l’agriculture, la Plaine de la Crau ne correspond pas vraiment à cette définition contradictoire. On pourra alors la rattacher à la première définition.

L’entité s’étend à moins de trois kilomètres du littoral. Pourtant, peu d’indices de cette proximité maritime n’apparaissent, si ce n’est quelques concessionnaires de bateaux disséminés aux abords des grands axes de communication. À l’évidence, le système économique de la plaine ne correspond pas à la tendance générale et se démarque largement des villes alentour. On peut sûrement établir un lien de causalité entre cet état de fait et la spécificité topographique qui a façonné les usages et pratiques qui l’ont investi depuis l’antiquité.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, ce territoire fut principalement exploité pour son potentiel exceptionnel par l’agriculture. Cette activité séculaire s’est vue bouleverser par un phénomène d’ampleur qui a opéré de profonds changements, notamment en ce qui concerne l’évolution de la répartition des terres cultivables. En effet, à l’image du modèle national et symptomatique de l’évolution démographique au lendemain de la seconde guerre mondiale, la ville de Toulon connaît un regain de population. Néanmoins, son expansion urbaine se trouve rapidement endiguée par les limites naturelles et administratives qui l’encerclent. Le mont Faron (au Nord) et le front littoral (au Sud) contraignent la cité à se développer selon un axe latitudinal. Mais les communes limitrophes bornent définitivement Toulon dans ses propres limites administratives et constructibles. Chaque commune de l’aire urbaine se sature peu à peu en conséquence du rayonnement de l’activité économique du centre névralgique, attirant toujours plus d’habitants. La Plaine de la Crau ne fait pas exception à la règle puisque les communes qui l’occupent : La Garde, La Crau, La Farlède et Solliès-Ville, principalement, font partie de cette même aire urbaine. Parmi la quarantaine de communes issues de ce 4

GEULJANS, R. In. Dictionnaire étymologique de la langue occitane (en ligne)

5

RAINAUD, A. In : Annales de Géographie. 1893 9

10

découpage, ce sont les villes de La Farlède et de La Crau qui ont connu la plus grande croissance démographique. On peut même parler d’une véritable explosion du nombre d’habitants puisque, à titre d’exemple, la ville de La Crau est passée de 5.308 individus en 1968 à 18.135 en 2018 (estimation INSEE), soit une augmentation d’environ 250 % en seulement 50 ans6. Ce phénomène est à rapprocher d’un contexte géographique favorable puisque le paysage de plaine offre bien plus d’opportunités, en terme d’urbanisme, qu’un paysage collinaire, caractérisé par un relief irrégulier ou accidenté.

Dans la Plaine de la Crau, la part de l’agriculture était telle qu’il fut aisé de la rogner, sans condition, pour subvenir aux besoins résidentiels de l’excédent démographique d’une ville déjà pleine à craquer.

6

PLU initial de la ville de La Crau. 2019. p.24

▲ Situation géographique générale de la Plaine de la Crau Ces cartes successives permettent de situer le territoire étudié relativement au découpages administratifs de pays, région, département. Cela permet notamment de montrer sa proximité avec le littoral et de le contextualiser dans une approche géographique.

▶ La Plaine de la Crau : un territoire exceptionnel dans une dynamique économique liée au littoral

Cette carte générale montre bien la place particulière qu’occupe la Plaine de la Crau dans le système littoral. Elle est au sein d’un territoire dont l’activité économique tourne autour du tertiaire et plus particulièrement des stations balnéaires. On comprend mieux les enjeux liés à ce territoire et les transformations auxquelles il a dû faire face (périurbanisation, etc...)

12

LA PLAINE DE LA CRAU, UN PAYSAGE COMPOSITE À FORT POTENTIEL CARACTÉRISATION DU TERRITOIRE Définir des limites à un tel territoire d’étude relève d’une entreprise qui implique de prendre en compte une multitude de facteurs. La topographie est certainement l’un d’entre eux : les plaines sont de rares et précieuses entités en département du Var, l’intérêt de cette typologie de terrain n’est plus à démontrer. Viennent ensuite les pratiques qui y ont lieu : c’est une immense zone d’activités qui participe largement à l’économie de la métropole. Le plan de situation (figure de gauche) révèle d’emblée la vocation agricole du territoire par la comparaison colorimétrique des sols. Un bref coup d’œil permet d’identifier le morcellement caractéristique des parcelles cultivées. La part des habitations (en gris sur le détail) est égale à celle des bâtiments industriels ou commerciaux (en blanc, notamment à l’Ouest de la plaine). D’une manière générale, la surface d’occupation des sols par le bâti est à peu près égale à la part des terres agricoles.

Un creux topographique relativement étroit s’étend de Sanary-sur-Mer jusqu’à Fréjus, ville située à la frontière littorale-Est du département. Cette formation géologique passe par la plaine orientale de Toulon et se déploie parallèlement au littoral, en retrait dans les terres. Il s’agit d’une dépression géomorphologique datant de l’ère permienne sur laquelle je reviendrai plus tard. J’ai cependant fait le choix de réduire la surface de mon territoire, en prenant en compte, d’une part par les monts et autres inflexions du relief qui en délimitent les pourtours et d’autre part les spécificités précédemment citées qui donnent à cette « région » un caractère singulier.

Les quelques sources qui font mention de la plaine située à l’Est du pôle urbain toulonnais ne sont pas réellement claires vis-à-vis de sa délimitation. Chacune des communes qui prend place sur cette vaste étendue lui attribuent sa propre appellation, parfois au delà même de ses limites administratives. On assiste donc à une multiplication des noms relatifs à cet espace particulier, bien souvent déterminé selon des limites plus ou moins floues. En consultant les textes d’auteurs qui font mention de ce territoire, on peut remarquer que beaucoup de dénomination furent données à la plaine, soit dans son ensemble, soit aux éléments de ses parties constitutives. Les exemples sont nombreux : « plaine de l’Eygoutier7 » (nom du fleuve côtier traversant une partie de la plaine et dont l’exutoire est situé à Toulon), cuvette de La Garde, plaine de Toulon, plaine de La Garde, de la Crau, de La Farlède, de Solliès...

géographique de ses différentes parties constitutives

Afin de commencer ce travail de recherche sur des bases cohérentes et de circonscrire pertinemment l’emprise du territoire d’étude, je décrirai en détail les différentes parties géographiques de sa composition. On peut dénombrer pas moins de quatre grandes divisions à la Plaine de la Crau : La Plaine de la commune de La Crau, la vallée de Sauvebonne, la Plaine de Solliès et le Plan de La Garde - du Pradet.

La Plaine de la Crau s’étend au sein de l’unité urbaine de Toulon et comprend les communes suivantes : La Crau ; La Farlède ; La Garde ; Pradet ; Solliès-Ville ; Solliès-Pont et Solliès-Toucas

7 PARENT, H. « Géologie locale - Les cours d’eau ». In : Histoire de l’eau à Hyères (en ligne)

◀ Plan de situation - Délimitation de la Plaine de la Crau et découpage

13

14

UNE INFLEXION GÉOLOGIQUE PARTICULIÈRE : LA DÉPRESSION PERMIENNE

▶ Carte topographique identifiant les principales entités géologiques, des reliefs littoraux et terrestres

La rareté des paysages de plaines littorales associée à leur fort potentiel constructible et agricole sont les vecteurs d’une forte attractivité anthropique. En effet, sur ses 432 kilomètres de linéaire côtier, plus de la moitié est occupé par des falaises maritimes ou des côtes rocheuses et plus de 70 kilomètres par des établissements militaires. Le littoral ayant atteint le seuil de saturation des zones constructibles, l’essentiel des activités humaines se répand fatalement toujours plus loin dans les terres. On assiste alors à un phénomène de rurbanisation progressive des terres agricoles privilégiant un développement économique lié au secteur tertiaire.

Cette carte permet de mettre en relation la topographie avec l’emprise des grandes aires urbaines en région PACA : Marseille ; La Ciotat ; Toulon ; Fréjus. La grande dépression permienne joue un rôle évident et décisif vis-à-vis du développement d’un réseau intercommunal (Fond de carte : Géoportail).

La dépression permienne se manifeste comme une vallée extrêmement étendue, avec en son lit une vaste plaine. Elle s’étire selon un profil arqué reliant les villes côtières de Toulon et de Fréjus. Il s’agit d’un couloir catalysant le trafic, les échanges intercommunaux mais surtout le développement de l’agriculture. C’est une entité fortement convoitée qui détonne radicalement avec les paysages environnants aux reliefs imposants : au Nord, la Provence calcaire caractérisée par ses grandes falaises blanches et au Sud, la Provence siliceuse et ses roches colorées virant du rouge au noir.

Cette tranchée géomorphologique regroupe des paysages aux problématiques proches de celles de la Plaine de la Crau. Cet ensemble possède également un profil lithographique et hydrographique uniforme.

La Plaine de Cuers-Pierrefeu est la portion de dépression qui prolonge la partie septentrionale de la Plaine de la Crau. Elles sont cependant bien distinctes puisque l’influence de la ville de Toulon se fait moins ressentir dans la vaste plaine ouverte de Cuers-Pierrefeu (notamment vis-à-vis de la périurbanisation) et qu’un goulot d’étranglement topographique délimite la frontière entre ces deux systèmes.

Au cœur de la dépression, la Réserve nationale de la Plaine des Maures s’étend sur plus d’un tiers de l’espace ouvert et a une vocation d’intérêt écologique. C’est un lieu relativement préservé compte tenu de son profil topographique.

La Plaine de L’Argens correspond à ce qui se rapproche le plus de la Plaine de la Crau en terme de proximité avec le littoral et de mutations économiques.

Ses paysages sont largement influencés par les villes de Fréjus et Saint-Raphaël à l’image de la ville de Toulon sur la Plaine de la Crau.

DESCRIPTION DE LA PLAINE DE LA CRAU La Plaine de la Crau n’a jamais été décrite comme une entité à part entière.

La dénomination et l’organisation des différentes parties du lieu dépend de la discipline qui l’étudie. Un géologue détaillera, par exemple, les différentes portions de ce grand espace situé entre Toulon et Hyères, en fonction des lits des principaux cours d’eau qui y circulent (Plaine du Bas-Gapeau ou Plaine de l’Eygoutier). Un urbaniste exposera ce découpage en fonction des limites administratives de chacune des communes. Un autochtone natif de la région emploiera très certainement un vocabulaire précis, fait de lieux-dits et d’expressions, pour qualifier très justement chacun des endroits. Devant cette pluralité, il fallait trouver une qualification globale satisfaisante pour cet endroit précis, caractérisé par des enjeux paysagers qui lui sont propres.

J’ai naturellement sélectionné la ville de la Crau, se présentant comme le centre géographique de cet espace particulier, pour être le dénominateur commun de l’ensemble du système. L’étymologie de ce patronyme a fini par arrêter mon choix sur cette appellation précise : Plaine de la Crau.

Délimitation de la dépression permienne Topographie relative (de 0 à 1150m) 15

La Plaine de la commune de La Crau La plaine de « La Crau » proprement dite, est à la jonction des différentes parties de la « grande Plaine de la Crau ». Il s’agit d’un lieu central, investi par une forte activité économique plurisectorielle, où transitent la plupart des échanges métropolitains ou extra-métropolitains sur l’axe Toulon - Nice.

En effet, la plaine de « La Crau » est parcourue par deux autoroutes : l’A57 assurant la liaison Marseille - Toulon - Nice et l’A570, bifurcation d’autoroute consacrée à rejoindre la ville

d’Hyères. Cette commune fait également office de terminus pour le réseau ferroviaire puisqu’une voie dédiée se sépare de la voie ferrée principale (assurant également la liaison Marseille - Toulon - Nice) sur la plaine.

La surface totale de plaine de « La Crau », c’est-à-dire la portion de territoire ne comportant que très peu de relief dans le périmètre élargi de la ville de La Crau, couvre une superficie d’environ 22 kilomètres carrés.

C’est la plus vaste des quatre parties constitutives de la Plaine de la Crau. Au delà des frontières qu’elle partage avec les trois autres composants de l’entité globale, elle est bornée par des reliefs qui interrompent son déploiement dans l’espace. Si ce n’est pas la topographie, il s’agit simplement d’autres systèmes géomophologiques : la plaine d’Hyères et le vallon reliant la Plaine de la Crau à la plaine d’Hyères sont tout bonnement des entités ne faisant pas partie de la grande dépression permienne.

Cette subdivision de la grande Plaine de la Crau est un élément décisif des dynamiques économiques de ce système territorial, qui est à la fois l’épicentre d’une continuité paysagère, la plaque tournante des échanges intra et inter-métropolitains et un espace regroupant une grande diversité de milieux.

◀ Bloc-diagramme - La plaine de la commune de « La Crau » : la place centrale articulant les parties constitutives de la Plaine de la Crau

▼ Bloc-diagramme - La vallée du Réal-Martin (ou de Sauvebonne) : le domaine préservé de La Crau

La Vallée de Sauvebonne - Un espace préservé, ripisylve méditerranéenne et agrosystème La Vallée de Sauvebonne est une portion préservée de la Plaine de la Crau.

Elle est à cheval sur les limites administratives de la ville d’Hyères et celle de La Crau. Elle est protégée de part et d’autres de son étendue par deux verrous topographiques portant tous deux le même nom : Monts Redon.

Part delà ces deux sentinelles géologiques, se déploient les communes de La Crau, au Sud, et celle de Pierrefeu, au Nord.

La Vallée de Sauvebonne est parcourue par le Réal Martin, large affluant du Gapeau. La confluence des deux fleuves se situe au Sud-est de la Vallée, peu après le défilé (phénomène d’érosion hydraulique) creusé par le Réal Martin, séparant le Mont-Redon (Sud) des contreforts du Massif des Maures. Il s’agit de la réunion des deux plus grands bassins versants de la région toulonnaise. L’activité principale et largement dominante dans la Vallée de Sauvebonne est l’agriculture, sans doute grâce au fait de son isolement relatif et de l’importance de son réseau hydrographique. Cet espace d’environ 12 kilomètres carrés possède un fort potentiel agricole et reste, encore aujourd’hui, une vallée presque exclusivement rurale, entre « nature et cultures ».

▼ Coupe longitudinale de la vallée de Sauvebonne (AA’)

▼ Coupe transversale de la vallée de Sauvebonne (BB’)

17

La Plaine de Solliès

▼ Bloc-diagramme - La Plaine de Solliès : lieu de transits et d’échanges

Au Nord-Ouest, sur un « bras » prolongeant la plaine de « La Crau », s’étend la Plaine de Solliès. Elle correspond à une sorte de goulot d’étranglement topographique mais aussi urbain, dans la continuité de l’ensemble de la plaine. Au Nord commence la plaine de Cuers-Pierrefeu, sûrement autant voire plus vaste que le territoire étudié.

Cette portion de territoire est bordée, à l’Ouest, par les monts de la vallée du Gapeau et à l’Est, par un étroit relief la séparant de la Vallée de Sauvebonne. Au Nord, ces massifs tendent à resserrer leur emprise, notamment par l’avancée en plaine du Roucas de Monié, ce phénomène contribuant au découpage du territoire global.

La Plaine de Solliès est soumise à deux régimes d’occupation des sols distincts et visibles sur le bloc ci-joint. Le découpage comprend la continuité de l’aire urbaine de Toulon, à l’Ouest de la voie ferrée par les villes de La Farlède et des trois Solliès (Solliès-Pont, Solliès-Ville, Solliès-Toucas) et une aire à dominante agricole et d’habitat diffus, à l’Est. La continuité de l’habitat semble se répartir, dans un premier temps, aux abords du cours du Gapeau, fleuve drainant la partie septentrionale de la plaine de La Garde-La Crau. Les terres cultivées sont distribuées dans les environs de cours d’eau faisant partie du bassin versant du Gapeau, probablement employés pour drainer les cultures.

Cette portion de territoire est la seconde plus étendue, après la plaine de « La Crau ». Cette division s’étale sur 15km² et correspond à un profil plutôt longitudinal : les axes routiers et ferroviaires suivent la logique de l’axe Toulon-Nice et ne font manifestement pas de détour majeur sur leurs tracés, mise à part une déflexion de leur cheminement du côté des infrastructures plutôt qu’au sein des terres cultivées.

▼ Coupe transversale de la Plaine de Solliès (CC’)

▼ Bloc-diagramme - Le Plan de La Garde, au plus près du littoral

Le Plan : plaine de La Garde La plaine du Plan est la portion la plus méridionale de la grande Plaine.

C’est un espace plus que soumis à la pression du foncier qui l’entoure et l’étreint. L’emprise urbaine de La Garde, du Pradet, de Carqueiranne et de La Moutonne clôturent en effet cette plaine particulièrement humide.

Il s’agit d’un territoire à dominante rurale et aux typologies paysagères mixtes. Une part des paysages est agricole et une autre a récemment été réhabilitée en espace naturel sensible et protégé, en lieu et place d’une ancienne décharge8.

C’est une initiative du département qui a permis de conserver cette rareté écosystémique en paysage méditerranéen où s’épanouissent déjà plus d’une centaine d’espèces protégées, à proximité des zones industrielles et des villes...

▼ Coupe du Plan de La Garde depuis la côte (DD’)

Cette plaine de taille modeste (avoisinant les 10 kilomètres carrés) est à cheval sur les villes de La Garde et du Pradet. Elle est située à proximité du littoral, mais ne communique pas directement, les falaises maritimes empêchant toute communication directe entre les deux entités. Il est surprenant d’observer que ces terres n’aient pas encore été exploitées pour l’habitat étant donné leur situation vis-à-vis de la côte. Le Plan a effectivement été classé en Zone d’Expansion de Crue (ZEC)9 relativement à sa topographie « en cuvette » singulière, limitant conséquemment l’évacuation des eaux de l’Eygoutier, petite rivière locale le traversant et dont l’exutoire est à Toulon.

8 COSTE, M. et FURSTER, J.F. « Le Parc nature du Plan de La Garde, le nouveau poumon vert du Var ». In : France 3 PACA (en ligne) 9 Par la rédaction de Presse Agence. « TOULON : Parc Naturel du Plan (PNP), la ville de La Garde cède ses terrains au Département » (en ligne) 19

1.

2.

3.

4.

5.

PLANCHE PHOTOGRAPHIQUE

6.

1.

Panorama sur la Plaine de la Crau Vue depuis le Bau Rouge, Solliès-Ville. Illustration concrète de la diversité des paysages : entre mer et collines boisées, la plaine se partage entre paysages urbains et paysages agraires (C.P. : Léa Ricoh©)

2.

Le Plan de La Garde Vue sur le Mont Coudon et le rocher de La Garde depuis la plaine humide du Plan de La Garde (C.P. : Charly Gicqueau©)

3.

Le Plan de La Garde Cette vaste cuvette est soumise aux inondations, si bien que de grands étangs éphémères peuvent s’y former (C.P. : Charly Gicqueau©)

4.

Un domaine viticole à la Crau Insertion des terres agricoles au sein d’un territoire entouré d’espaces forestiers exceptionnels, comme le Massif des Maures, perceptible par delà l’horizon (C.P. : Léa Ricoh©)

Cultures sous serres à La Garde

5.

Vue depuis le la voie ferrée des cultures sous serre du Plan de La Garde Une figueraie à La Farlède

6.

Les exploitations produisant la figue de Solliès AOP se répartissent sur pas moins de 13 communes (C.P. : Léa Ricoh©) Ripisylve du Gapeau

7.

7.

Vue intérieure de la ripisylve depuis les berges du Gapeau, Solliès-Ville (C.P. : Léa Ricoh©) A57 et voie ferrée à Solliès ville

8.

Tronçons d’autoroute et de voie ferrée jointes sur une portion du bassin de Solliès (C.P. : Léa Ricoh©) Une oliveraie à La Farlède Le Patégal (C.P. : Léa Ricoh©)

8.

9.

9.

22

CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET GÉOMORPHOLOGIQUE

pas le paysage qui a contribué à la richesse économique et patrimoniale naturelle du Var et plus précisément si l’économie à l’échelle départementale n’est pas due en majeure partie, à la présence de cette typologie paysagère ?

Le paysage de plaine en littoral varois est une entité convoitée et propice à l’implantation de systèmes anthropiques. Le département du Var évoque avant tout la rencontre de deux types de paysages : celui du couvert forestier collinaire et celui du littoral avec ses fameuses côtes découpées. En effet, le Var est le second département métropolitain le plus boisé de France10 (juste après les landes). Il est aussi un département profondément impacté par l’influence du système littoral. Ce dernier est le moteur principal de l’économie (y compris pour le moyen et le haut Var11) avec plus de 400 kilomètres linéaires de façade maritime, la plus grande parmi les départements méditerranéens français. Mais qu’en est-il des rares plaines qui font pourtant partie intégrante du paysage ?

Les quatre communes les plus peuplées du Var sont également littorales.

Mais elles ont en commun bien plus que de jouir seulement de l’exposition côtière : ce sont des communes de plaine. En effet, les villes de Toulon, La Seyne-sur-Mer, Hyères et Fréjus occupent toutes les quatre des portions territoriales qui leur donne la possibilité de s’étendre. Bien qu’à une large échelle elles puissent être susceptibles d’interrompre leur expansion en raison des reliefs (ce qui est déjà le cas pour la ville de Toulon), elles ont encore de beaux jours devant elles pour s’épanouir, notamment par la périurbanisation.

En Plaine de la Crau, ce phénomène de périurbanisation se dispute ces terres avec l’agriculture qui représente également un secteur d’activité important pour le département, premier bassin horticole français12 et détenteur de l’AOC « Côtes de Provence ». Les vignobles et exploitations horticoles se répartissent sur les coteaux ou en plaine, mais la pression démographique entraîne une rurbanisation grignotant peu à peu l’emprise agricole.

Relativement à ce constat, on est en droit de se demander si la plaine n’est

10 Document créé à l’initiative des Communes forestières et de la Région PACA par l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne : Données & chiffres-clés dans la forêt méditerranéenne (Zoom sur le Var) 11 Site du département du Var. Section environnement. Page « Mer et littoral du Var » 12 Document à l’initiative de la DRAAF PACA, des DDTM et des chambres d’agriculture du Var et des Alpes Maritimes : Panorama de l’horticulture dans le Var, Etude n°71

◀ Photographie de la Plaine

de Solliès depuis les hauteurs de Solliès-ville La partie la plus septentrionale de la Plaine de la Crau est aussi la plus mitée : elle est découpée par l’autoroute (ici visible au bas de la photographie) et la voie de chemin de fer qui la borde et s’étend jusqu’au massif du Roucas de Monié (ici mis en lumière par les glorieuses). Au dernier plan se dresse le massif des Maures et son couvert forestier exceptionnel. (Crédit photo : Léa Ricoh©)

◀ Répartition des différentes typologies de paysages en Plaine de la Crau La carte de répartition des surfaces agricoles, bâties et forestières montre la part des paysages « utiles » (espace urbain et agricole) contre la part des paysages dits « naturels » (espaces forestiers). Les courbes topographiques illustrent bien qu’une topographie régulière (paysage de plaine) permet la réalisation des activités humaines. Les reliefs escarpés sont davantage employés pour demeurer des espaces boisés en gestion (Croisements de données d’occupation des sols, fonds de carte : Géoportail et PLU)

Courbes topographiques

Délimitations de la Plaine de la Crau Surfaces à dominante agricole

Surfaces à dominante bâtie

Surfaces à dominante forestière Surfaces d’interactions mixtes / Autre 23

24

Jacinthe à trois feuilles Bellevalia trifoliata (Crédit photo : N.D.)

▼ Quelques espèces déterminantes en Plaine de la Crau

Adénocarpe de Toulon Adenocarpus telonensis (C.P. : F. Le Driant)

Pigamon méditerranéen Thalictrum lucidum (C.P. : F. Le Driant)

Asplenium obovatum subsp. billotii (C.P. : preservons-la-nature.fr)

Pie-grièche à tête rousse Lanius senator (C.P. : C. Gicqueau©)

Nivéole jolie - Leucojum pulchellum (C.P. : F. Le Driant)

Murin à oreilles échancrées - Myotis emarginatus (C.P. : Martin Celuch)

Poecilus puncticollis (C.P. : F. Chevaillot)

Inventaire ZNIEFF de type 2 « Plans de La Garde et du Pradet », n°930012494 (2018) Bellevalia de Rome - Bellevalia romana (C.P. : E. Vallez)

Inventaire ZNIEFF de type 2 « Ripisylves et agrosystèmes de Sauvebonne et de Réal Martin », n°930020277 (2018)

Orchis à feuilles lâches Anacamptis laxiflora (C.P. : E. Sansault)

UNE PLAINE À L’INTERFACE DE DIFFÉRENTS ÉCOSYSTÈMES : L’ÉCOTONE, UN RÉSERVOIR DE BIODIVERSITÉ POTENTIEL Les immenses espaces boisés du Var doivent leur existence aux politiques de reboisement ayant permis au couvert forestier de se régénérer sur près de 70% de la superficie du département, contre 40% en 1840. Les monts sont les principaux réceptacles de ces forêts et représentent de riches réservoirs de biodiversité.

des berges en luttant contre l’érosion. La mixité des essences présentes encourage le développement d’une biodiversité variée et donc d’un écosystème riche. En effet, la ripisylve est un système qui ne se définit pas comme une simple lisière séparant deux ensembles distincts. Elle peut être plus ou moins large par endroit et peut ainsi présenter des espèces aussi bien hélophytes, hygrophytes, herbacées, terrestres ligneuses...

Plusieurs inventaires ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique) ont été réalisé dans les massifs et dans l’aire des ripisylves préservées (comme celle du Réal Martin). La multiplicité des formations géologiques induit naturellement une forte variabilité écosystémique. La Plaine de la Crau est une zone de transition écologique ou plutôt un point de convergence entre différents écosystèmes. C’est une sorte de lisière caractérisée par une abondance d’espèces animales et végétales. Cette physionomie du paysage et les richesses naturelles qui lui sont propres rejoignent le concept d’écotone.

La zone riparienne13 du Réal Martin en Vallée de Sauvebonne constitue l’un de ces réservoirs exceptionnels. Le rapport ZNIEFF de type 2 intitulé : « Ripisylves et agrosystèmes de Sauvebonne et de Réal Martin14 », diffusé en 2018, spécifie un peuplement faunistique et floristique « de grande qualité ».

Les différentes propriétés géologiques des sols ainsi que la diversité de l’exposition assurée par les ubacs ou adrets induit des populations d’espèces végétales éclectiques. En ce qui concerne la faune, pas moins de 19 espèces patrimoniales ont été identifiées15 et 3 d’entre elles ont été distinguées comme déterminantes16. Les ripisylves, du latin ripa « rive » et sylva « forêt » correspondent à un ensemble végétal qui se développe le long des cours d’eau. C’est un élément qui rentre en compte dans la gestion des berges puisque l’enracinement de tout type de végétaux contribue à la sauvegarde

13 *Zone tampon entre un cours d’eau et les terres environnantes (différent de la ripisylve puisqu’il s’agit davantage d’une aire géographique, pas nécessairement boisée) 14 Inventaire ZNIEFF : Ripisylves et Agrosystèmes de Sauvebonne et de Réal Martin 15 *Espèce possédant un statut de conservation sensible ou ayant un intérêt scientifique ou culturel.

16 *Le terme d’« espèce déterminante » est utilisé dans les inventaires naturalistes pour décrire l’importance particulière d’une espèce au sein d’un écosystème et font souvent l’objet d’un suivi régulier.

Route départementale

Diversité végétale progressive

Réal Martin

Ripisylve

Terres agricoles

Le Plan de La Garde, matérialisé par la grande cuvette située à l’Est de Toulon représente également un site remarquable, notamment grâce à la présence de très rares espèces animales et végétales. Près d’une trentaine d’espèces déterminantes ont été comptabilisées dont certaines sont présentées comme d’éminentes reliques de populations françaises florales, comme la Jacinthe à trois feuilles.

Les ZNIEFF ne sont pas des politiques publiques dans le sens où elles ne sont pas des documents d’action mais des inventaires. Néanmoins, elles sont l’amorce de la mise en place de plans de protection d’habitats naturels visant à assurer la sauvegarde des espèces animales et végétales présentes sur ces lieux.

Il est surprenant de découvrir une telle richesse écologique dans un agrosystème enclavé au sein d’une telle aire urbaine. Cela met en évidence la pluralité des vocations possibles pour la Plaine de la Crau en plus d’un contexte favorable aux pratiques agricoles et de son potentiel constructible.

25

26

LE REGAIN DÉMOGRAPHIQUE DES COMMUNES DE PLAINE FACE AUX EXPANSIONS URBAINES LITTORALES L’expansion de la ville de Toulon soumise aux contraintes naturelles comme cause manifeste de la périurbanisation Il apparaît que la majorité des communes de l’aire urbaine restreinte de la ville de Toulon (c’est-à-dire la zone d’influence directe du pôle urbain) est soumise à une occupation saturée des sols en ce qui concerne le zonage mis en place par les PLU. L’expansion des villes rentre en conflit direct avec les milieux naturels et l’urbanisation est canalisée dans les quelques zones à construire restantes (zones NA du PLU). La rareté des zones NA est relative aux politiques de conservation de zones agricoles ou protégées correspondant, en substance, aux massifs environnants ou à la plaine agricole. En effet, on peut conjecturer que la ville de Toulon est fortement soumise aux contraintes des reliefs : bornée au Nord par les Monts Toulonnais (Mont Faron, Mont Coudon, Mont Côme, Baou des 4 ouros, etc...) et au Sud par le front de mer, la ville ne peut s’amplifier que selon un schéma linéaire (Est-Ouest).

La rade et le complexe collinaire qui autrefois constituaient des éléments stratégiques défensifs, à en juger par la prolifération d’édifices militaires juchés, constituent aujourd’hui une entrave majeure à la progression du bâti.

▶ Bloc-diagramme - Contexte géographique limitant l’expansion de la ville de Toulon

La ville de Toulon représente le chef lieu de l’agglomération.

Les fortes contraintes géomorphologiques qui l’enserrent permettent en partie d’expliquer son expansion latitudinale. Les étendues de plaines sont les premières impactées, dont la Plaine de la Crau, dans la continuité des limites de la ville. Par conséquent, un phénomène de réaction en chaîne se matérialise : lorsqu’une ville sature, c’est la suivante qui se remplit jusqu’à atteindre les limites de la commune voisine.

◀ Coupe transversale ville de Toulon - Les contraintes naturelles favorisant une expansion longitudinale Cette coupe affiche clairement le découpage urbain de la ville de Toulon relativement aux contraintes naturelles : le front littoral au Sud et les chaînes montagneuses au Nord.

27

◀ Carte comparée des expansions démographiques au sein de l’aire toulonnaise

Cette carte à l’échelle de l’étendue de la métropole toulonnaise illustre bien la tendance évolutive de l’expansion urbaine. Les chiffres montrent que les villes qui ont subi la plus forte croissance démographique en 50 ans sont les villes de plaine et en particulier celles de la Plaine de la Crau (occupée par les 3 villes qui ont le plus grand taux d’accroissement). Le diamètre des cercles est proportionnel aux nombres d’habitants des communes en 1968 et en 2017. (Données INSEE)

Démographie en 2017

Démographie en 1968

Décroissement démographique

Démographie comparée des villes de l’aire toulonnaise - Les communes de plaine en ligne de mire La carte comparée des expansions démographiques relatives aux communes de l’aire toulonnaise permet de rendre compte de ce phénomène de saturation des zones constructibles. En effet, elle schématise l’incapacité qu’a la ville de Toulon de se développer davantage, par son taux d’accroissement démographique dans le temps. C’est la seule ville qui possède un pourcentage nul voire négatif alors même que la tendance nationale et départementale est à la hausse. D’une manière générale, les grandes villes connaissent un taux d’accroissement bien plus bas que les villes de tailles plus modestes. Toutes les communes sont touchées par la périurbanisation, mais celles qui subissent le plus cette pression urbaine sont bien les communes de plaine. Les villes de La Garde, La Crau et La Farlède sont en ligne de mire de l’amplification du pôle urbain. La carte comparée est claire : ces trois réceptacles démographiques, autrefois suburbains, sont les premiers visés par le rayonnement humain de Toulon, même si la ville de La Garde, la plus conséquente des trois, tend à modérer son expansion depuis 20 ans.

L’activité agricole occupe une grande part des surfaces communales, mais la pression du foncier induit un étalement urbain erratique voire mité, par la présence d’une population désormais néorurale. Cette suppression des terres arables est un phénomène inéluctable compte tenu de l’importance de la métropole toulonnaise à proximité. Ainsi le développement économique des villes de l’aire urbaine est très largement polarisé par le premier pôle urbain et par les secondaires comme Hyères, La Seyne et plus récemment La Valette et La Garde.

Les petites communes ont donc connu des changements brutaux à plusieurs échelles : ces mutations sont inhérentes aux relations qu’elles entretiennent entre-elles et à la saturation progressive des différents pôles d’intérêt économique de leurs zones d’habitat. Ainsi, la différenciation entre la campagne et la ville est de plus en plus difficile à déterminer, la métropolisation y est pour beaucoup.

Accroissement démographique

29

30

L’HYDROGRAPHIE DE LA PLAINE DE LA CRAU : FACTEUR DÉTERMINANT DE LA COMPOSITION DES PAYSAGES Les cours d’eau principaux et leurs divers usages L’économie et la configuration spatiale des communes de plaine sont étroitement liées à l’hydrographie et plus particulièrement à la présence de cours d’eau historiquement importants. Le Gapeau constitue une entité majeure dans la culture locale, son bassin versant extrêmement ramifié fait de lui le sujet hydrologique le plus imposant du bassin toulonnais. Il représente le principal cours d’eau concerné par la gestion des eaux superficielles17, le tracé intégral de son chevelu drainant une vaste étendue de territoire. En ce qui concerne sa portion parcourant le territoire d’étude, elle est largement employée pour l’irrigation des cultures mais écope également des eaux usées issues d’établissements industriels comme la distillerie de la ville de la Crau en plus des assainissements collectifs, individuels ou pluviaux de toutes les villes qui la borde.

Bien que les surfaces agricoles aient été tronquées par diverses infrastructures avec entre autre : les axes de circulation et l’occupation des sols par le bâti, les exploitations continuent de capter un volume substantiel d’eau pour l’irrigation. Des prélèvements domestiques sont également pratiqués et perçoivent leur part pour des usages divers comme l’arrosage des jardins.

D’une manière générale, tous les importants cours d’eau sont ou ont été des éléments décisifs vis-à-vis du développement des pratiques agricoles mais sont également à l’origine de l’exercice d’activités de loisirs diverses et variées. La pêche et la chasse constituent des activités traditionnelles de premier ordre. En effet, la richesse de ces écosystèmes particuliers, mise en lumière préalablement, constitue une aubaine pour les amateurs de ces pratiques « sportives » en quête de diversité dans des zones qui leurs sont réservées. Les épris de nature et de naturalité se contenteront d’admirer et d’apprécier ces paysages bucoliques à la dimension quelque peu exotique par le foisonnement de la biodiversité, en parcourant ce paysage à pied, à vélo ou à cheval. Ponctuellement et sans structure officielle, on peut également trouver d’éventuels kayakistes téméraires cherchant à descendre le cours du Gapeau ou quelques baigneurs se rafraîchissant en été, aux endroits où de rares ouvertures dans la ripisylve permettent d’accéder aux eaux tumultueuses du Réal Martin ou du Gapeau. On peut également noter 17 Document rédigé par le SMBVG : Élaboration d’un programme de travaux de restauration, d’entretien et de mise en valeur du Gapeau et de ses affluents. p.7

▲ Carte de répartition des principaux cours d’eau de la Plaine de la Crau et leurs bassins versants

Les principaux cours d’eau sont au nombre de trois : - Le Gapeau qui trouve sa source au sud du massif de la Sainte Baume (à l’Ouest du département) et dont l’exutoire est situé sur la côte hyéroise.

- Le Réal Martin, affluent en rive gauche du Gapeau et dont le bassin versant se répartit sur la plaine de Cuers-Pierrefeu ainsi que dans les vallées du massif des Maures.

- L’Eygoutier, qui prend sa source sous les pentes du Paradis à la Moutonne et dont l’embouchure artificielle est au niveau des plages du Mourillon, à Toulon

▲ Carte hydrographique de l’aire toulonnaise Le réseau hydrographique de l’aire toulonnaise est principalement constitué de trois cours d’eau majeurs ainsi que de leurs bassins versants qui prennent leurs sources jusque dans les confins du département.

31

32

la présence d’un vaste parc accrobranche bordant le Gapeau sur les terres du remarquable domaine viticole de la Castille situé à Solliès-Ville.

La dynamique fluviale étant différente sur le Plan de La Garde, les pratiques qui l’investissent le sont également. L’agriculture constitue une part non négligeable de l’activité de ce territoire ; néanmoins, la rivière qui le traverse, l’Eygoutier, ne se présente pas comme un cours d’eau franc au tracé unique.

Il se déploie tant bien que mal dans cette grande cuvette et est redouté pour ses débordements exceptionnels et dévastateurs, particulièrement au sein de cette zone d’expansion de crues. Ainsi, son tracé s’enfouit et résurge sporadiquement en fonction des importants travaux hydrauliques qui lui ont permis d’être canalisé jusqu’à son exutoire artificiel. L’économie spécifique du Plan de La Garde tire parti de ce caractère exceptionnel en privilégiant le paysage méditerranéen : ce vaste espace inadapté à la construction d’édifices bâtis ou à l’exploitation de terres cultivables est partiellement réhabilité en « parc nature » et en terrain de golf.

L’hydrographie, facteur limitant l’urbanisation de la plaine Bien que le Plan de La Garde soit la portion de territoire de la Plaine de la Crau la plus touchée par les phénomènes d’inondations - en raison de sa configuration topographique singulière - le reste de la plaine alluviale subit, elle aussi les conséquences des fluctuations hydrographiques. L’imperméabilisation des sols par la bétonisation des zones urbanisées entraîne un ruissellement incontrôlé, notamment pendant les épisodes pluvio-orageux varois à la réputation destructrice. Cela oblige les communes à créer de nombreux réseaux d’assainissement pluvial se déversant dans les cours d’eau comme le Gapeau. Moins il y a de couverture perméable au sol, plus la commune se doit de réaliser des bassins de rétention afin de compenser l’imperméabilisation des terres18. Des noues ou bassins paysagers praticables par temps sec peuvent également être envisagés pour pallier l’absence de bassin de rétention.

Les inondations ne sont pas rares en plaine alluviale et les zones inondables sont bien plus nombreuses et étendues que partout ailleurs. Cela limite bien entendu le développement périurbain de la ville de Toulon à proximité ou en lieu et place de ces zones soumises aux catastrophes naturelles.

18

PLU initial de la ville de La Crau. p.112

▶ Photographie du plan de La Garde et sa vue imprenable sur le Mont Coudon Le plan de La Garde et sa topographie en « cuvette » est une portion de plaine particulièrement humide et sujette aux inondations (Crédit Photo. : C. Gicqueau©)

▼ Photographie du Golf de Valgarde - Équipement sportif conçu par l’architecte Didier Fruchet Cette aire d’entraînement et de compétition couvre une superficie de plus de 60 hectares en plein cœur du Plan (C.P. : golf-valgarde.com)

UNE PLAINE ALLUVIALE PROPICE AUX PRATIQUES AGRICOLES La Plaine de la Crau correspond à ce que l’on appelle une plaine alluviale, autrement dit, une grande étendue sans relief « formée par le dépôt d’alluvions provenant de l’érosion en amont19 ». La dépression résulte de ce processus d’érosion creusant, au fil des millénaires, une large plaine aux allures de vallée. Le potentiel agricole de cette entité géomorphologique est donc étroitement liée aux phénomènes hydrogéologiques. La variété lithologique des massifs alentours rendent donc les sols de plaine difficiles à identifier géologiquement parlant, mais leur donne assurément d’être riches et propices aux pratiques agricoles étant donné leur nature sédimentaire et détritique (roche sédimentaire composée de débris de roches préexistantes).

Il est donc très compliqué de définir avec précision la composition exacte des sols. La diversité des formations géologiques environnantes montre une présence abondante de roches carbonatées et ce, dans l’ensemble de la dépression permienne, comme l’établit une étude spécialisée sur l’hydrogéologie de la partie occidentale de cette grande formation géomorphologique20.

Les roches carbonatées sont effectivement employées par l’agriculture pour leur valeur neutralisante d’acidité21 et comme substratum privilégié pour le développement d’espèces végétales à tendance alcalophiles. L’ensemble de ces facteurs abiotiques permet aux communes de la Plaine de la Crau de développer une agriculture diversifiée faite de vignobles, de vergers et de multiples produits horticoles. La topographie, quant à elle, a permis aux agriculteurs de développer leurs pratiques sur de vastes étendues.

Le climat méditerranéen joue également un rôle non négligeable dans la spécificité des pratiques agricoles. Chaque année, l’ensoleillement moyen annuel se démarque des autres régions avec insolence : Provence-AlpesCôte-d’Azur correspond tout bonnement à la région la plus ensoleillée de France. La ville de Toulon peut même se targuer d’avoir été, à plusieurs 19

Définition extraite du Glossaire Eau & Milieux Aquatiques (en ligne)

20

TRAVI, Y. In : Géologie Méditerranéenne. t.9, n°2. 1982. pp. 137-138

21

Document BRGM : Mémento roches et minéraux industriels. p.113

reprises, la ville la plus ensoleillée à l’échelle nationale22. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre ses habitants s’enorgueillir de cet atout solaire. Par ailleurs, il participe en grandement au cadre de vie social autochtone et à l’écotourisme littoral. Le Var bénéficie ainsi de cette situation privilégiée, notamment grâce à sa situation très méridionale au regard de la géographie de l’hexagone. À la réunion de la dépression permienne et du littoral Toulonnais, la Plaine de la Crau jouit d’une exposition solaire privilégiée au sein même du département23 associant des sols propices aux pratiques agricoles et un réseau hydrographique adapté. Cette spécificité climatique permet la culture d’espèces végétales aussi bien endogènes qu’exogènes. Les espèces ornementales exotiques s’épanouissent, une spécificité qui a notamment valu à la ville la plus orientale de l’agglomération toulonnaise le patronyme « Hyères-les-Palmiers ». Aux abords des grandes continuités urbaines, il est commun de voir plantées de grandes artères de palmiers Washingtonia, Phoenix, Butia, Syagrus ou plus ponctuellement certaines Agavaceae ou Cactaceae qui poussent également à l’état sauvage...

22 Article du Figaro : « Quelles sont les villes littorales le plus ensoleillées de France ? ». 2018 (en ligne) 23

FERRIER, J.P. In : Cahiers de la Méditerranée. n°22, 1. 1981. p. 77

▼ Photographie de l’avenue Alexis Godillot à Hyères La ville d’Hyères est connue pour ses alignements de palmiers emblématiques bordant la plupart des avenues de la Ville : Washingtonia robusta ; W. Filifera ; Phoenix canariensis ; etc.(Crédit photo : L. Ricoh©)

◀ Photographie de la plaine alluviale depuis le petit Coudon La Plaine de la Crau est un endroit particulièrement humide et propice au développement de l'agriculture. ZAE de La Garde-La Farlède en premier plan puis la Crau et le Mont Fenouillet (Crédit photo : L. Ricoh©) 35

36

UN SYSTÈME ÉCONOMIQUE EN MARGE DU LITTORAL Bien que la Plaine de la Crau ait subi une nette diminution de ses espaces cultivés en faveur des espaces artificialisés, cette entité demeure une place forte de pratiques agricoles diverses. La part de la viticulture y est dominante sur toutes les autres formes d’agriculture avec un taux de 40% d’occupation des terres cultivées. Malgré tout, la place des terres en cultures maraîchère et fruitière est plus élevée que dans les autres régions agricoles varoises24 avec 20% de l’occupation des terres arables disponibles. L’horticulture occupe également une place privilégiée sur la Plaine de la Crau puisque le premier bassin de production horticole varois est celui de l’Est toulonnais (ou le grand « bassin horticole hyèrois ») et que le département est le premier département français en terme de superficie horticole25. La Plaine de la Crau correspond donc à un paysage agraire aux plusieurs visages : en parcourant cet espace, on y voit défiler un séquençage alterne de typologies agricoles diversifiées. De violents contrastes sont observables, notamment entre les cultures de fleurs coupées, sous serre et les rangs de vignes de plein champ qui se répartissent autour de quelques châteaux et autres mas provençaux typiques. Ces zones agricoles sont également associées à d’autres secteurs d’activité disséminés ça et là démontrant, malheureusement une certaine mise à l’écart de l’agriculture et de sa valeur identitaire pendant un temps. À proximité de l’aire urbaine toulonnaise, le mitage est omniprésent, les friches spéculatives s’insèrent épisodiquement dans le paysage. Il apparaît que cette hétérogénéité outrancière des formes et des structures, étrangère aux pratiques agricoles, bafoue l’équilibre et l’harmonie des paysages.

UN HÉRITAGE AGRICOLE FRAGILE ET MALMENÉ L’ensemble des divers systèmes agricoles est bouleversé par la pression foncière. L’étalement urbain progressif constitue le facteur principal de la diminution des surfaces cultivables. La région toulonnaise est soumise à un taux de croissance de sa population constant et régulier. Il s’en suit une hausse générale des prix du foncier, aussi bien dans l’espace urbain que rural, les 24 « La structure du vignoble dans le Var ». In : Etudes et conjoncture - Institut national de la statistique et des études économiques. n°12. 1955. p.1070 25

Panorama de l’horticulture dans le Var, Etude n°71, op. cit.

terres agricoles ne faisant pas exception à la règle. La population vieillissante d’agriculteurs mise sur cette opportunité, en renversant les codes habituels de la succession familiale ou de la quête d’un repreneur des terres. La plus-value de tous types de terrains mène les agriculteurs à se transformer en spéculateur foncier, limitant, de ce fait, la pérennisation des pratiques agricoles. Le nombre d’exploitants est donc en chute libre. À titre d’exemple, seuls 15% des chefs d’exploitation horticole de plus de 50 ans déclarent avoir un successeur. Dans le Var, les trois quarts des exploitations précaires, dans le sens où elles sont vouées à un avenir incertain, sont localisées entre Hyères et La Crau26 .

Le dernier facteur, et non des moindres, concerne les aléas climatiques auxquels le Var - et pas seulement : le monde entier - doit faire face. Les conditions météorologiques jouent un rôle prépondérant dans la durabilité et la viabilité des pratiques agricoles. Les volumes vinicoles produits par année sont d’ores et déjà, en moyenne moins élevés que par le passé (pour une surface d’exploitation égale27). Les canicules estivales et fortes pluies automnales ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte : épisodes de grêle soudains et erratiques ; apparition de nouvelles maladies ou recrudescence des courantes28 (comme avec les désolantes conséquences d’une prolifération inédite de mildiou dans le Var en 201829).

26

Ibid. pp. 5-6

27

Site de la DRAAF PACA, page « historique viticulture année 2018 » (en ligne)

28 Document rédigé à l’initiative de Greenpeace France : Changements climatiques et impacts sur la viticulture en France 29

Site de la DRAAF PACA, page « historique viticulture année 2018 » (en ligne)

◀ Carte de répartition des différents systèmes agricoles en Plaine de la Crau Trois grandes familles agricoles occupent la majorité des terres cultivées : vergers et vignobles sont largement distribués au Nord, tandis que les autres types d’agriculture se situent dans le périmètre du « bassin horticole hyèrois » (Fond de carte : Géoportail - Corine Land Rover - France)

Courbes topographiques

Vergers

Vignobles Surfaces essentiellement agricoles (entrecoupées de bois, zones humides...)

Systèmes culturaux complexes (Horticulture, cultures annuelles et prairies) Emprise urbaine

Forêts 37

38

UN PAYSAGE FORT D’UNE AGRICULTURE PLURISECTORIELLE ET DIVERSIFIÉE Viticulture La variété des terroirs en département du Var et plus largement en région PACA, a permis l’établissement d’une grande diversité de productions vinicoles reconnues et rassemblées sous une AOP30 : « Côtes de Provence ». Le département jouit d’une renommée internationale en ce qui concerne la production de vin rosé puisqu’il est le premier producteur mondial dans cette catégorie31. La Plaine de la Crau correspond au type de terrain idéal relativement à la production de grands crus et certains de ses domaines viticoles sont notoires. Cependant, par comparaison avec les plaines avoisinantes, l’activité vinicole y est moins élevée, en conséquence de choix favorisant la diversité culturale au détriment de la spécialisation viticole pure et dure.

Autre donnée intéressante : ces domaines n’ont pas de vocation unilatérale pour la viticulture. Lorsque l’on étudie le fonctionnement des plus grands vignobles en Plaine de la Crau, il apparaît que ceux-ci proposent également des services aussi diversifiés que surprenants32. Tous les domaines, ou presque, proposent de louer des chambres d’hôte dans leurs bastides, tandis que d’autres ont tout bonnement été pensés ou repensés pour devenir des lieux touristiques, événementiels ou de divertissements. Le domaine de la Baratonne, situé à La Garde, propose de mettre à disposition sa bastide remarquable afin d’y organiser de grandes réceptions. Le domaine pluricentenaire de la Castille, situé au pied du village perché de Solliès-Ville, jouit d’une exposition avantageuse vis-à-vis des villes qui l’entourent. Au beau milieu des vignes, le parc du château accueille des profils de population variés : les religieux se mêlent aux promeneurs, aux sportifs, aux œnotouristes, aux pratiquants d’accrobranche et aux familles citadines en quête d’air pur et de «verdure». Pour finir avec un dernier exemple, le domaine de La Navarre illustre parfaitement cette multiplication des activités. En plus d’être un domaine renommé pour ses crus typiques, il accueille une centre de formation et un collège, un parcours pédestre et équestre et produit également une huile d’olive fort prisée.

30 *« Appellation d’Origine Contrôlée », label qui désigne un produit dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique et protège la dénomination sur le territoire français.

31

Site du département du Var. Page « Les vins varois » (en ligne)

32 Site internet de la Route des Vins de Provence. Section routes. Page des balades vigneronnes (en ligne)

En 1955, trois des vingt-trois crus classés33 de l’appellation Côtes-de-Provence étaient situés en Plaine de la Crau. Aujourd’hui cinq d’entre eux ont disparu, dont deux sur le territoire étudié, rattrapés par la réalité économique du littoral français méditerranéen. Le Clos Cibonne est le seul possédant ce label à maintenir son activité en Plaine de la Crau.

D’un point de vue géographique, les vignobles se répartissent surtout au Nord du territoire étudié, autour de la ville de La Crau et dans la Vallée de Sauvebonne. Ailleurs, la réduction des espaces viticoles au profit de l’étalement urbain a entraîné une disparition brutale et sans concession des exploitations, même pour les grands domaines qui paraissaient inébranlables.

La répartition des exploitations restantes se situe actuellement, aux abords des cours d’eau majeurs et des derniers espaces qui demeurent encore épargnés par l’emprise de l’aire urbaine toulonnaise.

33 *Un « cru classé » est une dénomination propre aux vins bordelais et aux vins de Provence. Ce label a été attribué à un nombre restreint de domaines par une commission d’experts. En s’appuyant sur une étude au cas par cas de l’ensemble des domaines de Provence et en tenant compte de différents facteurs comme le terroir, le savoir-faire et la réputation, les propriétaires se sont vus attribuer ce titre exceptionnel.

◀ Carte de répartition des principaux domaines dans la Plaine de la Crau Les grands domaines sont rares sur le territoire, au mieux, ils sont repoussés sur extrémités de son étendue, beaucoup ont déjà définitivement disparu.

▲ Le domaine de La Castille Le domaine de la Castille est un endroit propice aux promenades et aux activités en tout genre. Une partie du domaine prolonge les berges du Gapeau (Crédit photo : L. Ricoh©)

Horticulture Les vignobles et leurs alignements de ceps garnis de raisins, font partie intégrante du paysage français. La tradition vinicole est l’un des éléments culturels et historiques fréquemment usités pour représenter la nation. La Plaine de la Crau se démarque cependant de ce modèle par la diversité des pratiques qui l’investissent et de ce fait, par la mixité dans la structure même de ses paysages agricoles. L’horticulture correspond à un type de production parfaitement adapté à la Plaine de la Crau, à bien des égards...

En hiver, les températures ne descendent que très rarement en-dessous de 0°C, l’eau d’irrigation est de grande qualité (provenant majoritairement des grands bassins de rétention du haut Verdon) ; par ailleurs, la proximité avec les revendeurs sur les marchés, l’organisation commerciale et éducative relative au secteur horticole participent également au maintien favorable de l’activité34.

34

Quelques serres sont disséminées dans la plaine, mais la plupart des exploitations sont de plein air. Ces pratiques et surfaces agricoles spécifiques se répartissent localement, autour du « bassin horticole hyèrois », la ville étant le centre géographique de l’aire globale d’exploitation horticole. Ici, entre autres fleurs, la culture de la pivoine est pratiquée et extrêmement convoitée pour sa précocité relative au climat spécifique varois. Ce créneau qui aurait pu se révéler particulièrement bénéfique aux producteurs locaux, s’est retrouvé particulièrement affecté par la concurrence étrangère, notamment en ce qui concerne la commercialisation de la rose.

Panorama de l’horticulture dans le Var, Etude n°71, op. cit.

39

40

Autres systèmes agricoles Au Nord-Ouest de la Plaine de la Crau, un autre secteur bénéficie du label AOC. La figue de Solliès se voit même décorée d’une AOP35 depuis 2011, pour récompenser le savoir faire des arboriculteurs. Le climat particulier du Var a encouragé la mise en place de ce type d’exploitation, à l’instar des pêchers, des abricotiers et des cerisiers. Cela dit, les figuiers sont des arbres qui affectionnent particulièrement l’humidité et qui peuvent étendre leurs racines, toujours plus profondément dans le sol, afin d’y puiser toute l’eau dont ils ont besoin. Ils trouvent ainsi, dans la plaine alluviale, le substrat adéquat et adapté à leur croissance, contrairement aux oliviers qui se répartissent davantage dans les coteaux et leurs restanques36, préférant des substrats mieux drainés.

La figue de Solliès est fort réputée et s’exporte dans nombreux pays d’Europe.

La carte de répartition des différents systèmes agricoles (p.37) montre bien que les villes de Solliès se sont spécialisées au point de pratiquer presque exclusivement ce type de culture.

35 *« Appellation d’Origine Protégée » - dénomination similaire à l’AOC mais dont le signe de qualité s’harmonise au niveau européen

L’agriculture se diversifie également par nombre de petites exploitations maraîchères ou de modestes vergers vivriers, alimentant les commerces de proximité, soucieux de valoriser l’économie locale. Le secteur de l’agriculture crée également de l’emploi au niveau des usines de traitement de matières premières comme par la coopérative agricole ou encore l’entreprise de conditionnement et négoce de pomme de terre, toutes deux implantées à La Crau.

La Plaine de la Crau est un territoire fortement contrasté qui peut être globalement identifiable comme un paysage composite. Elle comprend à la fois des domaines agricoles dynamiques et des terres arables enfrichées destinées à la spéculation foncière. Sur les terres « actives », la plurisectorialité induit une grande diversité des formes agraires, au sens propre du terme : les serres côtoient les rangs de vignes, les figueraies jouxtent les cultures maraîchères, etc. Pour finir, l’aire urbaine et les surfaces agricoles ne sont plus franchement circonscrites, le mitage et la périurbanisation ont conduit les villes à pénétrer peu à peu dans les terrains cultivés. Il y a donc confrontation et mélange de toutes sortes d’entités dans un territoire soumis à des mutations importantes et dont l’héritage culturel terrien est mis à mal.

36 *Terme provençal désignant une terrasse de culture. Les restanques sont réalisées à partir de retenues en pierres sèches. Le terme regroupe à la fois le mur de soutènement et la bande de culture qu’il soutient

◀ Figueraie AOP Figueraie produisant la figue de Solliès, La Farlède (Crédit photo : L. Ricoh©)

▶ La Plaine de la Crau, un paysage composite Vue depuis le Mont Coudon sur la partie septentrionale de la Plaine (C.P. : J. Mauceri©.)

42

LA PLAINE DANS LE TEMPS La mise en évidence de certains objets archéologiques - découverts en grande partie sur les collets37 environnants - atteste de la présence d’activités humaines préhistoriques sur ce territoire. Cependant, aux environs de la ville d’Hyères, la présence avérée des phocéens, fondateurs de la grande Massilia devenue aujourd’hui Marseille, a été confirmée par la présence des vestiges de la cité antique d’Olbia. Ce site archéologique est exceptionnel, c’est la seule colonie Phocéenne a avoir été préservée en l’état sur l’intégralité de la route maritime menant à Massilia. Les grecs ont probablement été les premiers à pénétrer voire à s’installer dans l’arrière-pays, vraisemblablement en plaine, mais les rares évocations de ce fait, sont encore trop vagues sur ce sujet pour en tirer une quelconque conclusion.

Les premiers indices substantiels d’une réelle dynamique humaine dans la Plaine de la Crau date d’environ un siècle avant notre ère. L’existence de divers ouvrages techniques tels que des canalisations, des fours, pressoirs à huile ou encore d’anciennes voies romaines permettent de conjecturer une activité bimillénaire notable dans le territoire. La présence des romains était surtout liée au commerce maritime ou aux grandes conquêtes. L’entité paysagère que constitue la plaine était propice à l’établissement des routes ou d’éventuels hameaux disséminés, mais l’on a toujours pas découvert de traces d’agrosystèmes proprement dit (à l’exception d’une grande huilerie romaine datant du IIe siècle, retrouvée sur les terres de l’actuelle ville de La Garde38)... La période mouvementée du Moyen-Âge n’aura pas non plus permis à ce territoire de faire valoir la qualité de ses terres, entre les guerres de conquête et les invasions sarrasines. Il faudra attendre la seconde moitié du XIVe siècle pour voir apparaître une réelle activité agricole, les premiers véritables moulins et l’émergence des proto-villages de Solliès-Farlède (les quatre hameaux étant rassemblés sous un même nom), La Crau (qui n’était, à l’origine, qu’un quartier de la ville d’Hyères, séparé géographiquement), Guarda (aujourd’hui « La Garde »).

Dès lors, le paysage de la plaine est caractérisé par une activité agricole principalement maraîchère et fruitière particulièrement intense39. La portion de plaine qui s’étend de Solliès à Hyères est effectivement propice à ce type de culture. Le secteur était abondamment drainé par le Gapeau et ses affluents. Cette hydrographie spécifique permettait de répondre à la nécessité d’irriguer convenablement les terres arables et de développer un type d’agriculture gourmand en arrosage. Visiblement, il semblerait que cette aire relativement restreinte d’activité - apparemment due, en partie, aux contraintes topographiques - s’est perpétuée essentiellement pour alimenter les villes alentour. Desservie par un réseau routier alors limité, la Plaine de la Crau a longtemps trouvé, pour les fruits de son activité, essentiellement des débouché au plan local, réservant sa production à l’approvisionnement des villes et villages de proximité, parmi lesquels Toulon dont le rayonnement économique est longtemps resté endogène, en dépit de sa stature de port militaire depuis le XVe siècle. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une multiplicité de facteurs vont alors contribuer à la notoriété et à l’enrichissement des villes littorales, qui, dans leur sillage, entraîneront l’essor de la Plaine de la Crau.

La polarisation des villes influentes varoises s’exprime désormais par une activité littorale prépondérante : le tourisme littoral. Dans ce contexte qui a eu une incidence indéniable sur l’évolution de la Plaine de la Crau au plan économique, et de ce fait au niveau de l’aménagement de son territoire, on observe aujourd’hui que les communes qui la composent ne se démarquent pas réellement par une prévalence du secteur agricole sur d’autres types d’activités économiques. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste encore marquée par son histoire et son évolution dans le temps, étroitement liées aux pratiques paysannes qui l’ont façonnée.

37 *Collet est un dérivé du provençal colle, désignant une « colline ». Collet signifie donc « petite colline », la plupart du temps isolée. Ce terme fait partie du vocabulaire local employé pour désigner les concrétions géologiques en Provence. Quelques exemples : Le Collet Redon (Pradet) ; Le Collet du Juge (Cuers) ; La Colle Noire (Le Pradet - Carqueiranne) ; etc.

38 Destination La Garde, La cité provençale au charme méridional. Brochure touristique réalisée par la ville de La Garde

39 JUILLARD, E. Le département du Var - 1790 1990 - Métamorphoses d’un territoire. p.15

▶ Cartes postales anciennes décrivant les identités spécifiques des trois villes « polarisantes » : Toulon, Hyères et La Seyne-surMer ◀ Restitution axonométrique de l’huilerie - Villa Gallo-romaine de Saint-Michel Huilerie du plus grand domaine oléicole gaulois datant du IIe siècle de notre ère, abandonnée au Ve siècle - La Garde (Dessin : JM. Gassend©) ▼ Site archéologique d’Olbia La ville antique d’Olbia (plus de 3 siècles av. JC) est un site validant la présence et l’installation des Phocéens sur les côtes varoises (C.P. : hyères-tourisme.com)

44

FIN DU XIXe SIÈCLE - DÉFINITION D'UN PAYSAGE EXCLUSIVEMENT RURAL UN EXODE RURAL MODÉRÉ ET UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LIÉ À LA MODERNISATION PROGRESSIVE Si les villes moyennes du bassin toulonnais ont pu prospérer à l’aune du tourisme littoral et de l’extension de la base navale, les petits villages de plaine ont, quant à eux, subi de plein fouet l’hégémonie de ces centres économiques émergeant. La ville de Toulon a connu une croissance démographique notable dès la seconde moitié du XIXe siècle grâce à une densification des axes routiers et à l’apparition du chemin de fer. La cité militaire devient un point

de passage privilégié sur la route commerciale « du Sud » s’étirant, grosso modo, de la grande cité Phocéenne (Marseille) à l’Italie.

Toulon a plus que jamais besoin de produits agricoles et artisanaux. Une part de ces denrées proviennent de l’importation, qui s’est fortement accrue par le biais du développement des grands axes de communication, favorisant les échanges externes. Les producteurs locaux sont également sollicités afin de répondre aux besoins de ce pôle urbain insatiable. Les produits issus des exploitations agricoles en Plaine de la Crau alimentent donc exclusivement les centres économiques qui se mettent en place petit à petit dans les environs. La pression urbaine est encore loin de gagner ces terres vivrières qui demeurent encore préservées. Il s’agit plutôt du contraire : l’enrichissement des villes a conduit les populations rurales à déserter brutalement les hameaux ou villages agricoles, afin de saisir l’opportunité de l’« ascension sociale ». Les recensements affichent une nette chute démographique pour les communes rurales.

◀ Graphique comparant la croissance démographique des villes de la Plaine au XIXe siècle (de 1830 à 1906) L’impact de l’exode rural a principalement touché les villages les plus éloignés du pôle urbain. (Données : INSEE)

◀ Carte postale - Le pressoir communal de Trans-en-Provence

L’exode rural fut en partie compensé par un phénomène d’immigration régionale impliquant les italiens, originaires essentiellement du Piémont.

Leur présence explique principalement en quoi l’activité agricole a pu se maintenir et continuer à prospérer en Plaine de la Crau. La démographie rurale est bouleversée, mais a pu se stabiliser voire croître modérément mais très localement grâce à ce renfort providentiel40. Il s’agit d’un phénomène compensatoire influant grandement sur la démographie mais également sur le marché de l’emploi et ce, dans tous les secteurs d’activité, aussi bien dans les grandes villes qu’à la campagne. Les migrants se trouvent là où le travail est disponible, même ponctuellement, pour tous types de missions saisonnières telles que les vendanges ou les récoltes d’olives. Certains d’entre eux interviennent donc sporadiquement au printemps, par exemple, pour la cueillette des fleurs ou la récolte des légumes, et en automne massivement, pour la viniculture et l’oléiculture. Par conséquent, si la démographie ne connaît pas de croissance particulière, à l’inverse des grandes entités urbaines, la production se maintient et les exploitations agricoles continuent à prendre de l’ampleur.

La mécanisation des tâches, aussi, fut l’un des facteurs favorisant la préservation des activités, notamment viticoles. Le foulage de la vigne effectué au pied est progressivement remplacé par de grands pressoirs mécaniques communaux, les plus riches agriculteurs bénéficiant de petits pressoirs individuels.

Les populations rurales de la grande dépression permienne furent relativement préservées de l’exode, grâce au tracé de la voie de chemin de fer qui se déploie logiquement, dans cet étroit couloir communiquant entre Toulon et Nice. Les communes situées sur cet axe furent modérément épargnées, bien que la crise de l’agriculture se soit étendue à toute la partie occidentale de l’Europe. Les communes de l’arrière-pays purent poursuivre leurs activités agricoles et les communes littorales se distinguèrent par le développement d’une économie touristique.

▲ Migrants piémontais en département du Var, un renfort providentiel (C.P : N.D.)

40 DONEDA C. Les Italiens dans le Var de 1850 à nos jours : démographie, impacts économiques et parcours migratoires. 2014. pp. 132-156 45

◀ Carte d’état major - Plaine de la Crau vers 1870 Le paysage de la plaine n’a pas vraiment évolué entre 1870 et 1930, en raison de l’exode rural (Fond de carte : Géoportail)

ENTRE DÉVELOPPEMENT EXPONENTIEL DES VILLES ET APPAUVRISSEMENT DES CAMPAGNES - DES CRISES BRUTALES ET SIMULTANÉES, INCERTITUDES DE FIN DE SIÈCLE Si le département du Var est aujourd’hui identifié comme un grand producteur en matière de vin, il n’en a pas toujours été ainsi, dans le temps et dans sa réalité agricole. Actuellement, le département se révèle très compétitif vis à vis des principaux bassins de production notamment grâce à la mise en place des AOC Bandol et Côtes de Provence. Dans les années 1860, le Var était perçu comme un département essentiellement agricole41 et le secteur viticole était malgré tout dominant sur la triade blé-vigne-olive. Pourtant, un basculement important s’est opéré, changeant définitivement l’image du territoire et les pratiques agricoles qui l’investissaient. La population rurale a subi de plein fouet de nombreuses crises, de natures diverses et qui ont largement contribué à la modification des structures paysagères à partir de l’établissement du Second Empire.

La concurrence étrangère ou nationale fut l’une de ces perturbations. Le pastoralisme est l’un des secteurs impacté par ce phénomène puisque, désormais importées, la viande et la laine ne sont plus sources de profit. La culture du blé périclite au point de disparaître en quasi-totalité42, elle n’est plus rentable. Le commerce des huiles locales résiste, tant bien que mal, mais avec beaucoup de difficultés aux huiles exogènes comme l’arachide, importées des pays limitrophes ou encore les huiles coloniales43.

Alors que le secteur de la viticulture ne partait pas gagnant, contrairement à la place de choix qu’il occupe désormais au niveau national et international, il a réussi à passer outre les afflictions de fin de siècle. Parmi celles-ci, la plus notoire d’entre-elles, fut une crise d’ordre européen. Le phylloxéra - hémiptère piqueur inféodé à la vigne - occasionna des ravages sans précédent en dévastant tous types de cépages, des plus communs aux plus typiques, comme le tibouren ou le calitor. La découverte d’une solution compensatoire permis de pallier, pour un temps, les pertes relatives aux cépages ancestraux. Des pieds de vignes américains, pourtant à l’origine de la crise sanitaire, en furent également le remède. La vigne américaine s’avère être tolérante au parasite étant donné son adaptation topique, acclimatation à laquelle Vitis vinifera, la vigne européenne n’a pas été exposée. La solution à ce fléau fut de greffer les cépages locaux sur ces pieds importés. La culture de la vigne franche de

pied44 est par conséquent, en fort recul face aux nouvelles vignes greffées.

Nul répit pour les vignerons varois puisqu’à peine soulagés de cette peine, une autre crise intervint sans crier gare, celle de la concurrence interne. Les vins languedociens détrônaient largement les vins locaux. L’arsenal de Toulon préférait même importer le vin du pays d’Oc plutôt que de consommer le fruit de ses terres. S’en suit l’inévitable chute des prix... La création des coopératives issues de l’union des viticulteurs, subventionnées par l’état et les communes, participe à l’homogénéisation des moyens de productions.

Cette mutualisation partielle des biens a permis à la viticulture de perdurer et de s’affirmer par la suite.

Finalement la crise s’est étendue à l’agropastoralisme dans sa globalité. Tous les secteurs ont été touchés, même l’oléiculture et la sériciculture qui constituaient pourtant deux activités fortes en terres varoises. Si l’une s’est rétablie avec vigueur et panache par la suite, l’autre a tout bonnement disparu.

Face à toutes ces crises, seuls les types d’agricultures les plus emblématiques ou les plus gratifiants s’affirment : la viticulture, l’oléiculture, l’horticulture et le maraîchage occupent désormais une place décisive et dominante dans les terres cultivables varoises.

La Plaine de la Crau s’est toujours démarquée de l’activité générale du département. La vocation de ce lieu fortement viticole s’explique notamment par la qualité alluvionnaire des sols et l’importance des réseaux hydrographiques de surface. À titre d’exemple, la ville de la Crau concentrait dans les années 1850, une part non négligeable de son activité dans la production vinicole puisque 73% de ses surfaces cultivées étaient consacrées à l’exploitation de la vigne, contre 30 à 45% pour le reste du département45. Cette hégémonie ne dura pas, puisque rattrapés par l’hydre des préjudices, les domaines s’en retrouvèrent fort affectés. La plaine ne souffrit pas outre mesure de ces conséquences puisque l’effet de la diversification forcée des cultures eut, par la suite, des retombées avantageuses. Le paysage se transforme donc à la mesure du renforcement soudain d’un système polycultural.

41

SENEQUIER, E. Toulon, chef-lieu du Var. 1861. p.35-60

42

JUILLARD, E. op. cit. p.22

44

*« Franche de pied » se dit d’un pied de vigne non greffé

43

RINAUDO, Y. Le Var Autrefois. 1988. p. 14

45

SIMON, G. La Crau, des origines à nos jours. 1991. p.158 47

48 ▼ Carte postale - La cueillette des violettes à Hyères

DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX TYPES DE SYSTÈMES AGRICOLES ET ÉMERGENCE DE PLUS DISCRETS Les grandes crises et la diminution des terres viticoles permit l’implantation d’activités agricoles supplémentaires et particulièrement adaptées aux conditions climatiques locales. Ces pratiques devinrent même des éléments identitaires caractéristiques de la Plaine de la Crau.

L’horticulture connaît un essor significatif avec la production de diverses variétés florales traditionnelles et spécifiques. On assiste à l’émergence d’un nouveau paradigme agricole extrêmement localisé correspondant à ce que l’on appelle aujourd’hui le « bassin horticole hyèrois ». Nombre d’exploitations horticoles fleurissent désormais massivement tout autour de la cité aux palmiers désignée comme l’épicentre du bassin de production. L’horticulture s’exprime dans plusieurs domaines relevant aussi bien de la culture ornementale - fleurs coupées ou sujets de pleine terre - que de la production « utile » : parfumerie, semis, etc. Le commerce de fleurs coupées prend de l’ampleur, la culture de la violette constitue l’une des originalités du territoire, notamment à la Crau : La culture de la violette [...] s’effectuait d’octobre à mars, mois de la récolte. Les fleurs étaient réunies en petits bouquets, assemblés par paquets de 25 à 50, que les paysannes acheminaient en brouette à la gare de la Crau pour être expédiés à Paris ou à l’étranger (notamment en Angleterre, en Belgique, et même à Saint-Pétersbourg en Russie)46.

La feuille de la plante est également utile pour la parfumerie. Acheminées en masse par camions, elles rejoignaient les distilleries de la région de Grasse, considérée comme la capitale mondiale du parfum depuis le XIIe siècle. Un retentissement international donc.

Associée à la floriculture, la culture du « grand roseau » s’est développée parallèlement. Dans un premier temps, les vanniers produisaient effectivement des paniers de roseau tressés pour les horticulteurs. Leurs dimensions variaient en fonction du type de fleur auquel ils étaient destinés. La canne de Provence, Arundo donax, fait partie intégrante du paysage méditerranéen humide, caractéristique de la Plaine de la Crau. Particulièrement envahissante, elle subissait l’arrachage systématique en terres cultivables, jusqu’à ce qu’on lui découvre une raison d’être exploitée intensivement. Peu ou presque pas d’industries majeures liées à l’exploitation de cette mauvaise herbe n’est relatée antérieurement à 1850. Elle reste cependant activement

▲ Carte postale - Le triage des cerises du Domaine de Solliès

46

Ibid. p.162

employée par les locaux de toutes professions pour confectionner des objets ou du mobilier. L’exploitation de la canne prendra encore plus d’ampleur par la suite puisqu’elle constitue le matériau adéquat à la réalisation de anches d’instruments à vent. À l’heure actuelle, le Var est le premier bassin de production mondial en la matière et la région d’Hyères son berceau. La qualité des cannes qu’on y trouve est réputée pour être la meilleure qui puisse exister, en raison de ses propriétés vibratoires. La réunion de conditions climatiques et d’un substrat favorables ont rendu la canne varoise inimitable et inégalable même par delà les continents. Bien que la canne n’occupe aujourd’hui que très peu de surfaces agricoles en Plaine de la Crau, elle a laissé son empreinte dans la culture et dans quelques portions interstitielles du paysage.

L’implantation progressive d’un contexte touristique littoral croissant fut l’un des facteurs favorables à l’affirmation d’un « jardinage de luxe »47 caractérisé par la prolifération de vergers somptueux, aussi dépaysants qu’inhabituels pour cette nouvelle population périodique. La commercialisation de denrées typiques et nouvellement locales a contribué à l’instauration d’une cohésion territoriale pittoresque, entre paysages panachés et mets colorés. Cette spécialisation s’exporte bien. Les fraises, les pêches, les figues, les cerises, les abricots, les agrumes et les raisins pour les fruits, les artichauts, oignons, asperges, salades et les carottes pour les cultures maraîchères. Des trains spéciaux acheminaient ces produits délicats à travers l’Europe.

Le système agropastoral dans son ensemble a connu bien des maux, mais il a su se relever avec autant voire plus de vigueur grâce au modèle désormais paradigmatique, de la polyculture.

47

RINAUDO, Y. op. cit. p.31

▶ Une roselière au quartier de la Mayonnette (La Crau) La roselière, toujours présente dans le quartier de la Mayonnette, était exploitée par les vanniers et fabricants de hanches (In. La Crau, des origines à nos jours) 49

50

1820

LES PRÉMICES D’UNE POLARISATION MULTISCALAIRE DES GRANDES VILLES ET AFFIRMATION D’UNE IDENTITÉ AGRICOLE SPÉCIFIQUE À L'AUBE DU XXe SIÈCLE La période mouvementée de la fin du XIXe siècle a entraîné un remaniement complet des pratiques paysannes et donc de la composition des paysages en Plaine de la Crau. La tournure des événements est en partie impactée par l’influence des grandes villes à proximité comme Hyères et Toulon. Alors que ces deux dernières connaissent une expansion toujours plus marquée, le littoral dans toute son étendue, est devenu le nouveau centre dynamique du département. L’héliotropisme convainquant est le moteur principal de cette nouvelle économie et les terres agricoles comme celle de la Plaine de la Crau, tendent à se spécialiser dans les secteurs d’activités qui génèrent le plus de bénéfices. Le tourisme balnéaire devient, au lendemain de la première guerre mondiale, une aubaine pour la population de la côte. Dans un premier temps seulement, la démographie croissante des villes littorales s’explique par cette polarisation. Les travailleurs immigrés principalement italiens, trouvent dans cette périodicité de l’emploi, dictée par la saison estivale, de quoi subvenir à leurs besoins. La première moitié du XIXe siècle pose les bases de ce type émergeant d’économie ; par le passé, la Côte d’Azur était une destination prisée chez un certain type de population aisée afin d’y effectuer des séjours hivernaux doux et ensoleillés. L’inversion de la tendance qui établit l’été comme saison de prédilection, est en partie due à la popularisation de ce type de destination et à la mise en place des congés payés, en 1936. Par conséquent, dès la fin des années 30, le tourisme modéré devient tourisme de masse accroissant, par là même, le tropisme de ces paysages aux allures exotiques et pourtant bien ancrés en France. À contre courant, la ville de Toulon écrase incontestablement toutes les autres par sa puissance économique et son ampleur démographique.

Pourtant située dans sa périphérie, la Plaine de la Crau correspond encore à cet espace préservé caractérisé par ses terres fertiles et cultivées.

Elle est désormais prise en étau entre les deux grands pôles aux dynamiques spécifiques que sont Toulon et Hyères.

▶ Évolution urbaine de la ville de Toulon au XIXe siècle Peintures et photographies de la Ville de Toulon en 1820, 1840 et probablement vers 1900 depuis le quartier du Mourillon, Baou des 4 ouros en fond (Archives personnelles et départementales)

1840

1900

UN PARTITIONNEMENT DES PAYSAGES MIEUX DÉFINI

▼ Photocomparaison - Les massifs de l’aire toulonnaise avant et après reboisement, le cas du mont Faron emblème de Toulon (entre 1868 et aujourd’hui)

À l’aube du XXe siècle, les paysages issus de l’agropastoralisme étaient largement dominants sur l’ensemble du département. Les villages ruraux qui se répartissaient sur les terres de la Plaine de la Crau, faisaient partie intégrante de ces paysages agricoles. Les zones d’habitat se distribuaient très localement en fonction de l’implantation originelle des anciens bourgs.

Initiés en 1850, les grands travaux de reboisement ont permis au Mont Faron, de passer d’un statut de colline aride, «chauve» à une montagne verte, lieu de promenades et d’activités en tout genre. Caroubiers, cèdres, eucalyptus et genévriers bien souvent isolés et minoritaires face aux pins d’Alep régnants sur ces hauteurs, constituent les reliques héritées de ces opérations d’envergure (CP : 1868 - In. Le Mont Faron et son histoire, Académie du Var, AutreTemps Éditions, 2011 ; Aujourd’hui - Var Matin)

Jusque dans les années 60, la Plaine continue, tant bien que mal, de faire honneur à sa vocation, surmontant les affres des guerres et de la concurrence. Les changements les plus significatifs sont à signaler au niveau des forêts et donc des massifs : l’intérêt économique des espaces forestiers n’est plus indispensable aux agriculteurs dont l’activité de marché suffit amplement. La déprise des espaces boisés entraîne un enfrichement anarchique des massifs, désormais en proie aux incendies, tant la sécheresse estivale en Provence est importante. Les propriétaires privés et les communes délaissent progressivement ces espaces, devenus peu rentables et désormais laissés à la charge de l’état. L’apparition d’une ère de protection et de revitalisation du couvert forestier, entreprise par des organismes de l’état, prend en charge la gestion de grandes superficies territoriales48. De nouveaux tracés inhérents aux ravages des incendies voient le jour : le paysage collinaire correspond dès lors, à un ensemble de parcelles boisées entrecoupées de routes et de coupes forestières pare-feu. Les taillis reculent peu à peu en faveur des futaies. Les pins d’Alep (Pinus halepensis) et les pins maritimes (Pinus pinaster) gagnent la bataille de la reconquête des massifs face aux traditionnels chênes : verts (Quercus ilex) ; lièges (Quercus suber) ; pubescents (Quercus pubescens). Ce remplacement graduel des feuillus au bénéfice des résineux s’explique par une vitesse de croissance bien plus marquée chez les seconds et un abandon progressif des métiers liés aux premiers (le liège pour les bouchons, le charbon de bois pour l’industrie et les machines, le tan utilisé pour la préparation des cuirs). Le peuplement des couverts forestiers s’est donc rapidement établi et se caractérise par un « enrésinement » global. Ce changement soudain de paradigme pour la reforestation s’explique également par deux autres types de facteurs : le bouleversement de l’économie forestière et l’intervention des nouvelles politiques territoriales.

Tandis que les formes d’exploitations traditionnelles du bois sont délaissées au profit d’activités plus lucrative comme celle de l’agriculture de marché, la forêt devient l’un des espaces dédiés au développement touristique. La « beauté sauvage » est un catalyseur puissant et intemporel de l’économie touristique.

48 RINAUDO, Y. « Le cas de la Provence ». In : La forêt méditerranéenne d’hier à aujourd’hui. 1988. p.22

1868

2020

52

Le cadre de vie et les mutations des perceptions liées à la forêt et à ses usages ont irrémédiablement changé la tournure des paysages. De plus, la législation relative aux terrains de « montagne » avec les lois de 1860 et de 1882, ont pour objectif de pallier les excès des défrichements en favorisant un retour à une « naturalité » relative. Les déboisements à l’échelle nationale étaient tels, qu’il fallait créer une loi nouvelle pour endiguer les conséquences néfastes, notamment pour les sols, de l’exploitation de cette richesse chancelante.

La baisse significative de l’intérêt des populations pour ce type de milieu contribuera à l’application de ce modèle à l’échelle départementale.

Les villes quant à elles, continuent leur développement dans leurs propres

limites, sans débordement. Les plaines restent les réservoirs productifs de denrées à valeur alimentaire ou commerciale (domaine où l’horticulture se présente comme principal secteur d’activité). La périphérie des villes demeure principalement agricole et ouvrière et ne connaît pas de bouleversement majeur, même si l’influence des aires urbaines se fait de plus en plus sentir.

▼ Photocomparaison aérienne des villes de la Plaine, entre 1930 et 1955 De gauche à droite : Solliès (Pont, Toucas, Ville) ; La Farlède ; La Crau ; La Garde. La photocomparaison montre une évolution modérée de l’emprise urbaine en Plaine de la Crau, contrairement à celle de la ville de Toulon

Établissement d’horticulture Audibert Serres et culture de palmiers à La Crau (In. La Crau, des origines à nos jours)

DÉMOCRATISATION DE LA MÉCANISATION DES TÂCHES ET RECONVERSIONS AGRICOLES La Plaine agricole de la Crau réussit à panser ses plaies occasionnées par les crises de la fin du XIXe siècle avec succès. Son activité s’épanouit favorablement sur de nouvelles fondations. Le monde agricole s’organise alors en fonction de cette modeste révolution.

L’ère de l’agriculture assistée d’engins mécaniques bat son plein, avec un peu de retard. L’accès aux machines se démocratise tant bien que mal mais se généralise tout de même dans le département. En 1920, il n’y avait encore que cinq ou six défonceuses à vapeur dans l’ensemble du département.

Malgré tout, de nombreuses tâches agricoles sont désormais assurées par des machines. Les grands domaines viticoles ou les exploitants les plus aisés ont été naturellement les premiers à s’en doter.

1930

1955

Afin d’accompagner la commercialisation et la production des produits agricoles et pour l’ensemble de leurs cultivateurs, émergent de nouveaux outils dont la mise en place est encouragée par le gouvernement et les institutions en lien avec l’agriculture. Différentes coopératives voient le jour à proximité de la ville de La Crau : une coopérative viticole, une coopérative agricole, des distillerie coopérative etc. Fondées entre 1912 et 1946, elles sont mises en place grâce à l’action concourante d’un mouvement associatif agricole et de la caisse locale du Crédit Agricole. Cet organisme participa d’ailleurs largement à la diffusion et à la distribution de matériels agricoles techniques.

Les années 50 correspondent à une période de prospérité inédite pour le secteur de l’horticulture. On vit apparaître les premières serres horticoles, nouveauté impactant fortement les paysages agricoles par l’intégration de structures imposantes en lieu et place des cultures de plein air. La serriculture gagne donc du terrain vis-à-vis des exploitations horticoles à l’air libre. La rentabilité est accrue, et les rendements plus réguliers. Les palmariums ◀ A. Matucci, entreprise voient le jour et produisent encore davantage spécialisée dans le lade sujets qu’auparavant. La culture de roses bours mécanisé et de fleurs coupées n’en était qu’à ses débuts mais allait connaître un bref mais remarquable Entreprise fondée en destin en partie grâce à cette nouveauté, avant 1920 à La Crau. Le défonçage mécanisé de la la débâcle... terre décuplait l’efficacité de la tâche par rapport au travail manuel (In. La Crau, des origines à nos jours)

Cette pratique s’est également démocratisée dans le domaine de l’agriculture vivrière en particulier pour le maraîchage.

53

1.

2.

3.

4.

PLANCHE DE REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES DÉPEIGNANT LE PORTRAIT DE L’AGRICULTURE VAROISE DU DÉBUT DU XXE SIÈCLE

1.

Hyères - Cueillettes des oranges Agence générale des journaux Hyères, début XXe (C.P. : N.D)

2.

Les Vendanges Photographie datée de 1916 extraite de la série « La Vie aux Champs », dans le Var (C.P. : C. Vidal)

3.

Repas des Vendangeurs Photographie datée de 1916 extraite de la série « La Vie aux Champs » dans le Var (C.P. : C. Vidal)

4.

Solliès-Toucas - La Cueillette des Cerises Carte postale ancienne, début XXe siècle (C.P. : N.D)

56

DES ANNÉES 60 À NOS JOURS : UNE URBANISATION OMNIPOTENTE, DES MUTATIONS IRRÉMÉDIABLES EN PLAINE : CONFRONTATION DES PAYSAGES URBAINS ET RURAUX

▼ Photocomparaison : La ville de La Crau et ses environs La juxtaposition de ces différentes photographies aériennes permet de constater que les transformations du paysage ne sont vraiment visibles qu’à partir de 1987, notamment par la prolifération et le recouvrement progressif des terres agricoles par le bâti

1930

1955

1987

2018

▲ Comparaison légendée : La ville de La Crau et ses environs Cette comparaison se matérialise sur 90 ans et permet de rendre compte des grandes transformations liées au territoire et à l’influence des villes. On peut constater l’apparition progressive d’infrastructures périphériques au pôle urbain, présentes dans toutes les grandes aires urbaines : Les zones d’activités et autoroutes, entre autre.

57

58

LE CHANGEMENT DE PARADIGME ÉCONOMIQUE Toulon, Hyères, La Seyne, Six-Fours, chacune de ces villes développe son activité de prédilection : l’arsenal, le tourisme balnéaire, l’implantation d’entreprises nouvelles et florissantes. L’aire d’influence de ces épicentres prospères rayonne naturellement tout autour, entraînant les villes moyennes à suivre le mouvement. Les espaces côtiers s’investissent massivement dans une gestion spécifique tournée vers la mer, si bien que l’agriculture périclite au point d’être reléguée au second plan en tant qu’investissement rentable. Le phénomène de mondialisation participe également à la déprise agricole : les produits venus d’ailleurs coûtent moins cher et se vendent également moins cher. Les producteurs locaux n’ont d’autre choix que de faire valoir leur singularité, notamment par le biais des appellations, pour pouvoir subsister.

Par conséquent, les espaces agricoles littoraux sont les premiers touchés par ce nouveau paradigme. La bétonisation se manifeste sous la forme d’une bande littorale quasi-continue, au détriment systématique des surfaces agricoles. Les espaces constructibles et viables au plus près de la côte sont très vite saturés. Les massifs alentour comportent des pentes bien trop raides et sont des espaces réservés aux forêts.

Les plaines sont les espaces par défaut d’une périurbanisation grandissante et menaçante. La Plaine de la Crau est un lieu stratégique, à l’intersection de plusieurs entités paysagères, de systèmes économiques distincts et des grands axes de circulation. D’une manière générale, ce sont tous les secteurs liés aux services et donc relatifs au tertiaire, qui se développent. L’agriculture reste cependant une activité identitaire forte, développée et affirmée à l’aune des bouleversements séculaires. Certains secteurs du territoire sont toujours des places fortes des dynamiques agricoles, ils sont de plus en plus restreints mais perdurent encore : Les vergers de Solliès, la partie septentrionale de la vallée de Sauvebonne, les domaines viticoles et les exploitations horticoles. Les plaines agricoles sont également le siège d’entreprises indus-

▼ Une urbanisation littorale quasi -continue Vue sur la petite rade de Toulon depuis le cap Sicié, La Seyne-sur-Mer (C.P.: J. Maucéri©)

ar a-

e

49 La Crau - portrait d’une agriculture périurbaine. Document rédigé par la ville de la Crau. 2009. p.15

C tio ou n rta de g e ba , v te ent au e x et

Ti -C oy o

D R

trielles à qui elles offrent des terrains à des conditions avantageuses et une large possibilité d’extension, alors que les montants prohibitifs des sols et l’exiguïté géographique les décourage de s’installer à proximité des espaces urbains. Pour ces raisons, on assiste également à l’implantation d’entreprises liées à l’activité littorale comme des entrepôts de stockage de bateaux ou de caravanes qui préfèrent excentrer leur établissement plutôt que de s’ancrer au plus près des côtes, où les prix du foncier sont inabordables49. Des socié-

ré p

al An

98

re c lia ien nt n To e ro ul u on te et pri N nc ic ip e

es

g

ge

in G

ar di

C

en

ra u

na

C ar av an

57 -A

yè re s

ca ra va n

57 0) (A H

te Tr on

ço n

Au to ro u

E be ntr nn ep es ôt et de re ca m m or io qu ns es ,

▲ Diverses infrastructures Plusieurs entreprises spécialisées dans l’entrepôt d’objets consommateurs d’espace se répartissent sur le pourtour des axes routiers principaux (Photo satellite : fond de carte - Géoportail)

tés non agricoles donc, se répartissent sur les terres agricoles. Les premiers terrains touchés par ce phénomène ont été les exploitations horticoles et maraîchères dont le prix du parcellaire est relativement avantageux. Les terrains viticoles quant à eux, sont relativement épargnés par la conjoncture puisque le foncier y est généralement plus cher50.

50

DALIGAUX et al. op.cit.

59

60

DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES INTERCOMMUNAUX ET GONFLEMENT DÉMOGRAPHIQUE Le mouvement naturel ne pèse pas bien lourd dans la balance démographique de l’aire toulonnaise. Les flux migratoires d’après-guerre se sont diversifiés et on largement contribué à l’augmentation du nombre des habitants en Provence et tout particulièrement à Toulon. Au plus près des côtes Algériennes, la ville de Toulon constitue un lieu symbolique, relativement proche de la physionomie des paysages méditerranéens Maghrébins51.

Les rapatriés Pieds-Noirs de 1962 font de cet endroit un lieu d’implantation idéal, prédéterminé pour ainsi dire. La part de ces nouveaux arrivants s’élève à environ 18 000 pour le seul département du Var. L’importance numérique de ce rapatriement nécessite la création d’une administration d’accueil spécifique, tant le mouvement est important. Le dénuement de cette population est indéniable, l’état d’urgence l’a rapproché des centres économiques dynamiques52. De plus, Toulon est devenue, grâce à ses importantes infrastructures portuaires, la ville de transit principale des rapatriés. N’ayant bien souvent pas d’autre choix que de rester sur place, à défaut de savoir où aller, beaucoup sont restés dans la ville ou dans ses environs.

Le renouvellement de la population est total et a contribué à l’essor d’une nouvelle économie urbaine. L’enrichissement des villes est indiscutable et les prix du foncier en forte hausse engagent vivement les populations à gagner les communes périphériques. Le département tout entier est polarisé en un seul et même point qui comptabilise, dès lors, les deux tiers de la population départementale dans les années 80. Les villes littorales gagnent du terrain, elles ne tarderont pas à se rejoindre. L’ampleur nouvelle du poids démographique permet à ces villes de se renforcer économiquement et les a amenées à créer des ensembles intercommunaux. La Plaine de la Crau telle que décrite dans ce mémoire regroupe en ces termes, la métropole toulonnaise (MTPM : réunissant 12 communes dont La Crau, La Garde, Le Pradet, Hyères) et la communauté de communes de la vallée du Gapeau (CCVG : comprenant entre autre les communes de La Farlède et des 3 Solliès). La formation de ces entités renforce la cohésion territoriale des communes.

Elle favorise également le développement économique local et participe au renforcement des échanges économiques ou urbains. C’est ce dernier point qui est à l’origine de grands bouleversements paysagers en Plaine de la Crau.

Ce mouvement brutal est accompagné de divers flux migratoires moins réguliers et plus délayés impliquant les pays du Maghreb ainsi que des populations d’origines espagnoles et portugaises. Le solde migratoire du Var dans les années 60 atteint des records avec plus de 15% contre un peu plus de 3% pour la France entière.

L’afflux d’estivants relatif à la démocratisation d’un modèle touristique basé sur les activités balnéaires, représente une augmentation considérable de la population, sur une courte période répartie de juin à septembre. On parle d’un décuplement démographique inhérent à cet héliotropisme53 qui conquiert peu à peu ces visiteurs ponctuels, jusqu’à les mener à établir des résidences secondaires voire des résidences fixes pour une majorité de retraités, séduits par les richesses naturelles de ces paysages hors du commun. Ce phénomène se manifeste autour des villes reconnues en tant que stations balnéaires de premier ordre comme Hyères, Six-Fours-les-Plages, Sanary-sur-Mer et ailleurs dans le département, notamment à Saint-Tropez, Fréjus et Bandol.

51 DELMONTE F. L’enjeu électoral des rapatriés à Toulon et dans le Var dans les années 60. 1998 52 MOUMEN, A. In : Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. 99, n°3, 2010. pp.64-65 53

DELMONTE F. op. cit.

▶ Graphique comparant la croissance démographique sur 50 ans des principales villes de l’aire toulonnaise, du Var et de France métropolitaine (de 1968 à 2017) Les résultats de cette comparaison montrent que les villes de La Farlède, la Crau et La Garde affichent un taux d’accroissement démographique supérieur à celui des communes voisines et bien supérieur à la tendance départementale ou nationale. La ville de Toulon, quant à elle, ne connait aucune croissance à ce niveau, sa courbe montre même une légère baisse démographique entre 1980 et 2000. (Données INSEE)

61

1.

UNE EXPANSION URBAINE HÉGÉMONIQUE 1976

1998

Les conséquences urbaines d’une telle explosion démographique sont celles d’un étalement du bâti et notamment d’un développement des zones d’activités périphériques. Les villes de La Garde et de La Farlède regroupent à elles seules, et pour cause, la majorité des zones d’activité économiques (ZAE). Les communes de la Plaine connaissent donc une poussée économique phénoménale. La polarisation de l’économie et par conséquent de l’emploi, n’est plus unilatérale mais bilatérale. C’est la structure économique de l’ensemble de l’aire urbaine qui est bouleversée. Les communes périphériques grandissantes implantent des ZAE dans leurs limites administratives et les ZAE participent à l’épanouissement de leurs communes.

La plupart des dépendances liées au pôle urbain toulonnais commencent à se dissoudre par l’implantation de divers équipements conduisant à l’autonomie des communes. Les constructions d’établissements scolaires, de lycées ou d’universités, de zones commerciales ou industrielles renforcent l’influence des municipalités qui jadis, se développaient dans un contexte d’évolution unilatéral. Ces mécanismes socio-économiques contribuent grandement au développement des villes, à l’uniformisation d’un modèle économique et à la construction d’un paysage homogène.

2.

3.

La réalisation des grandes infrastructures routières - comme l’A57 - participent également au développement des communes périphériques de l’aire toulonnaise. Inaugurée en 1968, l’autoroute établissant le tronçon autoroutier de Toulon à Nice, « draine » économiquement les villes de la dépression permienne.

2018

▲ Grandes zones d’activités économiques implantées en Plaine de la Crau ◀ Photocomparaison aérienne des villes de la Plaine, entre 1978 et 2018 De gauche à droite : Solliès (Pont, Toucas, Ville) ; La Farlède ; La Crau ; La Garde. La photocomparaison montre une nette évolution de l’emprise urbaine en Plaine de la Crau par rapport à la comparaison de l’évolution entre 1930 et 1955

1. Zone industrielle de Toulon-Est, l’une des premières ZAE du Var (200 hectares), accueillant plus de 550 entreprises dans de nombreux secteurs tels que l’industrie, le commerce, les services et l’artisanat, selon le CCI du Var (CP : afuzi.fr) 2. ZAE Gavarry, La Crau (CP : lacraupole.fr) 3. ZAE L’Estagnol, La Crau (CP : lacraupole.fr) 63

64

Par conséquent, l’agriculture se retrouve progressivement marginalisée et le sujet de sa conservation ou de son maintien est relégué au second plan économique. Les paysages « naturels » sont les vecteurs d’un modèle paysager attrayant et participant grandement à la prospérité du département. La conservation des panoramas associant couverts forestiers et étendue maritime est au prix du sacrifice des terres agricoles. La spéculation encourage même le phénomène puisque les agriculteurs deviennent les propriétaires d’un patrimoine foncier inestimable. Selon l’étude d’Etienne Juliard, professeur honoraire des Universités, le mètre carré de terre agricole serait passé de 10-50 centimes à 1000 voire 2000 francs en 199054, soit une plus-value de 1 pour 10 000 en moyenne. L’inflation est telle que les propriétaires terriens n’hésitent pas à exploiter ce filon et à s’enrichir rapidement, au détriment d’un héritage et d’une tradition agricole bien ancrée dans le territoire. Mais qui peut blâmer les exploitants en ayant connaissance des vicissitudes dont ils sont les victimes dans des conditions généralement précaires ? Mais le constat est sans appel et les surfaces agricoles évoluent toujours plus en recul dans les quelques plaines ouvertes encore relativement épargnées par l’urbanisation. Bien qu’aujourd’hui la rurbanisation des terres soit de plus en plus limitée par l’application des politiques publiques, telles que la rédaction des SCoT et des PLU, avant les années 80-90, aucun périmètre de protection des paysages n’est défini. Les sites classés ou appartenant au conservatoire du littoral se révèlent être des paysages forestiers ou relativement préservés d’une activité anthropique exploitante.

54

JUILLARD, E. op. cit.

Ce n’est qu’à partir des années 90 qu’intervient la loi littorale dans la limitation de l’emprise urbaine sur les espaces agricoles. Mais toujours rien de concret concernant les territoires reculés comme la Plaine de la Crau. Alors le mitage et l’enclavement des parcelles cultivées se généralise peu à peu.

Les zones d’habitat se diffusent et les promoteurs sont toujours à l’affût d’un terrain à construire.

Il faudra attendre le début des années 2000 pour voir apparaître la loi Solidarité et Renouvellement Urbain, jouant en faveur de la préservation de terres agricoles, désormais et malheureusement clairsemées. Cette loi vise, entre autre, « à recréer un équilibre social dans chaque territoire et à répondre à la pénurie des logements sociaux [...]55 ». En d’autres termes, elle encourage les PLU à zoner l’habitat en fonction de l’existant, dans la continuité et dans une logique concentrique, afin d’éviter les phénomènes de mitage, notamment. Depuis la mise en application de cette loi, les noyaux urbains se densifient, tandis que les parcelles agricoles peuvent enfin souffler. Malheureusement, en Plaine de la Crau, le mal est fait. Les paysages exclusivement agricoles sont devenus des paysages mixtes à dominante urbaine. Le gris a définitivement remplacé le vert...

55 Site du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, page de l’article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbain. « SRU, mode d’emploi »

▶ Carte de répartition des ZAE au sein de la métropole toulonnaise Les zones d’activités économiques principales se répartissent sur les villes périphériques les plus proches du pôle urbain. La Plaine de la Crau est l’un des lieux majeurs de leur déploiement (Fonds de cartes : Géoportail)

Limites administratives des communes Principaux consortiums et pôles d’activités (regroupant plus de 100 entreprises) Espaces ruraux

Emprise urbaine

Zones d’Activités Économiques

65

66

Les 3 Solliès

2018

1998 Récapitulatif des évolutions paysagères dans la Plaine de la Crau Cette accumulation de blocs concernant les villes de Solliès (Pont ; Toucas ; Ville), La Farlède, La Crau et La Garde illustre les différents types de transformations subies par la Plaine sur un siècle environ.

1976

L’ensemble de ces représentations graphiques dresse le portrait évolutif des principales communes de la Plaine. Les limites des blocdiagrammes correspondent aux extrémités actuelles des noyaux urbains des communes considérées.

1955

1930

La Farlède

La Crau

La Garde 2018 Les villes se développent partout, les terres agricoles sont peu à peu occupées par des structures artificielles. Les axes de circulation semblent structurer le paysage.

1998 La couverture forestière est totale sur les massifs et ripisylves. Les villes se sont considérablement étendues et les ZAE se sont développées parallèlement. Le phénomène de mitage s’est démocratisé. Les parcelles agricoles se sont agrandies et leurs formes correspondent davantage à un découpage en mosaïque.

1976 L’étalement des villes est désormais manifeste. Les massifs et les ripisylves (Solliès, La Farlède, La Crau) laissent apparaître une végétation arborée. Des habitations apparaissent au sein des terres cultivées.

De nouvelles routes s’établissent.

1955 Peu de changements notables en 25 ans si ce n’est une légère progression de l’emprise urbaine toujours très concentrée.

On peut voir une multiplication de petites parcelles laniérées. Les massifs (Solliès, La Farlède) présentent les premiers témoins des politiques de reboisement.

1930 On peut observer des noyaux urbains très restreints, un développement modéré des routes et une activité agricole prépondérante. Les massifs sont dénués de toute végétation.

67

68

SCÉNARIOS PROSPECTIFS À l’échelle du siècle dernier, les paysages littoraux ont connu d’importants remaniements structurels et fonctionnels. L’agriculture vivrière a fini par disparaître dans sa quasi-totalité. Par conséquent, les plaines successives de l’ensemble de la dépression permienne ont été progressivement conquises par l’urbanisation croissante : d’abord sur la partie littorale comme à Fréjus ou à Toulon, puis en léger retrait, dans les espaces avoisinants disponibles.

La Plaine de la Crau est l’une des victimes de ce processus, menaçant son économie et ses paysages hérités d’une tradition agricole ancestrale.

Cette transformation des paysages résulte d’un processus inéluctable dû, en partie, à un accroissement fulgurant de la population. La mutation du système économique, évoluant vers un paradigme holistique, se répercutant et se vérifiant dans tous les domaines, en particulier dans les paysages, en est également la cause. La recherche du profit et l’accumulation des biens influencent toutes les composantes de la vie humaine. Le dialogue du social et de l’écologie est désormais assujetti à cette norme dans la majorité des cas. Les paysages sont perçus de manière utilitariste : chaque entité paysagère correspond à un enjeu économique bien défini.

Chaque lieu peut être considéré comme un investissement rentable à tous points de vue. Les fronts littoraux constituent d’excellents catalyseurs de profit : ils sont des lieux de rendement potentiel si l’on considère l’attrait touristique qu’ils présentent, les activités balnéaires qui s’y implantent et les dynamiques portuaires en tout genre qu’ils sont capables d’accueillir. Nos belles forêts, sanctuaire fragile d’une biodiversité meurtrie, se muent en une ressource exploitable de choix pour le développement des pratiques touristiques, sportives, sylvicoles...

Les plaines agricoles sont l’un des berceaux symboliques de notre identité nationale. Les spécialités locales sont associées à des terroirs, « nos terroirs » dont nous sommes si fiers, à partir du moment où il ne sont pas un obstacle à notre enrichissement personnel et égoïste... Pour chaque portion de territoire, même la plus préservée ou la plus reculée, l’homme cherche et lui trouve bien souvent, une fonction appropriée en vue de satisfaire ses appétits de possession et de bénéfices. Aujourd’hui, la terre est exsangue, surexploitée jusqu’à la ruine, mais, enfin, les consciences amorcent un changement favorable. Tout un chacun n’a pas encore une grande lucidité en ce qui concerne la réalité, l’ampleur des dégâts et les enjeux ; la prise de conscience de nos propres responsabilités face à ce désastre est balbu-

tiante ; mais des actions gouvernementales ou isolées se mettent en place progressivement. Les consciences écologiques et l’élargissement du champ des connaissances, tous domaines confondus, ont contribué au déploiement de politiques publiques érigeant une grande part des règles qui régissent l’équilibre et l’harmonie relatives des territoires. Les « politiques du paysage » sont ainsi définies dans la Convention Européenne du Paysage56 : « Politique du paysage » désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage.

Ces nouvelles mesures très diversifiées, contribuent à la mise en place d’une reconnaissance juridique des paysages en tant que « composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité », toujours selon la convention. Elles vont de la sensibilisation à la mise en œuvre d’actions concrètes, en passant par la formation et l’éducation, l’identification et qualification des paysages et la formulation d’objectifs de qualité paysagère.

56

Convention Européenne du Paysage, 2000 (en ligne)

▶ Un terrain en friche à proximité immédiate de la ville de La Crau (C.P. : L. Ricoh©)

70

RÉENGAGEMENT DES COMMUNES DANS UNE ÉCONOMIE AGRICOLE SPÉCIFIQUE PRÉSERVATION DES MILIEUX RURAUX On le sait désormais : le Var est l’un des départements les plus boisés de France. Le couvert forestier occupe la majeure partie de son territoire même si ce statut paysager est relativement récent, surtout dans les environs de Toulon. En association avec les espaces agricoles, ces paysages « naturels » représentent près de 80% de la surface du territoire selon le SCoT Provence Méditerranée. On notera également la présence de larges « zones vertes » au sein même des plus grandes communes de la métropole. Elles correspondent la plupart du temps, à des reliefs ou des zones militaires, bien souvent inexploitables pour la construction : Base navale de Saint-Mandrier, Fort de Six-Fours ou encore la colline du Thouars entre La Garde et La Valette.

Si la préservation des forêts est un concept bien ancré dans les consciences et dans la mémoire collective, il n’en va pas de même pour les espaces agricoles, bien souvent amputés au profit des paysages urbains ou forestiers.

Dans certaines régions de France, l’agriculture représente une force : elle a un réel poids économique et n’a aucune raison d’être reléguée au second plan voire d’être remplacée par des espaces forestiers. Dans le Var et de surcroit, proche du littoral, l’agriculture possède bien une raison d’être, ne serait-ce que pour subvenir aux besoins de la population locale. Cependant, son influence sur l’économie est désormais si faible qu’elle incarne une sorte de relique dont la sauvegarde est essentielle. L’évolution de la SAU57 des exploitations agricoles des communes littorales par façades régionales entre 1970 et 2000 montre une nette diminution de celles-ci, passant de 100% à 80% en moyenne. Deux régions se démarquent cependant : l’Aquitaine est caractérisée par une croissance positive tandis que Provence-Alpes-Côte d’Azur par une décroissance exceptionnelle. C’est dire si la santé de l’agriculture méditerranéenne française est menacée!

57 *Selon l’INSEE, la Superficie agricole utilisée (SAU) « est une notion normalisée dans la statistique agricole européenne. Elle comprend les terres arables (y compris pâturages temporaires, jachères, cultures sous abri, jardins familiaux...), les surfaces toujours en herbe et les cultures permanentes.

◀ Périmètre du SCoT Provence Méditerranée dans le département du Var

Nul besoin d’exploiter l’intégralité des plaines pour affirmer leur identité agricole puisque les denrées produites qualitativement se vendent mieux et plus cher que celles qui sont produites quantitativement. C’est alors que les appellations et les labels, comme celui de l’estampille de l’agriculture biologique, jouent un rôle décisif dans le maintien et la prospérité, toutes proportions gardées, des exploitations du département.

Face à ce phénomène, Le ScoT Provence Méditerranée met en place des champs de réflexion et d’actions portant sur la protection et la mise en valeur de ces terres agricoles. Plus précisément, l’objectif visé est de mettre en avant les rôles de ces espaces d’un point de vue économique, social,

paysager et environnemental58. Pour pallier les rapports de force qu’il peut y avoir entre les différentes typologies paysagères, notamment présentes sur le territoire de la métropole, cette politique publique a pour objet de requalifier ces aires de production en « zones d’activités économiques productives à part entière ». Dans l’optique d’une production dédiée à la consommation locale, le SCoT met en place un projet territorial concret.

Malheureusement et malgré ces initiatives, les terres agricoles sont encore et toujours diminuées par l’enfrichement progressif des parcelles dédiées, vraisemblablement, à la spéculation foncière. Bien que l’agriculture participe activement au fonctionnement économique des communes « urbano-rurales » et que la déprise ait été refrénée, elle continue pourtant à péricliter.

Peut-être est-ce à cause d’un manque de reconnaissance ressenti par les exploitants ? Est-ce en raison de la pénibilité du travail ? Ou est-ce seulement un phénomène dû aux bouleversements sociétaux qui altèrent irrémédiablement les esprits et mènent les nouvelles générations à se tourner vers des métiers « porteurs », moins contraignant ou plus rémunérateurs, à l’image de notre modèle économique ?

58 Projet d’aménagement et de développement durables (PADD). SCoT Provence Méditerranée approuvé en 2019. p.7

◀ Évolution de la SAU des exploitations façades littorales régionales entre 1970 et 2000 Cette évolution des SAU littorales semble se répartir en 4 groupes distincts : - Littoral Aquitain : maintien de la SAU - Picardie, Haute et Base-Normandie et Corse : diminution d’environ 15% des SAU - Nord-Pas-de-Calais, Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes et Languedoc Roussillon : diminution comprise entre 20 et 27% - PACA : diminution spectaculaire de 40 % des SAU (Source : Scees-Rga 1970, 1979, 1988, 2000, Observatoire du littoral) 71

72

QUEL AVENIR POUR L’AGRICULTURE EN PLAINE DE LA CRAU ?

Bien heureusement, le scénario n’est pas complètement noir. Les prises de conscience vont dans le sens du retour à une consommation locale et raisonnée et donc à une revitalisation de l’activité terrienne. Les enjeux liés aux considérations écologiques ou culturelles mènent les consommateurs à revenir vers les producteurs autochtones et les commerces de proximité. Ainsi, la métropole encourage dans une même dynamique, le développement des circuits courts en réduisant significativement le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur59.

Cela fait écho aux initiatives prises par les politiques publiques en faveur de ce système. En accord avec le SCoT Provence Méditerranée, les PLU s’engagent désormais dans une voie qui valorise et encourage les producteurs de leurs communes. Le zonage mis en place aujourd’hui, correspondant à ce qui était le Plan d’Occupation des Sols, met en avant la place des terres agricoles en limitant l’expansion urbaine et entre autre, le phénomène de mitage. Si les forêts et l’emprise de l’aire urbaine n’empiètent pas plus sur les terres agricoles, celles-ci ne sont plus susceptibles de diminuer et, au mieux restent figées.

Afin de protéger le foncier agricole qui doit faire face à l’adversité depuis plus de 50 ans, la loi d’orientation agricole de 1999 a créé un nouveau type de zone à intégrer dans les PLU : les Zones Agricoles Protégées. Ce classement est obtenu à l’initiative des communes et doit être validé en premier lieu, par la chambre d’agriculture et par la commission départementale d’orientation de l’agriculture, aussi appelée CDOA60. Les ZAP ont été initiées dans le cadre d’initiatives gouvernementales visant à engager une protection durable des espaces agricoles. La procédure est longue et les documents nécessaires à l’élaboration d’une ZAP spécifique, nombreux. Mais l’effet de ce zonage spécifique est extrêmement bénéfique à l’agriculture puisqu’il permet de protéger une portion de territoire entière afin de faire face aux conséquences de la périurbanisation. Sa validation entraîne une interdiction formelle, y compris pour les agriculteurs, de construire quoi que ce soit sur un terrain faisant l’objet de ce classement. L’apparition de ces nouvelles divisions territoriales entraîne également une chute des prix des terrains, étant donné la portée exclusivement agricole de ces terres et en excluant dans un même élan toute possibilité d’expansion des villes et donc de spéculations. Peu à

59 Document rédigé par TPM : Rapport de situation en matière de développement durable. 2015 60

« Zone AP ». In : PLU en ligne (en ligne)

peu, les communes dont l’agriculture constitue une part non négligeable de leur activité économique, se lancent dans ce genre de procédure certes fastidieuse, mais dont la portée est éminemment bénéfique pour le secteur.

C’est dans cet objectif que la ville de La Garde a demandé et récemment obtenu, en 2018, l’approbation concernant la mise en place d’une Zone Agricole Protégée61. 278 hectares de zones réservées à l’agriculture sont désormais protégés dans leur intégralité en Plaine de la Crau. Une réalisation d’études de préfiguration est en cours pour l’attribution de ce classement particulier aux villes de la Crau et du Pradet62...

D’autres outils de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles se mettent en place depuis quelques années : les CDCEA, devenues les Commissions Départementales de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF) en 2014 sont des dispositifs départementaux luttant pour la préservation et le développement d’une agriculture périurbaine63. Dans le cadre de la rédaction d’un SCoT ou d’un PLU, la CDPENAF est obligatoirement consultée relativement à ses compétences en matière de lutte contre la consommation d’espaces « naturels », forestiers ou agricoles64.

Ces mesures nouvelles décrivent l’importance qu’attachent l’État et les communes à leur patrimoine cultural et culturel. Il n’en demeure pas moins que l’agriculture est restée trop longtemps marginalisée et a perdu son « aura » originelle. Elle a été reléguée au second plan des considérations territoriales, ce qui n’a pas été sans conséquences sur les paysages actuels. Les politiques de préservation de ces espaces ont beau figer les SAU, cela ne résout pas ce phénomène de déshérence, actuellement généré par d’autres facteurs que la périurbanisation : le vieillissement progressif des populations d’exploitants et la concurrence étrangère sont des freins à la perpétuation de cet héritage culturel et paysager. L’agriculture a toute ses chances de perdurer, a minima, mais ce sont les profils d’exploitations qui risquent d’être bouleversés.

Les types d’agricultures sont très diversifiés en Plaine de la Crau, à l’image 61 « Approbation de la Zone Agricole Protégée de La Garde ». In Chambres d’agricultures PACA (en ligne) 62

« Observer ». In : « Safer PACA » (en ligne)

63 Site du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, page de la Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (en ligne) 64 Fiche technique relative aux objectifs et modalités de fonctionnement de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). À l’initiative du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation. 2019

◀ Part de l’agriculture biologique dans la SAU en France et par département (2017) Le Sud-Est de la France se distingue clairement du reste de la France en ce qui concerne la part de l’agriculture biologique (Fond de carte : data.gouv.fr)

◀ Proportion des cultures permanentes en France et par département (2017) Le Var fait partie des départements comportant le plus de cultures permanentes (culture ligneuse : oliviers, vignes, vergers...) relativement à sa SAU (Fond de carte : data.gouv.fr)

0%

15%

moins de 10%

plus de 50%

▶ Part des grandes cultures dans la SAU en France et par département (2017) Le Var se distingue également part une présence extrêmement restreinte des grandes cultures sur ses terres cultvées (Fond de carte : data.gouv.fr)

moins de 20%

plus de 60%

73

74 ▶ Campagne Saint-Augustin Ludovic Limon ; Entreprise implantée à La Garde depuis 2008 : maraîchage biologique et production de spiruline (C.P. : campagnestaugustin.com)

des systèmes polyculturaux traditionnels. Les exploitants s’adaptent aux lois du marché et ajustent, jusque dans la nature même de leurs productions, la qualité de leurs produits. La part des « grandes cultures » (céréales, légumineuses et oléagineux) y est très faible. Les cultures permanentes sont, a contrario et proportionnellement très développées par rapport aux autres départements. Les productions « qualitatives » font partie de l’image de marque du système littoral varois. Ainsi, les vignobles et parcelles « précieuses » comme celles qui font l’objet des appellations d’AOC ou d’AOP (la figue de Solliès notamment), ne sont plus susceptibles d’être dévoyées.

L’horticulture ou le maraîchage ont déjà fait les frais des conséquences de la mondialisation. La concurrence des roses ou des tulipes hollandaises notamment, a enlevé le pain de la bouche des producteurs de ces espèces florales en Plaine de la Crau. La concurrence écrasante a fait de même pour des produits moins spécifiques, dont la culture peut être assurée au delà des limites régionales.

▶ Les légumes bio du Clapiers Goeffrey Villa ; Entreprise implantée au Pradet depuis 2018 : maraîchage biologique et vente directe (C.P. : Page Facebook® du producteur)

L’agriculture biologique se développe et devient l’un des nouveaux chevaux de bataille des producteurs, qui s’engagent à assurer des modes d’exploitation respectueux pour l’environnement, dans la continuité des préconisations gouvernementales en matière de développement durable. Le modèle d’une agriculture extensive en Plaine de la Crau permet à quelques rares exploitants téméraires de s’établir et de mettre en œuvre des perspectives productives ambitieuses et nouvelles à l’image de ce système. En dépit des traditionnelles terres cultivées, on voit apparaître plusieurs petites entreprises ambitieuses proposant des produits nouveaux et « sains » (annexe ci-contre) sur les étals ou les supermarchés locaux...

▶ Les jardins du Néoulier Rolland Mounier ; Production de plants aromatiques, médicinaux, maraichers et fleurs comestibles en AB (C.P. : page Facebook® du producteur)

1900

◀ Photocomparaison : villes de La Crau, Solliès et La Farlède depuis le Mont Fenouillet entre le début du XXe siècle et aujourd’hui Le point de vue photographique permet d’observer l’expansion des villes sur les espaces agricoles en Plaine de la Crau. Les ensembles urbains du début de XXe siècle sont quasi imperceptibles. En 2020, ils ont conquis la quasi totalité de l’espace : Au premier plan, La Crau ; au second plan (à droite), Solliès-Ville ; au second plan (à gauche), La Farlède.

On peut également noter la présence nouvelle et incontestable d’une strate arborée dense sur les massifs : petit Coudon (à gauche) et Bau Rouge (au milieu et à droite) sur lequel se déploie Solliès-Ville (C.P. : première moitié du XXe siècle, Archives départementales du Var ; 2020, L. Ricoh©)

2020

RÉGULATION DE L'EXPANSION URBAINE

LES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE L’ÉTALEMENT URBAIN Le scénario tendanciel montre un endiguement notable de l’expansion urbaine et de la diffusion de l’habitat au delà des limites de l’espace bâti imposées par le PLU. La dégradation des espaces ruraux est un fait, mais a elle a été adoucie, voire figée partiellement par la mise en place de politiques de préservation des terres cultivées. Ces mêmes politiques œuvrent conjointement afin de mettre en place des actions concrètes visant à recentrer les activités urbaines telles que l’habitat ou les ZAE, dans une périphérie moins indirecte des différents noyaux urbains.

La redynamisation des centres-villes est l’un des objectifs prioritaires du SCoT65. En ayant préalablement déterminé quelles étaient les limites des périmètres de centralité, correspondant grosso modo aux zones d’habitat denses, continues et « actives », l’objectif est d’y appliquer une stratégie de revitalisation. Entre autre mesure, il est question de faire revenir les habitants dans les centres-villes sans provoquer le départ de ceux qui y sont implantés, mais également de développer l’emploi et les services pour l’ensemble des anciens et nouveaux habitants. Un intérêt particulier est également apporté 65 Document d’orientation et d’objectifs. SCoT Provence Méditerranée approuvé en 2019. pp.30 - 32

aux transports et axes de communication en encourageant les modes de déplacement doux. Un choix doit s’opérer quant à la réduction drastique de consommation d’espace par les infrastructures : Les villes de la métropole ont un seuil d’occupation de leurs « espaces urbanisables » quasiment saturé. L’objectif est de relocaliser les activités afin de déployer des dispositifs d’interconnexion et de recentralisation des activités entre les différentes communes. Le SCoT préconise donc un développement d’alternatives à l’usage individuel de l’automobile. L’aire toulonnaise manque cruellement de dessertes en ce qui concerne les transports en commun et les voies de circulation pour modes de déplacements doux. À l’échelle de chaque commune, les PLU édictent le cadre réglementaire du zonage et donc de l'évolution probable des paysages (du moins jusqu'à ce qu'ils soient mis à jour). Ils incarnent donc les politiques les plus susceptibles d'intercéder à l'échelle locale : ils organisent l'espace en fonction de documents de planification urbaine et mettent en application les préconisations et plans d'action décrits dans le SCoT, Plan Local de l'Habitat (PLH), Plan de Déplacements Urbains (PDU), Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE), etc. Au sujet de l'expansion urbaine, l'ensemble des PLU concernant la Plaine de la Crau (La Garde, La Crau, Solliès-Pont, La Farlède) semblent mettre en place une politique de maîtrise du développement urbain et de préservation des espaces naturels et agricoles. Ce défi lié à l'équilibre du territoire est pour ainsi dire, le corollaire de toutes les exigences mises en place par différents documents de planification. Bien qu'il soit en baisse depuis 20 ans, l'essor démographique généralisé de l'agglomération toulonnaise corrodant l'espace, et la conservation des terres agricoles, peuvent paraître deux guerres qu'il est difficile de mener sur le même front. Plusieurs stratégies sont mises en place par les PLU pour remédier à l'étalement urbain tout en continuant d'accueillir l'accroissement démographique.

77

78

LES STRATÉGIES EMPLOYÉES CONTRE UNE EXPANSION URBAINE INCONTRÔLÉE La vulnérabilité de certains sites à caractère forestiers ou agricoles est désormais prise en compte dans la rédaction des PLU. Le Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD), institué en décembre 2000 par la loi SRU déjà mentionnée, est un document associé à la rédaction des PLU, qui en définit les objectifs spatialisés des communes. C'est le document qui régit les principes fondamentaux des documents d'urbanisme en terme d'aménagements territoriaux. La mise en œuvre de ce document dans la lutte contre l'étalement urbain se traduit par des mesures concrètes, notamment par une centralisation de l'habitat au plus près des centres-villes.

Les mesures concernent par exemple, la réhabilitation des centres-villes, la production de logements de tailles réduites, la diversification des formes urbaines ou encore la différentiation de l'offre en fonction de la population ciblée66. Dans les faits, depuis ces dernières années, on voit effectivement apparaître un abandon progressif de l'habitat individuel pour des logements collectifs permettant de pallier la consommation d'espace. Les centre-villes subissent tous sans exception, de grands remaniements aussi bien esthétiques que fonctionnels, dans le dessein d'améliorer le cadre de vie des habitants et d'induire de nouvelles polarisations locales. Mais les objectifs en terme d'équilibre des paysages rentrent bien souvent en contradiction avec la demande en logements basée sur le scénario démographique tendanciel des communes67. Appliquer les préconisations du PADD implique de modérer la croissance urbaine des villes et par conséquent, de les contraindre à ne pas répondre aux demandes croissantes de leurs habitants potentiels.

Selon ce nouveau schéma d'aménagement engagé par les politiques de développement durable, les communes périphériques à la ville de Toulon ne tarderont pas à connaître le même sort que le pôle de l'aire urbaine : une saturation des zones constructibles. À court terme, les solutions proposées par le PADD peuvent s'avérer efficace.

La « verticalisation » du bâti, la revitalisation des centres-villes par la requalification de leurs artères principales ou la diversification des typologies de logements permettrait en effet, d'endiguer l'étalement des infrastructures sans entraver radicalement l'accroissement démographique des communes.

Une fois ces noyaux urbains densifiés et habités, la question des futurs asiles démographiques apparaît comme une évidence. On peut établir plusieurs scénarios relatifs à cet avenir encore incertain.

66

PLU - PADD de la ville de La Crau. 2011

67

PLU de la ville de Solliès-Pont. 2012. p.161

La Farlède

2009

2019

La Crau

2012

2019

▲ Photocomparaison : Émergence des logements collectifs à La Farlède et à La Crau Mise en œuvre des directives du PADD : "verticalisation" du bâti entre 2009 et 2019 à La Farlède (en haut) et La Crau (en bas) (C.P. : Google Street view)

◀ Carte schématique du rayonnement périurbain étendu de la ville de Toulon Matérialisation schématique d'une périurbanisation étendue. Les reliefs et les terres agricoles ne sont pas représentées

On peut dresser un tableau hypothétique de l'évolution des paysages en fonction des fluctuations démographiques.

Dans le cas d'un accroissement démographique tendanciel et d'un maintien des politiques en terme d'harmonie entre les paysages : on peut conjecturer la mise en place de nouveaux « cercles » périurbains et d'un étalement du bâti sur des communes encore préservées jusqu'à ce jour, en retrait dans les terres ou encore trop éloignées de l'influence directe de la métropole (document ci-contre).

Villes centres principales

Pôles urbains

Banlieues

Aires urbaines

Couronnes périurbaines Secondes couronnes périurbaines (futures)

Dans le cas d'un accroissement démographique tendanciel et d'un changement des politiques en faveur du développement économique : les PLU sont des documents évolutifs et révisés à l'aune des compatibilités avec les autres politiques. Les mises à jours concernent principalement les nouvelles directives et réglementations notamment en ce qui concerne le PADD. Les concertations et études effectuées et qui donnent en partie lieu à la rédaction de ces documents sont également susceptibles de les modifier. Dans le cas où l'économie métropolitaine importe plus que l'héritage agricole et forestier, les PLU pourraient être révisés en conséquence, au détriment de la cohérence des paysages. À l'instar des politiques visant à la protection des espaces agricoles, des politiques en faveur de l'expansion urbaine et des systèmes économiques qui lui sont propres pourraient bien faire pencher la balance en faveur d'une progression des infrastructures sur des zones nouvellement constructibles. Bien que les consciences aient évolué, malheureusement trop tard, en faveur d'une préservation des paysages agricoles, il n'en demeure pas moins que les plaines représentent les espaces idéaux de la marche périurbaine.

Dans le cas d'une baisse de la tendance démographique : L'application du système mis en place par les PADD et les PLU pourrait être viable à moyen et long terme parallèlement au développement de l'intercommunalité.

Espaces ruraux

79

80

RÉINTRODUCTION DE LA NATURALITÉ L'ENGAGEMENT DES COMMUNES DE PLAINE DANS UN PROCESSUS DE RENATURATION PONCTUEL Les derniers reliquats, plutôt sommaires, d'une « nature » encore un tant soit peu préservée en Plaine de la Crau se répartissent sur des espaces encore partiellement épargnés des activités humaines. Les risques d'inondations ou les inflexions particulières du relief représentent bien souvent des entraves à la conquête du bâti et donc au développement infrastructurel des villes et de leurs emprises. L'objectif d'une « renaturation » de ces espaces désormais enclavés dans les aires urbaines, représente une opportunité pour les villes.

En réalité, cet acte de gestion restauratoire correspond davantage à la volonté qu'ont les communes d'aménager ces espaces vacants afin de créer de nouveaux pôles attractifs. Ces zones inadaptées aux grands aménagements fonciers sont progressivement requalifiées en « parc forestier » ou en « parc nature ».

Le Plan d'Exposition aux Risques (P.E.R.) Naturels est l'un des règlement qui agit sur la réalisation des PLU. En fonction de zones définies comme « à risque » et classées selon leur exposition par un code couleur (zone rouge, bleue ou blanche), des restrictions précises en terme de travaux d'infrastructure sont appliquées. En zone rouge, la plus sensible, « tous travaux, installations, activités, constructions de quelque nature qu'ils soient » sont interdits, à l'exception de certains « travaux d'infrastructure publique [...] travaux d'entretien, de gestion » ou « destinés à surveiller et réduire les conséquences des risques », dans la mesure où ils n'en aggravent pas les conséquences.

Les zones bleues sont moins restrictives mais compromettent malgré tout l'implantation habituelle des infrastructures68. Bien que les PER aient été remplacés par les PPR, plus exigeants en matière d'environnement, ils sont encore employés dans certaines communes comme à La Garde, au Pradet ou encore à Toulon. La Crau, Les trois Solliès, La Farlède et Hyères font quant à elles, l'objet de la mise en place de PPR approuvés par anticipation69.

68 Plan d'Exposition aux Risques naturels prévisibles de mouvements de terrain et d'inondations de la commune de La Garde. Par le service d'Aménagement Durable de la Direction départementale des Territoires et de la Mer (Var). 2011 69 ligne)

Site de la Préfecture du Var. Page « PPRI du Var et carte d’avancement » (en

L'exemple de La Garde est le plus frappant en terme d'exploitation de l'espace puisque toutes les zones soumises à cette couverture particulière font l'objet d'une requalification sous la forme de parcs. Des aménagements publics d'envergure viennent structurer ces paysages marginalisés par les contraintes qui les caractérisent. Cette réhabilitation conduit généralement à un assainissement de ces surfaces, autrefois négligées.

Le Plan de La Garde est l'un des modèles exemplaires de ces nouvelles dispositions. Ces terres souillées par une ancienne décharge sauvage furent entièrement nettoyées lors de la mise en place de ce chantier de taille70.

L'avenir de la Plaine de la Crau se profile en faveur d'une saturation des espaces constructibles d'une part et d'une préservation moins certaine des terres agricoles d'autre part. Les derniers espaces « improductifs » se transforment peu à peu en « poumons verts » revendiqués par les communes71 de l'agglomération. Cette contingence représente en réalité une ressource avantageuse et exploitable par son attractivité. Mais ces vecteurs de naturalité sont-ils des lieux propices au développements d'écosystèmes naturels ou sont-ils de simples aubaines paysagères utiles à la prospérité des communes ?

70 « Le Parc nature du Plan de La Garde, le nouveau poumon vert du Var ». In : France 3 régions (en ligne) 71

« Le parc forestier du Thouars ». In : Hyères Tourisme (en ligne)

Espaces majoritairement forestiers Espaces urbains Espaces agricoles ou mixtes (ex: plaine inondable, friches, etc.)

Zones soumises aux risques de feux de forêt Zones inondables (IN. du PER) Zones de glissements de terrains/chutes de blocs et pierres (zones G. et C.B. du PER)

▶ Situation des « parcs » sur la ville de La Garde en fonction des aléas définis par le P.E.R. « Parc Nature » et « Parc forestier » sont des dénominations qui ne correspondent à aucun label officiel.

L'emploi de ce type de vocabulaire permet vraisemblablement de valoriser ces espaces marginaux

◀ Le « Parc Nature » du Plan de La Garde Le projet de « protection et de valorisation » de cette zone d'expansion de crues concerne la mise en place de nombreux aménagements destinés à accueillir un large public : 11 kilomètres de sentiers piétons, 5 km de pistes cyclables, 2, 5 km de pistes équestres, une maison départementale de la nature, un restaurant, un arboretum... (C.P. : C. Gicqueau©)

« Parc Forestier » du Thouars

« Parc Nature » du Plan

82

LE STATUT PRIVILÉGIÉ DES MASSIFS ET DES TERRES AGRICOLES PÉRIPHÉRIQUES Contrairement aux enclaves « naturelles » définies précédemment, les massifs et les zones agricoles les plus périphériques restent relativement préservées de lourds aménagements récréatifs ou d'interventions purement utilitaristes. L'intérêt écologique en est indéniable, sans qu'aucune passerelle ou autre imposante infrastructure n’investisse les lieux. Ces derniers font pourtant l'objet d'une gestion particulière relativement aux préconisations des PAPI72 et des PDPFCI73. Les espaces « naturels » n'existent pas vraiment.

Les massifs et ripisylves sont à la charge d'agents techniques missionnés ou de privés auxquels revient la gestion de leurs terres. À l'échelle des paysages, ces programmes spécialisés mettent en place des actions de prévention qui ont des répercutions directes sur la structure des espaces. Le PDPFCI ayant pour objectif de proposer un état des lieux de la connaissance et de la gestion du risque de feux de forêts, établit également une liste d'actions à réaliser pour en diminuer les dangers74. Parmi ces actions, l'obligation légale de débroussaillement agit directement sur l'état de la végétation : éloignement standardisé des houppiers les uns des autres ou des constructions, suppression des arbustes en sous étage d'arbres maintenus, coupe rase de la strate herbacée, ratissage, dégagement de voies d'accès, etc. Bien que les milieux à tendance rurale soient également soumis à une gestion humaine, ils restent néanmoins des milieux relativement préservés et représentent des réservoirs de biodiversité uniques, comme en attestent les inventaires ZNIEFF. Ces inventaires peuvent déboucher sur la mise en place de dispositifs de protection et de conservation comme avec le réseau Natura 2000, ayant pour rôle d'« assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés », et dont les enjeux de conservation sont sensibles à l'échelle européenne.

On pourrait espérer dans l'avenir, une continuité de la couverture de ce réseau, en lien avec la plaine et le massif des Maures ou avec le massif des Maurettes pour ce qu'il reste de naturalité en Plaine de la Crau. L'intérêt écologique des paysages agraires de la dépression permienne n'est plus à prouver, la majorité de son étendue fait déjà partie du réseau et le nombre d'espèces remarquables et déterminantes y est significatif.

72

*Programme d'Actions pour la Prévention des Inondations

73

*Plan départemental de Protection des Forêts Contre les Incendies

74 Site de l’observatoire Régional des Risques Majeurs en PACA. Page « Plan Départemental de Protection des Forêts Contre les Incendies PDPFCI (2006-2012) » (en ligne)

Embouchure de L’argens Val d’Argens Corniche varoise La plaine et le massif des Maures Îles d’Hyères Salins d’Hyères et Pesquiers Mont Caume - Mont Faron - forêt des Morières Falaises du Mont Caume Cap Sicié - Six-Fours

Plaine de la Crau Inventaires ZNIEFF de la Plaine de la Crau Sites Natura 2000 Zones non couvertes par le réseau

▲ Situation du réseau terrestre Natura 2000 dans le Var (2016) En couleur apparaissent les zones de protection et de conservation mises en place par le réseau. La Plaine de l'Argens et une portion de la Plaine des Maures en font déjà partie (Données : Site internet de l'Inventaire National du Patrimoine Naturel)

DE NOUVEAUX TRACÉS DE PISTES CYCLABLES ET INTRODUCTION DE MOYENS DE DÉPLACEMENT « DOUX » Le trafic routier constitue l’un des principaux désagréments connu de la population métropolitaine. Qu’on cherche ou non à développer et à conforter les pôles intercommunaux dans leur rôle de centres économiques secondaires, l’attrait pour la ville de Toulon n’est pas prêt de se dissoudre75. La voiture est un moyen de déplacement indispensable pour les habitants de la métropole, si bien que le trafic s'en retrouve largement impacté aux abords des villes. L'absence de dessertes cyclables entre les différentes communes oblige à l'emploi systématique des véhicules motorisés. Les transports en commun connaissent également certaines lacunes quant à leur tracé ou à leur fréquence dans certaines configurations. Les habitants des villes de Hyères, La Crau ou encore La Garde emploient régulièrement le train (un par demi-heure, dans le meilleur des cas) pour se rendre à Toulon. Cette alternative permet de pallier en partie, les complications du trafic pendulaire impliquant nombre d'employés travaillant dans les pôles d'activité ou dans les centres-villes.

Liaisons cyclables existantes

Liaisons cyclables "à aménager"

▲ Illustration du projet d'itinéraires cyclables mis en place par le SCoT Provence Méditerranée L'établissement de ce nouveau tracé permettrait de réaliser des liaisons interquartiers et intercommunes, de créer de nouveaux itinéraires littoraux et de développer des axes aujourd'hui exclusivement dédiés aux voitures comme dans la Vallée de Sauvebonne, entre La Crau et Pierrefeu (Tracé des pistes : SCoT Provence Méditerranée, 2019, documents graphiques)

Les pratiques de mobilité restent donc ancrées sur le modèle hégémonique de l'usage de la voiture. Les motifs de déplacements induisant ce phénomène de saturation perpétuelle des axes routiers ne concernent pas seulement les flux domicile-travail76, mais les achats, l'accompagnement ou encore les loisirs et promenades. De par sa configuration particulière, la ville de Toulon agit comme le goulot d'étranglement des flux : les montagnes au Nord et la mer, au Sud, catalysent la concentration des activités en un seul point. On peut également conjecturer que l'étalement latitudinal de la ville, imposant sur le déploiement d'axes routiers Est-Ouest, a conduit les villes à faire des choix quant au développement de certains modes de déplacement, au détriment des autres.

Pourtant les nouvelles politiques publiques encouragent les modes de déplacement doux, dans les projets de développement durable, comme la marche à pied ou la pratique du vélo. L'objectif du SCoT est d'assurer de nouvelles liaisons cyclables entre les villes de l'aire étendue de la métropole toulonnaise. Cette initiative permettrait à la fois d'encourager les habitants à changer leurs habitudes en faveur des préconisations des politiques relatives à l'environnement et de créer des connexions « douces » entre les villes et les espaces « naturels ».

75 Diagnostic de secteur - Vallée du Gapeau. Document de travail SCoT Provence Méditerranée, 2005 76

Rapport de présentation - Partie 1/2. SCoT Provence Méditerranée. p.45 83

84

SYNTHÈSE GRAPHIQUE DES SCÉNARIOS

en ts le co c t li fs em Lo g

Fi g

ue

Vi g

ra i

ne

s

AO

AO e

▼ Blocs illustrant la verticalisation progressive des noyaux urbains : Collectivisation des habitations à Solliès-Pont

C

P

▼ Blocs illustrant la transition d'un système agricole polycultural vers un modèle de parcelles agricoles homogénéifiées à La Crau

2030

di in s L vi oge du m el e s nt

cé ré as

ar aî

C liè ult re ur s e

m C ch ult èr ure es s

Pa rc el

le

m

ix

te

-

-

2020

es

D C 12 ra re u lia à n Pi t er La re fe u

r

tie

-

cu

re s

ix te s

m

sp é

C in ou ég ve al rt fo

Zo n

P la arc tiv e es lles

C ré vo atio ie n cy d' cl un ab e le

ve r ho t fo m re og st èn i er e

Co u

Ex p co loit le ati de on s ag z m on rii x es te s

le L ph cti oge é r fs e m i e n en di pé ts re ri ct e

co l

▼ Blocs illustrant un partitionnement des paysages mieux défini : La Moutonne à l'interface de différents paysages compartimentés ▼ Blocs illustrant le développement de voies cyclables en paysage agraire : La Vallée de Sauvebonne

2030

2020

85

86

CONCLUSION La Plaine de la Crau et les plaines méditerranéennes dans leur exhaustivité, sont le siège d'une tradition agricole immémoriale. Elles demeurent encore un atout important des terroirs méridionaux. Cet héritage a su perdurer malgré les vicissitudes séculaires et connaît à ce jour, une renommée d'envergure internationale. Néanmoins, le changement de paradigme écologique et économique opéré durant le siècle dernier fut si brutal que l'ensemble des pratiques agricoles ont été bouleversées et mises à mal. Tout d'abord, les monts et collines, sanctuaires des pratiques pastorales et agricoles typiques, ont été les premiers exposés aux importantes transformations liées aux politiques de reboisement. Les emblématiques oliveraies cultivées en restanques furent délocalisées en plaine, lieu de prédilection de tout les types de culture. Ces premiers remaniements ont certes impacté la structure des paysages, mais ont été peu dommageables aux pratique agricoles locales, qui ont perduré en Plaine de la Crau.

Fondamentalement, le déséquilibre des pratiques établies provient de la proximité du territoire étudié avec les grandes villes littorales comme Toulon ou Hyères. La topographie particulière des côtes varoises, extrêmement escarpées et profondément découpées, a conduit les villes, dont le développement est lié aux dynamiques maritimes, à s'étendre dans les plaines de l'arrière pays. Ces espaces rares et précieux font l'objet d'un regain d'intérêt, non pas pour la qualité de leurs terres ou le patrimoine agricole dont ils sont l’assise, mais bien pour la disponibilité des espaces mis à disposition. Cette manne providentielle n'a pas eu à attendre longtemps avant d'être dévorée par les appétits des villes et leurs expansions frénétiques. La Plaine de la Crau, enserrée entre deux entités conquérantes, est devenue la proie désignée de la périurbanisation. On ne peut certes blâmer les villes consommatrices d'espaces d’accueillir, par nécessité, une démographie galopante, attirée par de nombreuses opportunités d’emplois ! De ce fait, la plaine est forcée d’accueillir ce trop plein dans une grande désorganisation. Cette portion de territoire qui s'étend de Toulon à Hyères s’est vue déstructurée et défaite de son harmonie par une occupation du bâti erratique qui a donné lieu à des phénomènes de mitage, avant que soient mises en place les politiques relatives à la préservation des entités paysagères dans un soucis d'équilibre et en faveur d'une mixité contrôlée. De nos jours, la Plaine se comporte comme une entité particulièrement complexe, entre ville et campagne, entre tradition et renouveau, sur fond de nature et de culture...

Les politiques influant efficacement sur l'endiguement des pratiques désordonnées, opérées à partir de la fin du XIXe siècle, n'ont été mises en place qu'après la somme des tribulations subies. À défaut de pouvoir rétablir les paysages dans leur forme originelle, ces documents régissent désormais l'organisation spatiale des territoires dans l'objectif d'en découdre avec les pratiques abusives ou les initiatives ponctuelles mercantiles. Ces programmes d'action mettent en application les préconisations gouvernementales et sont adaptées à mesure des réformes et autres révisions. En présumant que les décisions gouvernementales évoluent dans le sens de la valorisation du patrimoine et du soucis écologique, on peut conjecturer une organisation territoriale relativement similaire à celle que l'on connait aujourd'hui. Les espaces propices aux pratiques agricoles ou à l'expansion urbaine en la Plaine de la Crau, tels qu'ils sont définis par les SCoT ou les PLU, sont plus ou moins calqués sur le découpage existant. Une fois les quelques zones à urbaniser saturées, les ZAP circonscrites et les périmètres Natura 2000 établis, la Plaine de la Crau n'aura pas vocation à se développer outre mesure, quelque soit l'entité paysagère considérée. Les mutations à prévoir sont d'ordre interne : une verticalisation du bâti dans les villes, des parcelles de produits AOC et AOP ou relatives à des types de pratiques innovantes et audacieuses en terres cultivées et une gestion plus efficace des forêts sur les massifs.

Longtemps la nature s’est pliée avec docilité aux aspirations de l’Homme, pour le nourrir et accueillir son habitat, jusqu’à saturation, à force d’être malmenée par son insolence et son esprit de lucre... Aujourd’hui, s’est amorcée une prise de conscience, et l’on assiste, encore trop discrètement, à des mutations inhérentes aux nouveaux courants de pensée soucieux de l’environnement et de notre héritage culturel.

Cette éveil lucide et progressif amène à considérer la nature avec plus de respect, et comme l’un des piliers décisifs de notre structure sociale, économique, humaine. La nécessité de préservation des écosystèmes devient peu à peu une évidence... Les produits de nos terres sont d’éminents ambassadeurs de notre identité régionale... L’être humain aspire à une certaine harmonie...

L’on retrouve ces préoccupations de manière nouvelle à l’échelle du territoire que nous venons de parcourir. Les dispositions récentes mises en place dans sa gestion, peuvent laisser espérer une évolution plus respectueuse de l’environnement. S’il apparaît impossible de retrouver l’intégrité originelle de ce paysage, on peut tout de même regarder l’avenir avec un optimisme raisonnable, dans la perspective d’un aménagement plus éco-responsable et soucieux de conserver notre patrimoine fondamental.

87

88 Document réalisé dans le cadre d’une étude départementale, 1991

BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES, REVUES, PAGES INTERNET ET DOCUMENTS D’AUTEURS COSTE, M. et FURSTER, J.F. « Le Parc nature du Plan de La Garde, le nouveau poumon vert du Var ». In : France 3 PACA [en ligne][DC : 25/04/20]. Disponible à l’adresse : f rance3-regions.f rancetvinfo.f r/provence-alpes-cote-d-azur/var/toulon/le-parc-nature-du-plan-de-la-garde-le-nouveau-poumon-vert-du-var-952045.html COUMOUL, A. Mémento roches et minéraux industriels - Carbonates calciques et magnésiens et produits dérivés à l’usage industriel et agricole. Document BRGM, décembre 2000 DAGORNE, A. « L’artificialisation des espaces côtiers littoraux méditerranéens ». In : CHAUSSADE, J. dir. Norois, Revue géographique de l’ouest et des pays de l’Atlantique Nord n°133-135 - Espaces côtiers et sociétés littorales. Colloque international des 28, 29 et 30 novembre 1986 à Nantes. Université de Nantes, 1987, n°133-135. pp. 181-200.

DALIGAUX, J. MINVIELLE, P. et ANGLES, S. « Paysages de l’agriculture littorale dans le Var : éléments d’explication, points d’interrogation et pistes de réflexion ». Méditerranée. Espaces agraires, dynamiques paysagères, structures foncières, acteurs et planification. 2013, n°120. pp. 87-98 DELMONTE F. L’enjeu électoral des rapatriés à Toulon et dans le Var dans les années 60. Résumé d’un mémoire DEA soutenu à la Faculté de Lettres de Nice, Université de Nice. 1998 DONEDA C. Les Italiens dans le Var de 1850 à nos jours : démographie, impacts économiques et parcours migratoires. Thèse de doctorat, Civilisations et Sociétés Euroméditerranéennes et comparées, Université de Toulon, 2014 FERRIER, J.P. « Les atouts solaires du Var ». In : Cahiers de la Méditerranée. n°22, 1. le Var : permanences et modernités. 1981. pp. 75-93 GEULJANS, R. « La Crau, définition ». In : Dictionnaire étymologique en ligne de la langue occitane [en ligne][DC : 08/04/2020]. Disponible à l’adresse : etymologie-occitane.fr/2012/12/crau/ JUILLARD, E. Le département du Var - 1790 1990 - Métamorphoses d’un territoire.

MOUMEN, A. « De l’Algérie à la France. Les conditions de départ et d’accueil des rapatriés, pieds-noirs et harkis en 1962 ». Matériaux pour l’histoire de notre temps. vol.

99, n°3. 2010. pp. 60-68 PARENT, H. « Géologie locale - Les cours d’eau ». In : Histoire de l’eau à Hyères [en ligne][DC : 20/04/20]. Disponible à l’adresse : histoire-eau-hyeres.fr/460-geologie-loc2. html RAINAUD, A. « La Crau ». In : Annales de Géographie. t. 2, n°6., 1893 pp. 189-211 RINAUDO, Y. « Le cas de la Provence ». In : La forêt méditerranéenne d’hier à aujourd’hui. t. 10, n°1, juillet 1988. pp. 20-25 RINAUDO, Y. Le Var Autrefois. Le Coteau, Éditions Horvath, Coll. Vie quotidienne autrefois, 1986 SENEQUIER, E. Toulon, chef-lieu du Var. Toulon, 1861 SIMON, G, dir. La Crau, des origines à nos jours. La Crau, 1991 TRAVI, Y. « L’hydrogéologie de la partie occidentale de la dépression permienne bordant à l’Ouest le Massif des Maures (Bassin de Cuers) ». In : Géologie Méditerranéenne. t.9, n°2, 1982. pp. 129-138 « La structure du vignoble du Var ». In : Etudes et conjoncture - Institut national de la statistique et des études économiques. n°12. 1955. pp. 1068-1082

DOCUMENTS OFFICIELS

Plan local d’urbanisme de la ville de la Crau. Approuvé le 21/12/2012, révisé le 27/03/2019 [Document PDF] Plan local d’urbanisme de la ville de Solliès-Pont. Approuvé le 19/04/2012, révisé le 19/12/2017 [Document PDF] Article de la rédaction de Presse Agence. dir. CARVOYEUR, G. « TOULON : Parc Naturel du Plan (PNP), la ville de La Garde cède ses terrains au Département ». In : Presse Agence [en ligne][DC : 25/04/2020]. Disponible à l’adresse : presseagence.fr/ lettre-economique-politique-paca/2017/01/31/toulon-parc-naturel-du-plan-pnp-laville-de-la-garde-cede-ses-terrains-au-departement/

Données & chiffres-clés dans la forêt méditerranéenne (Zoom sur le Var), 2015. Document créé à l’initiative des Communes forestières et de la Région PACA par l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne [en ligne] [DC: 28/04/20]. PDF disponible à l’adresse : ofme.org/documents/Chiffres-cles/Zoom-dep/2014_Chiffres_cles_zoom_ dep83.pdf Panorama de l’horticulture dans le Var, Etude n°71, Avril 2012. Document à l’initiative de la DRAAF PACA, des DDTM et des chambres d’agriculture du Var et des Alpes Maritimes [en ligne][DC : 04/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : draaf.paca.agriculture. gouv.fr/IMG/pdf/71_Paca_Horticulture_deptVar_cle8de937.pdf Inventaire ZNIEFF de type 2 : Ripisylves et Agrosystèmes de Sauvebonne et de Réal Martin (n°930020277), 2016 [en ligne][DC : 12/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : inpn.mnhn.fr/docs/ZNIEFF/znieffpdf/930020277.pdf Élaboration d’un programme de travaux de restauration, d’entretien et de mise en valeur du Gapeau et de ses affluents (Rapport d’étude allégé), Décembre 2015. Document rédigé par le Syndicat Mixte du Bassin Versant du Gapeau (SMBVG) [en ligne] [DC : 15/04/2020]. PDF disponible à l’adresse: smbvg.fr/wp-content/uploads/2015/11/ Diagnostic_Phase1-allégée_ENTRETIEN_VF29032016.pdf Changements climatiques et impacts sur la viticulture en France, Août 2009. Document rédigé à l’initiative de Greenpeace France, Paris [en ligne][DC : 17/04/2020].

PDF disponible à l’adresse : cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2017/02/changementsclimatiquesimpactsviticulturefrance.pdf Destination La Garde, La cité provençale au charme méridional, 2017. Brochure touristique réalisée par la ville de La Garde [en ligne][DC : 20/04/2020]. PDF disponible à l’adresse : ville-lagarde.fr/wp-content/uploads/2017/02/Guide_Touristique.pdf La Crau - portrait d’une agriculture périurbaine, Septembre 2009. Document rédigé par la ville de la Crau [en ligne][DC : 20/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : villedelacrau.f r/docs/actualites/novembre2009/portrait_agriculture_periurbaine_ page21_40.pdf Convention Européenne du Paysage, octobre 2000. Document signé par les Etats membres du Conseil de l’Europe [en ligne][DC : 27/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/convention_europ_paysage_cle5a1e56-2.pdf Projet d’aménagement et de développement durables. Document SCoT Provence Méditerranée approuvé par délibération du comité syndical n° 06-09-2019/06/401 en date du 06 septembre 2019, exécutoire le 4 décembre 2019 [Document PDF] Document d’orientation et d’objectifs. Document SCoT Provence Méditerranée approuvé par délibération du comité syndical n° 06-09-2019/06/401 en date du 06 septembre 2019, exécutoire le 4 décembre 2019 [Document PDF]

Diagnostic de secteur - Vallée du Gapeau, 2005. Document de travail SCoT Provence Méditerranée [Document PDF] Rapport de présentation - Partie 1/2. Document SCoT Provence Méditerranée approuvé par délibération du comité syndical n° 06-09-2019/06/401 en date du 06 septembre 2019, exécutoire le 4 décembre 2019 [Document PDF] Rapport de situation en matière de développement durable, 2015. Document rédigé par la communauté d’agglomération Toulon Provence méditerranée [en ligne] [DC : 28/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : metropoletpm.fr/sites/new.tpm-agglo. fr/files/rapport_devdurabletpm2015.pdf Fiche technique relative aux objectifs et modalités de fonctionnement de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), 2019. à l’initiative du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation [en ligne][DC : 29/05/2020]. PDF disponible à l’adresse : cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-07/L19088_CDPENAF_docMontage_0.pdf Plan d’Exposition aux Risques naturels prévisibles de mouvements de terrain et d’inondations de la commune de La Garde, 2011. Par le service d’Aménagement Durable de la Direction départementale des Territoires et de la Mer (Var) [Document PDF]

SITOGRAPHIE

- Glossaire Eau & Milieux aquatiques [en ligne][DC : 05/04/2020] glossaire-eau.fr/ - Site de la préfecture du Var [en ligne][DC : 08/03/2020] var.gouv.fr/ - Site du département du Var [en ligne][DC : 12/04/2020] var.fr/ - Site du Figaro nautisme [en ligne][DC : 18/04/2020] figaronautisme.meteoconsult.fr/ - Site de la DRAAF PACA [en ligne][DC : 17/04/2020] draaf.paca.agriculture.gouv.fr/ - Site du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales [en ligne][DC : 25/05/2020] cohesion-territoires.gouv.fr/ - Site de l’Institut National de Statistique et des Études Économiques (INSEE) [en ligne][DC : 20/04/2020] insee.fr/fr/accueil - Site PLU en ligne [en ligne] [DC : 28/05/2020] plu-en-ligne.com - Site de la chambre d’agriculture PACA [en ligne][DC : 28/04/2020] paca. chambres-agriculture.fr/ - Site de la Safer PACA [en ligne][DC : 28/05/2020] safer-paca.com 89

BRUNO PANCRAZI Mémoire personnel d’étude et de recherche (Mémoire cent ans de paysage) Rédigé dans le cadre de la première année du Diplôme d’État de Paysagiste (DEP1) - Année 2019 / 2020 • École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux (ENSAPBx)