Brazzamag num 4 décembre février 2017:2018

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CHRONIQUE

Investir

Interview croisée « Nous voulons faire émerger des champions régionaux » Même costume, même cravate. Il n’y a pas une feuille de papier à cigarettes entre Régis Matondo et Loïc Mackosso. Des frères d’armes au bureau, également beaux-frères par alliance. Ils dirigent une société de conseil financier à Brazzaville, Aries investissement. Aries, comme le bélier, « l’animal audacieux qui franchit les lignes et brise les barrières », sourit Loïc Mackosso. Les deux associés s’apprêtent justement à en franchir une : ils vont lancer, courant 2018, un fonds d’investissement de 35 millions d’euros destinés au PME et aux start-up. - Par Antoine Rolland.

LOÏC MAKOSSO

B

razzamag : Vous n’allez plus seulement conseiller les entrepreneurs auprès des banques, vous les financerez directement. C’est une étape pour Aries…

Loïc Mackosso : Nous allons compléter notre offre de service en intégrant la possibilité de financer des projets via le fonds ! On a vu des projets excellents et rentables passer à la trappe. Les fonds d’investissement nous répondaient : "C’est génial, mais on a déjà un autre projet similaire." C’est dommage ! Quand on observe le paysage financier, il est monochrome : a ce jour, il n’est composé que d’institutions de microfinance, des banques commerciales et de développement. Mais pas de fonds d’investissement congolais, qui propose autre chose que de la dette et qui soit réellement impliqué au niveau local. Régis Matondo : Notre inspiration, c’est de faire émerger des champions nationaux qui seront ensuite des champions régionaux, au niveau la CEMAC. Les entrepreneurs pensent trop souvent au Congo, mais le championnat est plus vaste ! La RDC, par exemple, c’est 18 millions d’habitants, à quinze minutes à peine. Que cela prenne plus de vingt ans, mais au moins, on veut initier le mouvement. Brazzamag : Quel secteur a le plus grand potentiel de croissance ? Régis Matondo : Sans hésiter, ce sont les services. Le Congo a beaucoup de matières premières, certes, mais doit développer ses métiers de service. C’est la voie royale, autrement dit ce qui est le moins coûteux en investissements et ce qui peut être rentable très rapidement. Loïc Mackosso : Au contraire, l’agriculture demande de gros investissements, beaucoup d’infrastructures. C’est la même chose pour l’industrie. Et puis comment se démarquer ? Rapidement être compétitifs à côté de la Chine ? C’est difficilement réalisable. On peut réussir en dehors du pétrole au Congo, qui représente quand

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RÉGIS MATONDO

même 40 % du PIB ? Régis Matondo : Bien sûr ! La diversification est une réalité. Loïc Mackosso : C’est vrai qu’en termes de revenus, l’économie n’est pas encore diversifiée. Mais quand on voit des statistiques, les entrepreneurs congolais occupent tous les secteurs d’activité. Nous rencontrons tous les jours des chefs d’entreprise qui s’investissent et développent des activités dans divers secteurs de l’economie (agrobusiness, collecte et traitement des déchets…). L’étape suivante est d’en faire des champions, des leaders. La crise économique que traverse le pays ne risque-t-elle pas d’empêcher cette émergence ? Loïc Mackosso : Non, au contraire. Les champions de demain sont ceux qui vont émerger pendant cette crise. La crise est une opportunité en ce qu’elle nous oblige à nous réinventer, à moins dépendre des marchés, à créer, explorer de nouveaux métiers. Régis Matondo : La crise est une chance. Elle nous permet de faire le tri, de mettre en avant celui qui a envie d’aller chercher des parts de marché. L’entrepreneur, c’est celui qui « saute de la falaise et qui parvient à trouver le moyen de fabriquer un planeur avant de toucher le sol ». La crise nous contraint à tenir compte de cette réalité entrepreneuriale. Nous sommes très optimistes pour les années à venir. Est-ce qu’il ne manque pas une culture du business au Congo, qui a longtemps été un pays communiste ? Loïc Mackosso : Disons que c’est une culture qui commence à émerger. Mais elle existe ! Régis Matondo : Ce n’est pas dans les us et coutumes d’accueillir un investisseur extérieur qui amène non seulement de l’argent, mais aussi de l’expertise, qui s’implique dans la gestion de l’entreprise. C’est


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