Les cahiers du patrimoine de Bolivie - No.03

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les cahiers du patrimoine de

BOLIVIE n °3

- ÉtÉ 2013

Le système routier andin

QhapaQ ñan Candidat au patrimoine mondial de l’UNESCO

Le textile Yampara-Tarabuco ● Potosi, la ville aux veines argentées ● Marraqueta, le pain de La Paz ● La gastronomie par la Poste


: hay haenen photo

textiLe Yampara tarabuco photo : archive abi

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otosi

Patrimoine mondial

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Le textiLe Yampara-tarabuco

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brèves

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potosi patrimoine mondial

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Les mYthes des rivières bermejo et piLcomaYo, tarija

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: QhapaQ NaN

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dossier

chroNiQue de L’hédoNisme La marraQueta

:

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ythes et rivières

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timbres : La gastroNomie par La poste

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parc NatioNaL madidi

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photo : abi/edL

et la danse du pujllay-ayarichi

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brèves

: Cesar anGeL CataLan

sommaire

dossier

: Le QhaPaQ Ñan

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Les cahiers du patrimoine de Bolivie numéro 3 - août 2013 direction : sergio Caceres Coordinatrice de rédaction : Jennifer sauvage Mise en page : anne Leïla ollivier - atelier aLo imprimé par : Le ravin bleu ont participé à ce numéro : Liz Grousset-Cachi, nuria sanz, ramon rocha Monroy, alex Villca-Limaco. photo de couverture : tony suarez Les cahiers du Patrimoine de BoLivie sont une publication de la déLégation Permanente de L'etat PLurinationaL de BoLivie auPrès de L'unesco ambassadeur délégué permanent : sergio Caceres G. 1 rue Miollis – 75015 • tél : 01 45 68 30 39 courriel : delegation@bolivia-unesco.org web : boliviaenlaunesco.com/info

photo : Louise Greco

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parc national


breves Les insectes se servent crus ou frits !

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es danses du Siringuero Castañero et du Pescador Amazónico ont été déclarées patrimoine culturel de la Bolivie en septembre 2012. Ces danses, originaires du département de Pando, représentent respectivement la tâche des collecteurs de caoutchouc et de châtaignes et celle du pêcheur amazonien. La préservation et la sauvegarde du patrimoine culturel sont une priorité de gestion de l 'Etat bolivien car il y voit une opportunité de renforcer les processus éducatifs et historiques sur l'ensemble du territoire national. La Bolivie s'appuie sur les principes d'interculturalité, d'interinstitutionnalité et la participation sociale comme piliers de la conservation de son patrimoine culturel.

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ans l'Amazonie bolivienne, manger des insectes est une question de santé et de tradition. Le tuyu tuyu, ver de couleur jaune, et le tujo, fourmi volante au goût de cacahuète, se servent crus ou frits, souvent accompagnés de riz et de miel. Ces insectes sont reconnus pour leur valeur nutritive, leur saveur et leurs vertus curatives pour les rhumes et les maux pulmonaires. Il est possible d'en trouver dans les tropiques de Cochabamba ou dans les départements de Béni, Pando, Santa Cruz et La Paz. Avis aux romantiques : il paraît que le tuyu tuyu est aphrodisiaque !

danses du pando, patriMoine cuLtureL de BoLivie

La Morenada reine à eL aLto

p photos

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lus de 25 000 danseurs ont participé à la nouvelle version de l'événement folklorique de la zone du « 16 » juillet dans la ville d' El Alto. La Morenada, danse reine de cette célébration en l'honneur de la Vierge du Carmen, plaît particulièrement pour son rythme cadencé par le son des matraques, symbolisant les chaînes des esclaves morenos.

LanceMent de La ichapekene piesta 2013, patriMoine de L'huManité

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a Ichapekene Piesta, nommée patrimoine immatériel de l'humanité par l'UNESCO en décembre 2012, sera lancée le 19 juillet de cette année 2013 à San Ignacio de Moxos. Fête traditionnelle célébrée depuis plus de 600 ans dans la municipalité de Moxos, la Ichapekene Piesta accueille chaleureusement, comme chaque année, tous les visidr teurs et personnes souhaitant participer à la fête. 3


TIssUs

Le textiLe Yampara et la danse du pujllay-ayarichi Par

Liz gousset cachi

crédit photo

L’art textile andin représente la plus haute expression des diverses cultures indigènes de Bolivie, particulièrement celles de langue quechua, aymara et de l’orient bolivien qui ont su conserver ce savoir-faire. chez les Yampara-tarabuco, communauté de langue quechua de plus de 30 000 habitants, ces textiles sont sublimés à travers le Pujllay-ayarichi, danses symbolisant respectivement la période des pluies et les temps de sécheresse. Le Pujllay-ayarichi, en tant qu’effort collectif immense pour la confection de ses costumes, de ses instruments et sa mise en scène, est candidat à la liste du patrimoine immatériel de l'unesco en 2014.

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tement de Chuquisaca, au sud-ouest de la bolivie. our comprendre les andes, il est indispensable entre ces communautés existe une unité évidente qui de comprendre le textile. Les tissus produits aus'exprime à travers leurs costumes, la musique et jourd’hui en bolivie reflètent la pensée, la cosmovision, la Les tissus produits au- les danses telles que le pujllay et l’ayarichi, exéJourd’hui en boLiVie rerelation avec le monde environnant fLètent La pensée, La cutées lors de chaque grand événement culturel et l'imaginaire des groupes basés CosMoVision, La reLa- ou politique. Chaque année, le troisième disur leur propre langage esthétique. tion aVeC Le Monde enVi- manche de mars, plusieurs dizaines de commupar conséquent, les tissus n’ont pas ronnant et L'iMaGinaire nautés viennent célébrer la fête du Pujllay (« jeu » en quechua) pour commémorer la bataille de pour seule fonction de couvrir le Jumbate où les guerriers yamparas ont vaincu les corps physique mais ils sont aussi porteurs de mestroupes espagnoles durant la guerre de l’indépendance sages profonds destinés aux communautés ellesen 1816. L’incroyable complexité des costumes des mêmes. Ce langage symbolique, à travers son système danseurs yampara-tarabuco fait appel à des techniques iconographique, révèle les mythes, l'environnement et des savoirs très diversifiés. Ces costumes se comécologique et les conditions sociales propres à chacune posent d’une grande quantité de pièces et chacune de ces communautés, comme nous pourrons le voir d'entre elles est élaborée jusqu’au détail le plus infime. chez les yampara-tarabuco. Ceux qui savent travailler le cuir, les métaux, broder Les danses du Pujllay-ayarichi, sublimation du et tisser les pièces principales concourent tous ensemtextile chez les communautés yampara-tarabuco. ble à donner son sens à la danse.

La grande communauté yampara-tarabuco est répartie sur dix municipalités dans tout le territoire du dépar-

danseur de pujllay 4


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tarabuco

photo

: Linda de VoLder


TIssUs Le Tata Pujllay, entité démoniaque évoquée par les costumes de la danse.

photo : Min.CuLturas

Danseurs de Pujllay

photo : Linda de VoLder

Le toqoro

Le Tata Pujllay par les hommes Les costumes de la danse du Pujllay sont d'une rare beauté. Les hommes sont vêtus d'un pantalon court blanc (calzon), d’une chemise (almilla) noire, de deux petits ponchos (unku) accrochés au cou et un autre, en forme de losange, attaché aux hanches (sik’i unku). Ils portent des sandales (ojotas) munies d’un éperon qui, lors de combats, indiquait par son bruit particulier l’approche des guerriers aux ennemis. Ils sont dotés aussi d’une ceinture de cuir ornée de dessins, d’un petit sac (ch’uspa) pour la feuille de coca et d’une cinta, ruban spacieux semblable à une cape brodée où est représentée la scène du pukara pendant la fête du pujllay. vêtus de costumes traditionnels porteurs de sens, les danseurs voient leur état émotionnel totalement transformé lors de la danse.

photo : Min.culturas

Le ch'umpi est la ceinture qui permet de maintenir l'axu.

Les ojotas, sandales hautes utilisées pour la danse du Pujllay photo : Liz Grousset CaChi

photo : Linda de VoLder

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TIssUs Le pujllay et l'ayarichi sont pratiqués par diverses communautés indigènes de la culture yampara. Le premier s’inscrit dans un rituel césous La CoLonisation, Les lébrant le renouveau de la vie et textiLes s’ornaient de l'abondance que promet l'arrivée dessins de styLe ba- des pluies. La danse et les cosroque, fLeurs ou Che- tumes évoquent le « tata pujllay Vaux, pour que Leurs », entité démoniaque à l'énergie Créateurs ne soient pas débordante qui apparaît tantôt soupçonnés d'idôLatrie. sous la forme d’un cheval, tantôt sous celle d’un cavalier. Les musiciens du pujllay jouent de différentes flûtes (la plus petite appelée pinkillo et la plus grande toqoro) accompagnée d'une clarinette en corne (wajra). Les

danseurs sont vêtus comme le « tata pujllay » et tournent infatigablement autour de la Pukara, autel orné d'aliments édifié en signe d'abondance. L'ayarichi se danse pendant la période sèche, lors des fêtes dédiées au saints catholiques, qui régissent l'ordre social et cosmique et influent sur le maintien de la vie. il se compose de quatre musiciens-danseurs qui, chacun à leur tour, jouent de la flûte de pan et du tambour accompagnés de deux ou quatre jeunes danseuses (taki). Le machu kumu, personnage comique, guide la troupe. L'ayarichi est une danse dont les mouvements sont contenus et réduits, exprimant ainsi les restrictions qu'impose la sécheresse.

L'axu, jupe tissée d'histoire

photo : Ministère des CuLtures

La pièce fondamentale de la garde-robe des femmes est l'axu (ou aqsu), jupe de deux pièces cousue au niveau de la taille et ajustée avec une ceinture nommée chumpi. Cette pièce capitale évoque le monde social et tout ce que l'être humain yampara ou tarabuco maîtrise par son expérience et rappelle la guerre contre les colons avec le mythe du « Tata Pujllay ». L'axu expose également des scènes de rite tels que le pukara, autel d'offrandes muni de cruches de chicha (alcool de maïs) et des croix, ou encore des motifs de danseurs tissés jusqu’au plus infime détail.

Détails de l'axu : au centre une rivière en forme de zig zag (kenko), autour des condors et lamas et sur les bords des chevaux.

photo : Liz Grousset CaChi

photo : Liz Grousset CaChi

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Les chapeaux de Tarabuco Le chapeau est lui aussi un accessoire symbolique qui permet de déterminer l'état civil de la femme. si celle-ci porte une montera (chapeau en forme de casque de conquistador espagnol), cela signifie qu'elle est en couple et si elle porte un juq'ullu (chapeau avec une frange en perles), qu'elle est célibataire.

Montera

Juq’ullu

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: Linda de VoLder


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À partir de 1572, les réformes de toledo ont mis en place le système d'haciendas, des réductions indigènes et de l'inquisition. dans ce contexte où s'est fomentée la rébellion indigène, la figuration textile fut interdite car soupçonnée de véhiculer les anciennes croyances andines. sous la colonisation, les textiles s’ornèrent ainsi de dessins de style baroque, fleurs ou chevaux, afin que leurs créateurs ne soient pas soupçonnés d'idôlatrie. actuellement, la plupart des motifs iconographiques s'inspirent de l'environnement et des animaux qui se retrouvent dans le monde immédiat des communautés (oiseaux de basse-cour, chevaux, condors, renards, lamas, insectes, chiens, chats, ânes...). Les femmes maintiennent l'aspect vivant de la création textile en commençant toujours un motif tissé par la tête avant le reste du corps, comme un enfant qui serait en train de naître. de même, dans une pièce carrée, elles ne coupent jamais les bords d'un motif car ceux-ci sont considérés comme des êtres vivants. Les textiles tarabuco se tissent généralement avec de la laine de mouton et dans le pallay (espace de dessin sur le tissu), elle est mêlée avec le coton, ce qui lui donne son relief caractéristique. dans le pallay les tons tranchés noir, bleu, rouge brillant, permettent d’identifier les motifs, tissés sur fond blanc pour donner la lumière. -

: Linda de VoLder

Les tissus, véhicule de la cosmovision andine

Jeune danseur de Pujllay

Le mythe des Sunqu Mikhuq (« mangeurs de cœurs ») La montera de Tarabuco, chapeau en forme de casque de conquistador espagnol, évoque le mythe des Sunqu Mikhuq : en 1816 eut lieu la bataille sanglante entre les indiens Yamparaez et les conquistadors espagnols sur la routes qui mène à Jumbate, village de Tarabuco. L’histoire locale raconte que les habitants de Tarabuco ne firent pas de quartier, massacrant toute la troupe espagnole, mutilant les cadavres en leur arrachant le cœur et menaçant de dévorer ceux qui oseraient revenir. Ils ne laissèrent repartir qu’un survivant épouvanté, l'homme au tambour, afin qu’il rapporte à son état-major comment étaient traités les envahisseurs. La montera qui se porte encore de nos jours définit cette volonté forte des habitants de Tarabuco de ne pas laisser leurs traditions s'envoler avec le temps. 9


MIsCéLanea La vierge de urkupiña céLéBrée par Les danses autochtones

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lus de 30 groupes de tinku, pujllay, moceñada et de ula ulas vont venir ouvrir la grande fête religieuse et culturelle de la Vierge de Urkupiña qui aura lieu le 11 août 2013 à Quillacolo. Cette fête, destinée à promouvoir la foi en Bolivie et même au-delà de ses frontières, vient célébrer la Vierge pour lui demander santé et bénédiction. Les danses autochtones, ayant retrouvé leur place dans cette cérémonie il y a quatorze ans, sont effectuées par des Boliviens de nombreux départements : Tarija, Sucre, Oruro et La Paz. Cet hommage à la Vierge est également célébré dans de nombreux autres pays.

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Le teMpLe de san Juan de chiquitos

festiBLues 2013

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a Paz a accueilli pour la première fois cette année le Festiblues, une rencontre entre les meilleurs groupes de blues boliviens. Ce festival qui a lieu chaque année dans la ville de Santa Cruz (cette année du 28 juin au 2 juillet) s'est invité à La Paz les 5 et 6 juillet derniers avec beaucoup de succès. Les groupes boliviens Gogo Blues, Nikopol, La Negra Figueroa et La Chiva, entre autres, sont venus se produire dans la capitale avec en prime, Motor Blues et Vox Dei, deux groupes argentins fondateurs du Blues et du rock latinoaméricains venus jouer en tant qu'invités.

restauré

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lus de 300 ans d'histoire contenus dans les murs, les couloirs, les images et les bijoux sacrés du temple de San Juan de Chiquitos, menacé de disparition, ont finalement été restaurés. Trois ans et plus d'un million de bolivianos (environ 100 000 euros) auront été nécessaires pour préserver ce patrimoine et le mettre en valeur afin qu'il puisse faire partie du circuit touristique des missions jésuites de Chiquitos. Les élèves de l'atelier de San José ont largement participé à cet événement, chargés de la tâche complexe de restaurer les images et les objets anciens.

La feichaco, féria La pLus iMportante du chaco BoLivien

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u 12 au 17 juillet a eu lieu l'exposition d'artisanat et de spectacles la plus importante de la région de Yacuiba. Artisanat, spectacles et exposition de bêtes étaient à l'honneur dans le petit palace de Yacuiba où se sont rendus des dizaines de milliers de visiteurs. Gagnant en popularité chaque année, le FEICHACO est d'après Marko Machicao, viceministre du tourisme, l’opportunité de donner plus de visibilité à la Bolivie et sa culture.

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MIsCéLanea découverte d'une répLique du Machu picchu en BoLivie

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'Inkataka, cité dont la découverte a été officialisée en février 2012, est en voie de devenir patrimoine national de l'Etat bolivien. Ce complexe archéologique, situé dans la municipalité d'Irupana dans les Yungas, est dans l'attente de financement (entre 500 000 et 800 000 euros) pour pouvoir être protégé et préservé. Contenant une centaine de structures entre maisons, places et plateformes de la période inca, ce site n'a pas encore été associé à une filiation culturelle précise. Impressionnante par son étendue et la bonne conservation de ses structures, cette cité fait partie d'une zone patrimoniale plus importante identifiée comme le « Pasto Grande ».

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cochaBaMBa, preMier départeMent à approuver

choqui

une Loi de patriMoine

Par le Chef Johnny Tapia P.

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ingrédients 50 ml de café 2 cuillères à café de chocolat en poudre 200 ml de lait Thé noir Morceau de cannelle Sucre (selon chacun)

ochabamba est le premier département bolivien à voter une loi pour protéger, respecter et conserver son patrimoine culturel matériel et immatériel. Cette loi de patrimoine, née dans le cadre de la loi d'Autonomie de l'Etat bolivien, permet de prendre en compte les propositions, suggestions et connaissances scientifiques d'une trentaine d'institutions départementales investies dans ces thématiques et donc de protéger au mieux la mémoire collective et historique du département.

La Langue Baure en danger

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ept ans de travail auront été nécessaires pour éditer les deux premiers textes en langue baure afin de préserver cette langue en voie d'extinction. Parlée aujourd’hui par 70 personnes, dont seulement vingt la comprennent parfaitement, cette langue originaire de Baures dans le département de Béni appartient à la famille de langue Arawak. Ces deux publications, issues de la collaboration de deux élèves de doctorat de l'université de Lepzig (Allemagne) et des habitants de Baures, sont des textes scolaires, l'un pour le niveau primaire, l'autre pour le secondaire. Trois livres sur la culture Baure avaient déjà été publiées (en espagnol) dans les années précédentes : un recueil de contes racontés par les habitants et deux manuels de matières scolaires et d'exercices grammaticaux. photos

préparation Dans une casserole, faire chauffer le café avec le chocolat en poudre, la cannelle et le sucre. Dans une autre casserole, faire chauffer le thé et le lait. Servir dans un verre en versant tout d'abord le thé au lait, puis ensuite ajouter tout doucement le mélange de café.

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Potosi

La ville aux veines argentées déclarée patrimoine mondial de l'unesco en 1987, Potosi est une ville dont la richesse minière et architecturale n'a d'égale que les retentissements de son histoire. sous ses airs paisibles, Potosi cache cinq siècles d'une histoire mêlée de prospérité, d'ostentation, de décadence, de massacres et de conflits. tantôt hautaine, tantôt servile, la « ville impériale », à l'image de son histoire, est une ville nuancée, une ville métisse. ses édifices, ses monuments, vibrent encore de l'intense cohabitation entre espagnols et indigènes séparés par une rivière, qui, comme la mort qui emporta tant de mineurs, n'a rien de naturelle. Potosi est historique. Potosi est unique.

un hameau tranquille au pied d'une colline...

cret pour l'exploiter lui-même. son compagnon, Chalco, aurait ensuite révélé le secret aux espagnols.

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ans les temps préhispaniques, dans la partie sudouest de l’actuelle bolivie, potosi était un petit hameau perché à 4000 mètres dans le désert glacé et stérile des andes. peuplée de tribus Charcas et Chullpas et de quelques petits groupes d'aymaras et de quechuas, la région vivait essentiellement de l'artisanat de céramiques et d'argent et le hameau de potosi, de la fabrication et du troc de pointe de flèches et de lances en silex. on raconte que sous la domination des incas, ceux-ci, conscients de de la richesse en minerai du sumaj orco – la colline appelée Cerro rico par la suite – ne l'auraient pas exploité parce qu’une voix venant des entrailles de la colline le leur aurait défendu, déclarant que cet argent était destiné à un autre empire que le leur. La légende dit encore que sous la colonisation, c’est l'indien diego huallpa qui aurait découvert l'argent en allumant un feu sur la colline au-dessus d'un filon. L'argent fondu coulant à ses pieds, il se rendit compte qu'il s'agissait du précieux métal et voulut garder le se-

La construction de Potosi, ville impériale... désireux d'étancher leur soif d'argent, les espagnols qui exploitaient déjà les mines de porco, au sud-ouest de potosi, vinrent s'installer près du fameux sumaj orco en avril 1545 pour le vider des ses richesses. Malgré les conditions de vie très rudes, l'altitude, le vent, les marécages, ils ne furent pas déçus car les mines semblaient inépuisables. La quantité d'argent apportée à la Couronne d'espagne fut telle que Charles quint donna à potosi le titre de Ville impériale. francisco de toledo, vice-roi du pérou, ordonna en 1572 la fondation de la ville qui, pour une fois, ne suivait pas la disposition des rues en damier. afin d'augmenter le rythme d'exploitation des mines, il institua le système de travail forcé appelé la « mita » (voir encadré). il développa également un système de barrages et de lagunes artificielles pour fournir la ville en eau et énergie hydraulique pour les 12


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: Cesar angel Catalan

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photo : Joel Lichtenstein

moulins qui tamisaient le minerai extrait et fit importer du mercure pour faciliter la purification de l'argent, l’amalgame étant réalisé dans des fours en terre réfractaires, les huayras.

Volée d'oiseaux autour de la cathédrale de potosi.

Le premier âge d'argent de Potosi Le xVie siècle fut une période de grand faste et de splendeur pour potosi. La ville était immense pour

l'époque et sa population de 160 000 habitants dépassait largement celle de nombreuses capitales européennes. des aventuriers, des nobles, des fugitifs, des soldats, des tailleurs, des artistes, des joueurs, des ferrailleurs, des artisans, des mineurs, des commerçants arrivaient de toutes parts pour chercher de l'or, ou pour fournir services et biens de consommation à ceux qui s'y attelaient. Les habitants de potosi avaient la réputation d'être des gaspilleurs, des excentriques qui vivaient dans l'ostentation la plus provocante. La légende dit même que les rues étaient pavées de lingots d'argent et que tout ce métal aurait suffi à construire un pont depuis potosi jusqu'à Madrid. de cette époque datent de nombreux temples, églises, couvents et La LéGende dit que Les monastères de styles rues étaient paVées de Linnéoclassique et ba- Gots d'arGent qui aurait roque métissés d'in- suffi À Construire un pont fluences indigènes. de potosi Jusqu'À Madrid. Comme les quartiers de la ville, les lieux de culte n'étaient pas communs : les uns étaient destinés aux espagnols et descendants d'espagnols, les autres aux indigènes. en 1572, francisco de toledo ordonna la construction de la magnifique Casa de la Moneda (maison de la monnaie), pour frapper l'argent sur place et éviter qu'il ne soit volé en cours d'acheminement vers la péninsule. elle fut construite par salvador de Vila, comme celles de Lima et de Mexico. Culturellement et architecturalement parlant, la ville n'avait rien à envier aux métropoles du Vieux Monde. Le deuxième âge d'argent et le début de la décadence au milieu du xViie siècle, potosi vécut son deuxième âge d'or qui vit se construire la Nueva Casa de la Moneda (nouvelle maison de la monnaie) entre 1751 et 1773 sous la supervision de José de rivero et tomas Camberos. on raconte que cet énorme complexe de style baroque métisse a coûté l'équivalent de dix millions de dollars américains. puis vint la décadence : les guerres successives eurent raison de la ville, de ses richesses et de ses mines gorgées d'argent. alors

Potosi Ce nom est une « castillanisation » du quechua poto's-jsi, qui signifie : exploser. Les Quechuas donnèrent ce nom au hameau d'après la légende de l'Inca Huayna Kapac, qui raconte qu'une une énorme explosion retentit lorsqu'il envoya ses mineurs explorer le Cerro rico, avant qu'une voie surnaturelle ne leur

annonce que l'argent était destiné à un autre empire que le leur. Depuis, le mot est utilisé pour désigner quelque chose d'une valeur immense. L'expression « vale un Potosi » (cela vaut un Potosi) a été immortalisée sous la plume de Miguel de Cervantes qui la mit dans la bouche de Don Quichotte. 14


photo : einalem photo : Linda de Volder

photo : Cesar angel Catalan

photo : Linda de Volder

photo : Cesar angel Catalan photo : Linda de Volder

ci-contre : • La cathédrale de potosi, inaugurée en 1836, de style baroque. • plafond de la cathédrale. • La Casa de la Moneda, immense contruction considéré comme l’un des édifices civils les plus important d'amérique latine. • Morceau d'argent estampillé de la Casa de la Moneda

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photo : Linda de Volder

ci-dessus : • Le temple de san francisco, inauguré en 1726, construit sur l'emplacement d'un ancien monastère, contient 9 nefs à voûtes en berceau et 9 coupoles oranges. La façade est de style baroque. • L'église de san Lorenzo de Carangas, inaugurée en 1548, était destinée au culte du peuple Carangas. La coupole et la façade datent du Viiie. • intérieur de la Casa de la Moneda et son énigmatique mascaron.

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PoTosI photo

: Cesar anGeL CataLan

La ville de potosí avec le Cerro rico au fond.

que potosi était le lieu le plus disputé de la région, les quinze années de la guerre d'indépendance (1810-1825) laissèrent une ville sacLa ViLLe iMpériaLe de pocagée, pillée, vidée de tosi a durabLeMent inses richesses et de ses fLuenCé Le déVeLoppeMent âmes. La guerre du pade L'arChiteCture et des cifique (1879-1884) arts MonuMentaux dans menée contre le Chili Les andes en diffusant un lui fit perdre son accès styLe baroque Métissé à la mer et sa compétid'infLuenCes indiGènes. tivité pour l'exportation minière. La guerre du Chaco (1932-1935) fut le coup de grâce. L'embrigadement de la main-d'œuvre minière

pour aller combattre les troupes paraguayennes mit quasiment fin à une production déjà très affaiblie. Mais les guerres ne furent pas l'unique facteur de décadence : au milieu du xViiie siècle, la découverte d'étain dans le Cerro rico et son prix élevé à niveau mondial permit à potosi de redevenir le centre de l'économie bolivienne jusqu'à ce que ce métal soit déprécié et que les coûts d'extraction, de purification et d'exportation deviennent beaucoup trop élevés. depuis les années 1950, les partis révolutionnaires boliviens ont tenté de résoudre les problèmes économiques de potosi, en vain. potosi, la ville autrefois pavée d'argent, fait actuellement partie des trois départements les plus pauvres du pays.

La Mita

La Mita est un système de réquisition de travailleurs par roulement successif hérité des Incas. sous la colonisation espagnole, chaque communauté devait envoyer chaque année un groupe de travailleurs - les mitayos - pour participer contre très faible rémunération aux tâches de la colonie tels que le travail minier, la construction d'édifices, le transport de marchandises, la garde des troupeaux, la culture des champs, etc. La Mita permettait de mobiliser jusqu'à 13000 travailleurs par an. Concernant le travail dans les mines, ce système contraignait les indiens à travailler dans des conditions inhumaines (journées de travail de 12 à 16h par jour, absence d'outils, exposition aux vapeurs toxiques de mercure, affaissements...) contre des salaires si faibles qu'il étaient contraints de contracter des dettes. Forcés de travailler pour les recouvrir, nombreux sont les mitayos qui sont morts d'épuisement, d'intoxication ou victimes d'affaissements au fond des mines.

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PoTosI Potosi, patrimoine de l'unesco Le 7 décembre 1987, potosi fut déclarée patrimoine mondial de l'humanité par l'unesCo. Les raisons de cette nomination semblent évidentes : potosi est une ville d'histoire, potosi est une ville d'influence, potosi est une ville impériale. elle a durablement influencé le développement de l'architecture et des arts monumentaux dans la région centrale des andes, diffusant un style baroque métissé d'influences indiennes, et fut le berceau d'un ensemble minier sans précédent qui, cinq siècles plus tard, reste toujours actif. Les barrages, les centres de broyage de minerai (ingenio), les fours de terre réfractaire, la Casa de la Moneda... tout a été conservé et peut encore être visité. potosi est enfin associée à un événement de portée universelle : la mutation économique mondiale induite par l'énorme afflux d'argent en espagne. La crise monétaire et l'inflation en europe sont les effets les plus évidents de l'exploitation du Cerro rico de potosi. La ville impériale était, à cette époque, un des pivots invisibles du grand commerce mondial. La ville impériale d'aujourd'hui Les mines de potosi sont encore actives, continuent à produire de l'argent et ses galeries peuvent être visitées. La ville a conservé une bonne partie de son architecture coloniale qu'il est possible de découvrir en parcourant les rues étroites à pied. Les temples, les musées, les monuments sont autant de vestiges culturels somptueux. La fameuse Casa de la Moneda est devenue un musée numismatique possédant plus de cent peintures coloniales ainsi que différentes collections archéologiques et ethnographiques. Le folklore de potosi est éblouissant avec notamment la fiesta de Ch'utillos, qui rivalise avec les plus beaux carnavals boliviens. Le Cerro rico, victime d'affaissements ces dernières années, est sujet à de nombreuses études et travaux pour stabiliser et préserver sa partie somitale. enfin, la nature alentour vaut le détour avec ses lagunes colorées, ses thermes et les nombreuses mines de la région. Cinq siècles plus tard, la ville argentée n'a pas fini de susciter émerveillement et curiosité. -

Visite des mines du Cerro rico après 450 ans d'exploitation continue.

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: Linda de VoLder

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Vente d'argenterie de potosi dans les rues de la ville.


naTUre

À l'origine des rivières Bermejo et Pilcomayo Les rivières Pilcomayo et Bermejo, longues respectivement de 1590 et 1450 kilomètres, prennent toutes deux leur source en Bolivie avant de franchir la frontière argentine et de se jeter dans la rivière Paraguay. situées aux abords de la région forestière du « gran chaco », ces rivières sinueuses et majestueuses ont alimenté la mythologie de nombreux peuples et territoires qu'elles traversent, notamment celle du peuple guarani. voici le mythe de l'origine des rivières Bermejo et Pilcomayo tel que le racontent les guaranis.

À

la fin de la création, le dieu tupa confia à Guaran l'administration du Gran Chaco*. il lui recommanda de prendre soin de distribuer les richesses de cette région et de lui fournir tout ce dont elle aurait besoin. Le Chaco était un lieu de mystère et de séduction. Guaran s'attela à sa tâche et s'occupa de la flore et de la faune, bonifia les terres et embellit les montagnes. il sut également gouverner son peuple avec beaucoup de sagesse, réussissant à étaLe fLot donna naissanCe blir une vraie civilisation. À La riVière piLCoMayo, puis il eut deux enfants : CouLant éterneLLeMent tuvichavé et Michiveva, de pair aVeC La riVière de nature très différente. tuvichavé, l'aîné, était berMeJo. impétueux, véhément, courageux et déterminé alors que Michiveva, le plus jeune, était calme, pacifique et de nature plus tranquille. Ces différences n'eurent pas d'effet sous l'autorité de Guaran mais une fois la mort de celui-ci, ils commencèrent à se disputer la gouvernance du Gran Chaco. un jour apparut le diable Aña, qui, désireux de semer le trouble entre les frères, leur conseilla de résoudre leurs différends en s'affrontant au travers d'épreuves

physiques. n'ayant pas la sagesse de décliner un tel conseil, ils convinrent ensemble de résoudre leurs conflits par la compétition. ils se rendirent en haut des collines qui bordent le Gran Chaco et se disputèrent l'hégémonie sur le territoire à travers des épreuves d'habileté, de tir à l’arc et de résistance physique. par le pouvoir sournois d’Aña, une flèche tirée par Michiveva se planta dans le cœur de tuvichavé, lui ouvrant le cœur en deux. La sang jaillit brusquement en rougissant tout sur son passage. il coula jusqu'au bas de la colline où il forma une rivière rougeâtre auquel il fut donné le nom de rivière bermejo (« vermeil » en espagnol). se rendant compte de son crime, Michiveva, désespéré, pleura toutes les larmes de son corps. Le flot de ses larmes coula à côté du sang de son frère, suivant la même direction, donnant naissance à la rivière pilcomayo, coulant éternellement de pair avec la rivière bermejo. C'est ainsi que la région du Gran Chaco se trouva dépourvue de chef et que la nature prit spontanément le dessus, devenant dense, impénétrable, et rougie par la rivière née du cœur de tuvichavé. * Région bolivienne située au sud-est du pays, à la frontière avec le Paraguay. 18


naTUre La rivière bermejo fait la frontière entre la bolivie (gauche) et l’argentine (droite) photo: sean MuLry

Le pont de sucre sur la rivière pilcomayo

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: eL pedaLero


DossIer

Une postulation multinationale au patrimoine modia

QhaPaQ

Le système ro

photo : tony suares


DossIer

al de l’Unesco

Ñan

outier des andes Carte : unesCo

é

tendu sur 6000 kilomètres du nord au sud et parcourant 23000 kilomètres à travers six pays d'amérique du sud, le Qhapaq Ñan est un immense système routier formalisé par les incas, unifiant plus de 2000 ans d'histoire andine. au-delà de son ensemble de chemins, le Qhapaq Ñan est un concept plus vaste regroupant un système politique, culturel et social articulé autour d'un vaste réseau de communication reliant différents centres de pouvoir et de population. Patrimoine encore vécu et conservé de nos jours par les communautés andines, le Qhapaq Ñan est l'objet d'une candidature multinationale à la liste du Patrimoine mondial de l'unesco en 2013, présentée par les six pays qu'il traverse : le chili, l'argentine, la Bolivie, le Pérou, l'equateur et la colombie. 21

callamarka


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: tony suarez

DossIer

L

e qhapaq Ñan est un immense système de chemins dont l'origine remonte à plusieurs milliers d'années, bien avant la présence inca dans la région andine. Les racines de ces chemins sont nées au travers des siècles, connectant déjà les centres religieux et de population, comme ceux de l'horizon Chavin dans la sierra centrale péruvienne, la civilisation tiwanakota basé dans l'altiplano, l'expansion Wari dans la région d'ayacucho et des dizaines d'autres zones de peuplement. tous ces chemins, issus d'un large processus civilisateur de la région, furent finalement formalisés par les incas qui donnèrent une unité à un héritage commun et relièrent les quatre tous Ces CheMins, issus d'un LarGe proCessus suyos (régions du grand terCiViLisateur de La ré- ritoire Tahuantinsuyo) depuis Cuzco par cet immense Gion, furent forMaLisystème routier appelé qhasés par Les inCas qui paq Ñan. ils en firent de donnèrent une unité À même pour les structures de un héritaGe CoMMun défense, d'habitat, de réserves et pour les techniques et infrastructures de production en constituant là un véritable territoire politique, social et culturel. Malgré la répercussion de l'unification de ces routes dans le fonctionnement du monde andin actuel, il est impossible

de restreindre la lecture historique du qhapaq Ñan à la présence des incas, car cela marginaliserait la richesse d'un processus culturel qui a évolué au cours de nombreux siècles d'histoire. Le Qhapaq Ñan comme outil de gestion d'un territoire sous l'empire inca, les 23000 kilomètres de routes principales et secondaires composant le qhapaq Ñan représentent bien plus qu'un réseau de communication. outre les caravanes de voyageurs et de lamas, les convoyeurs de nourriture et les coursiers impériaux porteurs de messages officiels (voir encadré), le réseau consistait également en un système de production (basé autour de la pêche, de l'agriculture et de l'activité minière), de stockage, d'échanges, de contrôle territorial et par dessus tout, en un moyen d'expansion de la langue quechua et de la culture et cosmovision inca. L'arrivée des espagnols au xVe siècle bouleversa les dynamiques déjà en œuvre. La création de la vice-royauté du pérou, en tant que nouveau système administratif, marqua une rupture importante en termes de pouvoir, de langue, de produits commerciaux et de structure gouvernementale. des tronçons du qhapaq Ñan furent utilisés à des fins de transport, d'approvisionnement et de 22


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: tony suarez

guaqui


DossIer un héritage culturel et naturel d'une valeur exceptionnelle

commerce connectant dès alors de nouveaux centres avec différentes priorités. Le qhapaq Ñan perdit son rôle d’organisation territoriale même si certains de ses chemins et ses populations continuèrent de fonctionner comme unité culturelle. aujourd'hui encore et malgré les transformations économiques, sociales, territoriales et culturelles du monde andin dûes à la colonisation et aux formations républicaines, de nombreuses parties du chemin continuent à relier des centres importants. Les mines, haciendas, villes et ports de la région sont encore reliés et la présence physique et culturelle du qhapaq Ñan apparaît encore dans les langues, les mythes, les fêtes et les marchés.

Le qhapaq Ñan est donc un concept qui va au-delà de la vision matérialiste d'un ensemble de chemins ; la signification de celui-ci est bien plus vaste et c'est dans cette acception qu'il faut le considérer pour comprendre la profondeur de la candidature au patrimoine Mondial de l'unesCo. Le qhapaq Ñan constitue à la fois un projet politique, culturel et social articulé autour d'une voie de communication qui, en répondant aux complexités géographiques des terrains parcourus, a permis de relier différents centres de pouvoir et de population. La valeur exception-

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: tony suarez

photo : tony suarez

passage du chemin à desaguadero, à l'ouest de La paz

Le Service Impérial du Courrier sous l'empire Inca, les chasquis étaient formés afin de porter les messages officiels en parcourant les routes à toute allure. Ces coursiers, âgés de 18 à 24 ans, appartenaient à une élite de coureurs sélectionnés dans les familles dévouées aux Incas. en une heure étaient parcourus de 15 à 20 kilomètres et les 2400 kilomètres qui séparaient Quito de Cuzco étaient engloutis en cinq jours, de fréquentes relèves permettant de maintenir une telle cadence. Ce système fut très utile au gouvernement (créé par Tupac Inca Yupanqui). on dit même que les Incas consommaient des produits frais de la mer acheminés en deux jours jusqu’à Cuzco (3000m d'altitude et à 385 kilomètres de la côte).

24 photo : dr


DossIer

photo : dr

L'insCription de Ce bien sur La Liste du patriMoine MondiaL de L'unesCo est une oCCasion pour Les six pays présentant La Candidature de Mettre en pLaCe ConJointeMent des proJets de reCherChe, de ConserVation et de Mise en VaLeur du qhapaq Ñan

photo: haChikou

nelle du qhapaq Ñan réside donc en ces paysages des andes transformés et conservés par la main de l'homme à travers des systèmes d'irrigation et de cultures qui forment des paysages culturels archéologiques d’un grand impact visuel. elle se trouve également dans les formes et les expressions culturelles - matérielles et immatérielles - que véhiculent aujourd'hui encore de nombreuses parties de ces chemins andins. L'inscription de ce bien sur la liste du patrimoine mondial de l'unesCo constitue donc une occasion pour les six pays présentant la candidature de mettre en place conjointement des projets de recherche, de conservation et de mise en valeur de ce patrimoine. elle est également l'opportunité de sauvegarder des productions et des technologies traditionnelles, au même titre que de favoriser une découverte et une pratique responsables de ces chemins par les voyageurs. enfin, la valorisation, l'intégration sociale et le développement durable des communautés qui, isolées pendant des siècles, ont conservé l'héritage vivant de ce patrimoine est également une priorité pour les pays présentant la candidature. -

Le chemin de l’inca dans la région de La paz 25


DossIer entretien avec Nuria sanz

«Le Qhapaq Ñan demeure particulièrement

intact et vivant»

docteur en archéologie d'origine espagnole, nuria sanz est actuellement chef d'unité de l'amérique Latine et des caraïbes au centre du patrimoine mondial de l'unesco. ayant participé à de nombreuses évaluations de sites et travaillé sur diverses candidatures de patrimoine culturel à travers la région sud-américaine, nuria sanz a coordonné le dossier de candidature du Qhapaq Ñan à la liste du patrimoine mondial de l'unesco pendant dix ans.

tout comme sa mise en valeur. La valeur universelle du qhapaq Ñan représente un système routier qui s'étend sur plus de 23000 kilomètres, soit quasiment 20000 de plus que la route de la soie, et retrace plus de 2000 ans d'histoire andine. La prouesse réside également dans le fait que ce système routier d'échelle continentale s'est formalisé sur trois générations par le grand empire inca contrairement à la route de la soie qui a évolué de manière plus longue dans le temps. Ces deux systèmes routiers ont une histoire très profonde mais la caractéristique fondamentale du qhapaq Ñan est qu’il est demeuré particulièrement intact et vivant. il continue à être utilisé par les communautés andines. Ce sont elles qui nous ont donné le sens anthropologique du chemin grâce à leur exceptionnelle contribution dans la constitution du dossier de candidature. L'équipe du qhapaq Ñan de bolivie a réalisé un travail extraordinaire et nous a fait ouvrir les yeux sur toutes les manifestations immatérielles associées au chemin et sur leur relation au patrimoine matériel. en bolivie, il n'est pas nécessaire de réinventer le chemin, il suffit d'écouter les gens qui le pensent, le vivent, l'utilisent et le préservent tous les jours pour les générations futures.

− Pouvez-vous nous faire une lecture historique rapide du projet de candidature du Qhapaq Ñan ? − Ce processus commence à la fin de l'année 2002 par une lettre de la délégation du pérou demandant le soutien de l'unesCo et des autres pays concernés par le qhapaq Ñan pour porter cette candidature. Je venais tout juste d’arriver. quand j'ai compris la profondeur de ce processus et la signification du concept qhapaq Ñan, je me suis dit qu'au delà d'une candidature, il s'agissait de la possibilité de créer une plateforme pour un immense projet de coopération culturelle. L'initiative a été lancée par les six pays concernés l'argentine, la bolivie, l'equateur, le pérou, le Chili et la Colombie – réunis en janvier 2003 à l'unesCo. ils ont demandé à l'unité de l'amérique latine et des Caraïbes du centre du patrimoine mondial de les aider à coordonner la plus grande candidature des 40 ans d'histoire de la convention, en termes d'effort scientifique à fournir et de complexité juridique, institutionnelle et diplomatique qu’exige la coopération entre six pays. plus de treize réunions internationales ont eu lieu, regroupant des experts du monde entier et des responsables du secteur du patrimoine culturel des six pays pour pouvoir homogénéiser et harmoniser le recensement de tous ces chemins, paysages, morphologies et zones archéologiques. Ce recensement, loin d'être seulement géographique et géologique, est également constitué de très nombreuses données anthropologiques et sociologiques. des comités juridiques et scientifiques ont été mis en place et des secrétariats ont coordonné l'avancement du dossier dans chaque pays. À partir de 2006, l'organisation de la planification du travail a été gérée de manière plus organique, déterminant les tâches de chacun selon un calendrier précis. tout ce projet a été guidé par une confiance énorme en la possibilité de générer un cadre de coopération culturelle.

− Quelles ont été les principales difficultés de la candidature ? − La principale difficulté résidait dans la complexité même de ce système, c'est-à-dire la représentation de chacun de ses éléments et de leur protection. Cette complexité s'est transformée en défi, elle est devenue l’un des enjeux majeurs de cette coopération car il a fallu harmoniser les lois de six pays, établir des standards et un langage communs, et que six gouvernements s'accordent pour défendre un patrimoine commun. Ce projet se réalise à échelle continentale et va fournir du travail pour de nombreuses générations futures. Les réunions internationales, les remplacements de personnes sur un même poste au fil de ces dix années de travail sur la candidature ont également fait partie des obstacles. Mais malgré ses difficultés ce projet entre dans la grande famille de la coopération et c’était le but de l'unesCo, soutenir à 100% des projets d'une telle complexité.

− La route de la soie est également candidate à la liste du patrimoine mondial de l'unesco en 2013. Peut-on comparer ces deux projets de candidature? − il ne s’agit pas du même concept. Les conditions historiques et le contenu matériel de ce chemin sont différents, 26


DossIer

: unesCo

il est possible de parler de risque de changement social mais ces évolutions sont plus à considérer en termes de besoin que de risques. a travers les témoignages individuels recueillis sur les formes de vie, la volonté d'approcher le futur des communautés, nous avons pris conscience de l'immense force culturelle des andes et de ses mécanismes d'adaptation de cette culture en période de transition. nous n'avons pas voulu tomber dans le travers des processus d'indigénisation mais plutôt insister sur les mécanismes de transmission de la culture. Le Suma Kamaña (dans la cosmovision andine, l’équilibre matériel et spirituel de l'individu en harmonie avec toutes les autres formes d'existence) est un défi important pour les générations futures. Comme le dit la constitution en bolivie, le qhapaq Ñan est un chemin qui va de l'avant, un projet du futur. C’est cela qui nous a inspirés et portés.

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− et en termes de conservation de l'environnement ? − de nombreux tronçons du chemin font partie d'espaces naturels, donc la protection du chemin s'effectuera au même titre que la protection de ces espaces. Ces politiques de conservation relèvent du domaine public et tous les pays, par une série de déclarations politiques et de textes juridiques, assurent au comité du patrimoine mondial la mise en place les instruments nécessaires afin de conserver le qhapaq Ñan pour les générations futures. Mais dès le début, les pays ont considéré cette nomination comme culturelle et non comme une nomination naturelle. Le chemin est pour eux une manière de donner une dimension culturelle au paysage. Cependant, il est important de garder à l'esprit qu'il existe un lien fort entre l'environnement et la culture et que la conservation de l'un ne va pas sans celle de l'autre.

nuria sanz

− comment s'est effectué la collecte des données ? − un travail systématique a permis d’identifier des méthodologies participatives adaptées à chaque pays. Ce travail était immense et a généré beaucoup de connaissances et d'échanges. Les communautés qui utilisent chaque jour ce réseau nous ont aidés et ont aussi pris conscience de son échelle continentale et de l'immensité du phénomène culturel rattaché à leur quotidien. − Pourquoi avoir décidé de présenter une candidature multinationale pour le Qhapaq Ñan?

− comment vous sentez-vous par rapport à cette nomination dans la perspective de votre carrière?

− nous étions convaincus dès le début que cette candidature devait être multinationale. Ce bien ne pouvait être inscrit isolément dans chaque pays. et après 40 ans de réussite dans l'application de la convention du patrimoine mondial, il faut relever les défis et considérer toutes les possibilités de celle-ci pour générer une coopération internationale et défendre au mieux un intérêt commun.

− Je suis aussi satisfaite que fatiguée. Cette nomination a commencé il y a une dizaine d'années et a été un processus long et intense, surtout lors des dernières semaines. Ce dossier était d'une immense complexité à écrire et à articuler. personnellement et professionnellement je suis très heureuse d'avoir eu la possibilité de coordonner ce processus et d’avoir reçu la confiance de ces six pays. Je suis très fière du travail réalisé et reconnaissante auprès des secrétariats techniques et de tous ceux qui ont contribué au projet pour leur respect et leur intérêt malgré les conditions de travail parfois difficiles. Ce que nous avons accompli est un vaste programme de coopération internationale dont la nomination n'est que l'un des aspects. Le plus important est la plateforme créée pour prendre des décisions communes. d'un point de vue personnel, cette expérience m'a permis de me familiariser avec des techniques et des savoirs millénaires, de prendre conscience des capacités d'adaptation de l'homme et de me rendre compte à quel point la culture est une richesse au-dessus de tout. Ce projet a révélé en moi une détermination d'aider et de travailler pour les andes car je pense qu'il s'agit d’une grande civilisation qui devrait enseigner à tous les hommes sa manière de penser le monde et de se mettre en relation avec la terre. -

− Quels sont les défis de cette candidature vis à vis des communautés utilisant ce réseau ? Peut-on parler de risque d'exclusion ou de changement social? − Cette question est importante et nous avons tous travaillé dans le même esprit à ce sujet. La première chose que nous avons effectuée a été de développer conjointement un plan de conservation pour chaque pays. avant de considérer la conservation matérielle du chemin, ce plan a pour but de conserver la relation de transmission de son utilisation. il n'a pas été question de lutter pour son usage public ou touristique mais plutôt d'établir un plan d'action où sont tout d'abord développés une économie soutenable, une agriculture traditionnelle, des projets éducatifs formels et non formels, l'usage scientifique du chemin et enfin le tourisme. C'est ce projet social qui nous a en grande partie inspirés. 27


CHronIQUe De L’HéDonIsMe

La Marraqueta de La paz par

raMon roCha Monroy

La marraqueta est un petit pain consommé dans les régions andines, particulièrement dans la ville de La Paz. caractérisée par sa forme ovale et son croustillant, la marraqueta est très populaire pour son goût comme pour son coût. au petit déjeuner avec un café et un morceau de fromage, au déjeuner garnie d'un bout de viande rôtie ou au dîner accompagnant une bonne fricassée, elle est une institution pour les habitants de La Paz... au point que ceux-ci ont donné son nom à une rue et que la préfecture l'a déclarée patrimoine culturel et historique de la ville en 2006.

e

n matière de saveurs, le plus vieux souvenir qu'il paz et Cochabamba. une fois de plus, il fallait se lever me reste est celui de l'arôme d'un bout de martrès tôt, trouver un taxi, foncer jusqu'à la gare et partaraqueta fraîche trempée dans un café des yunger avec les mécaniciens et les aiguilleurs ce délicieux gas. Mon père me le donnait très tôt le déjeuner d'altitude. Je ne sais matin car il était militaire, et c'est grâce et Ce n'est pas qu'iL n'y ait pas pas comment les enfants d'auà cela que je conserve jusqu'au- de Marraquetas sous d'autres jourd'hui se consolent de la jourd'hui le souvenir de cet heureux Latitudes, MêMe À Madrid iL disparition du train, en particumoment et l'habitude de me lever aux existe une VieiLLe MiChe dont lier des vieilles locomotives à L'adn est peut-être seMbLabLe. vapeur qui rentraient en gare aurores. Je ne comprends pas pourquoi les hô- sans parLer de La baGuette en sifflant comme des dragons tels de luxe s'entêtent à mettre au four française qui est pLutôt une bouillants. Le bruit aigu d'un des petits pains insipides, ou encore Grosse Marraqueta traVestie. mirage qui perfore les tympans cuits à la vapeur comme ce bon à rien, n'a rien de comparable à ce le pain à hamburger, ou même gonflés avec de la levure vieux bruit que de nos jours nous pouvons seulement chimique, comme pour nous rendre acide la matinée la apprécier au cinéma. sans parler des déjeuners désasplus douce. il m'est arrivé quelques fois, en visite à La treux servis dans les aéroports. paz, très tôt le matin, de partir en courant d'un petit resMa naissance à Cochabamba est dûe à l’isolement taurant pour foncer vers l'ancienne gare où l'on peut dont a souffert ma famille à la chute du président Vilboire un café des yungas dans un pot en fer, avec une larroel ; mais à peine né, j'ai été envoyé à La paz. Je me marraqueta fraîche et des morceaux de fromage de La souviens du 9 avril 1952, jour du soulèvement ouvrier paz. qui renversait six ans de dictature, mais qui pour moi La marraqueta et le café des yungas sont également n'évoque rien de plus que trois jours sans marraqueta ni café. nous étions une famille de conspirateurs et la associés aux voyages fréquents que nous faisions en propriétaire de l'épicerie du coin « ne vendait rien à des train car notre famille a toujours été dispersée entre La 28


Vue sur La paz avec l’illimani au fond.

photo : Linda de VoLder

fauteurs de troubles ». pendant trois jours j'ai dû vivre de riz au lait, seul aliment que recevait mon père. ainsi, je pense que mon premier chagrin d'amour est dû à une marraqueta absente. si j'étais peintre, je peindrais un paysage de La paz avec une marraqueta fumante à la place de l'illimani, le plus haut sommet de la Cordillère orientale. peut-être ces deux créatures ont-elles le même esprit, la plus petite de minéral brut et la plus grande de cristal. il est merveilleux de pouvoir savourer un déjeuner à La paz, laissant échapper la vapeur par la bouche et contemplant l'illimani au lever du soleil. C'est une réconciliation avec l'âme et le corps - body and soul - la conjonction du vieux blues. et ce n'est pas qu'il n'y ait pas de marraquetas sous d'autres latitudes, même à Madrid il existe une vieille miche dont l'adn est peut-être semblable. sans parler de la baguette française qui est plutôt une grosse marraqueta travestie. Mais le froid, l'altitude et l'atmosphère sèche de La paz donne à sa marraqueta un ingrédient cosmique qui la rend croquante, parfumée et propice à raviver nos souvenirs les plus profonds et à nous pousser très tôt le matin, chacun portant sa croix, pour gagner notre marraqueta de chaque jour.

photo : Meibit

CHronIQUe De L’HéDonIsMe

«si j'étais peintre, je peindrais un paysage de La paz avec une marraqueta fumante à la place de l'illimani...»

il est bon de conserver l'être et les noms de nos pains : la sarna, la colisa, la kauca, le cuernito, le chamillo, la ch‘ama ou le pan de Toco; mais entre toutes, la reine, la toute-puissante et souveraine, la marraqueta de La paz. -


TIMbres

La gastronomie bolivienne

par la poste

La Bolivie célèbre sa gastronomie avec une série de timbres à l'effigie de quatre plats typiques du pays : le Locro de gallina, le charquekan, le K'ala purkha et le mondongo. originaires de différents départements de la Bolivie, ces plats et leurs recettes sont donc à l'honneur dans cette série créée par la Poste bolivienne en collaboration avec le ministère des cultures. Bon appétit !

aLLina Locro de g pando origine : bénidépartement d' ingrédients : 1 poulet 2 tasses de riz 25 tasses d'eau rre 6 pommes de te e il hu d' ¼ de tasse ika , sel, œufs, papr nt ra lo co , ns no oig Préparation : casserole. l'eau dans une de ir orll ui bo re fai le poulet en m er up co dé , ps huile, d'oipendant ce tem avec un peu d' e ir fr e ir fa la ceaux et ent haché. plonger gnons et de pim bien dorés, les nt so x au ce or ant quand les m bouillir en fais e ir fa s le et e dans la casserol t pas. 'ils ne s'effriten ter le riz, attention à ce qu de servir, ajou t an av e ur he d' morun quart upées en petits co dé e rr te de les pommes nt et le sel. ceaux, le colora

dans casser les œufs t, in po à it cu t quand le riz es e manière la casserole. ctue de la mêm fe ef s' uf bœ de par de la Le locro ent la volaille em pl m si t an par du en remplaç mmes de terre po s le et uf urgettes. viande de bœ morceaux de co ts ti pe s de et c manio

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TIMbres mondongo département d'origine : Chuquisaca ingrédients : 1kg de viande de porc ½ kg de peau de porc ½ kg de maïs jaune en grains 1 cuillère à café de curcuma 6 cuillères à café de piment moulu 2 oignons en purée 4 pommes de terre imilla (variété bolivienne) sel, poivre et cumin 2 cuillères à café d'ail moulu

charQueKan département d'origine : oruro ingrédients : ½ kg de viande séchée de lama ou de bœuf 4 pommes de terre 450g de grains de maïs cuits 2 œufs 2 oignons 2 tomates huile et sel

Préparation : faire cuire la viande de porc avec l'ail, le poivre, le cumin, le piment et le sel jusqu'à ce que celle-ci soit tendre. Mettre dans un récipient. faire cuire la peau de porc dans une cocotte minute jusqu'à ce que celleci soit tendre avec un peu de sel et la découper en lamelles. Couper un oignon. rajouter le curcuma, la peau de porc en lamelles, le maïs cuit et assaisonner. faire une sauce avec l'oignon en purée, le reste du piment et du sel. servir la viande sur un lit de maïs et de pomme de terre et arroser de sauce. Conseil : le piment n'a pas besoin d'être piquant.

Préparation : faire cuire la viande séchée dans de l'eau jusqu'à qu'elle soit prête. effiler la viande en lanières puis la faire frire jusqu'à ce qu'elle soit grillée et tendre. dans une casserole faire cuire les pommes de terre et dans une autre les œufs durs. préparer la salade en coupant les tomates et les oignons en julienne. assaisonner avec du sel et de l'huile. servir la viande avec les pommes de terre, le maïs, les oeufs dur et la salade accompagnée d'une sauce piquante à base de tomates et piment locoto.

K’aLa PurKha (« pierre chaude » en aymara) département d'origine: potosi ingédients : 1kg de viande (séchée ou non) de bœuf 8 pommes de terre 100g de farine de maïs blanc 220g de farine willkaparu piment cru haché finement 1 oignon, 1 gousse d'ail epices : origan,sel, Cumin, poivre, Chachacoma (plante au goût de pin) quelques pierres de rivière.

Le k'alapurka est un plat typique du département de potosi qui se consomme durant toute l'année. il se constitue d'une lagua (soupe épaisse et crémeuse) à base de farine de maïs huilkaparu (maïs violet) assaisonné avec du chachacoma. elle est présentée sur une pierre d'origine volcanique mise dans la braise qui sert à la chauffer. 31


La boLIvIe T’aTTenD...

Le parc National madidi,

une nature souveraine... par aLex

ViLLCa LiMaCo*

déclaré parc national le 21 septembre 1995, madidi s'étend sur plus d'1,8 millions d'hectares de forêt tropicale dans le nord-ouest du département de La Paz. sa grandeur et sa beauté, ses formes et ses couleurs, ses plantes et ses animaux sont autant de vie à découvrir, organisée autour de puissantes rivières dans un cadre exceptionnel. reconnu en 2012 comme faisant partie des dix aires protégées recelant le plus de biodiversité de toute la planète par la Wildlife conservation society (Wcs), le parc madidi est un trésor vivant, une étape à ne pas rater dans l'aventure bolivienne. et au cœur de ces espaces verts infinis, l'histoire d'un village qui n'a jamais cessé de lutter pour ses terres et son autonomie: san José de uchupiamonas.

qui font partie de l'interminable cycle de la vie. ainsi peut-être décrit le parc Madidi, comme une des réserves de vie forestière les plus grandes et importantes de la planète.

une réserve de biodiversité immense reconnue au niveau mondial

L

e parc national Madidi est une aire de protection de plus de 1000 espèces d'oiseaux, 6000 espèces de plantes, 300 espèces de mammifères et plus de 200 types d'amphibiens. il s'agit là de la plus grande biodiversité existante, depuis les andes jusqu'au bassin amazonien. Les eaux cristallines qui, telles des fils d'argent se laissant glisser le long des montagnes andines hautes et gelées, permettent la vie et la survie sous de nombreuses formes dans un équilibre parfait. La forêt tropicale, depuis les terres où naissent ces arbres majestueux jusqu'à la cime de ces derniers, donne naissance elle aussi à de très diverses espèces d'animaux

Le paradis des amoureux de la nature Grâce à l'immense biodiversité de sa flore et de sa faune et aux activités qui se prêtent à sa découverte, le parc Madidi attire très spécialement les amoureux de la nature...marche à pieds, descentes en lianes, baignades dans les lagunes naturelles, pêche sportive, navigation sur les rivières, expédition dans la forêt tropicale avec des guides autochtones, observation d'oiseaux, de caïmans et de nombreuses autres espèces font partie des aventures à vivre dans cette réserve naturelle. • palmier à échasses typique des forêts tropicales d'amérique du sud • forêt tropicale primaire au bord de la rivière tuichi • La rivière béni près du canyon bala

*alex villa Limaco, co-fondateur et propriétaire du madidi Jungle ecolodge 32

photos : M.doWney/Madidi JunGLe eCoLodGe


La boLIvIe T’aTTenD...

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La boLIvIe T’aTTenD... plusieurs jours sont nécessaires pour pouvoir pleinement profiter de la beauté de ces lieux. un conseil pour les intéressés: préférer la saison de mai à octobre pour éviter les pluies et prévoir un jour de déplacement pour y accéder, que ce soit par la terre ou par les airs.

ciscains, ne connaissant pas la langue originaire du village, laissèrent aussi leur marque en enseignant le quechua aux uchupiamonas qui continuent à le parler actuellement. Les maladies apportées par les étrangers puis l'oubli de l'etat bolivien condamna le village à trouver ses propres formes de survie et de développement dans la forêt tropicale humide.

une lutte pour une souveraineté indigène... dans ce parc majestueux se trouve également le village de san José de uchupiamonas, un village indigène qui, grâce à une lutte acharnée, a réussi à garder ses terres recouvrant 210 000 hectares du territoire du parc national. Ce fut d'abord au cours de guerres tribales face aux puissantes tribus tacana que san José dut se battre pour ne pas perdre le contrôle de Les uChupiaMonas ont ses terres. puis cette commuréussi À aMéLiorer nauté livra combat contre les Leurs Conditions de Vie espagnols, qui découvrirent et À éViter La MiGra- le village en 1616. Convaintion qui Menaçait Le cus de trouver sur ces terriViLLaGe de disparition. toires des richesses minières, cette petite troupe d'espagnols comandée par pedro de Legue urquizo ne trouva finalement qu'un village qu'ils ne parvinrent jamais à soumettre. baptisé “san José” par le capitaine en l'honneur d'un saint catholique, ce nom resta malgré tout dans la mémoire du village. puis les missionaires fran-

un développement par l'écotourisme... san José de uchupiamonas, situé entre les provinces iturralde et franz tamayo du département de La paz se trouve à 50 kilomètres à l'ouest de rurrenabaque. située au coeur du parc national Madidi, la municipalité de uchupiamonas est un territoire isolé et sauvage où sont main- Le Mot ChaLaLan protenues les formes de vie d'il y a Vient de L'éCho des aset des plus de trois siècles. Ces com- siettes CasseroLes de fer qui, munautés vivent toujours de la chasse, de la pêche, de la col- se brisant sur Les pierres de La riVière lecte de fruits de la forêt, de la produisirent Le son culture du riz, du maïs, du ma“Cha-La-Lan”. nioc, de la banane et ont gardé le troc comme système d'échange. Les uchupiamonas ont beaucoup souffert de facteurs tels qu'une mortalité infantile importante, un taux élevé d'analphabétisme, le

Le projet d'écotourisme Chalalan Le projet d'écotourisme Chalalan, créé en 1992 à l'initiative du village dans des conditions précaires, fut épaulé par la banque Interaméricaine de Développement et Conservation Internationale. Ce projet avait pour but de créer un centre d'écotourisme de grande qualité avec toutes les commodités sur les rives de la lagune Chalalan. ouverte depuis 1999, cette éco-auberge s'inscrit dans un projet plus vaste de préservation de la biodiversité du Parc Madidi, de respect des écosystèmes complexes et délicats de la forêt tropicale et des styles de vie traditionnels des communautés. après une administration conjointe avec Conservation internationale, le projetest intégralement géré par les Uchupiamonas depuis 2002. en accord avec les institutions qui l’ont appuyé, 50% des ressources obtenues par cette activité doivent être redistribuées aux familles qui gèrent le site et l'autre moitié doit être réinvestie dans la santé et l'éducation à travers un directoire qui représente le peuple indigène de san José de Uchupiamonas. Les lea-

ders de la communauté affirment avec fierté que la mortalité infantile et l'analphabétisme ont largement diminué et que les jeunes autrefois destinés à migrer, sont maintenant formés en comptabilité, administration, tourisme et droit pour aider leur village à affronter les nouveaux défis des peuples indigènes. De l'expérience fructueuse de l'éco-auberge Chalalan sont nés d'autres projets au sein du territoire communautaire de Uchupiamonas tels que berraco del Madidi, sadiri et Madidi Jungle ecolodge. Ce dernier est un projet initié par quatre familles et ouvert aux visiteurs depuis 2011. situé à trois heures et demie de bateau de rurrenabaque, ce lieu, géré par ses fondateurs, offre la possibilité de loger dans des cabanes traditionnelles amazoniennes au sein des merveilles naturelles du parc Madidi. Pour en savoir plus sur ces réseaux: www.madidijungle.com ou www.chalalan.com.

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La boLIvIe T’aTTenD... manque d'opportunités et l'oubli de l'etat qui, conjugués, poussèrent les jeunes hors de leur communauté pour migrer vers des lieux plus peuplés tels que rurrenabaque et san buenaventura. en 1992, ce village situé sur les rives de la rivière tuichi décida de créer dans des conditions précaires une auberge rustique pour les Le parC nationaL touristes au bord Madidi est une aire de la lagune de proteCtion de Chalalan, à une pLus de 1000 espèCes trentaine de kid'oiseaux, 6000 eslomètres de leur pèCes de pLantes, 300 village. alors espèCes de MaMMique dans un prefères et pLus de 200 mier temps cette types d'aMphibiens. auberge ne satisfaisait pas les exigences des écotouristes, san José de uchupiamonas s'est finalement reconverti après divers prix internationaux ces dernières années, en un modèle de développement durable et autonome dans le domaine de l'écotourisme pour tous les peuples indigènes du continent. en prenant en main leur propre développement tout en prenant en compte leur milieu naturel, les uchupiamonas ont réussi à améliorer leurs conditions de vie et à éviter la migration de ses membres qui menaçait le village de disparition. Malgré un moment de doute concernant l'absence de reconnaissance légale de leur territoire et la probabilité de devoir mettre fin à leur aventure écotouristique, les uchupiamonas ont réussi à obtenir le titre de propriété de leur 210 000 hectares de territoire en 2005. Ce titre vient célébrer de nombreux siècles de lutte pour garder celle qui leur a tout donné, la terre...leur terre. -

• Champignons rouges vénéneux • héron coiffé au bord dela rivière béni. • perroquet ara Macao dans la forêt Caquiahuara. photos : M.doWney/Madidi JunGLe eCoLodGe

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Falaises sur la rivière madidi.

photo: pauL b

Délégation Permanente De l’état Plurinational De Bolivie auPrès De l’unesCo


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