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des Brésilsparallèles

Comment cette exploration s'est-elle poursuivie à Genève ?

« Je suis arrivé au milieu des années 90. J'ai eu très vite l'opportunité de faire entendre des disques brésiliens lors de soirées dans les squats de l'époque comme la Tour ou Rhino. C'était un cadre où on pouvait vraiment se libérer, explorer les choses en dehors des clichés, il y avait là une magie que je n'oublierai jamais. L'idée de mon projet musical Alternativo Brasil est née tout naturellement de cet esprit de liberté des squats genevois. Mon but était de faire découvrir la diversité de la musique brésilienne en explorant ses côtés obscurs : des musiques que personne ne connaissait en dehors de quelques spécialistes, ou qui avaient été très connues à un moment dans l'histoire mais qui avaient été oubliées. J'ai commencé ensuite à faire du DJing dans des stations de radios locales, puis dans les chaînes nationales comme Couleur 3. Plus récemment, j'ai mixé dans des manifestations comme le Festival International de Films de Fribourg ou au Musée d'ethnographie de Genève, où j'ai présenté la musique du candomblé (une religion afro-brésilienne) dans le cadre d'une exposition sur une ancienne colonie suisse au Brésil. »

Quelles sont pour vous les particularités qui caractérisent les musiques brésiliennes ?

« La variété des sons, l'importance des musiques traditionnelles, le fait que c'est depuis toujours une musique basée sur le mélange, qui rassemble les influences des autres musiques du monde et qui les influence en retour : le jazz, le funk, le rock psychédélique, l'électronique sont rentrés dans la musique brésilienne, la bossa nova brésilienne a eu un impact énorme sur les artistes de jazz aux États-Unis… Parfois, je tombe sur des morceaux enregistrés au Brésil mais chantés en turc ou en japonais, et il faut des recherches pour savoir d'où vient l'original. Dans mes DJ sets, j'essaie des choses comme ça. Je passe le même morceau en version française, puis brésilienne, ça fait réagir le public en installant un doute et ça crée une sorte de curiosité culturelle. »

Comment l'immensité de ce répertoire se décline-t-elle dans vos DJ sets ? Avec un genre et une époque à la fois, ou en mélangeant tout ?

« Un peu de tout ça. Parfois c'est spécifiquement lié à un style, d'autres fois je prends des morceaux qui ont été des “bombes” à différentes époques, d'autres fois encore je mélange la musique traditionnelle à l'électronique… Pour le public, parfois ça fait rêver, mais des fois c'est plus délicat, il y a des gens ont de la peine à comprendre et qui viennent tout le temps me demander de passer autre chose. Mais en général le public aujourd'hui a bien compris que Dr. Doca a un style qui ne part pas dans le cliché commercial du Brésil. »

La constante dans tout ça, c'est votre attachement au disque vinyle…

« Historiquement, la production phonographique brésilienne était gigantesque, monstrueuse. Puis, quand la fabrication de vinyles s'est arrêtée au Brésil, ça a été un véritable abandon, le patrimoine phonographique n'a pas du tout été valorisé. Les disques finissaient dans des déchetteries, des stations des radios mettaient leur discothèque dans des hangars et l'oubliaient… Jusqu'au moment où des collectionneurs ont commencé à faire des recherches et ont réussi à accéder à certaines de ces discothèques abandonnées. À partir des années 2000, la revalorisation des disques vinyles a commencé. Du coup, j'étais en avance sur ce mouvement. Car la collection de vinyles que je possède aujourd'hui est le fruit d'un travail qui n'a jamais cessé depuis l'adolescence. »

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