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La fable de la gaufre et de la tortue

Comment as-tu procédé pour obtenir les images de ce dossier ?

« J'ai utilisé StarryAI, une application qui offre la possibilité de créer 5 séries d'images gratuites par jour. Pour les images de singes, je me suis limité à donner un prompt, c'est-à-dire une instruction ou invite (“une foule de singes qui tapent sur des laptops”), en ajoutant quelques indications esthétiques (“couleurs profondes, fond lumineux, ombres”) et en désignant un univers de référence (“photo du magazine National Geographic”).

Pour la Tour de Champel, en plus du prompt (qui était une réponse délirante de ChatGPT, voir p. 52) j'ai utilisé une image de départ — c'est une possibilité offerte par StarryAI et par MidJourney — en expérimentant deux pistes. Si je lui donne une photo de la vraie Tour de Champel, le programme reprend des éléments réels

On peut faire des choses assez ludiques de cette manière-là. Si vous donnez au programme l'image d'une gaufre et un prompt “tortue de mer”, c'est comme si vous lui disiez : “Ce que tu vois là n'est pas une gaufre, c'est une tortue”… et le programme vous fait une tortue dont la carapace reproduit la gaufre, en remplaçant les framboises par des anémones de mer. » utilise les images générées par l'IA à l'autre bout de la chaîne : si elle est un-e professionnel-le, elle se sentira sans doute comme un-e imposteur-e. » tels que la forme générale de la tour et les chemins environnants. Si en revanche je lui donne une image qui n'a rien à voir, par exemple une composition abstraite que j'ai créée, le programme essaie de coller à la dynamique de couleurs de cette image, tout en répondant au prompt textuel. C'est ainsi que, dans une des variations, il a mis des nuages roses pour émuler les zones de rouge de l'image d'origine. Dans les autres, il a décidé que ces éléments de couleurs seraient en fait des branches en fleur…

En dehors de ces images, utilises-tu l'IA dans ton travail créatif ?

Comment vois-tu plus généralement la place de l'IA dans la création ?

« Je teste quelques outils de création d'images dans mes loisirs, pour m'amuser, pour être au courant, pour analyser, pour m'inspirer… Aujourd'hui, ce n'est professionnellement pas convaincant, et il y a des dangers. Dans le prompt pour la Tour de Champel, j'ai mis les noms de trois photographes d'architecture à prendre comme modèles (Sean Bagshaw, Iwan Baan, Hélène Binet). Si on donne en référence un-e seule artiste, c'est un peu moche, c'est un peu du vol de style. Si on donne plusieurs noms, le programme va peut-être créer un univers plus original en faisant un mix, mais on touche malgré tout à quelque chose de discutable…

Des grandes entreprises comme ShutterStock et Adobe sont en train de mettre en place des systèmes permettant de rétribuer les auteur-e-s des images utilisées pour générer ces résultats. Mais à mon sens, ce n'est pas un horizon très désirable pour la personne qui a créé ces images de départ, ni pour celle qui

« Je pense que ces outils sont parfaits pour faire des mood boards (tableaux d'inspiration) : ils génèrent des accidents qui peuvent nous ouvrir des voies qu'autrement on n'aurait peut-être pas vues. Mais si ensuite on ne travaille pas sur le résultat pour partir ailleurs, c'est fichu : à la limite on arrête de réfléchir et d'innover…

Sur le plan culturel, le phénomène de feed-back loop [boucle de rétroaction, dans laquelle le résultat d'un processus est réinjecté comme point de départ du cycle suivant] est ce qui m'inquiète le plus. L'IA engloutit à une vitesse sidérante tout ce que l'humanité a imaginé, ce qui crée l'illusion d'un super-pouvoir qui serait à portée de main. Mais si nous nous reposons sur ces logiciels, ceux-ci ne feront bientôt qu'engloutir et recracher ce qu'ils ont eux-mêmes produit. » u « … et le programme vous fait une tortue dont la carapace reproduit la gaufre, en remplaçant les framboises par des anémones de mer… »

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