Francis Ponge, Nioque de l’avant-printemps, Benway Series 4

Page 12

poétique mais post-générique. De ce modèle critique, supposant de la part du lecteur suspension de tous ses présupposés voire de tous ses préjugés quant à la chose « poésie », relève le volume aujourd’hui offert au lecteur italien. Il y a donc, en 1983, aux éditions Gallimard, la publication d’un petit livre vert (c’est la couverture qui est verte, comme l’herbe des prés), Nioque de l’avant-printemps. L’un de ces « petits » livres qui rejoignent, vers l’extrémité terminale de l’œuvre, ce que pouvait avoir de discrètement « subversif », au tout début, un autre mince volume : celui des Douze petits écrits. Bref, mais très percutant, très libre et suscitant. C’est d’ailleurs pourquoi, en 1990, l’ambiance poétique n’étant pas (n’étant plus), dans le contexte français d’alors, à la transgression des codes, etc., et pour répondre de façon offensive à ce contexte dépressif, fut donné pour titre à une revue qui entendait perpétuer la veine critique pongienne des carnets, tentatives, fabriques et autres brouillons publiés, le nom de Nioques, mettant ainsi l’accent sur la question de la désidentification du genre poésie, sur la question du déplacement de l’objet-poème au rang de modalité d’expression parmi d’autres, en position relative, au même titre (par exemple, dans ce livre) que le « proème », ou la « note », ou la « déclaration », non nécessairement achevé (il y a dans le livre Nioque une page et quatre lignes intitulées « début du poème d’avant-printemps »). Il est clair que le mot « Nioque » se substitue décidément au mot « poème ». De la même façon que, dans La Fabrique du pré (livre publié en 1971), Francis Ponge dit éprouver une inhibition

10


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.