l'ombre blanche | saneh sangsuk

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47 me ferait trembler de peur, de la peur de tuer. Mais sous les vieux palétuviers au bord de la rivière, j’en suis venu à penser tout autrement. Une femme et moi… Au diable son passé ! Je me sentais jeune homme. Fleurs épanouies, ciel dégagé, air vif d’une après-midi de saison froide, et le vent venu de la rivière qui soufflette mon visage et encanaille mes cheveux. Et une femme, une vraie femme, pas une caricature de femme, une vraie femme, épanouie et lumineuse, bavarde et prompte à rire… Avec une femme comme ça une nouvelle vie doit être possible. Mort, suicide et maladies mentales doivent être bannis de la réflexion, mais après avoir contemplé la rivière un long moment, j’étais toujours morose et me suis remis à penser à la mort. Les traces de pas de la mort ne s’étaient point effacées de ma mémoire. La rivière n’était pas belle. Je ne sais pas, peut-être qu’on n’était pas au bon endroit. Nous nous trouvions à l’orée d’une plantation de longanes. Sur l’autre rive se côtoyaient un champ de maïs, un champ de tabac et un champ de sorgho, sans doute sous la supervision du Département du Développement Agricole, ainsi qu’un champ où poussaient de jeunes tamariniers à peine plus hauts qu’une personne. Au-delà, la rivière n’était pas belle. L’eau rasait les berges, coulait fort, vite et trouble, rouge brun. Vue de loin, sous la clarté de la lune ou à la lumière du crépuscule, peut-être aurait-elle meilleure allure. Mais je n’ai pas dit à Kwan de m’emmener voir la rivière ailleurs. Nous sommes restés debout ensemble L’OMBRE BLANCHE | SANEH SANGSUK


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