Décors, mobilier et objets d’art du musée du Louvre (extrait)

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Décors, mobilier et objets d’art du musée du Louvre de LOUIS XIV

à M ARIE-A NTOINETTE

















Décors, mobilier et objets d’art du musée du Louvre de Louis XIV à Marie-Antoinette


Musée du Louvre Jean-Luc Martinez Président-directeur Hervé Barbaret Administrateur général Jannic Durand Directeur du département des Objets d’art Vincent Pomarède Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle Laurence Castany Sous-directrice de la Production et de l’Édition

Cet ouvrage accompagne l’ouverture des nouvelles salles du département des Objets d’art du XVIIIe siècle français au 1er étage de la cour Carrée du musée du Louvre

Il bénéficie du soutien de GT Finance et du concours de Patrick A. Gerschel, Dalva Brothers, Inc., Mark Pigott K.B.E., Thierry Millerand et un donateur anonyme, avec la collaboration des American Friends of the Louvre

Cet ouvrage est imprimé sur un papier recyclé produit par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.

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En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre. © Musée du Louvre, Paris, 2014 http://www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2014 www.somogy.fr ISBN musée du Louvre : 978-2-35031-484-6 ISBN Somogy : 978-2-7572-0602-7

Illustration de la couverture : Pendule à musique « au rhinocéros », Paris, vers 1745-1749 (cat. 93, détail) Dépôt légal : mai 2014


Décors, mobilier et objets d’art du musée du Louvre de Louis XIV à Marie-Antoinette

Sous la direction de Jannic Durand, Michèle Bimbenet-Privat, Frédéric Dassas Avec la collaboration de Catherine Voiriot

Textes de Marc Bascou, Michèle Bimbenet-Privat, David Brouzet, Marie-Elsa Dantan, Frédéric Dassas, Calin Demetrescu, Cyril Duclos, Jannic Durand, Nicolas Fournery, Catherine Gougeon, Sophie Laroche, Stéphane Loire, Jean-Luc Martinez, Marie-Hélène de Ribou, Marie-Catherine Sahut, Guillaume Séret, Catherine Voiriot


Le Louvre remercie les généreux mécènes qui ont rendu possible le réaménagement des salles dédiées aux objets d’art du xviiie siècle : • Montres Breguet ses présidents successifs Nicolas G. Hayek (†) et Marc A. Hayek • Le partenariat exceptionnel Louvre Atlanta une collaboration entre le High Museum of Art (Atlanta, Géorgie) et le musée du Louvre (Paris) soutenue par Mme Anne Cox Chambers Accenture UPS, Turner Broadcasting System Inc., The Coca-Cola Company, Delta Air Lines, Axa Art Insurance Corporation, The Sara Giles Moore Foundation • Le Cercle Cressent du Louvre, présidé par Mme François Pinault Grands mécènes M. Michel David-Weill M. et Mme François Pinault Bienfaiteurs Fondation Gilbert et Rose Marie Chagoury Mme Paula Cussi M. et Mme Hubert Guerrand-Hermès M. Xavier Guerrand-Hermès Fondation Stavros S. Niarchos Fondations Edmond de Rothschild M. et Mme Bernard et Gonda Vergnes Donateurs Kering M. Daniel Thierry Amis M. Hervé Aaron Prince Amyn Aga Khan M. et Mme Francis Bailly Mme Jean-Paul Barbier-Mueller M. et Mme Juan de Beistegui Mme Ariane Dandois M. et Mme Alain Fayard Mme Florence Fesneau M. et Mme Patrick Gounelle M. François-Joseph Graf M. François Hemmelmann M. William Iselin M. et Mme Laurent Kraemer M. et Mme Olivier Kraemer MM. Nicolas et Alexis Kugel Comtesse Charles de La Bédoyère

M. et Mme François-Clément Lafon M. et Mme Bernard Lanvin M. et Mme Olivier Laurans M. François Léage Mme Pierre de Margerie Mme Micheline Maus M. Pierre-André Maus Comte et comtesse Louis-Amédée de Moustier M. Bill Pallot M. Jean-Louis Remilleux Baronne Philippine de Rothschild M. et Mme Olivier Sanson Baron et baronne Seillière Comte et comtesse Louis-James de Viel Castel Comte et comtesse Charles-André Walewski


• Les American Friends of the Louvre et leur Cressent Circle John et Becca Cason Thrash Mike et Joan Kahn Mrs. Jayne Wrightsman Lionel et Ariane Sauvage Donateur anonyme Christopher et Astrid Forbes Harry et Linda Fath San K. J. Lee Le musée du Louvre et les American Friends of the Louvre tiennent à remercier particulièrement Becca Cason Thrash, qui a orchestré les événements de levée de fonds Liaisons au Louvre I et II, et également les nombreux donateurs américains et internationaux qui ont participé à ces manifestations.

• La Société des Amis du Louvre sous la présidence de M. Marc Fumaroli, avec deux de ses donateurs d’exception, M. Michel David-Weill et M.Yan Pei-Ming • Les donateurs de la campagne menée à Hong Kong, orchestrée par Mme Pansy Ho Bienfaiteurs MGM China Mme Pansy Ho Amis Chen Wai Wai Vivien Foundation Limited Paul Y. Engineering Group Limited Donateurs First Initiative Foundation, Michelle Ong Sabrina Chao Chinachem Group

• Les Fine Arts Museums of San Francisco soutenus par Cynthia Fry Gunn et John A. Gunn • Eni • Kinoshita Group • Les mécènes en nature

Jacques Garcia, qui a rendu possible la muséographie des salles Mathieu Lustrerie Maison Pierre Frey Paris Passementerie SEMA ébénisterie Memorias d’Épocas Doreur d’Art Maline Concept Bronzier d’Art Parquets W Veraseta Parquets Gal

Le musée du Louvre remercie également pour leur généreux soutien : Goldin Group, François Pinault Foundation, BNP Paribas, Société Européenne de Production, Trimaran, Christie’s Asie, Christie’s France, Château Haut-Brion, Château Lafite-Rothschild, Château Margaux, Château Latour, Château MoutonRothschild, Château Angélus, Château Lynch-Bages, Château Cos d’Estournel, Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, Château Rauzan-Ségla, Perrier-Jouët, Grand Hôtel de Bordeaux & Spa, Air France. La restauration de la coupole peinte par Antoine-François Callet a bénéficié du soutien de Lionel et Ariane Sauvage, des cercles de mécènes du Louvre et du concours d’Andy et Avery Barth et d’Alex Bouzari, avec la collaboration des American Friends of the Louvre. Le réaménagement du Salon d’Abondant a été rendu possible grâce au soutien du Fonds Sue Mengers.



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e mécénat amorcé en 2009 à l’initiative de mon grand-père Nicolas G. Hayek aboutit donc en cette année 2014 et contribue à offrir au public du musée du Louvre de nombreux espaces supplémentaires abritant des trésors principalement du xviiie siècle, véritable âge d’or des arts décoratifs. Les belles salles du Conseil d’État ainsi que tout le premier étage de l’aile nord de la cour Carrée ont retrouvé leur splendeur. J’ai suivi avec grand intérêt, depuis 2010, ce chantier magnifique qui a fait appel à de nombreux artisans possédant un savoir-faire transmis de génération en génération ; ces ébénistes, ces bronziers, ces doreurs, ces tapissiers, ces restaurateurs de tableaux me font penser à nos chers horlogers des vallées suisses, eux aussi héritiers et dépositaires de nombreux métiers d’art. À travers ce mécénat, les liens se trouvent renforcés entre la maison Breguet et le musée du Louvre. Une recherche dans nos archives a révélé que Vivant Denon, le premier « patron » du Louvre et lointain prédécesseur de Jean-Luc Martinez, posséda une montre Breguet à répétition ainsi qu’une pendule en biscuit, achetées respectivement en 1810 et 1811, et l’on sait que le Louvre abrite depuis longtemps une vaste collection horlogère incluant de très belles créations de Breguet. Mais c’est, bien sûr, l’exposition de 2009 organisée à l’initiative d’Henri Loyrette sous le titre « Breguet au Louvre, un apogée de l’horlogerie européenne » qui rapprocha fortement nos deux maisons. Mon grand-père avait coutume de dire qu’une entreprise comme Breguet, active sans interruption depuis 1775 dans une activité – l’horlogerie – qui mêle les arts décoratifs, les sciences et les techniques, faisait partie intégrante du patrimoine culturel européen. Aujourd’hui, je suis fier de présider cette maison et de participer, à travers l’ouverture des salles des objets d’art du xviiie siècle, au rayonnement mondial du Louvre. Marc A. Hayek Président & CEO de Montres Breguet


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usée universel par excellence, le Louvre possède, entre autres trésors, l’une des plus belles collections d’objets d’arts décoratifs du xviiie siècle. Des meubles royaux aux instruments scientifiques, de l’orfèvrerie aux bijoux, des porcelaines aux peintures et aux tapisseries, cette collection unique représente toutes les facettes du savoir-faire et du goût français. Issues du génie d’artistes et de créateurs souvent multidisciplinaires, ces pièces racontent à leur manière le foisonnement extraordinaire d’initiatives, d’idées et d’inventivité du siècle des Lumières. Ce patrimoine incomparable se devait d’être doté d’un écrin à sa mesure. C’est désormais chose faite. Grâce au talent de Jacques Garcia, à l’expertise des restaurateurs, véritables artisans de l’excellence, et à l’engagement sans faille de toutes les équipes du musée, les nouvelles salles d’exposition des objets d’art du xviiie siècle, repensées et agrandies, offrent un cadre exceptionnel aux chefs-d’œuvre de ces artistes et artisans qui ont marqué durablement l’histoire de l’art et de l’artisanat. À la faveur d’une scénographie qui embrasse dans un même élan la diversité d’expression, l’évolution du goût, la cohérence esthétique et la rigueur d’exécution, les objets sont magnifiés, sublimés, en un mot ranimés. Les nouvelles salles accueillent aussi pour la première fois de nombreuses pièces inestimables jusque-là conservées dans les réserves du musée, à l’instar des panneaux de lambris d’époque restaurés pour l’occasion. Elles offrent enfin au public un panorama unique et brillant du raffinement et de l’art de vivre français. C’est un véritable hommage rendu à notre histoire. Grâce doit en être rendue à Henri Loyrette, qui a été à l’initiative de cette entreprise ambitieuse, et à Jean-Luc Martinez, qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire aboutir ce projet. Les nouvelles salles xviiie du département des Objets d’art n’auraient pu voir le jour sans la mobilisation de tous les passionnés d’art, des généreux donateurs et en particulier des membres du Cercle Cressent, que j’ai l’honneur de présider. Je souhaite les remercier pour leur implication, leur contribution, et surtout leur fidélité à cet esprit français qui conduit les collectionneurs et les mécènes à enrichir en permanence le patrimoine national. Maryvonne Pinault Présidente du Cercle Cressent


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e xviiie siècle a été, en France, une période particulièrement riche sur le plan de la création artistique. Au milieu du siècle, la cour étant installée en permanence à Versailles, le Louvre accueille les ateliers et les manufactures royales qui vont permettre aux meilleurs artistes et artisans de l’époque d’exercer leurs talents et d’ouvrir la voie à l’âge d’or des arts décoratifs français. Depuis 2005, alors que les salles consacrées au mobilier du xviiie siècle fermaient pour rénovation, l’association des American Friends of the Louvre (AFL) a mené un important travail de sensibilisation et de collecte de fonds pour s’associer à cette opération d’envergure. L’association, son conseil d’administration, ses membres et tous les donateurs sont particulièrement heureux d’avoir dépassé l’objectif de quatre millions de dollars qu’ils s’étaient fixé pour contribuer au financement des travaux. Sous la conduite de Becca Cason Thrash, vice-présidente des AFL et brillante organisatrice, une grande partie des fonds a été recueillie au cours de deux galas internationaux – Liaisons au Louvre I et II – qui ont connu un immense succès. Des fonds supplémentaires sont venus de donateurs de tous les États-Unis. Cette générosité participe de l’intérêt profond que les Américains portent de longue date à la culture et à l’art français et du soutien constant qu’ils leur apportent, et notre campagne a renforcé l’engagement qui est au cœur de notre mission : faire du musée du Louvre un lieu d’agrément et de culture pour tous. Les sommes réunies par les American Friends of the Louvre ont été affectées à la restauration d’un salon conçu pour l’hôtel Dangé-Villemaré, l’une des grandes adresses du Tout-Paris du xviiie siècle, située 9, place Vendôme. Cet étonnant salon, témoin des aménagements intérieurs créés par les ateliers parisiens sous le règne de Louis XV, permettra d’entrer de plain-pied dans une des plus élégantes maisons de l’époque. Les AFL ont pu, de surcroît, financer la restauration d’une coupole peinte en 1774 par Antoine François Callet pour Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé. Elle est réinstallée, au cœur des nouvelles salles, dans un espace consacré au style néoclassique. Les American Friends of the Louvre sont honorés d’avoir ainsi contribué à la préservation et à la présentation de ces magnifiques objets d’art. Dans le sillage des personnalités des débuts des États-Unis, comme Jefferson, Washington et Morris (qui a succédé à Jefferson comme représentant des États-Unis à Paris) et jusqu’aux grands philanthropes et collectionneurs du xxe siècle – les Vanderbilt, Getty, Rockefeller et Wrightsman –, l’association des AFL, ses membres et ses donateurs se sont attachés à perpétuer la digne tradition de notre pays qu’est le mécénat artistique. Ainsi ont-ils participé avec enthousiasme à la préservation de ces chefs-d’œuvre des arts décoratifs français, pour le plaisir et l’instruction des millions de visiteurs qui arpenteront le Louvre, aujourd’hui et dans les décennies à venir. Nous avons pris part à cette noble tâche avec une joie intense, et nous tenons à féliciter tous ceux qui, au musée du Louvre, ont contribué à cette réouverture tant attendue. Christopher Forbes Président American Friends of the Louvre


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u sein de la longue tradition d’hégémonie parisienne dans le domaine des arts décoratifs (elle remonte au moins au ministériat de Richelieu), le règne de Louis XV représente la période la plus inoubliable, malgré l’autorité que Napoléon a pu donner au goût à l’antique dans les arts du décor sous son règne. Dès la monarchie de Juillet, la fascination rétrospective pour le décor français du xviiie siècle n’a plus été simplement européenne, elle est devenue mondiale, s’étendant aux États-Unis, à l’Amérique latine et même à l’Extrême-Orient. On peut se hasarder à dire que l’invention de l’Art déco a tenté en plein xxe siècle moderne de renouveler avec succès dans tous les domaines de l’art ce que l’on a pu appeler « un moment de grâce dans les arts français ». C’est donc un grand événement que la restauration à grande échelle, commencée depuis près de dix ans, des salles d’arts décoratifs du xviiie du musée du Louvre. Cette suite de salles, par son élégance, sa variété, son charme, ses proportions, son confort, sera pour le public du Louvre, qui en comporte tant, l’un des trésors les plus attrayants du musée. C’est une des fiertés de la Société des Amis du Louvre, bien plus que centenaire, de n’avoir cessé d’enrichir les collections d’arts décoratifs xviiie du Louvre, qui vont enfin trouver un écrin digne d’elles. Dès 1907, nous offrions au musée une écuelle couverte et son plateau en argent doré sortis de l’atelier de l’orfèvre du roi Thomas Germain. Je ne peux pas me livrer ici à une énumération exhaustive. Je me bornerai à quelques exemples de notre fidélité envers les collections xviiie du département des Objets d’art, comme l’achat en 1933, avec le concours du grand-père de Michel David-Weill, du pot à oille et de son plateau venant du service commandé à Paris par Catherine II et offert en 1772 à son amant et ministre Grégoire Orloff. Il nous est arrivé depuis d’offrir au même département deux autres pots à oille, l’un d’Edme Pierre Balzac, provenant des collections du duc de Penthièvre, en 1994, et tout récemment un autre pot à oille de la collection Walpole, daté de 1726, par l’orfèvre Nicolas Besnier. J’ajouterai encore le nécessaire d’Henri-Nicolas Cousinet provenant du mobilier de la reine Marie Leczinska, offert en 1955, et en 1994 la paire de sucriers à poudre en argent, ciselé par un maître parisien, appartenant au mobilier du duc de Bourbon. Notre politique avait été jusqu’à présent d’offrir au Louvre des objets d’art d’exception. La restauration des salles des arts décoratifs aura été l’occasion d’élargir notre action de mécénat auprès du musée, et nous nous sommes engagés à financer entièrement la restauration de la chambre de parade du duc de Chevreuse. Deux donateurs hors pair attachés à notre Société, MM. Michel David-Weill etYan Pei-Ming, ont contribué de leur côté à rendre possible la réalisation de ce magnifique chantier. Nous sommes très heureux d’avoir trouvé dans le Cercle Cressent, chez les American Friends of the Louvre et chez de nombreux donateurs privés une générosité fraternelle à la nôtre. Nous nous sommes réjouis de la voir se déployer sous la direction de conservateurs aussi remarquables que MM. Daniel Alcouffe, Marc Bascou et Jannic Durand, en étroite association avec M. Jacques Garcia, grand connaisseur du goût xviiie, et avec l’architecte en chef des Monuments historiques, M. Michel Goutal. Notre conseil d’administration, en compagnie de M. Michel David-Weill, a suivi de près l’évolution de ce grand chantier et nous n’avons jamais douté que le résultat serait à la hauteur des enjeux et retentirait dans le monde entier. Marc Fumaroli de l’Académie française Président de la Société des Amis du Louvre


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l y a près de dix ans, un soir d’avril 2005, se fermaient les portes des anciennes salles du département des Objets d’art consacrées aux meubles et objets d’art du xviiie siècle au premier étage de la cour Carrée. La mise aux normes d’installations techniques obsolètes rendait la fermeture au public inévitable, mais cette fermeture offrait aussi la possibilité d’une restructuration complète des salles pour répondre aux exigences d’une muséographie renouvelée, destinée à un nombre sans cesse croissant de visiteurs venus des horizons les plus divers. Ce projet s’inscrivait dans le prolongement naturel de la métamorphose générale du palais, entreprise avec l’attribution au musée des anciens espaces du ministère des Finances et l’inauguration de la Pyramide en 1989, puis celle des salles de l’aile Richelieu en 1993 et 1999. Il aura donc fallu près de dix ans pour conduire à bien cette opération, et même bien davantage si l’on se souvient que les premiers contours d’une rénovation avaient été esquissés dès les années 1995 par Daniel Alcouffe, alors directeur du département des Objets d’art. Toutefois, c’est à Marc Bascou, qui lui a succédé de 2004 à 2013, que revient le mérite d’avoir entièrement conçu, avec l’aide du département, les grandes lignes d’un programme puis, à partir de 2008, grâce au concours généreux de Jacques Garcia, le projet muséographique des nouvelles salles mis en œuvre par le musée avec l’assistance de Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques responsable du palais. Le présent ouvrage, publié à l’occasion de l’ouverture de ces nouvelles salles, est destiné à accompagner ce moment privilégié de l’histoire du département et aussi du musée où, déployées sur plus de deux mille mètres carrés, plus de deux mille œuvres, qui forment l’une des plus belles collections au monde de meubles et d’objets d’art du règne de Louis XIV et du xviiie siècle, sont enfin de nouveau présentées au public. Ce livre veut également saluer le travail accompli par tous ceux qui, au sein du musée et hors de ses murs, ont permis la réalisation de ce projet. Réunissant plus de deux cents chefs-d’œuvre de l’une des périodes les plus glorieuses des arts décoratifs, il veut aussi rendre un vibrant hommage aux très nombreux donateurs sans lesquels les collections du département ne seraient pas ce qu’elles sont. Il est enfin dédié aux très nombreux mécènes qui se sont mobilisés pour rendre possible la réfection complète des nouvelles salles et auxquels le musée tient aujourd’hui à exprimer sa plus profonde gratitude. Jannic Durand Directeur du département des Objets d’art


Remerciements Cet ouvrage accompagne l’ouverture des nouvelles salles du département des Objets d’art. À cette occasion, le département souhaite adresser ses plus vifs remerciements à tous ceux qui ont bien voulu contribuer à cet événement, en tout premier lieu Henri Loyrette qui, lorsqu’il était président-directeur du musée du Louvre, a soutenu le projet de rénovation dès ses origines, et Jean-Luc Martinez, son successeur, qui a tout mis en œuvre pour le mener à bien. Le département tient à remercier également, pour leur soutien constant, Hervé Barbaret, administrateur général du musée, et son prédécesseur, Didier Selles, ainsi que Charlotte Lemoine, administrateur général adjoint, et Aline SyllaWalbaum, Catherine Sueur et Claudia Ferrazzi, qui l’ont précédée dans cette fonction. Le réaménagement des nouvelles salles du département consacrées aux règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI n’aurait jamais pu avoir lieu sans la très grande générosité des mécènes dont les noms figurent en tête de cet ouvrage, et qui ont bien voulu soutenir le projet jusqu’à sa réalisation finale et en assurer le financement, au tout premier rang desquels les Montres Breguet et leur président, Marc A. Hayek, les membres du Cercle Cressent et sa présidente, Maryvonne Pinault, les American Friends of the Louvre et leur président, Christopher Forbes, et la Société des Amis du Louvre et son président, Marc Fumaroli. À eux tous, et aux nombreux autres mécènes qui ont apporté leur concours à ce projet, en France et à l’étranger, le département tient à rendre hommage et à exprimer sa plus profonde gratitude. L’ensemble du projet a été conçu avec passion par Marc Bascou, directeur du département des Objets d’art de 2004 à 2013, avec le généreux et actif concours de Jacques Garcia. Le département souhaite leur dire, à l’un et à l’autre, sa plus amicale reconnaissance. Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques, chargé du palais du Louvre, a bien voulu assurer la maîtrise d’œuvre du projet, à lui également s’adressent tous nos remerciements. L’un des fondements du projet, fruit d’un travail collectif qui a occupé de nombreuses années, reposait sur le désir de présenter les œuvres au public en les replaçant, autant que possible, dans leur contexte spécifique, historique et stylistique. Le département des Objets d’art tient à dire toute sa gratitude aux donateurs qui, par leur générosité, ont bien voulu contribuer à en enrichir ses collections à cette fin : outre la Société des Amis du Louvre et sa participation exceptionnelle à l’achat des pots à oille de Nicolas Besnier, Hubert de Givenchy, Nicole et Pierre Guénant, Patrick, Hubert, Jérôme, Simon-Xavier Guerrand-Hermès et Myriam Guerrand-Hermès Siegrist, Pierre Jourdan-Barry, Olivier, Laurent, Mikael et Sandra Kraemer, Paul Micio, Xavier Petitcol, Jean-Marie Rossi, Claude Sère (†), Benjamin Steinitz et Jayne Wrightsman, ainsi qu’un donateur généreux qui a préféré demeurer dans l’anonymat. Il faut également saluer, pour un don fait au département des

Peintures destiné aux nouvelles salles, Christian et Nathalie Volle, et Marie-Catherine Sahut. De même, le département souhaite exprimer sa plus vive reconnaissance aux responsables des institutions patrimoniales qui ont bien voulu soutenir sa démarche en acceptant le prêt ou le dépôt d’œuvres d’une importance majeure au sein des nouvelles salles : au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Béatrix Saule ; au musée du château de Fontainebleau, Xavier Salmon et son successeur Vincent Droguet ; au musée national de la Renaissance – château d’Écouen, Thierry Crépin-Leblond ; à la Cité de la céramique à Sèvres, Éric Moinet ; à l’Union centrale des arts décoratifs, Olivier Gabet ; au Mobilier national, Bernard Schötter, administrateur général, ainsi que Christiane Naffah et son prédécesseur, Arnauld Brejon de Lavergnée  ; au Conservatoire national des arts et métiers, Olivier Faron, administrateur général, et Serge Chambaud ; à la Cité de la musique, Laurent Bayle, directeur général, et Éric de Visscher ; au Domaine départemental de Sceaux, Dominique Brême. Le département des Objets d’art remercie également le Conseil général d’Indre-et-Loire et Julie Pellegrin, ainsi que la Société archéologique de Touraine et son président, Yves Cogoluègnes, pour leurs prêts généreux. Toute la gratitude du département s’adresse de même à Thomas P. Campbell, directeur du Metropolitan Museum à New York, et à Luke Syson, directeur de l’European Sculpture and Decorative Arts Department, ainsi qu’à Daniëlle O. KislukGrosheide, pour le prêt à long terme des deux panneaux des collections du musée provenant des lambris du boudoir turc du comte d’Artois à Versailles, qui sont venus heureusement compléter ceux déposés par le château de Versailles. Le département des Objets d’art exprime également sa reconnaissance à ceux des départements du musée du Louvre qui ont bien voulu apporter leur concours à la réalisation de ce projet. Il tient à remercier leurs directeurs successifs : au département des Arts graphiques, Carel van Tuyll, et son successeur, Xavier Salmon ; au département des Peintures, Vincent Pomarède ; au département des Sculptures, Geneviève BrescBautier et son successeur Sophie Jugie, et enfin Françoise Gaultier au département des Antiquités grecques étrusques et romaines, ainsi que tous ceux de leurs collaborateurs qui ont pris une part active à ce projet. Le département des Objets d’art est aussi très touché par l’accueil généreux qui lui a été réservé dans plusieurs demeures historiques de Paris pour lui permettre la restitution la plus exacte possible d’éléments de décors dans les nouvelles salles. Il tient à remercier tout particulièrement, à l’hôtel de Saint-Florentin, Vivien P. Woofter, secondée par Candice Nancel ; au Conseil d’État, Isabelle Schwartz ; à l’hôtel de Matignon, Richard Flahaut ; à l’hôtel de Brienne, le maître principal Patrice Clémencet ; à l’hôtel de Bourvalais, Christophe Bayard et Éric Bombardi ; à l’hôtel de Mayenne, Michel Quinton, avec l’aimable assentiment de Jean-François Lagneau ; à l’hôtel Dangé, le cabinet d’avocats Clifford Chance, ainsi que Bertrand Germain et Louis Fournet-Fayard

de la Société Rolex ; dans les locaux de la maison Lelièvre, rue du Mail, Patrick Lelièvre, ainsi que Céline Mouzard et toute son équipe. Il faut également remercier pour leur aide précieuse Michel Bourbon (†), Antoinette Brenet, Thérèse Brenet, Marc Court, Dominique Fernandès, Hervé Grandsart, Claude Landes, Jehanne Lazaj, Jocelyne Le Brenn, Pascale Le Cacheux, Blanche Legendre, Brigitte Le Guern, Viviane Luisetto¸ Audrey Mathieu, Joëlle Monlouis, Trudi Münzebrock (†), Régis Nacfaire de Saint Paulet, Frank Petit de Breuil, Sylvia Soleilhavoup, ainsi que les héritiers de Michel et de Robert Carlhian. Le département remercie aussi, à la manufacture Prelle, Guillaume Verzier et Maryse Dussoulier pour leurs conseils avisés et le temps qu’ils lui ont consacré. Enfin, au château de Versailles, le département est heureux de témoigner toute sa reconnaissance à Pierre-Xavier Hans, pour sa disponibilité et ses conseils avisés. Toute la gratitude du département va à ceux qui, au sein de l’agence de Michel Goutal, ont bien voulu assurer à ses côtés la maîtrise d’œuvre du projet, en particulier François Drocourt et Marie-Laure Ludot. De même, toute notre gratitude s’adresse à ceux qui, dans l’agence de Jacques Garcia, ont étroitement participé à cette aventure : Philippe Jégou, Marina Niccolai, Antoine Panzani, Xavier Alnet et Cédric Bidan. La dette du département est également toute particulière à l’endroit d’Anne-Sophie Girard, qui a apporté son concours à toutes les étapes de ce projet, auprès de Michel Goutal d’abord puis de Jacques Garcia, et dont le soutien amical et déterminé ne lui a jamais fait défaut. Dans l’accomplissement de ce projet, durant près de cinq années, le département a bénéficié de la collaboration attentive et désintéressée de Fabrice Ouziel, architecte d’intérieur historien du décor du xviiie siècle français. Ces pages sont l’occasion de rendre hommage à son travail et de lui témoigner toute notre reconnaissance. Il est impossible de résumer ici tout ce que la réalisation du projet doit à ses connaissances et à son énergie. Marie-Catherine Sahut, conservateur en chef honoraire au département des Peintures, s’est personnellement impliquée avec enthousiasme dans tout ce qui concernait les peintures retenues pour les nouvelles salles, ainsi que dans la restauration et l’installation au centre du pavillon Marengo de la coupole d’Antoine-François Callet. Le département veut lui redire ici toute sa reconnaissance et toute son amitié, ainsi qu’à Stéphane Loire, qui, de son côté, a suivi toutes les opérations relatives à la restauration et à l’installation dans les salles du plafond peint provenant du palais Pisani à Venise. Christophe Piccinelli, au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, a apporté toute son énergie au projet de présentation des collections d’antiques dans la salle Piranèse aux côtés de Jean-Luc Martinez puis de Françoise Gaultier. Le département lui en est très grandement reconnaissant. Le département est également très obligé envers Françoise Mardrus, qui a suivi le projet avec la plus grande attention dès ses premiers pas et qui en a


assuré la bonne marche, en particulier dans les moments les plus difficiles. Il tient à la remercier très sincèrement pour son amical soutien. Très nombreux sont ceux qui, au sein du musée, ont étroitement participé durant près de dix ans à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet jusqu’à la réouverture des salles. Auprès du président-directeur, l’amitié de Benoît de Saint-Chamas ne nous a jamais fait défaut. Pour tout ce qui touche à la communication institutionnelle et au mécénat, aujourd’hui regroupé à la direction Support aux relations extérieures : Anne-Laure Béatrix, ainsi que Christophe Monin, ancien directeur du Développement et du Mécénat, Nathalie Cuisinier, Adel Ziane, Céline Dauvergne, Isabelle Deborne, Laurence Roussel, et, pour le mécénat, Axelle Baillet, Anne Demarque, Sophie Kammerer-Farant, Constance LombardFarhi, Éléonore Valais de Sibert, ainsi qu’Ina Giscard d’Estaing, Frédéric Le Coz, Krystyna Pieter, Claire Pigny, César Chemineau, Yukiko Kamijima, Julia de Rouvray, Asrar Yassin-Mohamed, Cécile Vaullerin, Amélie Strobel, Valentine Denjoy-Seillière et Françoise Bonnevialle, sans oublier l’aide amicale de Sabine de La Rochefoucauld et, au début du projet, celle précieuse de Nathalie Brunel. Au Fonds de dotation du musée du Louvre : Philippe Gaboriau, ainsi que Croisine Martin-Roland. À la direction financière et juridique, devenue direction Support administratif : Pascal Perrault, ainsi que Valérie Game, Anca Ilutiu, Robin Kopp, Ève-Amélie Dolain-Proust et Laurent Stragier. À la direction Support à la recherche et aux collections : Brice Matthieu, ainsi qu’Anne de Wallens, Joëlle Le Roux, Bertrand Le Dantec, Anne Vincent, Margot Guillemard et Isabelle Vignon, ainsi qu’Avril Cassanas. À la direction des Ressources humaines : Jean-Luc Rousseau, ainsi que Maryvonne Buard, Jean-Marc Irollo et Xavier Milan. À la direction Accueil du public : Serge Leduc, Christine Finance, ainsi que Vincent Baudet (†), Denis Fousse, Jean-Pierre Teyteau, Daniel Scripesac et Jacques Mettoudi. Notre reconnaissance s’adresse également au Service de prévention sécurité incendie, au capitaine Laurent Leclercq et aux sapeurs-pompiers détachés au musée. Une mention particulière doit être réservée au Service informatique, en particulier à Bruno Zeitoun, Steve Quentin, Martine David, Anne Pfennig et Sylvain Provost, qui nous ont si souvent secourus, ainsi que, pour les dispositifs multimédias, Matthieu Canto. Le projet des nouvelles salles n’aurait pu voir le jour sans l’investissement quotidien de la Maîtrise d’ouvrage, en particulier de sa directrice, Cristina Haye, et des chefs de projet successifs, dont le rôle a été déterminant : Cédric Martenot, Krishnaraj Danaradjou, et enfin Daniela Miccolis, qui a su répondre depuis trois ans, avec efficacité et sans jamais perdre le sourire, aux difficultés croissantes survenues lors des dernières phases du chantier. Le département tient à leur exprimer sa plus vive reconnaissance, et à remercier très chaleureusement Tifenn Guével-Commin, Catherine Calligeris, Laurent Ricard, Delphine Roelens, Eugenia Royo Bau, Hélène Boudin et Olivier Ségissement, ainsi que Nathalia Denninger, Caro-

line Druet, Isabelle Muller, Valérie Nicoltzeff et Voara Razafinjaka. Le département n’oublie pas tout ce qu’il doit aux autres équipes de la direction du Patrimoine architectural et des jardins qui travaillent désormais auprès de Sophie Lemonnier, précédemment dirigées par Alain Boissonnet à la direction Architecture muséographie et technique, en particulier Jean-Claude Riehl et Philippe Carreau à la sous-direction Bâtiment et Gilles Berda à la sous-direction Technique. Lors de la réalisation du projet, le département a constamment bénéficié de l’expertise et de l’excellence du savoir-faire des ateliers du musée. Le département adresse ses plus vifs remerciements à Vincent Pomarède et à Sophie Lemonnier, à Michel Antonpietri et à Aline François-Colin, et aux responsables successifs des ateliers muséographiques : Hervé Jarousseau et son prédécesseur Benoît Chalandard, ainsi que leurs adjoints Michel Cugnet puis Émilie Langlet. Il est impossible de détailler autant que nous le souhaiterions tous les travaux qui ont été exécutés par les équipes de travaux d’art du musée. À l’atelier de menuiserie-ébénisterie, notre plus vive reconnaissance s’adresse à Stéphane Fauvaux et à son équipe : Loïc Chahory, Didier Boucheron, Stéphane Chadelat, Denis Duvignau, Camille Legendre, Jean Rochereau de la Sablière et Lucas Frayssinet. Un grand nombre de décors sont dus à l’investissement exceptionnel de l’équipe de l’atelier peinture et décoration d’Éric Journée avec Lionel Boutaillier, Guillaume Bartoux, Thierry Choquet, Marie-Hélène Delcayrou, Didier François, Vincent Gallancher, Stéphane Monpière, Nicolas Ruyter et Julie Lacourieux. Un grand merci également à Didier Joaquim et à son équipe de l’atelier de tapisserie, David Belliard, Romain Danëns, Lionel Huck et Perrine Cornuel, pour leurs conseils et leur travail de très grande qualité. Max Dujardin et ses équipes de l’atelier d’encadrement-dorure ont apporté leur talent à l’exécution du projet ; nous remercions très sincèrement Béatrice Arbousset, Thierry Bourjot, Anne Dauvilliers-Tisot, Élisabeth Grosjean, Damien Lepage et Oriane Moreau. Notre reconnaissance s’adresse également à Jean Buard, de l’atelier marbrerie, et à ses équipes, Armel Barreda, Karine Croise, Katia Dreghi, Daniel Favard, Marielle Guiffard, Fabrice Ledant, Cédric Motte, Marc Tea et Alex Zenon, pour le soin qu’ils ont pris de quelquesunes des plus belles œuvres du département. La présentation des plus précieuses d’entre elles doit beaucoup aux ateliers de métallerie et de montage d’objets d’art. Au sein du premier, nous remercions très sincèrement Jean-Louis Ruellan et les membres de son équipe : Laurent Doumingos, Cyrille Colin, Didier Delos, Luc Franchette, Alix Lauba, Jean Noslen, Guillaume Valois. Au sein du second, Pascal Goujet et son équipe : Jean-René Liénard, Romain Pastor, Stéphane Penaud, Philippe Sirop. Au sein de l’atelier de support muséographique, François Bernardini et son équipe, et tout particulièrement Ludovic Coquin pour les soins attentifs qu’il a prodigués aux collections d’argenterie du département, mais aussi Bruno David, Marie-Andrée Antonin, Sébastien Caisé, Éloi Chacelas, Sandra Crétin, Sandrine Droy, Éric Fontaine, Albert Ladjyn, Fabrice Lautru, Stéphane

Legrand, Jacqueline Narou et Philippe Outin. À l’atelier de montage dessin, nous remercions Marlène Vernet et ses collaborateurs, Irène Julier et Dominique Boizot. L’atelier d’éclairage, avec Sébastien Née et son équipe, a été d’un soutien irremplaçable dans l’élaboration comme dans la mise en œuvre de nombreux dispositifs. Notre reconnaissance s’adresse tout particulièrement à Karim Ouffela et, auprès de lui, à Éric Chatenier, Karim Berrehouma, Kevin Bree, Sébastien Duboc, Ouhaid Kaïd, Tony Phirmis et Rachid Slimani. Le transport et l’installation des œuvres ont été rendus possibles grâce à la collaboration d’Alain Caisé et de Richard Picouleau, à l’atelier de transport, et à celle des membres de l’atelier d’installation, sous la responsabilité de Tony Abel et avant lui de Valérie Decombas : Jean-Louis Jasawant-Ghiraou, Jocelyn Abenaqui, Morgan Abenaqui, Victor Almeida Alves, Romain Armengaud, François Bignon, Marie-Clélie Dubois, Éric Cadendrier, Jeremy Carrasco, Vincent Crespel, Laurent Dhéron, Carlos Heleine, Stéphane Hervé, Anthony Lallouet, Denis Larue, Boris Nacinovic, Flavien Norca, William Spirito, Jean-Marc Voinot. Il faut encore remercier, pour la planification du Service des travaux muséographiques, Cédric Breton, Soraya Kamano et Franck Poitte. Patrick Compans, conducteur de travaux, a été un interlocuteur privilégié, sans lequel rien n’aurait été possible. Le département est heureux de lui témoigner aujourd’hui son amicale reconnaissance pour son dévouement constant. En outre, le département est heureux de reconnaître sa dette à l’endroit de plusieurs autres acteurs du musée qui nous ont aussi accordé très généreusement leur aide, en particulier Cristina Arlian, Matthieu Bard, Djamila Berri, Malika Berri, Inès Cabanne, Aline Cymbler, Martine Depagniat, Anne-Élisabeth Lusset, Christophe Personne et Arnaud Trochet. La préparation de tout le matériel de médiation doit beaucoup au travail de Marina Pia-Vitali et de Sophie Hervet. Pour toute l’aide apportée en matière de muséographie et de signalétique, notre gratitude s’adresse en particulier à Clio Karageorghis, Carol Manzano, Donato Di-Nunno, Véronique Koffel, Frédéric Poincelet et à l’atelier des graphistes pour la réalisation du matériel didactique mis à la disposition du public dans les salles. Les dispositifs multimédia ont bénéficié des soins attentifs de Noëmie Breen et Christina Kekicheff. Au service audiovisuel, nous souhaitons dire notre gratitude à Catherine Derosier-Pouchoux, Manon Luquet et Valérie Coudin, ainsi qu’à Guillaume de Lestrange et Laurent Menec pour la réalisation d’un documentaire sur la restauration des salles, coproduit avec la société européenne de production Jean-Louis Rémilleux, le musée du Louvre et France 5. Notre gratitude s’adresse aussi au Service Images de la Réunion des musées nationaux, à Panthéa Tchoupani et Karine Berthemet en particulier. Enfin, l’Auditorium s’est chargé d’organiser plusieurs manifestations destinées à accompagner l’ouverture des nouvelles salles en invitant à la découverte du projet dans ses différentes facettes. Nous remercions très vivement Jean-Marc Terrasse, Monica Preti-Hamard


et Charlotte Chastel-Rousseau pour le travail de préparation de ces manifestations. Durant toutes ces dernières années, la restauration des œuvres a sollicité le concours d’un nombre considérable de talents. La plus vive reconnaissance du département s’adresse aux équipes du Centre de recherche et de restauration des musées de France pour leur engagement constant à ses côtés, et en tout premier lieu à leur directrice, Marie Lavandier, et à son prédécesseur, Christiane Naffah, ainsi qu’aux responsables du département restauration, Lorraine Mailho et son prédécesseur Béatrice Sarrazin. Nous avons trouvé auprès des responsables de la filière arts décoratifs, Agnès Mathieu-Daudé puis Roberta Cortopassi, ainsi que Caroline Thomas, un soutien sans faille, et de même, pour la filière peinture, auprès de Pierre Curie, Isabelle Cabillic, Odile Cortet, et Clarisse Delmas. Rien n’aurait été possible non plus sans les compétences et le dévouement exceptionnels de nos collègues restaurateurs : Marc-André Paulin, Frédéric Leblanc, Pascal Petit et Helbertijn Titia Krudop à l’atelier d’ébénisterie, Roland Février, Marie-Jeanne Dubois, Stéphanie Courtier et Loïc Loussouam à l’atelier de dorure, Emmanuel Plé pour le métal, Frédéric Beauprêtre pour la tapisserie. Nous tenons également à remercier pour leur collaboration Nathalie Balcar,Thierry Borel, David Bourgarit, Joëlle Crétin, Maria-Filomena Guerra, Manuel Leroux et Dominique Robcis. Enfin, pour la restauration des peintures, Catherine Vernochet (†), Marie-Ange Laudet-Kraft, Anne Lepage et Jean-Pascal Viala. La restauration de la collection de boiseries du département a été un enjeu considérable du projet. Nous remercions très sincèrement tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont permis de mener à bien cette entreprise. Les lambris du salon d’assemblée, ceux du cabinet en bibliothèque de l’hôtel Dangé et ceux de la chambre de parade de l’hôtel de Chevreuse ont été restaurés par des groupements de restaurateurs conduits par l’atelier de restauration des Ateliers de la Chapelle. Ce travail considérable n’aurait pas été possible sans l’énergie et l’expérience de Pierre et Cécile Gilbert et sans celles de leurs collaborateurs : Donatien Baron, Dominique Bienaimé, Éric Bouyer, Carine Carvalho, Clément Frouin, Xavier Melin, Patrice Morand, Julien Paillat, Julien Retailleau et Jean-Baptiste Rondard. La maison Arcoa a assuré la restauration des peintures. Nos remerciements s’adressent à Jean-Sylvain Fourquet, gérant, à Ludovic Loreau, directeur technique, à Amparo Bartolomé, Darib Foued, chef de chantier, et, auprès d’eux, à Myriam Fillion, Marina Fouquet, Yves Grandsart, Sylvain Lhotelier, Lydie Patonnier, Pascale Roane et Frédéric Zérounian. La restauration des dorures a été confiée à la maison Mariotti. Nous remercions son directeur, Nicolas Mariotti, et ses collaborateurs : Magalie Aubrun, Frédéric Bigand, Gwénaëlle Hayot, Antoine Mangeant, Matthias Muller, Caroline Skowron et Laura-Jean Triolet. Pour la serrurerie, il faut remercier la maison Robert & Robert, en particulier David Robert, Emmanuel Robert, Claire Robert, et Benjamin Danjon, Jonathan Garnier, Jean-Baptiste Gallon,

Vincent Touzé et Antonin Sorel. La délicate restitution des ornements en plâtre de la chambre de parade de l’hôtel de Chevreuse a été confiée à la maison SOE Stuc & Staff. Nous adressons tous nos remerciements à son président-directeur général, Bruno Rondet, à Pascal Montbrun, ainsi qu’à Zohair Djelassi pour sa passion de l’exactitude. Rien n’aurait été possible sans la patience de Cécile Loignon, dessinatrice, et le talent d’Anne Nicolle et d’Aline-Christine Putot-Toupry, sculpteurs, cette dernière assistée de Titi. Nous remercions enfin Gilles Charpentier, Gilles-Patrick Charbonnier, Lewis Brun, Léo Brun-Gillet, Sidonie Brutto, Geoffrey Chocat, Étienne Pallu et Matthias Quenivet. Nous tenons à exprimer toute notre gratitude à l’équipe qui, auprès de Jean Perfettini, s’est consacrée avec passion à la restauration spectaculaire des boiseries du cabinet de l’hôtel Dangé : Élisabeth Grall, Thierry Palanque, Delphine Élie-Lefebvre, Lise Havard et Florent Dubost pour la menuiserie, Vincent Mouchez pour la sculpture, Éléna Duprez, Aline Bérélowitsch, Laurent Blaise, Sylvie Dauvergne, Séverine François, Marie-Noëlle Laurent, Gwenola Le Masson et Jean de Seynes pour la peinture, Marie Dubost, Mélissa Albeza, Florence Labadie, Julie Laubreton, Isabelle Rehault pour la dorure, Anne-Cécile Viseux pour la serrurerie, ainsi que Chantal Cerda, Henri Jumel et Christian Teillard d’Eyry, qui ont restitué les croisées. La restauration de la coupole du salon du pavillon des Petits Appartements du palais Bourbon et celle du plafond du palais Pisani ont été un véritable défi. Nos plus vifs remerciements s’adressent à Anthony Pontabry, qui a su le relever avec succès et, auprès de lui, à l’ensemble de ses collaborateurs : Sabine Ruault-Paillard, Ludovic Roudet, Chantal Bureau, Benoît Dragon, Frankline Barres, Janin Bechstedt, Marie Begue, Xavier Beugnot, Luciana Bocca, Cornelia Cione, Laurence Didier, Stéphanie Doucet, Marielle Doyon-Crimail, Pascale Hafner, Catherine Huisse, Marie-Ange Laudet-Kraft, Alix Laveau, Émilie Lormee, Aurélie Robinet, Lucia Tranchino, Béatrice Villemin, ainsi qu’Alain Bondon, Alain-Mickaël Puren, Anne Chauvet et Bertrand Leroy. Nos remerciements s’adressent en outre aux nombreux autres restaurateurs qui nous ont guidés par leurs conseils et qui ont mis leur expérience et leur talent au service de ce projet : Géraldine Albers, Béatrice Beillard, Laura Caru, Sabine Cherki,Véronique Deroubaix, Sarah Gonnet, Patricia Dupont, Thérèse Gentilucci, Olivier Lagarde, Gwenola Le Masson, Sylvain Luchetta, MarieEmmanuelle Meyohas, Olivier Omnès, Julie Schöter, Olivier Tavoso, Bruno Szkotnicki, Antoinette Villa, Marc Voisot, ainsi que les maisons Arvaud, Lemerle frères et Chevallier Conservation, au sein de laquelle notre reconnaissance s’adresse tout particulièrement à Montaine Bongrand et, auprès d’elle, à Belmira Le Glatin, Flore Mayvial, Chantal Romao et Tamara Stankievicz. Il faut également rendre hommage au savoirfaire déployé par les sociétés et entreprises spécialisées qui, tous corps de métiers confondus, sont tour à tour intervenues dans la réalisation des nouvelles salles.

L’éclairage a été conçu sur les conseils et grâce à l’expertise d’Éric Gall, éclairagiste et scénographe. Qu’il en soit très vivement remercié, de même que, pour la réalisation des vitrines, Daniel Lorber, Elke Jäger et leur équipe de la maison Reier, ainsi que Jérôme Colin de Vitrine Avenue. Pour les travaux de menuiserie confiés aux Ateliers de la Chapelle, notre reconnaissance s’adresse tout particulièrement à Dominique Gilbert, pour son engagement constant à nos côtés. Il n’est pas une des nouvelles salles qui, à un titre ou à un autre, ne doive à son talent et à son dévouement. Nous remercions également Yves Gilbert, Romain Gilbert, le chef d’atelier Denis Gauthier et Fabienne Ménard, ainsi que les ébénistes Yoann Bondu, Jérôme Boudet, Philippe Brunet, Christophe Canevet, Bernard Durance, Vincent Durand, Sébastien Guetté, Antoine Paré, Philippe Pineau, François Pithon, Bruno Riou, Pierre Vigneron, et les menuisiers Pascal Cimic, Raphaël Jimenez, Fabrice Jeanot et Jean-Michel Routhiau. Nos remerciements s’adressent tout spécialement à Jérôme Brevet, dessinateur, qui a suivi la mise au point des plans d’exécution avec un souci constant de perfection. Chez Staff Décoratif, nous remercions Vincent Petit et, tout particulièrement, Laurent Pons, Claire Deschamps, sculpteur, et Thierry Bouhier pour la parfaite bonne grâce avec laquelle ils se sont pliés aux spécificités du projet, ainsi que Frédéric Bigot, Laurent Dondelinger, Jérôme Fourdin, Antoine Lemeste, Nzembani Francisco, Jean-Pierre Tarantin, de même qu’Audrey Cricco, Pierre-Louis Dietchy et Pierre Wagner, tous trois sculpteurs. Pour tout ce qui concerne la confection des textiles et de la passementerie, notre reconnaissance s’adresse à tous ceux qui nous ont fait bénéficier de leurs soins particuliers dans ce domaine : la maison Tassinari & Chatel, en particulier Dominique Fabre et Jean-Luc Lenoir-Grieser, ainsi que Carole Damour, Serge Moinier, Denis Boully et toute l’équipe de la manufacture. Chez Declercq Passementiers : Jérôme Declercq, Élisa Declercq, Claire Barbleu, Abélina Morino, ainsi qu’Olivier Alexandre, Corinne Comaille, Stéphane Ledoux, Ilaria Macocco, Dominique Monvoisin, Christophe Poulain, Isabelle Rachel. À l’Atelier des Carmes : Bruno Brocard pour sa constante disponibilité, Charlotte Brocard, ainsi que Claire Baraza, Jean-Michel Denis, Daniel Dexet, Arnaud Gillet, Thi Tuyet Dung Nguyen, Claire Zalewski. Aux Ateliers Polybe & Malet : Étienne Polybe, Alice Malet, Guy Malet et Marc Jarousseau, ainsi que François Ballouard, Émilia Battut, Laeticia Delalande, Julie Dugué, Myriam Girier, Vincent Illanes, Pauline Paget, Mariline Ribault, Johanna Sarrauton. Enfin, nous remercions Michel Chauveau et Sébastien Ragueneau pour leurs conseils précieux au fur et à mesure de l’avancement du projet et, auprès d’eux, Stéphanie Becker, Rémi Broissand, Arnaud Caradec, Julia Modest, Isabelle Pers-Fargeas, Noémie Salvato et Lucie Vincent. Pour les travaux de peinture, assurés par la maison Duval & Mauler, nous sommes reconnaissants envers Julien Facon, Pierre Voisin, Jean Estieux, et plus particulièrement Sergio Gago et Hassan Bouadma, ainsi que Mohamed Chacroune, Jérémie Chripko, Candido Fernando, Patrick


Gobourg, Lassaad Hajji, Mamoud Hassaneine, Olivier Pineau, Georges Podik. Il faut également remercier, pour la peinture décorative et les faux-marbres, à l’Atelier Eschlimann, Christophe Eschlimann, Marie Vanesse, ainsi que Raphaëlle Beltoise, Alicia Haran, Julien Labarre, Martin Labouré, Roxanne de La Richerie et Candice Soulard. Il faut en outre remercier toutes les personnes des autres entreprises qui ont concouru à la mise en œuvre et à l’achèvement du projet : JeanYves Bruchausen, Gilbert Margueritte, Felipe Tavares et José Benvenido Lopès de Oliveira, ainsi que Geraldino Mota et José Queijo chez DBPM-Marbre  ; Daniel Venisse, Éric Banse, Hervé Chiraux et Georges Guilbert des Parquets Briatte ; Jérôme Gendre et ses équipes ; Patrick Ribeiro, Catherine Pekovits, Marie Petit, Huayra Lanque, François Ourth, Vincent Guilbault, Amandine Merminot et Maud Discors chez Version Bronze ; Agnès Nitsch de l’atelier Golden Leaves ; David Mercier, Vincent Millérioux, Richard Jouanny pour Fontelec ; David Fourcade et Nicolas Jobard pour Cegelec ; Patrick Laronce du Bureau de contrôle Socotec ; Édouard Chagot pour Opteor ; Isabelle Gonnard de Coordination Santé Sécurité ; Pascal Martin chez GESOP ; Édouard Meyvial et Solenn Péquin chez SETEC ; Lylian Brevet et Abdellah Dahmoni chez Challencin ; Patrick Wade chez Dupont Kine. Enfin, pour les transports d’œuvres, chez LP Art : Gwenaël Rimaud, Nicolas de Tudert, Aude Raveleau, Chun N’go, Claude Noble, Thierry Dieudonnat, Philippe Perot Dominique Puntarik, Hervé Thouroude, Beaudouin Yake, Julien Lecoq, Marie-Cécile Roques. Sans oublier Omain Menguy et Bogdan Racolta chez LPPDS. Enfin, les éditeurs de cet ouvrage, auxquels s’associe Catherine Voiriot-Bonnet, souhaitent remercier tous ceux qui ont contribué à ce qu’il puisse voir le jour : non seulement les auteurs qui ont bien voulu participer à la rédaction des textes, mais aussi tous ceux qui ont pris une part active à l’édition, en particulier Violaine BouvetLanselle, Laurence Castany, Fanny Meurisse, ainsi que Fabrice Douar, qui s’est chargé de la rédaction de l’index, tandis que Camille Sourisse prenait en charge l’Album. Enfin, sans l’énergie, la gentillesse et la sérénité de Christine Fuzeau, responsable éditoriale, cet ouvrage aurait eu bien du mal à prendre forme. Qu’elle en soit chaleureusement remerciée et veuille bien accepter l’expression de notre plus amicale reconnaissance. Il faut aussi saluer le travail considérable des traducteurs, auxquels le public doit la version anglaise de l’ouvrage, et la collaboration efficace du Service des ressources documentaires et éditoriales, notamment Anne-Laure Charrier-Ranoux, qui a bien voulu apporter son concours au financement des campagnes photographiques, et Anne-Myrtille Renoux, qui lui a succédé, ainsi que Céline Rebière-Plé, Gabrielle Baratella, Chrystel Martin, Clémence Georgin, Flavie Grandet. Il faut aussi vivement remercier Antoine Mongodin, qui, avec son œil de photographe, a réalisé une véritable chronique en images de la réinstallation des collections, et

pour les photographies des œuvres illustrant la présente édition : Martine Beck-Coppola, JeanGilles Berizzi (†), Raphaël Chipault et Benjamin Soligny, Thierry Ollivier, Olivier Ouadah, et Stéphane Maréchalle, Mathieu Rabeau, Philippe Sébert et Roger Basille, sans oublier le rôle essentiel de Catherine Bossis à l’Agence photographique de la Réunion des musées nationaux. Nos plus vifs remerciements s’adressent également aux éditions Somogy, en particulier à Nicolas Neumann, ainsi qu’à Ariane Aubert, Béatrice Bourgerie, Michel Brousset, Frédérique Cassegrain, Sarah Houssin-Dreyfus, Édith Lecherbonnier et Mélanie Le Gros, sans oublier la relecture attentive de Marion Lacroix et d’Anne Chapoutot. Les éditeurs et les auteurs de l’ouvrage remercient aussi leurs très nombreux collègues, chercheurs et amis, français et étrangers, qui les ont très généreusement aidés : Shirin Akiner, Daniel Alcouffe, Sébastien Allard, Pierre ArrizoliClémentel, Murielle Barbier, Jacques Bastian, Pierre Bonnaure, Christian Baulez, Mechthild Baumeister, David Beasley, Bruno Bédaride, Rufus Bird,Alice Bleuzen, Stéphane Boiron, Lesley Bone, Xavier Bonnet, Christian Bonnin, Chantal Bor, Yves Carlier, Bernard Causse, Marine de Cénival, Guillaume Cerutti, Martin Chapman, Régine Pierre-Chollet, Isabelle Compin (†),Olivier Delahaye, Virginie Desrante, Bertrand Dumont, Cécile Dupont-Logié, Maximilien Durand, Bertrand du Vignaud, Jérôme Farigoule, Guillaume Faroult, Antoinette Faÿ-Hallé, Guillaume Fonkenell, Camille de Foresta, Robert Fohr, Anne Forray-Carlier, Élisabeth Foucart-Walter, François Farges, Christoph Frank, Brigitte Gallini, AnneClaire Garbe, Guillaume Garcia, Nicole GarnierPelle, Jean-Jacques Gautier, Audrey Gay-Mazuel, Christine Germain-Donnat, Philippa Glanville, Jean Gismondi, Adrien Goetz, Catherine Granger, Hélène Grollemund, Harold Hessel, Marie Janton, Guillaume Kientz, Jacques Klotz, Monika Kopplin, Alexis Kugel, Nicolas Kugel, Thierry de Lachaise, Hervé Lacombe, Geneviève Lagardère, Thierry Lalande, Christine Laloue, Hervé de La Verrie, David Langeois, Alexia Lebeurre, Mélanie Lebret, Camille Le Filleul des Guerrots, Sylvie Legrand-Rossi, Agnès Léger, Isabelle le Masne de Chermont, Patrick Leperlier, Camille Leprince, Martin Levy, Étienne Lucas de Couville, Gérard Mabille, Carl Magnusson, Thierry Maniguet, Olivier Meslay, Nicolas Milovanovic, Thierry Mulette, Guillaume Nahon, Alexander Nesta, Michael Pantazzi, Céline Paul, Christophe Perlès, Jean-Jacques Petit, Nicolas Petit, Maud Pionchon, Emmanuelle Polack, Alexandre Pradère, Christophe de Quénétain, Tamara Rappé, Patrick Rocca, Marie-Laure de Rochebrune, Bertrand Rondot, Anne Roquebert, Pierre Rosenberg, Jean-Paul Saint-Aubin, Marie-Pierre Salé, Jean-Pierre Samoyault, Maria Santangelo, Thierry Sarmant, Carolyn Sargentson, Guilhem Scherf, Lorenz Seelig, Regina Seelig, Chantal SoudéeLacombe, Isabelle Taillebourg, Jean-Christophe Ton-That, Pascal Torres-Guardiola, Dominique Vandecasteele, Michel Vandeermersch, Charlotte Vignon, Jean Vittet, Nathalie Volle, Noémie Wansart, Christel Winling et Nicole Willk.

Enfin, l’ensemble des membres du département des Objets d’art a été très largement sollicité durant de nombreuses années par le chantier de la rénovation des salles, depuis le déménagement préalable des collections jusqu’à leur réinstallation dans les nouveaux espaces. Dans le déploiement de ce vaste mouvement d’œuvres, la régie du département a joué un rôle déterminant au quotidien : Laurent Creuzet et Carole Treton méritent pour cela notre plus grande reconnaissance. L’amical soutien de nos collègues Élisabeth Antoine, Françoise Barbe, Agnès Bos, Anne Dion et Philippe Malgouyres a été pour tous un grand réconfort au quotidien. Nous remercions également Marie-Cécile Bardoz, David Brouzet, depuis peu au Service du récolement des dépôts, Christine Chabod, Brigitte Ducrot, Dorota Giovannoni, ainsi qu’Anne-Gabrielle Durand, qui s’est attachée avec un soin particulier à assurer le suivi des nombreuses campagnes de prises de vue. Le concours d’Anne-Élisabeth Abiven et de Bako Rajaona a été d’une aide précieuse, comme, au secrétariat, celui de Fatiha Mihoubi, qui nous a fait bénéficier de toute son énergie, et de Cécile de La Porte. Nos remerciements s’adressent tout particulièrement à Béatrice Coullaré, dont l’engagement personnel a été fondamental tout au long de l’entreprise, et à Catherine Gougeon, en particulier pour le soin constant qu’elle a apporté à la mise en œuvre du programme de médiation multimédia, ainsi qu’à Marie-Hélène de Ribou, pour son assistance sans faille depuis les débuts de ce projet, et à Marie-Elsa Dantan, assistée un temps par Anne-Laure Seguin, pour sa collaboration précieuse notamment à la préparation logistique et à la mise en œuvre du projet, ainsi qu’à Catherine Voiriot-Bonnet pour son aide et son rôle décisif dans la réalisation du présent ouvrage. Il ne faut pas non plus oublier les nombreux stagiaires qui, à un moment ou à un autre, ont depuis près de dix ans apporté leur aide bénévole au projet : Nada Al Ameri, Alizzandra Baldenebro, Pierre-Olivier Benech, Camille Chapelle, Clara Chasles, Sonia Coman, JeanBaptiste Corne, Lisa Denis, Edwige Eichenlaub, Florentin Gobier, Philippe Halbert, Tatiana Hairy, Victor Hundsbuckler, Gersande Kruzik, Alexandre Lafore, Solaine Laine, Pierre-Louis Lefever, Victoria Le Guern, Juliette Lytovchenko, Elsa Marcot, Damien Messager, Bertrand Mothes, Alexandre Mordret-Isambert, Charlotte Pagnier, Astrid de Peufeilhoux, Karl Pineau, Vincent Poulain, Caroline Ragot, Geoffrey Ripert, Paul de Roquefeuil, Alexandra Rothenberger, MarieMarguerite Roy, Étienne Tornier, Jérémie Tortil, Delphine Vire et Ingrid Wacheux. Enfin, le directeur du département souhaite dire sa plus profonde et sa plus amicale reconnaissance à Michèle Bimbenet-Privat et à Frédéric Dassas pour avoir nourri et accompagné ce projet aux côtés de Marc Bascou et jusqu’à son achèvement. Souhaitons qu’un public nombreux rende justice à l’immense travail qu’ils ont accompli avec tous les autres acteurs du projet. Il est malheureusement probable que des noms manquent ici. Que l’on veuille bien nous pardonner ces oublis, car il va de soi que ces absents sont bien évidemment associés aux remerciements que nous adressons ici très chaleureusement à tous.


Auteurs

Marc Bascou (MB)

Nicolas Fournery (N F)

Directeur honoraire du département des Objets d’art Paris, musée du Louvre

Historien de l’art

Catherine Gougeon (C G) Michèle Bimbenet-Privat (M BP) Conservateur en chef, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Documentaliste scientifique, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Sophie Laroche (S L) David Brouzet (D B)

Conservateur du Patrimoine

Collaborateur scientifique et technique de conservation, service du Récolement des dépôts, Paris, musée du Louvre

Stéphane Loire (St L)

Marie-Elsa Dantan (ME D)

Jean-Luc Martinez (JL M)

documentaliste, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Président-directeur du musée du Louvre

Frédéric Dassas (F D)

Documentaliste, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Conservateur en chef, département des Peintures, Paris, musée du Louvre

Marie-Hélène de Ribou (MH R) Conservateur en chef, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Marie-Catherine Sahut (MC S) Calin Demetrescu (C D) Historien de l’art

Conservateur en chef honoraire, département des Peintures, Paris, musée du Louvre

Cyril Duclos (Cy D) Historien de l’art

Guillaume Séret (G S) Historien de l’art

Jannic Durand (J D) Conservateur général, directeur du département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre

Catherine Voiriot (C V) Documentaliste scientifique, département des Objets d’art, Paris, musée du Louvre


Sommaire Introduction Jannic Durand

18

L’esprit du décor Frédéric Dassas

30

catalogue du règne personnel de louis xiv à la régence 1661-1723 110

notices 1 à 62 les années rocaille 1720-1760 220

notices 63 à 146 le courant néoclassique 1760-1792 366

notices 147 à 231

annexes Bibliographie 521

Index des noms de personnes 534

Table de concordance 547


Fig. 1. Hubert Robert, Projet d’aménagement de la Grande Galerie du Louvre, 1796. Musée du Louvre, RF 1975-10

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Introduction JANNIC DURAND

voir notice 214

voir notice 12

Dès son ouverture au public, sous la Révolution, le Muséum des arts installé au Louvre abritait de grands vases d’ornement modernes en marbre et des vases de pierres dures à montures de bronze doré, mais aussi des pendules et des bronzes d’ornement. Un certain nombre de ces objets avaient en réalité été achetés par Louis XVI pour le futur musée que le souverain avait souhaité établir au Louvre. C’est le cas, notamment, du vase monumental de porcelaine de Sèvres du sculpteur Louis-Simon Boizot monté en bronze doré par Thomire, acquis dès sa création en 1783. D’autres objets saisis chez les émigrés étaient venus rejoindre ce premier ensemble dans la Grande Galerie. Plusieurs dessins et peintures de l’époque, entre rêverie et réalité, les montrent volontiers disséminés le long des murs (fig. 1). Dès 1796, la majeure partie des vases en pierre dure et des bronzes des collections de la Couronne, abrités au Garde-Meuble, étaient attribués au musée. Les premiers, aujourd’hui présentés dans la galerie d’Apollon, avaient pour l’essentiel été réunis sous Louis XIV. Quant aux seconds, qui forment le noyau initial des collections de bronzes Renaissance du musée, ils abritaient en leur sein quelques œuvres des xviie et xviiie siècles. Plusieurs bronzes furent malheureusement aliénés par la suite, tandis que d’autres furent choisis sous Napoléon Ier pour l’ornement des palais et des bâtiments officiels. Ce fut le cas, par exemple, du célèbre Jupiter foudroyant les Titans, dit « chenet de l’Algarde » (fig. 2), une fonte française du xviie siècle d’après un modèle d’Alessandro Algardi, qui couronne aujourd’hui, dans la première des nouvelles salles, comme déjà dans la galerie d’Apollon au xixe siècle (fig. 3), le guéridon dit « de Fouquet ». Versé au Louvre en 1795, envoyé dès 1802 au château de Saint-Cloud, il figura plus tard au palais des Tuileries, avant de revenir au Louvre (fig. 3). Fig. 2. Jupiter foudroyant les Titans, d’après un modèle d’Alessandro Algardi. Musée du Louvre, MR 3262

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décors, mobilier et objets d’art du musée du louvre de louis xiv à marie-antoinette

Fig. 3. Victor Duval (attribué à), Vue de la galerie d’Apollon au Louvre, côté Seine, vers 1875. Musée du Louvre, RF 2003-2

À cette époque, en revanche, les collections du musée n’abritaient quasiment pas de « meubles » proprement dits. Ceux qui, de provenance royale ou saisis chez les émigrés, avaient été destinés au Muséum entre 1793 et 1796 étaient rapidement repartis meubler les palais de l’État sous le Consulat et l’Empire. Le cabinet des stathouders de Hollande, une œuvre des ateliers d’Augsbourg du milieu du xviie siècle acquise lors de la conquête des Pays-Bas en 1795, ou le guéridon dit « de Fouquet » déjà cité, comptent au nombre des notables exceptions. La première moitié du xixe siècle et le Second Empire se signalent par l’entrée au Louvre de collections entières d’objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance (Durand, 1825 ; Révoil, 1828 ; Sauvageot, 1856 ; Campana, 1862) et par

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celle du trésor de l’ordre du Saint-Esprit dès 1830. Toutefois, aucun intérêt réel ne se manifeste alors pour les meubles, bronzes d’ameublement, tapisseries et tapis des xviie et xviiie siècles, ni pour l’orfèvrerie de cette période, et pas davantage pour la céramique ou la porcelaine, sauf pour quelques faïences incidemment associées aux collections déjà considérables de majoliques. Les choses changèrent radicalement en 1870, avec un premier versement du Garde-Meuble. Quelques jours seulement après la chute du Second Empire, étaient en effet attribués au Louvre des meubles et des objets des palais des Tuileries et de SaintCloud, lesquels devaient peu après être ruinés par les flammes. Cette heureuse décision permit de sauver un ensemble unique de meubles de Boulle, qui

voir notices 35 et 36

voir notices 14, 16, 18 à 21


introduction

Fig. 4. Victor Duval, Vue de la galerie d’Apollon au Louvre, 1874. Musée du Louvre, RF 1993-15

voir notices 32, 89, 184 voir notices 172, 201 à 204

trouvèrent en partie asile dans la galerie d’Apollon (fig. 4), mais aussi des bronzes d’ameublement et des vases montés, ou encore la célèbre table à écrire de Marie-Antoinette par Weisweiler et plusieurs objets des collections de la reine. Cette initiative témoignait d’une prise de conscience nouvelle, à laquelle la nostalgie des frères Goncourt, entre autres, pour le xviiie siècle, n’était sans doute pas étrangère. Ce premier versement fut suivi, trente ans plus tard, par un autre, encore plus important, effectué à l’issue de l’Exposition universelle de 1900, à laquelle Émile Molinier, conservateur chargé du département des Objets d’art, avait étroitement pris part. Il obtint en effet par décret, en février 1901, l’attribution au Louvre des meubles provenant du musée du Garde-Meuble qu’il avait lui-même réunis à l’Ex-

position rétrospective de l’art français. Au sein de cet ensemble éblouissant figuraient, en particulier, des tapisseries, des tapis, des meubles d’ébénisterie et de menuiserie, des bronzes d’ameublement, qui retraçaient pour la première fois dans chacun de ces domaines l’évolution des styles depuis le règne de Louis XIV jusqu’à la veille de la Révolution. Le versement de 1901 imposa aussitôt la création des premières salles du musée réservées aux collections de meubles et d’objets d’art de cette période, entre-temps enrichies de faïences, entrées par don ou plus exceptionnellement par achat, comme les quatre monumentales Saisons de Rouen acquises en 1882. Ces nouvelles salles, inaugurées dès mai 1901, investirent la partie nord des anciennes salles du Conseil d’État au premier étage de l’aile ouest de

voir notice 47

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décors, mobilier et objets d’art du musée du louvre de louis xiv à marie-antoinette

Fig. 5. Vue des salles du Conseil d’État inaugurées en 1901, photographie. Musée du Louvre, Documentation des Objets d’art

Fig. 6. Les salles de la donation Isaac de Camondo au deuxième étage de l’aile Mollien en 1914. Musée du Louvre, Fonds Aulanier no 2249 22


introduction

voir notices 38, 46, 49, 79, 103, 105, 109

voir notices 198, 142, 220 voir notices 143, 225, 228, 222, 227, 230, 231, 140, 221

voir notices 145, 146, 226 voir notices 2, 70, 97, 178

la cour Carrée (fig. 5). Leur ouverture encouragea les libéralités. Le legs du comte Isaac de Camondo en 1911, au sein duquel se côtoyaient peintures impressionnistes, arts d’Extrême-Orient, meubles et objets d’art du xviiie siècle, fut installé dans huit salles de l’aile Mollien, au cœur d’un décor de boiseries provenant en partie de l’ancien hôtel de Villemaré-Dangé, place Vendôme, versées par les Domaines en 1898 (fig. 6). Le legs du baron Basile de Schlichting, en 1914, outre les meubles et bronzes d’ameublement, enrichit les collections d’un ensemble de boîtes en or et de tabatières, dont le noyau primitif remontait au legs Lenoir de 1874. Celui-ci s’accrut encore en 1922 et 1929 grâce au legs de la baronne Salomon de Rothschild et à la donation Georges Heine. De même, la collection de montres se constitua principalement autour des legs Paul Garnier en 1916 et Marie-Julie Olivier en 1935. Enfin, des dépôts du Mobilier national et quelques achats, tels les chenets de François-Thomas Germain en 1935, l’une des toutes premières

acquisitions à titre onéreux du département pour le xviiie siècle, entraient à leur tour au musée. Ces enrichissements considérables rendirent nécessaire, dès les années 1930, une nouvelle présentation des meubles et objets d’art des xviie et xviiie siècles. Le grand plan de réaménagement du musée, conçu à partir de 1927 par Henri Verne, directeur des Musées nationaux, prévoyait de les installer dans l’aile nord de la cour Carrée, à la suite des salles dévolues au Moyen Âge et à la Renaissance au premier étage de l’aile est, inaugurées en 1938. La guerre interrompit durablement ce projet, entièrement revu et mené à bien de 1962 à 1966 par Pierre Verlet, qui dirigeait alors le département. Ce sont ces salles (fig. 7-9), que beaucoup d’entre nous ont bien connues, qui furent fermées en 2005. Tirant habilement parti des cloisonnements existants, Pierre Verlet était parvenu à établir, avec l’aide d’Olivier Lahalle, architecte en chef des Bâtiments civils et des Palais nationaux, un parcours chronologique jalonné de séquences monographiques dédiées

voir notice 101

Fig. 7. La « Grande salle Louis XV » en 1962. Musée du Louvre, Documentation des Objets d’art 23


décors, mobilier et objets d’art du musée du louvre de louis xiv à marie-antoinette

Fig. 8. Le « Cabinet des porcelaines » en 1962. Musée du Louvre, Documentation des Objets d’art

voir notices 5, 8, 33, 34, 93, 96, 177, 189, 190, 192

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aux plus grands ébénistes de leur temps, Boulle, Oeben, Carlin, Riesener, complété de vitrines distribuées par techniques : faïence, porcelaine, argenterie, horlogerie et bijouterie. Un certain nombre de meubles et de bronzes d’ameublement étaient également placés dans des décors anciens : le cabinet-bibliothèque de l’hôtel Dangé, ou « cabinet des porcelaines » (fig. 8), les boiseries néoclassiques de la chambre de parade de l’hôtel de Chevreuse, entrées grâce au legs de Mme Pierre Lebaudy, consenti en 1962, ou encore le « Cabinet chinois », sur les murs duquel alternaient glaces et fragiles papiers peints à décor de chinoiseries (fig. 9). En même temps, les collections continuaient à s’accroître à un rythme soutenu. En 1973, René Grog et son épouse Mme Carven donnaient au musée, sous réserve d’usufruit, un ensemble inégalé de tapisseries, de meubles et de bronzes d’ameublement qui, d’un coup, enrichirent singulièrement les ensembles déjà existants et comblèrent plusieurs lacunes, en particulier dans le domaine du mobilier néoclassique. D’autres dons insignes vinrent également rehausser l’éclat des collections, comme les boiseries

complètes et le mobilier assorti du grand salon du château d’Abondant offerts par le laboratoire Lafon en 1989, ou encore la tenture à fil d’or des Attributs de la Marine tissée pour Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, offerte par M. et Mme Gilbert et Rose Marie Chagoury en 2000. La générosité renouvelée des donateurs a aussi permis une ouverture sur des domaines jusqu’alors peu explorés. En 1946, la donation David-Weill avait ainsi apporté au Louvre les bases d’une collection d’orfèvrerie du xviiie siècle, alors quasiment absente. Elle fut complétée en 1955 par la donation concédée par Stavros Niarchos, sous réserve d’usufruit, de plusieurs pièces de l’ancienne collection Louis-Victor Puiforcat. En 1979, Mme Nicolas Landau dotait à son tour le musée d’une collection d’instruments scientifiques, jusqu’alors presque inexistants au Louvre. Dans le domaine de l’orfèvrerie du xviiie siècle, il faut souligner la contribution essentielle de la Société des Amis du Louvre, toujours généreuse à l’endroit du département, et ce, dès sa création et pour toutes les périodes. Ses efforts, depuis plus de cinquante ans, se sont notamment concentrés sur l’orfèvrerie royale et princière française. On lui doit le bassin de toilette de la duchesse d’Orléans, mais aussi le nécessaire donné par Louis XV à Marie Leczinska à l’occasion de la naissance du Dauphin, les extraordinaires sucriers à poudre en forme d’esclaves du duc de Bourbon, l’écuelle du cardinal Da Motta et son présentoir offerts dès 1907, ou encore la paire de pots à oille de Pierre Balzac issue du célèbre service Penthièvre-Orléans. La Société des Amis du Louvre vient une nouvelle fois de combler le département en lui offrant, en cette année 2014, l’un des deux pots à oille du service Walpole, témoins exceptionnels de l’orfèvrerie parisienne des années 1726-1727 et de l’art magistral de l’orfèvre Nicolas Besnier (fig. 10). Quant aux porcelaines, les donations Thiers en 1880, celles de la baronne Salomon de Rothschild en 1922, puis de Georges Heine ou encore du comte Anne-Jules de Noailles avaient ouvert la porte aux créations de Meissen, de Sinceny, de Vincennes, de Sèvres ou de Chantilly. Il fallut cependant attendre 1965 pour qu’une politique d’enrichissement systématique puisse hausser le Louvre à un niveau

voir notice 66 voir notice 6

voir notices 130, 132, 133

voir notice 134

voir notice 95

voir notices 58, 127, 130, 131, 133

voir notices 91, 90, 110, 111, 112, 115, 116, 122


introduction

voir notices 124 à 126, 206 à 209

voir notice 73 voir notice 86

voir notice 205 voir notice 135 voir notice 77 voir notice 234 voir notice 57

voir notice 170

voir notices 28, 69, 31, 78, 124, 136, 159, 162, 168, 170, 191, 217 voir notice 81

international dans ce domaine, notamment pour les grands vases d’ornement en porcelaine de Sèvres. Cette politique s’est elle-même inscrite durant les cinquante dernières années au cœur d’une série d’achats particulièrement brillants, dont beaucoup grâce à la détermination de Daniel Alcouffe, pour l’ensemble des collections du xviiie siècle : armoires de Cressent en 1974, sièges en bois doré de Heurtaut en 1975, cassolette en agate et or de Marie-Antoinette en 1982, couvre-plat et paire de flambeaux du roi Joseph 1er de Portugal en 1982 et 1984, commode en laque de la reine Marie Leczinska en 1988, tabatière de La Ferté-Vidame en 1999, nécessaire à thé du duc d’Orléans en 2007, pour ne retenir que quelques exemples parmi les plus éclatants. Enfin, dès 1972, les collections du département se sont aussi singulièrement enrichies grâce à des dations portant sur des œuvres insignes : la première fut celle du bureau en laque de Madame Victoire exécuté par Carlin. Elle fut heureusement suivie par d’autres, touchant tous les domaines de la création en matière de meubles et d’arts décoratifs du xviiie siècle. La commode de Madame de Mailly en vernis Martin a, par exemple, retrouvé l’encoignure assortie, offerte en 1951 par Richard Peñard y Fernández, et plusieurs

Fig. 9. Le « Cabinet chinois ». Vue avant la fermeture des salles en 2005

meubles à plaques de porcelaine, dont la célèbre commode de Madame du Barry, sont venus rejoindre la table-chiffonnière du legs Guérault en 1930, jusqu’alors bien isolée, pour illustrer un moment de l’histoire du goût aussi singulier que fascinant. Ainsi les collections de meubles et de bronzes d’ameublement s’étaient-elles considérablement accrues depuis les années 1960, et des domaines entiers, comme l’orfèvrerie ou la porcelaine, constituaient-ils désormais des ensembles exceptionnels. En conséquence, les œuvres s’étaient peu à peu accu-

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Fig. 10. Nicolas Besnier, pots à oille du service Walpole. Musée du Louvre

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décors, mobilier et objets d’art du musée du louvre de louis xiv à marie-antoinette

mulées dans les anciennes salles, qui n’avaient pas été conçues en fonction d’un semblable accroissement ni d’une semblable diversification. En outre, les deux galeries parallèles des « Tabatières » et de l’orfèvrerie qui couraient sur la rue de Rivoli, et la succession des salles ouvrant sur la cour Carrée, ne répondaient plus aux exigences des collections ni aux attentes légitimes du public. Les trente-trois salles réaménagées sous la conduite de Marc Bascou et de Jacques Garcia, avec l’aide du département des Objets d’art, et, en particulier, de Frédéric Dassas et Michèle Bimbenet-Privat, ainsi que de Fabrice Ouziel-, correspondent à celles qui occupaient jusqu’en 2005 le premier étage de l’aile nord de la cour Carrée, amputées cependant par deux grands escaliers créés depuis, de part et d’autre du pavillon Marengo, pour satisfaire aux normes actuelles de sécurité des bâtiments publics, et par un troisième, placé à l’extrémité orientale, construit pour la même raison. Elles incluent, en revanche, les anciennes salles du Conseil d’État et du pavillon de Beauvais, restaurées grâce au mécénat de

Montres Breguet, fermées à leur tour dès 2009 et où s’était réfugiée en 2005 une petite partie des collections. Enfin, la salle attribuée en 1993 à la tenture de Déborah et au coffre d’or de Louis XIV, qui assure la jonction entre les salles du premier étage de l’ancien ministère des Finances et celles du premier étage de la cour Carrée, a été incluse dans le projet avec ses boiseries, ses meubles Boulle et la tenture des Attributs de la Marine, pour offrir au visiteur venant des salles de l’aile Richelieu une introduction majestueuse aux salles Louis XIV et Régence. Les grandes salles du Conseil d’État, avec leurs plafonds peints du xixe siècle et leurs amples volumes, abritent désormais un ensemble homogène consacré aux chefs-d’œuvre des grandes manufactures royales et des ateliers de la Couronne sous le règne de Louis XIV, placés sous l’autorité de Le Brun dès 1667, aux meubles d’André-Charles Boulle puis à ceux de Charles Cressent sous la Régence. De son côté, la grande salle du pavillon de Beauvais, sous l’imposant plafond peint du Triomphe de Marie de Médicis, est consacrée à une présentation d’œuvres en

Fig. 11. Vitrines de la céramique de Rouen dans les nouvelles salles du département

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introduction

Fig. 12. Les boiseries de l’hôtel Le Bas de Montargis remontées dans les nouvelles salles du département

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vitrines : elles regroupent faïences (fig. 11) et pièces d’orfèvrerie de la seconde moitié du xviie siècle et de la Régence, jusqu’à l’épanouissement de l’art « rocaille » vers 1750, les plus significatives d’entre elles étant présentées sous forme de grands buffets dressés. Quant à l’aile nord de la cour Carrée, elle s’ouvre maintenant sur une salle qui rassemble les élégantes peintures d’Oudry provenant du château de Voré. Ensuite, les deux corps qui se déploient de part et d’autre du pavillon Marengo abritent chacun deux enfilades communiquant par des galeries transversales qui permettent au public de se déplacer de l’une à l’autre. La première, au sud, qui ouvre sur la cour Carrée, est réservée à une succession de period rooms. La seconde, au nord, ouvrant sur la rue de Rivoli, abrite une série de vitrines thématiques. Le programme retenu dès 2005 a aussi cherché à diversifier les approches proposées au public à partir de lignes de force aisément repérables. Pour l’ensemble des salles, le parti chronologique a été privilégié, afin de replacer les œuvres dans un cadre historique en suivant l’enchaînement naturel des courants stylistiques : du classicisme à la Régence, de l’art « rocaille » au goût à l’antique et au néoclassicisme. Le parcours a également été construit autour de plusieurs ensembles de

boiseries dont une partie seulement était présentée jusqu’alors. Un heureux hasard permet en effet au musée de disposer d’ensembles cohérents depuis les environs de 1700 jusque vers 1780. La série s’ouvre avec les lambris très novateurs de l’hôtel Le Bas de Montargis (fig. 12-13), exécutés par des artistes qui ont travaillé pour le roi à Versailles ; elle s’achève avec ceux pleins de grâce que la tradition associe à la célèbre Guimard, actrice, danseuse et mécène, récemment offerts en mémoire d’Aline Guerrand-Hermès par ses enfants, et avec les élégants panneaux peints du second cabinet turc du comte d’Artois au château de Versailles déposé par le musée des châteaux de Versailles et de Trianon. Entre ces deux termes, le bel ensemble des pièces provenant de l’ancien hôtel de VillemaréDangé, vers 1750, dont la bibliothèque sert maintenant d’écrin à la collection d’instruments scientifiques, les exceptionnelles boiseries du château d’Abondant encore accompagnées de leur mobilier assorti, ainsi que la grande chambre de parade de l’hôtel de Chevreuse, datant de 1766-1767, scandent les articulations stylistiques des salles, comme elles scandent ici les sections de l’ouvrage. Aucun de ces décors n’est bien sûr parvenu jusqu’à nous parfaitement complet. Le parti retenu a donc consisté à retrouver la logique fonction-

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nelle et spatiale des œuvres, en créant des volumes adaptés, avec leurs circulations et leurs ouvertures, et en restituant partout un cadre décoratif cohérent, qu’il s’agisse des sols, des lambris bas, des ouvertures, des plafonds ou des corniches. Parallèlement, un certain nombre de vitrines regroupent meubles et objets d’art dans la galerie nord-ouest, en complément des salles rocaille, ainsi qu’une galerie « Louis XV », dévolue à l’orfèvrerie royale et princière, aux boîtes, montres et tabatières des années 1720-1760. Pour la période néoclassique, d’autres vitrines permettent d’offrir une vue rapprochée sur des œuvres particulièrement fragiles, de disposer sur les meubles de menus objets, d’ouvrir les petits meubles mécaniques pour révéler leur structure et expliquer leur usage. Une vitrine évoque le commerce de luxe parisien et le rôle essentiel joué par les marchands merciers, à la fois créateurs, éditeurs, décorateurs et marchands de curiosités, fournisseurs du roi et des grands amateurs. Deux vitrines, liées aux arts de la table, prennent la forme de tables dressées et reflètent la pratique du service à la française, avec, en particulier, l’impressionnant service du roi George III d’Angleterre. Une vitrine isolée abrite deux maquettes originales en cire qui illustrent l’une des étapes de l’élaboration des meubles les plus somptueux. Deux derniers ensembles de vitrines, enfin, permettent de mettre en valeur les meubles et les objets les plus précieux des collections de la reine Marie-Antoinette. Afin de replacer les œuvres dans leur contexte historique et de souligner les liens étroits qui unissent les collections d’origine souvent royale au mécénat de la Couronne et aux grandes commandes des souverains et des princes de la famille royale, le parcours accueille en outre plusieurs œuvres généreusement prêtées par le département des Peintures, celui des Sculptures et celui des Arts graphiques : portraits peints, comme le célèbre portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud, ou sculptés, comme celui de Louis XVI par Augustin Pajou, et gravures et dessins qui, à côté des meubles et des objets, contribuent à rendre compte de l’évolution générale des formes et des ornements. Le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines a lui aussi apporté son concours : des sculptures antiques issues des collections du comte d’Orsay,

de l’architecte Léon Dufourny et d’autres amateurs du xviiie siècle sont rassemblées dans la « salle Piranèse ». Elles permettent, à côté des vases montés en bronze et des meubles du duc d’Aumont notamment, de mieux apprécier le triomphe du « goût à l’antique » et les sources du courant néoclassique. Des dessus-de-porte peints par François Boucher ont maintenant retrouvé leur fonction initiale dans les salles des Objets d’art. Le plafond à décor de chinoiseries peint par Scajario pour un palais vénitien, sorti de l’oubli des réserves, répond aux meubles et porcelaines à décor de chinoiseries de la période rocaille. De même, la spectaculaire coupole peinte d’AntoineFrançois Callet provenant d’un pavillon détruit du palais Bourbon, remontée pour la première fois et placée au centre du pavillon Marengo, met en œuvre un néoclassicisme à la française qui va de pair avec celui diversement exprimé dans les meubles et les objets d’art, tels ceux du prince de Condé, de la marquise de Pompadour ou de la comtesse du Barry. Un même souci de rapprochement a incité à solliciter l’aide du musée du château de Versailles et des Trianons avec lequel le département a depuis plusieurs années entretenu une politique de dépôts croisés : elle a permis la venue au Louvre de l’étonnante pendule astronomique de Germain dite de la « Création du monde », image impressionnante de l’essor des sciences au xviiie siècle, et de quelques autres œuvres majeures. Il faut aussi remercier pour leur concours plusieurs autres institutions patrimoniales françaises : le Conservatoire national des arts et métiers, le musée national du château de Fontainebleau, la Cité de la céramique de Sèvres, le musée national de la Renaissance – château d’Écouen, le Mobilier national, la Société archéologique de Touraine et le Conseil général d’Indre-et-Loire, l’Union des Arts décoratifs, le domaine départemental de Sceaux. Et enfin souligner la générosité du Metropolitan Museum à NewYork, qui a bien voulu accepter le prêt à long terme de deux panneaux peints provenant des boiseries du cabinet turc du comte d’Artois. Il reste à souhaiter que ces confrontations contribuent à stimuler l’intérêt des chercheurs, des étudiants et plus généralement de tous les visiteurs du musée, depuis si longtemps privés de l’une des plus belles collections au monde. Fig. 13. Boiseries de l’hôtel Le Bas de Montargis, détail

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voir notices 17, 149, 161, 164, 167




L’esprit du décor Frédéric Dassas

Sort particulier que celui des œuvres d’arts décoratifs : originellement conçues pour s’ordonner en un cadre cohérent et donner tout son lustre à la diversité des pratiques sociales, par la suite dispersées avant d’être à nouveau sélectionnées et réunies par des générations d’amateurs et de responsables de musées, elles appellent plus que d’autres une restitution à la fois matérielle et intellectuelle de leur contexte passé pour pouvoir révéler toute leur beauté et prendre tout leur sens. La notion de contexte est extensible à l’infini. Nous nous limiterons ici à trois de ses aspects : celui du cadre historique général, qui permet de rendre compte de la question des styles, celui des conditions institutionnelles et pratiques qui ont présidé à la production des œuvres, enfin celui des usages qui les ont inscrites dans leur temps, leur conférant leur place dans les lieux auxquels elles étaient destinées comme au sein de la hiérarchie qui régissait la position sociale de leurs commanditaires et utilisateurs.


Le contexte historique

et le mouvement des styles De Louis XIV à la Révolution : la période recouvre trois règnes, dont les deux plus longs de l’histoire de la monarchie française, et une évolution stylistique marquée d’abord par la mise en place d’un système des arts fortement centralisé d’où émergera l’un des styles les plus libres qui soient, puis par la rupture radicale que constitue le tournant classicisant du milieu du xviiie siècle. Le long règne de Louis XIV lui confère en grande partie son unité : le xviiie siècle s’est construit tout à la fois sur l’acceptation de son héritage, en réaction contre lui et dans la nostalgie de ses succès.

La première partie du règne personnel de Louis XIV (1661-1715) Les premières années du règne de Louis XIV sont particulièrement brillantes. Le jeune roi enchaîne les succès militaires et diplomatiques. Fort d’une autorité incontestée, il jette les bases d’un État moderne, protège scientifiques, artistes et gens de lettres, fait bâtir des palais d’une splendeur inégalée. Les réussites sont incontestables, mais cette politique de prestige repose sur une base fragile : les ressources du royaume peinent à subvenir aux besoins de l’État. L’activité économique est déficiente. Le philosophe allemand Gottfried Wilhelm Leibniz souligne dès les années 1670, lors d’un séjour en France, la rareté du crédit, la baisse des prix, le faible volume des affaires. Il est frappé par l’épuisement des provinces, qui contraste avec le luxe flatteur de la capitale : « les princes eux-mêmes, toute la noblesse […] et le reste, la masse de la population, se consument à petit feu, note-t-il. Les étrangers qui n’entrent guère que dans les hôtels et n’y parlent que de bagatelles, ne s’en aperçoivent pas. Les hôtels restent florissants, bien que tout le royaume dépérisse 1 ». Alors que Louis XIV triomphe sur terre comme sur 1. Cité dans Belaval, 2005, p. 91.

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mer et tandis que s’édifie Versailles, le royaume souffre d’anémie : les espèces manquent, l’argent est rare et les conséquences de la pénurie de numéraire s’étendent à tous les échelons de la société. La difficulté à vendre ou à acheter, à rémunérer le travail ou à rembourser les dettes fait obstacle au développement de l’activité ; la faiblesse des prix et des salaires pénalise les producteurs, paysans ou artisans, au bénéfice des rentiers, provoque la ruine du commerce et l’appauvrissement général de la population. Dans la seconde partie du règne, le mal se manifestera dans toute son étendue. Ce contexte défavorable, marqué par des guerres incessantes et les difficultés économiques, explique la concentration des initiatives artistiques autour de la Couronne. La cour absorbe toutes les énergies, alors que l’épanouissement des chantiers privés parisiens ou provinciaux caractérise le milieu du xviie siècle et le xviiie siècle. Pendant toute la première partie du règne, la conduite de l’activité artistique semble reposer presque exclusivement entre les mains de trois hommes : le roi, son ministre Jean-Baptiste Colbert et le peintre Charles Le Brun. À partir de 1664, Colbert cumule ses fonctions ministérielles avec la charge de surintendant des Bâtiments du roi, qui lui donne autorité sur les manufactures et les académies, les commandes de la Couronne et la conduite des chantiers royaux. Le Brun, premier peintre du roi (1662), directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture (1663), directeur de la manufacture royale des meubles de la Couronne (1667), est le grand ordonnateur de la pompe royale, chargé de donner forme aux intentions du souverain. Le début du règne voit la mise en place d’un véritable système des arts. Placé sous la tutelle administrative de Colbert et sous l’autorité artistique de Le Brun, il est conçu comme un instrument de glorification de l’État et un outil de développement économique. La Fig. 1. Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Portrait de Louis XIV en costume royal, Paris, musée du Louvre


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Du règne personnel de Louis XIV à la Régence 1661-1723 Boiseries et décors peints 112

Tapisseries et tapis 114

Ébénisterie 134

Menuiserie 164

Bronzes d’ameublement 170

Faïence et porcelaine 178

Orfèvrerie, montres et tabatières 208


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1. Lambris de l’hôtel Le Bas de Montargis Paris, 1705, 1707, compléments modernes Artisans de la Société pour les bâtiments du roi (Jules Degoullons et associés) Bois sculpté, peint et doré, glace Versement des Domaines, 1898. OA 12300 (niches), OA 12301-12302 (trumeaux) et OA 12307.6 (parcloses)

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près avoir donné en 1699 les dessins des élévations de la future place Louis-le-Grand, actuelle place Vendôme, Jules Hardouin-Mansart se rendit acquéreur de plusieurs parcelles à bâtir 1. C’est l’une de ces parcelles, située dans l’angle sud-ouest de la place, qu’il revend en 1704 à son gendre, Claude Le Bas de Montargis 2. Ce dernier est alors l’un des plus importants financiers du royaume : trésorier de l’Extraordinaire des guerres depuis 1701, il sera nommé en 1708 garde du Trésor royal. La construction de l’hôtel Le Bas de Montargis est achevée en 1707, ce qui en fait l’un des premiers à être édifiés sur la nouvelle place. Le Louvre conserve plusieurs fragments de ses décors intérieurs sans que leur origine précise soit toujours connue. Un trumeau de cheminée (OA 12302) provient de la troisième pièce de l’enfilade sur la place, décrite comme grand cabinet en 1748, au moment de la mort de Madame Le Bas de Montargis. La partie supérieure d’un encadrement de niches (OA 12300) était installée dans un cabinet ouvrant sur la cour. La provenance exacte d’un second trumeau de miroir (OA 12301) et de deux parcloses (OA 12307.6) n’est pas connue. L’étroitesse des liens familiaux qui unissent le commanditaire de ces décors à l’architecte des grands chantiers de la Couronne explique leur intérêt. Exécutés par les artisans travaillant habituellement pour le roi, ils constituent l’un des premiers exemples de la

1. Pons, 1996, p. 428. 2. Claeys, 2008, II, p. 107. 3. AN, MC, LXXIX, 59, 4 mars 1748. 4. Pons, 1995, p. 174.

FD Trumeau de cheminée de l’hôtel Le Bas de Montargis avant démolition, vers 1898

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reprise sur des chantiers privés des formules novatrices élaborées au tournant du siècle à l’intention de la cour. On y retrouve en particulier le traitement magistral du haut miroir placé en dessus de cheminée, composant ce qui était alors connu sous le nom de « cheminée à la royale ». Largement diffusé par la gravure, ce dispositif remporta un succès immense. Il en va de même pour les fonds à croisillons, les fines parcloses à rosaces ou les mascarons à coquilles d’où s’échappent des guirlandes de fleurs qui, tous, témoignent de l’émergence d’un répertoire ornemental nouveau, celui qui va donner le ton pour la décennie à venir. Il faut cependant noter que les miroirs étaient encore composés de six à huit glaces de dimensions relativement modestes et non des deux ou trois larges glaces de grand luxe que la manufacture des glaces de Saint-Gobain commençait alors à produire. Le Bas de Montargis fut un client d’AndréCharles Boulle : son nom apparaît dans les papiers de l’ébéniste à propos de gaines dont on ne connaît rien par ailleurs. En 1748, l’appartement ouvrant sur la place contenait encore une commode à quatre tiroirs, un lustre et une grande pendule, attribués à Boulle 3. La commode n’est pas identifiée, mais le Louvre possède un lustre d’un modèle identique à celui de Le Bas de Montargis (voir notice no 29). Grâce à un prêt exceptionnel du musée des Arts et Métiers-Conservatoire national des arts et métiers, la somptueuse pendule, dont l’identification est ancienne (voir notice no 23), a rejoint temporairement les décors qu’elle côtoyait au xviiie siècle. Ces lambris entrèrent au Louvre par versement de l’administration des Domaines lorsque le gouvernement militaire de la Ville de Paris quitta l’hôtel en 1898. Une partie de ce versement, provenant vraisemblablement des appartements de l’entresol, a été entre-temps déposée au musée des Arts décoratifs. Les niches et le trumeau OA 12301 furent installés dans les salles du département des Objets d’art en 1964. Les autres éléments ne quittèrent pas les réserves. Le remontage actuel ne prétend pas restituer l’état historique de l’intérieur de l’une des pièces de l’hôtel. Le trumeau de cheminée OA 12302, les niches et les parcloses sont désormais réunis dans une même pièce. Le trumeau OA 12301 est présenté séparément. L’étude des panneaux conservés en réserve, qui n’avaient pas été décapés, a renseigné sur les décors de faux marbre qui les ornaient au début du xviiie siècle. Les collections de Waddesdon Manor et du J. Paul Getty Museum à Los Angeles abritent également des décors provenant de l’hôtel 4.


BOISERIES ET DÉCORS PEINTS

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13. Plateau en mosaïque de marbre et pierres dures Paris, vers 1680-1690 Manufacture royale des Gobelins, atelier de pierres dures Marbre incrusté de jaspe, agate, sardoine, améthyste, lapis, smaragdite, marbre serpentin, bronze doré L. 134,4 cm ; l. 102 cm Anciennes collections de la Couronne. MR 406

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ès 1645, Mazarin avait eu le projet d’attirer à Paris des lapidaires florentins spécialisés dans la production coûteuse de marqueteries de pierres dures. Ce projet, répondant à la politique de prestige menée par Louis XIV, se concrétisa en 1668 avec la création d’un atelier spécifique établi au sein de la jeune manufacture des Gobelins : Colbert réussit effectivement à faire venir de Florence deux maîtres artisans, Ferdinando Megliorini – assisté de son frère Orazio – et Filippo Branchi, qui dirigèrent successivement cet atelier renommé. À la mort de Branchi en 1699, l’atelier fut repris par leur disciple Jean Le Tellier, qui parvint à maintenir une production restreinte jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, malgré un désintérêt croissant pour ces luxueuses marqueteries 1. Du fait de son coût élevé, de la complexité du travail et de l’excellence requise, cette production exclusive était réservée à des meubles d’apparat, grands cabinets ou tables, destinés aux demeures royales. Sous l’impulsion artistique donnée par Charles Le Brun, les créations de l’atelier des Gobelins se distinguent nettement des modèles florentins dont elles sont issues : par leur composition ample et structurée et leur très riche polychromie, les plateaux de table, en particulier, sont des créations sans équivalent, témoignant d’une

1. Castelluccio, 2007, p. 40-83. 2. Alcouffe, 1993, p. 330-341.

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maîtrise stylistique et d’un degré de virtuosité inouis. En l’espace de vingt-deux ans, de 1671 à 1693, à peine six plateaux semblent avoir été réalisés et livrés au Garde-Meuble royal. La date de celui-ci, assurément l’un des chefs-d’œuvre du genre, reste incertaine, faute de pouvoir l’identifier avec précision dans les livraisons effectuées 2. La composition, plus foisonnante, plus saturée d’ornements que sur les tables florentines – moins compartimentée en revanche que sur les grandes tables des Gobelins où des panneaux de paysages et d’oiseaux accompagnent les emblèmes royaux –, est d’une rare somptuosité : centrée sur une large rosace rayonnante et cantonnée aux angles de lyres et de globes fleurdelisés, elle allie des éléments de pur décor – rinceaux, coquilles, coupes simulées à pattes de lion, cuirs et cartouches découpés – à des groupes de fruits, guirlandes de fleurs et perroquets perchés, d’un vivant naturalisme. La variété et la répartition savante des pierres de couleur accentuent les axes principaux : le regard est attiré par la rosace centrale et les lyres d’angle – faisant allusion au mythe d’Apollon – dans lesquelles le lapidaire a su admirablement tirer parti du bleu intense du lapis, en contraste avec des jaspes rouges ou jaunes. MB



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14. Armoire à décor de marqueterie de fleurs Paris, vers 1680-1700 André-Charles Boulle Bâti de chêne, placage d’ébène et d’amarante, marqueterie en première partie d’écaille, de laiton, d’étain et de corne teintée, marqueterie de bois polychromes, garniture de bronze doré H. 255,5 cm ; L. 157,7 cm ; P. 58,8 cm Versement du Mobilier national, 1872. OA 5516

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1. Alcouffe et al., 1993, no 19, p. 71 ; Samoyault, 2004, no 398, p. 423.

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ébéniste André-Charles Boulle (1642-1732) se rendit célèbre dès son vivant par son éblouissante virtuosité dans le travail de la marqueterie. Il est particulièrement réputé pour avoir excellé dans deux domaines : la marqueterie de bois polychromes – dite aussi marqueterie de fleurs – et la marqueterie de métal. La première, dont la qualité repose sur la finesse de l’assemblage d’un nombre considérable de fragments de bois de différentes essences, sert à composer de véritables tableaux figuratifs, à l’origine richement colorés, mais dont les teintes se sont aujourd’hui presque entièrement effacées. Le principe de la marqueterie de métal est très différent : il s’agit d’obtenir, par la découpe simultanée de couches superposées de matériaux de nature différente (généralement l’écaille de tortue, le lai-

ton et l’étain), un jeu d’éléments pouvant ensuite se combiner entre eux afin que soit obtenu, à partir d’un motif similaire, un nombre de compositions polychromes égal au nombre de matériaux utilisés. Il est convenu depuis le xviiie siècle d’employer les termes « première partie » pour décrire les panneaux où l’écaille a été utilisée pour former le fond sur lequel se détachent les motifs traités en métal et « seconde partie », ou « contrepartie », pour désigner ceux qui, à l’inverse, présentent les ornements en écaille sur un fond de métal. La beauté de cette armoire repose sur la juxtaposition en façade, sur chacun des deux vantaux des portes, de deux somptueux tableaux de marqueterie de bois polychromes montrant des vases fleuris sur de hauts piédestaux à volutes. L’usage de la marqueterie de métal y est beaucoup plus discret, limité aux panneaux rectangulaires placés à la base et au sommet des vantaux. Cette prédominance de la marqueterie de fleurs est considérée comme un indice d’ancienneté dans la production de Boulle. La composition de la façade est caractéristique de tout un ensemble d’armoires créées par Boulle : le socle y forme deux arches rythmées par des têtes de lions ; le corps de l’armoire, divisé en zones géométriques nettement délimitées par des moulurations de bronze, individualise clairement les deux vantaux, séparés par une bande verticale d’ornements en contrepartie. De puissantes ferrures rehaussent les charnières et une corniche à denticules, surmontée d’un attique en doucine, vient couronner l’ensemble. Le socle reposait initialement sur des pieds disparus, mais qui ont subsisté sur une armoire exactement similaire conservée au musée de l’Ermitage à SaintPétersbourg. Ces pieds jouaient un rôle essentiel pour donner à ces meubles toute leur monumentalité. Le même schéma fut utilisé par Boulle pour mettre au point un modèle d’armoire très proche, réputé plus tardif, dont le Louvre n’abrite pas d’exemple. Ces armoires sont ornées de bas-reliefs illustrant des épisodes de l’histoire d’Apollon et ne font usage que de la marqueterie de métal 1. FD



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15. Paire d’armoires avec les figures

de Socrate et d’Aspasie

Paris, vers 1700-1720 André-Charles Boulle Bâti de chêne, placage d’ébène, marqueterie en première partie d’écaille et de laiton, garniture de bronze doré H. 286 cm ; L. 152 cm ; P. 59 cm Don d’Arnold-Maurice Deforest, comte de Bendern, 1950. OA 9518-9519

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ndré-Charles Boulle fut le premier ébéniste à faire usage de riches garnitures de bronze doré pour rehausser le décor de ses meubles. Le brevet d’attribution de son logement au Louvre fait état en 1672 de ses qualités non seulement d’ébéniste, mais aussi de ciseleur, de doreur et de sculpteur, c’est-à-dire de toutes les compétences requises pour pouvoir exécuter des bronzes dorés. Il disposa de ses propres modèles de bronzes, qu’il était libre de répéter comme il l’entendait. Ainsi en est-il ici des deux personnages en bas relief qui sont assis au centre de la façade de ces armoires. Ces figures sont inspirées d’une composition peinte de Michel II Corneille sur les voussures de la salle des Gardes de l’appartement de la reine à Versailles, qui montre la jeune Aspasie, compagne de Périclès, discutant avec Socrate. Boulle en exécuta la transposition en bas relief et l’utilisa abondamment, en particulier sur tout un ensemble d’armoires basses et de médailliers qui comptent parmi ses œuvres les plus célèbres. La comparaison avec l’armoire précédente est très révélatrice de la manière de Boulle. L’armoire OA 5516 présente un dessin rigoureusement compartimenté, répété sur chacun des vantaux. En revanche, Boulle fait ici le choix d’une composition entièrement unifiée. Les vantaux ne comportent aucune division horizontale, ils s’ordonnent autour d’un axe central dont la

1. Alcouffe et al., 1993, no 21, p. 84.

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continuité verticale est mise en valeur par la large console en volute qui le couronne et vient buter dans la corniche, qui elle-même s’incurve en son centre pour former un effet de fronton. Le dessin des vantaux, au lieu de se répéter à l’identique, s’organise en une seule scène autour des deux personnages assis sur une haute terrasse, elle-même posée sur un socle en becsde-corbin. Le même principe se retrouve dans la partie supérieure, qui reprend sur un mode mineur le dessin de la terrasse et le jeu des deux figures, ici deux angelots se faisant face. Cette tendance à élaborer des compositions de plus en plus unitaires semble caractéristique de l’évolution de Boulle. Pour cette raison, ces armoires sont datées postérieurement à celles dont les façades sont compartimentées. Profitant des vastes surfaces qu’il s’est ainsi ménagées, Boulle peut y déployer ses amples compositions de marqueterie – ici en première partie –, dans lesquelles il s’attache toujours à favoriser l’effet de continuité visuelle entre les motifs de bronze et les divers ornements de métal qui se détachent sur fond d’écaille 1. Ces armoires ont été rehaussées, vraisemblablement à la fin du xviiie siècle, par l’adjonction d’un socle à décor de frises de postes, qui témoigne de l’intérêt que l’on a toujours accordé aux créations de Boulle. FD





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16. Armoire provenant du Garde-Meuble de la Couronne Paris, vers 1700-1720 André-Charles Boulle Bâti de chêne et de bois résineux, placage d’ébène, marqueterie en première et seconde partie d’écaille, de laiton, d’étain et de corne teintée, garniture de bronze doré H. 226 cm ; L. 136 cm ; P. 54,8 cm Versement du Mobilier national, 1870. OA 5441

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ne des particularités de la production d’André-Charles Boulle est de s’ordonner presque entièrement autour de quelques grands types de meubles déclinés en un nombre limité de versions, toutes conçues à partir de l’emploi récurrent de motifs qui lui appartiennent en propre. Ce jeu permanent de reprises et d’adaptations donne au corpus des meubles qui lui sont attribués un caractère à la fois très homogène et d’une richesse exceptionnelle. Cette armoire peut être interprétée comme une variation sur le thème des armoires qui précèdent. Le dessin général en est identique : mêmes proportions, même absence de division horizontale, même montant central surmonté d’une épaisse volute, même corniche formant fronton, même motif à becs-de-corbin servant de base à la composition des vantaux, répétés de la même façon avec les mêmes figures d’angelots dans la partie supérieure. Mais les figures en bas relief ont disparu, laissant la place à une splendide composition de marqueterie, qui associe première et seconde partie, dont le dessin évoque une fleur de lys et dont on ne connaît pas d’autre exemple. Rarement Boulle a poussé plus loin la profusion et la richesse. On comprend, devant une telle œuvre, comment l’association de la virtuosité technique, de l’originalité de conception et de l’exubérance ornementale gagnèrent à Boulle dès son vivant une réputation immense, qu’aucun ébéniste ne devait jamais par la suite réussir à lui contester. Cette armoire faisait déjà partie des collections de la Couronne à la fin du xviiie siècle, sans que l’on connaisse les circonstances précises de sa création. Son exceptionnelle somptuosité et la présence d’une fleur de lys comme motif principal suggèrent évidemment l’hypothèse d’une origine liée à la famille royale, qui reste encore à confirmer 1. FD

1. Alcouffe et al., 1993, no 20, p. 80 ; Samoyault, 2004, no 399, p. 423.

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39. Paire de grandes buires en faïence à anses en forme de dragons Nevers, vers 1680-1685 Faïence à décor de grand feu polychrome H. 60,5 cm ; L. 39 cm ; P. 27 cm Legs d’Albert Gérard, 1900. OA 5013 A et B

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eurs grandes dimensions font de ces deux monumentales aiguières ou « buires » des témoignages uniques de l’art de Nevers 1 et les classent sans conteste dans la catégorie de la faïence d’apparat. Deux grands bassins à rafraîchir conservés au musée du Louvre 2 et à la Cité de la céramique 3 sont les seules faïences de Nevers des collections françaises témoignant des mêmes recherches en matière de formes, de couleurs et d’ornements. La forme en balustre des buires est assez éloignée du répertoire nivernais habituel. Elle renoue avec les modèles des aiguières à l’antique qui furent diffusés en France dès le xvie siècle grâce aux gravures d’Agostino Veneziano et d’Enea Vico publiées à Rome de 1531 à 1543 : il s’agissait pour ces graveurs de réinventer des aiguières et des vases inspirés des amphores antiques et dont les anses et les surfaces seraient prétexte à la présentation de motifs de rinceaux et de grotesques issus du même répertoire. Le faïencier nivernais a peut-être eu en main ces gravures que les artisans des arts décoratifs, et tout particulièrement les orfèvres, utilisaient continuellement depuis la Renaissance ; sans doute y a-t-il aussi trouvé l’idée du mascaron grotesque

1. Rosen, 2009, II, p. 319, fig. 548-550. 2. OA 11315. 3. Inv. MNC 9710. 4. Meyer, 1936.

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placé sous le bec, qui est l’une des constantes de ces célèbres modèles. L’idée d’assimiler les formes tortueuses de l’anse à celles d’un dragon a une autre origine : elle fait référence à des estampes de Jean Le Pautre, gravées en 1673, qui s’inspiraient des vases à oranger exécutés par l’orfèvre Claude I Ballin à partir de 1665 pour les parterres de Versailles 4. L’idée n’était d’ailleurs pas de Ballin : celui-ci l’avait empruntée aux modèles de l’orfèvre Pierre Delabarre gravés vers 1635 – à moins qu’il n’ait luimême observé les vases en sardoine montés par Delabarre et leurs splendides dragons à langues articulées qui se trouvaient alors dans la collection de Louis XIV. On notera le traitement au pointillé et en camaïeux de verts et de jaunes testé par l’ingénieux potier pour suggérer la peau des dragons. Quant aux scènes visibles sur les panses des buires, elles reprennent des modèles gravés par Nicolas Chaperon (Le Vieux Silène et la Bacchanale) et par Michel Dorigny (Les Bacchanales). En définitive, ces faïences de Nevers sont autant des réminiscences de la Renaissance que des illustrations du style Louis XIV et furent à l’évidence conçues comme une orfèvrerie de terre. M BP



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47. Bustes des Quatre Saisons Rouen, fabrique de Nicolas Fouquay, vers 1730 Faïence à décor de grand feu polychrome Bustes : H. de 80 à 83 cm ; L. 60 cm Piédouches : H. 138 cm Achat, 1882. OA 2608-2611 Reproduit, OA 2608, détail, Le Printemps

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1. Collection particulière. 2. Rouen, musée de la Céramique, inv. 403 et 404. 3. Paris, musée du Louvre, OA 5314. 4. Livre II, 26-27. 5. Apollon sur son char entouré des Quatre Saisons. 6. Rouen, archives départementales de la Seine-Maritime, C/1541. 7. Inventaire après décès de J.-N. Levavasseur, 25 juin 1755, Rouen, archives départementales de la Seine-Maritime, 4 BP 7001 et fonds Lemerre. 8. Guilbert, s. d., p. 43. 9. Londres, Victoria and Albert Museum, inv. 4551.1857.

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a technique de la faïence atteignit à la Renaissance une maîtrise parfaite, au point de rivaliser avec celle de la sculpture. Luca Della Robbia fut le premier à parvenir à ce haut degré de technicité en Italie au milieu du xve siècle. En revanche, il fallut attendre deux siècles et demi pour qu’en France les faïenciers rouennais s’essayent eux aussi avec autant de virtuosité à la rondebosse. Ils commencèrent par sculpter des héros antiques, comme Cléopâtre et Marc Antoine, avant de modeler une première suite des Saisons, émaillée blanc 1 ou jaspée. L’intérêt suscité par ces bustes encouragea les faïenciers rouennais à réaliser une seconde suite polychrome dont le musée du Louvre abrite quatre exemplaires, les plus monumentaux jamais réalisés à Rouen. Les Saisons sont représentées sous l’apparence de divinités antiques dans une taille plus grande que nature. Cérès prête ainsi ses traits à l’Été, Bacchus à l’Automne. Chacune revêt une expression particulière propre à son caractère supposé. Le style des visages, notamment celui de l’Hiver, est très proche de certaines œuvres du peintre Pierre II Chapelle, auteur des célèbres Sphères céleste et terrestre 2. Ces analogies permettent ainsi de lui attribuer les Saisons du Louvre. Les bustes reposent sur des piédouches carrés soutenus par des gaines monumentales dont la forme rappelle les scabellons 3 d’André-Charles Boulle. Le décor de chaque piédouche répond à celui de sa gaine. Le programme politico-iconographique choisi par le faïencier rouennais afin de réaliser la suite des Saisons avait déjà été mis en scène à Versailles au xviie siècle. Il est issu des Métamorphoses d’Ovide 4, où l’on trouve la description d’Apollon-Phébus assis sur un trône, entouré des Quatre Saisons dans le palais du Soleil : « Phébus était assis sur un trône resplendissant […] Là se tenait aussi le Printemps, la tête ceinte d’une couronne de fleurs ; là, l’Été, nu, portant une guirlande d’épis ; là, l’Automne, barbouillé

du jus des grappes foulées, et l’Hiver de glace, à la chevelure blanche en désordre. » Cette iconographie fut reprise de nombreuses fois pour des costumes de ballet, pour les sculptures des jardins du roi, ou encore pour la voûte du salon d’Apollon à Versailles peinte par Charles de La Fosse en 16715. Nous retrouvons ces bustes, fait extrêmement rare dans l’histoire de la faïence française, dans l’inventaire après décès du faïencier Nicolas Fouquay 6, dressé le 26 juin 1742. Il révèle « cinq grands bustes avec leurs pieds d’estaux aussi de faïence ». Ces pièces de prestige étaient placées dans son cabinet situé à côté du magasin des marchandises où le manufacturier recevait ses clients. La suite des Saisons devait en effet montrer l’étendue des capacités de sa fabrique aux clients, et ainsi lui assurer une certaine primauté au sein des faïenceries rouennaises. Après le décès de Nicolas Fouquay, Jacques-Nicolas Levavasseur, qui administra la fabrique Fouquay, fit déplacer les bustes dans les magasins de sa propre fabrique 7. Quelques années plus tard, en 1802, le Premier Consul les admira lors d’une visite à Rouen 8. La manufacture Levavasseur, au bord de la faillite, se sépara ensuite des bustes et les vendit en 1846 à des marchands parisiens qui les cédèrent quelques mois plus tard au dixième duc de Hamilton. Ce dernier les plaça dans le Marble Entrance Hall du Hamilton Palace en Écosse, parmi sa fabuleuse collection d’objets d’art. Apollon-Phébus fut séparé de la série en 1857 et offert au South Kensington Museum 9 par le onzième duc de Hamilton. Enfin, les quatre bustes des Saisons furent acquis lors de la vente des collections du Hamilton Palace en 1882 par le musée du Louvre sur ordre de Jules Ferry, grâce aux conseils avisés de Louis Courajod. Les Saisons connurent un grand succès au xixe siècle et furent notamment copiées par la manufacture Samson. NF





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55. Coffre d’or exécuté pour Louis XIV Paris, 1675 Jacob Blanck, orfèvre ; Jean Pitan, marchand Âme de bois recouverte de satin de soie bleu, or fondu, ciselé et filigrané, bronze doré H. 25,2 cm ; L. 47,5 cm ; P. 36,2 cm Ancienne collection de la Couronne. MS 159

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ntièrement revêtu d’une dentelle d’or dessinant de grands rinceaux d’acanthe et de délicats bouquets de roses, de tulipes, d’œillets, de lis et de zinnias dont les tiges s’enroulent en d’infinis lacis, cet objet unique émerveille par la richesse de sa matière, la complexité de sa composition et la virtuosité de son exécution. L’or a été fondu et ciselé, puis amati ou poli afin de rendre perceptibles la rugosité des feuilles d’acanthe ou la douceur des pétales de fleurs, tandis que d’infimes filigranes traduisent parfaitement la légèreté et la sinuosité des rameaux et des vrilles. Posé sur un satin de soie bleu sombre, cet habillage somptueux signale une œuvre d’exception. Sa provenance est bien connue grâce aux inventaires du musée des Souverains et au numéro « 298 » gravé sous l’un des pieds, preuve de sa présence dans le Garde-Meuble de la Couronne au moment de la réorganisation opérée par l’intendant MoïseAugustin de Fontanieu, en 1716 1. Là s’arrêtent les traces administratives. Le coffre n’apparaît pas dans l’inventaire du mobilier de la Couronne rédigé sous Louis XIV, bien qu’il eût été vu par Nicodème Tessin en 1687 à Versailles, dans l’un des cabinets du petit appartement de Louis XIV qui menait à la galerie des Bijoux 2.

1. Carlier, 1991. 2. Francastel, 1926, p. 283. 3. Bottineau, 1958, p. 6. 4. Cordey, 1930. 5. Bimbenet-Privat, 2010. 6. Bimbenet-Privat, à paraître.

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L’origine de ce chef-d’œuvre des collections royales a suscité bien des hypothèses, parfois quelque peu romanesques : ainsi, un billet anonyme retrouvé à l’intérieur en 1830 et aujourd’hui perdu a longtemps accrédité l’idée qu’il s’agissait d’un doux présent du cardinal Mazarin à la reine Anne d’Autriche 3. Si tel était le cas, il faudrait dater la confection du coffre dans les années comprises entre la mort de Louis XIII et celle de Mazarin. Mais l’hypothèse ne résiste pas à la réalité documentaire : l’inventaire après décès d’Anne d’Autriche ne décrit aucun coffre comparable 4. En outre, le style du décor, qui mêle harmonieusement des fleurs naturalistes et de puissants rinceaux d’acanthe, évoque plutôt une datation sensiblement postérieure. On reconnaît par exemple toutes ses composantes dans le recueil de modèles de bijoux gravé à Paris par l’orfèvre Thomas Lejuge en 1678 5. De fait, comme vient de le révéler une récente découverte dans les archives diplomatiques 6, le coffre fut commandé par Louis XIV à l’orfèvre Jean Pitan au printemps 1676 « pour enfermer toutes les parures », c’est-à-dire les pierreries montées en colliers, bracelets, bagues et boutons à coudre dont les costumes de cour étaient constellés. C’était donc là que Louis XIV entreposait ses propres parures et celles qu’il prêtait souvent aux femmes de la famille royale. Judicieusement placé dans le parcours réservé aux visiteurs de marque, le coffre constituait une étape propice à l’émerveillement des hôtes, à la munificence royale et à la gratitude de l’obligé. M BP



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60. Grand miroir d’argent Augsbourg, vers 1705 Albrecht Biller Argent repoussé et ciselé sur âme de noyer H. 187 cm ; L. 135 cm Don de Maurice Segoura, 1979. OA 10437

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e développement du mobilier d’argent à Augsbourg au tournant des années 1700 n’est pas sans relation avec les voyages effectués à Versailles par les diplomates et les princes étrangers 1 : on sait par exemple que le prince électeur Auguste de Saxe, venu en 1687 et 1688, fut émerveillé par les splendeurs du mobilier d’argent de Louis XIV et s’en inspira ensuite pour commander à Augsbourg deux tables, deux guéridons et d’autres meubles d’argent destinés à la grande salle d’audience du château de Dresde 2. Alors même que la totalité du mobilier d’argent de Louis XIV venait de disparaître dans les fontes de 1689-1690, la postérité de cet épisode glorieux de l’orfèvrerie française s’est donc mesurée à l’engouement des cours étrangères. Des commandes de Suède, du Danemark, de Saxe ou d’Angleterre ont afflué à Augsbourg. Les foires de Francfort servaient de relais et de grands marchands allemands s’entremettaient entre leurs lointains commanditaires et des dynasties d’orfèvres spécialisés comme les Drentwett ou les Biller. Les meubles d’argent d’Augsbourg étaient réalisés de façon moins luxueuse que leurs modèles français, car ils n’étaient pas en argent massif, mais seulement composés de plaques d’argent assemblées

1. Seling, dans exp. Versailles, 2007-2008, p. 85-91. 2. Exp. Munich, 1994, nos 136-140. 3. Alcouffe, 1987, p. 2-4. 4. Koeppe, 1989, p. 71, fig. 14.

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sur âme de bois. Qu’importe ! L’apparence était identique, et le coût moindre. La clientèle appréciait particulièrement les ensembles composés d’un miroir mural, d’une table et de deux guéridons disposés en symétrie qui pouvaient meubler des entrefenêtres. Le grand miroir du département des Objets d’art, œuvre d’Albrecht Biller confectionnée vers 1705, provient ainsi d’un mobilier aujourd’hui démembré, qui incluait aussi une table de Johann Philipp I Stenglin et deux guéridons de Johann I Bartermann (conservés à la Deutsche Barokgalerie, à Augsbourg) 3. Leur commanditaire n’est pas connu, mais l’on sait que Biller travailla pour les cours de Dresde, de Berlin et de Cassel. Bien plus qu’un excellent ciseleur, cet orfèvre était un véritable créateur. Il dessina et grava vers 1703 ses propres modèles où le mobilier d’argent tenait une place de choix 4. Son miroir d’argent aux découpes vigoureuses associe d’amples rinceaux à des feuilles d’acanthe, des bouquets de fruits, des coquilles et des entrelacs repoussés et finement ciselés. Au fronton, un masque d’Apollon évoque l’une des thématiques chères à Louis XIV, accentuant encore la référence française de l’ensemble. M BP



L OUIS XIV – RÉGENCE

61. Coupe couverte en or émaillé Londres, 1731-1732 Francis Nelme Or fondu, repoussé et ciselé, émaux polychromes H. 20 cm ; D. 10,4 cm Legs de la baronne Salomon de Rothschild au musée de Cluny, 1922 ; dépôt du musée de Cluny. Cl. 20766

L

a révocation de l’édit de Nantes, signée par Louis XIV au mois d’octobre 1685, fut à l’origine d’une émigration massive des huguenots français à Genève, aux Pays-Bas, dans les principautés luthériennes d’Allemagne et en Angleterre. Parmi ces fugitifs se trouvaient de nombreux artisans dont le départ fut pour l’économie française une véritable catastrophe. À Londres, l’afflux de huguenots français 1, et en particulier de beaucoup d’orfèvres, se traduisit par l’apparition sur le marché de nouveaux objets d’orfèvrerie désignés comme « New or French Fashion », ou encore « Alamode [sic] 2 » : nouvelles vaisselles, comme les écuelles à bouillon ou certains types de flambeaux inusités en Angleterre, ou accessoires liés au mode de vie raffiné du continent, tels les services de toilette. On a donné le nom de Huguenot Silver à cette orfèvrerie inspirée des modèles français et souvent confectionnée par des immigrés français. La grande coupe en or de l’orfèvre Francis Nelme3 se situe parfaitement dans ce moment très particulier de l’art anglais. Sa forme et ses dimensions l’apparentent aux grandes coupes dans lesquelles on buvait le posset, un mélange de lait, de bière et de vin épicé typiquement britannique 4. Mais il y manque les deux anses habituelles en Angleterre et, de ce fait, elle rejoint la typologie (sinon la dimension) des gobelets français. Son décor surtout, composé d’entrelacs, de lambrequins à masques d’Indiens et de grandes frises de fleurs et de feuillages colorées d’émaux polychromes, sanctionne une véritable rupture avec la sobriété coutumière de la vaisselle anglaise. M BP

1. Exp. Londres, 1985. 2. Mitchell, 1995, p. 13. 3. Oman, 1936, p. 181-182 ; Bottineau, 1958, no 342. 4. Jackson, 1911, II, p. 709, 727 et ill.

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ORFÈVRERIE, MONTRES ET TABATIÈRES

62. Pot et gobelet à décor d’émaux peints Pot Augsbourg, 1732-1733 Franz Christoph Saler, orfèvre, et Johann Aufenwerth, émailleur Argent fondu, ciselé et doré, émaux peints sur cuivre H. 22 cm ; L. 15,5 cm Legs de la baronne Salomon de Rothschild au musée de Cluny, 1922, dépôt du musée national de la Renaissance, 2012. E. Cl. 20775

C 1. Weinhold, 2000, no 41. 2. Weinhold, 2000, p. 52-55. 3. Exp. Munich, 1994, no 111, p. 423-425 ; Weinhold, 2000, no 105.

ette verseuse à panse ventrue et à col tronconique ne correspond pas aux formes traditionnelles des verseuses allemandes. Elle devait en effet initialement faire partie d’un service à boisson, ou « cabaret », soit plusieurs gobelets entourant un flacon verseur, disposés sur un petit plateau à pied. La monture en argent doré, finement ciselée d’entrelacs, de fleurons et de coquilles, s’inspire des ornements « à la Berain »

Gobelet Augsbourg, 1710-1712 Philip Stenglin, orfèvre, et Johann Jakob I Priester, émailleur Argent fondu, ciselé et doré, émaux peints sur cuivre H. 10 cm ; D. de la base 7,2 cm ; D. supérieur 7,8 cm Dépôt du musée national de la Renaissance, 2012. E. Cl. 20776

développés en France vers 1700. L’orfèvre y a intégré des médaillons en émaux peints d’allégories féminines des Quatre Saisons accompagnées d’enfants illustrant les activités saisonnières (la cueillette des pommes, le jeu de balançoire dans une guirlande de fleurs, le bain dans la rivière, la forge). Au couvercle, d’autres médaillons peints d’allégories masculines des Quatre Continents. Ces figures rappellent celles des livres illustrés ou des livres d’emblèmes dont les éditions imprimées ont connu un large succès en Europe au xviie siècle. On sait que les orfèvres d’Augsbourg ont habilement relayé, dans les terres d’Empire, toutes les formes mises à la mode par les orfèvres parisiens, y compris ces cabarets qui apparaissent dans l’orfèvrerie française au xviie siècle, mais ne survivent pas aux grandes fontes de Louis XIV. Les orfèvres d’Augsbourg en offrent des versions très colorées grâce à l’éclat couleur rubis des verres de Bohême, ou par la palette pimpante d’une brillante génération d’émailleurs : ici Johann Aufenwerth, actif à Augsbourg de 1693 à 1728 1, et son confrère le célèbre Johann Jakob I Priester 2, dont les émaux furent associés à de nombreux travaux d’orfèvres de 1688 à 1726. Interprète d’images bibliques, d’allégories à l’antique et de paysages rustiques, Priester fut particulièrement apprécié pour ses scènes un peu lestes situées dans des maisons de rendez-vous, qu’il réservait à des gobelets ou des verres à liqueur, opérant ainsi une étonnante mise en abyme. Ces exemplaires de la collection réunie par le baron Mayer Carl de Rothschild à Francfort au xixe siècle offrent de charmants témoignages de cette orfèvrerie typiquement augsbourgeoise, mais ce sont les musées russes qui en possèdent la plus belle collection 3, issue des présents diplomatiques adressés par les princes d’Allemagne à la cour impériale de Russie. M BP

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ROCAILLE

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Les années rocaille 1720-1760 Boiseries et décors peints 222

Tapisseries et tapis 234

Ébénisterie 238

Menuiserie 262

Bronzes d’ameublement 268

Faïence et porcelaine 292

Orfèvrerie, montres et tabatières 330


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65. Lambris du cabinet de l’appartement sur cour de l’hôtel Dangé Paris, vers 1750, compléments modernes Bois sculpté, peint et doré, huiles sur panneau de bois, huiles sur toile, glace H. sous corniche 470 cm Versement des Domaines, 1898. OA 12449

L’

enfilade de l’aile sur la cour de l’hôtel Dangé se terminait par ce cabinet, précieux écrin à l’harmonie bleu, blanc et or, baigné de lumière par les deux croisées ouvrant sur la cour et par une porte-croisée donnant accès à l’ouest à une terrasse, installée en prolongement de l’aile. La pièce était manifestement la plus richement décorée de l’hôtel, avec ses lambris à fond bleu, rehaussés d’un décor sculpté et doré d’ors de plusieurs couleurs, agrémentés de scènes peintes de jeux d’enfants dans des cadres chantournés. À la mort de François-Balthazar Dangé, le cabinet était meublé en parfait accord avec les tonalités des lambris : une console de bois doré à dessus de marbre blanc était placée en pendant de la cheminée. Les sièges, également de bois doré, étaient couverts de « damas bleu et blanc par bandes ». La même étoffe se retrouvait sur les rideaux qui garnissaient les deux croisées et la porte-fenêtre. Des porcelaines de Chine et de Sèvres, également en bleu et blanc, accompagnaient l’ensemble. Les lambris du cabinet, déjà repeints et redorés au xixe siècle, furent dispersés après leur arrivée au Louvre en 1898. La plupart des panneaux, augmentés de compléments exécutés pour l’occasion, servirent de cadre, après la Première Guerre mondiale, à la présentation de la collection Isaac de Camondo, dans l’aile Mollien du Louvre. Ils y demeurèrent jusqu’à leur démontage en 1995. Un trumeau de miroir, légèrement diminué en hauteur, et deux embrasures de porte, avec leurs dessusde-porte sculptés, furent installés dans les salles du département en 1964. Les vantaux de la porte garnie de miroirs, qui séparait le cabinet de la chambre, demeurèrent en réserve, ainsi que les volets intérieurs et les soffites des fenêtres. Une fois regroupés, ces éléments formaient un ensemble très complet. Seules faisaient défaut la cheminée de marbre blanc, les croisées et leurs allèges ainsi que la porte-fenêtre qui ouvrait

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Le cabinet de l’hôtel Dangé avant démolition, vers 1898

sur la terrasse. Les photographies prises avant démontage et les descriptions anciennes ont permis de proposer un remontage très fiable du cabinet. Quelques vestiges préservés sous les repeints avaient conservé des traces du bleu intense qui rehaussait les fonds des panneaux. Les ors de différentes couleurs mentionnés dans les descriptions anciennes avaient survécu sous les épaisses redorures du xixe siècle. Les scènes figurées, lourdement repeintes, ont également pu être dégagées et ont révélé une facture de belle qualité. Ce cabinet est l’un des rares témoignages des décors de lambris à fonds colorés, qui connurent un certain succès au milieu du xviiie siècle, avant que la mode n’en passe, au profit des décors à fond blanc, qui le plus souvent les ont fait disparaître. FD



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67. Décor d’arabesques du grand salon du château de Voré :

Les Divertissements champêtres Vers 1720-1723 Jean-Baptiste Oudry Toile La Promenade : H. 364 cm ; L. 78 cm (RF 2002-26) Le Repos : H. 364 cm ; L. 78 cm (RF 2002-27) La Pêche : H. 364 cm ; L. 144 cm (RF 2002-21) La Chasse : H. 363 cm ; L. 144 cm (RF 2002-20) La Musique : H. 365 cm ; L. 144 cm (RF 2002-19) La Comédie burlesque : H. 364 ; L. 122 cm (RF 2002-23) Reproduits, RF 2002-26, RF 2002-19, RF 2002-27

I

l reste peu d’exemples en France des peintures d’arabesques qui furent à la mode dans la décoration intérieure du début du xviiie siècle. Formant une série complète, les neuf toiles de Jean-Baptiste Oudry proviennent du château de Voré, dans le Perche. Cet ancien château était devenu en 1719 la propriété de Louis Fagon, fils du premier médecin de Louis XIV et intendant des Finances lui-même. « Homme d’esprit et de capacité » selon Saint-Simon, il entra en 1715 au Conseil des finances de la Régence, sorte de ministère ayant en charge les affaires domaniales et fiscales. C’est sans doute peu d’années après l’acquisition du château que Fagon confia à Oudry, jeune peintre animalier déjà fort prisé, le soin de mettre au goût du jour l’intérieur de sa demeure. Les neuf toiles ornaient, au premier étage, un grand salon à l’italienne éclairé par six croisées donnant sur l’extérieur. L’effet d’ensemble devait être éblouissant. Peintes sur un fond blanc uni, bordées de rose et d’or, parsemées d’éléments naturels – guirlandes de fleurs, oiseaux et ustensiles divers aussi légers d’exécution que savoureux dans leur choix –, les compositions se développent selon un principe décoratif mis au point par Claude III Audran au début du xviiie siècle. La partie haute, plus stylisée, fait place graduellement à un jardin boisé qui finit par occuper tout le bas de la toile. Des figures sont disposées dans les bosquets. On est alors en présence de scènes de genre, façon Antoine Watteau, dont le charme est indéniable. Chacun des tableaux évoque un divertissement champêtre, sous l’égide d’une figure à l’antique esquissée au centre d’un médaillon. À part La Musique, plus large et qui devait occuper la place centrale de la pièce, les huit toiles fonctionnent

La Danse : H. 364 cm ; L. 122 cm (RF 2002-22) La Collation : H. 364 cm ; L. 90 cm (RF 2002-24) Le Jeu : H. 364 cm ; L. 90 cm (RF 2002-25) Trésor national acquis en 2002 par l’État pour le musée du Louvre grâce au mécénat de PGA Holding en application des dispositions fiscales de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, et à un don de Nicole et Pierre Guénant. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. RF 2002-19 à 27

par paires, chaque paire ayant une couleur de médaillon spécifique. On ignore la disposition exacte des toiles dans le salon. Animées de personnages de la commedia dell’arte, cinq d’entre elles représentent des saynètes dont on a perdu la signification. Ici, Arlequin tente de détourner à son profit un poisson pêché à la ligne par une jeune femme (La Pêche). Là, Pierrot et Arlequin accompagnent en musique un jeune couple dansant (La Danse). Ailleurs, Mezzetin verse à boire, tandis qu’un comparse porte un toast, la tête ceinte d’une coiffe de dentelles (La Collation). Polichinelle joue au trictrac (Le Jeu). La scène la plus curieuse, à laquelle on a donné le titre moderne de Comédie burlesque, porte les armoiries des Fagon, « d’azur à un mouton d’argent, regardant un lion d’or, surmonté d’un soleil de même ». Un singe allume les chandelles, les préparatifs du spectacle s’achèvent (le tapis est à moitié déroulé). Un ours furieux, debout sur ses pattes comme le lion des Fagon, se précipite sur son dresseur, tandis qu’une bergère de comédie trait une vache. Après la mort de Fagon, le château de Voré devint, en 1749, la résidence d’été du philosophe Helvétius et de sa femme, ancêtres des propriétaires actuels. En 1779 au plus tard, leur fille cadette fit aménager de nouveaux appartements au premier étage, le salon disparut et les toiles d’Oudry furent remisées jusqu’en 1895, date à laquelle l’ensemble prit place au rezde-chaussée du château, dans un salon à nouveau remanié en 1948. Quelques pièces du mobilier de Voré accompagnent au Louvre cet ensemble de toiles exceptionnel, classé trésor national et acquis en 2002 grâce au mécénat de PGA Holding et à un don de Nicole et Pierre Guénant. MC S

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BOISERIES ET DÉCORS PEINTS

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72. Commode « aux palmes et fleurs » Paris, vers 1740 Charles Cressent Bâti de bois résineux et de noyer, placage d’amarante et de satiné, garniture de bronze doré H. 90,5 cm ; L. 149 cm ; P. 67 cm Don de George Ortiz et Ricardo (dit Jaime) Ortiz-Patiño, 1982. OA 10900

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1. Paris, galerie JeanCharpentier, 15 juin 1934, no 88. 2. OA 6868. 3. AMN, 10 V 121-3-106.

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harles Cressent (1685-1768) avait une formation de sculpteur (il devint maître en 1714 à Paris), aussi sa production de mobilier doit-elle beaucoup à cet art. L’ébéniste s’intéresse principalement aux bronzes, dont il conçoit lui-même les modèles, ce qui lui vaudra de nombreuses difficultés avec la corporation des fondeurs. Les meubles de Cressent ne portent pas d’estampille. De ce fait, les bronzes jouent un rôle important dans l’attribution. Ils se reconnaissent par les descriptions rédigées dans les catalogues des ventes que Cressent organisa en 1749, 1757 et 1765, aussi bien pour se séparer des meubles de sa collection que pour écouler le stock de son atelier. Cette commode à deux tiroirs avec vantaux latéraux marque une des plus belles réussites du style rocaille. Le modèle a été répété par Cressent à plusieurs reprises, notamment pour une paire de commodes conservées à la Résidence de Munich et pour une commode autrefois dans la collection du comte de Gramont 1. Le superbe marbre à double moulure du plateau, qui suit le

contour ondulant de la façade et des côtés, devait être assorti à la cheminée de la pièce pour laquelle la commode avait été conçue. Le décor végétal et floral est en bronze doré. Les palmes en bronze jaillissent des pieds, formant des poignées sur le tiroir inférieur et soulignant les contours. Des guirlandes de roses viennent s’accrocher au bout des palmes, jusqu’à un cartouche central formé de cinq lobes. À l’intérieur du cartouche, une chute de fleurs s’attache à un ruban, sur les côtés jaillissent deux festons qui rejoignent les poignées du tiroir supérieur et deux guirlandes de fleurs débordant sur la partie centrale de la façade. Les pieds en griffes de lion sont une réminiscence des créations d’André-Charles Boulle. Le modèle de cette commode est antérieur aux commodes dites « aux singes » dont le Louvre possède par ailleurs un bel exemple 2. Cette commode fut offerte au musée du Louvre par les fils de Mme Graziella Ortiz-Linares (née Patiño), en souvenir de leur mère 3. CV



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77. Commode du cabinet de retraite de la reine

Marie Leczinska au château de Fontainebleau Paris, 1737 Bernard II van Risen Burgh, dit BVRB Bâti de chêne, placage de bois fruitier, laque du Japon, fin du xviie-début du xviiie siècle, laque occidentale dite « vernis Martin », garniture de bronze doré, dessus de marbre de Sarrancolin H. 85 cm ; L. 127,5 cm ; P. 61 cm Achat, 1988. OA 11193

L

1. AN, O1 3310, fo 92 vo. 2. Alcouffe, 1988, p. 281284 ; Pradère, 1988, p. 108-113 ; Alcouffe et al., 1993, no 31, p. 102-105. 3. Pradère, 1988, p. 112.

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e 26 septembre 1737, le Journal du GardeMeuble consignait sous le numéro 1115 la livraison par le grand marchand mercier parisien Thomas-Joachim Hébert d’une « commode de bois de la Chine à placages, vernie façon du Japon, chantournée pardevant et sur les côtés, à deux tiroirs pardevant fermant à clef, à dessus de marbre d’Antin, enrichie de baguettes et ornemens de cuivre doré d’or moulu 1 », pour le service de la reine Marie Leczinska 2. Œuvre de l’ébéniste Bernard II van Risen Burgh dont elle porte l’estampille, la commode marquée de ce même numéro du Garde-Meuble est la plus ancienne pièce connue, à présent datée avec certitude, qui est ornée d’un grand panneau de laque, prélevé à l’intérieur du couvercle d’un coffre japonais de la fin du xviie ou du début du xviiie siècle. Hébert eut parmi les premiers, en effet, l’idée d’utiliser des panneaux de laque extrêmeoriental pour le revêtement de ce type de meuble, comme en témoigne l’inventaire de sa boutique en 1724, où figurait déjà une commode à trois tiroirs, recouverte en « verny de la Chine » et s’était fait, le premier, une spécialité des placages en laque du Japon. Matériaux précieux et très chers, en raison des faibles échanges commerciaux avec le Japon dont la Hollande détenait le monopole, ces laques étaient encore en 1745, d’après les dires de l’expert EdmeFrançois Gersaint, « extrêmement rares à trouver » sur le marché parisien, « particulièrement quand ils sont anciens ». De ce fait, hormis le médaillon central et les panneaux à vases de fleurs sur les côtés, qui sont des remplois de laques du Japon, les deux raccords en façade ornés de branches fleuries, ainsi que l’ensemble du bâti verni en noir, furent réalisés en laque occidentale, vraisemblablement exécutée par les vernisseurs de la famille Martin, eux aussi collaborateurs de Hébert. En outre, les contraintes imposées par l’utilisation de ce même médaillon frontal de petites dimensions ont généré un type de commode nouveau : caractérisé par l’absence de la traverse entre les deux tiroirs,

par l’organisation tripartite de la façade, dont les raccordements sont dissimulés par les encadrements en bronze et par le tablier chantourné, prolongé par le jeu raffiné des contours sinueux avec les pieds élégamment galbés, il constitue le prototype de la commode à cartel, modèle à succès, repris dans les années 1740-1755 par la plupart des ébénistes parisiens. La commode fut destinée au cabinet de retraite de Marie Leczinska à Fontainebleau, situé entre la chambre du roi et celle de la reine et prenant jour sur le jardin de Diane ; aménagée à cette époque sous la conduite de l’architecte Ange-Jacques Gabriel, la pièce, dont les lambris « à la moderne » avaient été réalisés par le sculpteur Jacques Verberckt, allait encore recevoir une encoignure en vernis Martin vert, livrée par Martin lui-même en 1738 – probablement Guillaume Martin –, et une « bibliothèque de vernis façon de la Chine, fond noir à fleurs d’or de relief », fournie aussi par Hébert, en 1743 3. Très novateur, le meuble de BVRB témoigne également de l’engouement croissant pour la chinoiserie, manifesté à cette époque par la famille royale et par la société parisienne. Sous Louis XVI, la commode se trouvait toujours dans le grand cabinet de Madame Victoire à Fontainebleau. CD



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80. Table chiffonnière à décor de « vernis Martin »

et plateau de porcelaine

Paris, vers 1764 Bernard II van Risen Burgh, dit BVRB Table : bâti de chêne et de bois fruitier, laque occidentale dite « vernis Martin », moire bleue, bronze doré Plaque de porcelaine : porcelaine tendre, Sèvres, manufacture royale de porcelaine, 1764, Étienne-Henri Le Guay, doreur sur porcelaine H. 66,4 cm ; L. 37 cm ; P. 30,3 cm Legs de Francis Guérault, 1930. OA 8170

A

près s’être distingué dans la fabrication de meubles à panneaux de laque et à décor de marqueterie florale, Bernard II van Risen Burgh, dit BVRB, fut probablement le premier ébéniste à orner ses meubles de plaques de porcelaine. L’idée en revient probablement au marchand mercier Simon-Philippe Poirier, qui achetait les plaques directement à la manufacture pour les confier à l’ébéniste. Ainsi, BVRB exécuta dès 1758 pour une fille du prince de Condé, Mademoiselle de Sens, une commode décorée de quatre-vingt-dix petits losanges en porcelaine de Sèvres, fixés au moyen d’une résille de bronze doré 1. Vers 1760, l’ébéniste mit au point un type de table dite « chiffonnière » faisant office à la fois de table de petit déjeuner et de table à écrire. Celle du Louvre 2 est dotée d’un plateau en porcelaine qui porte la lettre-date de Sèvres pour 1764 et la marque du doreur Étienne-Henri Le Guay. Le tiroir garni de moire bleue sous lequel est apposée l’estampille contenait à sa création une écritoire comme celle qui se trouve encore sur une autre table chiffonnière de BVRB au Louvre 3. Sur les petits côtés, des poignées permettent de déplacer ce meuble léger d’un endroit à un autre. La table est portée par des pieds galbés au dessin très élégant, réunis par un plateau d’entretoise. Confié à un spécialiste, peut-être l’un des frères Martin, le piétement a été revêtu d’un vernis, aujourd’hui vert mais probablement bleu à l’origine, imitant les motifs et la polychromie du médaillon du plateau en porcelaine. Les parties les plus fragiles de la table sont protégées par des ornements naturalistes en bronze doré d’un goût rocaille encore très prononcé. La table a conservé son luxueux étui en maroquin fauve. Elle passe pour avoir été offerte par Louis XV à la famille du marquis de Chauvelin, mort brutalement au jeu du roi à Versailles en 1773. DB 1. Exp. Paris, 1974, no 431. 2. Alcouffe et al., 1993, no 51, p. 168-170. 3. OA 7626.

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83. Plateau de table en mosaïque de pierres dures sur fond d’albâtre Florence, Galleria dei Lavori in Pietre Dure, 1764-1766 D’après un modèle de Giuseppe Zocchi Mosaïque de pierres dures sur fond d’albâtre, bronze doré L. 109 cm ; l. 67 cm Entré au musée en 1799. MR 407

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ous la direction de Luigi Siries puis de son fils Cosimo – successivement chargés de la manufacture de pierres dures, de 1748 à 1789 – et sous l’impulsion du peintre et graveur Giuseppe Zocchi, auquel a été confiée la création de nouveaux modèles à partir de 1750, la production de ces ateliers florentins réputés s’est d’abord orientée vers un genre pittoresque dont témoignent, en pleine vogue des vedute, des plateaux très élaborés, représentant des paysages et architectures animés de personnages 1. Dès 1760, un changement stylistique intervient lorsque Zocchi compose pour l’empereur François Ier, grand-duc de Toscane, un plateau figurant une allégorie de l’Eau, où coquillages, coraux et perles semblent flotter sur un fond bleu profond en lapis-lazuli, et qui était porté par un pied de bois doré à figure de sirène (Vienne, Hofburg). C’est en guise de pendant qu’est commandé en 1764 à Zocchi ce second plateau, de mêmes forme et dimensions, évoquant une allégorie de l’Air, pour lequel il a fourni un projet aquarellé, puis un carton définitif peint à l’huile (Florence, Museo dell’Opificio delle Pietre Dure) 2. Zocchi a élaboré, avec un étonnant brio, une composition qui déploie sur trois côtés une ample guirlande florale, torsadée et nouée de rubans, et un vol de papillons, traités de façon illusionniste, sur un fond nuageux obtenu

1. González-Palacios, 1986, t. 1 p. 77-85, t. 2, fig. 233-234 ; Giusti, 1992, p. 115 repr. p. 94-96. 2. Giusti, 2008, p. 287-290. 3. Alcouffe, 1989, p. 57, 59-60, no 76.

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par un placage d’albâtre. Ces plateaux marquent un retour aux thèmes naturalistes dont les ateliers de pierres dures grand-ducaux s’étaient fait une spécialité au siècle précédent. Mais l’esprit est bien différent : la liberté de mise en page, le rendu scrupuleux des diverses espèces parviennent à suggérer les caprices de la nature, avec une étonnante fraîcheur et subtilité de tons. Pareil tour de force nécessitait une parfaite concertation entre le peintre-cartonnier et l’équipe de lapidaires, afin d’ajuster le choix des pierres de couleur et d’obtenir toutes les nuances recherchées. L’empereur François Ier étant décédé en août 1765, son troisième fils, Pierre-Léopold, qui lui succéda au grand-duché de Toscane, garda le plateau aux fleurs et aux papillons au palais Pitti et fit exécuter, afin de disposer d’une paire de tables assorties, une seconde version de la mosaïque aux coquillages. Ces deux plateaux furent emportés à Paris en 1799. Mais seul celui-ci y demeura et fut complété d’un pied de bois sculpté et doré, formé de deux sirènes enlacées sur un fût de colonne, qui avait été réalisé pour le comte d’Angiviller, sans doute dans les mêmes années 1760. Le second plateau, modifié pour l’impératrice Joséphine, est conservé aujourd’hui au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg 3. MB



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91. Naïade de porcelaine montée en bronze doré Vincennes ou Sèvres, manufacture royale de porcelaine, 1756 Charles-Nicolas Dodin Porcelaine tendre et bronze doré H. 41,5 cm ; L. 52 cm ; P. 31 cm Legs de Mme Adolphe Thiers, 1881. TH 693

C

ette naïade, qui compte au nombre des premiers chefs-d’œuvre de la manufacture établie à Sèvres en 1756, a conservé la marque peinte « K » de son auteur : Charles-Nicolas Dodin. Cette figure allégorique constitue un aspect peu connu de l’œuvre de Dodin 1, tant il est vrai qu’une sculpture polychrome aux dimensions si importantes ne peut relever que du registre de l’exceptionnel. En fait, les raisons de sa création semblent plus que jamais liées à la volonté de la manufacture de rivaliser avec les productions de celle de Meissen, dont les figures et autres groupes constituaient l’une des marques d’excellence. Assise sur un tertre rocheux, cette naïade aux riches vêtements tient une urne renversée à l’aspect marbré tandis que s’élève, à

proximité, un palmier en bronze doré. Le grand marchand mercier Lazare Duvaux l’aurait acquise à l’été 1757 et revendue, dès le 5 septembre, à son confrère Thomas-Joachim Hébert, qui aurait à son tour entrepris de faire réaliser et monter en bronze doré sa terrasse. « Un beau groupe porcelaine d’ancien Sèvres, pâte tendre, anciens décors, représentant l’Asie ; sur le rocher est assise une déesse vêtue d’une tunique rubannée de roses et d’un manteau bleu turquoise rehaussé d’or […] palmier et riche monture en bronze doré », décrit en 1841 dans la vente Regnard, semble bien la désigner car la seconde – et très similaire – naïade identifiée à ce jour a, postérieurement à sa création au xviiie siècle, été associée à une pendule. GS

1. Exp. Versailles, 2012, no 1, p. 26-27, repr.

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93. Pendule à musique « au rhinocéros » Paris, vers 1745-1749 Caisse de Jean-Joseph de Saint-Germain Mouvement de François Viger Bronze doré et patiné, écaille et cuivre sur le socle, cadran émaillé H. 58 cm ; L. 40 cm ; P. 18 cm Don de M. René Grog et Mme Grog-Carven, 1973. OA 10540

L’

auteur de cette étonnante pendule, JeanJoseph de Saint-Germain, fait partie des rares fondeurs qui ont signé leurs œuvres. Il travailla à plusieurs reprises avec l’horloger François Viger. On peut dater cette pendule des années 1745-1749, car elle est marquée d’un C couronné et, dès 1747, le modèle est mentionné dans le stock du fondeur. Elle est conçue comme une superposition de différents éléments : un socle contenant un carillon, une terrasse rocaille en bronze doré supportant un rhinocéros en bronze patiné, un boîtier circulaire, un jeune Indien en bronze doré. Sa particularité est de mêler bronze doré et bronze patiné à une époque où l’on marie encore peu les deux 1. Saint-Germain était plus particulièrement spécialisé dans la fabrication de caisses de pendules et les pendules animalières ont fait, en partie, sa réputation dans les années 1750. Parmi celles-ci, les figures du rhinocéros et de l’éléphant paraissent avoir été l’objet d’une prédilection singulière. On imagine le côté exotique de ces animaux au xviiie siècle, et la venue à Paris en 1749 d’un véritable rhinocéros renforça sans doute la curiosité des Européens. On conserve toujours de nombreux exemplaires de ce modèle « au rhinocéros », preuve du succès qu’il rencontra au xviiie siècle. Le socle est ici galbé, plaqué d’écaille et garni de bronze doré. Les socles des autres pendules du même modèle sont revêtus de différentes sortes de placage (par exemple de corne verte). Parfois, certaines pendules sont dépourvues de socle. On connaît aussi beaucoup de copies et adaptations de ce modèle au xixe siècle. CV

1. Alcouffe et al., 2004, no 34, p. 78-81.

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ROCAILLE

128. Grand surtout de table du duc de Bourbon Paris, 1736 Jacques Roëttiers Argent fondu et ciselé H. 60 cm ; L. 93 cm ; P. 62 cm Achat, 1976. OA 10631

D

1. Mabille, 1980. 2. Caen, musée des BeauxArts, inv. 78-2-1. 3. Exp. Versailles, 1994, no 201. 4. Exp. Paris, 1974, no 506 ; Exp. Versailles, 1994, no 73 ; Carlier, 2013, p. 36-45. 5. Verlet, 1976, p. 61. 6. Soit plus de 49 kilos d’argent massif. 7. Exp. Fontainebleau et Versailles, 2003-2004. 8. Mabille, 1980, p. 70.

epuis la fin du xviie siècle, de nouveaux centres de table appelés « machines », puis « surtouts » sont apparus sur les tables princières. On y place sur un grand plateau chantourné une girandole à huit branches, des corbeilles, des sucriers, des salières, des poivriers, des huiliers et des vinaigriers, soit les éléments indispensables à l’assaisonnement des plats et à l’éclairage de la table. Gérard Mabille 1 a mis en relation la naissance des surtouts avec les séjours de Louis XIV à Marly, où l’étiquette moins stricte n’imposait plus la « nef » et le « cadenas » hérités des traditions médiévales et laissait quelque marge à l’invention des orfèvres du roi. L’un de ces premiers surtouts est figuré dans le portrait de Nicolas Delaunay et de sa famille peint par Robert Le Vrac de Tournières en 1704 2. Il n’a pas encore le poids et la puissance plastique de ceux qu’invente vers 1725 Claude II Ballin pour la cour de Russie 3. Le surtout de Louis-Henri, duc de Bourbon 4, prince de Condé, réalisé en 1736 par le jeune et talentueux Jacques Roëttiers, concrétise une nouvelle métamorphose de ces vaisselles d’exception : d’un beau plateau à contours aux armes du prince, orné de coquilles et, aux angles, de quatre têtes de sangliers, s’élèvent quatre piliers hérissés de rocs formant une arche sur laquelle se tient un cerf cerné par cinq chiens ; sous cet

hallali, un loup pris au piège, flairé par sa louve, hurle à la mort. Saisissante « montagne d’argent ciselé 5 », hommage aux réalités cruelles de la chasse, le surtout de Roëttiers semble avoir perdu ses fonctions utilitaires : l’inventaire après décès du duc de Bourbon, en 1740, ne décrit d’ailleurs ni salières ni huiliers pour accompagner ce « grand surtout à huit bobèches représentant un rocher, une chasse de cerf, un loup pris au piège, quatre hures de sangliers aux coins, d’argent blanc poinçon de Paris, pesant deux cent quatre marcs 6 ». Seuls des bras de lumière, aujourd’hui disparus, accompagnaient ce centre de table : des dessins de Roëttiers conservés au musée Grobet-Labadié, à Marseille, en offrent des variantes et détaillent les feuilles de chêne et les glands ciselés à l’unisson du décor du plateau grouillant de végétaux, de grenouilles et d’escargots. Où le jeune Roëttiers a-t-il trouvé son inspiration ? Certainement chez son ami Jean-Baptiste Oudry, qui a peint le Loup pris au piège en 1732 au moment où il travaillait aux modèles de la tenture des Chasses royales pour les Gobelins, et l’a gardé chez lui jusqu’à son achat par le prince Frédéric, fils du duc de MecklembourgSchwerin 7. Le peintre et l’orfèvre, tous deux logés à la galerie du Louvre, ont probablement échangé projets et dessins. Ils incarnent parfaitement les bienfaits de cette « pépinière d’ouvriers », souhaitée jadis par Henri IV. Le surtout, gravé de l’inscription « J. ROËTTIERS ORFÈVRE DU ROY IN. ET F. 1736 », fit l’admiration de toute la cour lors d’un repas donné par le duc de Bourbon en juillet 1736. Il était alors accompagné de deux pots à oille, également ornés de hures de sangliers. L’ensemble aurait pu disparaître, comme tant d’autres vaisselles aristocratiques, dans la tourmente révolutionnaire, mais Louis-Joseph de Bourbon-Condé, émigré dès juillet 1789, s’en défit lors de son long exil en Allemagne, à Turin puis en Russie où le tsar l’hébergea. Par cette miraculeuse préservation, un témoignage unique nous est donné du talent plein d’assurance de Roëttiers à ses débuts. L’orfèvre réitéra sans doute l’exploit : on sait qu’il vendit à l’électeur de Cologne en 1749 un autre surtout représentant une chasse au cerf 8, qu’encadraient cette fois quatre flambeaux en forme de chênes. Mais celui-là a disparu. M BP

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ROCAILLE

136. Moulin à café de Madame de Pompadour Paris, 1756-1757 Jean Ducrollay Or de trois couleurs ciselé et gravé, acier, ivoire H. 9,5 cm ; D. 5,2 cm Dation en paiement de droits de mutation, 2000. OA 11950

C

e petit moulin à café, extrêmement précieux, a appartenu à Madame de Pompadour. On le retrouve dans son inventaire après décès en 1764, sous le numéro 2492 1 : « Un moulin à café en or de coulleur, cizelé et gravé, représentant un basrelief de branches de caffé, gravé et cizelé, avec le manche de jaspe, garny d’or dans son étui de chagrin noir ; prisé 460 livres. » Seul le manche est différent de son état d’origine puisqu’il est depuis une date indéterminée en ivoire. Il était conservé dans la résidence parisienne de Madame de Pompadour, l’hôtel d’Évreux, actuel palais de l’Élysée. Il est composé de trois parties qui se dévissent et dissimulent le mécanisme d’origine. Son décor, constitué de branches de caféier où l’or vert des feuilles s’harmonise à l’or rose des grains, évoque de façon très naturaliste la fonction de l’objet 2. Ainsi que l’a démontré Gérard Mabille 3, Madame de Pompadour possédait une abondante orfèvrerie, décrite dans son inventaire après décès qui, hélas, ne mentionne ni description ni noms d’orfèvres. Cette orfèvrerie se composait d’une importante vaisselle d’argent blanc plate ou montée, d’un poids total de 315 kilos. Il s’agissait essentiellement d’un service de table, de plusieurs flambeaux, dont certains furent exécutés par François-Thomas Germain, et d’objets de toilette. Les seuls témoins de cette vaisselle d’argent blanc sont les deux moutardiers exécutés par Antoine-Sébastien Durant en 17501751, conservés au musée Calouste-Gulbenkian à Lisbonne. Les 25 kilos de vermeil regroupaient deux services de toilette et divers couverts. Fait plus exceptionnel, Madame de Pompadour disposait d’une vaisselle d’or à laquelle appartenait ce moulin à café, associé à une cafetière et à un réchaud à esprit-de-vin, ces deux objets lui ayant été livrés par le marchand mercier Lazare Duvaux le 23 février 1756. Ce dernier lui avait également

fourni en 1755 « Deux figures en or sur des terrasses, composées à l’usage de salière et poivrière, l’une représentant un Hollandois qui présente une huître, l’autre un paysan qui tient un sac », qui avaient été exécutées par le jeune orfèvre RobertJoseph Auguste. Bien que la quasi-totalité de ce qu’elle possédait en matière d’orfèvrerie ait disparu, il est important de noter qu’elle fit, à l’image des grands du royaume, des commandes importantes, allant jusqu’à imiter le roi en ayant l’usage d’une vaisselle d’or. Jean Ducrollay, l’auteur du moulin à café, est l’un des orfèvres-bijoutiers les plus renommés à Paris pendant le règne de Louis XV. Après un apprentissage chez Jean Drais, il accéda à la maîtrise en 1734 4. Il collabora de nombreuses années avec son frère, Jean-Charles, devenu maître en 1737, et fut essentiellement un fabricant de tabatières et d’étuis en or conservés en assez grand nombre. En 1760 et 1763, il reçut le brevet d’orfèvre-joaillier du roi et livra entre 1751 et 1771 de nombreuses tabatières, mais aussi des bijoux et de la vaisselle, aux administrations royales, essentiellement les Affaires étrangères et les Menus Plaisirs, chargés des cadeaux diplomatiques. Il reçut également des commandes importantes d’amateurs et de plusieurs cours européennes. Les deux frères rendirent leurs poinçons en 1761 mais poursuivirent une activité de négociant ; Ducrollay quitta Paris dans les années 1770, cessant sans doute à cette date toute activité professionnelle ; il mourut en 1787. La manière de Ducrollay a évolué d’un style rocaille, marqué au début de sa carrière, à une production aux lignes plus assagies à partir du milieu des années 1750. L’emploi si raffiné des ors de couleur sur le moulin à café se retrouve sur plusieurs tabatières exécutées par l’orfèvre entre 1755 et 1760. CG

1. Cordey, 1939, p. 205. 2. Nouvelles acquisitions…, 2003, p. 106-109, repr. 3. Exp. Versailles, 2002, p. 357-360 et no 155, repr. 4. Bastien, 2006, p. 60-69.

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Le courant néoclassique 1760-1792 Boiseries et décors peints 368

Tapisseries et tapis 380

Ébénisterie 386

Menuiserie 426

Bronzes d’ameublement 442

Faïence et porcelaine 476

Orfèvrerie, montres et tabatières 494


NÉOCLASSICISME

148. Lambris à décor d’arabesques Paris, vers 1770-1775 Bois sculpté, peint et doré, terre cuite, glace H. sous corniche : 315 cm Donation Guerrand-Hermès, en mémoire de Mme Aline Guerrand-Hermès, 2011. OA 12375

C 1. Dilke, 1898, p. 6 ; Rousset-Charny, 1990, p. 162 ; Richard, 1992, p. 76 ; Pons, 1995, p. 47.

e décor se compose d’une double porte peinte à arabesques, d’un trumeau de miroir, de deux parcloses sculptées d’entrelacs de feuillages, de deux dessus-de-porte à médaillon, dont l’un orné d’un bas-relief sculpté exécuté d’après Clodion, et d’un environnement de fenêtre avec sa croisée et ses volets intérieurs. Son

style très raffiné évoque les plus belles réalisations parisiennes des années 1770 : les intérieurs de l’hôtel d’Aumont par Pierre-Adrien Pâris (17751777), ceux du pavillon de Bagatelle par FrançoisJoseph Bélanger (1777) ou de l’hôtel Grimod de La Reynière par Charles-Louis Clérisseau (17781780). Avec ses cassolettes fumantes, ses cornes d’abondance, ses sirènes et ses guirlandes de myrte, c’est un magnifique témoignage du goût à l’antique qui triomphe à Paris à l’époque. Par tradition, il passe pour avoir orné la résidence parisienne de Marie-Madeleine Guimard, une des plus grandes danseuses de son temps, également célèbre pour ses liaisons tapageuses, entre autres avec le prince de Soubise et avec le fermier général, premier valet de chambre du roi et compositeur Jean-Benjamin de Laborde. L’hôtel Guimard, véritable manifeste des courants stylistiques les plus avancés, fut construit par Claude-Nicolas Ledoux entre 1770 et 1773 sur la Chaussée-d’Antin. La réalisation de son décor sculpté fut confiée à Jean-Baptiste Feuillet et Joseph Métivier, les collaborateurs habituels de l’architecte. Jean-Honoré Fragonard exécuta une partie de ses décors peints. Les lambris du Louvre n’ont pas encore livré tous leurs secrets, même si leur grande qualité peut justifier une provenance prestigieuse. L’ensemble est manifestement lacunaire : deux parcloses similaires à celles qui sont aujourd’hui conservées au Louvre en ont été anciennement détachées et se trouvent à présent dans une collection particulière. Il est très probable qu’il comptait à l’origine d’autres éléments, à ce jour non identifiés. Il n’est pas non plus certain qu’il soit entièrement homogène. Son examen révèle des mains et des techniques sensiblement différentes, ce qui laisse supposer qu’il provient peut-être de pièces distinctes. Son identification repose sur une tradition qui remonte au collectionneur Jacques Doucet, qui orna de ces lambris, au début du xxe siècle, le boudoir de son hôtel de la rue Spontini 1. Cependant, l’étude des documents relatifs à l’hôtel de la Chaussée-d’Antin n’a pas permis à ce jour de les y repérer. Il n’est pas impossible qu’ils proviennent du pavillon que la danseuse possédait à Pantin. À défaut d’informations précises sur la manière dont les différentes parties étaient originellement disposées, leur remontage ne prétend pas restituer un état historique. FD

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NÉOCLASSICISME

149. Panneaux de porte et parcloses du second cabinet turc

du comte d’Artois à Versailles

Versailles, 1781 Attribués à Jean-Siméon Rousseau et Jules-Hughes Rousseau, peintres et sculpteurs Chêne peint à l’huile Panneaux supérieurs : H. 81 cm ; L. 60 cm Panneaux inférieurs : H. 70 cm ; L. 60 cm Parcloses : 311 cm ; L. 41 cm. Dépôt du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 2011. SSN 350-355, V 3071,V 3072 et V 3073

L

1. Exp. Paris, 1988, p. 86-93 ; Gautier, 2010, p. 29-54.

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ouis XVI et l’aîné de ses frères, Monsieur, appréciaient des activités sérieuses, voire cérébrales. Ils se distinguaient en cela de leur frère cadet, Charles-Philippe, comte d’Artois (né en 1757, futur Charles X), dont la légèreté, voire la familiarité, distrayait autant qu’elle inquiétait la famille royale. D’une très grande sensibilité à la mode, le comte d’Artois possédait un goût qui se rapprochait de celui de l’aristocratie parisienne. C’est d’ailleurs dans la capitale qu’il trouvait toutes les dissipations nécessaires, en matière de danse et de spectacle, où il se rendait parfois accompagné par la reine, sa belle-sœur. Bien que mise en garde par sa mère contre la mauvaise influence de ce « turbulent » beau-frère, Marie-Antoinette semble avoir apprécié la compagnie du jeune prince. Tous les deux cédèrent, à la fin des années 1770, à la mode du goût turc, ultime déclinaison de l’intérêt pour l’Orient, et ordonnèrent l’agencement de cabinets dans ce genre, à Fontainebleau pour la reine et à Paris et Versailles pour le comte d’Artois. À Versailles, c’est dans l’aile du Midi où il avait ses appartements que le comte d’Artois fit aménager deux cabinets turcs, le premier vers 1775 et le second en 1781 (voir notices nos 179 et 180)1. C’est pour les portes de ce deuxième cabinet, qui curieusement faisait également office de bibliothèque, que l’on exécuta ces panneaux. Les panneaux des parties supérieures sont les plus riches : leur centre figure un décor peint de saynètes à sujet turc (odalisques, sultans, chameau…) en grisaille sur fond bleu entouré d’un décor de style arabesque, tandis que les panneaux inférieurs, plus simples, sont ornés d’arabesques et de figures hybrides sur des fonds unis. Deux autres panneaux de porte de cet ensemble sont aujourd’hui identifiés. Ils ont été donnés au Metropolitan Museum of Art (New York) par John Pierpont Morgan en 1906 et proviennent de la collection Hoentschel. Les circonstances du départ de Versailles de ces huit panneaux ne sont pas parfaitement connues.

Un rapprochement stylistique semble devoir s’imposer avec les portes dites « de Mademoiselle Guimard » (voir notice précédente). Dans les deux cas, la partie supérieure de chaque vantail est agrémentée d’un médaillon peint sur fond bleu. En tout cas, les portes « Guimard » permettent peut-être d’imaginer ce que furent les portes complètes du comte d’Artois. Ces dernières attestent une inventivité et une fantaisie peu communes au sein des Bâtiments du roi et laissent penser qu’un architecte ornemaniste est intervenu dans l’élaboration du second cabinet turc du comte d’Artois. Aujourd’hui, les cabinets turcs parisien et versaillais du comte d’Artois ont disparu, sauf quelques panneaux de boiseries et des éléments de mobilier. Seul le cabinet turc de la reine à Fontainebleau, toujours en place, témoigne encore de cet engouement (voir notice no 199). Cy D



NÉOCLASSICISME

153. Quatre pièces des Tentures de François Boucher, tissées

pour la chambre de la duchesse de Bourbon à l’hôtel de Lassay Paris, vers 1775 D’après François Boucher et Maurice Jacques Manufacture royale des Gobelins, atelier de Jacques Neilson Tapisserie de basse lisse, laine, soie H. 440 cm ; L. 300 cm (OA 5118-5119) H. 440 cm ; L. 360 cm (OA 5120-5121) Versement du Mobilier national, 1901. OA 5118-5121 Reproduit, OA 5118

E

1. Fenaille, 1903-1923, IV, p. 225. 2. Inv. BK-06655-A-F. 3. Baulez, dans exp. Paris, 1987, p. 46. 4. Thiéry, 1787, II, p. 601.

n 1764, le prince de Condé acheta au roi l’hôtel que sa grand-mère la duchesse de Bourbon avait fait édifier sur la rive de la Seine, à l’extrémité du faubourg Saint-Germain, et qui a conservé de nos jours le nom de palais Bourbon. Dans les années qui suivirent, le prince, qui avait souffert de l’enclavement de l’ancien hôtel familial de la rue de Condé, se constitua un vaste domaine qui s’étendait jusqu’à l’actuelle esplanade des Invalides. Au sein de ce véritable complexe palatial, alors sans équivalent à Paris, il convient de distinguer trois bâtiments. Le palais Bourbon lui-même, en perpétuels travaux depuis son acquisition et que le prince n’habita jamais. L’ancien hôtel de Lassay, acheté en 1768, dans lequel le prince s’installa rapidement, mais qu’il consacra aussitôt au logement de son fils et de sa belle-fille, le duc et la duchesse de Bourbon. Enfin un troisième hôtel, connu sous le nom trompeur de « Petits Appartements » (voir notice no 150), construit en 1771-1772 par Claude Billard de Bellisard à l’intention de la fille du prince, Mademoiselle de Condé, mais dont le prince finit par faire sa résidence lorsque la jeune femme décida, en 1780, de s’installer dans l’hôtel qu’Alexandre-Théodore Brongniart venait d’édifier pour elle, rue Monsieur, et qui porte encore son nom. Cet ensemble de tapisseries formait le décor de l’alcôve de la chambre de l’appartement de la duchesse de Bourbon à l’hôtel de Lassay. Les Tentures de François Boucher constituent l’une des plus grandes réussites de la manufacture des Gobelins au xviiie siècle 1. Il semble que c’est à Jacques-Germain Soufflot, nommé directeur de la manufacture en 1755, que l’on doit d’avoir suggéré le principe des tableaux accrochés sur des fonds colorés. Le choix de tisser ces fonds à l’imitation du damas reprend une idée lancée à l’occasion d’un tissage de la tenture de Don Quichotte en 1760. Maurice Jacques donna les dessins des somptueux alentours qui font l’essentiel de l’originalité de la nouvelle série et Boucher fut chargé de fournir les modèles des médaillons. Les tissages furent confiés à l’atelier de basse lisse de Jacques Neilson. Composer des tapisseries pour

imiter des tableaux accrochés sur des fonds de damas peut paraître paradoxal. C’était prendre acte de la réticence des particuliers à disposer dans leurs intérieurs de vastes compositions à personnages, souvent coûteuses, à l’iconographie jugée trop sérieuse, surtout difficilement compatibles avec l’évolution des distributions intérieures qui tendait à réduire de plus en plus le volume des pièces. La formule permettait au besoin de moderniser les alentours, de les adapter aux dimensions des parois destinées à les accueillir. Le nom de Boucher était un gage de succès. Le choix des sujets des médaillons fut fait de façon assez lâche, allant de la mythologie jusqu’au Tasse en passant par des pastorales. Ce vague se traduit dans les incertitudes relatives au titre à attribuer à la série, que l’on trouve mentionnée sous les noms de Métamorphoses, d’Éléments, d’Amours des dieux ou, plus simplement – et plus justement –, comme les Tentures de François Boucher, ce qui règle la question. Le tissage de la tenture de la duchesse de Bourbon fut exécuté vers 1775.Trois des quatre médaillons retenus illustrent les amours des dieux, le quatrième est tiré de l’histoire de Psyché. Les alentours sont les seconds dessinés par Jacques, légèrement différents de la version initiale. La commande comprenait également les garnitures du lit et des sièges de la pièce. Du premier, le Louvre conserve quelques éléments : le ciel, le fond et un fragment du décor du baldaquin ; les garnitures des seconds se trouvent au Rijksmuseum, à Amsterdam 2. Le décor sculpté du lit, exécuté par Charles Lachenait, était exceptionnel. Conçu à l’origine à l’intention du prince de Condé, il était composé de grandes figures représentant l’Immortalité et le Génie de la guerre et était enrichi de palmes, de lauriers, de sabres et de casques 3, décor bien peu féminin dont l’association avec les tentures à fond rose conçues par Jacques et Boucher incite à la prudence quand il est question de la cohérence des décors au xviiie siècle. Ce lit était suffisamment étonnant pour être encore qualifié par LucVincent Thiéry, plus de dix ans après sa livraison, de lit « d’un genre neuf 4 », sans que l’on en sache davantage sur la nature du genre en question. FD

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NÉOCLASSICISME

159. Secrétaire à cylindre à décor de plaques de porcelaine Paris, vers 1768-1770 Jean-François Leleu Bâti de chêne, placage de bois de rose, marqueterie d’épine-vinette, de houx, de loupe d’érable, de buis, sur fond d’érable teint couleur tabac, bronze doré H. 105 cm ; L. 98,5 cm ; P. 53,5 cm Plaques de porcelaine : porcelaine tendre, manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1767 et 1768 Dation en paiement de droits de mutation, 1990. OA 11295

D’

origine française, l’ébéniste Jean-François Leleu fut formé dans l’atelier de JeanFrançois Œben, à l’Arsenal. Reçu maître en 1764, il aspirait à lui succéder, mais fut évincé par son rival Jean-Henri Riesener. Installé rue Royale-Saint-Antoine, il devint le fournisseur d’amateurs renommés comme le marquis de Laborde, banquier de la cour, le duc d’Uzès et, à partir de 1772, le prince de Condé. Après avoir usé à ses débuts des formes et des décors de style transition, Leleu les abandonna rapidement et devint l’adepte d’un néoclassicisme sévère. Contrairement à Riesener, il ne fut pas inquiété durant la Révolution et poursuivit ses activités jusque sous l’Empire.

1. Voir Pradère, 1989, p. 334. 2. Alcouffe et al., 1993, no 60, p. 190-193 ; Nouvelles acquisitions…, 1990-1994, 1995, no 49, p. 138-139.

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À la différence de ceux de Martin Carlin, qui en fit l’une de ses spécialités, les meubles ornés de plaques de porcelaine sont rares dans la production de Leleu. Dans l’Almanach général des marchands du royaume de 1779, Leleu est cité en tant qu’« ébéniste-marqueteur 1 ». La ligne sinueuse de la ceinture et les pieds galbés du secrétaire reprennent le modèle du bureau à cylindre de Louis XV commencé par Œben en 1760 et terminé par Riesener en 1769 (conservé à Versailles). Le meuble est muni d’un plateau coulissant et de cinq tiroirs à la hauteur de la ceinture. Sur le cylindre rigide du secrétaire, un tableau de marqueterie, composé d’un carquois rempli de flèches, d’un flambeau, d’une couronne et d’une guirlande de fleurs, reproduit le motif des plaques de Sèvres fixées sur la partie inférieure et les petits côtés du secrétaire. Faisant montre d’une maîtrise technique exceptionnelle en matière de marqueterie, l’ébéniste semble vouloir rivaliser avec le peintre sur porcelaine. Les vingt-six plaques elles-mêmes, maintenues par des baguettes de bronze, portent des lettresdates de Sèvres correspondant aux années 17671768. Le dos du meuble et sa terrasse sont marquetés d’une mosaïque de rosaces d’épinevinette sur fond d’érable. Des bronzes de goût antiquisant se mêlent à des ornements naturalistes d’une inspiration encore rocaille. Une galerie à décor d’entrelacs entoure les trois côtés de la terrasse. Le secrétaire a fait partie des collections des barons Hillingdon, dont d’autres meubles à plaques de porcelaine sont aujourd’hui conservés au Metropolitan Museum of Art, à New York. La Huntington Collection, à San Marino (Californie), abrite un secrétaire de Leleu presque semblable à celui du Louvre 2. DB



NÉOCLASSICISME

160. Paire de cabinets bas à marqueterie de pierres dures

du duc d’Aumont

Paris, vers 1770 Joseph Baumhauer Bâti de chêne, placage d’ébène, marqueterie en première partie d’écaille, de laiton et d’étain, panneaux de marqueterie de pierres dures, garniture de bronze doré, marbre brocatelle H. 102 cm ; L. 77,7 cm ; P. 49,3 cm Versement du Mobilier national, 1901. OA 5448-5449 Reproduit, OA 5448

L

e duc d’Aumont ne s’intéressa pas aux meubles d’André-Charles Boulle. Il aurait pu aisément en acquérir un grand nombre dans la masse de ceux qui passèrent sur le marché parisien dans la décennie 1770, il ne le fit pas. La section de sa vente consacrée, comme il est d’usage, aux « meubles curieux de marqueterie » ne comprend que six numéros et parmi eux ne figure aucun meuble notable qui puisse se rattacher à l’illustre ébéniste 1. Les deux grands cabinets « fait [sic] par Boulle » sont en réalité les « grandissimes cabinets » à colonnes torses et à décor d’écaille façon lapis, meubles légendaires exécutés par Domenico Cucci pour Louis XIV au siècle précédent, que le duc avait achetés au moment de leur vente par la Couronne en 1751 et qui n’allaient pas tarder à disparaître. On y trouve, en revanche, mention de deux meubles « première partie de cuivre et étain »

1. Lugt, no 3488, 12 décembre 1782.

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qui se révèlent être des meubles à décor de pierres dures, « du plus parfait ouvrage de Florence, à sujets d’oiseaux, branchages, fleurs et fruits », tout à fait dans le goût de ceux que les marchands merciers Julliot fournissaient depuis une décennie aux amateurs, en dépeçant et en réutilisant des fragments de grands cabinets à décor de pierres dures datant du siècle précédent (voir notice no 168). Lorsque l’inventaire des collections du duc fut dressé en 1782, les objets avaient été déplacés et regroupés par types pour en faciliter la prisée, il est donc malheureusement impossible de reconstituer l’environnement de ces meubles au sein de l’hôtel que le duc occupait place Louis-XV, actuelle place de la Concorde. Ces cabinets ont été exécutés par Joseph Baumhauer, probablement à l’initiative de ClaudeFrançois Julliot ou de Jean-Baptiste Pierre Lebrun. Baumhauer (mort en 1772) est l’un des principaux acteurs du tournant stylistique vers le néoclassicisme. Spécialisé dans la production de grand luxe à destination des merciers, il réalisa des meubles somptueux dans les styles et les techniques les plus variés, depuis le rocaille opulent des années 1750 jusqu’au néoclassicisme le plus sévère, que ce soit à décor de placage, de marqueterie, de panneaux de laque, de plaques de porcelaine ou de marqueterie Boulle. Il n’est pas surprenant de le voir ici s’essayer à un mélange parfaitement réussi de marqueterie de pierres dures et de marqueterie Boulle, appliqué à un type de meuble – le cabinet bas – qui connut un très grand succès à partir des années 1770. Le comte de Vaudreuil possédait en 1787, dans son hôtel de la rue de la Chaise, une paire de cabinets similaires. Ceux du duc d’Aumont, furent achetés par le roi lors de la vente de ses collections et sont restés depuis dans les collections nationales. FD



NÉOCLASSICISME

163. Secrétaire à cylindre du cabinet intérieur de l’appartement

de nuit de la reine Marie-Antoinette au château des Tuileries Paris, 1784 Jean-Henri Riesener Bâti de chêne et de sapin, placage de sycomore, d’amarante, de bois de rose et autres bois polychromes, garniture de bronze doré H. 103,6 cm ; L. 113,4 cm ; P. 64,2 cm Versement du Mobilier national, 1901. OA 5226

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n 1784, Marie-Antoinette se fit aménager au palais des Tuileries un petit appartement, à la dernière mode. On ne sait pas aujourd’hui où il était précisément situé dans le château, mais il était distinct du grand appartement, et permettait à la reine de passer la nuit à Paris lorsqu’elle s’y rendait pour assister à un spectacle. Jean-Henri Riesener, l’ébéniste ordinaire de la Couronne, livra alors dix-neuf meubles d’ébénisterie pour le prix considérable de 32 000 livres. Outre ce secrétaire à cylindre, cette livraison comportait aussi une commode 1, une table de nuit 2 et une table de toilette 3, toutes aujourd’hui réunies au Louvre. On appelle « secrétaire » tout meuble sur lequel on peut écrire et dans lequel on peut ranger des papiers. Le secrétaire à cylindre en constitue une variété. Celui-ci, d’une extrême élégance, fut exécuté avec une délicatesse digne de la reine. Il se compose d’un corps de bureau, à trois tiroirs, orné de quatre bas-reliefs en bronze doré représentant des allégories (la Musique à deux reprises, la Peinture puis la Sculpture), et d’un corps supérieur à cylindre, à dessus plein bordé d’une frise de rinceaux. Tous les panneaux du bureau sont marquetés d’un quadrillage à losanges polychromes. Au milieu du cylindre, une guirlande de fleurs, de branches de laurier et de rubans encadre un trophée en marqueterie représentant les attributs de la Poésie : plume,

lyre, livres, encrier. La marqueterie en croisillons était à l’origine « de bois satiné gris argenté 4 » et devait donner un effet très original, mais cette teinte artificielle s’est malheureusement perdue avec le temps du fait de l’oxydation. Ce meuble fut créé pour être un meuble de milieu, comme l’atteste la présence du second bas-relief de la Musique au revers, contrairement, par exemple, au secrétaire à cylindre du boudoir de la reine au château de Fontainebleau 5, œuvre également de Riesener. Par ailleurs, la présence de trous situés aux extrémités basses des pieds permettait autrefois la fixation de roulettes. Le secrétaire à cylindre du Louvre ne figure pas dans les inventaires de la fin de l’Ancien Régime car « bien que commandé, enregistré et payé par le Garde-Meuble de la Couronne, il était déposé dans les petits appartements de Marie-Antoinette qui dépendaient du GardeMeuble particulier de la Reine 6 ». Mais il a probablement passé la Révolution aux Tuileries. Au cours du xixe siècle, il fut envoyé à Saint-Cloud, où il était présent en 1843 dans le logement de « M. Dubreuil, architecte ». L’impératrice Eugénie choisit de l’exposer en 1867 au musée consacré à Marie-Antoinette au Petit Trianon. Édouard-Thomas Williamson, administrateur du Garde-Meuble, le plaça au musée du GardeMeuble. Il entra au Louvre en 1901. CV

1. OA 10276. 2. OA 10307. 3. Inv. V 866. 4. Marc-André Paulin, Rapport avant intervention, dossier no 63045 du C2RMF, 2007. 5. Inv. V 3582. 6. Verlet, 1945-1955, I, p. 27-29.

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NÉOCLASSICISME

166. Guéridon à thé du salon ovale du pavillon de musique

de Madame du Barry au château de Louveciennes Paris, 1774 Martin Carlin Acajou massif, chêne, placage d’amarante, garniture de bronze doré, porcelaine H. 81,7 cm ; D. 80 cm Plaques de porcelaine : porcelaine tendre, manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1774, Charles-Nicolas Dodin, peintre Achat, 1978. OA 10658

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armi les achats somptueux de Madame du Barry destinés à meubler le pavillon de musique que Claude-Nicolas Ledoux avait édifié en 1771 dans le parc du château de Louveciennes figure cet extraordinaire guéridon 1, qui lui fut livré en 1774 par un des plus fameux marchands merciers de la seconde moitié du xviiie siècle : Simon-Philippe Poirier, à qui revient l’idée d’orner des meubles d’ébénisterie de plaques de porcelaine. Il fut sans doute le concepteur de cette table qui devait être utilisée comme table à thé au temps de Madame du Barry, type de meuble dont la mode se développa dans le dernier tiers du xviiie siècle. Le plateau, plaqué d’amarante au revers, repose sur un piétement tripode en acajou massif orné de palmettes, d’enroulements et de chutes de fleurs en bronze doré. Grâce à un mécanisme en acier, le plateau peut basculer en avant, présentant ainsi les sept plaques de porcelaine comme un véritable tableau de chevalet. La plaque centrale, dans l’esprit des turqueries si appréciées au xviiie siècle, reproduit Le Concert du grand sultan peint par Carle van Loo en 1737, d’après la gravure de Claude-Antoine Littret (1766) qui inverse la composition. Le goût turc était très en vogue à la suite de la visite de l’ambassadeur de la Sublime Porte au roi

Louis XV en 1721, mais dans les années 1770 on assiste à un attrait renouvelé pour ces représentations, que ce soit dans le domaine de la tapisserie ou bien dans les nombreuses créations de cabinets turcs, ceux du comte d’Artois et de MarieAntoinette étant les plus célèbres (voir notices nos 149, 179, 180 et 199). Les six plaques cintrées à fond bleu céleste sont ornées de figures sur des fonds de paysage, entourées de guirlandes de fleurs. Ces scènes inscrites dans des réserves ont été peintes d’après Antoine Watteau 2. L’auteur de ces plaques, Charles-Nicolas Dodin, fut un des peintres de figures les plus talentueux de la manufacture de Sèvres ; il y fut employé de 1754 à 1803. Dès 1760, il peignit avec brio des plaques de porcelaine tendre utilisées comme tableaux de chevalet ou destinées à orner des meubles d’ébénisterie 3. On connaît deux autres guéridons de Martin Carlin, datés de 1777, très proches de celui des collections du Louvre. L’un est conservé au château royal de Varsovie 4, le second appartient aux collections du palais royal de Madrid 5. Au début du xixe siècle, le guéridon fut acquis par l’impératrice Joséphine, puis figura dans les collections des barons Alphonse et Édouard de Rothschild. CG

1. Rochebrune, 2002. 2. Glorieux, 1999, p. 42-53. 3. Exp. Versailles, 2012, p. 159-162. 4. Exp. Versailles, 2012, no 86, p. 200-202. 5. Exp. Madrid, 20072008, no 73, p. 284-285.

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NÉOCLASSICISME

167. Coffre à bijoux de la duchesse de Mazarin Paris, 1774 Martin Carlin Bâti de chêne, placage de bois de rose et de palissandre, garniture de bronze doré Plaques de porcelaine de Sèvres H. 95 cm ; L. 55,5 cm ; P. 37 cm Dépôt du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, 2011. V 6205

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ame d’honneur officieuse de Madame du Barry, Louise-Jeanne de Durfort de Duras, duchesse de Mazarin, paya son amitié envers la dernière favorite de Louis XV par un retrait de la cour sous le règne de Louis XVI. Les deux femmes par tageaient le même goût pour les objets finement montés et les meubles rares. La duchesse de Mazarin s’employa alors à aménager fastueusement son hôtel parisien, où elle vivait, séparée de son époux, en faisant appel aux meilleurs artisans et marchands merciers. Si la mort de Louis XV fut synonyme de disgrâce pour la comtesse du Barry, qui dut se séparer d’une partie de ses biens, la duchesse de Mazarin, fortunée, poursuivit ses commandes aux marchands merciers et autres bronziers. Le 25 janvier 1774, le marchand mercier Simon-Philippe Poirier livra ce coffre à bijoux réalisé par Martin Carlin, dont il porte l’estampille, à la duchesse de Mazarin pour la somme de 1 800 livres. Sur un piétement à décor de placage, de bronze doré et de quatre plaques de porcelaine, ouvrant en façade par un tiroir dans lequel devait prendre place une écritoire, figure un coffre adhérant au piétement, ouvrant à charnière, décoré lui aussi de bronze doré et de neuf

plaques de porcelaine de Sèvres. Il prit place dans la chambre à coucher de la duchesse, comme cela semble avoir été la règle pour ce type de meuble, et y resta sans doute jusqu’à sa mort. Le coffre à bijoux de la duchesse de Mazarin se distingue des autres coffres aujourd’hui connus par l’originalité et la finesse du décor peint de ses plaques de porcelaine de Sèvres. Ici, les bordures des plaques ne sont pas revêtues d’un fond de couleur uni, mais elles sont peintes d’un fond bleu céleste « pointillé », dit parfois « œil de perdrix », caractéristique de la production de la manufacture de Sèvres au cours des années 1770. Le centre de ces plaques est agrémenté d’un décor floral polychrome ou, dans le cas des deux plaques centrales, d’un décor plus moderne de trophées. Racheté par les héritiers de la duchesse de Mazarin au cours d’une de ses ventes après décès, le coffre à bijoux ne réapparut en Angleterre que dans la seconde moitié du xixe siècle, dans les collections d’Alfred de Rothschild. Il fut ensuite acquis par Mme Léon Barzin (née Eleanor Post Close), fille de la célèbre héritière et collectionneuse américaine Marjorie Merriweather Post, qui l’offrit au château de Versailles. Cy D

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MENUISERIE

180. Paire de fauteuils et quatre chaises du cabinet turc

du comte d’Artois au palais du Temple Paris, 1777 Georges Jacob, menuisier, Jean-Baptiste-Simon Rode, sculpteur, et Jean-Gilles Ramier, peintre Bois sculpté et doré Garniture moderne Fauteuils : H. 94 cm ; L. 70 cm ; P. 76 cm (OA 9987-9988) Chaises : H. 94 cm ; L. 57 cm ; P. 68 cm (OA 9989-9992) Legs de Eva Gebhard, baronne Gourgaud, 1965. OA 9987-9992

À

la mort de Louis-François de Bourbon, prince de Conti, le 2 août 1776 au Temple même, c’est le fils aîné du comte d’Artois, LouisAntoine, duc d’Angoulême, qui devint grand prieur de France de l’ordre de Malte. Il obtint alors, à Paris, la jouissance du palais du Temple, siège du Grand Prieuré. Pendant sa minorité (le duc d’Angoulême était né en 1775), il fut décidé que ce serait son père qui occuperait le palais 1. Dès l’année suivante, en 1777, le comte d’Artois saisit l’occasion qui s’offrait à lui d’entreprendre alors la restauration des décors anciens ainsi que de fastueux aménagements en y créant, notamment, un cabinet turc. Le tout fut réalisé sous la direction de l’architecte Étienne-Louis Boullée et de Pierre Jubault, premier valet de chambre tapissier et concierge du prince. C’est Georges Jacob qui fut choisi pour l’exécution de la menuiserie des sièges de ce cabinet. Le choix du célèbre menuisier bourguignon mérite d’être ici souligné, il s’agit en effet de sa première commande précisément datée pour un membre de la famille royale. On sait quelle fut ensuite sa faveur auprès de la reine et de Monsieur en particulier.

Les sièges se distinguent de leurs contemporains par leur audace formelle : un dossier en crosse fortement accentuée, des pieds en « sabre » et des consoles d’accotoir en forme de corne d’abondance font de cet ensemble un unicum dans la production française du xviiie siècle. Le décor sculpté, tout aussi original, mêlant croissants de lune et perles notamment, fut confié à Jean-Baptiste-Simon Rode. Fidèle collaborateur de Georges Jacob, Rode travaillait encore pour le menuisier à la veille de la Révolution. Quant à la peinture blanche (la dorure que l’on voit aujourd’hui est moderne), elle fut exécutée par Jean-Gilles Ramier. La riche pendule du cabinet turc fut livrée par les Lepaute. Les sièges du comte d’Artois au Temple furent dirigés vers le palais du Luxembourg sous le Directoire. On ignore la date et les circonstances de leur départ des collections nationales. Augmentés d’un canapé probablement réalisé au xixe siècle, les sièges du cabinet turc du comte d’Artois au Temple furent légués en 1965 par la baronne Eva Gourgaud au musée du Louvre, où ils ont retrouvé une garniture de damas jaune et argent fidèle à l’étoffe ancienne. Cy D

1. Pallot, 1993, no 44, p. 132-135.

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NÉOCLASSICISME

191. Pendule à cadran tournant « aux amours » Paris, vers 1770-1775 Caisse attribuée à Robert Osmond Bronze doré, plaques de porcelaine de Sèvres, cadran émaillé H. 53,5 cm ; L. 24,3 cm ; P. 21 cm Dation en paiement de droits de mutation, 1990. OA 11308

À

l’arrière du socle de la pendule figure la signature « Osmond ». Trois bronziers portèrent ce nom au xviiie siècle, mais on attribue habituellement à Robert Osmond ce modèle dont aucun autre exemplaire n’est connu. Avec son neveu Jean-Baptiste, Robert Osmond est l’un des rares fondeurs qui signa ses œuvres afin d’en protéger les modèles. Osmond fut reçu maître fondeur en 1746 et il est notamment connu pour ses pendules-vases à anses et ses pendules-colonnes. La composition est ordonnée autour de la sphère en porcelaine bleu céleste à étoiles d’or, qui renferme le mouvement, et est munie de deux cadrans tournants. La sphère est supportée par quatre amours, deux sur le devant et deux à l’arrière, tandis qu’un cinquième indique l’heure, mais a perdu son arc, et qu’un sixième la surmonte. L’ange sous le cadran a aussi perdu ce qu’il tenait de sa main gauche, et peut-être y avait-il une seconde colombe. La base circulaire, ornée de pilastres et de tores de laurier, repose sur quatre pieds à griffes. Deux plaques cintrées, en porcelaine de Sèvres à fond blanc et encadrement bleu céleste,représentent des trophées d’instruments scientifiques. Cette base aux formes assagies, soulignée par un lourd bandeau de feuilles de chêne, correspond bien au goût d’Osmond pour le style à la grecque qui marque en grande partie son œuvre 1. La pendule, éblouissante par son exécution raffinée, compte au nombre des œuvres les plus caractéristiques du néoclassicisme des dernières années du règne de Louis XV, où les rigueurs de l’inspiration antique adoucissent les volutes et les amours hérités de l’art rocaille. CV

1. Alcouffe et al., 2004, no 102, p. 132-133.

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NÉOCLASSICISME

210. Vénus faisant couronner la Beauté par les Grâces Sèvres, manufacture royale de porcelaine, modèle créé en 1775 D’après Louis-Simon Boizot, sculpteur Biscuit de porcelaine tendre H. 38 cm ; L. 31,5 cm ; P. 23 cm Achat, 1973. OA 10436

L

e Temple de Gnide, ouvrage de Montesquieu publié anonymement en 1725, suscita un immense scandale, en raison de à son caractère présumé trop libertin, ce qui lui assura toutefois de multiples rééditions. Sa version de 1772 1, enrichie des estampes de Noël Le Mire d’après les dessins de Charles Eisen, constitua même une féconde source d’inspiration pour les artistes de la manufacture de Sèvres. Ces derniers privilégièrent notamment le moment où la jeune Thémire se présente devant Vénus qui ordonne aux Grâces de la couronner de fleurs. LouisSimon Boizot – qui était depuis 1773 chef de l’atelier de sculpture de la manufacture et cherchait sans cesse de nouveaux sujets – créa dès 1775 un modèle en terre cuite 2 de cet épisode, tandis que Josse-François-Joseph Le Riche se chargea de le mouler en biscuit, comme en témoignent encore, en dessous du groupe du Louvre, les marques en creux « LR ». Le premier exemplaire fut facturé 600 livres au comptant, le 22 décembre 1776, à la faveur des ventes organisées dans l’appartement intérieur du roi à Versailles. Jamais avare de diffuser les meilleures réalisations de sa manufacture, Louis XVI offrit ce biscuit, le 22 juin 1784, au roi Gustave III de Suède et n’omit point de s’en réserver un exemplaire personnel pour ses châ-

teaux de Marly et de Versailles. Succombèrent encore à la tentation le comte d’Artois le 26 juin 1777, pour le palais du Temple, l’impératrice Catherine II de Russie en juin 1779, le comte de Montmorin – ministre des Affaires étrangères – en mars 1787, ou le comte d’Aranda – ambassadeur du roi d’Espagne – en juillet 1787 3. À cette liste pourrait encore s’ajouter l’empereur Joseph II d’Autriche, qui avait été gratifié par son royal beau-frère, dès le 30 avril 1777, d’un « Couronnement de la Beauté 4 ». Ces exemplaires sont certainement ceux qui sont aujourd’hui dispersés entre les collections du Louvre, du musée national de Céramique 5, de l’Ermitage 6, des collections royales anglaises 7. Œuvre d’apparat destinée aux surtouts de table, La Beauté couronnée par les Grâces 8 – pour laquelle Boizot réalisa en 1776 un pendant, Le Triomphe de la Beauté – pouvait être accompagnée de groupes latéraux tels que L’Offrande à l’Amour et L’Offrande à l’Hymen ou La Toilette de Vénus 9 et Diane au bain. Le thème iconographique tiré de la mythologie, l’attrait du sculpteur pour la grâce des formes féminines et le souvenir manifeste de la sculpture et de la glyptique antiques dans l’attitude des personnages, les drapés ou encore les guirlandes de fleurs sur le socle en font un chef-d’œuvre du néoclassicisme français. GS

1. Exp. Versailles, 2012, no 76, p. 182, repr. 2. Sèvres, Cité de la céramique, inv. MNC 7974. 3. SCC, Vy 6, fo 120, Vy 7, fos 19 vo, 52, 103 vo, 124, 203 ; Vy 9, fos 39 vo, 113 ; Vy 10, fos 130, 162 vo. 4. SCC, Vy 6, fo 207. 5. Pinot de Villechenon, 1996, p. 96, fig. 35. 6. Biroukove et Kazakevitch, 2005, no 1333, p. 438-440, repr. 7. Bellaigue, 2009, III, no 309, p. 1088-1089, repr. 8. Exp. Versailles, 2012, no 77, p. 183, repr. 9. Baulez, 1996, p. 108, fig. 27.

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NÉOCLASSICISME

219. Nécessaire de voyage de la reine Marie-Antoinette Paris, manufacture de porcelaine dite du duc d’Orléans, rue des Boulets puis rue Amelot, 1787-1788 Jean-Pierre Charpenat et François Joubert, orfèvres, N. Lethien, coutelier, et Jean-Philippe Palma, ébéniste Argent fondu et ciselé, cuivre doré, porcelaine tendre ; coffre d’acajou Coffre : H. 19 cm ; L. 82 cm ; P. 48,5 cm Achat, 1955. OA 9594

C

e grand coffret rectangulaire d’acajou veiné, dont le couvercle présente une plaque de cuivre doré gravée des lettres « MA » entrelacées dans une couronne de laurier, ne contient pas moins de quatre-vingt-quatorze objets en argent, cristal, porcelaine, acier, ivoire ou ébène, tous délicatement rangés dans un ensemble de cases d’acajou de formes variées, agencées sur plusieurs niveaux. L’inscription portée sur la plaque de serrure (« PALMA ÉBENISTE ET FAISEUR DE NÉCESSAIRES PRÉSENTEMENT VIEILLE RUE DU TEMPLE EN FACE DU PALAIS CARDINAL No 34 À PARIS »)

1. Sur l’historique, voir Plinval de Guillebon, 1992 (1), p. 166-167 et bibliographie incluse ; Dassas, dans exp. Tokyo et Kobe, 2008, no 137 ; Jestaz, 2013. 2. Bottineau, 1958, no 66.

montre toute la fierté du fournisseur et maître d’œuvre de cet ensemble, l’ébéniste parisien JeanPhilippe Palma. Marie-Antoinette était très attachée à ce nécessaire, destiné à lui assurer un meilleur confort dans ses déplacements, qui eut sa part dans les événements de la Révolution 1. D’après les Mémoires de Madame Campan, en avril 1791, faute de pouvoir l’emporter dans sa fuite et afin d’endormir les soupçons, la reine avait imaginé d’en commander un second, identique, sous couleur de l’offrir à sa sœur, duchesse de Saxe-Teschen et gouvernante des Pays-Bas. Mais, comme la commande n’était pas prête, elle expédia finalement le sien au mois de mai 1791.

On connaît l’issue lamentable, à Varennes, de la fuite manquée des souverains français. C’est ce premier nécessaire, passé en Lombardie en 1794, peut-être un temps possédé par Joséphine, puis acquis par la famille Origoni en 1804, qui est entré au Louvre en 1955. Le second nécessaire, décrit dans un inventaire révolutionnaire lorsqu’il fut porté à la Monnaie en décembre 1794, est aujourd’hui conservé au musée international de la Parfumerie de Grasse. Tous deux, signés par Palma à quelques années de distance, présentent les mêmes caractéristiques et leurs contenus sont comparables, à la réserve de menues différences de décor. Le poinçon de l’orfèvre Jean-Pierre Charpenat, l’un des soustraitants de Palma, figure sur l’aiguière et sa jatte, la bassinoire, la chocolatière et son réchaud, mais seules les pièces du nécessaire du Louvre ont été gravées du chiffre de Marie-Antoinette 2. Les services à thé et les autres accessoires de toilette proviennent, dans l’un et l’autre nécessaire, de la manufacture de porcelaine du duc d’Orléans, située rue Amelot à Paris. Les pièces du Louvre sont ornées de roses, de guirlandes et de médaillons au chiffre de Marie-Antoinette ; celles de Grasse, de guirlandes de feuillages d’or, de roses au naturel ou en camaïeu bistre et de motifs de losanges. L’absence de pièces de porcelaine de la manufacture de la rue Thiroux, que protégeait la reine, n’a pas manqué d’étonner les historiens de la porcelaine, tout comme la simplicité un peu austère des objets d’orfèvrerie peut décevoir les historiens de l’orfèvrerie lorsqu’ils comparent les nécessaires de Marie-Antoinette à celui, de vermeil, infiniment plus luxueux, qui fut offert à la reine Marie Leczinska en 1729 (voir notice no 127). Les nécessaires de la dernière reine relèvent en effet d’une production parisienne vendue en série et tout juste rehaussée par l’ajout du chiffre de la commanditaire. Sans doute illustrent-ils également un mode de vie nouveau, raffiné mais plus intime, pour lequel MarieAntoinette exprima souvent sa prédilection. Ils peuvent donc émouvoir, comme des témoins privilégiés de la vie quotidienne de la reine au début de la tourmente révolutionnaire. M BP

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NÉOCLASSICISME

225. Étui à tablettes à décor de scènes à l’antique Paris, 1770-1771 Or ciselé, gouache sur carton, cristal H. 8,6 cm ; L. 5,6 cm ; P. 0,7 cm Legs de M. Philippe Lenoir, 1874. OA 2347

L’

usage des tablettes d’ivoire enduites de cire sur lesquelles on écrivait à l’aide d’un stylet remonte au Moyen Âge et c’est l’une des surprises des usages mondains du xviiie siècle que d’en conserver la tradition dans de précieux étuis à tablettes. On les appelait alors des « souvenirs », car la plupart portaient l’inscription « souvenir d’amitié 1 ». Au xixe siècle, on les désigna sous le nom de « carnets de bal », mais il n’est pas certain que ces accessoires aient été exclusivement féminins puisque des étuis en or ciselé destinés à des gentilshommes figuraient dans la corbeille de la Dauphine Marie-Antoinette en 1770 2. Peut-être cependant n’étaient-ce que des étuis à cire ? Les étuis à l’usage des femmes peuvent se révéler de véritables nécessaires lorsqu’ils contiennent non seulement de quoi écrire, mais aussi des aiguilles et des ciseaux pour broder, ou encore de petits instruments de toilette. La variété des exemplaires conservés traduit bien la large diffusion de ces petits objets au sein de l’aristocratie de cour et de la riche bourgeoisie : vers 1750, quand les plus coûteux se vendent 300 livres chez Lazare Duvaux, les plus modestes n’atteignent pas 100 livres. Leur multiplication est sensible dans la seconde moitié du siècle, quand la belle rectitude de ces boîtiers précis, actionnés par un bouton à ressort, séduit la clientèle lassée par l’exubérante rocaille. Cet exemplaire 3 d’une facture très soignée rassemble sur ses parois un intéressant ensemble de miniatures en grisaille, peintes sur fond noir, dans le style de Jacques-Joseph de Gault 4, figurant deux frises de putti jouant avec des guirlandes, un sacrifice à l’Amour et un sacrifice à l’Amitié, toutes soigneusement protégées par des plaques de verre « chevé » légèrement bombé pour accentuer l’effet de relief. C G et M BP

1. Exp. Rueil-Malmaison, 2007-2008, no 13. 2. AN, O1 3254. 3. Grandjean, 1981, no 240, p. 184-185. 4. Maze-Sencier, 1885, p. 506-507.

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NÉOCLASSICISME

228. Deux tabatières à mosaïque de pierres dures Tabatière rectangulaire composée de cabochons d’agate Allemagne, Dresde, vers 1765-1770 Johann Christian Neuber Agate, or ; manuscrit sur cahier de papier H. 3,9 cm ; L. 8 cm ; P. 5,8 cm Legs de Théodore Dablin, 1861. OA 63

N

1. Poindront, dans exp., Paris, 2012. 2. Exp. Paris, 2012, p. 14. 3. Grandjean, 1981, nos 428, 434.

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ommé « artisan des galanteries » puis joaillier de la cour de Saxe, l’orfèvre Johann Christian Neuber cumula son métier d’orfèvre à ceux d’exploitant d’une concession minière dans les monts métallifères et de conservateur des magnifiques collections de la Grünes Gewölbe (la Voûte verte) réunies par les électeurs de Saxe à Dresde depuis la Renaissance. Les œuvres très particulières de ce grand artiste, uniques en Europe, ont été récemment étudiées et leurs particularités mises en évidence 1. Leur originalité tient à la personnalité et à la culture de Neuber, homme de l’art, mais aussi savant tenant son érudition de l’immense collection de pierres dures qu’il avait en charge à la Voûte verte. À l’époque où l’Europe entière s’intéressait à la minéralogie et où se constituaient différents cabinets motivés non plus seulement par l’admiration pour ces merveilles naturelles, mais par un réel désir scientifique de connaissance et de classification porté par l’esprit des Lumières, Neuber sut utiliser les ressources

Tabatière ovale à mosaïque de pierres dures à jour Allemagne, Dresde, vers 1775 Christian Gottlieb Stiehl Agate, jaspe et autres pierres dures, or ; cahier de papier imprimé H. 3,9 cm ; L. 8,4 cm ; P. 6,2 cm Legs de Philippe Lenoir, 1874. OA 2146

géologiques de son pays pour composer, dans une technique appelée Zellenmosaik (mosaïque en cloisonné), de précieuses tabatières en agate, jaspe et cornaline montées en or. Légendées par des numéros et accompagnées d’un livret explicatif, elles devenaient en quelque sorte des cabinets de minéralogie miniatures. Si les savants européens se sont enthousiasmés pour ces objets qui associaient « le luxe, le goût et la science 2 », la production de Neuber déborda largement le simple domaine des tabatières masculines et s’étendit aussi aux étuis à tablettes ou à cire, aux petites boîtes de femme à décor de fleurs, aux boîtes à portraits, aux montres et aux châtelaines, aux boutons de costume et même à quelques bagues. La collection du musée du Louvre compte douze de ces exceptionnels Steinkabinett Tabatieren et étuis à tablettes dus au talent de Neuber et de son principal rival à Dresde, Christian Gottlieb Stiehl, qui comme Neuber fabriqua des tabatières minéralogiques dès les années 1770. Les deux tabatières présentées 3 ici, qui comptent l’une quatre-vingt-trois, l’autre deux cent un échantillons de pierres dures, permettent de comparer les systèmes de présentation respectifs des deux orfèvres. Chacune porte en regard des échantillons de pierres dures un numéro gravé : la numérotation de Neuber s’appuie sur un classement esthétique des pierres, tandis que celle de Stiehl les regroupe par catégories et couleurs. La signature « Neuber à Dresde » apparaît sur la gorge de la tabatière rectangulaire. La tabatière ovale signée par Stiehl s’ouvre à charnière et son couvercle dévoile à la lumière la transparence des pierres qui est l’un des charmes de l’objet. Au reste, les deux orfèvres ont particulièrement soigné l’insertion des petits cahiers explicatifs, l’un manuscrit, l’autre imprimé, cachés dans des tiroirs dissimulés à la base, mus par des ressorts quasi invisibles. La notion d’œuvre « à secret » réservée à des initiés, particulièrement appréciée au xviiie siècle, prend ici tout son sens. M BP


ORFÈVRERIE, MONTRES ET TABATIÈRES

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NÉOCLASSICISME

229. Tabatière au portrait de Louis XVI

d’après Joseph-Siffred Duplessis

Paris, 1777 Paul-Nicolas Menière, orfèvre, miniature attribuée à Jean-Daniel Welper, peintre Or, émail H. 3,7 cm ; L. 8,4 cm ; P. 6,3 cm Legs du baron Basile de Schlichting, 1914. OA 6850

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ette tabatière en or, de forme ovale, les faces émaillées de « prune », est due à l’orfèvre Paul-Nicolas Menière, devenu maître en 1775 et mort en 1826. Le boîtier est décoré de quatre pilastres avec bustes de femmes et de quatre bas-reliefs en or mat sous verre qui représentent les arts libéraux (la Musique, l’Astronomie, la Peinture et la Sculpture). Ils sont encadrés de lauriers d’or et d’émail vert, de même que la miniature au milieu du couvercle. La miniature, peut-être au pastel, montre Louis XVI, d’après un portrait de Joseph-Siffred Duplessis exposé au Salon de 1775. Le roi, âgé de vingt et un ans, est vu en buste dans ses vêtements ordinaires, mais avec ses décorations militaires, le cordon et la plaque de l’ordre du SaintEsprit, ainsi que la croix de l’ordre de la Toison d’or. Les portraits miniatures étaient du ressort du ministère des Affaires étrangères ou de l’administration des Menus Plaisirs. En 1775 et 1776, un échange de courriers entre le comte de Vergennes, ministre des Affaires étrangères, le comte d’Angiviller, directeur général des Bâtiments du roi, Jardins, Manufactures et Académies, et JeanBaptiste-Marie Pierre, premier peintre du roi, signale que, par préférence aux autres miniaturistes (François Dumont, François-Élie Vincent et Mademoiselle Thérèse Parrocel), le peintre d’origine suédoise Pierre-Adolphe Hall fut chargé de

1. Voiriot, 2009, p. 61-63. 2. AN, O1 1913/1 (213), lettre de Vergennes à d’Angiviller du 20 octobre 1775 et O1 1913/2 (107), lettre de Pierre à Vergennes du 30 avril 1776. 3. AN, O1 1914/2 (67), lettre de Sartine à d’Angiviller du 9 mars 1778. 4. Inv. 388, legs de la baronne de Saint-Didier. Plinval de Guillebon, 2000, p. 107.

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réaliser la miniature d’après le portrait de Duplessis 1. Cette miniature devait servir d’original aux copies « placées ordinairement sur des boëtes, tabatières ou bracelets » que les Affaires étrangères avaient coutume de donner en présents au nom du roi 2. Les copies du portrait miniature du roi ne furent sans doute pas toutes réalisées par Hall lui-même, mais probablement par JeanDaniel Welper, peintre en miniature attitré du ministère des Affaires étrangères à cette époque. Ce peintre, originaire de Strasbourg, demeurait à Paris, rue Férou, derrière l’église Saint-Sulpice. Une inscription gravée sur le revers du couvercle indique : « Donné par le Roy a Mr Amé de St Didier au mois d’avril 1777 ». En tant que premier commis au ministère de la Marine, Saint-Didier avait été chargé d’accueillir en France l’ambassadeur du Maroc. Il avait été décidé, comme souvent en pareille occasion, d’accorder « à la personne chargée de faire les honneurs aux envoyés de Barbarie […] un portrait du Roy sur des boëttes d’or 3 ». En guise de remerciements, M. de Saint-Didier s’était vu attribuer cette très belle tabatière. Il reçut également en 1778 une copie grandeur nature du portrait en buste de Louis XVI par Duplessis. La copie du tableau original fut réalisée par Duplessis lui-même ; elle est aujourd’hui conservée au musée Condé, à Chantilly 4. CV


ORFÈVRERIE, MONTRES ET TABATIÈRES

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Plus de deux cent cinquante chefs-d’œuvre de l’une des périodes

les plus glorieuses des arts décoratifs sont réunis dans cet ouvrage, depuis les splendeurs de l’art de cour de Louis XIV jusqu’aux éblouissantes créations suscitées sous Louis XV par Madame de Pompadour puis sous Louis XVI par la reine Marie-Antoinette. Les arts de la table, les somptueux meubles d’André-Charles Boulle et ceux de Charles Cressent sous la Régence, les magnifiques porcelaines et tapisseries issues des manufactures royales, offrent un large panorama des décors intérieurs, de l’artisanat du luxe et du commerce d’art qui incarnent un « moment de perfection de l’art français » jusqu’à la veille de la Révolution.

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978-2-7572-0602-7 45


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