TRIMESTRIEL PUBLIÉ PAR DAR AL-MAMO'UN DE TRADUCTION ET D'ÉDITION / MINISTÈRE DE LA CULTURE, DU TOURISME ET DES ANTIQUITÉS
BAGDAD BAGDAD
Dossier:
Bagdad : patrimoine vivant, modernité urbaine et mémoire spirituelle.

La Médiathèque de l'IFI de Bagdad..
Un pont culturel entre les rives du Tigre et de la Seine.
Une année d’or pour la culture irakienne..
Littérature, arts, cinéma et coopération internationale.

No 419 / 2025
Sommaire No419Décembre
Evénement
- La 2 e édition du Festival International du Film de Bagdad.... P.04
Francophonie
- Des ponts culturels renouvelés unissant Bagdad et Paris.... P.07
Dossier
- Le Palais Abbasside à Bagdad .. un chef-d’œuvre architectural.... P.10
- La rue Haïfa à Bagdad .. du tissu patrimonial à la vitrine de la modernité.... P.12
- Bagdad, ville des mosquées et des sanctuaires.... P.14
- Parc al-Zawraa .. poumon vert de Bagdad et lieu de détente.... P.16
Reportage
- La Médiathèque de l’IFI .. un pont culturel entre le Tigre et la Seine..... P.18
Étude
- La femme fatale .. un mythe occidental aux racines orientales....... P.21
Figures
- Iqbal Naeem .. la dame du théâtre irakien s’en est allée en silence....... P.26
- Abdel Latif al-Moussawi .. une plume alliant traduction et rédaction....... P.29
18


Archéologie
- À Mossoul .. un taureau ailé découvert fait renaître l’héritage assyrien..... P.32
Patrimoine
- Les norias .. icônes de l’Euphrate éternel et patrimoine irakien....... P.35
Environnement
- Les oiseaux migrateurs en Irak .. entre biodiversité et menaces climatiques..... P.38
Créativité
- Une voix irakienne .. laisse une nouvelle empreinte dans l'histoire littéraire....... P.40
- La France honore Al-Ani et Al-Saadi par deux prestigieuses distinctions....... P.44
Musique
- Ziryab .. une mélodie éternelle à travers le temps et la géographie....... P.46
Nouvelle
- Le Café, Chasseur de Fantômes....... P.48





Bagdad retrouve son éclat cinématographique lors de la 2e édition du
Festival International du Film de Bagdad
Dans une soirée empreinte de lumière et de créativité, la deuxième édition du Festival international du film de Bagdad a été inaugurée le 15 septembre 2025 au théâtre et cinéma al-Mansour, sur la place des Grandes Célébrations, sous le patronage du Premier ministre Mohammed Chia al-Soudani, en présence du ministre de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, Dr Ahmed Fakak al-Badrani. L’événement s’est tenu sous la supervision directe du Dr Jabbar Judi, président du festival et chef du Syndicat des artistes irakiens, et du Dr Hikmat al-Baydani, directeur du festival. Placée sous le slogan « Le cinéma pour tous les Irakiens », cette édition célèbre l’art cinématographique comme un outil de renouvellement de la conscience esthétique et culturelle en Irak et dans le monde arabe.
Le festival s’est ouvert avec la projection du long métrage irakien "Saeed Effendi", réalisé par Kameran Hosni. Ce film marque le premier long métrage irakien restauré dans le cadre d’un accord de coopération officiel entre le Commission al-Hassan Ibn al-Haytham pour la mémoire visuelle irakienne, rattaché au cabinet du Premier ministre, et des institutions cinématographiques françaises. Le programme d’ouverture a également présenté le film tunisien "Les Silences du Palais" de la réalisatrice Moufida Tlatli, en hommage à la Tunisie, invitée d’honneur de cette édition, célébrant une cinématographie riche en expériences pionnières. Le Festival international du film de Bagdad est un événement à but non lucratif qui vise à enrichir la culture cinématographique, à favoriser les échanges entre cinéastes arabes et irakiens, et
à encourager la participation du public. Cette édition coïncide avec la désignation de Bagdad comme "Capitale arabe du tourisme 2025", lui conférant une dimension culturelle supplémentaire et reflétant l’image de l’Irak comme centre artistique et intellectuel du monde arabe.
Des films en compétition pour les prix du festival
Cette année, le festival a reçu 423 films soumis, parmi lesquels 67 ont été sélectionnés pour concourir dans les différentes catégories : longs métrages, courts métrages, documentaires et films d’animation En compétition officielle des longs métrages, 15 films arabes et irakiens étaient en lice, dont cinq productions irakiennes : «Les Chants d’Adam» d'Uday Rasheed, «Regret» de Rika Barzanji, «Le Fils d’Ashur» de Frank Kalbert, «Les Bouteilles enchantées» d'Anas al-Mousawi et


Des ponts culturels renouvelés unissant Bagdad et Paris
Entre l’Irak et la France, la coopération culturelle et artistique connaît un essor continu, incarné par la diversité des activités organisées par l’Institut Français d'Irak à Bagdad. Cet espace culturel est devenu une véritable plateforme d’échanges intellectuels et artistiques, un pont reliant deux civilisations millénaires à travers la musique, les arts, la littérature et les langues. Au cours des derniers mois, les programmes menés par l’IFI ont varié entre expositions artistiques, ateliers musicaux, concerts, symposiums intellectuels et formations professionnelles, illustrant la profondeur de la présence française dans la scène culturelle irakienne ainsi que l’intérêt croissant du public local pour la culture francophone.
Musique : un langage universel au service du dialogue Dans le cadre de la coopération musicale entre les deux pays, l’IFI à Bagdad, en collaboration avec l’Institut Allemand "Goethe" et le ministère irakien de la Culture, du Tourisme et des Antiquités, a organisé, le 19 octobre 2025, une soirée musicale intitulée "La Nuit musicale de Bagdad – Célébration du son et de la culture", au complexe Palms of Baghdad. L’événement a réuni des artistes

venus d’Irak (Isra Razouqi, l’Ensemble de musique traditionnelle irakienne, Marita Zoghbi, le jeune pianiste Mohammad Baqir et DJ FM), d’Allemagne (DJ Defex) et de France (Valentine Verling), dans un spectacle exceptionnel célébrant la diversité et la créativité. Les rythmes se sont unis sur la terre de Mésopotamie, prouvant une fois de plus que la musique est un langage sans frontières.
L’IFI a également organisé, le 9

octobre à la salle al-Shaab près des rivières du Tigre, un concert exceptionnel des deux pianistes français Maxime Zecchini et David Bismuth, intitulé "Des Mille et Une Nuits à Gershwin". Ce concert a été un véritable voyage artistique entre l’Orient et l’Occident, revisitant le charme de la musique du XIXᵉ siècle à travers les œuvres de Schumann, Debussy et Saint-Saëns, jusqu’à la modernité éclatante de "Rhapsody in Blue" de Gershwin. Des étudiants de l’École Irakienne de Musique et de Ballet ont participé à un atelier avancé avec les deux musiciens, ajoutant une dimension éducative et interactive à l’événement.
Arts plastiques : un miroir de la réalité irakienne et humaine
L’IFI à Bagdad a célébré l’art plastique à travers une série d’expositions réunissant jeunes

u cœur de la vieille ville de Bagdad, sur la rive gauche du Tigre, précisément au nord de la rue al-Mutanabbi, se dresse majestueusement le palais abbasside, vestige vivant d’une époque glorieuse de l’histoire islamique. Il témoigne du génie de l’architecture abbasside et de la beauté du décor artistique arabo-islamique. Cet édifice, dont la construction remonte à la fin de l’époque abbasside (1175–1230 ap. J.-C.), sous le règne du calife al-Nasir li-Din Allah, est l’un des derniers palais abbassides encore debout dans la capitale irakienne. Ce palais constitue un exemple remarquable de l’architecture islamique à son apogée artistique et technique.
A Le Palais Abbasside à Bagdad .. un chef-d’œuvre architectural intemporel racontant les chapitres d’une grandeur civilisationnelle
Un joyau architectural au style abbasside authentique
Le palais abbasside représente un style unique dans l’architecture islamique, depuis sa façade ornée de délicates décorations gravées dans la brique cuite, jusqu’à ses grandes portes aux détails architecturaux uniques, façonnées avec précision par des sculpteurs chevronnés. Son plan intérieur révèle une vision architecturale, pensée pour s’adapter au climat bagdadien : des murs épais et élevés contrôler la ventilation et la chaleur, tandis que de petites ouvertures ont été intelligemment conçues pour laisser passer lumière et air. Le palais adopte une forme rectangulaire, organisée autour
d’une vaste cour intérieure d’environ 20 x 21.5 mètres, entourée d’arcades à arcs brisés décorés de muqarnas (stalactites sculptées) d’une finesse artistique remarquable. Sur le flanc est du bâtiment, on compte 16 pièces, faisant face à 18 pièces sur le flanc ouest, portant le total à plus de quarante pièces, en plus de cinq grandes salles et de plusieurs
installations annexes. Le tout est pensé dans un agencement équilibré, permettant une diversité d’usages et reflétant la vocation du palais comme centre d’activité culturelle et administrative. Le palais abbasside n’est pas un simple édifice de pierre, c’est une véritable composition artistique animée, où motifs géométriques et floraux issus du patrimoine

La Médiathèque de l’IFI
un pont
culturel entre
les rives du Tigre et de la Seine
La médiathèque de l’Institut français de Bagdad est l’un des espaces culturels les plus remarquables de la capitale irakienne et une destination privilégiée pour les chercheurs, les étudiants et les intellectuels passionnés par la littérature et la pensée françaises. Bien plus qu’une simple médiathèque, elle constitue un pont de connaissance reliant l’Irak au monde francophone, un laboratoire vivant du dialogue culturel entre l’Orient et l’Occident. Cette médiathèque se distingue par la qualité de ses ressources, soigneusement sélectionnées auprès des plus prestigieuses maisons d’édition françaises.
La direction de l’Institut s’efforce de renouveler en permanence ses collections en acquérant les dernières publications littéraires, intellectuelles, scientifiques et pédagogiques parues en France, faisant de ce lieu une plateforme culturelle d’exception offrant des ouvrages rares, souvent introuvables dans les autres bibliothèques irakiennes. Cette attention au choix et au renouvellement fait de la médiathèque une référence incontournable pour les chercheurs et étudiants en littérature et en pensée françaises, leur offrant une fenêtre ouverte sur les courants culturels contemporains en Europe.
Selon M. Khaled Assad, responsable de la médiathèque, le public est très varié : étudiants en droit, en arts, en lettres, en philosophie ou en économie, chercheurs, enseignants

universitaires et amateurs de langue française. La bibliothèque ouvre également ses portes aux enfants à travers des activités et des ateliers de lecture visant à encourager la passion du livre dès le plus jeune âge. Elle devient ainsi un espace culturel vivant, rassemblant toutes les générations et les milieux sociaux sous le signe du savoir et de la culture. Layla Shahid, étudiante en master à la Faculté des Lettres
de l’Université al-Mustansiriyah, témoigne : "Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la médiathèque de l’Institut français pour la richesse et la diversité de ses ressources - livres, références et cours scientifiques - qui m’ont grandement aidée durant mes études de master. L’environnement calme et l’organisation rigoureuse des ouvrages m’ont permis d’approfondir mes recherches sur plusieurs sujets."
Lun mythe occidental aux racines orientales La femme fatale..
a femme fatale est un type de personnage récurrent dans les Arts et la mythologie de l’Occident. Elle est considérée comme une image obsédante et primitive qui remonte depuis l’Antiquité puisqu’elle mêle à la fois désir et phobie. Cette contradiction se manifeste davantage dans la locution « femme fatale » qui est un oxymore : la femme est le symbole de la fécondité puisqu’elle est capable d’enfanter, tandis que fatale insinue la mort, autrement dit le contraire de ce qui définit le genre féminin. Cette attitude est un reflet de la misogynie projetée sur la femme : l’homme est attiré par la femme car elle lui incite un désir irrésistible, mais la craint pour la même raison car il s’affaiblit face à ses charmes. La femme fatale s’avère ainsi être un fantasme d’un imaginaire masculin.
Étant donné que la femme fatale est une image obsédante et primitive, elle forme un archétype : un modèle de représentation fait de motifs récurrents qui structurent toutes les productions imaginaires de la psyché humaine. Il existe dès lors plusieurs exemples de cet archétype. Effectivement, il est dit que le premier avatar de femme fatale est Ishtar, aussi connue sous le nom d’Inanna, déesse mésopotamienne de la guerre et de l’amour. Cette déesse est considérée être la matrice de différentes divinités et personnages mythologiques, comme le corrobore Le Dictionnaire des mythes féminins dirigé par Pierre Brunel : « Ishtar est une déesse d’origine assyro-babylonienne qui impose un mythe féminin opulent à l’origine d’une nombreuse descendance à travers tout le Bassin méditerranéen ». Si la première figure de la femme fatale provient de l’Orient, peut-on
alors supposer que cet archétype, qui obsède l’imaginaire occidental, est originellement une construction culturelle orientaliste ? Dans cet article, nous examinerons d’abord le mythe d’Ishtar et la manière dont cette divinité incarne un amour fatal, avant d’analyser les motifs transposés dans l’imaginaire occidental, afin de déterminer s’ils relèvent d’une lecture orientaliste.
Le mythe d’Ishtar :
Tout d’abord, « La caractéristique principale [du] mythe [d’Ishtar] est l’ambivalence dans tous les domaines : sexuel, divin, légendaire ». Déesse de l’amour et de la guerre, nous observons d’emblée l’union de deux oppositions : au sens premier, l’amour est la force fertilité, tandis que la guerre est une force destructrice. L’union de ces deux contraires connote le cercle de la vie : Ishtar peut donner la vie, comme elle peut donner la mort.

Dès lors, elle est notamment considérée une divinité de la fécondité. Ishtar est donc, dans la culture mésopotamienne, le symbole de la femme. Maîtresse de l’amour affectif et surtout sensuel, Ishtar est invoquée dans les rites et incantations pour susciter le désir. L’assyriologue au Collège de France Dominique Charpin confirme le suivant : « ce n'était pas la femme qui procurait du plaisir à son bien-aimé [...] mais la déesse Ištar elle-même ».
Les norias..
icônes de l’Euphrate éternel et patrimoine irakien racontant l’histoire de l’eau et de la vie.
Sur les rives de l’Euphrate, où l’eau s’étend en témoin des civilisations millénaires, les norias irakiennes tournent depuis des milliers d’années, portant dans leur mouvement circulaire l’histoire de l’homme avec la terre et l’eau. Bien plus que de simples machines hydrauliques en bois, elles représentent un symbole civilisationnel, culturel et social, étroitement lié à l’agriculture, à la stabilité et à l’identité. Aujourd’hui, après leur inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2021, les norias reprennent leur place au cœur du patrimoine et de la culture en Irak, ouvrant de nouvelles perspectives pour le tourisme et le développement durable.
Les chercheurs estiment que les origines des norias remontent aux civilisations sumérienne et babylonienne, lorsque les agriculteurs eurent besoin d’un moyen ingénieux pour irriguer les terres éloignées des rives du fleuve. Les sources historiques révèlent que la ville de Hît dans le gouvernorat d’al-Anbar, fut l’une des plus anciennes régions à connaître les norias, dès l’époque akkadienne, où elles jouèrent un rôle essentiel dans l’élévation de l’eau de l’Euphrate vers les plaines agricoles. Les norias n’étaient pas seulement un outil d’ingénierie, mais représentaient une véritable révolution hydraulique, transformant le mode de vie dans les régions du haut Euphrate, tout en garantissant la sécurité alimentaire et la stabilité des

communautés agricoles.
Les norias .. un art de menuiserie et de précision technique
Les norias sont fabriquées en bois de mûrier, réputé pour sa solidité, sa durabilité et sa résistance à l’eau. Le diamètre d’une noria varie entre 10 et 12 mètres et elle est fixée sur un axe

au sein de la rivière. Sa structure comprend deux cercles de bois - la paroi intérieure et la paroi extérieure - reliés par plusieurs baguettes appelés «croisillons», tous réunis au niveau de l’axe central constitué d’un tronc de mûrier âgé de plus de vingt ans. Environ trente poutres sont disposées autour du cercle pour lui donner la forme d’une roue, sur
Une voix irakienne
laisse une nouvelle empreinte dans l'histoire littéraire
Les créateurs irakiens continuent de s’imposer sur la scène culturelle arabe et internationale, en réalisant des œuvres de haute qualité qui reflètent la richesse et la profondeur de l’expérience irakienne. L’année 2025 a été particulièrement marquée par l’émergence d’écrivains et d’artistes irakiens dans divers forums régionaux et internationaux.
Dans un nouveau témoignage de cet éclat, la Fondation culturelle Sultan Bin Ali al-Owais, l’une des institutions les plus prestigieuses du monde arabe, a récemment dévoilé les lauréats de la 19ᵉ édition de ses prix, qui ont rassemblé plus de 1940 candidats issus de l’ensemble du monde arabe. Parmi les noms qui ont honoré l'Irak cette année figurent "Inaam Kachachi" et "Hamid Saeed", lauréats du Prix culturel al-Owais.
Inaam Kachachi … une présence littéraire d’exception
La romancière irakienne Inaam Kachachi s’est hissée en tête de la liste des lauréats en remportant le prix de la nouvelle, du roman et du théâtre. Cette distinction lui a été attribuée en reconnaissance de son style narratif singulier, alliant la documentation littéraire à l’imagination créatrice et abordant les thèmes de l’exil, de l’identité et de la nostalgie, dans une vision critique empreinte d’une profonde sensibilité humaine. Dans son communiqué, la Fondation a souligné que le
jury avait décerné le prix à Inaam Kachachi «pour la remarquable capacité de son écriture à conjuguer les dimensions documentaire et littéraire», précisant que ses œuvres témoignent d’une conscience visuelle et historique rare de l’histoire des femmes et de la société irakienne.
Une écrivaine audacieuse et réfléchie
Née à Bagdad en 1952, Inaam Kachachi a étudié le journalisme à l’université avant de s’installer à Paris pour poursuivre ses études supérieures à l’Université de
la Sorbonne. Elle a débuté sa carrière dans le journalisme et la radio avant de se consacrer à l’écriture de biographies, de romans et de films documentaires. Parmi ses œuvres les plus remarquables figurent : "Roues à eau des cœurs" (2005), "La petite-fille américaine" (2008), "Tashari" (2013), "Le voleur de lavande" (2016), "Le vigneron" (2017), "Le pays de Takh-Takh" (2022) et "L'Été suisse" (2024). Elle a également réalisé un documentaire sur la ministre "Naziha al-Dulaimi", première femme à occuper un poste ministériel dans un pays arabe

Ziryab ..
une mélodie éternelle à travers le temps et la géographie
Dans les replis de l’histoire arabo-islamique, rares sont les figures qui ont su associer l’art à la science, l’élégance à la créativité, comme celle d’Abû al-Hasan Ali ben Nafi, plus connu sous le nom de Ziryab. Né à Mossoul en 789 après J.-C. et ayant grandi à Bagdad, la capitale de la civilisation abbasside. C’est de là que débuta son parcours singulier, qui le mena jusqu’à Cordoue, en Andalousie, où il devint l’une des figures les plus influentes de la musique mondiale, de la culture européenne, et même des modes de vie contemporains.
De Bagdad à Cordoue : le voyage d’un génie oublié
Ziryab fut l’élève du célèbre musicien Ishaq al-Mawsili, qu’il finit par surpasser en talent et en créativité — ce qui suscita la jalousie de son maître. Lorsqu’il eut l’occasion de chanter devant le calife Haroun al-Rachid, il impressionna l’assistance par son jeu unique sur un luth qu’il avait lui-même perfectionné, en remplaçant les cordes traditionnelles par des cordes de soie et d’intestins de lion, produisant ainsi un son d’une qualité inédite.
Mais ce succès attisa l’envie de son maître, qui craignait de perdre sa position et incita son élève à quitter Bagdad en lui offrant de l’argent. Commence alors un voyage d’exil et de gloire : Ziryab passa par le Levant, puis l’Afrique du Nord, avant d’arriver à Cordoue, où le prince Abd al-Rahman II le reçut comme un véritable trésor culturel et

lui accorda un honneur et une attention exceptionnels.
Un créateur universel et un réformateur civilisé À Cordoue, Ziryab n’était pas seulement un musicien, mais une véritable révolution culturelle ambulante. Il fonda le premier institut de musique au monde, où il enseignait selon des méthodes innovantes, prenant en compte la nature de la voix et de l’interprétation de chaque élève. Son enseignement, structuré et scientifique, devançait son
époque de plusieurs siècles. Ziriab ajouta une cinquième corde au luth et inventa de nouvelles techniques vocales comme le renforcement du souffle par la pression du ventre avec une ceinture ou l’entraînement à l’articulation en plaçant une pièce de bois dans la bouche. Il participa à l’évolution du style musical de la nûba, à l’origine du muwashshah, joyau du chant andalou. Mais son influence ne s’arrêta pas à la musique : Ziryab fut un pionnier du raffinement et de
« Ziryab ... une musique vivante, un goût imité, un nom impérissable. »