Mémoire A. Lamoot _ Echantillons de paysage(s) : Interprétations paysagères par le biais du discours

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Echantillons de paysage(s) interprÊtations paysagères par le biais de plusieurs discours


Echantillons de

Paysage(s) interprétations paysagères par le biais de plusieurs discours

Remerciements Merci tout d’abord à Catherine Grout et Isabelle Estienne pour leur encadrement et leurs différents conseils le long de l’élaboration de mon travail de recherche. Merci aux personnes qui ont accepté et pris le temps de participer à différents entretiens, conversations ou parcours, composition essentielle de mon mémoire. Merci à toutes ces personnes qui ont pu m’aider dans mon travail, orienter mes recherches, faire rebondir mes questionnements, qu’ils soient encadrants, enseignements, ou amis. Merci enfin chaleuresement à mes amis et ma famille pour leur soutien, leurs multiples conseils et leur patience durant cette année si particulière.

Initiation au mémoire de recherche _ Master1 _ 2016_2017 Axelle LAMOOT _ Etudiante paysagiste _ DPLG3

Sous la direction de Catherine GROUT & Isabelle ESTIENNE _ Séminaire «Espace public, Paysage, arts, anthropologie de l’espace»

MERCI !

ENSAP Lille _ Section PAYSAGE


sommaire

1.

9

Avant-propos

15

Introduction

35

Parlons paysage : Interroger un concept entre théorie et recherche

35

1. 1. 1. 1. 1. 1. 1. 2. 1. 1. 3.

46

2.

1. 2. 1. 2. 1. 1. 2. 2. 1. 2. 3.

Un paysage objet une réalité géographique et matérielle un objet naturel où l’homme ne doit pas être présent un espace à vocations multiples Un pasyage sujet l’importance du regard l’image qui en résulte la représentation mentale qui désobjective le paysage

64

La relation entre l’individu et le paysage : quand l’expérience se raconte

66

2. 1.

Les temporalités du paysage

2. 1. 1. 2. 1. 2.

du dépaysement à l’espace quotidien : quand le paysage apparait

2. 1. 3.

l’expérience dans la répétition

2. 2.

Le récit de l’expérience

78

2. 2. 1. 2. 2. 2. 2. 2. 3.

s’arrêter ou se déplacer dans le paysage ?

les souvenirs : l’enfance et l’âge adulte la mobilisation de la mémoire dans l’espace décrit le choix des mots : raconter et partager le moment

97

conclusion

103

Illustrations

104

bibliographie

109

annexes


6

_ Définition CNRTL (URL : http://www.cnrtl.fr/de nition/paysage, consulté le 12/11/16)

Pays age

7

VUE D’ENSEMBLE, QU’OFFRE LA NATURE, D’UNE ÉTENDUE DE PAYS, D’UNE RÉGION. SYNON. : PANORAMA, POINT DE VUE, SITE. PAYSAGE ADMIRABLE, GRANDIOSE; PAYSAGE CHAMPÊTRE, DE MONTAGNE.


8

9

Avantpropos D’une question de départ formulée au début du semestre qui était : « L’ÉVIDENTE DIFFÉRENCE DE

REGARDS ET DE PERCEPTIONS ENTRE LE REGARD DU PROJETEUR/PROFESSIONNEL » (Fiche de Suivi n°1, le 9/10/15), j’ai cherché à confirmer ou infirmer des hypothèses autour de ce terme si polysémique et complexe qu’est le paysage. En effet, cette question qui a été celle qui m’a fait choisir le séminaire Espace public, Paysage, arts, anthropologie de l’espace, vient, tout d’abord d’une reconsidération personnelle faite du métier de paysagiste et d’une recherche de sens (multiples) au terme de paysage. Je reçois depuis maintenant quatre années des apprentissages, méthodes et techniques de pratiques paysagères au sein et en dehors de l’enseignement reçu à l’école, mais la question du rôle du paysagiste dans son travail de

concepteur d’espace me questionne dans sa façon d’aborder le paysage. Alors que ce terme semble assez banale issue d’une définition simple : «Vue d’ensemble, qu’offre la nature, d’une étendue de pays, d’une région. Synon. : panorama, point de vue, site. Paysage admirable, grandiose; paysage champêtre, de montagne.» (définition «paysage», CNRTL), il englobe pourtant une multitudes de champs et de domaines avec lequel le paysagiste devrait jongler pour en extraire un projet d’aménagement de territoire.

Alors que la fin de la première année m’avait permis de construire une première définition personnelle du paysage et du bien-fondé de l’utilité du paysagiste (où ce dernier, grâce à ses méthodes de concepteur, vient organiser et structurer l’espace et le «paysage» de vie de la population), cette dernière s’est vue ébranlée après une année de césure, consacrée à deux voyages. D’un voyage de plusieurs mois dans un pays dont l’image et l’identité de ce dernier riment avec des paysages naturels grandioses vécus quotidiennement par ses habitants et les touristes/backpackers qui viennent le visiter, la Nouvelle-Zélande, au Japon où nature et culture sont bien plus étroitement liées; la relation que j’entretiens avec le paysage a été totalement modifiée. D’une façon de considérer l’espace comme porteur de problématiques, d’enjeux, de questions, j’ai presque redécouvert de nouvelles façons de « vivre » le paysage.


10

11

Période de « break », d’évasion, d’expériences,… en total détachement du quotidien, ma posture face à l’espace et aux paysages (que j’ai souvent considérés comme tels lorsqu’ils étaient grandioses parce exceptionnels dans leur géographie, dans leur cadre sauvage, dans leur absence de présence humaine,…, mais qui ont également pu être associé à des villes ultra urbanisés, des villages désuets,…) m’a également rappeler cette disponibilité du corps et de l’esprit qui prend sa source dans l’expérience du paysage. Alors que la réflexion projectuelle que m’avait offert la première année de paysage, me donnant des clefs de lecture, des prises dans une visée de modification d’un territoire, c’est l’expérience du lieu qui venait s’imposer à moi comme première sur l’analyse du lieu dans lequel j’étais. Ou comment j’oubliais ce qu’était qu’être paysagiste (dans sa visée analytique lorsqu’il découvre un lieu). Aussi les questions de la temporalité, entre «grands paysages» vécus au quotidien, et immédiateté d’un paysage qui vient s’imposer à nous; dans le cadre de l’expérience (déjà fortement présente dans ma vision de la pratique) ont acquises une importance d’autant plus forte que primordiale.

De cette expérience qui vient marquer l’esprit, que doit-on alors en dégager ? Mais également, à cette question d’expérience personnelle, vient alors se poser celle de l’expérience des autres. Si de l’expérience que je fais, je retiens des moments, des ambiances, des couleurs et des images que je vais raconter et partager autour de moi, qu’en est-il pour la personne à côté de moi qui s’est retrouvée dans le même lieu au même moment, ou à un autre moment ? De ces perceptions, ces sensations propres à chacun, … sont-elles partageables ? Et par quel moyens ? Comment avoir accès à ses relations personnelles au paysage ? Si ses perceptions et interprétations sont si personnelles et propre à chacun, alors comment le paysagiste vient alors les conjuguer, les appeler lorsqu’il réalise un projet d’aménagement ?


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Introduction


14

15

.

un sujet questionné Le paysage est, dans sa définition première et générale, associé à une vue large et dégagée, tel un panorama sur une nature à

l’anthropisation la plus minimale. Ce terme (ou notion) a été sujet et porteur de nombreux courants de pensée à travers les siècles. On note

sa première apparition attestée dans la langue française en 1549 dans

un texte de Robert Estienne où il désigne alors un tableau (une image) représentant une étendue de pays1.

Historiquement approche militaire ou représentation symbolique artistique, puis concept géographique, où il se définit comme un

élément matériel avec une morphologie et une écologie qui lui est

adaptée, ou synonyme du lieu de l’expérience2 le paysage semble

protéiforme et polysémique selon les nombreux domaines dans lequel il est utilisé. Du paysage urbain (qui se rapporte au vocabulaire

de la ville en général), au paysage normand par exemple (qui appelle les caractéristiques communes ou particulières d’un territoire face à un autre), ou au paysage politique (porteur d’enjeux de société), sa

définition, son interprétation et sa perception semble complexe et reste aujourd’hui sous forme de question.

J.-C. Wieber, «Le paysage visible, un concept nécessaire», dans A. Roger, La théorie du paysage en France, Paris : champ vallon, 1995, p184 2 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p15 1


16

17

.

l’évolution d’un terme Lors d’une conférence organisée le 28 juin 2006 par le Centro

de arte y naturaleza de Fondacion Beulas, Jean-Marc Besse

(auteur contemporain français) retrace une « Cartographie des

problématiques paysagères contemporaines ». Docteur en histoire, agrégé de philosophie, directeur de recherche du CNRS (laboratoire

Epistémologie et Histoire de la Géographie), la question de définir le

paysage dans un contexte théorique et historique anime son travail. Également enseignant en géographie (Paris1) et en paysage (ENSP), J.-M. Besse est co-directeur et rédacteur de la revue « Carnets du

paysage ». Ses travaux de recherche s’intéressent particulièrement

à l’épistémologie, l’histoire ou l’anthropologie de la géographie, et

à diverses questions paysagères : ses savoirs, ses représentations, ses définitions, de l’époque moderne à contemporaine. Ainsi, dans la retranscription associé à cette conférence, il propose d’aborder

les différentes théories du paysages par le biais de « cinq portes »3, permettant de faire une synthèse des problématiques autour de la

question du paysage à partir de différentes disciplines, historique, géographique, phénoménologie, philosophique… où le paysage passe progressivement du statut de sujet, à celui d’objet, pour devenir

espace d’interaction et de relation entre l’individu et l’espace, puis finalement outil par le biais de la pratique du paysagiste. Pourtant, les

conceptualisations du paysage répondent de divers auteurs attachés à des domaines d’études.

Avant la remise en question du paysage en France et en Occident plus largement à la fin des années 1960 par différents courants (géographie

géosystémique, sociologie, environnementalisme, politique,…) deux

théories prédominent. D’un côté, un paysage s’apparentant à une représentation artistique et issue de l’évolution de l’art pictural paysager depuis la Renaissance; et d’un autre côté le paysage géographique qui est défini comme l’occupation des sols par des groupements humains divers ayant modifié ce substrat à leur profit.

La première conception paysagère va définir le paysage comme une

représentation issue et construite par l’Homme. Le paysage peut alors

être représentation picturale, poétique, littéraire, …, mais n’existe que dans le regard qui lui est porté, comme le présente notamment Anne

Cauquelin (historienne et essayiste française contemporain) dans son ouvrage l’Invention du paysage (1989). Il est symbole alors du rapport

de l’homme à la nature,4 qui prend son sens dans la « lecture (…) de la personne qui le contemple » comme le dit Alain Corbin, dans son

ouvrage L’Homme dans le paysage5. Selon Alain Roger (philosophe

français contemporain qui s’intéresse particulièrement à la question paysagère), l’espace du paysage est forgé par le regard esthétique et

culturel que l’Homme vient porter sur la Nature. Il instaure également une dualité entre pays et paysage. Le pays (l’espace pratiqué mais non regardé) devient paysage grâce au processus d’artialisation. L’artiste par la production d’une oeuvre, qu’elle soit image ou in situ, référence

au travail du jardinier par exemple, modèle l’espace naturel pour en faire du paysage6.

Cette conception s’inscrit particulièrement dans le domaine des arts et de l’histoire, parfois de la philosophie. Mais le paysage n’est-il alors qu’une lecture de l’Homme ? Conception assez élitiste, qui fait du

paysage un objet purement artistique accessible par l’art et la culture

venant mettre de côté un relation construite et quotidienne à l’espace, le domaine de la géographie offre des conceptions très différentes, il s’est emparé assez tôt de cette question du paysage.

Dans la continuité d’une approche géographique française, notamment issue de Vidal de la Blache (géographe français, 18451918) qui s’intéressait au rapport hommes-milieux dans des régions géographiques particulières en milieu rural, le paysage n’est pas

seulement esthétique mais également culturel et répond donc des

rapports que vont entretenir des groupes humains avec leur pays

(justement). Comme le dit J.-M. Besse (2006, p7) lorsqu’il parle des théories jacksonniennes datant des années 1950-60, le paysage est à

la fois « l’espace organisé (…) par les hommes à la surface de la Terre » et « une oeuvre collective des sociétés qui transforment le substrat naturel ».

J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p15 3

4 5 6

A. Cauquelin, L’invention du paysage, Paris : Plon, 1989, p 27 A. Corbin, L’homme dans le paysage, Paris : Edition du Seuil, 2001, p11 A. Roger (dir.), Court traité du paysage, Paris : Gallimard, 1997, p16-17


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Comme je l’ai dit précedemment, alors que la géographe fondamentale

spatiale. Ces nombreuses recherches qui vont questionner ce moment

profit de recherches quantitatives sur l’espace ou d’une géographie

alors permettre de réintégrer l’individu dans le processus paysager. Le

abandonnent quelques peu les questions paysagères spatiales au

physique (géomorphologie, climatologie) dans les années 1950-607, la géographie sociologique apparait et vient questionner les relations

des sociétés à leur espace via de nouvelles méthodologies. Georges Bertrand (géographe français contemporain) développe notamment

une méthode particulière d’analyse paysagère basée sur le paysage

et cette relation qui vient s’instaurer entre une personne un lieu vont paysage est alors associé au cadre de vie, à l’espace du quotidien, initié

par de nombreux chercheurs géographes portant un nouveau regard

sur la société comme Yves Luginbühl (chercheur français contemporain en géographie et sciences sociales)9.

conçu comme un système, dynamique et évolutif. Introduisant alors

On assiste également à la naissance d’une profession dans les années

l’espace, cette théorie permet de faire le lien entre un espace matériel

rattachée à un courant, celle de paysagiste. Le paysage semble alors

les notions de flux, de temporalités et de relations sous-jacentes dans et scientifique à objectiver dans lequel vont avoir lieu des relations

entre les sociétés humaines et leurs milieux à différentes échelles. Le paysage est alors écosystémique et résulte d’un équilibre entre

milieux et espèces. Le paysage ici n’est ni lecture, ni culture mais plutôt un espace dynamique issu de la combinaison d’éléments matériels et

immatériels. Si ces théories ont l’avantage de raccrocher différents éléments structurants du paysage, elles semblent hermétiques aux relations complexes qui s’opèrent dans l’espace vécu entre un individu et son environnement.

Augustin Berque, philosophe et géographe français contemporain, écrit alors que le paysage «n’est ni seulement dans l’objet, ni seulement

dans le sujet, mais dans l’interaction complexe des deux termes »8, introduisant alors la question de la subjectivité individuelle portée sur

le paysage notamment lorsque celui-ci est lié à l’expérience. Recroisant

1970 qui considère le paysage comme discipline en elle-même non s’émanciper d’une théorisation disciplinaire pour devenir un outil de

partage entre des individus diverses dans leurs espaces de vie, comme notamment tend à le définir la Convention Européenne du Paysage de

2000 : « Une partie du territoire telle que perçue par les populations

dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leur interrelations ». Il est alors nature et culture à la fois, tout en devenant par le biais de cette convention un outil politique pour

le réaménagement des territoires. A partir de la recherche autour de l’espace quotidien le paysage devient également paysage urbain. Et de nouvelles problématiques paysagères ciblées émergent dans de nouveaux domaines d’études par exemple le paysage sonore développé

par Raymond Murray Schafer, (compositeur, écologiste et théoricien allemand contemporain), en 1977 ou alors le paysage nocturne dont la

mise en lumière vient créer un autre paysage, poétique et imaginaire10.

alors ici des théories qui ont été abordées dans les domaines d’une

Le paysage n’est donc pas un concept fixe (est-il seulement un concept?),

entretient avec ce dernier, à travers le « percevoir et le sentir » (je cite

individuelles. L’élément commun de ces conceptions réside dans leur

philosophie qui questionne l’espace et les relations que l’individu

ici Erwin Strauss (1891-1975), chercheur allemand en psychologie

et phénoménologiste), avec celle du paysage détaché de sa seule

représentation, le paysage n’est alors ni objet ni sujet. (J.-M. Besse, (2006) p17) Mais il devient un événement, un moment privilégié entre

un lieu et une personne, où l’accent est mis sur la relation corporelle G. Bertrand, Le paysage entre Nature et Société, dans A.Roger (dir.) La théorie du paysage en France, paris : champ vallon, 1995, p 241 8 A. Berque (dir.), Cinq propositions pour une théorie du paysage, Seyssel : Champ Vallon, 1994, p7

il est en constante mouvance selon les perceptions et définitions rapport à l’homme : l’Homme dans le cadre d’un concept, les hommes

dans le cadre d’une société, et l’individu, qui élabore une pensée, une

relation au monde, une réflexion, un passé, une imagination qui lui est propre. Cette pensée conditionne sa façon de considérer, de regarder et de vivre le paysage devant lequel il va s’arrêter ou dans lequel il

va être. Qu’il soit représentation mentale, territoire habité, paysage-

7

Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000,p9 10 T. Paquot, Le paysage, Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016, p34 9


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objet, c’est l’individu qui le conçoit, le fabrique, le pratique, qui en

étions comme du paysage. Mais comment avoir accès à cette réponse?

considérations théoriques ou appliquées, plusieurs premières

différentes, seraient-elles influencées ?

fait l’expérience; et donc qui l’interprète. A partir de ses différentes

questions émergent : Y-aurait-il autant de paysages qu’il y a d’hommes

qui le conçoivent et le perçoivent ? Comment ses différents discours

De premières lectures sur le paysage social, sensoriel, mémoriel, ou le

? Si certaines théories s’opposent, ne cohabitent-elles pas dans les

d’entrée fort dans les problématiques qu’ont soulevées mes premiers

théoriques existent-ils dans la pratique du paysage par un individu définitions d’un individu, celui-ci étant influencé par ces théories

selon ses références culturelles, son milieu social, mais également ses expériences et la mémoire de ses dernières ? Y-a-t-il besoin de définir le paysage pour le regarder et le considérer ?

Questionner le paysage oblige alors à questionner le rapport que chacun entretient face au monde et la façon dont il choisit de regarder et de s’arrêter face au paysage.

A partir de ce postulat de départ qui cherche à envisager la différence et la diversité de compréhension et d’interprétation du paysage, la

question première posée est celle de l’individu et de son paysage. Lieu

paysage en général… la méthode de l’entretien a été pour moi un choix questionnements au sein et en amont du travail de mémoire. Cette envie de questionner l’individu m’a semblé (et me semble toujours)

fondamentale dans la compréhension de la question du paysage, puisque ce dernier vient se situer à la croisée entre l’individu et le reste du monde. Dans le but de rencontrer des regards et des perceptions

différentes et voulant me détacher d’un lieu dans un premier temps, puisque ne sachant comment choisir un paysage, j’ai donc réalisé une

série d’entretiens ex situ. Je dis intentionnellement ex situ ici puisque

j’ai réalisé les entretiens en intérieur, dans les lieux clos où pour la plupart les fenêtres vers l’extérieur n’étaient pas accessibles, et que nous n’étions pas dans les lieux racontés.

de l’expérience, le paysage est « l’événement de la rencontre concrète

Pour réaliser ces entretiens, j’ai été influencée par les méthodes

sensible de considérer le rapport et la relation que l’individu entretient

de Méthodologie de l’enquête urbaine, ainsi que par le travail de

entre l’homme et le monde qui l’entoure », et indique alors une façon avec celui-ci (J.-M. Besse, p. 16).

.

Et par quoi ces perceptions du paysage, qu’elles soient similaires ou

une methode définissant un site Comme expliqué dans mon parcours intellectuel personnel présenté

en avant-propos, la question de l’expérience du lieu m’interroge

d’enquêtes fournies par Celine Barrère, dans le cadre de son cours Yves Luginbühl (géographe français) dans son rapport de recherche

Sensibilités paysagères, modèles paysagers11, ou de l’ouvrage dirigé par Claude Voisinat, Paysage au pluriel12 qui regroupe une série

d’articles portant sur des approches paysagères variées et différentes

méthodologies. Je pense particulièrement à l’article de Martine Perrot, Modèles paysagers et représentations du paysage en Normandie-

beaucoup, mais c’est surtout vers la question de l’expérience de l’autre

Maine, qui propose comme méthode de laisser émerger spontanément

si pour moi le paysage ne peut se réduire à une sélection d’espaces

d’investigations.

que j’ai choisi d’orienter ma recherche dans un premier temps. En effet, prédéfinis comme tels parce qu’ils répondraient à des caractéristiques

esthétiques partagées, mais devient tangible lorsqu’il découle d’une posture face à un espace permettant alors de le considérer, de le

regarder, de le comprendre, de s’y sentir… j’ai voulu savoir si l’autre, par exemple la personne à côté de moi, qui serait dans la même situation spatiale que moi considérerait l’espace dans lequel nous

un discours sur le paysage dans un premier temps lors de ces travaux

Pour encadrer cette méthode, un protocole a été mis en place. La première phase basée sur la parole s’est donc faite à l’aide d’entretiens Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000,113p 12 C. Voisinat (dir), Paysage au pluriel : Pour une approche ethnologique des paysages, Paris : Ed. de la Maison des sciences de l’Homme, 1995 11


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enregistrés avec un dictaphone, réalisés de manière exploratoire et non

& imagination / paysage & quotidien. Pour y répondre, je commençais

pendant ces entretiens la discussion pour laisser court à la parole. La

? », « Où as-tu grandi ? », « Plutôt ville ou campagne ? », « Quelle était ton

directive. Je ne cherchais pas de réponses fermées, je privilégiais donc

durée des entretiens a été variable selon les besoins, (de vingt minutes

à plus de cinquante minutes). Ainsi à partir de questions ouvertes, où

je ne souhaitais pas utiliser le terme paysage dans un premier temps, la parole de l’interlocuteur devait rester libre, seulement dirigée par mes reprises.

Une première cible a été définie. En vue de l’orientation de mes recherches (établir un rapport privilégié avec l’interrogé dans le but

d’un dialogue) et du temps imparti, j’avais fait le choix de définir une cible réduite de plusieurs interlocuteurs (dont certains ont été rencontré à plusieurs reprises pour effectuer avec eux une expérience paysagère à travers un parcours commenté, suite à la définition donnée

du paysage durant l’entretien). Dans une tranche d’âge similaire (entre 20 et 30ans) qui permet d’établir un référent culturel commun (ou

plus ou moins) mais peut offrir une multiplicité de regards à mettre en question, j’ai choisi des personnes dans un domaine d’étude et de

travail qui ne soit pas lié au paysage ou à l’architecture dans un premier temps. Un intérêt également a pu être porté sur des personnes qui viennent de régions géographiques différentes mais qui partagent ou ont partagé le même espace quotidien (celui de Lille qui est abordé

durant l’entretien). Établir cette cible a permis une première cohérence ou au contraire différence dans les regards à partir de caractéristiques

plus ou moins communes. J’intègre également dans un deuxième temps une interrogée au sein de la pratique spatiale suite à une question : l’influence de la pratique de paysagiste établit-elle des différences fortes dans la définition personnelle du paysage ?

Le déroulement des différents entretiens s’est fait de façons similaires. Dans un premier temps, je présentais rapidement ma recherche sous

les termes de l’étude des « différentes perceptions de l’espace selon différents individus » en essayant d’omettre le mot paysage dans mon thème de mémoire. Pour conduire les entretiens, j’avais établi en amont une série de thématiques à aborder qui permettaient de

structurer la parole. Ces thématiques étaient : le paysage & la mémoire / le paysage : une définition ? / les expériences de paysage / paysage

les entretiens par des questions sur l’enfance13, : « Peux-tu te présenter

quotidien ? », … des questions qui permettaient d’établir un première

libération de la parole et une mise en confiance avec l’interrogé, tout en me permettant de récolter des informations générales sur les personnes.

Je choisissais ensuite, selon les premières réponses d’orienter les questions vers : « Une image de ton enfance ? », « Un premier

souvenir d’espace ? », qui permettait souvent de faire déjà ressortir des souvenirs de paysage. Du souvenir d’enfance, je pouvais aborder selon la conversation le souvenir plus récent par le biais de la question

: « Te souviens-tu d’un paysage qui t’as particulièrement marqué ? » « Lequel? » et « Pourquoi ? » ce qui me permettait de voir les éléments

qui constituaient ce souvenir (la matérialité du paysage, ou les sensations, les sentiments qui découlaient du lieu).

Souvent ici était abordée la question de l’expérience et de la « posture

adaptée face au paysage ? ». La question du paysage « totémique », un paysage qui viendrait représenter l’interrogé venait ensuite et

permettait à la personne de se situer face au paysage en expliquant ses préférences, ses envies, et en projettant ses besoins dans les paysages

types qui étaient cités (ces paysages se recoupant parfois avec les paysage de l’enfance). J’orientais souvent par la suite sur un « paysage imaginaire ? », auquel la plupart des interrogés avaient des difficultés à répondre. La question de l’imagination dans le paysage est un

thème que j’aurais voulu approfondir, entre l’imaginaire qu’il appelle

et l’imagination que l’on vient projeter sur l’espace, mais le sujet m’a paru très complexe et difficile à aborder par le biais de ma méthode

d’entretien. J’ai donc préféré ne pas approfondir sur cette question. Je l’ai cependant garder dans mes entretiens, puisque j’ai remarqué qu’elle en appelait souvent aux référents culturels de l’interrogé. La

question de la définition du « paysage », et de la « nature », associée au terme paysage, apparaissaient clairement en filigrane durant les entretiens, il m’arrivait de repréciser la question.

Enfin j’abordais la question du « paysage dans l’espace du quotidien », Entre guillemets sont présentés les questions, phrases ou mots que j’utilisais dans la conduite des entretiens. L’entièreté des cinq entretiens réalisés est retranscrite, voir Annexes N.1/1.2.3.4.5, p112 à 131, et voir tableaux de présentations des entretiens Annexes N.1.0, p110 13


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« quelles pratiques ? », « quelles présences ? », « quelle importance ?»,… me permettant de relancer la parole, d’obtenir des précisions…

Le déroulement des entretiens n’était pas linéaire. En effet, selon le discours, certaines thématiques étaient beaucoup plus abordées selon

l’interrogé, d’autres étaient presque omises… Cette différence, bien que rendant plus difficile dans un premier temps le travail d’analyse et l’élaboration de grilles d’études, a été pour moi source de richesses sur la question de la polysémie que porte le paysage.

Ce premier site m’a permis alors d’avoir accès aux significations, aux

sens et aux systèmes de valeurs que portent des individus particuliers sur « leur paysage » et la façon dont il l’expérimente. Cette méthode

offre l’accès à une parole, un discours, qui engage l’interrogé à se positionner face à la question du paysage.

mêmes et de la narration qui est faite du paysage. Comme dit précédemment, j’ai remarqué que l’appel au paysage, notamment

par le biais du souvenir, procurait des moments de plaisirs ou de

réflexions à l’interrogé qui fait alors un choix dans son vocabulaire et

dans son discours mais également dans la façon dont il va me raconter son paysage. Je reprends ici une citation14 de J.-M. Besse, philosophe et docteur en histoire :

« QUELLE EST CETTE PAROLE QUI POURRAIT RESTITUER OU PLUTÔT, COMME ON L’A DIT, PROLONGER L’EXPÉRIENCE PAYSAGÈRE PRISE DANS UNE TELLE RADICALITÉ ? EN QUOI, PLUS ENCORE, LA LANGUE POURRAIT-ELLE ACCUEILLIR ET FAIRE RETENTIR LE PAYSAGE DANS SON ÉVÉNEMENT MÊME ? »

_ J.-M. BESSE (2006; p18)

Je tiens ici a appuyer un point primordial, j’ai remarqué durant mes

Alors qu’il met ici l’accent sur l’expérience et l’espace vécu du paysage

se résumer à une seule approche selon l’individu interrogé mais s’étire

la partie 2. de ma recherche), il appuie la difficulté de l’exprimer. D’une

entretiens que le paysage comme il était présenté ne pouvait jamais au fur et à mesure de l’entretien. Cette méthode de discussion autour de la notion de paysage semble faire se questionner l’interrogé sur

les postures, les définitions qu’il lui donne. Souvent il remarque qu’il

n’a pas conscience, ou ne se pose pas la question du paysage. Durant

l’entretien, le choix de ne pas utiliser le mot paysage par l’enquêteur, mais de parler tout d’abord d’espace, ou de lieux extérieurs en

(cette façon de considérer le paysage est notamment développée dans question de départ qui était de savoir « qu’est-ce qu’était le paysage pour un individu ? », j’ai réfléchi alors à cette relation qui s’instaure entre un paysage et le discours qui permet de l’exprimer, orientant ma

problématique vers « ce que l’on nomme paysage ? » et comment le discours influence la relation au paysage.

mobilisant les souvenirs de l’enfance, offrait un moment de plaisir

A partir d’un certains temps, l’unique travail des mots ex situ m’a paru

d’emblée un rapport affectif avec les lieux dont il allait parler. Alors

sur Amiens dans le cadre d’un projet de médiation culturelle avec le

à l’interrogé, qui racontait alors des moments agréables, établissant qu’au départ des questions, l’interrogé semble avoir une définition

assez claire de ce qu’il va considérer ou non comme paysage, cette

définition vient à dériver, à se complexifier, pour parfois se contredire. Ce qui transparait alors, c’est que le paysage s’apparente à une appropriation personnelle de l’espace qui entoure l’interrogé à un moment précis : ou l’expérience de paysage.

Pourtant de cette richesse de définitions, relations, moments de

paysage, une nouvelle question m’apparait, celle des mots en eux-

limitant, et quelque peu frustrant. Plusieurs paysages étaient prévus

ville, mais suite à des difficultés de mise en place du projet, je n’ai

découvert les sites qu’au début du mois de mars, et n’ai pas souhaité le

faire intervenir comme éléments de corpus premiers de mon mémoire. Abordant la question de l’espace vécu et de l’expérience de cet espace, j’ai donc choisi de m’attacher à un paysage, non pas que j’aurais défini par moi-même mais que l’on m’avait décrit15 dans le premier entretien J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », retranscription de la conférence, dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p18 15 Elisa dans l’entretien N.1.1. me décrit ce site comme paysage de son quotidien, voir extrait (24 à 28), Annexes N.1.1, p112 à 115 14


26

27

et qui était accessible assez facilement : une portion de 4kms de

de ce mémoire) s’intéressent à des paysages différents : un marais,

réalisé un parcours commenté avec l’interrogé. Pour ce parcours, j’ai

c’est alors moi qui vient porter un discours sur le paysage dans lequel

Canal de Roubaix situé à Marcq-en-Baroeul. Pour aborder ce site, j’ai choisi la méthode décrite par Jean-Paul Thibaud, sociologue français

contemporain, également docteur en urbanisme et aménagement et chercheur au CRESSON16. Je choisis intentionnellement de découvrir le site avec l’interrogé plutôt que par moi-même en amont. Je ne

souhaitais pas faire une pré-analyse du lieu mais plutôt réfléchir à ce qu’elle m’en avait dit, et ce qu’elle allait m’en dire ce jour-là. Dans un

un bois, un plateau, un canal en milieu urbain19. Durant ces séances, nous nous situons avec le groupe, et qui propose une façon de faire

l’expérience d’un paysage20. L’enjeu de l’exercice est donc différent, mais vient poser la question d’une façon de partager de l’expérience paysagère autour d’un thème, ou comment également faire parler autour du paysage.

premier temps, nous définissons le parcours à réaliser, je l’informe

De cette pluralité de discours, les entretiens ex situ, le parcours

perçoit en mobilisant tous ses sens. Mais m’intéressant à la façon dont

photographies de paysage qui m’ont été envoyées suite aux entretiens,

ensuite du déroulement de l’exercice : elle doit me décrire ce qu’elle elle va me raconter sa perception du lieu, sa parole est libre et peut donc faire appel à des souvenirs ou des références, qui lui arrivent

pendant la marche. Pour reprendre J.-P. Thibaud, je lui demande

donc : « trois choses : à la fois marcher, percevoir, et décrire. Bref : mettre la parole en marche. »17 Ce parcours commenté, accompagné

de la réalisation d’une carte mentale par l’interrogé m’a alors permis d’alimenter mes recherches sur les différentes perceptions, mais

également les différentes postures face au paysage. J’ai effectué

personnellement deux retours sur site pour prolonger mon étude, une observation prolongée accompagnée de conversations avec des usagers rencontrés (m’offrant alors de nouveaux discours sur le

paysage), puis une expérience du lieu : le parcours comme l’interrogé le fait régulièrement, c’est-à-dire en courant.

Un dernier point vient s’intégrer en filigrane dans mon travail de

mémoire. Réalisant cette année un projet avec la ville d’Amiens Métropole dans le cadre d’une médiation culturelle autour de

l’histoire, du patrimoine et des projets urbains et du paysage, je réalise des interventions en tant qu’étudiante en paysage pour faire

découvrir le paysage par le biais du croquis18. Ces interventions aux

nombres de quatre (deux ont déjà été réalisées à l’heure de l’écriture J.-P. Thibaud, «Une approche des ambiances urbaines : le parcours commenté» dans M. Jolé (dir.) Espaces publics et cultures urbaines, Paris, Certu, 2002, pp. 257-270 [en ligne] URL : https://www.academia.edu/3605623/La_m%C3%A9thode_des_parcours_comment%C3%A9s?auto=download, consulté le 04.03.2017, p4 17 Ibid. 18 Flyer Croque-Paysage, Annexes, N.4.1, p158 16

commenté, les conversations récoltées in situ, la carte mentale, les

il m’a fallu chercher des méthodes d’analyses me permettant de

comprendre les sens et significations des mots qui été alloués au paysage. Je me suis tout d’abord intéressée à l’ouvrage de Alain Blanchet, professeur de psychologie à l’université de Paris 8 Saint-

Denis, et Anne Gotman, Sociologue et directrice de recherche au CNRS, L’entretien : l’enquête et ses méthodes21 qui dresse différentes méthodes pour analyser les discours. J’ai donc dans un premier temps

fait une retranscription totale des entretiens22, j’en ai effectué un résumé qui définissait le paysage de chacun des interrogés23, puis j’ai

extrait des citations dont j’ai analysé l’articulation des mots, la façon dont les phrase sont dites, et ce qu’elles semblent sous-entendre pour les mettre en rapport avec des hypothèses.24

En parallèle, je me suis également inspirée de la méthode Alceste, qui oblige à une analyse textuelle25. J’ai essayé d’effectuer un recensement

du vocabulaire et des mots associés au paysage. Dans un deuxième

temps, j’ai cherché à catégoriser les éléments du discours de façon transversale dans les entretiens26.

Je me suis intéressée à une troisième méthode d’analyse du discours proposer par Didier Demazière, sociologue contemporain français et 19 20 21

(2ème ed)

Situation des sites, Annexes N.4.3., p158 Objectifs dans le cadre de ses visites, Annexes N. 4.2, p158 A. Blanchet & A. Gotman, L’entretien: L’enquête et ses méthodes, Paris : A. Collin, 2007

Retranscription en Annexes, N.1.1/2/3/4/5, p112 à 131 A. Blanchet & A. Gotman, Ibid., p72 24 Ibid., p76 25 Ibid., p82 26 Méthode quantitative proposé dans A.D. Robert & A. Bouillaguet, Analyse du contenu, collection « Que sais-je ?», Presses universitaire de France, Paris : 1997) 22 23


28

29

chercheur au CNRS et Claude Dubar, sociologue français (1945-2015)

dans leur ouvrage Analyser les entretiens biographiques. L’exemple de récits d’insertion27. Ils proposent une méthode dite analytique

qui va chercher à reconstruire le sens du discours, critiquant d’autres méthodes sociologiques courantes,(méthode que j’aurais souhaiter pouvoir approfondir mais que j’ai découvert tardivement et qui m’a

réclamé beaucoup de temps car ce sont des outils que je n’ai pas

l’habitude de manipuler). L’analyse consiste a établir des niveaux dans

le discours. Le premier niveau fait remarquer les séquences narratives du récit, qui permettent alors d’analyser les mots, les attitudes ou

les phrases qui vont appuyer un changement dans le discours. Le deuxième niveau va s’intéresser à la relation entre l’action décrite

par l’interrogé et l’interrogé lui-même. Le troisième niveau s’attache au découpage de l’argumentaire de l’interrogé, à la façon dont il va

narrer l’action, l’événement, la définition et le but de cette narration envers son interlocuteur28. De ces différentes méthodes, j’en ai déduis

un tableau à partir d’une sélection réduites d’extraits d’entretiens, que je synthèse ainsi :

Le Quoi ? : c’est à dire ce qui m’est dit, par exemple : « le paysage, c’est là où l’Homme n’est plus »29

Le Pourquoi ? : ce que je comprend du pourquoi l’interrogé dit cela : si

c’est par rapport à une expérience particulière, à une définition, à une référence culturelle ou sociale…

Le Comment ? : quels mots sont utilisés, leur récurrence, le discours et le ton employé, …

.

Croiser les questionnements Cette méthode m’a ainsi permis d’établir des valeurs dans les

discours qui m’ont été donnés et m’a permis de faire évoluer mes questionnements au sein du travail de recherche.

Ainsi de premières problématiques qui s’intéresser à comment se constituait le paysage pour chacun et quel commun pouvait-on

dégager, je me questionne également sur les relations qui s’opèrent entre un concept discouru qui peut-être théorique mais également empirique et la narration d’expériences localisées.

Comme nous l’avons vu plus haut, il existe de nombreuses façons d’aborder le paysage. Ainsi dans un premier temps si le paysage répond de définitions théoriques et générales, qu’elles sont-elles à un niveau plus individuel ? Selon J.-M. Besse (et nombreux autres auteurs) le

paysage est le lieu de l’expérience alors comment cette dernière vientelle influencée les définitions individuelles du paysage ? Ma recherche

m’a permis de récolter des discours aux statuts différents, ainsi du discours oral ou écrit / théorique ou pratique) et de l’expérience, qui vient influencer majoritairement l’autre ?

Enfin le discours oral constitue-t-il une forme de partage assez riche

pour exprimer la complexité de l’expérience du paysage, et quels sont alors les outils utilisés dans ce discours ?

Cela m’amène à formuler l’hypothèse que les perceptions et

interprétations du paysage sont différentes selon les expériences

individuelles. Elles sont alors influencé par les territoires explorés, les lieux de vie de l’enfance, et les références diverses (culturelles, familiales, sociales). Afin d’éprouver cette dernière, je fais tout d’abord

l’étude des mots et de leurs sens grâce à la méthode de l’entretien et de son analyse, confronter aux discours théoriques qui ont été

donnés dans des domaines différents. Je m’appuie particulièrement sur trois auteurs, J.-M. Besse (philosophe et historien) et Y. Luginbühl

(géographe spécialisé en sciences sociales) précédemment cités, ainsi

que Anne Sgard, professeur en géographie, qui a réalisé un rapport D. Demazière, C. Dubar, Analyser les entretiens biographiques: l’exemple de récits d’insertion, Paris : Nathan, 1997 28 Idid. 29 Extrait (18), Annexes N.1.1, p112 à 115 27

d’habilitation à diriger des recherches sur le Partage du paysage30 30

A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 201, 261p


30

dans la continuité de ses travaux de thèses sur le paysage comme

outil politique. A partir de cette question du partage du paysage je

formule une seconde hypothèse, le discours oral permet de partager

l’expérience individuelle du paysage et d’en faire du commun. Je

confronte cette hypothèse aux différents discours oraux, écrits et

quelqu’uns graphiques et les analyses en m’intéressant à la façon dont ils vont parler de l’expérience du paysage dans leurs récits. Pour se faire, j’utilise la définition de l’expérience du paysage donné Michel

Corajoud, paysagiste français et par J.-M. Besse, mis en relation avec les différents discours récoltés.

Ainsi ce mémoire de recherche visant à questionner plusieurs discours sur le paysage aborde cette question sous l’angle de l’individu mis

en relation avec des pensées collectives et théorisé, cherchant les continuités et discontinuités entre ces deux paroles.

J’ai donc alors pu distinguer plusieurs paysages dans le paysage :

une première catégorisation vient présenter un paysage concept, qui répond d’une définition, d’un objet ou d’une image (1. Parlons

paysage : Interroger un concept entre théorie et recherche), un

deuxième paysage se révèle ensuite celui du paysage vécu, récit

d’une expérience spatiale qui engage un discours et une posture face mots et à l’espace (2. La relation entre l’individu et le paysage : quand l’expérience se raconte).


1.


35

Parlons paysage : Interroger un concept entre thÊorie et recherche

1.


36

37

1.

Parlons paysage : Interroger un concept entre théorie et recherche

Je choisis dans un premier temps de présenter le paysage comme un objet, une réalité matérielle, très largement conceptualisée dans

le domaine des sciences de la nature et des sciences de l’homme. La question de la définition du paysage est sujette à de nombreux

Ces sciences influencent largement notre regard puisqu’elles font

cesse d’évoluer au fil du temps, comme je l’ai rapidement esquissé

notamment les interrogés) a pu bénéficier, mais également à l’heure où

aussi des domaines différents qu’ils soient scientifiques, artistiques,

de plus en plus prégnantes dans notre quotidien commençant même

débats, et répond à nombres courants et auteurs qui n’ont eu de

parties des enseignements fondamentaux dont chaque individu (et

en introduction. Utiliser dans le langage courant, elle alimente

l’écologie et les nombreuses questions qu’elles soulèvent, deviennent

philosophiques, sociétaux… A la croisée de recherches théoriques et

timidement à entrer dans les discours politiques.

des éléments de définitions proposés dans mes différents entretiens

paysagers, cette première partie est l’occasion pour moi de chercher, fouiller, décortiquer ce que peut-être le paysage (avec un grand P?)

1. 1. 1. une réalité géographique et matérielle

comme concept, et de catégoriser les idées générales à partir de deux

Ainsi, comme présenté par J.M. Besse, le paysage c’est un espace

Dans cette partie, je m’intéresse particulièrement aux mots et à leur

humain31. Ce dernier répond d’une réalité géographique physique32

voir les ressemblances et les différences dans les perceptions de cet

d’années où des couches géologiques successives se sont superposées

types de discours, un discours théorique et un discours oral.

concret qui existe et préexiste en dehors de l’action et du regard

sens, qui permettent de définir le paysage de manière transversale, de

issue de l’évolution de notre planète depuis plusieurs millions

objet paysage, et d’en organiser les significations.

pour former un sol sur lequel des éléments vivants et mouvants

1. 1. Le paysage : Un objet

(faune, flore, mais également climat) viennent habiter et interagir. En résulte aujourd’hui une multitudes d’espaces différents que nous regardons et considérons comme des paysages qui composent notre

environnement. L’hydrologie, la géomorphologie, la botanique… Pour parler les différentes « définitions » du paysage, j’appuie mon

toutes ces disciplines scientifiques s’intéressent alors à l’étude de

de arte y naturaleza de Fondacion Beulas, de Jean-Marc Besse

comme une composition d’objets divers dont l’Homme peut en être

problématiques paysagères contemporaines ». Dans la retranscription

et qui conservent des réalités physiques et matérielles qui lui sont

propos sur la conférence organisée le 28 juin 2006 par le Centro

ces éléments matériels et naturels permettant de définir le paysage

(auteur contemporain français) où il retrace une « Cartographie des

le transformateur selon ses actions, mais dont il n’est pas le fondateur

associée à cette conférence : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une

propres.

J.-M. Besse, propose une synthèse de différentes problématiques

Ces différents paysages sont alors classés par typologie. Je me réfère

du statut de sujet à celui d’objet, pour devenir espace d’interaction

de Denis Mercier (professeur en géographie contemporain français)

cartographie des problématiques paysagères contemporaines » (2006), autour de la question du paysage où le paysage passe progressivement et de relation entre l’individu et l’espace, puis finalement outil par le biais de la pratique paysagiste.

ici aux ouvrages d’analyses géographiques, notamment l’ouvrage

J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p12 32 D. Mercier, Le commentaire de paysages en géographie physique, Paris : A. Collin, collection U, 2004, titre 31


38

39

intitulé Le commentaire de paysages en géographie physique33, qui propose dans son sommaire une classification des paysages pour en

permettre leurs études à l’aide de modèles typologiques qui sont : « I. Les types de paysages : 1. Les paysages minéraux. 2. Les paysages de l’eau. 3. Les paysages végétaux. 4. Les paysages complexes », distingués

de l’Homme où celui-ci apparait dans le : « III. Le paysage et l’Homme ». L’homme est alors placé face aux composantes physiques d’un environnement particuliers mais dans cette vision géographique34, il semble exclu des relations qu’il peut entretenir avec le paysage.

Pourtant j’ai remarqué, notamment lors des entretiens que cette façon de catégoriser et de considérer le paysage comme un espace géographique propre n’est pas seulement celle des sciences naturelles

mais se retrouve souvent dans une définition première du mot paysage où il est associé à l’espace naturel. Il peut être typologique tels que la

mer, la montagne, la campagne, la forêt…, des types qui reviennent majoritairement lors des échanges et qui semblent partagés35. Ils sont

alors composés d’éléments naturels : l’eau, la végétation, le minéral… où la présence humaine est faible, voir nulle.

Cette définition se rapproche d’une vision écologique du paysage où ce

dernier est considéré comme l’espace « où l’Homme n’est plus ou n’est pas » 36, très influencée par les sciences. Le paysage est ici considéré comme un objet réel, indépendant de l’individu et de l’interrogé qui

en parle. C’est même justement dans cette indépendance de l’Homme qu’il prend son sens et son intérêt pour certains interrogés.

1. 1. 2. un objet naturel où l’homme ne doit pas être présent L’idée de Nature associée au terme paysage est transversale dans

les différentes étapes de travail que j’ai pu réaliser in et ex situ.

S’exprimant par différents biais, le paysage comme espace naturel

est affirmé37. Cette façon d’exprimer le paysage par le biais d’espaces

naturels est également expliquée dans la recherche de Yves Luginbühl

(géographe contemporain français CNRS), Sensibilités paysagères,

modèles paysagers, (2000)38. Cette recherche croisée entre géographie, sociologie et paysage, commandé par le Ministère de l’environnement, permet de faire un état des lieux des relations qu’entretiennent des individus de classes sociales différentes avec le paysage grâce à une

enquête nationale de grande ampleur conduite entre les années

1993 et 2000, dirigée et réalisée par un comité d’experts spécialistes du paysage39. Dans son chapitre qui questionne les « représentations sociales du paysages » actuelles (il y a tout de même aujourd’hui 17ans

et je ne peux m’empêcher de penser qu’avec l’avénement d’internet, les modèles paysagers sont aujourd’hui beaucoup plus complexes et individualisés), il précise que, suite à ces enquêtes, la majorité des termes associée au paysage est liée à une « belle nature ».

Mais à quoi correspond exactement cette notion de Nature dans le paysage?

Si cette nature est souvent présentée sous la forme d’espace type comme cité précédemment (mer, montagne, forêt, …), ces espaces

sont pourtant loin d’être naturels dans le sens où ils n’auraient pas été modifiés par la présence humaine. Mais c’est par le biais des composantes de ces espaces que transparait la notion de nature et ces

formes sont diverses. Les interrogés citent souvent l’eau ou les rivières, les rochers, … La présence d’un végétal prédominant semble révéler le paysage, et particulièrement lorsque l’interrogé vit majoritairement en

ville (notamment le cas des interrogés, et des personnes rencontrées D. Mercier, Le commentaire de paysages en géographie physique, Paris : A. Collin, collection U, 2004, p4 34 Je parle d’ici d’un type de géographie liée aux sciences naturelles. Le domaine de recherche géographique regroupe des problématiques larges qui considère les interactions entre les hommes et le territoire comme sujet majeure à laquelle je fais référence dans l’introduction. 35 Voir tableau X dans Annexes : Typologies de paysage, pX 36 Extrait (28) Entretien N.1.1, Annexes p112 à 115

au fur et à mesure des visites de sites). Entre « un peu d’herbe »40 ou de

33

Voir tableau N.1.8 dans Annexes : termes naturels associé au paysage, p135 Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000,113p 39 Ibid. ,p5-8 40 Extrait (56), Entretien N.1.1, Annexes, p112 à 115 37

38


40

41

verdure qui désigne au sens large quelque chose de vivant et de vert à des qualifications plus définies comme des « cerisiers » , la végétation 41

devient primordiale dans la qualification du paysage. J’appuie ici la présence du végétal et de la flore en général, plutôt que la faune très peu citée, voir associée à des nuisances.

Deux paysages « naturels » se dégagent alors dont les échelles et les

temporalités sont distinctes : une « grande Nature », et une « petite nature ». Je reprend ici des termes de Y. Luginbühl42. Ce dernier les distingue selon l’âge des interrogés, associant la grande nature à la

jeunesse et la petite nature plus quotidienne aux adultes . Je ne 43

mettrai pas en question cette généralisation puisqu’ayant restreint la

cible interrogée à des personnes plutôt jeunes. Mais je note tout de même que le jardin, les champs, ont été cités, parfois même comme particulièrement marquants dans le discours de certains interrogés . 44

Pour une cible d’interrogés dont le cadre de vie majoritaire est celui

de la ville, malgré une enfance qui a pu être plus variée (ultra-urbaine,

les cultures (le terme « champs » ou « prés » sont utilisés) sont associées pour la plupart à une image positive du paysage. Les interrogés

préfèrent également des paysages grandioses ou impressionnants

souvent non situés : LA mer, LA montagne, LA forêt, LA campagne,… A la question «laquelle ?», la réponse n’est pas toujours aisée, ou alors reste très générale : « la mer de Bretagne, ou la mer du Nord… pas

la mer du Sud » 47. C’est ici un appel à l’imaginaire individuel mais

également collectif qui est fait : tout le monde partage une image de la mer ou de la montagne, image qui répond à un souvenir particulier ou qui se détache parfois totalement d’un espace pour devenir une représentation mentale.

Le paysage ordinaire ou « petite nature »48 serait alors lui à plus petite

échelle, au sein de la ville par exemple et correspondrait aux parcs urbains, aux aménagements de bord d’eau, et aux jardins,… qui

composent le quotidien et offrent des espaces de repos dans la journée.

ville moyenne, périphérie, campagne,…), la réponse à une définition

Un exemple de «petite nature» m’a été proposée durant l’entretien

paysage », (qui ne correspond pas au « paysage quotidien » plus

des paysages de grandes natures, lorsqu’elle m’a parlé de la région

du paysage met en lumière un paysage que je qualifierai de « grand « ordinaire » que l’interrogé va côtoyer plus régulièrement).

Le grand paysage ou « grande nature » répond d’une nature sauvage 45

ou peu anthropisée. Cela correspond également à l’évolution de l’idée de Nature46 à travers les siècles. Suite à une urbanisation croissante, la

N.1.1 avec Elisa. En effet, alors qu’elle abordait dans un premier temps du Nord, elle m’a citée un endroit qu’elle apprécie particulièrement et qui répond pour elle au terme paysage. Voilà comment elle me le

décrit dans le 1er entretien (extrait situé au temps2 de l’entretien, voir tableau N1.0, annexes, pX) :

nature « sauvage » acquiert un rôle important que le citadin recherche

« Après à Marcq-en-Baroeul en particulier, un endroit que j’aime bien et que

pour s’éloigner d’une ville trop grande, trop dense, trop polluée… et

même maintenant si je ne connaissais pas je trouverais beau.... Même si

cela depuis le 19ème siècle. On assiste alors à un développement dans

je venais de Marseille que je trouve super belle. C’est un endroit où je vais

les villes de ces espaces de nature, tels les parcs, les avenues plantées,

courir de temps en temps, c’est le long de la Marque. Je crois que c’est le

les plans d’eau, qui sont très demandés mais qui ne sont pas associés

Canal de Roubaix, je ne sais pas s’il va jusque Roubaix. Quelque fois, j’y vais

au paysage mais au cadre de vie. La marque de l’homme doit y être

en courant ou en vélo et je vais un peu plus loin. C’est tout bête, c’est un petit

minime, ou alors elle est comme annihilée. Je pense ici à l’image de la

chemin en graviers, en cailloux. C’est un peu travaillé par la ville, il y a des

campagne bucolique et idéale qui transparait au fil des entretiens, où

petits ponts, et un peu plus loin, il y a une sorte de... truc végétal... qui fait une sorte d’alcôve, ou de tunnel... [fait des signes de la main pour exprimer

Extrait (33), Parcours commenté N.2.6, Annexes, p136 à 146 Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000,p35 43 Ibid., p35 44 Extrait (6-7-8), Entretien N.1.4, Annexes, p125 à 127 45 Y. Luginbühl, Ibid.,p35 46 T. PAQUOT, Le paysage, Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016, p65

l’idée de quelque chose de resseré]

41

42

47 48

Extrait (44), Entretien N.1.1, Annexes, p112 à 115 Y. Luginbühl, Ibid.,p35


42

44

La portion de cette promenade pratiquée mesure 4kms et se situe

Mais pourquoi ce lieu là est beau ?

entre le Pont de la rue Duquesne et le pont autoroutier dans le quartier

Château-Rouge. Durant ce parcours, j’ai dégagé plusieurs séquences

Parce que c’est hors de la ville, c’est calme, les gens se baladent, font du sport.

qui répondent d’ambiances différentes. D’un centre-ville ou la présence

Il y a l’eau, il y a des poules d’eau [changement d’intonation dans la voix,

progressivement à un habitat pavillonaire où la végétation des jardins

d’automne qui se reflétaient sur l’eau, c’est vachement joli. Tu ne vois pas les

et des berges est travaillée, puis on assiste à une disparition temporaire

maisons, tu as l’impression d’être dans un petit moment de nature. [pause] A

des habitations pour une végétation arborée haute, pour enfin

un moment donné, il y a une ancienne boite de train, truc de train... Et c’est vachement vieux, c’est assez joli, ça fait nature industrielle, abondonnée.»

1.

des habitations est forte (en terme de densité et de hauteur), on passe

phrase légère]. J’y suis retournée il n’y a pas longtemps. Il y avait les couleurs

rentrer à nouveau dans une séquence plus construite (des bureaux

49

2.

tertiaires, quelques aménagements et deux ponts majeurs dont l’un

Dans cet échange, Elisa compare tout d’abord Marcq-en-Baroeul, qui

stope le parcours). Dans la séquence 5, le végétal prend le pas sur

est la ville où elle habite actuellement, à Marseille pour y remarquer

6.

l’urbanisation. Lors de mes visites j’ai particulièrement eu l’impression

un lieu qu’elle apprécie. Elle parle de sa pratique du lieu dans

d’être en dehors de la ville, ce passage correspond au «tunnel végétal»

un premier temps, en courant la plupart du temps, parfois à vélo,

3.

dont parlait Elisa.

rarement en marchant. Elle choisit ensuite de décrire le lieu dans ses

caractéristiques spatiales : un sol, des ponts, du végétal peu qualifié qui crée un tunnel, … Elle précise les qualités (grâce aux adjectifs « beau », « belle », « jolie » qui se répètent le lond de l’échange) qu’elle

4.

5.

trouve à ce paysage : son contexte (l’eau, la végétation, les animaux) et

3.

ses ambiances (les couleurs, l’eau et les reflets …) qui viennent créer un « petit moment de nature » et de calme, « hors de la ville ». Elle

appuie enfin la différence en nature et ville, où l’industrie disparait,

2.

la place de l’homme également (les maisons sont peu visibles) et la

4.

nature reprend le dessus, juste « un peu travaillé[e] par la ville ».

Dans un deuxième temps de ma recherche, j’ai choisi de réaliser un

parcours commenté dans ce paysage décrit par Elisa comme un « petit

1.

moment de nature ». Ainsi, ce paysage se trouve à Marcq-en-Baroeul, commune située au nord-est de Lille, faisant partie de la MEL. A quelques minutes de son lieu d’habitations, ce parcours dans lequel

5.

s’inscrit le paysage décrit par Elisa vient longer le Canal de Roubaix, une promenade pédestre y a été aménagée50 .

49

50

Extrait (24 à 26), Entretien N.1.1, Annexes, p112 à 115 Voir contexte du site N.2.X, Parcours commenté, Annexes, pX

_ FIG (1), Cartographie des séquences du parcours Canal de Roubaix, PARCOURS COMMENTE N.2.5, voir p147, annexes

0

200m

0

0

200m

200m

6.

_ FIG (2), Photographies des séquences 1 à 6, PARCOURS COMMENTE N.2.6 & 2.8, voir p149 & 155, annexes


45

46

Dans ces deux échelles, le paysage naturel ou naturalisé est alors

Paris intra-muros, composé de maisons moyennes pavillonnaires

besoin nécessaire de nature pour sortir de la ville, permettant à la

permet de rencontrer le paysage dans l’aération et la petite nature qui

toujours considéré comme l’espace ressource et correspond à un

fois d’améliorer le cadre de vie général et proposant également des échappées, des moments de libertés, de sérénité ou de repos au sein

de la vie quotidienne. Je constate ici une séparation assez forte entre l’espace de la ville qui répond à des besoins quotidiens (le travail, des

déplacements, …) pouvant apprécié pour ses qualités esthétiques mais

avec jardin, les rues sont plantées de platanes. « Sortir de la ville » lui s’installe dans les « espaces vides ».51

Ce paysage loisir où la végétation prédomine (comme vu précédemment dans le lieu choisi pour réaliser le parcours commenté) est souvent

pratiqué par la promenade assez régulière, à pied, en vélo, en courant.

qui ne répond pas du paysage (pour la plupart des interrogés); et les

Le paysage est un loisir support d’activités sportives de détentes ou

terme paysage se fait plus franche. Je reviendrai par la suite sur cette

en dehors de son quotidien lors de ses voyages par exemple dans

espaces de loisirs non accessibles quotidiennement où l’affirmation du différence qui s’établit entre paysage quotidien / paysage ordinaire / paysage exceptionnel (voir 2.1. Les temporalités du paysage).

de découvertes. Dans cette démarche, l’interrogé va aller chercher lesquels il cherche les sensations. Ici l’espace du paysage est associé

à la recherche de dépaysement (voir 2.1.1 du dépaysement à l’espace

quotidien). Dans cette pratique du paysage, ce sont les espaces de grandes natures qui sont cités. Louis me parlera des montagnes du

1. 1. 3. un espace à vocations multiples Je remarque ici que cette définition du paysage est également liée aux

différentes façons de le pratiquer (dans un rapport quotidien, régulier, exceptionnel, …)

En effet, la définition associée au paysage et ses perceptions dépendent de la façon dont les différents interrogés pratiquent l’espace. L’objet

paysage est alors associé à ce qu’il peut offrir à l’individu qui va le pratiquer. Je vais distinguer deux vocations majoritairement données a l’espace du paysage qui vont induire des pratiques différentes.

Mercantour52, des Monts des Flandres53, qu’il a pratiqués à vélo étant enfant. Il définit clairement le paysage comme étant l’espace du jeu et

du challenge54, dans lequel il s’amuse et se donne également des défis personnels.

Ce paysage ressource peut être pratiqué différemment. Il répond parfois

de l’exploit sportif, par exemple dans la pratique de la randonnée, mais peut également répondre de la promenade de détente, ou alors peut-être associé à la contemplation, l’arrêt dans un paysage propice à l’observation.

Le paysage est une ressource associée à l’idée de cadre de vie et à

Cependant la séparation entre deux types de paysages n’est pas

pauses, d’espaces verts dans les milieux urbains. Cette définition

inversement, voir parfois être les deux en même temps. Cela dépend

l’espace quotidien où il est synonyme d’aération dans la ville, de

répond clairement à la façon dont Julia considère le paysage. Pour elle, il s’intègre tous les jours dans son cadre de vie puisqu’il est présent

hermétique. Un paysage ressource peut devenir paysage loisir et alors du moment dans lequel l’interrogé va pratiquer le lieu.

en opposition à la ville et sa forte densité. Par exemple, elle mettra en

Le paysage dépasse progressivement le cadre seul de l’objet pour

à ses alentours moins urbanisés où la campagne est plus présente,

auxquels l’individu prend position en lui donnant des qualifications

opposition Lille et Paris, considérant Lille comme plus paysagère grâce

alors qu’elle trouve que la ville est « vide » de végétation. Elle exprime également sa pratique du paysage comme quotidienne par sa sortie

de Paris pour rentrer chez elle à Joinville-le-Pont, en région parisienne. Elle habite en effet dans un quartier a plus faible densité urbaine qu’à

devenir également sujet de préoccupation et d’envies par rapport de valeurs. Il devient sujet, mais de quoi ? 51 52 53 54

Dans les extraits (51), Entretien N.1.2, Annexes, p116 à 117 Dans les extraits (14), Entretien N.1.3, Annexes, p118 à 124 Dans les extraits (44), Entretien N.1.3, Annexes, p118 à 124 Dans les extraits (22 à 26), Entretien N.1.3, Annexes, p118 à 124


47

48

1. 2. Le paysage : Un sujet

assez en hauteur et on voit tout »58. Les synonymes du paysage sont

alors le « panorama ou le point de vue » sur une « vue d’ensemble, qu’offre la nature, d’une étendue de pays, d’une région »59. Selon

« LE PAYSAGE NOUS PARLE DES HOMMES, DE LEURS REGARDS ET DE LEURS VALEURS, ET NON DU MONDE EXTÉRIEUR À PROPREMENT PARLER »

Yves Lacoste, géographe français contemporain, la notion d’étendue

est particulièrement importante60. En effet, il considère que l’espace visible mérite d’être observé d’un point haut, et doit proposer des _ J.-M. BESSE (2006; p2)

perspectives. S’il est réduit, il ne peut être qualifié de paysage.

Ce primat de la vue dans la perception du paysage découle d’une Une deuxième orientation vient définir le paysage dans son rapport

exclusif à l’homme, vision partagée par de nombreux théoriciens, notamment dans le champ philosophique ou historique. Cette théorie consiste à penser le paysage non pas comme un élément extérieur à l’homme (un objet) mais au contraire comme une représentation mentale (un sujet).

définition historique (mais qui reste fondamentalement contemporaine

et transversale dans les entretiens). A. Cauquelin (philosophe et essayiste contemporaine française) se propose de retracer cette « invention du paysage »61 où la peinture de paysage, les arts plus

généralement, tiennent un rôle majeur. A l’époque romaine le paysage transparait sous la forme de ses attributs naturels tels que l’arbre, les

plantes, la source d’eau,… notamment dans les fresques murales, mais

A partir de la citation de J.M. Besse , je vais tout d’abord m’arrêter 55

sur un mot : « regards ». Regarder, justement, si l’on s’intéresse à la

définition qui en est faite dans le Larousse en ligne, signifie : « Porter

le regard vers, sur quelque chose, quelqu’un : Regarder le paysage. »56, et c’est notamment le paysage qui est donné comme exemple à cette action. Pourquoi le paysage est-il tant associé au regard ?

n’est pas présent sous la forme d’un espace. C’est particulièrement à la Renaissance que voit se développer la notion de paysage et sa

représentation picturale. Comme déjà dit en introduction, c’est en 1549

que le terme écrit paysage apparait et désigne un tableau62. À partir de

cette période selon A. Cauquelin, l’homme opère une nouvelle relation à son environnement et se place alors en situation d’observateur face

au monde qu’il essaie de comprendre. Liée aux nombreuses avancées scientifiques, philosophiques et mathématiques, la représentation

1. 2. 1. l’importance du regard Le regard, c’est donc tout d’abord l’utilisation d’un sens : la vue, couplée à une posture, se mettre en face ou vers l’objet paysage. La vue comme outil majeur et présupposé de la découverte paysagère est également

présent dans les différents récits autour du paysage réalisés durant mes entretiens. De nombreux lieux décrits étaient associés à des paysages

mais également la perception du paysage se norment de règles de composition grâce au développement de la perspective permettant de

structurer l’espace. Le peintre cherche alors la composition, à l’aide de plans multiples, de proportions, de perspectives où chaque élément

dessiné vient répondre à l’autre pour lui donner son sens. Le paysage devient un objet à cadrer.

lorsqu’ils étaient visibles d’un point haut et offraient un panorama : « Oui c’est toujours des paysages en hauteur »57, « On passe un moment

Extrait (94), Entretien N.1.5, Annexes, p128 à 131 Définition du paysage, CNRTL 60 Y. Lacoste, « A quoi sert le paysage ? Qu’est-ce qu’un beau paysage ? », dans A. Roger (dir.) La théorie du paysage en France, paris : champ vallon, 1995, p 53 61 A. Cauquelin, L’invention du Paysage, Paris : Plon , 1989, 180p 62 J.-C. WIEBER, «Le paysage visible, un concept nécessaire», dans A. Roger, La théorie du paysage en France, Paris : champ vallon, 1995, p184 58

J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p2 56 Défition Larousse, URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/regarder/67594, consulté le 02.03.17 57 Extrait (62), Entretien N.1.5, Annexes, p128 à 131 55

59


49

50

Le recours au cadrage et à la composition transparait également dans

les descriptions de paysages. Je cite ici les nombreux propos d’Agnès , 63

qui lorsqu’elle raconte les lieux qu’elle a vus ou pratiqués, a recours à l’usage des plans qui lui permettent de cadrer et de composer ce

qu’elle observe. Cela transparait dans ses mots mais également dans

sa gestuelle (je reviens sur les manières de raconter le paysage dans

la partie 2.1.). Si les expériences paysagères qu’elle raconte dans

un premier temps se rapprochent de paysage de grandes étendues, naturels,… 64, de nouveaux espaces considérés comme des paysages apparaissent grâce aux compositions qu’elle vient y lire :

« C’est con mais quand on arrive du train,… de Dunkerque. On passe un moment assez en hauteur et on voit tout, on voit la coupole en verre, on voit les grandes tours d’Euralille et je trouve ça joli. Après au premier plan, il y a les rails qui sont un peu sales. [place les éléments par des gestes]

plans, permettant alors de créer une image sans laquelle le paysage

n’existe pas. L’outil fenêtre me parait particulièrement intéressant, et se retrouve également dans le discours d’Agnès. Elle présente

notamment deux paysages urbains quotidiens vus de sa fenêtre qui lui permettent d’intégrer la notion de paysage dans son cadre de vie de tous les jours, lui offrant des moments de pause. L’image qu’elle perçoit ici de l’espace et les associations mentales qu’elle en fait lui

permettent de dire qu’il est paysage. « Le paysage, c’est ce que je vois de ma fenêtre »66.

C’est alors par la posture adaptée par l’observateur, par le biais d’un

cadrage architectural, que l’espace observé devient paysage. Mais il ne l’est pas alors spontanément. Le paysage devient image définie par

des dimensions, et délimité. Quelle importance vient alors prendre la production de cette image dans la définition du paysage ?

(…) Après ça me fait penser quand tu montes tout en haut à l’Aéronef, en fait, on voit un peu toute la ville : ça donne sur un peu toute la ville. Tu vois les tours du département. Je trouve ça aussi jolie. Je trouve ça bien. C’est un espace assez en hauteur, tu vois le ciel… » _ EXTRAIT (94) ECHANGES N.1.5, voir Annexes, p128 à 131

Associée à la prise de hauteur sur la ville, la vue devient « joli[e] » et

paysage, et se décompose par le biais de ses gestes et l’énumération des éléments structurels qu’elle remarque. Elle dit elle-même qu’elle

est très influencée par sa pratique picturale. Ainsi plusieurs paysages commencent à apparaître se détachant progressivement de la simple définition d’un paysage seulement objet naturel.

Henri Cueco en 1995 (peintre et écrivain français, 1929-2017) notamment dans Approche du concept de paysage65, propose plusieurs

façons de faire d’un espace un paysage : via le panorama et la fenêtre. Selon lui, ces deux outils obligent à une projection mentale sur l’espace

1. 2. 2. L’image qui en résulte Le paysage est assimilé a une image (ou un tableau) définie par des dimensions et répond a des critères esthétiques.

Je fais ici appel aux théories de Alain Roger (philosophe et professeur d’esthétique) qui développe le concept d’artialisation du paysage où le

regard sur ce dernier est issu d’une construction culturelle et historique

basé sur l’évolution de la représentation paysagère picturale. Dans cette théorie, le paysage comme objet matériel n’existe que par la lecture qui en est faite via l’image qu’il produit.

Le développement du genre pictural en Europe a, en effet, fondé l’esthétique que la civilisation occidentale porte sur le paysage. La renaissance vient poser les éléments de compositions du paysage grâce à la perspective, et instaure une nouvelle relation entre l’Homme et la Nature. Avec le développement du « Grand Tour » que réalise les jeunes aristocrates aux 17ème siècle, l’idéal pictural et philosophique

d’un paysage d’Arcadie apparait, comme celui d’un paradis retrouvé67,

regardé offrant des lignes, des verticales, des horizontales et des

dans un paysage bucolique, naturel et musical où l’homme retrouve

Dans les extraits (10, 16, 44, 58, 68, 94), N.1.5, annexes, p128 à 131 Dans les extraits (16,18,22), N.1.5, annexes, p128 à 131 65 H. Cueco, «Approche du concept de paysage» dans A. Roger (dir.) La théorie du paysage en France, paris : champ vallon, 1995, p168-181

66

63

64

H. Cueco, «Approche du concept de paysage» dans A. Roger (dir.) La théorie du paysage en France, paris : champ vallon, 1995, p175 67 A. Merot, Du paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris : Editions Gallimard, 2009, p117-120


51

52

la sérénité. Avec le 18ème siècle, la perception du paysage et du

les références artistiques n’étant pas accessibles à tout le monde pour

au profit du développement de la notion de sublime et de pittoresque

début du 20ème siècle et de ses avancés scientifiques ou techniques

monde change. La notion de beauté classique est moins dominante

qui se matérialise dans des milieux extrêmes (la mer en tempête, les montagnes, les déserts,…). L’homme, fasciné par les forces de la nature, assimile cela aux secrets et tourments de l’âme, donnant

alors lieu à l’esthétique romantique du paysage68. Au 19ème siècle, le peintre quitte son atelier et va travailler en plein-air, dans le but de

saisir ces paysages naturels. Les codes de représentations classiques

se déconstruisent au profit d’une recherche de sens dans l’oeuvre en elle-même. Signifié et signifiant viennent se confondre et le paysage

est alors « la surface sur laquelle le peintre vient projeter ses idées »69. La perception de l’espace réel se fait via des critères prédéfinis par l’application de modèles artistiques sur cet espace . Certains auteurs 70

ont même établi des «recettes» perceptivistes qui permettent d’évaluer le paysage en fonction de critères basés sur la vue et l’image qui en résulte sur la rétine à partir de la longueur et largeur de la vue, des

verticales, et de l’harmonie générale qui va se dégager de ce paysageimage. Grâce à une formule mathématique, le paysage obtient une note qui permet d’en dégager sa qualité ou non71.

J’ai pu remarquer la référence à ces modèles dans mes entretiens. Par exemple, Agnès est très attachée à la composition72. Elisa parle de nature influencée par le sublime lorsqu’elle fait référence à une

mer agitée, « quelque chose qui pourrait presque représenter [ses]

humeurs » . Louis semble influencer également par ces paysages où 73

les forces de la nature sont visibles74.

Cependant la référence aux modèles picturaux peut être nuancées. Elle l’est déjà dans les propos de Y. Luginbühl qui met en question N. buttner, L’art des paysages, Paris : Citadelles & Mazenod, 2007, p320-335 Ibid., p370 70 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p4 71 G. Neuray, « Des Paysages. Pour qui ? Pourquoi ? Comment ? », 1982, Gembloux : Ed des presses agronomiques, 173p 72 Dans les extraits (X,X,X), N.1.5, annexes, p128 à 131 73 Extrait (46), N.1.5, annexes, p128 à 131 74 Dans les extraits (44), N.1.3, annexes, p118 à 124

parler également des références littéraires (livres ou revues).75 Dès le

majeures, les médias du paysage changent. La photographie, le cinéma, la télévision, …font que le paysage (ou son image) devient

démocratique et accessible aux plus grands nombres. La représentation

du paysage via l’image n’est plus seulement celle de l’artiste comme

expert, mais devient également un objet de consommation touristique. L’habitant ou l’étranger (qu’il soit touriste dans un but de découverte ou simple passant) éprouve un interêt nouveau pour le paysage qui l’entoure, dans sa réalité et sa pratique.

Y. Luginbühl décrit en 2000 un paysage qui se « socialise »76, lié aux

nouvelles considérations sur le paysage quotidien mais également

à l’accès plus grand à l’image de paysage via le voyage, le cinéma, et les médias. Alors, aujourd’hui, en 2017, qu’en est-il de cette démocratisation de l’accès au paysage via l’image?

La pratique de la photographie, pratique particulièrement présente dans les représentations paysagères77, s’est très clairement démocratisée et se partage de plus en plus, notamment sur les réseaux sociaux. Chacune des personnes que j’ai pu interroger ont un compte

Facebook, Instagram ou Pinterest sur lesquels ils vont poster des images paysagères de leurs voyages ou de leur quotidien. Et c’est alors par ces photographies que leur paysage peut apparaitre.

Suite à un entretien, un enquêté m’a spontanément envoyé une photo

qu’il avait prise récemment, et qui pour lui représentait un paysage. J’ai donc répété cette exercice avec les cinq enquétés. J’ai ici sélectionné deux photos que je mets en parallèle avec le résumé que j’ai effectué

comme une des méthodes d’analyses des entretiens78. Ces résumés synthétisent les principales orientations et définitions données par les interrogés.

68 69

Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000,p67 76 Ibid. ,p68 77 A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995> p72 78 Voir tableau des résumés des entretiens, N.1.6, Annexes, p132 75


53

54

Qui ?

Son paysage ?

. Justine

Justine propose une définition très personnelle du paysage, elle accorde

. Née en 1993

notamment beaucoup d’importance aux sentiments et émotions que ce dernier

. Vient des Vosges,

peut lui procurer. Pour elle, le paysage est synonyme d’une introspection, lieu

aujourd’hui à Châlons-enchampagne

vers lequel elle va et transpose ces émotions selon si elles sont agréables ou non. Le paysage est alors un espace sensible, l’espace des sens (la vue mais

. Habite à Lille depuis

également les odeurs associées aux souvenirs). Le paysage ne semble pas être

4 ans

un élément statique, mais beaucoup plus porté par des perceptions et des sensations. Le paysage est alors synonyme d’un mode de relation, d’une façon

. Etudiante en 4ème année

d’être au monde personnelle qu’elle affirme dans sa posture face à l’espace.

de paysage

Elle sépare également très clairement la ville, les espaces urbains et sa définition du paysage. « ça ne peut pas être de l’expérience de ‘vrai’ paysage. » Ce dernier se retrouve dans des espaces naturels et étendus, des paysages grandioses qui peuvent procurer des émotions fortes, tels que les montagnes synonymes alors de force et de hauteur. Le paysage semble alors peu présent dans l’espace du quotidien, mais existe dans l’expérience et dans l’émotion.

Qui ?

Son paysage ?

. Agnès

Agnès considère qu’il y a paysage lorsque l’espace qui lui fait face vient répondre

. Née en 1992

à un cadre et à une composition. Sa définition se rapproche tout d’abord

. Vient de Dunkerque,

d’espaces plutôt naturels où la marque de l’homme est faible, notamment dans

Téteghem . Habite à Lille depuis ses 18ans

_ FIG (3), Photographie représentant un paysage, Justine, ENTRETIEN (suite) N.1., voir p132, annexes

les paysages de campagne bucolique ou les paysages agricoles qu’elle apprécie pour leurs couleurs, leurs ambiances, leurs compositions… Elle cite notamment beaucoup d’espaces pittoresques, au caractère historique, influencée par sa pratique artistique et l’histoire de la peinture, qu’elle affectionne. Elle associe

. Etudiante en Master

la pratique du paysage à celle du dessin et de la peinture, ou tout du moins

Communication à Lille

à la posture d’observation qui permet de comprendre ce paysage dans sa composition et sa structure. Elle cherche également à saisir l’ambiance et l’essence du paysage. Il s’offre à la vue, tel le panorama ou la vue de sa fenêtre, il se compose d’éléments structurels différents, notamment le ciel auquel elle accorde une grande importance. Les paysages urbains apparaissent également dans sa définition dans leurs capacités à produire des compositions et des points de vue propices au cadrage. Elle privilégie les points de vue hauts pour observer l’espace, et qui lui offrent un sentiment de liberté face au lieu qu’elle regarde. Les espaces du quotidien semblent alors composés de nombreux paysages pour elle, auxquels elle associe des moments privilégiés, de pause, de réflexion, d’évasion,…

_ FIG (4), Photographie représentant un paysage, Agnès, ENTRETIEN (suite) N.1.6, voir p132, annexes


55

56

J’ai choisi de regarder ces photos pour elles-mêmes et comme le

prolongement du discours qui m’avait été donné durant les entretiens. Les deux photographies sont très clairement différentes. Tout

d’abord leur format : la première est carrée, alors que la deuxième est rectangulaire, orientée en paysage. Ensuite, le cadrage n’est

les émotions, elle pose également un regard personnel sur un espace assez banal. Par le biais de sa photographie, il est mis en valeur et

esthétisé. Agnès qui m’a beaucoup parlé de cadrage, de composition

et de paysages bucoliques choisit une photographie très maitrisée sur un beau paysage entre nature et culture.

pas le même : un cadrage resserré a été opéré pour la première

Ces deux photographies bien que très différentes montrent comment

les horizontales et les verticales viennent rythmer la composition.

le paysage qu’ils regardent. L’image devient également production

photographie, la deuxième présente un cadrage large dans lequel La composition justement montre également des différences. La

première photographie se compose majoritairement de deux plans : un premier, flou, qui est composé de branchages formant des tâches/ lignes et un deuxième, plus net, composé d’une formation boisée. La deuxième photographie se décompose en une multitude de plans :

au premier-plan, une plage de sable ainsi qu’une tour en pierre sur la

droite de la photographie, au second-plan, un château sur un éperon rocheux, puis une ville qui vient s’inscrire dans le fond de vallée. Cette

les interrogés par le biais de la production d’une image esthétisent de paysage et source de partage autour de ce dernier. Mais si la

photographie permet de garder la représentation du paysage vu79,

c’est la mémoire qui permet d’en garder l’instant. Je reviendrai sur cette temporalité dans la partie 2.

1. 2. 3. la représentation mentale qui désobjective le paysage

ville prend la lumière qui vient de la droite. L’arrière-plan se compose

Après avoir vu la question des « regards »80 par la vue ou par la

les gammes chromatiques sont également opposées, alors que la

paysage, je vais m’intéresser aux «valeurs»82 qui lui sont accordées.

de reliefs montagnards et d’un ciel bleu avec quelques nuages. Enfin

première photographie se décompose en tons de bleus, de gris et de

noirs, exprimant une ambiance froide, la deuxième accorde des tons

ocres, bleus et verts dans une lumière vive laissant transparaître une ambiance chaude.

Deux postures clairement différentes se distinguent. La première photographie cherche à poétiser l’espace qui est représenté par un

travail de flou et d’ambiances chromatiques. La deuxième photo se

veut plus conventionnelle et met en exergue les caractéristiques du paysage pour en dégager une harmonie.

Si je viens maintenant mettre en relation les photographies avec les synthèses réalisées des entretiens, je remarque que les deux postures

distinctes présentées se retrouvent dans leur choix de photographies. J’insiste ici sur le fait que c’est l’interrogé qui a fait le choix de sa

photographie représentant un paysage. Alors que dans l’entretien, Justine axe particulièrement son paysage en lien avec l’expérience et

constitution d’une image et donc une manière de considérer81 le Durant les entretiens, les interrogés accordent des valeurs à l’espace

qu’ils regardent selon plusieurs critères qui leur permettent de définir ou non s’il est paysage. Comment s’opère cette projection de valeurs sur l’espace et jusqu’où ?

Si j’ai déjà pu parlé des pratiques du paysage (1.1.3 : un espace à vocations multiples) qui peuvent alors être espace de loisir ou de espace de ressource, il est également sujet à une appréciation.

Dans les différentes projections qui en sont faites durant les entretiens, le paysage répond à différentes qualités : de beauté, de calme, de

pureté, … associées aux différents sens, et notamment la vue comme nous en avons déjà parlé précédemment. Ces paysages sont alors A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995> p57 80 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p2 81 Définition «regarder» Larousse, URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ regarder/67594, consulté le 02.04.17 82 J.-M. Besse, ibid., p2 79


57

sources d’émotions et de sentiments que l’interrogé vient mettre en avant : la sérénité, le repos, le calme… le bien-être dans cet espace qui devient alors un paysage porteur de sens. Je cite ici les propos de Justine83 : « pour moi c’est important, la façon dont je vais vivre

les choses, surtout les paysages, c’est vraiment beaucoup par rapport à mes émotions au moment où je voyage. » Certaines valeurs sont

alors présentes dans ces paysages, comme notamment la notion de liberté84. Le paysage apparait comme un besoin85 dans l’espace du quotidien sous forme d’aération, et dans l’espace exceptionnel comme une projection des émotions.

La notion de beau dans le paysage semble également importante pour les interrogés. En effet dans les différents discours, c’est toujours

de façon positive qu’ils abordent la question du paysage. Il est décrit comme « beau », « agréable », « joli », ce sont des adjectifs que l’on

retrouve très souvent dans les différents entretiens86. Peu d’interrogés

m’ont décrit des paysages qu’ils trouvaient laids, ou désagréables. Parfois, il ne trouvait pas ça très beau, je pense ici aux propos

d’Agnès lorsqu’elle décrit la vue en hauteur qu’elle avait sur Lyon. Dans son discours, on comprend qu’elle avait des difficultés avec les

compositions, et les éléments structurels de ce paysage parce qu’elle

en était trop éloignée. Je comprends donc qu’elle avait une difficulté à se projeter dans le paysage qu’elle apercevait et n’arrivait pas à le

« saisir ». Elle n’entretenait pas ici de relation avec l’espace dans lequel

elle était. Elle en était distanciée physiquement mais également dans sa façon de penser son rapport à l’espace.

Cela pose alors la question de la relation qui s’opère entre un individu et l’espace donnant lieu alors à l’expérience du paysage.

Extrait (39), voir N.1.4, p125 à 127 Extrait (56), voir N.1.2, p1116 à 117 85 Y. Luginbülh, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000, p33 86 voir tableaux des qualificatifs accordés au paysage, annexes, N.1.7, p133 83

84

.1


59

60

1.

Du concept

2.

a l’expérience

Les différents discours que j’ai récoltés qu’ils soit oraux, textuels ou

Le paysage est une expérience.

peut prendre la définition du paysage selon plusieurs individus. Si

Selon Erwin Straus, le paysage est de l’ordre du sentir qui caractérise

telles que celui-ci considéré comme un objet naturel peu anthropisé

l’espace basé sur le sentir qui précède au percevoir. Le percevoir serait

graphiques permettent ainsi de retracer différentes orientations que elles font émerger plusieurs caractéristiques redondantes au paysage où la perception déformée par la projection d’une image sur l’espace

l’expérience. Il se contruit alors dans une relation individuelle avec influencé par les références et les codes pré-établis.89

vient mettre en exergue le lieu pour ses qualités esthétiques, ou

Comme l’explique J.-M. Besse dans Voir la Terre, six essais sur le

découvertes, des émotions sans lesquelles il n’existerait pas, ces

paysage précéde et offre à l’individu une façon d’être au monde.

alors le paysage comme un espace pensé pour des activités, des définitions semblent répondre d’une certaine forme de stéréotypes de

paysage et la géographie90 lorsqu’il parle des théories d’E. Straus, le

ce qu’est le paysage. Le paysage répondrait alors à des catégories et

Cette façon de considérer le paysage est alors en rupture avec des

Sensibilités paysagères, Modèles paysagers ?87.

étendue naturelle ou le paysage comme regard sur le monde. Mais

des modèles, comme tente d’en établir Y. Luginbühl dans sa recherche

Pourtant comme j’ai pu le dire en introduction, le discours de chaque interrogé à été différent puisque les questions qui ont été posées

cherchaient justement à affirmer la part de subjectivité en utilisant la

mémoire comme support du discours. Le paysage s’exprime alors dans

l’expérience, dans l’espace vécu. La définition appelle à l’exemple, celui-ci issu du souvenir d’un paysage, qui par sa perception à été intégré à sa mémoire.

Ainsi si le paysage peut être « objectivé » par sa matérialité et « subjectivé »

considérations développées précedemment, le paysage comme

ici le paysage tient un rôle différent, de l’ordre de la relation. Ce n’est pas quelque chose que l’on regarde de loin ou d’un point haut et que l’on cadre, mais c’est un lieu à vivre, un lieu proche. C’est un lieu qui

dépasse le cadre, comme l’exprime par sa gestuelle cette personne

que j’ai interrogé dans le cadre d’un retour sur le site du Canal de Roubaix :

« Pour moi, le paysage c’est plus une grande étendue [écarte les bras], avec un horizon, vous voyez ? » _ EXTRAIT (x) ECHANGES PARCOURS COMMENTE, N.2.7.1, voir Annexes, p150 à 154

par sa lecture et les projections qu’il vient porter, il peut également

être désobjectivé et désubjectivé88 pour ne devenir qu’expérience. En

effet, en plus d’être une réalité matérielle, le paysage est l’espace des

sens. C’est notamment l’expérience sensorielle de l’espace, le chaud,

Le paysage n’est plus un lieu, il est un événement91.

le froid, le son, les odeurs, les lumières, en plus d’un lieu et d’une

image que l’esprit vient accoler, qui vient permettre cette rencontre. Les domaines de la sociologie, de l’histoire des sensibilités et de la

phénoménologie ont fait apparaitre le paysage comme permettant d’entrer en rapport direct et immédiat avec les éléments sensibles qui le composent.

E. Straus, Du sens et des sens, Grenoble : Ed. Jérôme Million, Grenoble, 2000, p335 J.-M. Besse, Voir la terre. Six essais sur le paysage et la géographie, Arles : Ed Actes sud, 2000, p121 91 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p17 89

Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers, Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000, 113p 88 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p17 87

90


2.


64

La relation entre l’individu et le paysage : quand l’expérience se raconte

2.


65

66

2.

La relation entre l’individu et le paysage : quand l’expérience se raconte Michel Corajoud, paysagiste français (1937-2013) particulièrement

influent dans l’évolution de la profession, explique notamment que pour lui, le paysage c’est « le lieu du relationnel où toutes les localités ne sont compréhensibles que par référence à un ensemble qui s’intègre, à son tour, en un ensemble plus vaste »92. Le paysage prend

son indépendance de la seule lecture par le regard. Ici, il est ensemble,

2. 1. Les temporalités du paysage Si Anne Sgard présente le paysage comme une rencontre94 entre un individu et un lieu, se pose alors la question de la temporalité

de cette rencontre. Deux temporalités se distinguent dans les récits d’expériences au sein des entretiens, les temporalités courtes où

le paysage est synonyme d’instantanéité et de découverte, et une temporalité beaucoup plus longue qui permettrait de saisir le paysage

dans ses multiples composantes, induisant alors différentes façons d’être au monde et avec le paysage.

mais il est également relation, en son sein et avec la personne qui va être devant lui, ou plutôt être avec lui.

Je fais ici appel à la référence cinématographique. De décor ou

figurant, le paysage devient acteur qui dialogue avec l’interrogé. Ce

dialogue peut alors être plus ou moins intense, faire appel à divers protagonistes que sont les références culturelles, sociales, sociétales

pour en enrichir la conversation, dans un temps donné pendant lequel l’interrogé sera plus ou moins ouvert à l’échange et disponible93.

Mais comment alors venir filmer ce dialogue si personnel et exclusif?

Et comment le récit de l’expérience permet de faire partager cette expérience paysagère ?

Dépassant les définitions et les concepts qui sont attribués au mot paysage ou nature, je vais maintenant m’intéresser à la façon dont le

dialogue qui s’instaure dans l’expérience paysagère est raconté, pour

comprendre les outils narratifs de cette relation au paysage. Pour cela je vais m’intéresser aux différents temporalités qu’appelle l’expérience paysagère et à l’usage de la mémoire dans le récit.

2. 1. 1. du dépaysement à l’espace quotidien : quand le paysage apparait Comme je l’ai abordé à la fin de la partie 1., le paysage parfois devient

le lieu de projections personnelles sur l’espace. Ces projections associées à un moment sont souvent présentées comme une recherche

de rupture avec l’espace quotidien et son paysage « ordinaire »95. Cela se traduit alors dans le dépaysement et la recherche d’un espace que

les différents interrogés ne pratiquent pas habituellement: « Tu vois

le premier truc, c’est plus l’étranger qui me vient. »96. Tous, dans leur

propos sont à la recherche de découverte de paysage grâce à leurs

déplacements ou leurs voyages, souvent en opposition avec leur

quotidien (les paysages dans le quotidien sont abordés par la suite). Cette recherche de découverte dans le paysage se traduit à différents niveaux. Tout d’abord, dans le vocabulaire qui est choisi pour raconter les différentes expériences de paysage exceptionnels : les verbes

« sortir », « partir » ou « aller » reviennent le long des entretiens. Ensuite

trois interrogés (Elisa, Louis et Agnès) dont les récits de paysage étaient particulièrement orientés vers l’expérience du lieu me citeront

par exemple beaucoup de lieux et de paysages qu’ils ont découvert lors de voyages, ou de vacances97.

A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995> p54 95 J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p8 96 Extrait (52), N.1.1, annexes, p112 à 115 97 Voir Tableaux des lieux cités, N.1.8, annexes, p134 94

M. Corajourd, « Le paysage c’est l’endroit ou le ciel et la terre se touchent », dans F. Dagonet, Mort du paysage ? Philosophie et esthétique du paysage, Paris : Ed. « Champ Vallon »1981, [version en ligne], URL : http://corajoudmichel.nerim.net/10-textes/01-le-paysage-est.htm, consulté en avril 2017 93 T. Paquot, Le paysage, Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016, p7 92


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Les interrogés cherchent à être ébranlés par le paysage qu’ils

pratiquent . Par exemple, certains paysages sont cités pour leurs 98

caractéristiques grandioses, comme les paysages de montagnes que peut citer Louis lors de son expérience dans le Mercantour. Dans la description du paysage qu’il va observer au lever du soleil, il va

mettre en avant les structures paysagères majeures qu’il regarde : « énorme crête rocheuse qui donnait sur tout le fond de vallée » dans

un « paysage très très aride, super escarpé », il répètera par deux fois les « crêtes rocheuses qui se découpaient comme ça sur le ciel ! », ces

A travers cet extrait, Elisa aborde l’idée que l’expérience paysage

demande de « partir », sous-entendant alors que ce n’est pas quelque chose qui vient d’emblée à soi mais qui se découvre, s’expérimente

justement. Le dépaysement ne résume pas seulement à une destination

inconnue ou à un changement d’habitudes, mais demande également de se perdre (J.-M. Besse) dans le paysage qui devient lui-même

dépaysé (je reviendrais sur ce paysage inssaisissable dans les deux parties suivantes).

dernières ont impressionnées son regard. Justine, elle, mettra l’accent

Elle met en exergue dans la deuxième partie de l’extrait une impossible

de ce lieu comme d’une expérience forte « parce que c’était la première

exceptionnel et répondrait de l’expérience paysagère et, un espace plus

sur l’expérience inédite qu’elle a eu en Georgie, elle parle notamment fois que [elle] voyai[t] d’aussi près de la neige éternelle »99, elle n’en

n’avait pas l’habitude malgré les différentes randonnées qu’elle avait pu faire dans différents pays et lieux.

L’espace ordinaire serait-il alors différencier de l’espace du paysage,

puisqu’il faudrait qu’il y ait quelque chose d’inconnu, d’inattendu, ou de grandiose rendant l’expérience assez forte pour en faire une

séparation entre, d’un côté un paysage qui serait grandiose ou

banal ou quotidien dans lequel il ne pourrait y avoir d’interrelations entre le lieu et l’individu. Elle assimile ici l’expérience de paysage à une démarche, plutôt que de la limiter à des typologies d’espaces : être

dans la recherche, et être ouvert et disponible à ce qui se passe autour de

soi, aussi bien dans les espaces que l’on pratique exceptionnellement, que dans des espaces qui seraient plus quotidiens.

expérience paysagère ?

Le paysage à travers le dépaysement peut s’exprimer dans une autre

« J’ai été dépaysée (…) je peux être dépaysée à Lille. »

temporalité que celle du paysage événement. Je pense ici au récit

_ EXTRAIT (133) ECHANGES N.1.1, voir p112 à 115, annexes

d’un voyage de plusieurs mois effectué en Nouvelle-Zélande, je lui

Cet extrait du discours d’Elisa me permettant d’introduire le rapport au

voyage . Malgré la durée particulière du voyage, elle appuie l’idée

effet, originaire du nord de la France, elle parle de Lille comme étant

d’Elisa. Durant l’entretien lorsque nous abordons son expérience

demande son rapport au quotidien qui a pu s’installer durant ce 100

que le fait d’être dépaysée « a duré longtemps (…) ne s’est pas perdu. » Elle précise également que « l’attention était la même »101.

« Tu pars à la découverte (…) Quand tu es dans la démarche de bouger, de découvrir des endroits. C’est pas qu’ils se sont imposés à toi, c’est toi qui va les chercher. Du coup, tu regardes… C’est comme quand tu vas en vacances, même si c’est ton quotidien. » _ EXTRAIT (30 & 60) ECHANGES N.1.1, voir p112 à 115, annexes Pascal Sévérac, « Mélancolie joyeuse du paysage », La Vie des idées, 15 février 2012. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Melancolie-joyeuse-du-paysage.html, consulté en novembre 2016 99 Extrait (25), N.1.4, annexes, p125 à 127 100 Extrait (50 à 60), N.1.1, annexes, p112 à 115 101 Extrait (58), N.1.1, annexes, p112 à 115

98

paysage dans l’espace plus quotidien, exprime quelques paradoxes. En une ville qui peut la dépayser, alors qu’elle exprime plus haut dans

l’entretien que c’est une ville qu’elle connait bien et dont elle a une

« vision globale de loin »102 qui constitue son « quotidien »103. Alors

que j’ai présenté l’expérience paysagère liée au dépaysement présent

dans l’exceptionnel et le lointain sur les propos même d’Elisa, elle

répond pourtant oui à la question si elle pouvait être dépaysée à Lille, et donne différents exemples de lieux dans lequel elle a pu avoir des expériences paysagères qu’elle associe au dépaysement104.

102 103 104

Extrait (119), N.1.1, annexes, p112 à 115 Extrait (121), N.1.1, annexes, p112 à 115 Extrait (129), N.1.1, annexes, p112 à 115


69

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Ainsi, je remarque que certains espaces plus communs, ou plus

« ordinaires » peuvent être regardés et considérés comme des paysages. Ils sont pour la plupart associés alors à des espaces naturels s’ils sont un cadre urbain.

Elisa me fera notamment la description du Canal de Roubaix, à côté de chez elle à Marcq-en-Baroeul105 qui s’apparente pour elle à un paysage

grâce à la présence de l’eau, de la végétation, d’animaux,… qui lui permet de couper avec son quotidien, et lui offre un espace qu’elle peut pratiquer à pied ou en courant régulièrement.

D’autres espaces quotidiens sont également présents, je m’appuies ici sur l’entretien réalisé avec Agnès pour qui la plupart de ses propos sur le paysage étaient liées à son expérience de lieux précis.

Alors qu’elle présente dans un premier temps des paysages de campagnes assez bucoliques et naturels, elle décrit également de nombreux espaces urbains qu’elle pratique ou pratiquait quotidiennement dans ses paysages. Elle décrit alors des vues de

ses fenêtres, sur la rue Inckermann 106, mais également de sa fenêtre

actuelle de chambre, qu’elle décrit de façon détaillée et dessine en plan (FIG (1)), (dessin et description réalisée à partir du souvenir du lieu) :

_ FIG (5), Dessin de la vue de sa chambre réalisé par Agnès, ECHANGES N.1.5, voir p131, annexes

« Par exemple, de ma chambre, j’adore la vue que j’ai. Bah en fait, du coup, ça donne sur la cour. En fait, en gros il y a la cour qui est en bas. Là tu as d’autres cours, là tu as des arbres qui sont dans une cour. Et au loin, là tu as juste deux maisons. [je lui donne à nouveau de quoi dessiner] Là ça fait ça. En fait, je vais te le dessiner à plat. Ma chambre elle est là, là tu as la cour, là tu as une maison. Là tu as une grande cour, qui doit être séparée, il y a pleins d’arbres. Au fond, tu as d’autres maisons. Et en fait là, il y a des cheminées, ça coupe un peu le paysage. Et encore loin, tu as une grand tour. En fait je vois tout ça, là tu as une autre cour derrière… Enfin, tu as pleins de cours, pleins de petits jardins. Et là tu as un balcon qui à l’air trop bien. Tu as pleins… En fait ce qui est cool, c’est les arbres. Ils ont pas mal d’arbres et ils sont assez colorés, ils sont fleuris tout le printemps, du coup c’est chouette. Et le soleil se couche de ce côté là donc j’aime bien. » _ EXTRAIT (133) ECHANGES N.1.1, voir p112 à 115, annexes

105 106

Extrait (24), N.1.1, annexes, p112 à 115 Extrait (48), N.1.5, annexes, p128 à 131


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Ils n’arrivent pas à trouver cela dans les aménagements de la ville

Son aisance à vouloir représenter graphiquement et à décrire avec

qu’ils côtoient, Louis lorsqu’il parle de sa ville actuelle : « en terme de

précision l’espace à travers sa fenêtre montre le rapport très familier

paysage comme ça, ... bah j’en ai pas encore trouvé»109.

qu’elle entretient avec le lieu : elle le connait selon les saisons et les heures, elle sait le spatialiser : « là tu as, (…), là tu as, (…) là tu

Comment alors cette expérience de paysage prend-elle corps ? Comme

mais c’est plutôt le geste qui m’intéresse ici. Son envie de représenter

à l’espace ?

as ». La richesse de sa description n’est pas présente sur son dessin,

exprimé déjà à plusieurs reprises, elle dépendrait d’une disponibilité

l’espace par le dessin montre un engagement personnel envers ce

lieu si familier pour elle. Comme déjà vu précédemment (partie 1.)

pour Agnès le paysage se rapproche beaucoup de la construction d’un

2. 1. 2. S’arrêter ou se déplacer dans le paysage ?

tableau. Son quotidien devient alors paysage : « Mais je sais pas si tu le

Suite aux récits d’expériences de paysage qui m’ont été racontées

de l’espace qu’elle observe. Son espace quotidien n’est plus seulement

postures face au paysage qui favorisent l’expérience paysagère : la

comptes dans le paysage. »107 par la mise en image qu’elle se propose

dans les entretiens et dans le parcours commenté, je distingue deux

banal mais entre presque dans l’extra-ordinaire . Grâce aux filtres

contemplation, c’est-à-dire l’arrêt face à un paysage, et la marche, soit

108

qu’elle vient mettre sur son espace familier et sa disponibilité offerte

à l’intérieur même du paysage, soit pour arriver au paysage.

à ce qui l’entoure dans les moments où elle observe (ou pense), le quotidien vient prendre une nouvelle forme, celle d’un paysage.

Dans un premier temps, le paysage est un espace que l’on contemple.

La pratique répétée des lieux qu’Elisa et Agnès disent connaitre

est associé à une vue panoramique dégagée, c’est une posture

Comme déjà dit précédemment (voir 1.1.), lorsque le paysage regardé

parfaitement, joue-t-elle également de leur considération comme un

d’observation prolongée qui lui est favorisée, et donc un moment

lieu de paysage, puisqu’une relation vient s’instaurer entre elle et

d’arrêt. Je pense particulièrement à l’entretien réalisé avec Louis110

l’espace ? (j’y reviendrais dans la partie suivante)

lorsqu’il raconte avoir découvert un paysage montagnard au lever du

soleil qu’il a observé pendant un certains temps. Il le décrit par de

Cependant, ce rapport avec l’espace quotidien comme pouvant devenir

nombreux détails d’observations et parle de l’ambiance du lieu grâce

des paysages par le biais de l’expérience sous forme de relation entre

à son expérience d’observation prolongée. Agnès associe également

la personne et le lieu n’est pas présent dans tous les entretiens. Par

clairement l’observation comme posture privilégiée pour appréhender

exemple, dans l’entretien avec Julia, l’expérience des lieux est peu

le paysage :

mise en avant, peut-être parce qu’elle est plus inconsciente. Dans les

entretiens avec Louis et Justine, l’opposition entre espace quotidien et espace occasionnel est majeure, d’une part parce qu’ils opposent très

nettement ville et paysage (et qu’ils habitent tous les deux en milieu

urbain) et d’autre part parce que leur expérience de paysage semble

« En fait c’est un paysage qui j’aimerais peindre. Je voudrais l’avoir devant moi et Ag.

me poser, et donc le peindre. Et donc, par rapport à ce paysage là. Tu dis, tu veux le peindre, donc tu ne veux

A.

devoir être forte : comme un paysage qui les happe.

pas te balader dedans ? Bah je pense que, si je veux saisir l’instant le plus loin possible, saisir ce moment là

Ag.

avec une bonne lumière, un bon moment. Souvent vers la fin de la journée quand le soleil commence à descendre.»

Extrait (48), N.1.5, annexes, p128 à 131 R. Bertho (Resp.) Mon paysage au quotidien, une pratique ordinaire?, Rapport de recherche, Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Septembre 2014

_ EXTRAIT (32 à 34) ECHANGES N.1.5, voir p128 à 131, annexes

107 108

109 110

Extrait (26), N.1.3, annexes, p118 à 124 Extrait (92 & 94), N.1.3, annexes, p118 à 124


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Ici par exemple, le lieu qu’elle regarde et qu’elle m’a précédemment

soient le fruit de la production d’une image ou l’image projetée sur le

montagne avec quelques maisons anciennes aux toits en tuiles et de

représentation naturelle (ou en donne l’impression par sa végétalisation

décrit, un paysage de campagne où l’on peut à la fois voir la mer et la

la lavande, est un espace qu’elle a envie de peindre, pas seulement

pour en garder une image, mais également dans le but de le « saisir ». Le temps accordé à l’observation du lieu est alors pour elle un moyen d’entrer dans le paysage et de le faire sien. Notamment liée à sa façon

de se projeter dans le paysage comme expliqué dans la partie (1.2.), Agnès est souvent dans une attitude de contemplation lorsqu’elle

parle de paysage : un paysage vu de sa fenêtre , un paysage vu de la 111

« dune du Pilla »112, cela étant associé à la mise en valeur de la vue dans les expériences paysagères.

La contemplation qui donne le primat à la vue permet également

lieu en lui-même) est influencée par l’art pictural. Le paysage est une abondante), alors que le paysage urbain est une notion récente liée aux modes de pratiques de cette espace. Le premier paysage serait

associé à la contemplation et à la vision panoramique, alors que le

deuxième répondrait d’un autre mode d’être au paysage qui se situe

dans le déplacement. Le paysage urbain devient un lieu à traverser, visiter,… un espace en mouvement. En comprendre la consistance

demanderait d’être également en mouvement117. Si différencier

paysage urbain et paysage me semble intéressant, je constate que cela ne peut s’appliquer de façon aussi rigoureuse. Agnès me parle notamment d’un paysage urbain dans un moment de contemplation.

dans sa façon d’arrêter la personne dans l’espace, d’ouvrir l’expérience

Cette façon de pratiquer le paysage en mouvement est également

préférences, mais également d’ouvrir vers les ambiances du « paysage

de pratiques différentes de l’espace. Tout d’abord, cette pratique

paysagère vers d’autres sens que l’interrogé va mobiliser selon ses atmosphérique » . Par exemple, dans la description de Louis, la 113

lumière changeante est particulièrement fondatrice de son expérience de paysage114.

La contemplation n’est pas passive, mais active. Elle permet de

comprendre un paysage, de le « saisir » dans sa globalité comme dans ses détails, tout comme elle offre aussi la possibilité d’un

moment. Le paysage est alors un temps d’arrêt pendant lequel on

une posture que je retrouve dans mes différents entretiens et répond est souvent liée aux espaces de paysages plus quotidiens (comme

expliqué précedemment). Les pratiques sont donc diverses, tel que la

balade, ou la marche de randonnée (plus sportive), la course à pied, … où le paysage n’est pas seulement un espace dans lequel l’interrogé

est distancié par sa posture ou ses sens, mais où il participe du lieu, l’expérimente physiquement.

peut le photographier, le dessiner ou le décrire. Sans cela, selon H.

Je vais distinguer deux marches dans le paysage : une première liée

de l’espace quotidien attaché au pays : l’espace dans lequel on vit115.

exemple où c’est la recherche du paysage qui est mis en avant, où

Cueco, il ne peut être considéré comme paysage mais répond plutôt

L’influence de la production d’une image est donc forte. Je reprend les

propos d’Agnès : « c’est un paysage (…) à peindre »116. Thierry Paquot, explique que cette façon de considérer le paysage quand il est mis

exergue par ses couleurs, ses compositions, ses perspectives (qu’elles Extrait (48 & 74), N.1.5, annexes, p128 à 131 Extrait (48), N.1.5, annexes, p128 à 131 113 Anne Sgard cite Claude Reichler ici dans A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995> p53 114 Extrait (48), N.1.3, annexes, p118 à 124 115 H. Cueco, «Approche du concept de paysage» dans A. Roger (dir.) La théorie du paysage en France, paris : champ vallon, 1995, p169 116 Extrait (32), N.1.3, annexes, p118 à 124 111 112

à la découverte d’un « grand paysage », dans le cadre d’un voyage par

l’interrogé « va (…) chercher »118 les paysages; une seconde liée à la promenade dans un espace plus quotidien ou plus banal, tel que les parcs, les bords à canaux…

Selon J.-M. Besse, au même titre que la contemplation qui peut offrir

un moment de réflexion sur ce qui est autour mais aussi ce qui est en nous, « la marche pourrait constituer un exemple fondamental de cette expérience de paysage : et plus précisément un moment particulier

qu’est la fatigue dans la marche, fatigue qui n’est ni épuisement, ni 117 118

T. Paquot, Le paysage, Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016, p5 Extrait (60), N.1.1, annexes, p112 à 115


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lassitude, mais qui restitue au corps sa disponibilité, et, sa porosité

vis-à-vis du monde »119. Pour expérimenter ce rapport à l’espace via la marche et les modifications qu’elle peut engendrer sur le discours

de paysage, je me réfère au parcours commenté que j’ai réalisé avec

« Parce que c’est un peu répétitif, un peu monotone, tu as un peu la marche automatique. Pas désagréable d’ailleurs je trouve. Quand tu te balades, c’est un peu ça, tu ne réfléchis pas trop, tu n’analyses pas. »

Elisa notamment. Ce parcours commenté s’inscrit dans ma recherche

méthodologique autour du discours sur le paysage. Au vue de son regard et de la valeur qu’elle accorde au lieu, Elisa considère ce bord à canal aménagé à Marcq-en-Baroeul comme du paysage : « C’est un

endroit où je vais courir de temps en temps, c’est le long de la Marque.

(...) Quelque fois, j’y vais en courant ou en vélo et je vais un peu plus loin.»120

Dans sa description du lieu, ce sont les éléments naturels, ou une

anthropisation en déclin qui font du lieu un paysage (voir partie 1.1.2. un objet naturel où l’homme ne doit pas être présent), mais elle sous-

entend également une pratique répétée (voir 2.1.3: l’expérience dans

la répétition ?) du lieu par le biais de la marche ou de la course qui appuie ce site comme paysage. J’ai donc cherché à confirmer cette intuition de l’importance du déplacement dans le lieu pour lui donner

_ EXTRAIT (104) ECHANGES N.1.5, voir p128 à 131, annexes

La marche vient modifier la perception du paysage, offre une nouvelle

forme de disponibilité du corps à l’espace, et une prise de conscience de l’espace vécu. Bien que lors du parcours commenté, on ne puisse

par parler de véritable « efforts physiques », le temps de la marche au dessus d’une demi-heure a semblé offrir de nouvelles impressions sur le lieu. Cette idée de l’expérience du paysage par l’effort transparait

dans sa pratique de la course à pied mais aussi dans les récits d’expérience qu’à pu faire Louis, notamment lorsqu’il dit que le paysage

est le lieu du challenge et qu’il se « mérite », comme dans le voyage en

marchant qu’il décrit. A travers l’effort physique, il cherche à se rendre disponible au paysage dans une relation corporelle, éprouver le lieu physiquement.

son sens de paysage en réalisant avec elle le parcours commenté de sa promenade régulière.

Durant cette balade qui a durée environ 1h15 qu’Elisa réalise en

courant habituellement en 30 minutes environ, j’ai pu ressentir cette fameuse « fatigue, (…) ce moment particulier » dont parle J.M.Besse dans son ouvrage121.

Dès le retour, la marche s’est faite plus automatique, liée à la linéarité

du parcours et la parole moins présente pour Elisa comme pour moi. J’ai également choisi de relancer moins souvent pour permettre de

se détacher des seuls éléments visuels marquants sur le parcours. La

marche nous a porté chacune dans une réflexion plus personnelle. Elisa me fera même cette remarque :

2. 1. 3. l’expérience dans la répétition

Comme je l’ai abordée au début de la partie 2. (2.1.1 : du dépaysement

à l’espace quotidien : quand le paysage apparaît), si l’expérience de

paysage se réalise souvent lors du dépaysement qui passe par un événement particulier, source d’inattendu et d’exceptionnel, cette

dernière peut également s’incarner dans une toute autre temporalité: celle de la répétition.

Lorsqu’Elisa m’a décrit un paysage quotidien et qu’elle m’en a parlé

comme étant un lieu qu’elle fréquentait régulièrement, j’ai souhaité pouvoir réaliser avec elle un parcours commenté sur cette portion du

Canal de Roubaix. Si elle exprime clairement que si elle a choisi ce lieu pour aller courir, c’est parce qu’il est à côté de chez elle et que

c’est plutôt pratique, elle ajoute également que c’est un espace qu’elle apprécie et qu’elle veut continuer à pratiquer, notamment qu’elle n’irait

pas dans un autre lieu puisque dans celui-ci, elle y trouve du calme, associé à un cadre naturel qui lui offre une coupure avec le cadre de 119 120 121

J.-M. Besse, Le goût du monde, exercices de paysage,ENSP : Ed Actes sud, 2009, p51 Extrait (24), N.1.1, annexes, p112 à 115 Ibid.

la ville. Durant l’entretien, j’ai pu remarquer qu’elle connaissait très bien ce tronçon puisqu’elle le pratique parfois en marchant (mais


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c’est rare) mais surtout en courant. La pratique de la course, et l’effort

avec lui plus que je ne lui appartiens. Il se donne à moi et je sais le recevoir,

produit l’a rendu plus présente à la notion de distance parcourue et

(…) je suis disposé et disponible à accueillir sa magnificence. (…) Mon

aux séquences de sa course.

expérience du paysage se révèle alors intime, personnelle, intransmissible, impartageable. » 125

Lors du parcours, régulièrement, elle me donnait des détails sur le lieu

suite à sa pratique réguliere, par exemple le sol qu’elle décrit, ou la présence d’un kayak orange, ou encore les jardins qu’elle remarque et

Dans cette citation, il exprime son rapport au paysage, qui recoupe

éléments visuels que nous allons croiser, les ponts, les terrains de

image ou une lecture d’un paysage), ni un dehors (l’espace paysage)

permet également de prendre conscience selon elle des saisons et

tient alors un rôle majeur comme cela se retrouve dans la narration

créent des différences de sol122,…, ce qui rend notamment agréable sa

également dans des dispositions propres qui peuvent être multiples

qu’elle apprécie. Elle est également en capacité de prévoir les différents

cette façon de considérer le paysage comme n’étant ni un dedans (une

sport, ou les entreprises. Parcourir ce paysage régulièrement lui

mais un entre-deux qu’il faut savoir appréhender. La disponibilité

du temps. Elle remarque la végétation qui verdit, les intempéries qui

des expériences paysagères. L’interrogé à un moment particulier,

balade. Elle répètera pendant la balade un très grand nombre de fois

va comme rencontrer126 un paysage (lui aussi particulier).

Puisqu’elle connait le lieu dans sa morphologie et dans ses étapes, elle

Si T. Paquot considère cette expérience comme «impartageable», je

alors lui procurer : « J’ai l’impression de plus profiter. De presque avoir

l’expérience du lieu. Même si cette dernière est personnelle, elle est

« j’aime bien ».

semble plus attentive aux ambiances et aux sensations qu’elles vont

pense qu’on contraire, elle est partagée, puisque tout à chacun fait

plus d’attention à ce qui m’entoure que lorsqu’il fait moche » 123.

inscrite dans un lieu spécifique pratiqué par plusieurs personnes. Je

L’expérience répétée du lieu permet d’en voir les évolutions, de garder

particulier et à chercher à en comprendre les spécificités qui font ou

se remémorer par la suite. Pourquoi n’y a-t-il pas de lassitude dans

les visites au bord de canal de la Marque, préférant le discours sur le

est mouvant, sans cesse changeant, comme le précise notamment

si l’expérience et la définition du lieu comme paysage n’étaient par

citation de Thierry Paquot qui parle à la première personne et qui

autour du lieu semblait comme créer du sens à ce paysage, et que les

ne me suis pas intéressée dans ma recherche à m’attacher à un lieu

alors en mémoire des moments de ce paysage que l’interrogé va

feront expérience, j’ai seulement effleurée la question d’un lieu avec

cette pratique qui vient en quelque sorte épuiser le lieu ? Le paysage

lieu que le lieu en lui-même. J’ai tout de même remarqué que même

Agnès124, même dans le paysage ordinaire. Je me réfère ici à une

partagées par les usagers que j’ai pu y rencontrer, une forme d’habitude

raconte son paysage:

expériences spatiales (plutôt que paysagères peut-être) individuelles

« Un paysage vu me touche, non pas comme une oeuvre picturale en vrai (in situ) qui me révèlerait le visible au lieu de le reproduire, mais parce qu’ils mobilisent tous mes sens, différemment certes, mais ensemble. Cette globalité sensorielle constitue une unité sensible (…). Milles et une

de chacun permettaient à ce lieu de rattacher un passé et un présent.

Mes recherches m’ont permis cependant de remarquer clairement que

plusieurs formes de discours permettaient de partager l’expérience personnelle du paysage, notamment par le biais du récit.

sensations m’envahissent et me ‘paysagisent’, je deviens paysage à mon tour, (…) j’appartiens au paysage que je ressens, je ne suis plus simplement un regardant qui, de l’extérieur, découvre l’intérieur du paysage, mais je fais corps 122 123 124

Extrait (31), N.2.1, annexes, p136 à 146 Extrait (45), N.2.1, annexes, p136 à 146 Extrait (36), N.1.5, annexes, p128 à 131

T. Paquot, Le paysage, Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016, p107 Anne Sgard cite Claude Reichler ici dans A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995> p53

125 126


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80

2. 2. Le récit de l’expérience

2. 2. 1. les souvenirs de l’enfance dans l’expérience du paysage

Si l’expérience se vit, son prolongement vient également se faire

Durant la phase d’entretiens, j’ai pu interroger plusieurs personnes

comment les relations paysagères peuvent s’opérer entre un individu

les lieux pratiqués ou explorés durant l’enfance ont été marquants dans

par le biais de son récit. Comme le dit J.-M. Besse lorsqu’il explique et l’espace127, l’usage de la parole permet de faire prendre corps

à l’expérience déjà réalisée. Que ce récit se situe in situ, lors d’un

dialogue entre deux observateurs d’un paysage qui partagent sur ce

qu’ils voient, ce qu’ils pensent, ce qu’ils comprennent de l’espace (ou même peut-être des conversations tout autre?), ou qu’il permette de

raconter le paysage à autrui dans le cadre d’un conversation ou d’un récit construit, comme dans un livre ou une poésie, ce dernier permet

dont les expériences paysagères ont été variées129. J’ai pu constaté que leur mémoire paysagère. Lorsque, au début de l’entretien, j’en appelle aux souvenirs d’enfance pour parler d’espace ou de paysage, ce sont

les moments quotidiens en famille pour la plupart qui viennent à être décrits. Je pense par exemple à l’entretien N.1.3 réalisé avec Louis, qui

raconte ses souvenirs liés à un lieu qu’il a exploré de nombreuses fois, qui lui est devenu familier, et qu’ils trouvent beau :

de faire vivre et de donner du sens au paysage même.

« Ça c’était bien, tu vois, ça m’a marqué parce que on a été souvent, et que

Mais « quelle est cette parole qui pourrait restituer ou (…) prolonger

c’était toujours ensemble, et tout ça … peut-être que je n’aurais été qu’une

différents récits de paysage que j’ai pu récolter ? Cela demande alors

marquerait pas ! Je trouverais pas ça beau par exemple. »130

fois dans ma vie, je m’en souviendrais pas... Et que si j’y allais, ça me

l’expérience paysagère ? »128. Et comment est-elle exprimée dans les

de poser un autre niveau d’analyse sur les entretiens : « comment est raconté l’expérience du paysage ? ».

Il attache de l’importance à ce paysage qu’il a décrit précédemment

Dans le cadre d’une démarche d’entretien, le discours des interrogés

familial, un souvenir qui lui est aujourd’hui cher. L’idée d’une

trouve mobilisée différemment selon les interrogés, la capacité de

enfant a alors marqué ses futurs expériences paysagères comme il le

de faciliter à parler du rapport architecture/paysage que de décrire des

jouer] »131.

prolixes dans leurs descriptions, notamment lorsqu’ils mobilisent leur

La notion de jeu dans le paysage de l’enfance est transversale dans

parce qu’il est synonyme d’une pratique particulière et d’un moment

est très clairement influencé par leur mémoire. Cette dernière se

expérience répétée de ce paysage, de son terrain de jeu lorsqu’il était

certains interrogés est inégale. Julia dans l’entretien N.1.2, aura plus

présente lui-même : « le paysage fait pour ça [comprendre ici pour

souvenirs de paysage qu’elle a vécu. D’autres interrogés seront très mémoire sensorielle et corporelle.

les récits. Agnès, dans l’entretien N.1.4 parle de la cour de l’école où elle jouait132. Julia dans l’entretien n°2 parle, elle, des moments où elle jouait avec sa soeur dans son jardin133, ou encore Elisa lors de

l’entretien N.1 décrit le parc en bas de son immeuble134, ou la forêt de Fontainebleau, lieu de jeu avec son frère135. Une grande part d’affectif

dans la narration de ses souvenirs est exprimée. Instants de jeux, ou 129 130 131

J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », retranscription de la conférence, dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p18 128 Idib. 127

132 133 134 135

Certaines informations sur l’interrogé ont été données hors cadre de l’entretien. Extrait (26), N.1.3, annexes, p118 à 124 Extrait (24), N.1.3, annexes, p118 à 124 Extrait (10), N.1.1, annexes, p112 à 115 Extrait (14), N.1.2, annexes, p116 à 117 Extrait (8), N.1.1, annexes, p112 à 115 Extrait (12), N.1.3, annexes, p118 à 124


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82

lieux des vacances, ils forment le rappel d’un moment en famille, d’un

2. 2. 2. La mobilisation de la mémoire dans l’espace décrit

moment important qui revient en mémoire et qui prend son sens dans le cadre familial de l’expérience partagée136.

Les paysages de l’enfance semblent également structurer une mémoire paysagère. Le « nord » et son plat revient très régulièrement en filigrane dans les entretiens : soit par cette recherche constante de relief (la vue

d’en haut), notamment présent l’entretien N.1, avec Elisa où le nord et ses villes sont présentés comme des paysages constamment très

plats; soit par ce rapport au ciel et au sol, je pense ici a ce que dit Agnès137 « Mais j’aime bien associé ça au ciel. Mais j’aime beaucoup le ciel, j’avais plus de ciel que de paysage. » Je trouve ici intéressant de

se questionner sur ce rapport qu’elle entretient avec cet élément du

paysage. Cet intérêt est-il lié à ses références picturales nombreuses, dont elle a pu me faire part, ou questionne-t-il son rapport aux paysages environnants du Nord où la part de ciel en campagne ou

à la mer (puisuqu’elle habite à côté de Dunkerque) prend une place prédominante sur le sol ? Ou est-ce un peu des deux, ces références

culturelles venant se mêler à ces paysages qu’elle a longtemps côtoyé ? Je n’ai retrouvé ce rapport ciel/sol affirmé de cette manière que dans

cet entretien. Le ciel est plus habituellement associé à une composante

météorologique qu’à un élément de composition paysagère. Chez Agnès, il fait totalement partie de ses paysages, comme arrière-plan.

Anne Sgard évoque également a de nombreuses reprises l’importance

de la place des souvenirs d’enfance, et l’attachement de l’individu à ces derniers, théories qu’elle a elle-même pu vérifié dans ses différents travaux de recherches,138 et qui viennent marquer la perception des autres paysages rencontrés.

Outre les souvenirs liés à l’enfance, l’expérience paysagère puisent

également dans des souvenirs plus récents qui influencent la perception et l’interprétation des paysages vécus.

En effet, l’individu de ses multiples expériences, ou références, emmagasine un nombre d’images paysagères importantes venant créer une « banque de données paysagères »139 qui s’activent par

le biais de la mémoire et qui orientent la perception des paysages. J’ai notamment pu constater cet appel aux souvenirs lors d’un

parcours commenté réalisée avec l’interrogé 1, Elisa, à partir de la description de ce lieu qu’elle considérait comme paysage, un espace

de promenade situé sur le Canal du Roubaix à Marcq-en-Baroeul. Durant son parcours, la description des éléments dont elle parlait se rattachait beaucoup aux souvenirs que cela pouvait lui rappeler. Elle

parle notamment des différentes fois où elle a pu parcourir le lieu de façons diverses (souvent en courant, parfois à vélo) et également des

éléments visuels importants pour elle, qui sont des points de repères sur son parcours, comme la présence d’un kayak orange, les différents

ponts qui viennent ponctuer la course,… Elle fait notamment appel

à ses souvenirs pour raconter des histoires sur le lieu et semble plus à l’aise dans ses descriptions à décrire ce qui a été, plutôt que ce qui

est aujourd’hui. La question se pose ici de la difficile description du

paysage, où l’interrogé « simplifie » souvent le paysage dans lequel il se trouve à la végétation, l’eau… et préfère plutôt aborder le fait que cela soit calme, agréable, beau…

Suite au parcours commenté avec Elisa, elle a réalisé une carte mentale.

M. Halbwachs, La mémoire collective, 1950, [version en ligne] URL : http://classiques. uqac.ca/classiques/Halbwachs_maurice/memoire_collective/memoire_collective.html, fev 2001, consulté en mai 2017, p18 137 Extrait (50), N.1.4, annexes, p125 à 127 138 Anne Sgard cite Claude Reichler ici dans A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011, p58 & 93 136

Anne Sgard cite Claude Reichler ici dans A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011, p91

139


83

85

les quelques éléments qu’elles considère comme agréable140, une

exception pour les entrepôts. Considérant ce parcours comme assez répétitif141, elle a effectué un travail de synthèse à l’aide de cette carte mentale.

J’ai également réalisé une carte mentale après ma première

découverte du site. Clairement influencée par ma pratique habituelle de descriptions, d’observations et d’analyses et ma pratique régulière du dessin, ma carte mentale est beaucoup plus détaillée :

_ FIG (6), Carte mentale du parcours réalisée par Elisa, recadrée PARCOURS COMMENTE N.2.2, voir p146, annexes

Durant cet exercice, elle effectue une sélection des éléments visuels

qui marquent son parcours. La carte mentale est synthétique. Elle

démarre de la maison d’Elisa, jusqu’au dernier pont. Sont présents des éléments graphiques et des mots. Les éléments architecturaux

sont représentés par des formes rectangulaires annotées, les éléments

paysagers (l’eau et quelques végétations) sont stylisés graphiquement,

les éléments infrastructurels (les ponts) sont également schématisés. Pour réaliser cette carte, Elisa a commencé par dessiner sa maison

puis a entrepris de dessiner la rue jusqu’à la poste, au fur et à mesure. Lorsqu’elle est arrivée au 1er pont marqueur du début du parcours

_ FIG (7), Carte mentale du parcours personnelle, PARCOURS COMMENTE N.2.3, voir p147, annexes

réel, elle a représenté l’eau en entier à l’aide d’un trait courbe. Elle a notamment réfléchie aux nombres de virages à dessiner pour arriver

jusqu’au dernier pont, montrant ainsi qu’elle connaissant bien le parcours. Elle a ensuite positionné deux ponts sur son dessin (le 1er

et le dernier) puis a ajouté progressivement la médiathèque, le kayak

orange, les entrepôts, les entreprises en détaillant le mur végétal, le

dernier pont, puis à rajouté le « dock ». Après un temps de réflexion, elle a choisi de symboliser la végétation présente le long du canal. Je lui ai demandé s’il y avait d’autres éléments marquants sur son

parcours, elle a répondu « non », que « l’essentiel du lieu était présent » pour elle. Sa mémoire a dans un premier temps retranscrit l’entièreté

Une question se pose tout de même, la synthèse effectuée dans la carte d’Elisa est-elle dû à sa relation à l’espace et à sa pratique de l’espace? Elle connait relativement bien le lieu, mais a pour habitude

de le pratiquer en courant, une sélection différente des éléments constitutifs du paysage s’opère alors différemment. Le paysage est

considéré comme un aller/retour, plus que comme une promenade au cours duquel elle s’attacherait à de nombreux détails. La globalité du

parcours est prise en compte dans sa mémoire via la représentation de cette carte mentale.

d’un parcours qu’elle connait bien, puis semble avoir sélectionnés 140 141

voir le parcours commenté N.2.1, annexes, p136 à 146 Extrait (104), N.2.1, Annexes, p136 à 146


86

87

A.

Qualifier le paysage actuel par le souvenir de l’ancien paysage est

présent également dans des conversations réalisées sur le parcours

lors d’une seconde visite. Je me réfère ici à la description du canal

(…) MME.

Pour moi c’est pas...

couple de retraité en balade :

il n’y avait pas de chemin du tout. C’était épouvantable à l’époque. Là, ils ont fait quelque chose de bien. - Bah parce qu’ils ont creusé, ils ont rénové la Marque, mais avant, il y avait différentes usines qui déversaient tout dans la Marque. - Ca été nettoyé, maintenant il y a des poissons.

Alors, mes enfants, ils disent toujours ‘C’est moche’ [rires] … quand on grandit à la campagne, on est habitué, on n’est pas du tout de la région… C’est un choc ! [rires]

avant sa réhabilitation et son aménagement, description faite par un

« Parce que nous on a connu cette endroit-là, c’était … euh… un chemin …

« Et est-ce que vous pourriez dire ici que c’est un paysage ?

A.

Vous venez de quelle région ?

MME.

Mes enfants, ils ont grandi à la campagne, en Provence, mais bon. Et euh, voilà, ils refusent de venir là. Pour moi, euh, c’est une consolation… voilà, je ne suis pas quelqu’un de Marcq. C’est très bien que ça existe, mais, il n’y a pas autre chose. Tout est, tout est par rapport à … tout est relatif. Il n’y a pas de nature ici ! Il faut allez loin, faut aller à la mer. Donc, on marche là, un petit peu.

- C’était la rivière la moins propre du monde ! Enfin de France je veux dire

Donc paysages,… pour moi, c’est pas des paysages [rires]. C’est un canal qui est…

[rires]… mais il y avait des odeurs… nous on l’a connu… Maintenant c’est

qui est aménagé... »

bien. » 142

_ EXTRAIT (19 & 22 à 24) ECHANGES N.2.7.4, voir p150 à 154, annexes

Les souvenirs d’un passé d’un lieu très peu mis en valeur et pollué

permettent alors d’apprécier les qualités esthétiques nouvelles, un espace redevenu naturel et végétal. Ils qualifient par la suite

nettement ce lieu comme étant leur paysage. La mémoire collective

ici est également mise en exergue. Il est maintenant agréable, mis en valeur et calme.

Le rappel à « l’avant » où le paysage était meilleur ou pire, semble alors modifier la perception actuelle du lieu ou plutôt ces interprétations et définir ce qu’il est aujourd’hui.

A l’inverse, l’appel aux paysages que l’on a connu avant, que l’on a pu vivre quotidiennement ou de façon plus exceptionnelle permet

d’émettre un jugement et de caractériser le lieu dans lequel l’interrogé se trouve. Je prends ici appuie sur un échange réalisé également le

long du canal de Roubaix avec une femme qui décrit son rapport à cet espace et aux autres paysages qu’elle a pu connaitre et apprécier :

Remplaçant ce lieu dans son histoire personnelle et celle de sa famille, elle explique alors que son rapport à l’espace est différent. Ayant connu des paysages de campagne, sous-entendant ici des espaces

certainement plus naturels et moins construits (elle le développe dans la suite de l’échange), elle considère ce lieu non pas comme un paysage, mais comme un canal aménagé. L’aspect technique et

construit prend le pas sur les éléments naturels qui composent l’espace, et préfère alors placer dans ce lieu de l’affect « c’est une consolation ». Son interprétation de l’espace est dont clairement influencée par la mémoire des lieux dans lesquels elle a vécu et qu’elle a trouvé agréable. Elle partage également ces références avec sa famille, leur interprétation de ce paysage semble alors la-même. Madame de part

sa pratique régulière du lieu (elle y passe très régulièrement, cela lui

permet de faire de rallier le centre à vélo), confère tout de même des qualités esthétiques au lieu, mais ne peut lui accorder le statut de paysage.

142

EXTRAIT (27 à 30), N.2.1, parcours commenté, voir annexes, p136 à 146


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89

2. 2. 3. le choix des mots : raconter et partager le moment et l’expérience

franchement, j’avais 11kilos sur le dos, il y a eu des jours franchement c’était dur. Mais c’était génial, la plupart du temps on était au milieu de nul part ! Après entre-

« En quoi, plus encore, la langue pourrait-elle accueillir et faire retentir

deux on s’arretait dans des petits villages et des fois on faisait du stop quand on

le paysage dans son événement même ? »143

Durant l’entretien, une relation particulière entre l’interviewé et moi-même s’instaure. Une relation d’intimité se crée autour de la

discussion puisque mes questions orientent l’interviewé vers des

avait la flemme de marcher. [rires] A.

Tu pourrais me parler d’un lieu en particulier durant ce périple là ? Un lieu qui t’as marqué particulièrement et pourquoi ?

L.

Attends, laisse moi réfléchir ... parce qu’il y en a plusieurs alors... Si je sais, en gros il y a un jour, on avait mal calculé notre coup et donc on a fini de marcher dans le

souvenirs, et des réflexions personnelles. Ce qui est raconté s’assimile

noir, on était censé atteindre un refuge. On était dans le Mercantour à ce moment-

souvent à des récits d’expériences, des moments courts et marquants

là. On était à côté du Mont Pelat, si je me souviens bien, et on allait au col de la

que l’interviewé prend plaisir à se rappeler et à raconter : c’est ce qui

Cayolle, on était à 2000m d’altitude, et on devait monter jusqu’à 2600m ou 2800m,

lui reste du paysage qu’il a apprécié qu’il décrit. L’interrogé va alors

je sais plus ça... C’était une rando sur trois jours, et on faisait étape dans deux

adapter un discours différent de lorsqu’il aborde le paysage en tant

refuges. Mais en gros on a foiré notre coup le deuxième soir..., on avait pris trop

que concept ou définition et qu’il l’attache à son ressenti personnel.

de retard et on avait pas géré les distances, et on marchait à la lampe de poche...

Un entretien m’a très clairement interpellé sur ce thème. Je choisis ici

mais franchement il commençait à y avoir du brouillard parce qu’on montait en altitude, il était super tard, je crois qu’il était déjà 23h passé, un truc comme ça.

d’en mettre un extrait assez conséquent :

Franchement en plus le chemin était grave galéré, super étroit et il y avait pas mal de pente..., alors à un moment, vu qu’on savait plus trop où on en était, on s’est arrêté dès qu’on a trouvé un endroit disponible et on a planté les tentes... On était

A. L.

pas super serein en plus parce qu’on savait qu’il y avait des loups dans ce coin là...

« Donc dans quels paysages tu préfères être dans ce cas là ?

[sourire] enfin tu vois le truc...

Je pense que je préfère les endroits où il y a du dénivelé,... je pense en faite que je préfère les montagnes, mais les hautes montagnes... dans les Alpes quoi. Tu vois par exemple, il y a deux ans, je suis parti en vacances faire un trek. En gros, j’ai rejoint deux potes à Lyon pendant une grosse semaine et après on est parti

A.

Oui, pas très rassurant effectivement... [sourires]

L.

Et donc, on s’est couché super tard, et j’ai du dormir 4h un truc comme ça,... il faisait trop froid en fait... et donc en gros, je me suis réveillé super tôt avec le

douze jours à pied. On a été jusqu’au pied du Mont Blanc et après on est descendu

soleil, vu qu’on avait bien orienté les tentes. Et en gros je suis sorti alors qu’il

jusqu’à la mer, en passant par le massif des Ecrins et du Mercantour. Et après on

faisait encore très sombre et j’ai vu le jour se lever et je m’attendais pas DU TOUT

est descendu sur la côté Méditerranée en suivant la frontière avec l’Italie... Et on a

à ça ! C’était juste totalement ouf !!! En gros on s’était arrêté juste au dessus d’une

traversé un nombre de paysages incroyables !!... A.

Tu peux me les décrire un peu plus ? C’était dans quel cadre ?

L.

Oui, alors en faite déjà, j’étais avec deux potes et on marchait, je sais plus... je crois

énorme crête rocheuse qui donnait sur tout le fond de vallée. C’était vraiment un paysage très très aride, super escarpé, avec les crêtes rocheuses qui se découpaient comme ça sur le ciel ! C’était juste magnifique avec le lever de soleil ! [sourire] La lumière arrêtait pas de changer, c’était rouge, c’était orange, et tout, ça créait des

20/30kms tous les jours. On a tout fait à pied, avec les sac-à-dos, la tante et tout

ombres de folies tu vois, sur la crête ... Et franchement, j’ai grave fait mon égoïste

le bordel. Il y a un jour, je me souviens, on a tracé parce qu’on était attendu chez

à ce moment là, j’ai pas réveillé mes potes tout de suite [rires] j’ai attendu que le

des potes, donc on a fait 56km à pied, on a marché du matin jusqu’au soir, j’étais

soleil soit un peu plus haut ...

mort... C’est ultra sportif, le sac à dos, tu vois on avait essayé de le faire léger, mais

J.-M. Besse, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », retranscription de la conférence, dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006, p18 143

A.

Tu n’avais pas envie de partager ça avec eux ?

L.

[rires]... En vrai nan, j’étais dans un état un peu... un peu bizarre, tu vois. J’étais à moitié endormi, j’étais frigorifié en plus. Et en même temps j’étais complètement,...


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91

je sais pas trouver le mot, ... obnubilé, oui ou, je sais pas, fasciné par ce qui se passait devant moi ! C’était totalement fou, tu vois... Et ça n’arrêtait pas de changer de secondes en secondes, alors je voulais pas bouger tu vois. Tu te souviens de la lumière ?

L.

Ouai, c’est particulièrement ça qui m’a marqué en vrai. Tu vois c’était changeant, et en plus la lumière jaune sur la roche claire, complètement aride, c’était fou, tu vois ! ... Après, c’est marrant là, mais ça me revient un peu, j’entendais également le bruit des animaux... tu vois, il y en avait pas beaucoup parce qu’on était en altitude mais on entendait des bruits au loin... c’était très léger.... mais oui, c’était ça et la lumière. Mais je retiens clairement la lumière. [pause] Et donc après quand on était tous réveillé, on a enfin pu vérifier sur la carte où on était [rires], et on a bien fait de s’arrêter parce que en gros, on avait encore 2h de marche. Et quand on voyait après le chemin sur la crête, franchement, on aurait glissé, j’crois qu’on était morts ... [sourire] - Aujourd’hui, je rigole, mais franchement je faisais pas le malin quoi. Ok, donc c’était vraiment une expérience forte pour toi, par rapport aux autres

grandiose », séquence 4144, montre ici comment l’usage du récit mise en mots, mais surtout par le partage.

En effet, les séquences de son récit viennent appuyer une argumentaire qui justifie son expérience personnelle. Dans un premier temps, Louis

vient décrire un contexte, puis semble progressivement monter le décor de son récit, je pense ici au passage « Il y a un jour (…) on avait

la flemme de marcher ». Il choisit ensuite de raconter une histoire, y ajoute des dangers, et s’attache enfin à un moment, son moment (qu’il ne partagera pas) dont il raconte en détail les sensations et les perceptions qu’il en a eu pour donner de la force et de la contenance au souvenir. Il finira par appuyer le fait qu’il a préféré l’expérience à

l’image en expliquant qu’il a choisi de ne pas faire de photographie mais de conserver « ce moment là ».

paysages que tu as traversé ? L.

paysage comme lieu d’expérience forte : Le besoin d’un paysage permet à l’interrogé de faire prendre corps à son expérience, par la

A.

A.

Cet extrait qui correspond à une séquence pleine de l’entretien : « Le

Oui, clairement ... on a vu vraiment des paysages grandioses, on a marché aux bords de glaciers, on a grimpé des sommets à 3000m, on a vu la vallée des Merveilles aussi dans le Mercantour avec les inscriptions préhistoriques, c’était super cool à faire et à voir aussi, tu vois. Mais franchement ce truc là, c’était fou...

A.

Ok [je recherche ma future question lorsqu’il reprend]

L.

Tu vois, j’ai même pas sorti mon appareil photo à ce moment là, ... je crois que j’avais la flemme aussi, mais franchement j’avais pas envie. J’étais juste là, juste à

Plusieurs lectures sont possibles à travers son récit. Tout d’abord, il raconte des faits dont la véracité lui appartient, auxquels il ajoute son ressenti personnel qu’il choisit ensuite de traduire par une narration.

A travers ce récit, un deuxième niveau transparait, celui de son rapport

au paysage et à l’espace en général : l’expérience est prédominante ici, dans son rapport spatial mais aussi dans son rapport temporel. Dans

l’événement qui s’inscrit dans un contexte de plusieurs semaines de voyages, qui prend corps dans la nuit et qui se révèle le matin, c’est

regarder ce spectacle quoi! A.

Pour toi, la photo ne t’aurait pas permis de mieux te souvenir ?

L.

Euh, ... si, peut-être. J’aurais eu une image... mais finalement, en vrai, je, j’avais pas besoin de ça. Tu vois, à ce moment là... je préférais regarder. » _ EXTRAIT (40 à 54) ECHANGES N.1.5., voir p128 à 131, annexes

également dans les étapes du récit (mises en exergue précédemment) que transparait ce rapport au temps.

La sélection mémorielle est ici également intéressante. C’est la lumière qui est mise en avant, les autres éléments dont il choisit de faire le récit permettent de décrire le contexte du moment. Comme je l’ai

déjà présenté précedemment, la mémoire a un rôle primordial dans l’expérience. Je pense alors également un autre récit qui a pu m’être donné, peut-être moins démonstratif que le récit de Louis.

Analyse de cet extrait par le biais de la méthode analytique proposé dans D. Demazière, C. Dubar, Analyser les entretiens biographiques: l’exemple de récits d’insertion, Paris : Nathan, 1997, voir Annexes N.1.9, p135 144


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93

E.

« Par exemple, je suis en allée en, début CP, je suis allée en Egypte. Je suis allée vivre chez ma tante pendant, je sais pas, un trimestre. Et comme c’était complètement... un peu fou. Enfin c’était un changement de quotidien hein. Je me souviens vachement des rues..., de... tu vois le fait que j’y vive de manière prolongée. [raconte ce souvenir avec le sourire]. Parce que depuis que je suis née j’ai dû y aller en vacances mais là

A.

Durant le premier entretien, lorsque Elisa m’a parlé de son expérience égyptienne, son choix de narration a été différent d’autres expériences qu’elle a pu me raconter. Dans son récit, elle cherche à me faire partager l’ambiance qui régnait dans les rues du Caire, notamment dans la

il y avait..., tous les jours, on allait au même endroit, on faisait les mêmes choses.

deuxième partie des extraits, et la façon dont elle vivait ses moments,

C’était quoi ?

son récit d’anecdotes, qui permettent de faire vivre le paysage dans

et ses changements dans son quotidien. Elle agrémente également lequel elle était, paysage à la fois spatiale mais également temporel

E.

On allait à l’école, des choses comme ça. Il y avait un parc aussi pas très loin de la maison de ma grand-mère où vivait ma tante. Euh, tu sais c’est pas le parc de Noisy-le-Grand... mais il y avait des... je sais pas si c’est des palmiers mais des gros feuillus, des fourmies qui avaient la taille d’un cafard. Les rues, tu sais, ... je me souviendrais toujours des bordures des rues. Dans pas mal de pays d’Orient c’est la

et immatériel. Elisa cherche a me faire ressentir le paysage qu’elle a

connu, mais cette implication ne concerne-t-elle que moi, au moment

où elle m’a racontée l’histoire, qui a appelé à mes références et mes propres souvenirs de paysages?

même chose, c’est des gros blocs noirs et blancs qui délimitent les trottoirs ou les routes. Ce genre de choses... La poussière un peu partout, le sable, et je crois que ça c’est les premiers paysages qui me viennent en tête avec bien sûr chez moi, bah à Noisyle-Grand. Comme j’étais très jeune (…) je sentais qu’il y avait un contexte. J’étais à la fois pas à l’aise parce que je ne connaissais pas, j’étais loin de mes parents, j’étais toute seule. Et même temps c’était génial, j’étais en égypte là où d’habitude c’est les vacances et j’y vivais c’était cool. Il faitsait chaud ! Il parait que quand je suis rentrée du CP je disais «il fait tellement froid ici» [voix d’enfant en en blaguant]. Ma mère disait c’est

Je veux alors ici aborder un dernier point, celui de mon implication

dans le récit. Parfois la situation de l’entretien se complexifiait, je me

retrouvais alors souvent dans deux postures 145: celle du « chercheur » qui écoute le discours et qui rebondit sur les mots, les thèmes qui interpellent ou qui interrogent ma problématique; mais également celle de la personne à qui l’on vient confier une histoire, et qui écoute le récit. Le détachement au questionnement de départ est alors

trop mignon !

palpable, la conversation dérive. Ce ne sont plus mes questions qui

(…)

Parfois j’en venais à être impliquée dans ce récit (alors que je n’étais

dirigent l’entretien, mais le récit qui vient se construire de lui-même. pas présente), l’interrogé cherchant à communiquer, et appelant alors

Si j’y associais des gens, comme par exemple la rue, tu ne peux pas imaginer sans y associer des gens, les vendeurs par exemple.

à mes souvenirs personnels de l’espace. La difficulté de ne pas prendre parti ou d’orienter la réponse peut parfois être grande, d’où le besoin de

relancer la discussion et de faire répéter ou de reformuler. La question

A.

Ça participe de ça ?

E.

Ah oui, ca fait du bruit, il y a les gens qui gueulent, qui parlent arabe... euh ... ça

de la juste distance avec le discours se pose alors, et vient poser les limites de l’entretien également.

participe vachement, c’est intégré completement au souvenir. Dans la rue, le côté un peu sale, ... plus sale que chez nous, c’est parce qu’il y a beaucoup de vie. C’est le bordel, ça fourmille. [sourire] ça marque autant que le paysage juste. Je te parlais des parcs, il y avait moins de monde. Mais la rue elle-même, c’est sale, poussiéreux, il y avait plein de monde, il y a du bruit et ça participe du coup au paysage. »

_ EXTRAIT (68 à 70) ECHANGES N.1.1., voir p112 à 115, annexes

Je reprends cette posture du chercheur et de l’interrogé que Helen Maulion explique dans un extrait sa thèse : H. MAULION, Narrer l’expérience intime du terrain. A travers l’espace de la méthode : les dimensions du terrain en géographie, HAL : Arras, France, Juin 2008, 7p 145

.2


conclusion


97

.

Pour conclure Comment dire le paysage ? Si cette question m’a permis de construire mon travail de recherche, elle ouvre plusieurs pistes sur quelques manières de rendre compte du paysage et de sa complexité.

Durant ce travail, j’ai cherché à récolter ce qui répondait à ma première hypothèse, c’est-à-dire : les perceptions paysagères sont différentes selon les expériences et les références individuelles de chacun. J’ai

alors remarqué que le paysage se compose d’une succession d’éléments qui fondent une définition propre à chacun, souvent complexe, parfois

même inconsciente où vient se superposer une multitude d’idées. Le

mot paysage n’est pas toujours si présent dans le discours des interrogés où les termes comme «lieu», «espace» ou «endroit» apparaissent

régulièrement. La dimension paysagère est incluse lorsqu’y sont ajoutées des critères esthétiques, souvent beaux et calme. Le paysage répond souvent d’un côté de l’espace naturel, et d’un autre du cadre de vie. Il devient également image à regarder.

Le paysage peut être « objectivé » par sa matérialité où il est porteur d’usages ou d’enjeux écologiques par exemple et « subjectivé » par sa lecture et les projections qu’il vient porter. Lorsqu’il répond d’une

définition, (partie 1.) il se retrouve souvent beaucoup plus stéréotypé et généralisé, qualifié grâce à des critères esthétiques ou catégoriels. Il est

en fin de compte peu expressif d’une prise de position individuelle, mais

ces définitions permettent d’établir des modèles collectifs partageables et partagés.

Mais c’est alors par l’expression de la mémoire du lieu et de l’expérience

que le paysage s’incarne (partie 2.). Dans les récits que j’ai pu récolter se construit une posture, une façon d’être à l’espace et au monde que

chaque individu peut affirmer et mettre en avant. Le paysage devient alors un espace vécu par les sens et les rémisnicenses de ces derniers

lorsqu’il est raconté. Grâce aux multiples expériences qu’elle a déjà faites et fera encore, la personne intérrogée se construit une « banque


98

99

des données paysagères »146 qu’elle met en relation à la fois avec ses

social. Il appartient à la nature, au collectif et aux discours »147. Il est à la

références personnelles et les modèles collectifs qu’elle connait et a fait

fois objet et sujet, mais également outil de partage.

du soleil sur une nature grandiose à un morceau de ville captée par une

aussi ici qu’elle trouve ses limites dans ma démarche. En effet, cet outil

sien. Les expériences sont alors très diverses, allant d’un moment au levé

Si l’intérêt de cette méthode s’appuie sur la diversité de regards, c’est

fenêtre ou un quotidien dans un pays étranger qui vient bouleverser les

d’analyse que j’ai eu envie d’utiliser dès le départ de ma recherche a

habitudes. Chaque interrogé adopte sa propre posture, influencée par

également été difficile à mettre en place (temps et méthode ont parfois

son histoire personnelle, et fait le choix de raconter ses paysages.

manqués), préférant alors une cible très réduite et privilégiant leurs paroles dans leurs singularités plutôt qu’un plus nombre d’entretiens

Ainsi, circonscrire le paysage et son expérience à des recettes (une

qui m’aurait certainement permis de mettre plus aisément en relation

définition, un lieu, un type d’espace, une posture, un moment,...) serait

les perceptions et interprétations du paysage dans une recherche de

inutile voir impossible. Mais tout au contraire, dans les discours, le

commun.

paysage répond d’une pluralité de situations qui viennent s’appuyer

Vouloir se détacher d’un lieu défini pour éviter de choisir un espace

tour à tour sur des références individuelles et collectives.

comme paysage à partir des a priori que peut engager ma posture de paysagiste a donné lieu à un flottement autour de ma question

Le récit oral peut également permettre un prolongement de l’expérience

première qui était d’interroger les perceptions du paysage en fonction

du paysage et le partage de situations plurielles et personnelles. Sa

de l’individu et son histoire personnelle. Collecter un discours général

structure et son pouvoir narratif permettent à la fois à la personne qui

sur le paysage peut rapidement faire tomber dans les généralités et les

raconte de se replonger dans un paysage qu’il chérit dans un moment

stéréotypes. J’ai trouvé une porte d’entrée en m’intéressant au récit de

précis, et offre également à la personne qui écoute la possibilité

l’expérience et en étudiant le discours qui en résulte.

d’entrer avec le narrateur dans son expérience, et ainsi de la partager.

Cependant cette étude reste partielle et aurait pu être approfondie en

L’enquêteur est invité dans le récit et dans le paysage de l’autre. La

cherchant à récolter un discours sur site pour plus facilement sortir

parole serait-elle alors un outil essentiel dans le partage de l’expérience

des généralités premières, ce que j’ai commencé à faire avec le site du

du paysage ? Elle est en tout cas aujourd’hui source de nombreuses

parcours commenté.

démarches participatives dans le cadre de projets de paysage et permet de mobiliser les habitants d’un territoire.

Le choix de la méthode de l’entretien affirme le récit subjectif. Cela permet en effet de prendre en compte la parole et ses constructions

de langage, mais demande également à s’intéresser à la personne qui développe ce discours. Cet outil permet d’intégrer les dimensions

sensibles et symboliques contenues dans le mot paysage. Grâce à

cette méthode, je reprends une citation de Bruno Latour (sociologue et

anthropologue théoricien de la sociologie de la traduction) référencé

dans la recherche de A. Sgard : le paysage est « à la fois réel, discursif et

146

A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011, p57

.

Une nouvelle forme de discours et d’expérience Dans le cadre d’un partenariat avec la ville d’Amiens, j’ai effectué des

interventions où je présentais comment découvrir le paysage autour de la ville par la pratique du dessin. Ces séances m’ont offert la possibilité

à la fois de questionner les participants dans leur rapport au paysage, mais également m’ont permis d’expérimenter un nouveau discours sur le paysage dans le dessin.

Durant ces séances, je suis amenée à expliquer le travail du paysagiste, mais j’offre également un regard sur l’espace dessiné. Les lieux choisis par la ville sont caractéristiques de l’histoire du territoire, mais le caractère 147

A. Sgard, Le partage du paysage, HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011, p77


100

101

paysager au sens du paysage naturel grandiose ou exceptionnel n’est

pas affirmé. Ces lieux entrent plutôt dans la catégorie de paysage

quotidien et peuvent offrir des qualités esthétiques par la présence

d’éléments naturels, d’ouvertures visuelles, de relief, sur lesquels la ville d’Amiens vient accoler l’étiquette de paysage. Durant les

conversations informelles que j’ai pu avoir avec les participants aux

différentes séances, j’ai remarqué que ces paysages, comme transparait dans les entretiens, n’étaient pas vraiment considérés comme tels mais étaient plus assimilés à des endroits calmes, agréables, …

Si, au départ, je souhaitais pouvoir utiliser ces interventions pour obtenir de nouvelles perceptions paysagères sur des espaces variés tout en

élargissant la cible d’enquêtés, je me suis rendue compte que l’intérêt

de l’exercice résidait bien plus dans l’expérience proposée que dans

le discours rapide et imprécis que je pouvais avoir sur la question du paysage. En effet, les séances de deux heures pendant lesquelles nous

proposons avec le guide conférencier des informations historiques, géographiques, sociales, des déplacements pour appréhender le

lieu, et des périodes assez longues de dessin (entre 20 minutes et 50

minutes), les participants peuvent prendre le temps d’apprécier le site dans lequel ils se trouvent et donc se rendre disponible à ce qu’ils observent par la pratique du dessin.

Cette pratique vient alors offrir un moment de pause ou d’arrêt et une

disponibilité nouvelle à l’espace relativement rare dans ces espaces peu considérés d’abord comme paysage. Cette nouvelle pratique

permet alors d’instaurer une relation entre l’apprenti dessinateur (pour la plupart des participants) et le lieu observé. Cette expérience

ouvrirait-elle alors la porte à la considération paysagère ? Dans tous les cas, elle propose un nouveau récit paysager qui également vient prolonger la relation au paysage, et le paysage lui-même.

.


103

illustrations 43

_ FIG(1) Cartographie des séquences du parcours Canal de Roubaix, PARCOURS COMMENTE N.2.X, voir pX, annexes Source : Axelle Lamoot, cartographie réalisée sur Illustrator à partir d’un fond géoportail.gouv.fr, Mars 2017

44

_ FIG(2) Photographies des séquences 1 à 6, PARCOURS COMMENTE N.2.X, voir pX, annexes Source : Axelle Lamoot, photographies réalisées au Canal de Roubaix à Marcq-en-Baroeul, 24 mars et X avril 2017

54

_ FIG (3), Photographie représentant un paysage, Justine, ENTRETIEN (suite) N.1.4, voir pX, annexes Source : Justine A., photographie récoltée par Internet Février 2017, sans format, support média

54

_ FIG (4), Photographie représentant un paysage, Agnès, ENTRETIEN (suite) N.1.5, voir pX, annexes Source : Agnès P., photographie, retouchée par l’auteure sur Photoshop récoltée par Internet Août 2016

70

_ FIG (5), Dessin de la vue de sa chambre réalisé par Agnès, ECHANGES N.1.5, voir pX, annexes Source : Agnès P., plan manuscrit scanné puis nettoyé sur Photoshop X Mars 2017

83

_ FIG (6), Carte mentale du parcours réalisée par Elisa, recadrée PARCOURS COMMENTE N.2.2, voir pX, annexes Source : Elisa L., carte mentale manuscrite scannée puis nettoyé sur Photoshop 24 Mars 2017

84

_ FIG (7), Carte mentale du parcours personnelle, PARCOURS COMMENTE N.2.2, voir pX, annexes Source : Axelle Lamoot, carte mentale manuscrite scannée puis nettoyé sur Photoshop 25 Mars 2017


104

105

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Paris : La Découverte, coll. «Repères», 2016

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Ouvrage spécialisé

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R. BERTHO (Resp.) Mon paysage au quotidien, une pratique ordinaire?,

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Y. LUGINBÜHL, Sensibilités paysagères, modèles paysagers,

Paris : A. Collin, 2007 (2ème ed)

Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, , 2000

A. BLANCHET & A. GOTMAN, L’entretien: L’enquête et ses méthodes,

Y. LUGINBÜHL, La demande sociale du paysage,

Paris : A. Collin, 2007 (2ème ed)

Rapport de recherche pour la séance inaugural du conseil national du paysage, Ed : Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Mai 2001

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106

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THèse OU rapport d’habilitation - version numérique

H. MAULION, Narrer l’expérience intime du terrain. A travers l’espace de la méthode : les dimensions du terrain en géographie, HAL : Arras, France, Juin 2008. <halshs-00357433>

A. SGARD, Le partage du paysage,

HAL : Géographie. Université de Grenoble, 2011. <tel- 00686995>

Annexes


109

sommaire Annexes

1.

N°1.0 : Tableau des entretiens N°1.1 : Elisa N°1.2 : Julia N°1.3 : Louis N°1.4 : Justine N°1.5 : Agnès N°1.6 : Tableau : résumé des discours N°1.7 : Tableau : les mots dans le discours N°1.8 : Tableau : lieux cités N°1.9 : Analyse discours narratif

110 112 116 118 125 128 132 133 134 135

2.

Parcours commenté - Marcq-en-baroeul N°2.1 : Retranscription parcours Elisa N°2.2 : Carte mentale Elisa N°2.3 : Carte mentale personnelle N°2.4 : Situation du Canal de Roubaix N°2.5 : Cartographies N°2.6 : Sélection photographique 1 N°2.7 : Retour sur site 2

136 146 147 147 148 149 150

N°2.7.1 : Echange 1 N°2.7.2 : Echange 2 N°2.7.3 : Echange 3 N°2.7.4 : Echange 4 155

156

N°2.8 : Sélection photographie 2

3.

156

N°3.1 : Fiche de lectures : J.-M. Besse (2006) N°3.2 : Fiche de lectures : Y. Luginbühl (2000)

157

158 158 158 158 159

Recherches : méthode et concept

4.

Expérience dans un «paysage» - Amiens N°4.1 : Flyer Croque-Paysage N°4.2 : Objectifs N°4.3 : Situations des intervention N°4.4 : Marais des Trois Vaches, site n°1

CORPUS SÉCONDAIRE

136

ENTRETIENS

CORPUS PRINCIPAL

110


110

111

Quand ?

Où ?

Qui ?

Conditions d’enregistrement/ Eléments en plus

Mon intervention dans l’entretien

Les temps de l’entretien / temps chronologique

Intérêt de l’entretien

Dimanche 20 février 2016

Café Caféine, sous-sol, Vieux-Lille

Elisa Née en 1992 en banlieue parisienne Arrive à Lille à l’âge de 7ans / Vit aujourd’hui à Marcqen-Baroeul Etudiante en Master1 à Lille3

54 minutes / enregistrement téléphone Entre 17h et 18h

- orientation des questions puisque c’était le 1er entretien et qu’il était donc difficile de mener les questions dans le cadre d’un entretien exploratoire - usage du mot « paysage » - Terme mélioratif / péjoratif : « fort »

Sept temps : 1. sur l’enfance et son paysage. L’interrogé parle d’elle-même sans difficulté. Des esquisses de définitions et des rapports au paysage sont rapidement données. Description, mise en comparaison,… toujours à partir du souvenir des lieux 2. le paysage et la nature 3. relancer la conversation : « un paysage totémique » 4. « un paysage souvenir » : l’importance de la découverte et du dépaysement dans le paysage. 5. Première image de paysage qui permet de replonger dans le souvenir. Le paysage : liée à l’expérience. 6. Paysage imaginaire. L’interrogé se prête au jeu et rebondit sur le paysage du rêve 7. l’homme et le paysage / le paysage et la ville

- richesse dans la parole : fluidité, facilité - grands nombres d’éléments abordés - apparition d’une définition du paysage assez claire - nombreuses réponses à la question de la mémoire sensorielle du paysage

- une orientation obligatoire du discours car une difficulté à obtenir des réponses aux questions. - des questions trop ouvertes, qui ne permettent pas de faire résonner le mot paysage chez l’interrogé.

Trois temps : 1. Parler à partir de la mémoire, du souvenir. La notion de paysage, comme je l’attendais (association avec l’idée de nature suite à l’entretien avec Elisa), n’arrive pas. 2. « un paysage imaginaire » ? Une question qui perd totalement l’interrogée. Comment retourner la conversation? 3. Une définition du paysage qui semble plus lié à l’espace du quotidien. Paysage qui transparait alors dans les thèmes de l’architecture, de l’environnement, du cadre de vie. Plus de facilité pour faire parler l’interrogée.

- difficulté de parler de paysage : en quoi est-ce significatif, révélateur d’une problématique ? - comment alors communiquer sur l’expérience du paysage ? - définition du paysage qui s’esquisse dans son rapport à la ville/ à l’architecture / et au cadre de vie.

- peu d’interventions et des questions assez facilement comprises

Sept temps : 1. Le souvenir des espaces de jeux de l’enfance. Associé à des moments en familles. 2. Le paysage comme le lieu du « challenge » et le défi sportif 3. L’appel au souvenir de l’enfance. L’attache a un lieu d’enfance. 4. Le paysage comme lieu d’expérience forte. Le besoin d’un paysage grandiose 5. Imaginer le paysage : utiliser des référents culturels (notamment ici le cinéma) 6. Le paysage et le quotidien : un relation difficile 7. Le paysage définit comme la Nature sauvage et non aménagée par l’homme.

- richesse dans le discours : fluide, précis, très détaillé - définition claire et précise du paysage - Précision dans les descriptions et dans les lieux qui sont très bien situés

- assez peu d’interventions durant l’entretien - des questions qui auraient pu être plus approfondie

Quatre temps : 1. Le paysage de l’enfance : le lieu des souvenirs, des moments de l’enfance, lié à deux sens : la vue et l’odorat particulièrement 2. l’expérience de paysage en Georgie : les neiges éternelles et la façon dont ce moment a été vécu et partagé 3. Le paysage : un lieu d’introspection, un lieu d’émotions. 4. Définir le paysage : une distinction forte entre la ville et le paysage. La ville est aménagé et construite, alors que le paysage est naturel et sauvage. L’homme y adopte une place minime.

- le paysage comme une notion très personnelle et comme un espace d’introspection très présent - une affirmation de la différence ville et paysage - un regard nouveau sur les définitions du paysage précedemment donnée (une vue «artistique» ?) : un paysage vu comme une source d’inspiration

- peu d’interventions (point positif ) - orientation parfois (points négatifs)

Quatre temps : 1. L’enfance et le lieu de l’école 2. Le loisir et les vacances : l’espace naturel > jusque dans le paysage totémique 3. La posture face au paysage : le peindre pour le capter (composer avec le paysage). 4. L’expérience lié au moment de la pause et au cadrage

- une facilité à vouloir dessiner l’espace (la composition en plan) - un discours assez fluide et dense - des contradictions qui viennent révéler une définition complexe - l’importance du cadrage, du plan et de la composition : qui permet de faire d’un lieu un paysage.

N.1. 0 N.1.1

N. 1.2

N. 1.3

Jeudi 15 décembre 2016

Samedi 4 février 2017

Une photographie personnelle

Restaurant le Julia Mamaz, Lille 23 ans Vit à Joinville-le-Pont, banlieue parisienne / Habite 6 mois à Lille dans le cadre d’un stage Diplômé en droit

20 minutes 50 / enregistrement téléphone Entre 13h30 et 14h

Terrasse de café, centreville, Dijon

39minutes10 / enregistrement téléphone Entre 15h00 et 16h

Louis 22ans Habite à Dijon depuis 1ans et demi / Vient de Lens Etudiant en Master2 Histoire + Licence à Lille3

Une photographie personnelle

Une photographie personnelle

N. 1.4

N. 1.5

Mercredi 29 février 2017

Lundi 6 mars 2017

Appartement, Lille

Appartement, Lille

Justine 23ans Habite à Lille depuis 4ans, vient de Chalons en Champagne Etudiante en Paysage, 4ème année

26 minutes / enregistrement téléphone Entre 21h00 et 22h00

Agnès 24 ans Vient de Dunkerque / Téteghem, habite à Lille depuis ses 18ans Etudiant en Master Communication à Lille.

32 minutes / enregistrement téléphone Entre 18h30 et 19h00

Une photographie personnelle

Une photographie personnelle + 2 plans manuscrits

- attention : l’interrogé semble clairement aimer raconter des histoires. Dans quelle mesure a-t-il enjolivé certains récits ?


112

113

les mêmes souvenirs... plutôt les moments été/printemps, pas automne/hiver. C’était les moments où il faisait bon pour être dehors.

* Le retranscription des entretiens est entière, certains éléments de langages ont été supprimés pour plus de compréhension et de fluidité dans le discours.

N.1.1

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

Elisa le 20.11.2016 Café Caféine, Vieux-Lille 16h30-18H

A.

13

Et tu te souviens d’odeurs ?

E.

14

Je crois que c’est la forêt de Fontainebleau où, à un moment donné, avec mon frère, il y avait un coin du chemin qui sentait le chocolat et forcément on avait créé tout un truc autour. Bref, après il m’avait fait croire qu’il y avait un mec qui fabriquait du chocolat, il avait profité de ma naïveté. Oui je me souviens très bien de l’endroit où c’était. C’est les seuls souvenirs en fait que j’ai de sorties familiales: la forêt de Fontainebleau et le parc à côté de chez moi [sourire]. Là ce n’était pas du tout le côté vacances, je jouais. C’était quotidien, j’y allais assez régulièrement je crois.

54min

A.

1

Tout d’abord, peux-tu te présenter ?

E.

2

Prénom : Elisa... euh, oui, j’ai eu un doute ... [rires] Nom : Laï, née en 1992 en banlieue parisienne. J’ai grandi, enfin j’ai passé plus ou moins toute ma vie ici, puisque je suis arrivée début primaire. Du coup Lille et ses environs, en tout cas la mégalopole Lilloise ...

A.

15

A.

3

E.

4

CE1, c’est 7 ans ?... environ 7 ans.

A.

5

À Paris, tu as grandi dans une maison ou dans un appartement ?

E.

6

Dans un appartement, dans une sorte de résidence où il y avait un énorme jardin devant. Dans un coin un peu craignos.

A.

17

E.

18

Tu avais quel âge ?

A.

7

Donc tu ne sortais pas beaucoup ?

E.

8

Ah j’étais petite donc j’ai pas énormement de souvenirs. Mais si si, quand même, j’ai des souvenirs d’aller au parc. Il y avait un parc pas loin avec des jeux pour enfants. Et certaines sorties dans Paris aussi, la Vilette ou... le grand parc près de Paris, il y en plusieurs. Fontainebleau, j’y suis déjà allée pas mal de fois.... Bref, je me souviens de plusieurs sorties comme ça.

A.

E.

9

10

A.

11

E.

12

Et ces sorties dans ces parcs, malgré la vision d’aujourd’hui, pour toi c’était des moments de vacances ou c’était juste des moments... ou on allait jouer dans le parc sans impact? Si. C’est peut-être une question d’âge, je me souviens vraiment de manière assez forte de ces moments parce qu’on y allait trois ou quatre week-ends dans l’année... On y allait pas si régulièrement que ça. Mes parents travaillaient quand même beaucoup. Mais, c’est presque des souvenirs très visuels, voir même des souvenirs d’odeurs alors que j’avais quoi, quatre ou cinq ans. Quand tu parles de souvenirs visuels, c’est des moments particuliers, des périodes de l’année ? Euh... Je me souviens des forêts. La forêt de Fontainebleau est quand même vachement belle. Et puis, j’étais peut-être à un âge où tu as l’esprit très créatif donc moi je m’inventais pleins d’histoires dans la forêt. C’était pas, euh... on va jouer c’est rigolo, c’était... un moment à part entière. Un moment de vacances dans ta semaine. Pourquoi après ? Euh... Les saisons pas spécialement, c’est toujours

E.

16

A.

19

E.

20

A.

21

E.

22

Quand tu repenses à la foret de Fontainebleau et parc près de chez toi : l’un est-il paysage ? Quand tu penses parc de Fontainebleau, dans son jus, c’est la nature. Alors qu’il a peut-être été aménagé vachement plus que, je ne le sais pas... Ça rentre vachement plus dans l’idée de paysage. Parce que le parc, tu sens que c’est un espace aménagé différent de la rue avec un arbre. Le mot en premier qui vient, ce n’est pas paysage.

28

Je l’associe presque plus a du paysage... En fait, c’est un peu particulier, mais le paysage naturellement, instinctivement c’est là ou l’Homme n’est plus ou n’est pas. Par exemple,... une sorte de friche, un endroit un peu abandonné, avec une vieille usine. Tu sais comme un endroit que l’on avait visité en Nouvelle-Zélande, la vieille usine de je sais plus quoi... Tu t’étais mis dans des grosses sortes de cuves un peu rouillées. [pause le temps de la réflexion] Ça..., ce genre un peu d’endroit, ... je l’associe presque plus à un paysage, genre un peu comme les ruines antiques... Là où l’homme n’est plus! Ce qui est con peut-être. Mais c’est un peu quand la nature elle prend son... elle prend son... ses droits. Il y a plus ça dans ma notion de paysage : instinctivement, je l’associe plus à ça.

A.

29

Il y a une sorte de nature qui vient reprendre son droit ?

E.

30

C’est pour ça que dans les endroits un peu, le ex-cités industrielles, un peu abandonnée, tu pars à la découverte. La fille qui faisait du lightpainting à la fac, elle allait dans les anciennes piscines désaffectuées de nuit... Ça c’est le genre d’expérience que j’aimerai bien faire et qui pourrait pour moi, se rapprocherait plus de la découverte d’un paysage.

A.

31

Tu as des gens qui vont visiter des anciens hôpitaux, des anciennes prisons, et là pour toi... ?

E.

32

Là, c’est plus associé à la notion de paysage. Mais il faudrait que ce soit abandonnée, si c’est une ancienne prison, ou un ancienne hôpital qui a été réaménagé, en bureaux, pépinière, truc un peu branchouille, dans ma tête, il n’y aura pas le mot paysage.

A.

33

Le symbole de la Nature ?

E.

34

Dans ma tête paysage = Nature. [avec humour] Les paysagistes, ça plante des fleurs tu vois. C’est un peu la vision de base. Je sais que c’est pas vrai [rires] ... Moi je n’ai pas toute ta formation en tête, quand tu n’es pas avec moi, c’est quelque chose qui vient naturellement. [pause] Mais, après la notion de paysage urbain, c’est pas du tout la même chose... Je ne vais pas faire genre que j’y connais grand chose, mais c’est un peu de voir la ville comme un paysage. Donc, par exemple: quand je te disais que Lille et Marcq, c’est un peu plat. Quand j’essaie de voir comme un paysage urbain, tout est au même niveau. [elle hésite sur les termes qu’elle emploie] Est-ce que les maisons ont beaucoup de niveaux d’élévations. Non, ce n’est pas vraiment ça.

A.

35

Tu veux dire si on peut monter, avoir des points de vues ?

E.

36

Déjà, mais ici c’est pas le cas vraiment, pas souvent. J’ai pas d’idées d’endroits où il y ça, où il y a un petit point de vue. Mais non, je te parle des maisons quand il y des quartiers, est-ce que c’est uniforme, des endroits où il y a beaucoup de résidences ou beaucoup d’immeubles, des buildings. [elle décompose grâce à des signes de mains] A Lille, il n’y en a pas vraiment mais... Est-ce que le truc d’Euralille ca compte ? Oui. Ça, ça rentre plus dans le côté paysage urbain, la manière dont tu façonnes ... Pour moi le

23

Si par exemple, tu vivais à Marseille, que tu venais en vacances à Marcq-en-Baroeul ?

E.

24

Euuh... si je ne connaissais pas du tout ? J’imagine que je me dirais, c’est vachement plat ! [rires] ... C’est pas très valloné. Puisque Marseille, la ville même ... Même si tu ne sors jamais de Marseille, tu as tout le temps des moment de points de vue sur la mer, c’est pas du tout plat. Tandis que Marcq et Lille, j’imagine... quand tu connais pas et que tu penses au paysage... tu penses plat. J’ai pas l’impression que ce soit très vert, mais Marseille non plus. Tu vois, il y a des villes où il y beaucoup de parcs, comme Paris, il y a beaucoup plus de petits parcs, mais Lille ... il y a la Citadelle mais je dirais que ça me paraitrait assez plat, c’est pas forcément très vert, il ne fait pas très beau. Tout dépend du moment où tu arrives. [pause de quelques secondes] Après à Marcq-en-Baroeul en particulier, un endroit que j’aime bien et que même maintenant si je ne connaissais pas je trouverais beau.... Même si je venais de Marseille que je trouve super belle. C’est un endroit où je vais courir de temps en temps, c’est le long de la Marque. Je crois que c’est le Canal de Roubaix, je ne sais pas s’il va jusque Roubaix. Quelque fois, j’y vais en courant ou en vélo et je vais un peu plus loin. C’est tout bête, c’est un petit chemin en graviers, en cailloux. C’est un peu travaillé par la ville, il y a des petits ponts, et un peu plus loin, il y a une sorte de... truc végétal... qui fait une sorte d’alcôve, ou de tunnel... [fait des signes de la main pour exprimer l’idée de quelque chose de resseré]

À l’époque, je ne le voyais pas comme ça.... C’est un espace vert aménagé... Pour moi le paysage, c’est vrai que... naturellement, sans penser à ce que tu m’as appris, [rire léger] je pense à quelque chose d’étendu. A part quand on l’utilise dans des termes genre paysage urbain où ce genre de chose. Quand tu utilises paysage sans rien, je pense grande étendue d’espaces naturels ... où l’Homme n’y a pas fait grand chose.... Du coup le parc, naturellement, je ne me dirais pas, oui, c’est un beau paysage. Ok. [pause] Tu allais beaucoup à Marseille quand tu étais petite ? J’y allais à partir de mi-collège. 4/3ème, avant ma famille était encore en Egypte. Donc oui, c’était presque tous les étés, Dinard/Marseille, presque, au moins un des deux. J’y suis allée pas mal de fois. Ça fait pas mal de temps.

Oui... Ça rentre, comme ce que je disais, dans le côté grande étendue naturelle. Marseille c’est pas dans la ville, c’est quand tu vas dans les calanques... Si, c’est dans la ville parce qu’elle est vachement étendue, mais c’est quand tu sors du centre, et que tu vas... et que tu longes la mer. Tu vas dans le parc naturel des calanques... Où même lorsque j’y allais en train. Lorsque tu passes à Lyon et Aix, tu as des beaux paysages. Il parait plus fort parce ce n’est pas mon quotidien! Il parait plus sec, tu as la roche blanche du sud. Il y a du soleil, ça change aussi la manière dont tu regardes le paysage. Quand ce n’est pas le quotidien, tu regardes plus déjà et tu regardes plus de belles

E.

A.

Lequel alors ?

Est-ce que à Marseille pour toi le paysage est plus fort qu’à Lille ?

choses. Le regard n’est pas pareil chez toi. Dinard c’est un peu la même chose. C’est évidemment pas les mêmes. Je ne connais pas bien la France... Le sud, il y a cette nature un peu sèche, tu sais les pins, la roche, le côté jaune, la mer... La Bretagne et Dinard, c’est des plantes particulières, les plantes sur toute la côte : des fleurs jaunes, c’est vachement colorée. Tu vois il y a ça, il y a des arbres. Et puis la couleur particulière de l’eau, ça s’appelle la côte d’Emeraude, un peu vert, un peu rocailleux. J’adorais quand j’étais petite; pas me balader sur le chemin mais dans les rochers, pleins d’histoires... C’est des paysages que je retiens beaucoup plus comme... plus marquant! Que les paysages aux alentours de Lille. C’est vrai que je ne me balade pas beaucoup autour de Lille dans les espaces que je considère comme paysage, du coup les parcs, les parcs naturels. Pour moi c’est plus des paysages marquants forts, mes destinations de vacances, que les paysages que je vois dans mon quotidien.

A.

25

Mais pourquoi ce lieu là est beau ?

E.

26

Parce que c’est hors de la ville, c’est calme, les gens se baladent, font du sport. Il y a l’eau, il y a des poules d’eau [changement d’intonations dans la voix, phrase légère]. J’y suis retournée il n’y a pas longtemps. Il y avait les couleurs d’automne qui se reflétaient sur l’eau, c’est vachement joli. Tu ne vois pas les maisons, tu as l’impression d’être dans un petit moment de nature. [pause] A un moment donné, il y a une ancienne boite de train, truc de train... Et c’est vachement vieux, c’est assez jolie, ça fait nature industrielle, abondonnée. Tu es là genre «Ouh». Ça fait un peu... [arrêt]

A.

27

Donc le côté industriel, tu l’associes bien ?


114

115

paysage, c’est un peu un point de vue. De loin, naturellement tout de suite, est-ce que ça fait des choses comme ça... [elle fait des vagues de la main, et plusieurs gestes], est-ce que c’est plat, ça monte, c’est des montagnes... Paysage urbain, je pense plus à ça. Et après la manière dont c’est aménagé à l’intérieur, est-ce que c’est très urbain : immeubles, bâtiments,... où est-ce qu’il y a beaucoup de verdures, est-ce qu’il y a des parcs... Tout ça, moi, ça entre en compte. Quand je pense paysage urbain.... C’est l’aménagement qui est fait par l’Homme de l’urbain, de la ville. A.

E.

37

38

Est-ce que si je devais te demander, c’est une question un peu chelou... [vérification de l’enregistrement avec Elisa, moment de pause] ... Si je te demande de penser un paysage totémique, qui te ressemble, où qui te fait penser à quelques chose, un moment? [hésitation puis reprise] Première question : Si tu étais un paysage, lequel serais-tu ? Ensuite : un paysage qui te fait penser à un moment. Moi je pense qu’il y aurait de l’eau.

A.

39

De l’eau, pourquoi ?

E.

40

Euh, j’adore l’eau... et je suis toujours attirée par les endroits où il y a de l’eau, les lacs, la mer, surtout la mer.

A.

41

Il y a l’idée de se baigner ?

E.

42

A.

Une mer en particulier ?

E.

44

Mmh, plus la mer de Bretagne, ou la mer du Nord... Pas la mer du Sud, christalline.

45

E.

46

A.

51

Comme une sorte de photomontage ?

E.

52

Oui un peu. C’est valloné, il ne fait pas forcement beau dans ce que j’ai dans la tête mais genre y’a toutes ces espèces là, c’est vraiment les plantes et les fleurs qui viennent tout de suite. Après Je peux toujours trouver d’autres souvenirs, la Nouvelle-Zélande, le voyage... Tu vois le premier truc, c’est plus l’étranger qui me vient.

A.

E.

53

54

Oui, l’idée de se baigner. Mais hiver comme été, comme printemps, ça bouge. Je trouve ça toujours beau. Une mer agitée d’hiver, je pourrais avoir envie de m’y balader... n’importe quand. Je le trouverais toujours beau, soit apaisant, soit au contraire, en mode déchainé avec pleins de pluie dans le visage; tu vois. [sourire] Quelque chose de fort, qui t’apaise, ça te calme. Tu regardes, tu entends, tu écoutes. La mer, je ne sais pas si ça me représente, mais en tout cas je penserais tout de suite à ça.

43

A.

dit paysage souvenir. C’est pas très précis donc c’est peut-être pas..., mais tu sais on a fait tellement de route que là j’ai une sorte de presque, truc global de, des routes de Nouvelle-Zélande. Ces routes un peu vallonées avec ces plantes particulières, ces fétuques [rires] ..., les arbres avec les fleurs rouges. Tout ces genres d’espèces d’arbres qui n’existent que dans ces endroits là. Pour moi, il y presque une sorte de... presque une création d’un paysage imaginaire parce que c’est pas un souvenir, un endroit particulier...

A.

Il y avait une attention qui était portée...

E.

56

Ouai, et pareil pour le paysage à chaque fois qu’on allait dans un nouvel endroit. Quand on allait dans l’île du Sud, il y avait un gros changement, le fait de remarquer toutes ces plantes, tous ces machins [sourires]... Comme c’est des trucs que j’avais jamais vus, mais qui m’entouraient constamment pendant plusieurs mois. L’habitude qui s’est créée, mais pas tellement... Non, pas tellement, comme je savais qu’on allait repartir, il n’y a pas eu de baisse d’intérêt. Il n’y a pas eu de «Oui j’ai compris : y’a une fétuque parce qu’on est en dans un endroit sec avec une montagne et donc y’en aura, je le sais, je le regarde plus». C’est parce que je l’anticipe qu’il n’y a plus de... [pause]

Ouai, plus voilà. En gros quelque chose qui pourrait presque représenter tes humeurs. C’est un peu débile mais... [rires] J’suis de mauvais poil, mon paysage intérieur, c’est la tempête ! [rires] Mais ouai, c’est ce genre de mer. Je te cite ça parce que c’est quelque chose que je connais. Plutôt mer froide, un peu.

47

Et donc si tu dois choisir un paysage ?

E.

48

Qui évoque un souvenir [moment d’hésitation]?

A.

49

Oui, un paysage = un souvenir.

E.

50

Euh, il y a tellement ! J’arrête pas d’ouvrir des tiroirs. Euh... [plusieurs secondes de réflexion] moi je dirais là par exemple, j’y ai pensé, la Nouvelle-Zélande, euh, toutes les plantes. Je n’ai pas de paysage particulier là, j’ai pas de paysage particulier quand tu m’as

Euh ... Bah en fait c’était du quotidien mais vu qu’il était limité, je pense qu’il y a forcément des moments où l’on faisait beaucoup moins attention à certaines choses. Mais on faisait beaucoup attention aux détails, on emmagasinait beaucoup plus que, on regardait beaucoup plus... ce qui constituait le paysage, même urbain, la manière dont les villes étaient. Comme tu découvres, tu fais beaucoup plus attention, même dans les villes. L’artère principale. Y’avait des trucs types, l’artère principale qui était couverte. Tu savais que dans chaque ville tu retrouverais ça. Et même temps tu étais complètement habitué. Et pourtant ...

55

Quelque chose de changeant ?

A.

Si on parle de la Nouvelle-Zélande. Je te parle un peu par rapport à moi, parce que forcement on l’a vécu ensemble. Mais, on était dans ce voyage qui a quand même duré longtemps, une idée de quotidien, et même temps, on était à l’étranger. Donc comment tu parlerais de ça toi ?

c’est des gros blocs noirs et blancs qui délimitent les trottoirs ou les routes. Ce genre de choses... La poussière un peu partout, le sable, et je crois que ça c’est les premiers paysages qui me viennent en tête avec bien sûr chez moi, bah à Noisy-le-Grand. Comme j’étais très jeune, c’était dans le cadre du divorce de mes parents et qu’on m’avait envoyé autre part. Et comme j’adorais ma tante ! Mais en même temps je sentais qu’il y avait un contexte. J’étais à la fois pas à l’aise parce que je ne connaissais pas, j’étais loin de mes parents, j’étais toute seule. Et même temps c’était génial, j’étais en Égypte là où d’habitude c’est les vacances et j’y vivais c’était cool. Il faitsait chaud ! Il parait que quand je suis rentrée du CP je disais «il fait tellement froid ici» [voix d’enfant en en blaguant]. Ma mère disait c’est trop mignon ! [pause] C’est des questions dures. Ce serait intéressant que tu ais des gens qui te disent aussi, j’ai toujours eu une sorte d’image...

je voulais dire. A.

59

Bouger, tu parlais de bouger...

E.

60

Oui quand tu es dans la démarche de bouger, de découvrir des endroits. C’est pas qu’ils sont imposés à toi, c’est toi qui va les chercher. Du coup, tu regardes... C’est comme quand tu vas en vacances, même si c’est ton quotidien... [pause de plusieurs secondes]

A.

61

Ok... Tu as dit une phrase géniale et je l’ai oublié...

E.

62

Ah oui quoi ?... Euh, j’espère que tu l’auras dans le machin... Normalement tu m’entends... [vérification pendant quelques instants de l’enregistrement]

A.

63

Est-ce que, si tu cherches au fond de ta mémoire, tu as un premier paysage qui te vient en tête?

E.

64

Mmh, c’est chaud ça... [Longue réflexion, elle recherche dans ces souvenirs]

A.

65

Je te laisse le temps de réfléchir... Une sorte de première image.

E.

66

Première image... de paysage ? Ça peut être à l’intérieur où ?

A.

67

Vas y, ça peut être à l’intérieur.

E.

68

C’est chaud ça... Mmh... J’en ai peut-être deux... Je dirais l’intérieur de l’appartement que j’avais à Noisyle-Grand chez ma mère et mon père. Je me souviens très bien de l’intérieur de cette maison alors que je suis partie j’avais six ans quelque chose comme là... La moquette, la lumière qu’il y avait, la baie vitrée, le balcon qu’il y avait. Enfin, c’est marrant ce que je me souviens dans cet appartement je peux situer les pièces, le mobilier presque, pas tout, en gros et il y a aussi la lumière... je ne sais pas pourquoi mais je pense beaucoup à la lumière de cet endroit. C’est peut-être pour ça que je pense à ce souvenir comme le premier. Et... [pause] Peut-être un autre, j’ai dû en avoir d’autre qui m’a marqué aussi mais celui là me renvient.... J’ai dû en avoir d’autres, mais je pense que j’ai d’autres premières images. Par exemple, je suis en allée en, début CP, je suis allée en Egypte. Je suis allée vivre chez ma tante pendant, je sais pas, un trimestre. Et comme c’était complètement... un peu fou. Enfin c’était un changement de quotidien hein. Je me souviens vachement des rues..., de... tu vois le fait que j’y vive de manière prolongée. [raconte ce souvenir avec le sourire]. Parce que depuis que je suis née j’ai du y aller en vacance mais là il y avait..., tous les jours, on allait au même endroit, on faisait les mêmes choses.

A.

71

C’est très compliqué de savoir comment dirigé...

E.

72

J’essaie de dire le plus de choses.

A.

73

C’est très très bien ... je continue à réfléchir [temps de pause entre nous]. On va faire un dernier exercice. Est-ce que si je te demande (...) ca va être dure je te préviens, de me décrire par un paysage imaginaire ? Dans le plus de détails possible.

E.

74

Mais je vais être influencé par ce que je t’ai déjà dit.

A.

75

C’est pas grave... Pour t’aider, tu peux juste partir d’un truc et après ajouter des détails dessus. Une première image..?

E.

76

[après un temps de réflexion] De l’herbe, pour l’instant j’ai rien d’autre. [rires] Je n’ai rien d’autres, sinon je pense à des vrais paysages...

A.

77

Elle est de quelle couleur ?

E.

78

Elle est verte. C’est vrai que c’est super imaginaire.

A.

79

E.

80

Nan, j’en ai pas. Pour l’instant, il y a une sorte d’étendue. Vraiment, c’est de l’herbe, elle est grasse, elle est jolie.

A.

81

Elle est rase ou un peu haute ?

E.

Y-a des fleurs ?

Nan pas vraiment. Est-ce que c’est de l’herbe quand elle est très haute ?

A.

82

Pas vraiment, c’est une prairie.

A.

57

Le fait d’être dépayser ?

A.

69

C’était quoi ?

E.

83

Ah non alors.

E.

58

... Il a duré longtemps. Il ne s’est pas perdu. Parce que quand-même, on a beaucoup bougé. Peut-être que tu vois si on étais resté à un seul endroit, ça n’aurait pas été la même chose. C’est les mêmes paysages qu’on a vu quelques fois même dans l’île du Sud ou l’île du Nord. Ouai, je trouve que le dépaysement je l’ai gardé un peu tout le long. L’attention était la même... [pause et sourire] Je sais plus ce que

E.

70

On allait à l’école, des choses comme ça. Il y avait un parc aussi pas très loin de la maison de ma grandmère où vivait ma tante. Euh, tu sais c’est pas le parc de Noisy-le-Grand... mais il y avait des... je sais pas si c’est des palmiers mais des gros feuillus, des fourmies qui avaient la taille d’un cafard. Les rues, tu sais, ... je me souviendrais toujours des bordures des rues. Dans pas mal de pays d’Orient c’est la même chose,

A.

84

C’est de l’herbe genre gazon de foot ?

E.

85

Nan, nan. Personne s’en occupe. Alors quand fait c’est peut-être pas vrai que personne s’en occupe parce que normalement il y aurait des mauvaises herbes. Là c’est en mode super gazon, bien haut.

A.

86

Il y a un ciel ?


116

117

il est un peu bizarre le paysage. Le paysage de logiciel euh, de jeux vidéos. Le truc un peu euh...

E.

87

Oui, il y a des nuages, au loin...

A.

88

Quels genre de nuages ?

A.

102

Tu l’as construit ?

E.

89

Duveteux, pas des gros filets. Des trucs mignons.

E.

103

A.

90

En mode mouton ?

E.

91

En mode mouton ouai.

A.

92

On voit le soleil ?

E.

93

Oui il fait beau. Le soleil était devant, je le vois en face. En gros, là je le fais bouger [rires] ... Je suis en train de la construire là, j’arrive pas à avoir un truc construit.

Ouai, il est pas réel, mais il n’est pas du coup paysage imaginaire dont tu rêves, le truc qui vient tout seul. Là quand j’ai essayé de le créer, il y a des choses très superficielles et donc ça fait un élément un peu froid. Alors que quelque fois j’ai déjà rêvé de paysage. Ah c’est vachement chouette... Je m’en souviens parce qu’il était super bizarre, il y avait des émotions super bizarres. Je m’en souviens parce que pendant deux jours j’avais essayé de noter mes rêves, et donc je m’en souviens. En gros, j’étais en avion et j’arrivais au sud d’une sorte de lac. J’avais situé ça en Italie et je passais très très proche de... En fait c’était un très grand lac, en Italie... chaud... Et mon avion passait juste à côté des plages. Le lac, une sorte de bleu-vert profond, mais assez calme... qui reflète bien ce qu’il y a autour. Mais pas transparent la couleur du lac, profond... Et euh pareil, c’était un peu entouré de truc un peu valloné, un peu à l’italienne. Il y avait une ville au loin. Mais les gens étaient quand même sur les bords de la plage du lac et genre avec l’avion je passais juste à côté d’eux et ils me remarquaient pas [rires] ... J’étais genre avec mon oncle, truc improbable.

A.

94

C’est normal avec les questions !

E.

95

Je suis loin, je suis au niveau de l’herbe, et au loin je vois qu’il y a des buissons, de la végétation... moins domestiquée que cette pelouse un peu étrange, que cet pelouse un peu parfaite... Au loin, il y a beaucoup de végétation. Il y a ces arbres que j’aime bien, du sud des USA, avec ces trucs qui pendouillent... Euh, pense aux arbres que l’on voit dans les films ou les séries. C’est une sorte de truc en plus, de mousses ou de lichens qui pendouillent dans tous ces arbres. Comme je les kiffe ces arbres, ils sont apparus là au fond. Les arbres américains, c’est pas l’arbre en luimême. Là ... après je suis en train de réunir pleins de... pleins de plantes que j’aime bien, les plantes de Nouvelle-Zélande, des petites fétuques, des petits arbres aux fleurs rouges dont je n’arrive pas à me souvenir les noms à chaque fois (pohukutawa)... Voilà, une sorte de mélange, ... parce que moi j’aime bien les gros bordels. Moi par exemple je préfère paysages, enfin les jardins à l’anglaise. Là il y a des trucs un peu des champs, au loin, qui fait une sorte de grande cercle. Je dis ça parce que derrière il y a des montagnes derrière, je te l’ai pas dit mais il y a une chaîne de montagne derrière.... Alors, elle est un peu en neige, il y a des neiges éternelles dessus, mais elles sont au loin,... c’est en mode là. C’est un peu genre, le truc ... c’est plat un peu. [essaie de faire des signes des mains pour disposer les éléments qu’elle décrit au fur et à mesure] Il y a une sorte de plat devant, et puis de la végétation et des montagnes. C’est pas du tout réaliste.

A.

96

En gros, il y a plusieurs plans ?

E.

97

Oui il y a trois plans. C’est presque froid. C’est pas du tout réaliste. [rires]

A.

98

De toute façon, c’est imaginaire, c’est ça l’idée. Et là, en ce moment même, tu es statique ou tu bouges?

E.

99

Depuis tout à l’heure, je suis statique.

A.

100

Et tu as envie de bouger ?

E.

101

Nan. Le truc il me donne pas envie d’y aller... [rires] Genre, c’est un peu mode j’ai lancé un logiciel, création de paysage... j’ai mis le paysage, l’herbe... Pas très vivant. Il n’y a pas de gens, pas d’animaux... enfin

A. E.

104

105

Là tu me parles de vision, mais est-ce que t’avais des sensations ? Il faisait super chaud. Je crois que je l’ai eu l’hiver dernier, en février, un truc comme ça. Il y avait de la chaleur, la lumière était jaune..., ça sentait presque bon, tu sais. Je crois que je l’avais eu avant de me réveiller, donc il m’avait bien mis, j’avais bien le seum, genre nan nan c’est l’hiver!... C’était entouré de truc valloné, et là je me pose, je sais pas comment, et là il y avait une sorte de grande terrasse de restaurants sur la pente. Et les gens étaient là sur la terrasse. Les gens étaient mis en terrassement, [rires] genre une chaise, une table, une chaise, une table, en dessous; et ils avaient l’air de tenir très bien. Ca n’avait pas de sens, enfin c’était un rêve ! [rires] Et euh, je me souviens que ce rêve là, il y avait des gens, il y avait de la vie. C’était irréaliste, enfin pas réaliste. Mais ...

A.

106

Il y avait quoi comme couleurs ?

E.

107

Euh, un vert un peu avec un filtre jaune de film, sépia. Il fait très chaud, en été, avec une lumière très forte, soleil. Genre midi quoi... Il était en rêve, il était pas statique, il y avait des gens. Il y avait de l’activité. Il y avait une vie... Alors que le payage que je t’ai créé, il est bizarre, il est artificiel. Il fait fond d’écran, tu sais...

A.

108

Ok... [pause] et.... une dernière question. Pour toi le paysage, c’est quelque chose de solitaire, d’individuel, ou que tu partages ?

E.

109

... Bah peut-être plus en individuel. Il y a un peu peut-être le côté paysage, la nature telle quelle, où il n’y a pas d’homme, tu vois.

A.

110

Mais toi là dedans ?

E.

111

Bah ouai, et pourtant je suis là. Je sais pas... [rires] je ne devrais pas y être. Par exemple, tu vois la Nouvelle-Zélande, on a été ensemble, mais tu vois c’était moi qui regardait, qui gardait les souvenirs, qui prenait les photos. C’est plus contemplatif. Donc c’est toi tout seul, c’est plus un truc solitaire. Dans la notion que j’ai de base. C’est un peu le côté : paysage le truc un peu sacralisé. Une vieille vision du paysage.... La nature romantique [rires]

A.

112

Avec des émotions ?

E.

113

Ouai, la mer...

A.

114

Tu penses que c’est lié au fait que tu ais fait de l’histoire de l’Art ?

E.

115

Je dirais que c’est d’avant. Ouai peut-être que je ne le remarque pas... Ouai, nan ça marche pas, tu vois comme le type de peinture : le paysage était considéré comme inférieur, il fallait y mettre des gens, des choses.

A.

116

Ok... [pause] ... Dernière question peut-être ?! ... par rapport à ce que tu m’as dit... A chaque fois tu me dis «quand il n’y a pas d’homme». Mais quand tu me parlais de l’Egypte et de paysage, il y avait des gens, tu revois des gens ?

E.

117

Dans les souvenirs que j’ai, dans les images mentales que j’ai ?! Si j’y associais des gens, comme par exemple la rue, tu ne peux pas imaginer sans y associer des gens, les vendeurs par exemple.

A.

118

Ça participe de ça ?

E.

119

Ah oui, ca fait du bruit, il y a les gens qui gueulent, qui parlent arabe... euh ... ça participe vachement, c’est intégré completement au souvenir. Dans la rue, le côté un peu sale, ... plus sale que chez nous, c’est parce qu’il y a beaucoup de vie. C’est le bordel, ça fourmille. [sourire] Ça marque autant que le paysage juste. Je te parlais des parcs, il y avait moins de monde. Mais la rue elle-même, c’est sale, poussiéreux, il y avait plein de monde, il y a du bruit et ça participe du coup au paysage. Tandis que Lille; comme j’y vis, j’ai pas le... [hésitation] Si tu me dis, vas-y décris moi le paysage urbain de Lille. Qu’est-ce que tu pourrais me décrire si c’était un paysage ? J’pense une vision globale de loin. Il y aura ça, et ça... Les élévations, les différentes maisons, je le vois de loin. Qu’est-ce que qui consistue le paysage de Lille ? Je le vois de loin, une petite maquette....

A.

120

Tu n’es pas dedans ?

E.

121

Nan, je suis pas dedans alors que c’est mon quotidien. [rires] Comme je pense à un souvenir, je pense à... un moment, où moi j’étais peut-être petite, je me baladais dans la rue et du coup je suis dedans.

A.

122

Tu ressens des choses ?

E.

123

Ouai... Alors que ouai, je vis dans le paysage lillois, je le connais bien alors je vais te citer un truc précis du Caire. Alors que Lille, je la vois de loin, je vais pas te

citer un élément particulier. L’Égypte comme je ne connais pas, je ne peux pas te faire ça. Je peux te citer un truc précis du Caire parce que c’est un souvenir. Alors qu’à Marcq, j’ai tout de suite une impression de maquette. Parce que je pense que je connais bien, donc je n’arrive pas à faire la même chose. A.

124

Et tu penses que tu connais bien Lille ?

E.

125

Ouai, c’est une des villes que je connais le mieux.

A.

126

Est-ce que tu penses que tu pourrais être dépayser à Lille ?

E.

127

Oui.

A.

128

Et est-ce que tu penses que si tu étais dépaysé, tu...

E.

129

Il y a pleins d’endroits que je ne connais pas, pleins de lieux où je suis jamais allée. Il y a des quartiers où je ne suis jamais allée... Je ne sais plus quand. Si, à la fête de la Musique, je suis allée à la friche de Saint-So, je ne savais même pas que ça existait. Et pour le coup, c’était un peu dépaysant, tu traverses un buisson, il y a un feu de camp. Et puis il y a pleins de petits coins. Même la dernière fois avec toi, on s’était baladé, on a été dans un endroit, tu m’as dit, on a pas mal été avec notre école parce que il y a un aménagement de résidences, une rue toute mignonne pas loin, qui ressemble à la rue des Vieux Murs. Je sais plus, pas loin. On est allée dans cette rue là, je connaissais pas du tout. Et après, tu tournes et tu arrives sur... non, mais il y avait un endroit où même il y avait un gamin qui jouait au ballon... une petite cour avec des maisons autour ... Tu m’avais dit que t’avais été plusieurs fois parce qu’il y avait un aménagement spécifique qui avait été fait, ca ne te dit rien ? Mais la photo... J’ai pris une photo de la rue... je pourrais la retrouver si tu veux.

A.

130

Oui, ca y est je me souviens, avec des quartiers HLM.

E.

131

Oui voilà c’est ça; je connaissais pas du tout. Il y avait une petite rue toute mignonne.

A.

132

Tu arriverais à dire que c’est du paysage ?

E.

133

Bah ouai carrément, j’ai été dépaysé, comme. Sur le paysage, aussi, y’a ce côté. Des choses que tu connais pas... Ouai je peux être dépayser à Lille. Tout ça, ça va contre ce que tu fais, toi tu vas chercher des lieux que les gens vont se réapproprier.[pause] Euh ... Tu vois c’est le même principe, finalement c’est des endroits que les gens ont oubliés, à côté de chez eux, pas loin. Et bah, ouai, tu vas le considérer tout de suite comme du paysage comme tu ne connais pas. Je réfléchis pas beaucoup, je te sors des trucs instinctifs...

A.

134

Ok, je pense que j’ai une bonne petite base... Merci à toi.


118

119

N.1.2

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

Julia le 15.12.2016 La Mamaz, Lille 13h00-13H45 20min50

A.

15

Et quand tu partais en vacances ?

J.

16

On partait à la campagne ou à la mer,... tout le temps.

A.

17

Et qu’est-ce que tu préférais ?

J.

18

La mer... oui. On partait aux Sables d’Olone, dans le coin, très très souvent. Quasiment toujours au même endroit.

A.

19

Et c’était en hiver ou en été ?

quel tu vis, dans ce que tu vois tout les jours, à ce qu’il y a autour de toi.. Donc oui c’est super important, c’est sûr et certain !

de paysages en tête... j’hésite. Mais je pense que ce serait la forêt. Oui la forêt... A.

31

J.

32

Et ce serait une forêt plutôt comment ? Forêt en été, avec un cours d’eau. C’est quand même mieux, c’est quand même plus mignon. Une forêt assez dense, oui... Plutôt des arbres avec des feuilles.

A.

33

Est-ce que dans cette forêt, il y a des animaux ? Elle est vide, il y a des gens ?

A.

49

Quand tu parles d’environnement, c’est écologie ou espace ?

J.

50

Nan l’espace que tu as dans ton cadre de vie. Je l’entends pas rapport à moi. Si tu dois t’intéresser à la question du paysage, c’est plus dans le sens ce que je vois tous les jours.

A.

51

Et là en ce moment, tu es à Lille. Est-ce que pour toi, il y a du paysage ou pas, dans ce que tu en as vue depuis quelques mois ?

J.

52

Bah, si c’est paysage dans le sens vert... euh... pas tant que ça. C’est une ville, euh, c’est une ville quoi! Après les bâtiments, en terme d’architecture, c’est incroyable. Mais en terme de paysage c’est un peu vide. C’est même carrément vide.

A.

1

Peux-tu te présenter ?

J.

20

En été, en hiver on ne partait pas.

J.

34

J.

2

Je m’apelle Julia, comme tu es au courant. J’ai 23ans, euh ... au niveau de mes études, je fais du droit. Qu’est-ce que tu veux comme précisions ?

A.

21

Et de quoi tu te souviens quand on dit Sable d’Olone ? Des images particulières de ces paysages là qui te reviennent ?

Euh...les animaux pourquoi pas, mais je suis une flipette, donc je vais dire sans animaux [rires]

A.

35

Et une température dans la forêt ?

36

J.

J.

Oui, il fait chaud. Mais à l’ombre, tu as juste la bonne température pour te détentre !

A.

37

Et dans cette forêt, tu y fais quoi ? Balade ? Repos ?

J.

38

Ah les deux... Enfin moi c’est ce que je fais quand je vais en forêt, tu fais une bonne balade, et après tu te poses tout le reste de l’après-midi... et je dors... Tu te reposes quoi! Il n’y a pas un bruit, ou des bruits de forêt.

A.

53

Pour toi, les éléments du paysage, c’est quelque chose de naturel ?

J.

54

Bah oui, je vois les choses plus comme ça... Associé à un cadre de vie.

Et si je te demandais maintenant de décrire un paysage imaginaire ? Est-ce que tu as quelque chose qui te vient en premier ? [difficulté de la part de Julia, j’essaie de repréciser] Une première image... comme si tu devais le construire toi même ?

A.

55

Quand tu me parles de cadre de vie : tu penses la maison et son jardin ou c’est un grand, un petit paysage ?

J.

56

Je vois plus ça au niveau de la ville, parce que je ne vis pas du tout dans un endroit où il peut y avoir des grands paysages. Donc des plaines, des champs, des forêts... Je vois plus ça au niveau de la ville : des endroits où il peut y avoir de l’aération. Mais ca peut être la maison, un jardin. De toute façon pour moi, ça c’est vital. Je ne pourrais jamais vivre sans jardin ou dans un appart ou quoi. Mais tu vois même là au travail, au tribunal, ils ont foutu un peu d’herbe mais ça donne vite fait l’impression qu’il y a de l’air frais mais... [pause]

A.

57

C’est toujours associé? Faut qu’il y ait de la végétation pour qu’il y ait du paysage ?

J.

58

... Non... pas forcément.

A.

59

Si je te dis un désert ?

J.

60

Nan, c’est vrai.... mais en ville, oui. Je pars du principe que oui. On ne pas vivre sans rien du tout, un peu de naturel autour de soi.

A.

61

Est-ce que le terme paysage urbain, ça te parle ? Ca te fait penser à quelque chose en particulier ?

J.

62

Pas spécialement, mais je comprends que ça se rapproche plus de l’architecture, mais je pense que l’un ne va pas sans l’autre... Même si, Lille je trouve qu’il n’y a pas énormément d’espaces verts entre guillemets et de trucs comme ça, du naturel. Mais je suis fan de l’architecture de la ville et je trouve le paysage urbain incroyable. Et pourtant c’est une ville assez dure, qui n’a pas du tout ces choses là.

A.

63

Tu regardes beaucoup l’architecture.... Est-ce que

A.

3

Où-est ce que tu as grandi ?

J.

4

J’ai grandi à Joinville, qui à côté de Paris.

A.

5

Toujours au même endroit ?

J.

6

Euh non, j’ai vécu jusque quatre ans à Paris, dans le 11ème, dans un appartement.

A.

7

J.

8

A.

9

Et tu as déménagé à Joinville ? Oui, dans une maison, et j’ai toujours habité dans cette maison depuis, avec un jardin. Comme tu étais en ville, quel était ton quotidien ? Est-ce que tu partais souvent en vacances, tu allais à la campagne, si tu bougeais beaucoup à côté de chez toi ?

J.

10

Quand j’étais petite ? Mon quotidien c’est à dire... [hésitante] Est-ce que je bougeais beaucoup de ma maison ?

A.

11

Oui, tout à fait. Si tu visitais beaucoup de lieux...

J.

12

Ah oui, quand j’étais petite, ma mère me trinqueballait dans tous les parcs qu’elle trouvait, là pour le coup, j’ai vraiment tout fait. J’ai fait toute la région parisienne, tous les trucs possibles et immaginables. Mon père était pas trop nature, donc on ne sortait jamais en forêt avec lui, mais elle essayait de trouver quelques trucs; nous trimballait beaucoup à Paris, dans les trucs pour enfants, que ce soit dans les parcs. On esssayait de bouger pas mal... On sortait de la maison, on allait au Val de Marne à côté, il y avait tous les gamins qui faisaient du vélo. Oui, on faisait tout le temps des trucs comme ça.

A.

J.

13

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22

A.

23

Est-ce que tu arriverais à décrire la mer que tu voyais ? Une mer particulière, une image ?

J.

24

[blanc, elle semble avoir des difficultés à répondre]... J’ai pas de souvenirs... pas de souvenirs particuliers de la mer. Peut-être un peu plus grande, mais euh... Plus grande, oui, on allait tout les ans on allait au même endroit, chez des amis de mes parents, donc j’ai des souvenirs. C’était à côté de Royan donc mer assez calme, une petite plage, un petit truc de vacances, une petite station balnéaire. Donc oui, j’ai des souvenirs de ça, station balnéaire quoi. Avec les trucs le soir, le marché le soir, la journée, c’était la plage. C’était blindé, les resto, les trucs. Tous les trucs de vacances quoi !

A. J.

25

26

Tu te souviens de certains couleurs, certaines odeurs, certaines sensations particulières ? Ça c’est dur à décrire ... Des couleurs un peu orangées, avec des couchers de soleil. À la plage, j’ai vachement ça, oui.

A.

27

Un bruit, un rythme ? D’autres sons que la vue ?

J.

28

Le bruit, oui, la place automatique. La ville était assez remplie et sur cette endroit là, le bruit de la foule.... et non, les odeurs pas particulièrement, si ce n’est les odeurs de chichis, les trucs qui tu fait frire... [rires] ces odeurs là, quoi !

Et si je te demande une sorte de première image de ton enfance ? Un souvenir qui te reviens comme ça [grande diffuculté pour Julia] ... J’en ai pas ... j’en ai beaucoup, mais c’est très flou, donc c’est assez compliqué...Qu’est-ce que je peux me rappeler ? ... Des moments où je jouais, oui... des jeux. [pause] Dans ma maison, je me rappelle des moments où je jouais. Je me rappelle vachement quand je jouais avec ma soeur dans mon jardin. Oui je me rappelle vachement de ça c’est marrant.

J’ai surtout des images des endroits où on allait, on allait dans les gîtes. C’était jamais des villages vacances ou des trucs comme ça. Donc c’était assez isolé, on était souvent un peu dans les terres. On était souvient bien isolé. On prennait souvent des maisons... au milieu de nul part, des trucs perdus. Et je me rappelle vraiment de ces maisons là. Il y avait rien autour, des champs à côté. Comme moi je vivais en ville, chaque fois ça m’étonnait. On se foutait toujours au milieu de nulpart... Les plus petits villages que tu pouvais trouver ... [rires]

A.

J.

29

30

Sinon, est-ce que tu pourrais choisir un paysage totémique, au même titre que si je te disais «Si tu étais un animal». Avec un paysage, lequel serais-tu ? Oui d’accord ... alors, parce que moi mes paysages se résument à mer/montagne. [rires] J’ai pas beaucoup

A.

39

J.

40

Oui, oui ... attends le premier truc qui me vient en tête... [rires] Il n’y a pas un film où il y a une forêt de nourriture ?... Je te jure, il y a un film où il y a ça, avec que de la nourriture géante. [rires] Et bien là, je pense à ça. C’est ça que j’imagine. Comme paysage imaginaire.

A.

41

Donc paysage, tu penses à de la nourriture ?

J.

42

Oui ! [rires]

A.

43

J.

44

Et c’est associé à quelque chose de particulier, ou un peu tout et n’importe? Non, je sais pas. Ça me fait penser à ça [rires] Tu m’as dit d’inventer un truc, et le truc le plus bizarre que j’ai vu je crois que c’est ça en terme de décor, de paysage autour de soi...

A.

45

Et si tu essaie de rattacher ça à quelque chose de normal ?

J.

46

Euh... bonne question, très bonne question... Là je sais pas [rires] ... Non, aucune idée.

A.

47

C’est pas grave, une autre question. Si je te dis le mot «paysage», est-ce que toi, dans ton quotidien, c’est quelque qui te parle ou quelque chose à laquelle tu ne penses jamais ?

J.

48

C’est pas quelque chose qui me parle parce que ni dans mon travail, enfin, il n’y a rien qui fait que je m’y interesse forcément, au quotidien vraiment. Mais je rattache plus ça à l’environnement dans le-


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pour toi, il y a une ville particulièrement paysagère ? J.

A.

J.

A.

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Euh... peut-être Lille justement, parce que c’est plus petit, c’est plus proche de grands espaces verts, peutêtre moins occupée par l’homme. Paris, c’est tellement grand, tu n’as plus aucun espace vide. Donc pour toi, Lille te fait plus penser à du paysage qu’à Paris ? Pourquoi tu dis ça ? Par rapport aux espaces verts ? Plus en terme, un peu, d’aération,... je ne sais pas comment expliquer. Parce que en ville même si c’est occupé par l’humain, c’est le travail. Lille, tu as encore plus de campagnes autour tu peux sortir plus facilement, je sais pas comment expliquer... c’est vraiment en terme d’aération. [grands gestes de la main] tu souffles quoi ! Il y a cette association où il y a la ville super urbaine pour le travail et l’extérieur...

J.

68

Un peu ouai. En fait, tu me fais me rendre compte de trucs, là ... mais oui je le vois un peu comme ça. J’ai besoin de sortir!

A.

69

C’est quelque chose que tu fais souvent ?

J.

70

Bah c’est quelque chose que je fais tout le temps. Parce que quand je suis sur Paris, je travaille sur Paris, je vais à la fac sur Paris, et après je rentres en banlieu. Ça fait du bien de rentrer le soir, de sortir du vacarme du truc. Il y a trop de monde. C’est bien tu vois, mais ça fait du bien d’arriver dans un espace beaucoup plus vert, beaucoup plus aéré, avec des hauteurs moins grandes tu vois !

A.

71

Ok, ok ... bon, je pense que j’ai fait le tour de mes questions.

J.

72

C’est vrai ? ... Et bien ravie que ça t’aide, parce que moi je me rends compte de trucs aussi [rires]... C’est des questions intéressantes et pourquoi on ne se les pose pas plus souvent ! Ca n’a rien à voir mais le travail que vous vous faites... Je trouve ça super interressant ... Ce serait pas du tout mon métier... Ca prend en compte tellement de choses, tellement lier à l’environnement, à la sociologie. Et euh, oui, j’adore ton métier [rires]

A.

73

C’est plutôt marrant parce que nous dans notre métier, on se pose beaucoup de questions, et c’est aussi interéssant de voir que les gens le font naturellement la plupart du temps.

N.1.3

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

le dimanche matin avec mon père et mes frères et sœur. [pause] En fait, tu vois, à côté de chez moi, ... euh, fallait prendre la voiture d’abord, donc c’était un peu une expédition... On mettait les vélos dans la voiture, et on prenait de la bou e aussi pour le midi. On faisait ça souvent en été, mais des fois, on y allait dès qu’il faisait beau au printemps je dirais. Enfin, on sortait tout le temps le dimanche matin.

Louis le 4.02.2017 Café, Dijon 15h00-16h 39min10

A.

1

Tout d’abord, peux-tu te présenter ?

L.

2

Alors, je m’appelle Louis, j’ai 22ans et je suis étudiant, à la fac d’Histoire de Dijon. Je suis en Master2. Et voilà, le paysage moi je n’y connais rien du tout. [rires]

A.

3

Où est-ce que tu as grandi ?

L.

4

Alors, j’ai grandi dans le nord de la France, à côté de Lens. [signes de la main en cercle] J’ai presque toujours été dans la région de Lille pour faire mes études, sauf depuis l’année dernière, je suis à Di- jon... [pause] Et j’ai fait mes études à Lille3 en His- toire, ça c’est à Villeneuve d’Ascq.

A.

5

As-tu toujours habité au même endroit ?

L.

6

Oui... Enfin, non. J’ai déménagé, mais j’avais 1an donc je ne m’en souviens pas... J’ai grandi dans la maison familiale, c’est dans un p’tit bled à Neuf-Berquin, un truc un peu paumé. Heureusement que j’avais mes deux frères et ma sœur parce que j’étais au fin fond de la campagne, que des champs autour ! [rires]

A.

13

Et donc, vous alliez où ?

L.

14

Ah, oui, ce que je disais... Alors attends je me souviens plus... Oui, donc on allait dans les monts des Flandres, vu que c’était pas très loin, et on faisait des randos en vélo dans la forêt... Ça montait et ça descendait pas mal en fait. Il y avait des belles côtes, [signes de la même mimant la pente] ... avec des chemins dans la boue même. Quand j’étais tout petit souvent on fait deux team. Il y avait mon père avec mes deux grands frères qui passaient par les petits chemins, vraiment galère tu vois, les trucs super pentus, et tout. Et moi et ma sœur et avec ma mère, on faisait de la balade et on se re- trouvait à un point de rencontre... J’aimais pas ça moi, j’voulais toujours aller avec mon père... [rires] Il y a même une fois, je suis parti.. Je, j’ai laissé ma mère quand elle regardait pas, et j’ai tracé ... [rires] ... Et c’est, cette fois là où je me suis ouvert la lèvre... [rires] j’ai tellement pleuré ! Mais j’étais petit, je devais avoir 10 ans je crois !

A.

15

Et pourquoi tu te souviens particulièrement de ces lieux ?

L.

16

Euh ... bah parce que j’y allais super souvent ! C’était vraiment super cool, c’était le dimanche matin, souvent il faisait beau... Et puis on était dans la forêt, ça c’était cool aussi. J’aimais bien être dans les bois quand j’étais petit je crois, vu qu’il y en avait derrière chez moi. Je sais pas, c’était les lieux où je pouvais aller me cacher quand je me faisais engueuler ... [rires] ce qui arrivait souvent.... je crois que j’étais un monstre quand j’étais petit. Mais, ouai. Cette forêt là, elle était trop cool parce que ça montait et ça descendait, c’était des petits chemins en terre, il y a pleins d’arbres.... Et je me souviens, une fois, on avait été à l’automne et on allait aussi chercher des champignons... et la forêt était toute mouillée, alors ca sentait l’humus... et la terre ... ça sentait bon, tu vois. Mais on glissait sur les feuilles humides. [pause] Ce qui était cool aussi, c’était la pause dej, après, ... soit on allait au resto, mais c’était grave rare [sourire] soit on s’arrêtait dans une clairière, après les bois... et il y avait une super vue sur toute la campagne [signe de la main pour mimer un espace étendu], avec les petits bleds au loin... C’était cool ça aussi, c’était un petit paysage comme ça. Quand j’y repense, ça fait un peu carte postale kitsch là. [rires]

A.

7

Tu vivais donc à la campagne. Tu aimais ça ?

L.

8

Euh ... je te dirais, quand j’étais petit, c’était vraiment bien, tu vois. On pouvait se balader à vélo, on allait dans les champs,... Derrière chez moi, il y avait une petite forêt ... enfin très petite alors je ne sais pas si on dit que c’est une forêt... Bref, il y avait des arbres, et on allait toujours jouer dedans tout le temps, avec mes cousins, et on faisait des courses poursuites aussi... Je me suis cassé le bras en grimpant sur un tronc... [rires] Excuse-moi, je m’éloigne un peu je crois... [rires]

A.

9

Non, au contraire. Je voudrais connaître ton quotidien ? Tu étais donc souvent dehors ?

L.

10

[rires]... Oui, j’étais un vrai casse-cou. J’étais toujours dans la boue,... l’été, et l’hiver, oui l’hiver aussi. J’adorais ça, tu vois, le grand air... courir, jouer dehors, ... On avait construit une super cabane avec deux de mes cousins, dans les arbres au fond du jardin... [rires], c’était vraiment cool ça ! Elle y est toujours même, mais elle est un peu cassée.

A.

17

Est-ce que tu pourrais me parler d’un souvenir d’espace extérieur ? Durant ton enfance par exemple ?

Tu m’as parlé de l’odeur de la forêt, est-ce que tu te rappelles d’autres détails... plus, comment dire, euh, sensorielle ?

L.

18

Euh, c’est à dire ? ... genre euh, les couleurs ?

A.

19

Oui, pourquoi pas.

L.

20

Euh,... bah tu vois, c’était toujours très vert... ou

A.

L.

11

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Un espace de mon enfance, euh... [réfléchit pen- dant quelques instants], je te parlerai d’un souvenir peutêtre, oui ... peut-être lorsque j’allais faire du vélo


122

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nan plutôt marron en faite. C’est marrant, ce qui va plus me revenir, c’est les moments où on était en automne, ou alors lorsqu’il avait plu avant... enfin je crois. Pas lorsque tout était beau, tout vert, comme en pleine été. En vrai, c’était plus cool quand il y avait de la boue, et qu’il y avait des feuilles partout... C’était plus marrant, tu vois. A.

21

Plus marrant ?

L.

22

Ben oui, c’était plus de challenge, plus de glissades... [sourires]

A.

23

D’accord, donc cet espace là, c’était ton terrain de jeu favori ?

L.

24

Oui, c’est tout à fait ça... J’y allais pour jouer tout le temps, c’était trop cool. C’était trop le paysage fait pour ça quoi !

A.

25

L.

26

A. L.

A. L.

A.

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sais, si tu es un animal, tu es quoi, la même chose avec le paysage ? L.

32

A.

33

L.

34

Le paysage fait pour ça ? C’est à dire ? Euh ... j’ai dit ça ? [rires] ... bah en gros, c’est quand même vachement plus cool comme paysage quoi, que celui que j’ai par exemple maintenant. Là tu vois, j’habite à Dijon, dans un appart, et franchement Dijon, en terme de paysage comme ça, ... bah j’en ai pas encore trouvé. Enfin, je pense que c’est parce que je vais plus dans les mêmes lieux pour les mêmes choses... enfin, tu vois, si je re- tournais dans les monts maintenant, je ne pense pas que ce serait là même chose, peut-être que je ne trouverais plus ça amusant à faire... [pause] En fait, je pense que c’est lié au fait qu’on faisait ça en famille. Ça c’était bien, tu vois, ça m’a marqué parce que on a été souvent, et que c’était toujours ensemble, et tout ça ... peut-être que je n’aurais été qu’une fois dans ma vie, je m’en souviendrais pas... Et que si j’y allais, ça me marquerait pas ! Je trouverais pas ça beau par exemple. Mais lorsque tu vas dans des paysages que tu ne connais pas ? Euh, bah ça dépend du paysage tu vois. Clairement, à chaque fois que je vais à la montagne, je skie ! C’est toujours trop beau, tu vois la montagne comme ça ! Tu vas skier, tu vas faire des randos et tout ! Quand tu es tout là haut, après avoir marché genre 4 ou 5heures, ça c’est trop cool ! ... Et là, bam, [tape dans ses mains] tu vois tout le paysage autour de toi, avec toutes les montagnes et tout ça. C’est juste trop beau souvent ! Tu l’as mérité quoi, ta vue ! Ah oui, ça n’aurait pas marché si tu étais monté en télésiège par exemple [sourire] ?

Est-ce que tu peux me le décrire plus précisément ? Alors, bah ce serait un paysage assez grand,... enfin étendu. Un truc avec des champs, ouai, des champs de blé. En vrai, là, je pense à la maison de mes grands parents, ... c’est vraiment au milieu des champs avec pas grand chose autour. C’est assez calme, c’est même presque mort chez mes grands-parents [sourire] . Mais ouai, c’est grand, c’est plat, il y a un horizon assez, assez loin [dessine l’horizon de la main], il y a quelques fermes par-ci par-là, ... mais c’est vraiment la campagne.

A.

35

Et tu trouves ça agréable ou beau ?

L.

36

... Etonnement, beau oui... tu vois, il y a truc avec le ciel et le sol, c’est tellement plat, tellement étendue... c’est, je sais pas comment dire,... c’est loin [fait des signes de la main en avant], ouai, c’est infini presque. Et pour le coup, oui c’est plutôt beau ! ... [pause] par contre, euh, agréable. Oui, on va dire que c’est agréable, mais c’est un peu ennuyant, enfin... je sais pas, je trouve ça beau à regarder, mais je crois que je m’ennuierai un peu là-bas...

A.

37

Pourquoi tu penses ça ?

L.

38

Bah il n’y a pas grand chose à faire quoi. C’est la vie à la campagne... Tu peux un peu te balader, mais en vrai, c’est pas très palpitant... en fait, c’est, comment dire, très figé. Il n’y a pas beaucoup de vie... [pause] et puis comme je te disais tout à l’heure, il n’y a pas ce côté challenge, ce côté sportif, ou tu bouges, tu te défonces,...

A.

39

Donc dans quels paysages tu préfères être dans ce cas là ?

L.

40

Je pense que je préfère les endroits où il y a du dénivelé,... je pense en faite que je préfère les montagnes, mais les hautes montagnes... dans les Alpes quoi. Tu vois par exemple, il y a deux ans, je suis parti en vacances faire un trek. En gros, j’ai rejoint deux potes à Lyon pendant une grosse semaine et après on est parti douze jours à pied, on a été jusqu’au pied du Mont Blanc et après on est descendu jusqu’à la mer, en passant par le massif des Ecrins et du Mercantour. Et après on est descendu sur la côté Méditerranée en suivant la frontière avec l’Italie... Et on a traversé un nombres de paysages incroyables !!...

[rires] Euh, si peut-être, ça aurait été beau aussi, je pense ! Mais il y a quand même ce truc tu vois, dans le fait de le faire, ... de sou rir tu vois. Ca devient un but... comme un, un objectif à atteindre. Tu sais que ça va être ouf d’être là haut, donc tu te défonces... Après, j’suis un peu comme ça moi [rires], j’aime bien me fixer des objectifs à la con à atteindre, ...et je crois que c’est un peu la même chose dans ce paysage là, tu vois. D’accord... Est si je te demande maintenant de me décrire ton paysage totémique, comme si je te di-

Euh ... laisse moi réfléchir là ! C’est un peu psychologique ça... Alors, si je devais choisir un paysage, bon, c’est vraiment le premier truc qui me vient en tête hein, mais bon, je pense que ce serait une campagne avec des champs... avec un truc assez plat. En fait, c’est marrant, c’est pas... nan mais, c’est pas du tout par rapport à moi, tu vois c’est pas moi. Enfin je veux dire c’est pas le paysage qui me représente, blablabla... Nan, c’est plutôt genre, le paysage que je connais, tu vois,... c’est celui dans lequel j’ai grandi. C’est plat le Nord [rires] le plat pays qui est le mien ! [rires]

A.

41

Tu peux me les décrire un peu plus ? C’était dans

quel cadre ? L.

42

Oui, alors en faite déjà, j’étais avec deux potes et on marchait, je sais plus... je crois 20/30kms tous les jours, on a tout fait à pied, avec les sac-à-dos, la tante et tout le bordel. Il y a un jour, je me souviens, on a tracé parce qu’on étais attendu chez des potes, donc on a fait 56km à pied, on a marché du matin jusqu’au soir, j’étais mort... C’est ultra spor- tif, le sac à dos, tu vois on avait essayé de le faire lé- ger, mais franchement, j’avais 11kilos sur le dos, il y a eu des jours franchement c’était dur. Mais c’était génial, la plupart du temps on était au milieu de nul part ! Après entre-deux on s’arretait dans des petits villages et des fois on faisait du stop quand on avait la flemme de marcher. [rires ]

A.

43

Tu pourrais me parler d’un lieu en particulier durant ce périple là ? Un lieu qui t’as marqué particulièrement et pourquoi ?

L.

44

Attends, laisse moi réfléchir ... parce qu’il y en a plusieurs alors... Si je sais, en gros y’a un jour, on avait mal calculé notre coup et donc on a fini de marcher dans le noir, on était censé atteindre un refuge. On était dans le Mercantour à ce moment-là. On était à côté du Mont Pelat, si je me souviens bien, et on allait au col de la Cayolle, on était à 2000m d’altitude, et on devait monter jusqu’à 2600m ou 2800m, je sais plus ça... C’était une rando sur trois jours, et on faisait étape dans deux refuges. Mais en gros on a foiré notre coup le deuxième soir..., on avait pris trop de retard et on avait pas géré les distances, et on marchait à la lampe de poche... mais franchement il commen- çait à y avoir du brouillard parce qu’on montait en altitude, il était super tard, je crois qu’il était déjà 23h passé, un truc comme ça. Franchement en plus le chemin était grave galère, super étroit et il y avait pas mal de pente..., alors à un moment, vu qu’on savait plus trop où on en était, on s’est arrêté dès qu’on a trouvé un endroit disponible et on a planté les tentes... On était pas super serein en plus parce qu’on savait qu’il y avait des loups dans ce coin là... [sourire] enfin tu vois le truc...

A.

45

Oui, pas très rassurant effectivement... [sourires]

L.

46

Et donc, on s’est couché super tard, et j’ai du dormir 4h un truc comme ça,... il faisait trop froid en fait... et donc en gros, je me suis réveillé su- per tôt avec le soleil, vu qu’on avait bien orienté les tentes. Et en gros je suis sorti alors qu’il faisait encore très sombre et j’ai vu le jour se lever et je m’attendais pas DU TOUT à ça ! C’était juste totalement ouf !!! En gros on s’était arrêté juste au dessus d’une énorme crête rocheuse qui donnait sur tout le fond de vallée. C’était vraiment un paysage très très aride, super escarpé, avec les crêtes rocheuses qui se découpaient comme ça sur le ciel ! C’était juste magnifique avec le lever de soleil ! [sourire] La lumière arrêtait pas de changer, c’était rouge, c’était orange, et tout, ça créait des ombres de folies tu vois, sur la crête ... Et franchement, j’ai grave fait mon égoïste à ce moment là, j’ai pas réveiller mes potes tout de suite [rires] j’ai attendu que le soleil soit un peu plus haut ...

A.

47

Tu n’avais pas envie de partager ça avec eux ?

L.

48

[rires]... En vrai nan, j’étais dans un état un peu... un peu bizarre, tu vois. J’étais à moitié endormi, j’étais frigorifié en plus. Et en même temps j’étais complètement,... je sais pas trouver le mot, ... obnubilé, oui ou, je sais pas, fasciné par ce qui se passait devant moi ! C’était totalement fou, tu vois... Et ça n’arrêtait pas de changer de secondes en secondes, alors je voulais pas bouger tu vois.

A.

49

Tu te souviens de la lumière ?

L.

50

Ouai, c’est particulièrement ça qui m’a marqué en vrai. Tu vois c’était changeant, et en plus la lumière jaune sur la roche claire, complètement aride, c’était fou, tu vois ! ... Après, c’est marrant là, mais ça me revient un peu, j’entendais également le bruit des animaux... tu vois, il y en avait pas beaucoup parce qu’on était en altitude mais on entend des bruits au loin... c’était très léger.... mais oui, c’était ça et la lumière. Mais je retiens clairement la lumière. [pause] Et donc après quand on était tous réveillé, on a enfin pu vérifier sur la carte où on était [rires], et on a bien fait de s’arrêter parce que en gros, on avait encore 2h de marche. Et quand on voyait après le chemin sur la crête, franchement, on aurait glissé, j’crois qu’on était morts ... [sourire] - Aujourd’hui, je rigole, mais franchement je faisais pas le malin quoi.

A.

51

Ok, donc c’était vraiment une expérience forte pour toi, par rapport aux autres paysages que tu as traversé ?

L.

52

Oui, clairement ... on a vu vraiment des paysages grandioses, on a marché au bords de glaciers, on a grimpé des sommets à 3000m, on a vu la vallée des Merveilles aussi dans le Mercantour avec les inscriptions préhistoriques, c’était super cool à faire et à voir aussi, tu vois. Mais franchement ce truc là, c’était fou...

A.

53

Ok [je recherche ma future question lorsqu’il reprend]

L.

54

Tu vois, j’ai même pas sorti mon appareil photo à ce moment là, ... je crois que j’avais la flemme aus- si, mais franchement j’avais pas envie. J’étais juste là, juste à regarder ce spectacle quoi!

A.

55

Pour toi, la photo ne t’aurait pas permis de mieux te souvenir ?

L.

56

Euh, ... si, peut-être. J’aurais eu une image... mais finalement, en vrai, je, j’avais pas besoin de ça. Tu vois, à ce moment là... je préférais regarder.

A.

57

D’accord... Maintenant, si je te demandais de me décrire un paysage imaginaire...

L.

58

Un paysage que j’imagine, c’est ça ?

A.

59

Oui, tout à fait, si je te dis image un paysage ...

L.

60

Euh, c’est difficile ça... parce que tu vois, je viens de te parler de plusieurs endroits donc c’est dur de s’en détacher... [réfléchit quelque instants] Bah tu vois j’image un truc assez grandiose... tu vois les paysages de la jungle, genre comme en Asie, avec des grands dénivelés de montagnes, des forets ultra denses, ... et de


124

125

la brume. Tu vois un peu l’ambiance... A.

61

C’est un paysage que tu as déjà vu ?

L.

62

Euh, pas vraiment, tu vois... c’est plus les images que j’ai déjà vues de ça... j’ai jamais été en Asie... [pause] mais tu vois, ça ressemble un peu à la forêt que tu peux voir dans Avatar. Oui, dans le film.... avec les arbres immenses, la forêt ... et des plantes exotiques, tout ça. C’est ça que j’imagine plutôt.

A.

75

L.

76

Et la nature pour toi, c’est quoi ? Euh, bah c’est tout ce qui n’est pas humain... [rires] Non, enfin c’est toute la végétation, les arbres, les plantes, ... et les animaux aussi, mais pas lorsqu’ils sont contrôlés par l’homme. J’aime quand c’est sauvage [rires].

A.

63

D’accord, ... donc ça s’inspire d’un film ?

A.

77

L.

64

Oui, beaucoup... c’est une sorte de mélange de plusieurs images de films que j’ai déjà pu voir.

Ok, bon je pense avoir fini avec mes questions. Estce que tu as envie de rajouter quelque chose ?

L.

78

Je ne pense pas... Je ne m’étais jamais posé ces questions en faite ... Tu vois, tu me parles paysage, en fait je pense tout de suite à mes vacances... Mais c’est super agréable comme souvenirs à raconter, c’est cool !

A.

65

D’accord ... [pause] et maintenant, dans ton quotidien, comment tu parlerais de paysage ?

L.

66

Euh, ben, je sais pas trop si c’est dans mon quotidien en fait. Mais... en fait ça dépend. Tu vois, je te parle beaucoup de super beaux paysages où j’ai pu aller, pour faire la rando ou des trucs comme ça... Mais, tu vois, je vais souvent courir au bord du canal, là à Dijon... Et dès que je sors de la ville et que c’est plus naturel, je vais me dire, enfin je pense, que c’est du paysage...

A.

67

Il faut que tu sortes de la ville ?

L.

68

Oui, ... oui franchement, le « paysage urbain » [fait des guillemets avec les mains] je comprends pas trop, quoi... J’adore la ville, j’adore vivre en ville et tout ça, je trouve certaines villes super belles, comme genre j’ai été à Dublin il n’y a pas longtemps, c’était vraiment beau. Mais je parle pas de paysage quoi... Le paysage, c’est la nature, c’est les espaces vides, les espaces grands...

A.

69

Il ne faut pas qu’il y ait d’hommes ?

L.

70

Si, il peut y en avoir, c’est pas le soucis, mais faut juste que ce soit .... euh escarpé ou sauvage... ou pas trop accessible tu vois... Le paysage, on ne vit pas son quotidien pour moi dedans... Donc ce n’est pas la ville en gros.

A.

71

L.

72

Et en ville, les lieux comme les parcs, les canaux, tout ça... Euh ... je sais pas... Je dirais que ça va dépendre du lieu, de comment il est aménagé. Mais en gros, pour simplifier, dès que c’est aménagé, je vais te dire que ce n’est plus du paysage ... le paysage, je dirais que c’est vraiment quelque chose de sauvage. Oui, c’est le seul terme qui me vient en tête là. J’aime bien le côté challenge, le côté un peu dangereux dans le paysage. Enfin, dans ma façon de définir le paysage. J’aurais du mal à associer le centre-ville de Dijon par exemple à du paysage... [rires] Je peux trouver ça sympa, plutôt beau et tout en terme d’architecture, mais ce n’est pas du tout du paysage pour moi... même urbain.

A.

73

Ok, donc une définition du paysage pour toi, ce serait plutôt quelque chose de naturel et sauvage ?

L.

74

Oui, tout à fait. Je ne vois pas du paysage tous les jours, j’ai besoin de euh ... sortir de la ville, et de sor-

lage… Et notamment la maison de mon autre grandmère, qui habite dans le même village, c’est plutôt marrant… et des prés aussi, la vue sur les prés au loin.

tir de mon quotidien tu vois... Il faut que ça change, il faut que ça bouge.

A.

79

Merci à toi alors.

N.1.4

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

Justine le 29.02.2017 Appartement, Lille 17h00-18h 26min

A.

1

Tout d’abord, peux-tu te présenté ?

J.

2

Alors… Justine, étudiante en paysage, photographe et dessinatrice à ses heures perdues… C’est à dire tout le temps. [rires] Et j’ai 23 ans.

A.

3

Où est-ce que tu as grandi ?

J.

4

J’ai grandi entre la Marne et les Vosges … Donc entre les plaines et les montagnes,… mais sans la mer !

A.

5

Dans quels lieux exactement ?

J.

6

Alors euh, c’est assez compliqué en fait … A Villouxel, c’est à une heure de Vittel, dans le 88, dans la campagne chalonnaise et ardennaise… Attends, pour être exacte : donc Villouxel c’est dans les Vosges,… Et euh, …, ensuite à Wadelincourt dans les Ardennes et aussi à Breuvery-sur-Coole, ça c’est dans la marne… J’ai déménagé pas mal de fois. Même beaucoup trop de fois… parce que après toute seule j’ai habité à Paris pour mon BTS, et maintenant à Lille aussi, depuis quatre ans déjà.

A.

7

Tu habitais dans une maison lorsque tu étais plus jeune ?

J.

8

Oui toujours… et de plus en plus vers la campagne au fur et à mesure… [rires]

A.

9

Si tu devais me raconter un premier souvenir d’espace ? de lieu ? qui t’a marqué et qui te revient en mémoire ?

J.

10

Hum, … [elle réfléchit pendant un moment] Je dirais que,… très souvent… c’est lié aux Vosges, c’est un peu mon lieu repère. Et oui, je dirais le jardin de ma grand-mère : ça a été le premier lieu où je me suis sentie bien… Puis un spot près d’une rivière ou je venais quand j’allais pas bien … [s’arrête quelques secondes], c’est pareil, c’est pas très loin de chez moi, c’est assez calme, dans les bois, j’ai découvert ça il n’y a pas longtemps, l’année dernière je crois. Mais oui, je dirais plutôt celui de ma grand mère en fait, il est plus important pour moi.

A.

11

Peux-tu me le décrire plus précisément ?

J.

12

Hum alors il est en pente, [fait un signe avec les mains] en soit, c’est le pire jardin que tu peux avoir pour récolter [sourire]. Mais j’ai appris à y jardiner donc il m’est cher, pour moi… Et en gros, il y a un muret de pierre avec le ferme d’un côté, c’est assez grand … et vu qu’il est en pente, on a toute la vue du reste du vil-

A.

13

C’est un souvenir qui remonte à quelle âge environ ?

J.

14

Euh, je ne sais pas… Mais mes premiers souvenirs sont genre à… 7 ans, oui, 7, donc…

A.

15

Ton enfance était plutôt à la campagne ?

J.

16

Non dans un lotissement en vrai, en fait…

A.

C’est-à-dire ?

J.

17

A.

18

J.

19

[réfléchit quelques instants] Euh, alors…le soleil [pause] et la lumière en général, ça c’est assez marquant, les différentes lumières qui peut y avoir sur la campagnes, selon si c’est l’hiver ou l’été. Moi j’y étais principalement en été, donc je me souviens aussi beaucoup des soirées et des couchers de soleils sur la campagne… Et l’odeur ainsi, oui beaucoup. Oui, l’odeur des insectes, ou de la terre sur mes mains [pause], quand je faisais du jardinage ou que j’avais simplement les mains dans la terre, et bien-sûr chez ma grand-mère…

A.

20

Quelles odeurs ?

J.

21

Je sais pas juste une odeur agréable… [sourire] … ça remonte à loin. [rires]

A.

22

Si tu devais maintenant me parler, et choisir un lieu qui t’as marqué profondément…

J.

23

J. Alors euh… Je crois que ça a été mes premières vraies randonnées, quand j’étais plus jeune… Pas forcement un lieu en particulier. [pause] Après effectivement, j’en ai un en tête, vu que c’est le dernier… c’est les neiges éternelles, oui, en Georgie. C’est un voyage que j’ai effectué il y a seulement quelques mois, donc obligatoirement c’est celui qui me revient en premier et qui m’a vraiment marqué pour le coup. J’étais entourée de montagne de glace… c’était vraiment très impressionnant. C’était très marquant comme lieu, enfin comme randonnée dans ces montagnes là. [pause] Mais je n’étais pas seule ce qui m’a embêtée d’ailleurs...

Bah,… en gros on habitait tout proche de la ville, mais en lotissement, toujours. Mais les souvenirs, celui ci en tout cas, il est rattaché à mes vacances chez mes grands-mères, j’y allais tout le temps. J’y passais presque tout l’été, donc je me souviens beaucoup plus de la campagne chez mes grands-mères. En lotissement, ce n’est pas du tout la même chose, le genre d’habitation que ça peut être, alors que la campagne, c’est quand même beaucoup plus agréable, c’était vraiment des moments particuliers pour moi. Le village de mes grands-parents, c’est vraiment un tout petit villages, tout le monde se connait… mais c’est très calme, et puis j’y suis très attaché. C’est dans les Vosges, j’ai tellement déménagé, que c’est le seul lieu que je connais, d’où je viens quoi… C’est plus facile de dire que je suis vosgienne. D’accord…Les souvenirs que tu as, pour l’instant, tu me les décris visuellement et spatialement, est-ce qu’il y a d’autres éléments qui te viennent en tête ?


126

127

A.

24

Pourquoi tu penses que cela t’as marqué ?

J.

25

Euh… Parce que c’était la première fois que je voyais d’aussi près de la neige éternelle, je crois. C’est vraiment impressionnant, tu vois. Je n’ai pas l’habitude, enfin j’ai déjà souvent été à la montagne, mais jamais dans des lieux aussi sauvage, même lorsque je vais au Québec, ça ne me marque pas autant. Là c’était vraiment fort.

A.

26

Tu as fait une randonnée pour y aller ? Pour voir les neiges éternelles ?

J.

27

Oui … assez longue, la randonnée même. Huit heures, je crois… un truc comme ça. [pause] C’était quatre heures et quatre heures pour l’aller-retour… On a finit la dernière heure dans le noir, le soir, il faisait super froid, il a fait froid pendant presque les deux semaines de voyages. On a beaucoup marché pour cette rando là.

A.

J.

A. J.

28

29

30

31

Qu’est-ce que cela t’as fait de rentrer dans le noir ? Vous étiez encore dans la montagne à ce moment là ? Euh non, là, on arrivait vers le plat… c’était la fin. Ca a permis de change de vision sur ce paysage. C’était, euh, … un aller-retour. Pas une boucle, donc je suis revenu en arrière. J’ai pu revoir ce que j’avais déjà vu à l’aller, mais c’était plus du tout là même chose,… ce n’était pas là même lumière, pas la même heure, et puis ce n’était pas le même sens. [rires] D’accord. Et tu me disais que tu aurais préféré être seule à ce moment là ?

32

Tu as associé ce paysage à une sorte d’envie de solitude ?

J.

33

Non,… [elle réfléchit avant de reprendre] enfin pour moi un moment pareil se partage d’une manière précise… Ce qui n’était pas le cas là. J’étais un peu déçue, même si j’aimais ce que je voyais à ce moment là. Et donc ce moment, pour toi, c’était une expérience forte de ce paysage ?

A. J.

35

J.

A. J.

40

41

42

43

Oui… oui, clairement, c’était une expérience de paysage, c’était vraiment très intense… [pause] mais pas bien partagée…

A.

36

D’accord, mais qu’est-ce qui alors pour toi, fait une expérience de paysage ?

J.

37

Euh, lorsque je pense vraiment expérience de paysage, bah alors c’est un paysage qui me touche,… [pause] Et c’est aussi, enfin pour moi particulièrement, selon comment on se sent … à ce moment précis, que l’on soit accompagné ou seul, en fait.

A.

38

Ok. Dans ton discours, tu as souvent associé les lieux à des émotions ?

J.

39

Oui très souvent, c’est vrai… pour moi c’est impor-

là comme ça, non je ne peux pas trop. J’ai que des images précises… A.

54

J.

55

J. Ahah [rires] ça, ça dépend !… Quand je vais bien, c’est le paysage qui amène l’émotion, parce qu’il va être très beau, ou très impressionnant, ou je ne sais pas… et quand je vais mal c’est le sentiment qui m’amène à m’enfuir plutôt… [pause] Attends t’enfuir, c’est à dire : dans le paysage ou du paysage ? Euh… Je vais vers un endroit qui fait paysage pour moi, … genre dans un coin seule, et où il y a du son comme genre… un ruisseau, ou un bruit comme ça, qui va être agréable, et euh, un peu mélancolique aussi…

A.

44

En fait, c’est comme un refuge ?

J.

45

[prends quelques secondes] Oui, c’est un peu ça… Et puis quand ça va c’est l’inverse, c’est plutôt un paysage qui m’ouvre, en fait… qui me donne envie, et qui me plait. C’est quelque chose que j’ai envie de partager alors, ou je n’ai pas envie d’être seule... envie de partager l’expérience avec quelqu’un, tu vois ?

A.

46

D’accord, … et maintenant si je te demandais un paysage totémique ? Si tu étais un paysage, qu’estce que tu serais et pourquoi ?

J.

47

Ca je ne sais pas… [pause] Mais je dirais plutôt une montagne. Tu vois pour la hauteur, la puissance, et puis aussi l’eau. J’aime beaucoup les paysages de montagne, tu vois, pour pouvoir aller y faire des randonnées aussi,… Il y a toujours cette idée de force qui est associé à la montagne, j’aime bien ça. J’aime bien les randonnées ou la marche est longue, et où il faut grimper pour arriver au but... ou même la marche en elle-même, c’est quelque chose qui me correspond bien, l’idée de marcher dans un paysage, un peu avec soi-même.

Oui je pense… [pause] ou plutôt avec des gens que j’aime davantage [sourire].

A.

34

A.

tant, la façon dont je vais vivre les choses, surtout les paysages, c’est vraiment beaucoup par rapport à mes émotions au moment où je voyage. Qu’est-ce qui prédomine alors plutôt… le paysage ou l’émotion ?

A.

48

D’accord, donc plutôt la montagne pour toi.

J.

49

Oui, je ne sais pas si ça me représente, mais c’est un paysage auquel je suis très attachée personnellement.

A.

50

Ok, maintenant est-ce que tu peux me décrire un paysage imaginaire ?

J.

51

Hum [semble réfléchir quelques instants] J’en ai pas… En fait, plutôt, ils ont tous un lien avec des images de paysages que j’ai pu voir, dans les films, ou des photos, ou des illustrations… Donc, il y en a pleins, j’arrive pas à avoir un paysage seul, mais pas trop … Je ne sais pas trop. [semble un peu perdue]

A.

52

Est-ce que tu arriverais à en décrire un seul ?

J.

53

De ce que j’ai vu? … [pause] Non… Je ne peux pas trop en fait. A la rigueur je pourrais t’en décrire un si je lis un bouquin, parce là ça m’amène à imaginer les scènes, les paysages décrits et tout ça... mais

A.

56

A.

64

Et toi dans ce paysage alors ? Tu adoptes quelle posture ?

65

Euh…j’observe simplement assise, en fait… J’observe plutôt de loin… Me demande pas pourquoi assise, j’en sais rien [rires]… mais je suis beaucoup plus en train de regarde, un peu de loin. Et puis en train de penser aussi… d’observer ce qui se passe, et moi ce que je pense… [pause]

A.

66

D’accord. [pause] Et donc, suite à notre petit entretien, est-ce que tu pourrais me donner une définition, entre guillemet non exhaustive, du paysage ?

J.

67

Euh, alors ... [hésite quelques instants]. Et bien je dirais que, pour moi, le paysage est différent de l’espace de la ville, d’abord. Et que c’est lié à quelque chose de naturel, d’espace étendu et ouvert. Tu vois, comme lorsque l’on a une vue dégagé sur un lieu, ... ou des choses comme ça. Et puis c’est également un lieu ou, à un moment, ça te procure des émotions, oui, des émotions fortes. Il y a quelque chose à ce moment là, dans ce paysage qui fait que,... c’est fort, par exemple. Parce que c’est très beau, ou parce que c’est grandiose... [pause, puis reprend] Pour moi, ça a vraiment à voir avec des moments particuliers, des souvenirs qui vont te marqué, qui vont te rappeler ce paysage-là, à ce moment là,... et dans une ambiance particulière, un peu... Voilà.

A.

68

Est-ce que tu voudrais rajouter quelque chose, un point sur lequel tu voudrais revenir particulièrement peut-être ?

J.

69

Euh... pas particulièrement... Si, je peux te dire que oui, voilà, on nous parle beaucoup de paysage urbain au sein de l’école, et de la ville, des espaces de la ville et tout ça, mais oui, moi je détache beaucoup les deux. Les paysages qui me viennent en tête, c’est rarement des paysages urbains dans un premier temps,... c’est beaucoup plus des paysages sauvages, ou calme... ou il n’y a pas beaucoup de gens dedans. Et où on ne voit pas beaucoup la présence humaine en tout cas.

A.

70

D’accord. Merci de m’avoir répondu alors.

C’est-à-dire, des images précises ? Bah, par exemple, je pense à une illustration d’un paysage que j’ai vu passer il y a pas longtemps sur instagram. C’était une forêt dessinée, très stylisée, très simplifiée, avec des couleurs très fortes, il y avait beaucoup de jaunes et de oranges, très flashy, j’aimais beaucoup le style de dessin… Mais ce n’est pas un paysage que moi j’ai imaginé, c’est une image que j’ai vu, il n’y a pas longtemps… Ok ok. Maintenant si je te demande si tu as un rêve de paysage ?

J.

57

Non…enfin… un paysage rêvé, genre idéal ?! Ah oui ok… [pause] Un paysage rêvé pour moi, bah ce serait un paysage où il y aurait et la mer et la montagne … mais ainsi de la neige, avec un lac et puis une rivière. Il y aurait beaucoup d’éléments en fait, qui viennent composer différentes ambiances, selon les envies, et les moments aussi… [pause] Ou un mix de ces éléments…

A.

58

Toujours des éléments naturels ?

J.

59

Oui… pas de ville… Enfin l’idée peut me venir mais pas directement. Le paysage et l’urbain pour moi, c’est pas du tout la même chose. Et le paysage en ville, ce n’est pas vraiment une notion, … enfin ce n’est pas un truc qui me parait cohérent. Je dissocie beaucoup le paysage et la ville moi.

A.

60

Ok, donc pour toi il y a une séparation entre ville et paysage ?

J.

61

Totalement, et tu vois, malgré la façon de voir le paysage qui nous est enseignée, pour moi ça reste deux choses très différentes. Le paysage urbain pour moi, ça ne peut pas être de l’expérience de ‘vrai’ [fait les guillemets avec ses mains] paysage. Les aménagements de quai, de berge, les pars tout ça, pour moi, ça reste seulement des aménagements qui sont agréables dans le cadre de la ville. Quand tu vis en ville, tu as besoin de ce genre d’espaces, mais ce ne sont pas des paysages en soit. Le paysage, c’est quelque chose de naturel, comme je te disais tout à l’heure. [pause] C’est composer d’éléments naturels, qui peuvent être l’eau, les arbres, la végétation en général, et puis ça vient donner des paysages : la mer, la campagne, ou la montagne… Mais pas la ville… la ville, c’est quelque chose de construit, l’architecture, tout ça, c’est beau mais ça ne rentre pas dans le paysage pour moi. Et puis le paysage pour moi, c’est quelque chose de très personnelle, c’est vraiment en rapport avec ce que je ressens, et les émotions et tout ça. En ville, c’est pas du tout quelque chose que j’ai l’impression de pouvoir avoir ça.

A.

62

Et est-ce que, dans les différents paysages que tu sites, il y a de gens ?

J.

63

Non… non, vraiment. Le paysage, c’est sauvage, c’est sans hommes, c’est loin des habitations… Le paysage, il est là pour lui-même, il ne doit pas y avoir de pollution humaine à l’intérieur.

J.


128

129

N.1.5

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

Agnès le 6.03.2017 Appartement, Lille 15h00-16h 32min

Ax.

1

Peux-tu te présenter ?

Ag.

2

Agnès Paccou, 24 ans. [rires] … Lilloise, en dernière année d’étude de Master Communication.

Ax.

3

Où est-ce que tu as grandi ?

Ag.

4

A Dunkerque. Toujours à Dunkerque, jusqu’à mes 18ans. Après, j’ai habité Lille.

Ax.

5

Toujours dans la même maison ?

Ag.

6

Ax.

7

Ag.

8

Ax.

9

Ag.

10

Ax.

11

Ag.

12

Oui, toujours. Enfin c’était à Téteghem. Je vais te poser des questions sur tes souvenirs liés à l’espace ? Est-ce que tu pourrais me parler d’un espace dont tu te souviens.

L’arbre était de l’autre côté de la grille. Du coup, il tombait sur la maison. Après il faisait beau, il faisait… jour, il y avait de la lumière, c’était le printemps, quelque chose comme ça. Donc j’avais pas froid, c’était agréable ! Ax. Ag.

Ax. Ag.

15

16

17

18

L’espace, genre l’école ? Oui, plus lié à l’espace extérieur. Donc l’école si tu veux. Si tu as en fait une première image d’enfance ? Euh oui alors … La cour de l’école,… enfin l’extérieur, la cour. C’était une grande cour. Il y avait … un portique, donc il y avait la grille d’entrée, il y avait une ancienne maison, c’était la maison de l’assistante médicale de l’école. En gros … [je lui tends un stylo et une page de mon carnet de note, Agnès se met à dessiner le plan de la cour d’école au fur et à mesure.] Ca faisait ça, tu avais l’école qui était là. Tu avais un autre bâtiment là. Et en gros la cour faisait tout ça. C’était une grosse école, enfin une grande cour. [elle décrit en dessinant progressivement en plan.] Là tu avais une maison. Là tu avais un porche. Il y avait un immense arbre, qui tombait sur la maison. Et à chaque fois, on s’asseyait là; enfin des trucs comme ça. C’était trop trop bien. En gros, voilà. C’est mon premier souvenir d’espace. Tu associes ça à un espace de jeu ? Oui de jeu, d’enfance. J’y allais… C’est débile, mais j’y allais quand j’étais triste. On jouait au milieu de la cour quand on était beaucoup, et quand j’étais seule j’allais là-bas… Sous l’arbre…. Je me mettais à l’ombre des feuilles.

Ax.

13

Est-ce que tu souviens de sensations, de perceptions d’odeurs, de lumière…

Ag.

14

Justement la lumière dans les feuilles qui faisait l’ombre sur la façade de la vieille maison en brique là. C’était super jolie. On ne pouvait pas du tout monter sur l’arbre, c’était l’un de mes grands regret.

Et si tu devais parler plus d’espaces lié aux loisirs ? … Une autre image peut-être ? Euh… oui… Le premier truc qui me vient à l’idée, c’était quand j’étais en vacances à St-Cyprien. En fait, on avait loué un bungalow qui était plus éloigné du centre, il y avait tout plein de petits bungalow, et le nôtre était plus loin. On avait notre jardin, enfin la porte s’ouvrait sur … une grille, enfin un grillage, qui donnait au loin sur le mont…, c’était le mont, euh, je sais plus comment il s’appelle ce mont. [fait des gestes de la main durant la description pour mimer les éléments] Et donc on voyait tous les champs… c’était une immense étendue de champ. Et au loin, tu avais le mont qui dominait. Il faisait beau, il faisait chaud, c’était aride. C’était vraiment dans le sud, tu vois. C’était les vacances… Si je te demande maintenant de me décrire ton paysage totémique, quel paysage serais-tu ? Euh … je pense que je serais un paysage entre la mer et la montagne. Par exemple dans le sud justement. Tu vois la mer, tu vois les montagnes. Tu as des champs, tu as des arbres, tu as des vieilles maisons en briques un peu plus loin. Tu n’as pas d’animaux. Mais tu as un paysage grand avec des champs, quelques buissons, la mer d’un côté, la montagne de l’autre [pause] … et de la lavande aussi.

Ag.

28

Comment ça ?

Ax.

29

Est-ce que ce paysage là correspond à un état de ta personne ?

Ag.

30

Ax.

31

Par exemple.

Ag.

32

Ca me fait penser à du calme ou de la sérénité… et euh, c’est con mais j’associe beaucoup du coup. En fait j’aimerai le peindre. En fait c’est un paysage qui j’aimerai peindre. Je voudrais l’avoir devant moi et me posais, et donc le peindre.

Ax.

33

Et donc, par rapport à ce paysage là. Tu dis, tu veux le peindre, donc tu ne veux pas te balader dedans ?

Ag.

34

Bah je pense, que si je veux saisir l’instant le plus loin possible, saisir ce moment là avec une bonne lumière, un bon moment. Souvent vers la fin de la journée quand le soleil commence à descendre. Mais si je voudrais aller découvrir la maison ou s’il y a une forêt, ou s’il y a un bois… Allez toucher la lavande.

Tu veux dire, ça me fait penser à de la joie ?

Ax.

35

Et quand tu parles de le peindre ? Ca veut dire que l’idée de le représenter, ça permet de … ?

Ag.

36

De le capter. Pas comme un photo, une photo c’est un moment simple, enfin pas simple mais un moment précis. Technologique, tu vois, j’en sais rien. C’est coupé, alors que si tu le peins, tu apprends à le connaître, à trouver les détails, capter une certaines lumières, un moment de la journée, parce que forcement tu ne peins pas en deux minutes. Ça change, ça bouge. Justement apprendre à le connaître en fait.

Ax.

19

La lavande ?

Ag.

20

Oui, la lavande. En fait, j’associe ça vraiment au vacances. Parce que j’habite dans le Nord [rires]

Ax.

37

Ax.

21

C’est-à-dire, j’habite dans le Nord ?

Ag.

38

Ag.

22

Bah, du coup, la lavande ça pousse pas, enfin les champs de lavande surtout, tu n’en n’a pas dans le nord. Les champs de lavande c’est spécifiquement le sud. Ca me fait penser au soleil, ça me fait penser au vacances. Tu sais, ces rangées comme ça, de champs de lavandes, très beau, qui sentent bon, avec une couleur différente du ciel, de la mer, de la montagne, une couleur violette.

Lorsque tu peins ce paysage, c’est plutôt quelque chose de solitaire ? Oui… oui… Après, je pense que si je me retrouve seule à peindre. Si, je peindrais toute la journée mais je rentrerais dans un endroit avec des gens... [rires]

Ax.

39

Si je te demande d’imaginer un paysage ? Est-ce que tu arrives à composer par exemple un paysage ?

Ag.

40

Euh… comment ça ?

Ax.

41

Si je te dis, imagine moi un paysage, ou même dessine moi un paysage ?

Ax.

23

Ok, d’accord.

Ag.

24

J’adore les champs de lavande. [rires]

Ag.

42

Euh … bah une montagne… directement.

Ax.

25

Et, tu m’as décrit des champs, des arbres, de la lavande, beaucoup de choses naturelles. Est-ce que tu y associes des choses un peu moins naturelles ?

Ax.

43

Tu peux donner plus de détails ?

Ag.

44

Après ça vient comme le premier paysage que je te disais, je vois la montagne, en arrière-plan, je vois les champs devant. Je vois que c’est un peu vallonné au début. Ca monte en strates, tu as les champs, tu as les collines et après tu as la montagne. Tu as des arbres, un peu partout, … mais pas de forêt. Tu as des buissons, tu as les petites maisons. Voilà … je sais pas …

Ag.

26

Bah oui, quelques maisons justement, des vieilles maisons typiques avec des toits en tuile, des vieilles maisons en briques. Et peut-être, c’est imagé, mais peut-être un banc, ou euh… quelque chose qui inspire le repos, ou le calme, la fraicheur aussi.

Ax.

27

Tu associe ça à une sorte de moment particulier ou à une sensation particulière ?

Ax.

45

Si je te demande de me raconter une expérience

paysagère qui t’a marqué ? un moment qui a été important pour toi, un paysage particulier qui t’as marqué ? Ag.

46

Mmh … [réflexion et hésitation] je réfléchis… [cela dure plusieurs secondes]

Ax.

47

Ça peut être récent, ça peut être il y a longtemps.

Ag.

48

Ca me fait penser quand on a monté la dune du Pilla avec mes frère et soeur. Tu montes déjà, tu montes tout en haut. Là tu vois la mer d’un côté, la forêt de l’autre. Après, il y en a pleins. Mais je sais pas si tu le comptes dans le paysage. Mais par exemple, quand j’étais dans mon appartement rue Inckermann, j’adorais ma vue. En faite c’était une immense cour, de garage, de l’extérieur de la façade. J’avais vue sur toute l’extérieur des façades, plus j’avais la Tour de Lille, enfin le beffroi. Je voyais sur le beffroi. J’adorais ça, le soir je fumais ma clope, et regarder le soleil qui descend, avoir juste le calme de la… pas la rue, mais justement la cour.

Ax.

49

Et ça, c’est un … une vue qui est très urbaine ?

Ag.

50

Oui… à l’inverse. Mais c’est parce que justement c’est très calme. Mais j’aime bien associé ça au ciel. Mais j’aime beaucoup le ciel, j’avais plus de ciel que de paysage. Et juste le rappel de la ville qui était calme, au moment du souper tu vois.

Ax.

51

Donc c’était associé à un moment particulier aussi.

Ag.

52

Oui … Souvent je me mettais là quand je fumais ma cigarette. Je me posais là en rentrant des cours, ou après avoir bosser. Parce que j’avais besoin d’une pause. J’ouvrais la fenêtre en grand, j’avais les pigeons qui criait à côté. C’était nature, c’était le petit moment de nature.

Ax.

53

Ok… - je réfléchis quelques instants à mes futures questions, Agnès reprend -

Ag.

54

Aussi dernièrement, ce qui m’a marqué comme paysage, c’est quand j’ai été à … comment elle s’appelle la ville. C’est la ville des fauves… euh … [quelques secondes de réflexions] Collioure. J’ai été à Collioure et c’était super beau. C’était vraiment très beau, on s’était mis sur des rochers. En fait il y a un parcours que les touristes prennent et genre nous on a dévié du parcours, on est parti sur les rochers, on a un peu exploré. On est monté sur le plus gros rocher. Du coup, on avait la mer dans le dos, t’avais la tour de l’horloge, la montagne derrière, tu avais la baie avec la plage, les restaurants sur le bord de mer. [elle place les plans les uns derrière les autres avec les mains] C’était super beau.

Ax.

55

C’est assez pittoresque comme village ?

Ag.

56

Oui, c’est vachement coloré, les maisons sont très colorés, tu as des arbres partout. Derrière tu entendais le bruit de la mer. Et puis, on avait la vue au soleil couchant. Oui, c’était vraiment beau. Tu as un grand château à côté, tu as la baie qui est comme ça, … le chemin était là. Là tu as une grande tour de l’horloge, le chemin était là. Là tu avais la ville basse, là tu avais la ville haute, et derrière tu avais la montagne.


130

131

[place les éléments qu’elle décrit dans son discours avec les mains, les uns par rapport aux autres] Ax.

57

La façon dont tu décris le paysage à chaque fois… tu… [je signe de la main ces gestes qui montrent des plans]

Ag.

58

Oui, je pose mes plans. C’est la déformation professionnelle je pense. [rires] Mais oui… premier plan, second plan, arrière-plan…

Ax.

59

Et tu m’as parlé d’urbain, de Collioure qui est un village, tu m’as parlé de la vue que tu avais de la rue Inckermann… c’est des vues de maisons, on va dire, assez, anciennes… Est-ce que quand c’est plus contemporain, tu te sens à l’aise, tu regardes ?

Ag.

60

Oui, mais c’est moins marquant en fait je pense. Parce que, c’est bête, tu vois parce que la ville, je la connais, je me balade tout le temps dedans. Et comme j’ai … un oeil, on va dire, qui est habitué à la ville, dès que je vois plus de nature, ou de forêt, ça m’émeut plus. Mais après oui, bien sûr … genre à Paris, une fois on était dans un, on était monté dans un appart… c’était quand ça.. Enfin, en fait, ça me fait penser à un peintre que j’ai vu à ART UP; justement c’était un peintre qui montrait juste les toits de paris… Mais toujours d’être assez en hauteur, avec le ciel qui domine, et euh…

Ax.

61

Ok - j’attends quelques instants -

Ag.

62

Et ça me fait penser aussi, à la fois où on a été avec Myriam… On était monté sur le clocher de la Treille… sur le campanile de la Treille. Du coup, on voyait tout Lille de droite à gauche... Enfin j’étais jamais monté aussi haut dans Lille, à Lille je veux dire, et c’était super beau… Oui c’est toujours des paysages en hauteur.

Ax.

63

Si tu avais une sorte de définition à donner du paysage ?

Ag.

64

Bah… en gros… je sais que c’est faux, mais ce serait pour moi plus la nature, et puis de l’espace. Et euh… après… le ciel.

Ax.

65

Dans nature tu englobes quoi ?

Ag.

66

La montagne, la plage, la forêt, les champs,…

Ax.

67

Des animaux ?

Ag.

68

Pas spécialement, il y en a peut-être, mais je ne le vois pas. Je prends toujours, je vois ça en … je suis très loin et du coup, je suis soit en hauteur donc je le vois pas, ou je suis soit en bas ou j’en sais rien. En bas de la vallée par exemple.

retour aux sources, je sais pas…

Ax.

87

Ok, oui.

Ag.

88

Mais ça me dérange pas de le faire, dans ma chambre, je suis toute seule. Ca m’arrive de le faire quand je suis toute seule.

Ax.

73

Et, est-ce que dans ta vie de tous les jours, tu associes le paysage ou pas ?

Ag.

74

Euh bah j’essaye … Par exemple, de ma chambre, j’adore la vue que j’ai. Bah en fait, du coup, ça donne sur la cour. En fait, en gros il y a la cour qui est en bas. Là tu as d’autres cours, là tu as des arbres qui sont dans une cour. Et au loin, là tu as juste deux maisons. [je lui donne à nouveau de quoi dessiner] Là ça fait ça. En fait, je vais te le dessiner à plat. Ma chambre elle est là, là tu as la cour, là tu as une maison. Là tu as une grand cour, qui doit être séparée, il y a pleins d’arbres. Au fond, tu as d’autres maisons. Et en fait là, il y a des cheminées, ça coupe un peu le paysage. Et encore loin, tu as une grand tour. En fait je vois tout ça, là tu as une autre cour derrière… Enfin, tu as pleins de cours, pleins de petits jardins. Et là tu as un balcon qui à l’air trop bien. Tu as pleins… En fait ce qui est cool, c’est les arbres. Ils ont pas mal d’arbres et ils sont assez colorés, ils sont fleuris tout le printemps, du coup c’est chouette. Et le soleil se couche de ce côté là donc j’aime bien.

Ax.

75

D’accord, ok… C’est cadré par ta fenêtre ? Tu as décrit deux paysages à travers ta fenêtre ?

Ag.

76

Bah justement, j’aime bien, la vue que j’ai d’une fenêtre, et de ma fenêtre de chambre. Parce que ça me permet de m’évader, … je, oui… à une évasion, une certaine évasion.

Ax.

77

Et chez toi, dans ta chambre d’enfance ? c’est pareil ?

Ag.

78

En fait, j’aime moins la vue. Je pense que j’aime moins la vue, j’ai été trop habitué, ou j’en sais rien. Si j’aime bien la regarder, mais ça donne sur tous les jardins du quartiers. En fait, ce qui est con, c’est que mon jardin, il n’y a rien dans mon jardin, il n’y a pas d’arbres. Du coup, je regarde que les jardins des autres. Mais j’aime pas trop la vue que j’ai de mon jardin, enfin de ma fenêtre.

Ax.

79

Souvent, ce que tu m’as dit, tu es souvent dans la… le paysage, c’est plus dans des moments d’arrêts ?

Ag.

80

Oui …souvent c’est soit parce que je suis triste. Du coup ça me permet de me ressourcer, de me remonter le moral… soit je fume une cigarette…

Ax.

81

Ok... et tu ne m’as jamais décrit des gens dedans ?

Ag.

82

Nan … il n’y a personne. Il y a peut-être des animaux mais il n’y a personne!

Ax.

69

Ok.

Ax.

83

Ok…

Ag.

70

Après je pense à ça aussi par exemple quand on va en montagne, dans les stations de ski et quand tu montes sur sommet le plus haut. Tu te retournes et tu as toute la chaîne de montagne qui s’étend.

Ag.

84

En fait, justement c’est mieux si il y a quelqu’un à côté de moi, avec moi, mais pas dans le paysage. Qui regarde en même temps et qu’on peut parler du paysage en même temps.

Ax.

71

Ça a un côté souvent assez… presque…

Ax.

85

Donc c’est quand même quelque chose à partager ?

Ag.

72

Bah … Tu te sens grand… En fait j’ai associé ça un sentiment de liberté, à de l’espace, à de la serénité. A un

Ag.

86

Bah c’est mieux.

Ax.

89

Ok… bon, j’ai fait le tour de mes questions… Estce que tu as envie d’ajouter une dernière petite remarque ?

Ag.

90

Hum… nan. Juste peut-être, ce n’est pas parce que je décris beaucoup la nature que je n’aime pas les paysage urbain.

Ax.

91

C’est-à-dire ?

Ag.

92

Ca me plait aussi, mais… Ca ne m’évoque pas la même émotion. Ca me marque moins.

Ax.

93

Quand tu parles de paysage urbain, il y a certaines villes qui te viennent en tête ?

Ag.

94

Lille. C’est con mais quand on arrive du train,… de Dunkerque. On passe un moment assez en hauteur et on voit tout, on voit la coupole en verre, on voit les grandes tours d’Euralille et je trouve ça jolie. Après au premier plan, il y a les rails qui sont un peu sales. [place les éléments pardes gestes] Ca je trouve pas ça très jolie. Après ça me fait penser quand tu montes tout en haut à l’Aéronef, en fait, on voit un peu toute la ville : ça donne sur un peu toute la ville. Tu vois les les tours du département. Je trouve ça aussi jolie. Je trouve ça bien. C’est un espace assez en hauteur, tu vois le ciel…

Ax.

95

Oui ok.

Ag.

96

Mais c’est… je préfère me retrouver dans un paysage de nature.

Ax.

97

Il y a d’autres villes qui t’ont marquées ?

Ag.

98

Bah je pensais à Lyon, quand j’avais été à Lyon. La ville est très très grande et très très large. Et je trouve qu’il y a beaucoup de paysages. Quand tu es en bas, ou plutôt quand tu es tout en haut de Fourvière et que tu vois toute la ville. Bah ça m’a marqué mais j’ai pas trouvé ça beau. Il n’y avait pas de… en fait je vois juste la ville au loin, très très loin tu n’as pas de … on voit peut-être la montagne au loin, mais ça m’a pas… On voit juste la ville. Ca m’a marqué parce que je l’ai trouvé grande et très - hésite sur le mot - dense … et … pas forcement très belle en faite. Ce qui était bien, c’est qu’on était en hauteur et qu’on avait une vue plongeante.

Ax.

99

Mais tu ne saurais pas dire pourquoi ce n’était pas beau ?

Ag.

100

Je pense que c’est pas j’avais rien de … trop loin. Je pense que c’était peut-être parce qu’on était trop haut. C’était moins un paysage. C’était plus un survol… C’était jolie parce que je voyais la place Louis … enfin la grande place de Lyon, je ne sais plus comment elle s’appelle, Jean-Louis… je sais pas. La grand place, où tu voyais quelque espaces vides dans Lyon, mais ça faisait très très dense, et j’ai préféré justement quand on était de l’autre côté, quand on était sur le pont et

qu’on voyait Fourvière et le mont en haut. Ax.

101

Peut-être un jeu de plans ?

Ag.

102

Oui un jeu de plans, quand j’étais tout en haut de Fourvière. J’avais rien tout était au premier plan ou à l’arrière. J’avais rien qui dessinait mon format on va dire. Du coup je préférais quand on était de l’autre côté et qu’on traversait la Saône je crois, ou le deuxième, j’en sais rien. Du coup, tu avais la ville en premier, tu avais la rue qui se poursuivait et au fond tu voyais Fourvière au loin, l’église…. Voilà.

Ax.

103

Ok… bon bah merci de m’avoir répondu.

Dessin n° 1

La cour de l’école

Dessin n° 2

La vue de sa chambre


le récit biographique

Entretiens/ thématique

132

Total

« mots »

N.1.6 Interrogé (e)

Son discours résumé

. Elisa

Elisa définit «le paysage naturellement, instinctivement c’est là ou l’Homme n’est plus ou n’est pas», il est également décrit

. Née en 1992 . en banlieue parisienne

. Arrive dans la région à l’âge de 7ans . Vit

aujourd’hui à Marcq-en-

Baroeul, 59

depuis ses 18ans

. Etudiant en

0

Louis

3

5

4

Louis

3/3

0

3/4 10/0

Justine

4

8

1

Justine

0

0

4/4 1/0

pas au départ considérer comme un paysage pour elle, elle le devient par le biais de la façon de la considérer, de la

Agnès

5

0

1

Agnès

4

0

1/5

1

10

0

33

20

7/11

0

16/10

1 2/25

beaucoup d’espaces urbains qu’elle a pu pratiquer durant son enfance ou encore aujourd’hui. Cependant, la ville n’est

me raconte dans les lieux. Elle semble notamment très attentive aux espaces qu’elle pratique, qu’elle décrit visuellement

mais aussi ses différents sens, et par les ambiances qu’ils peuvent dégager. La démarche de découverte du paysage transparait comme quelque chose d’important pour elle. Alors qu’elle décrit plutôt sa relation au paysage comme une

. Etudiante en 4ème année

Entretiens/ Entretiens/ thématique thématique « mots » « mots » Elisa Elisa Julia Julia Louis Louis Justine Justine Agnès Agnès

de végétation, de naturel… Julia met en opposition l’architecture et le paysage, et plus généralement la ville et la

parcours commenté parcours commenté

campagne. La ville n’est pas considéré comme un paysage pour elle, mais plutôt comme le lieu du jour, du travail ou de

0

Entretiens/ thématique

Pratique associée

« mots »

Regarder/regarde

Pratiquer/pratique

parcours commenté

23

éléments structurels les paysages types du paysage (hydro) le paysage Mer Eau Mer 45 8 10 1 32 0 14 2 17 0 118 11 3 23

14 6

Montagne Rivière 14

0

5

3

8 32

6

1

3

5 1

6

1

Forêt

12

8

29

32

0

0

Campagne

Entretiens/ thématique

actions qu’elle peut réalisés dans l’espace, mais décrit peu l’espace dans sa composition, ses ambiances, ses couleurs…

"

Louis définit très clairement le paysage comme l’espace de la Nature, non aménagé par l’homme, bien que ce dernier

0 0 0 2

arbre(s)

Végétation

paysage grandiose, qu’il doit atteindre après un effort. Le challenge et le défi sportif conditionne sa pratique paysagère,

1

2

Julia

1

3

10

5

Louis

4

2

0

Entretiens/ 2 thématique 0 « mots » 9 Elisa

permettent de se souvenir clairement des paysages qu’il va décrire. Il a également une capacité à narrer, voir à poétiser, et à situer les lieux qu’il décrit en terme d’espaces, d’activités et d’ambiances lorsque, pour lui, ils sont synonymes

d’expériences fortes. Les lieux qu’il décrit semble porteur d’une histoire ou d’une anecdote à raconter, il sort clairement

de la description visuelle du lieu pour plutôt racontée la façon dont il l’a vécu, son regard décrit toujours une relation

"

parcours commenté 1

Étendu

21

3

4

0

Beau/belle

Aéré

9 2

5

0

0

1

0

4

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3

0

15

Justine

1

2

0

1

0

3

Agnès

5 Entretiens/ thématique 11

0

0

0

11

5

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37

3

0 Rivière

0

7

0 éléments structurels du 6 paysage (hydro) 0 Eau

7

Mer

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6

Elisa

8

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0

Julia

1

0

1

0

0

Julia

1

6

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Louis

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Louis

0

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0

Justine

1

1

0

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0

Justine

2

3

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Agnès

13

0

0

0

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Agnès

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5

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7

11

32

2

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10

3

3

7

23

0

5

Entretiens/ thématique

Pratique associée

« mots »

Regarder/regarde

Pratiquer/pratique

Elisa Entretiens/ thématique Julia

éléments structurels du paysage (minéral)

Louis « mots »

Poussière

Aller/vais 0

4/8

5/3

0

0

0

0 Cailloux

Entretiens/ thématique

éléments structurels du paysage (végétal)

« mots »

arbre(s)

Végétation

Végétal

Plantes

F

04/4 1/0

2

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Elisa

10

3

1

9

60

01/5

01

0

Julia

1

0

1

0

10

033

020

0

Louis

5

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0

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0

Justine

1

1

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Agnès

13

0

0

0

30

5

2

11

12

10

3

3

est donc peu présent, Louis semble avoir besoin de se déplacer et de changer de lieu, de sortir de la ville et de l’espace

Agnès Julia

14

bâti en général pour pouvoir considérer qu’il est face à un paysage. Le paysage est alors le lieu des expériences, des

Louis

010

activités à sensations, vécu comme l’espace du jeu et du dépassement de soi-même.

parcours commenté Justine

7/11 2

parcours commenté

10/0 3/4Rochers/rocailles

0Pierre 14 0

Agnès

parcours commenté

Faire/fais

1

3/3Sable

Jol 8

1

« mots »

0

0

1

80

définition se rapproche tout d’abord de d’espaces plutôt naturels où la marque de l’homme semble faible, notamment

0

3

6

Aménagé

Louis

parcours commenté Fleurs

Plantes

Sauvage

3

3

Julia

0

3

Justine Elisa

lequel il vit, qu’il peut trouver beau mais qu’il ne peut définir comme étant du paysage. Dans son quotidien, le paysage

Ajdectifs Justineassociés au paysage Agnès Calme

10

parcours commenté

il parle beaucoup de randonnées dans sa pratique paysagère. C’est notamment ce genre de pratiques qui lui

Végétal

Naturel

9

0

5

Nature 10

30

2

Nature

« mots » Elisa

5

0

Entretiens/ thématique

Elisa

puisse y être présent s’il ne vient pas la déranger ou la modifier. Il recherche dans le paysage la sensation forte, le

particulière et personnelle à l’espace. Il dissocie très clairement la ville et le paysage. La ville est pour lui l’espace dans

Faire/fais

0

éléments structurels du paysage (végétal)

« mots »

comme si cela était plus concret pour elle, plus tangible. L’environnement et l’écologie sont des termes qu’elle associe alors au paysage.

Aller/vais

6

sortir du cadre de la ville. Il est alors présent dans les parcs, les jardins, la végétation, ou la verdure qui peut venir

0

8

0

2

0

11

32

1

4

1

0

0

0

0

0

parcours commenté

ambiances, leurs compositions… Elle cite notamment beaucoup d’espaces pittoresques, au caractère historique,

influencé par la pratique artistique et l’histoire de la peinture du paysage, qu’elle affectionne. Elle associe la pratique du paysage à la pratique du dessin et de la peinture, ou tout du moins à la posture d’observation qui permet de comprendre se paysage dans sa composition et sa structure mais également qui permet d’en saisir l’ambiance et

l’essence. Le paysage s’offre à la vue, tel le panorama ou la vue de sa fenêtre, il se composent d’éléments structurels " différents, notamment le ciel auquel elle accorde une grande importance. Les paysages urbains apparaissent également dans sa définition des paysage dans leur capacités à produire des compositions et des points de vue support

au cadrage. Elle privilégie les points de vue hauts qui lui permettent d’observer l’espace, et qui lui offre un sentiment de

sentiments et émotions que ce dernier peut lui procurer. Pour elle, le paysage est synonyme d’une introspection, lieu

depuis 4 ans

0

parcours commenté

lequel elle vit quotidiennement. Elle attache une grande importance à son cadre de vie, et parle d’un besoin d’aération,

. Née en 1993

. Habite à Lille

Endroit

"

attitude statique associé à la contemplation, elle raconte de nombreuses expériences diverses qui vont lui faire

Justine propose une définition très personnelle du paysage, elle accorde notamment beaucoup d’importance aux

champagne

Lieu

regarder, de la découvrir ou de la pratiquer. J’observe une grande capacité à situer les expériences de paysages qu’elle

. Justine

Châlons-en-

66

des bords à canaux. Alors qu’elle s’intéresse particulièrement aux paysages peu anthropisés, Elisa décrit également

elle, auxquelles elle associe des moments privilégiées, de pause, de réflexion, d’évasion,…

aujourd’hui à

4

mais également dans une pratique plus quotidienne de l’espace, notamment proche de son lieu d’habitation, comme

Communicatio

Vosges,

152

5/3

liberté face à lieu qu’elle regarde. Les espaces du quotidiens semblent alors composer de nombreux paysages pour

. Vient des

4

188

0

Master

n à Lille

418

0

dans les paysage de campagne bucolique, ou les paysages agricoles qu’elle semble apprécier pour leur couleurs, leurs

. habite à Lille

22

1

0

. Vient de

Téteghem,

2

26

Julia

Agnès considère qu’il y a paysage lorsque l’espace qui lui fait face vient répondre à un cadre et à une composition. Sa

Dunkerque,

4

35

5

. Agnès

. Née en 1992

10

0

droit

Histoire

70

2

Elle ne semble pas à l’aise dans ce genre de description, mais préfère parler d’architecture, qu’elle observe beaucoup,

Master2

50

2794

Julia

stage

. Etudiant en

2140

Agnès

4/8

Lorsqu’elle parle des paysages qu’elle a pratiqué, elle s’attache aux choses qu’elle a pu y faire, aux différentes activités et

1ans et demi

Justine

0

à Lille dans le

Dijon depuis

15

1

s’immiscer dans la structure d’une ville.

. Habite à

6

0

Elisa

. Habite 6 mois

durant 3 ans

1

79

20

l’activité. Et le paysage s’apparente à des espaces naturels agréable qui permettent de « souffler », de se reposer ou de

A habité à Lille

16

58

2

parisienne

. Vient de Lens,

20

2

des forêts, qui sont associés à des moments de vacances et de loisirs et l’espace du quotidien, l’environnement dans

. Né en 1994

92

Elisa

. Née en 1993

. Louis

48

3244

19

transparait de différentes façons : par une nature grandiose et sauvage, telle qu’un paysage de montagne, ou de mer,

Pour Julia, deux typologies de paysage semblent se dégager : des «grands paysages», ceux des plaines, des champs,

. Diplômée en

N.1.7

1478

Louis

133

Moi 0

comme une grande étendue essentiellement naturelle. L’idée de Nature a été omniprésente durant l’entretien, elle

. Julia

cadre d’un

Julia

« nous » 27

Espace

agréable qu’elle en fait.

banlieue

65

Vocabulaire de l’espace paysager

Master1 à

le-Pont,

« on » = nous

158

« mots »

considérer l’espace dans lequel elle se situe comme du paysage, notamment grâce à l’expérience inhabituelle ou

. Vit à Joinville-

« tu »

5066

Entretiens/ thématique

. Etudiante en Lille3

« je »

Elisa

Entretiens/ thématique

Ajdectifs associés au paysage

« mots »

Calme

Sauvage

Aménagé

Étendu

éléments structurels du paysage (minéral)

« mots »

Poussière

Elisa Jolie

Beau/belle

Aéré

Entretiens/ thématique

Grandiose

Sable abandonné

0

3

5

0

8

Julia

2

0

12

1 6

6

0

0

1

0

0

0

1

0

Louis

0

0

00

0 1

0

0

0

Louis

1

4

2

3

0

15

Justine

0

2

20

0 3

0

1

0

Justine

1

2

0

1

0

3

Agnès

0

1

00

0 8

2

0

2

Agnès

5

0

0

0

0

11

5

0

0

0

11

6

5

9

1

37

0 11

1

4

7

0

3

0

0

7

0

0

7 parcours commenté 22

3 0

2 0 0

le récit biographique

Entretiens/ thématique « mots »

Elle sépare également très clairement la ville, et les espaces urbains et sa définition du paysage. « Le paysage (…) ça ne peut pas être de l’expérience de ‘vrai’ paysage. » Ce dernier se retrouve dans les espaces naturels et étendues, des paysages grandioses qui peuvent procurer des émotions fortes, tels que les montagnes synonyme alors de force et de

hauteur. Le paysage semble alors peut présent dans l’espace du quotidien, mais exister dans l’expérience et à l’émotion.

de paysage "

2

3

sensible, l’espace des sens : la vue mais également les odeurs associés aux souvenirs des espaces. Le paysage ne

l’espace.

C

0

Julia

vers lesquels elle va et transpose ces émotions selon si elles sont agréables ou non. Le paysage est alors une espace

alors synonyme d’un mode de relation, d’une façon d’être au monde personnelle qu’elle affirme dans sa posture face à

Rochers/rocailles

14Fort

Elisa

parcours commenté

semble pas être un élément statique, mais beaucoup plus porté par des perceptions et des sensations. Le paysage est

Pierre

8 Agitée

Total

« je »

« tu »

« on » = nous

« nous »

Moi

Elisa

5066

158

65

27

0

Julia

1478

48

20

16

1

6

Louis

3244

92

58

79

0

15

Justine

2140

50

10

4

2

22

Agnès

2794

70

35

26

1

4

418

188

152

4

66

Entretiens/ thématique

Vocabulaire de l’espace paysager

« mots »

Espace

Elisa

Lieu 2

Endroit 2

20

19

1 0

32 0

8 4


135 134

N.1.9 CE QU’IL AIME

DESCRIPTION DU CONTEXTE

Méthode analytique, ref Demazière & Dubar

[premier niveau : les séquences narratives du récit (analyser les mots, : ce récit correspond déjà à une séquence (la séquence 4)

les attitudes ou les phrases qui vont appuyer un changement dans le

]

discours) Le besoin d’un paysage grandiose »

particulière de l’entretien « Le paysage comme lieu d’expérience forte : deuxième niveau : relation entre l’action décrite par l’interrogé et l’interrogé lui-même. troisième niveau : découpage de l’argumentaire de l’interrogé, à la façon dont il va narrer l’action, l’événement, la définition et le but de cette narration. Donc dans quels paysages tu préfères être dans ce cas là ?

[Je pense que je préfère les endroits où il y a du dénivelé,… je ] [Tu vois par exemple, il y a

pense en faite que je préfère les montagnes, mais les hautes

montagnes... dans les Alpes quoi. deux ans, je suis parti en vacances faire un trek. En gros, j’ai rejoint deux potes à Lyon pendant une grosse semaine et après on est parti douze jours à pied, on a été jusqu’au pied du Mont Blanc et après on est descendu jusqu’à la mer, en passant par le massif des

] [ Et on a

Ecrins et du Mercantour. Et après on est descendu sur la côté Méditerranée en suivant la frontière avec l’Italie…

]

DÉBUT DE L’EXPÉRIENCE

AJOUTE DES DANGERS À SON RÉCIT

AJOUTE DES DANGERS À SON RÉCIT

LE MOMENT DE L’EXPÉRIENCE

[Attends, laisse moi réfléchir ... parce qu’il y en a plusieurs alors... ] [Si je sais, en gros y’a un jour, on avait mal calculé notre

coup et donc on a fini de marcher dans le noir, on était censé atteindre un refuge. On était dans le Mercantour à ce moment-là. On était à côté du Mont Pelat, si je me souviens bien, et on allait au col de la Cayolle, on était à 2000m d’altitude, et on devait monter jusqu’à 2600m ou 2800m, je sais plus ça... C’était une rando sur trois jours, et on faisait étape dans deux refuges. Mais en gros on a foiré notre coup le deuxième soir..., on avait pris trop de retard et on avait pas géré les distances, et on marchait à la lampe de poche... mais franchement il commençait à y avoir du brouillard parce qu’on

][

montait en altitude, il était super tard, je crois qu’il était déjà 23h passé, un truc comme ça. Franchement en plus le chemin était grave galère, super étroit et il y avait pas mal de pente..., alors à un moment, vu qu’on savait plus trop où on en était, on s’est arrêté dès qu’on a trouvé un endroit disponible et on a planté les tentes…

]

On était pas super serein en plus parce qu’on savait qu’il y avait des loups dans ce coin là... [sourire] enfin tu vois le truc… Oui, pas très rassurant effectivement... [sourires]

comme ça,... il faisait trop froid en fait... et donc en gros, je me suis

[Et donc, on s’est couché super tard, et j’ai du dormir 4h un truc réveillé super tôt avec le soleil, vu qu’on avait bien orienté les

] [ Et en gros je suis sorti alors qu’il faisait encore très

tentes. sombre et j’ai vu le jour se lever et je m’attendais pas DU TOUT à ça ! C’était juste totalement ouf !!! En gros on s’était arrêté juste au

LES SENS QUI ONT IMPRÉGNÉS SES SOUVENIRS

AJOUTE DU RISQUE DANS SON RÉCIT

JUSTIFIE SON EXPÉRIENCE PAR RAPPORT AUX AUTRES

c’était changeant, et en plus la lumière jaune sur la roche claire,

[Ouai, c’est particulièrement ça qui m’a marqué en vrai. Tu vois

] [Et donc après quand on était tous réveillé, on a enfin

complètement aride, c’était fou, tu vois ! ... Après, c’est marrant là, mais ça me revient un peu, j’entendais également le bruit des animaux... tu vois, il y en avait pas beaucoup parce qu’on était en altitude mais on entend des bruits au loin... c’était très léger.... mais oui, c’était ça et la lumière. Mais je retiens clairement la lumière. [pause] pu vérifier sur la carte où on était [rires], et on a bien fait de s’arrêter parce que en gros, on avait encore 2h de marche. Et quand on voyait après le chemin sur la crête, franchement, on aurait glissé,

]

j’crois qu’on était morts ... [sourire] - Aujourd’hui, je rigole, mais franchement je faisais pas le malin quoi. Ok, donc c’était vraiment une expérience forte pour toi, par rapport aux autres paysages que tu as traversé ?

a marché au bords de glaciers, on a grimpé des sommets à 3000m,

[Oui, clairement ... on a vu vraiment des paysages grandioses, on ]

on a vu la vallée des Merveilles aussi dans le Mercantour avec les inscriptions préhistoriques, c’était super cool à faire et à voir aussi, tu vois. Mais franchement ce truc là, c’était fou… Ok [je recherche ma future question lorsqu’il re- prend] Tu vois, j’ai même pas sorti mon appareil photo à ce moment

là, ... je crois que j’avais la flemme aussi, mais franchement j’avais

[

rue Inckermann le clocher de la Treille (en haut) sa chambre et la vue en haut de l’Aéronef

traversé un nombres de paysages incroyables !!… pas envie. J’étais juste là, juste à regarder ce spectacle quoi! Pour toi, la photo ne t’aurait pas permis de mieux te souvenir ? Euh, ... si, peut-être. J’aurais eu une image... mais finalement, en

vrai, je, j’avais pas besoin de ça. Tu vois, à ce moment là... je

St-Cyprien La dune du Pilla Collioure Paris Lyon Fourvière (Lyon) Dunkerque Téteghem Lille Le Nord rue Inckermann la Tour de Lille (beffroi) le clocher de la Treille (en haut) sa chambre et la vue en haut de l’Aéronef

RAPPEL DU SUJET

Et

dessus d’une énorme crête rocheuse qui donnait sur tout le fond de vallée. C’était vraiment un paysage très très aride, super escarpé, avec les crêtes rocheuses qui se découpaient comme ça sur le ciel ! C’était juste magnifique avec le lever de soleil ! [sourire] La lumière arrêtait pas de changer, c’était rouge, c’était orange, et tout,

] [ PRIVILÉGIER L’EXPÉRIENCE A L’IMAGE

Agnès (N. 1.5)

]

le jardin de sa grand-mère

préférais regarder.

Georgie : les neiges éternelles

Tu peux me les décrire un peu plus ? C’était dans quel cadre ? ça créait des ombres de folies tu vois, sur la crête … franchement, j’ai grave fait mon égoïste à ce moment là, j’ai pas réveiller mes potes tout de suite [rires] j’ai attendu que le soleil soit un peu plus haut ... Tu n’avais pas envie de partager ça avec eux ?

[En vrai nan, j’étais dans un état un peu... un peu bizarre,

Justine (N. Marne et Vosges 1.4) Villouxel Vittel Wadelicourt les Ardennes Breuvery-sur-Coole Lille

sais plus... je crois 20/30kms tous les jours, on a tout fait à pied,

SON CHOIX DE NE PAS PARTAGER

[rires]...

les Mont des Flandres

] [Il y a un jour, je me

Lille : Friche Gare St-Sauveur, ruelle dans le Vieux-Lille, (attention des lieux dans lesquels elle a été dépayser)

Dinard, la Bretagne Marseille : le centre, les calanques et la mer

Marcq-en-Baroeul : les bords de Marque/ le canal de Roubaix Lille : Euralille

SES SENSATIONS SUR LE MOMENT

Les Alpes Lyon Mont Blanc Massif des Ecrins Mercantour Mont Pelat Col de la Cayolle Asie (où il n’a jamais été) Dublin

[Oui, alors en faite déjà, j’étais avec deux potes et on marchait, je

Forêt de Fontainebleau Lille : Friche Gare St-Sauveur, ruelle dans le VieuxLille, (attention des lieux dans lesquels elle a été dépayser)

]

Dijon Neuf-Berquin Les Mont des Flandres

avec les sac-à-dos, la tante et tout le bordel.

L’Egypte : Le Caire (pendant plusieurs mois) La Nouvelle-Zélande : île du Nord et île du Sud Paris dans sa banlieue Parc de la Vilette Forêt de Fontainebleau

tu vois. J’étais à moitié endormi, j’étais frigorifié en plus. Et en même temps j’étais complètement,... je sais pas trouver le mot, ... obnubilé, oui ou, je sais pas, fasciné par ce qui se passait devant moi ! C’était totalement fou, tu vois... Et ça n’arrêtait pas de changer

Louis (N. 1.3)

souviens, on a tracé parce qu’on étais attendu chez des potes, donc on a fait 56km à pied, on a marché du matin jusqu’au soir,

Elisa (N. 1.1)

de secondes en secondes, alors je voulais pas bouger tu vois.

Les Sables d’Olone Royan : la plage

]

Joinville-le-Pont Paris Lille Les bords de la Marne la région parisienne

j’étais mort... C’est ultra sportif, le sac à dos, tu vois on avait essayé de le faire léger, mais franchement, j’avais 11kilos sur le dos, il y a eu des jours franchement c’était dur. Mais c’était génial, la plupart du temps on était au milieu de nul part ! Après entre-deux on s’arrêtait dans des petits villages et des fois on faisait du stop

Lieux qui peuvent être dans les deux catégories par le biais de l’expérience

Tu te souviens de la lumière ?

Julia (N. 1.2)

quand on avait la flemme de marcher. [rires ]

Lieux cités exceptionnels, dans le cadre de voyage, ou de vacances

Tu pourrais me parler d’un lieu en particulier durant ce périple là ? Un lieu qui t’as marqué particulièrement et pourquoi ?

Interrogé Lieux cités dans le cadre de son quotidien

PRECISIONS DU CONTEXTE

MONTE LE DÉCOR DU RÉCIT

N.1.8


136

N.2.1

137

Interrogé(e) : Date : Lieu : Heure : Temps d’enregistrement :

Elisa le 31.03.2017 Marcq-en-Baroeul 16h30-19H15 1H15 parcours

16h30/17h30 : Discussion et préparation du parcours commenté avec l’interrogé. Explication des attentes de l’exercice auprès d’Élisa. 17h30 : Début parcours commenté qui commence à partir de l’habitation de l’interrogé.

E.

Je commente déjà?! Ok.

2

Souvent quand je suis sur ce trottoir, je suis déjà en tenue de sport et je commence à comment dire, trottiner, mais quelques secondes. Parce que de toute façon, il y a un… Il y a les voitures, donc souvent je m’arrête là. Et quelque fois, ma motivation commence déjà «Franchement est-ce que j’ai envie de faire ça, je suis pas sûre.» [bruit de moto] Les gens sont souvent assez gentils par me laisser passer, et quand tu es en tenue de courses encore plus. [bruit de moto important] Ici c’est un endroit où je vais tout le temps, il y a mon arrêt de bus qui est juste là, devant les grands parterres. Donc j’observe tu vois, les plantations de fleurs selon les saisons, fait par la mairie, et… on va passer devant la police, enfin le commissariat. Je n’y suis allée qu’une fois … pour déclarer la perte de mon manteau et de mon téléphone [rires] … qui ont été retrouvé depuis… j’ai une grande chance avec les forces de l’ordre [rires] en tout cas, ils ont été efficaces. Et bah là on va bientôt arrivé, il y a déjà la poste. Là dans cet îlot là [montre l’ilot à sa droite], avant tu vois, il y avait… je sais pas ce qu’il y a maintenant…. je sais que sur les côtés, il y a un opticien. Avant, il y avait… euh, une petite boulangerie et un endroit où tu achètes des revues de presse… qui ont fermés. Ca ne marche plus, je ne sais pas. Ce côté un petit peu habitations, au commerce, je pense que c’est moins… ça plait moins maintenant. Je sais pas… [bruit de circulation] Avant c’était un chemin que je prenais souvent, parce que là, tu vois, si tu traverses le pont et que tu vas un peu plus loin, c’est mon ancien collège.

3

Un espace engazonné et fleuri avec des arrêts de bus sur notre gauche.

Sur la droite du trottoir, des blocs d’immeubles fermé par des haies végétales. Sur la gauche, des barres d’immeubles et des habitats individuelles. En face, un grand bâtiment isole, la poste. A ce moment là, beaucoup de circulation.

Nous continuons tout droit, vers une impasse de voitures. Le sol est pavé. Un pont étroit piéton composé d’une vingtaine de marches permet de passer sur l’autre rive. Le bruit de la circulation se calme derrière nous.

4

A.

5

Et euh, quand tu vas sur les bords du canal, tu y vas juste pour courir d’habitude, ou tu y vas pour te balader aussi ?

E.

6

Bah j’ai dû le faire… mais… je me souviens de le faire, euh, avec une copine qui venait. C’était après le lycée, elle venait de temps en temps à Marcq, chez ces parents et pour me voir, et voir ces parents aussi bien sûr. Et je crois qu’on avait pris pour habitude de se retrouver sur les marches là. Et on allait se balader pour discuter. J’y vais rarement toute seule… ou à la limite pour faire du vélo mais à la limite c’est deux fois dans l’année. Parce que j’ai des vélos de merde donc je le fais pas trop. Faudrait que je me rachète des vélos… Euh comme tu peux voir, ils ont mis des jonquilles partout. C’est des jonquilles hein ? Je crois comprendre que c’est la saison. [touche la végétation qui dépasse sur le chemin] Il y a en partout… Plus loin, il y a des endroit où l’herbe et un peu plus haute. Moi je vais toujours à droite, euh, parce que c’est plus jolie selon moi (photo n°1). Parce que c’est vrai que aller courir et au bout de cinq minutes de course, tomber face à une usine de levure c’est pas euh… Puis là on est encore vachement dans les… on entend quand même beaucoup moins le bruit des voitures. Enfin pas tant que ça, mais un peu de la ville. On voit encore les bâtiments. Et plus loin, c’est un peu plus… je sais pas. Tu oublies un petit peu que tu es en ville. Tu le sens … mais, c’est un plus balade euh… en campagne, c’est vraiment trop mais… c’est plus cet esprit là. Il y a des petites poules d‘eau. J’ai appris que ce n’était pas des canards mais des poules d’eau. Manon me la dit. Je ne sais pas pourquoi, mais je me souviens qu’elle m’avait embêté avec les poules d’eau. Tu te dis tout de suite… ah, t’es moins en ville, tu as des canards qui se balade à côté de toi. Et puis là c’est un sol en [montre le sol du doigt], en comment, il y avait plus de graviers à un époque (photo n°2). Donc là c’est un peu plus en terre donc c’est assez pratique pour courir, parce que c’est pas… c’est pas trop dur. Après quand il pleut et qu’il y a des grosses flaques… c’est un petit peu moins sympa. C’est assez étroit mais je trouve que le partage des joggeurs, des gens en vélos, des gens qui se baladent en famille avec leur chiens c’est assez bien. [des bruits des oiseaux]

7

Nous arrivons au niveau du pont, nous allons vers la droite pour longer le canal. Le sol est en stabilisé clair et mesure environ 2m à 2m50 de large. Le soleil couchant est derrière nous, la lumière et les contrastes de couleurs sont forts. L’eau est calme, légèrement ondulante. Le chemin semble calme. Nous allons croisé une femme d’âge moyen qui promène son chien en laisse.

Le parcours choisi répond à une description d’un «paysage quotidien» décrit par l’interrogé lors de la première phase d’entretien. Ce parcours est celui d’une promenade qu’elle effectue régulièrement et à plusieurs saisons et moment de la journée différents, notamment lorsqu’elle pratique la course à pied. C’est donc un parcours familier pour elle, toujours le même, qu’elle réalise en une trentaine de minute. Il suit le tracé de la Marcq, canal qui traverse la ville. C’est un aller-retour. Le parcours est réalisé un vendredi soir, fin mars. Il a fait beau ce jour-là, environ 15°C. Il y a du soleil. Le vent est léger et frais. Le temps est dégagé.

1

Arrivée sur le passage piéton. Circulation faible, deux voitures de chaque côté, une moto au loin vers la droite. La voiture de droite nous laisse passer.

8

9

10

11

Les gens se baladent donc ils ne sont pas pressés.

* Le retranscription du parcours commentée est entière, certains éléments de langages ont été supprimés pour plus de compréhension et de fluidité dans le discours.

A.

12

Tu regardes quoi quand tu te balades comme ça ?

E.

13

Bah là souvent, je suis au début de la course. Là par exemple il y a un petit pont pas super jolie, tu as des voitures, tu as des tags. A ce moment là, je regarde devant moi. J’écoute ma musique. Le truc c’est que j’écoute toujours ma musique. Nan mais j’ai quand même des écouteurs intra donc non. [rires] Du coup j’entends pas tellement. quelque fois les sonnettes des… euh, des vélos qui sont derrière moi et que clairement j’ai pas entendu arrivé. qui me demandent de bouger gentiment. Je n’entends pas l’eau où les poules d’eau. Ça c’est pas désagréable d’entendre les petits coins coins, les bruits des enfants... Et je regarde oui, plutôt devant moi dans ces moments là et un peu par terre pour éviter les… tu vois, genre, c’est un peu petit peu abimé, il y a des trous, c’est régulier… Hum… [pause]

14

Passage sous un pont très large, taguer sur ses piliers. Nous croisons une mère et sa petite fille qui promène son enfant en poussette. Le bruit de la circulation qui passe sur le pont est assez fort.

A.

15

Essaie de me décrire ce que tu vois là.

E.

16

Et bah là par exemple, on passe le premier pont (photo n°3), et de chaque côté, euh, tu as des habitations. On est encore un peu dans les… enfin non, tout le long on aurait soit des résidences un peu comme celle là [montre les habitations sur la gauche du canal], que je regarde du coup parce que je les trouves pas trop moche. Je me dis que ça doit pas être désagréable de vivre là en bord de la Marcq, et sinon sur ma droite, c’est presque exclusivement des maisons qui ont leurs jardins qui donnent sur la rivière, et euh... Bah là par exemple, la barrière elle est opaque… [Elisa se déplace sur la droite pour laisser passer un vélo] Faut faire attention au vélo. Ici, la barrière elle est opaque (photo n°4), et quelque fois tu vois quand même dans les jardins, donc ben, c’est pas volontaire mais quand tu cours à côté tu regardes dans les jardins. Il y’a des gens qui font des trucs. Genre la dernière fois, il y avait quelqu’un, il y avait, je ne sais pas, un père et son fils qui coupaient du bois. Je trouvais ça assez, euh, je ne sais pas, ça faisait un peu l’image de campagne… genre, le mec qui coupe du bois dans son jardin. [sourire] Là on voit l’église de Marcq au travers, donc on reste vraiment dans le centre-ville. C’est plus moins l’hyper centre de Marcq, et… Et voilà, quoi d’autre… Là c’est un peu triste, on a quand même au tout début du printemps donc il n’y a pas tout qui est … qui est feuillu et c’est plutôt mort. Mais là au moins l’eau elle est claire. Parce que l’été… comme beaucoup, je pense, comme beaucoup d’endroits, beaucoup de rivières, il y a une forme de … je ne sais pas, je pense que tu seras mieux que moi, mais de pellicule verte, ou de végétations d’algues, je ne sais pas ce que c’est… Mais c’est vrai que quand tu te balades, ça fait tout de suite un petit peu sale et polluée. Elle doit l’être autant maintenant que l’été peut-être mais tu ne le vois pas. Et de temps en temps, elle est toute plate, là il y a un peu de vent et elle reflète complètement les alentours et quand tu vas plus loin et que tu as un peu plus la végétation qui penche sur la rivière, c’est vachement jolie. Quand l’eau est toute calme et qu’elle reflète un peu en miroir... Tu vois, voilà, la nature, les canards… pour une citadine comme moi, euh… tu vois sinon, la nature… Tu as des moyens d’aller dans les lotissements à côté, on reste quand même vachement en ville. On voit toutes les maisons, il y a un bâteau. Alors je ne sais pas à quoi il sert. On va arriver sur la médiathèque… Et euh, ils ont une sorte de petit bateau (photo n°5), je ne sais pas si c’est… ils ont un petit bateau. C’est assez joli mais souvent je regarde un peu sur la gauche en courant. Il y a des gens qui lisent dehors. Plus on va avancer et moins on voit un peu la ville. On sort un peu finalement du centre… et j’aime bien parce qu’il y a pas mal de soleil, même pour une fin de journée, il y a toujours… donc à l’aller j’ai le soleil souvent dans le dos, parce que je ne cours pas très tôt et euh, au retour, j’ai le soleil de face. Ca change un peu l’expérience. Donc là tu vois c’est la médiathèque. Elle est plutôt jolie, ça s’appelle la Cordonnerie. Pour faire les cordons [rires] je ne me suis pas trop penché dessus mais c’est… tu vois, il y a des gens qui… Et tu vois, de temps en temps, à travers les, les petites euh … les petites euh, comment ça s’appelle... Les petites haies merci, on voit quand même pas mal l’intérieur des gens, donc c’est un peu euh…. C’est un peu voyeuriste quoi.

Nous croisons un vélo qui passe assez rapidement à côté de nous. Nous ralentissons.

17

Sur la gauche, derrière un alignement d’arbre de grandes futaies, on aperçoit l’église de Marcq-en-Barœul, derrière les habitations.

19

18

20

21

Sur la droite, des venelles donnent accès à l’intérieur des îlots. 22

Sur la rive gauche, la médiathèque, une ancienne usine réhabilitée dont l’arrière donne sur le canal. Un aménagement en gradins a été réalisé. En cette fin de journée, les gradins sont à l’ombre mais un groupe de quatre adolescents sont installés sur les marches.

Sur la droite, nous longeons des maisons individuelles de taille moyennes dont le jardin donne sur la Marcq. Pour certains, les haies sont opaques, mais plus on avance, plus l’ouverture sur le jardin est grande.

23

24

A.

25

Ca te gène ?

E.

26

Nan mais je respecte l’intimité des gens. Et là plupart du temps, les gens savent aussi qu’ils donnent sur la Marcq. C’est très sympa tu vois d’aller courir, te balader le week-end et de tomber… tu tombes sur des gens qui font un repas dehors. C’est pas désagréable. De temps en temps j’essaie de regarder les types de fleurs qu’il y a, en pensant à toi

27


138

139

28

Très calme, nous ne croisons plus personne pendant un moment. Nous sommes dans un quartier d’habitats pavillonnaires. 29

30

31

32

Sur la rive droite, la taille des habitations est plus réduites. Sur la rive gauche, les maisons sont beaucoup plus grandes, avec un plus grand jardins, plus ouverts au regard sur la Marcq.

33

34

Des lampadaires sont présents finalement tout le long du chemin parcouru sur la droite.

Sur la rive à notre gauche, une série d’habitations de petites dimensions, construites sur le même modèles.

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[rires]. Bon je ne connais rien. Ça, je me souviens plus qu’il y avait ça là. Je sais pas c’est quoi comme arbre. Je ne remarque pas trop… Ce je pense qu’au début de la course, je regarde pas tellement autour de moi. Tout ça en fait, c’est trop en ville… je suis moins… je suis plus dans ma musique et après je fais « ah c’est jolie » mais plus tard. Donc là on a cette courbe là qui se reflète dans l’eau. C’est un peu… c’est très symétrique. Là pareil… euh… qu’est ce que je pourrais, qu’est ce que je vois… Toujours ce kayak orange (photo n°6) qui est là, toujours… Et je trouve ça, assez, je sais pas, c’est quand même chouette… de pouvoir faire le kayak ici. Tu as l’impression quand même que c’est un luxe de pouvoir habité… oui, juste là. Et euh… voilà, moi on arrive plus dans les trucs que j’aime bien quand plus tard, il y a les arbres comme ça…C’est jolie… qui se penchent… qui se penchent [rires] oui. Hum… Tu vois, tu as les beaux petits jardins quelque fois, j’aime bien regarder autour. Après, c’est vrai que c’est assez apaisant. Je trouve ça assez apaisant de courir ici plutôt que en ville. Et puis ce qui est pratique c’est que c’est à côté de chez moi et puis j’ai tout un terrain, tout un parcours où je peux courir. Tant que… tandis que d’autre endroits sympas où tu peux courir. J’imagine qu’il y a peut-être des parcs ou des petits bords de rivières dans d’autres villes… qui sont sympas mais non, faudrait aller à là, au parc Vauban et je trouve ça quand même, embêtant de devoir prendre les transports en commun, la voiture pour aller courir ou me balader. Donc je préfère aller à un truc près de chez moi que je trouve agréable même si ce n’est pas le plus beau des trucs, ça reste, je trouve assez jolie. C’est calme, il y a des poules d’eau, il y a des canards, il y a des gens qui ont des kayaks dans leur jardins. On est clairement dans un endroit très agréable. Et euh… Et oui c’est un truc con mais euh quelque fois dans le quotidien, tu ne te rends pas forcément compte des saisons qui passe. Enfin si, quand même, il fait droit, il fait chaud. Mais ici je trouve que tu vois vraiment, là ok, on est début du printemps, c’est très très vert et à la fin de l’été c’est plus. Déjà c’est différent. Et quand tu cours l’hiver aussi… enfin, c’est pas du tout là même chose. Là ça commence un peu à refleurir mais c’est beaucoup morne. Les arbres sont en fleurs, il y a beaucoup plus de boue par terre. Parce que c’est un irrégulier quand même. Tu vois le terrain. Donc il y a pas mal de flaques qui se forment. Et euh… Voilà, c’était là qu’il coupait son bois le monsieur (photos n°7). On voit quand même, on peut voir un petit peu la vie des gens autour. Donc c’est un peu, tu te mets un peu dans leur intimité. Bon, ils sont au courant et puis on est plutôt bienveillant quand on se balade ici. On est pas là pour épier. Faut pas le dire trop fort mais… Hum. Quoi d’autre… J’aime bien parce que, je me dis c’est quand même, ils ont des beaux jardins. C’est pas le mien. C’est plus travaillé. J’aime beaucoup les saules comme ça (photos n°8), qui tombent. Je trouve très joli hein. Très, l’eau en plus… et euh, ce que j’aime bien aussi donc c’est quand tu vois les changements de saisons, la végétation banale, un peu quotidienne, que tu as au bord des routes et des rivières… dans le jardin des gens… pas des trucs très exotiques. C’est des vieux arbres quand… c’est des cerisiers le truc roses? Tu vois tu as des cerisiers. Et euh… ça fait pas non plus barrière au maison. Donc tu n’es pas en train de te balader en te disant, je suis plus en ville, je suis en pleine nature, je suis en campagne. Mais ça reste très calme. Pourtant, au loin la route, mais tu peux facilement l’oublier. Encore une fois, moi j’écoute ma musique mais ça ne me concerne pas. Si tu voulais tu pouvais, tu peux quand même te balader ici en ayant un peu de calme. Alors là, il y’a des lampadaires, mais j’évite de courir la nuit, donc euh, je ne sais pas tellement quelle ambiance lumineuse ils donnent. En plus, c’est pas du tout sur tout le chemin. Si ? [se retourne], je n’avais pas vu avant. Là, il y en a un, mais il faudra regarder au retour.

il y a du jaune, quelque fois il y’a du rose, c’est pas… c’est assez joli. [montre les différents arbustres plantés dans les jardins des habitations aux alentours] Il y en a plusieurs. (photo n°9) [rires]

Un homme d’un certain âge est en train de faire du jardinage dans son jardin. Il ne se retourne pas sur notre chemin et continue à tondre sa pelouse.

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Euh, quoi d’autre… qu’est ce que je peux te dire d’autre. Quelque fois, il y a un peu, bah la mare il y a une sorte de dépôt qui se forme et c’est un peu une odeur… [montre l’eau de la main] ça sent un peu la vase, ça sent un peu moins bon. De temps en temps, tu as l’odeur de aussi, selon le vent, tu as l’odeur selon le jour du mois, tu as l’odeur de la … de la, de l’usine de levure. Ca change aussi l’expérience de la balade. Tu as le petit classique du caca de chien, mais souvent c’est pas trop embêtant.

A.

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Et la maintenant en terme d’odeurs, qu’est-ce que tu sens particulièrement ?

E.

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L’herbe coupée sur le côté du monsieur qui tond ça pelouse (photo n°10). Je fais partie des gens qui trouvent que c’est une odeur agréable, il y a plusieurs écoles. Ca sent plutôt bon. Plus d’odeurs agréables au niveau de l’habitations, que je ne sens pas forcément. Je suis un peu enrhumé. Et dans le petit potager. Et, je ne sais pas par qui est planté, si c’est les habitants ou la municipalité, mais il y a quand même des petits endroits où, où les gens plantent un peu. [s’arrête devant un parterre planté de plantes aromatiques et de fleurs, à l’extérieur du jardin donnant sur le chemin] Tu sens qu’il y a un travail qui n’est pas naturel. Il y’a des gens qui entretiennent ça. Moi j’aime bien les fleurs. (photo n°11) Après, je suis, j’aime bien quand c’est… à l’anglaise, un peu naturel… quand c’est bien foisonnnant, c’est bien pensé. C’est pas du tout aussi anarchique qu’on pense, mais j’aime bien ça. Donc les trucs, tu vois les haies là comme ça, super taillées, là c’est mort… mais même quand c’est plein de feuilles, je déteste quand les haies sont super carrées. Je comprends que c’est un truc pratique aussi. Parce que certains moments de l’année quand même, j’imagine quand la mairie n’a pas le temps, bah la… les, les branches et même plus loin, d’autres arbustes, elles vont beaucoup plus dans le passage… Tu peux te prendre des branches, voilà… Je comprends qu’ils soient quand même obligé de taillées. Ça ne peut pas être laisser complètement en autonomie. Mais c’est ce que je préfère, quand t’as pas l’impression que, qu’il n’y a quelqu’un qui passe par là. Là clairement, tu vois qu’il y a des habitations. Et puis heureusement parce que j’imagine que là le sol il est quand même, relativement plat. Mais s’il n’y avait aucun entretien… Qu’est ce que je ne dis pas ? Le ciel est bleu aujourd’hui. J’apprécie toujours plus quand je viens courir, me balader c’est rare mais plutôt courir quand il y a un peu de soleil. Je suis beaucoup plus « Ah », je regarde. J’ai l’impression de plus profiter. De presque avoir plus d’attention à ce qui m’entoure que lorsqu’il fait moche et que je fais ça pour d’autre raison. Je vais courir pour des raisons de santé euh [rires], des raisons perso, mais moins pour le côté je vais me balader en plus. En plus je vais prendre l’air. Quand, il faut beau, je regarde beaucoup plus. Quand il pleut, ou quand il bruine, qu’il fait un peu moche, c’est moins sympa. Mais euh… c’est un peu pour tout ça. Quoi d’autre… Quand il fait beau… Ca va, c’est agréable. Euh… Après quand tu cours, c’est pas mal ici. Après quand tu cours contre le vent, c’est pas forcément… Là, il n’est pas très fort, c’est une petite brise, là j’aime bien le vent, ça va. Ca fait des bruits dans les feuillages, ça anime un petit peu le tout. Avec les poules d’eau, on est vraiment… On est dedans. [rires] Après il y a truc qui est en train de se construire à gauche. [montre d’un signe de la main sur la gauche] Alors j’ai pas tellement remarqué ce bâtiment avant. Je pense que soit parce que j’observe mal, soit parce qu’il existait pas. Je pense qu’il doit être un ancien. Je pense pas que ce soit très neuf, je sais pas. Mais là comme on le voit à travers les arbres. J’ai vu ça la dernière fois, je me demande de quand ça date. C’est pas super hein, mais bon, ça va. Je sais pas si c’est une usine un truc… Euh, t’entends quand même au loin. Là on se rapproche un peu du pont là . Il y a un peu plus de… de passage je pense, par là. Donc tu entends plus. Euh, il y a des petits bancs sur les côtés pour les gens qui ont besoin de se reposer ou qui ont envie de s’arrêter. [s’arrête devant le banc pour pouvoir en parler] (photo n°12)

Le vis-à-vis sur les jardins et les habitations est assez fort ici. De nombreux jardins semblent très entretenus et très fleuris. Il n’y as pas de hautes palissades à l’inverse des maisons précédentes.

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Les habitations disparaissent progressivement sur la rive gauche. Des arbres de hautes futaies bordent le canal. La rive de droite reste habitée et aménagée.

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Nous ne croisons personne sur cette portion de parcours. Tout est très calme, nous n’entendons pas les bruits de la ville, seulement celui d’oiseaux ou de canards. Il y a parfois des coup de vents que nous ressentons de dos assez légers mais très frais. Un entrepôt sur la rive droite, caché par une végétation arboré dense. Doit être invisible en été.

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A.

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Tu n’es jamais venue de nuit alors ? Tu ne t’y sentirais pas rassuré ?

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E.

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Bah quand même, c’est un peu à l’écart. Je l’ai déjà fait, enfin nuit tombante et, euh, t’es pas à l’aise, t’es en, t’es un peu isolé, t’es toute seule. Et enfin, moi j’ai quand même mon téléphone parce que j’écoute ma musique mais tu n’as aucun moyen de contacter les gens, donc si tu tombes sur qui que ce soit, de mal intentionné… ça craint un peu. Donc non, je suis là que la journée. Et la tu vois, c’est assez calme. Puisqu’on est un vendredi soir. Mais les gens se baladent pas forcément tout de suite après le boulot, ou n’ont peut-être pa terminé le boulot à cette heure là, mais le week-end c’est plein. Quand il fait beau, c’est encore plus prisé. Il y a pas mal de gens, j’imagine les gens qui habitent tous à côté et tous les gens des alentours puisque tu as vu, il y a pleins d’accès tout le long. Hum… Là, tu vois, on ressort un peu des résidences. Là on a plus des lotissements, on a plus des résidences, des habitations. Tu n’en as pas beaucoup non plus mais… Tu vois là,

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Des tag sur les palissades des habitations.

A.

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Tu aimerais t’y arrêter ?

E.

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Là, tu vois pourquoi pas, en plus il est au soleil. Il est entre deux arbres. Je suis sûre que quand il y a plein de feuilles, tu as un peu moins de soleil. C’est typiquement un endroit où tu as envie un peu de te poser. Moi généralement je le fais pas, parcque si je cours et que je m’assois sur le banc, ça veut dire que c’est un echec. [rires] Mais bon, il est basique. Mais, je ne sais pas il est plutôt large, il ne fait pas rouillé, euh,… ça va. Ca rentre dans mes critères. Je vois pas mal de personne âgés, ou d’enfants qui sont assis là.


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Nous croison un cycliste qui roule assez tranquillement.

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A.

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C’est trop linéaire ?

E.

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Bah oui, comme je te disais je suis plutôt partisane de truc un peu libre, foisonnant… un peu anarchique sans l’être, qui correspond plus selon moi à la Nature. Si t’es en plus tout droit, déjà que tu es aménagé, ce serait un peu trop... Je trouve ça pas mal que ce soit tortueux. Après, ça épouse aussi la forme de la rivière donc c’est normal. A gauche, là tu as visuellement un … un … un terrain de foot ou un terrain de sport. Je sais plus si c’est déjà là mais à un moment donné on va, il y aura un lycée, ou collège, je sais plus, un truc. C’est plutôt une belle bâtisse. Là pareil, tu as quand même une super grosse visibilité sur les maisons des gens, donc il faut faire attention. Tu peux voir vraiment partout. Mais bon, c’est plus un vis à vis qui les concernent eux que moi. Eux ils sont chez eux, moi je cours. Donc je vais juste être visible en train de courir... [pause]

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La rive gauche n’est pas très construite à l’inverse de la rive droite qui est habité de petites habitations indivuelles.

Les habitations sur la droite se raréfient également remplacées par une strate arbustives assez dense. Nous passons également sous la végétation qui est planté des deux bords du cemin à cet endroit. L’ambiance urbaine est moins forte ici. Il fait plus frais, l’air est également plus humide.

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A.

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Sinon, parle moi de ce que tu vois, ce que tu remarques, du temps égalements, des sensations, de chaud, de froid...

E.

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La petite brise, elle est fraîche mais on est dans une dizaine de degrés, donc ça va, ça passe bien. Le soleil ne réchauffe pas beaucoup là, on est en fin de journée mais c’est toujours ça de pris. Et, oui, un petit vent, c’est plutôt agréable. La brise qu’il y a, c’est plutôt en continue, il n’y a pas de sorte de bourrasque selon les endroits… C’est parfait. Entre les oiseaux, les poules d’eaux et les canards… ça va… Et puis voilà, il y a quand même pas mal de gens qui se baladent, qui font du vélo, qui courent… Tu vois là, je trouve qu’il y a un peu un changement d’odeurs, c’est plus humide. C’est peut-être à cause de cette sorte de … c’est un peu plus forêt, enfin c’est pas forêt, mais il y’a des arbres un peu ancien. C’est plus haut. C’est assez jolie moi j’aime bien cette partie. Et euh, je … on a un changement un peu d’odeurs. C’est un peu plus… sousbois, un peu plus humide en tout cas aussi. On a toujours les petites fleurs des gens dans leur jardin, et à l’intérieur. il y a des gens dans leur canapé. « Bonjour » [rires] Et là, j’ai eu une odeur un peu de fleurs, tu n’as pas eu ça… quoi d’autre. Là, il y a une sorte de, presque une sorte de haies naturelle de petits arbres. (photo n°13) Quand ils ont plus de feuilles, ça fait plus d’ombres, un petit truc jolie au sol, tu sais. C’est un peu tacheté, moucheté comme ça par le soleil. Détail dont je me souviens. Ca fait plusieurs mois que je n’ai pas vu cet effet là, puisqu’il n’y a plus de feuilles… J’ai plus couru depuis un moment. Là à droite, en fait on se rapproche de la fin de, de l’allée. Parce que ce n’est pas une boucle, c’est un aller/retour que je fais. Donc là, on arrive dans un endroit où il y a plus d’entreprises, mais il y a un hôtel pas loin d’ici. Là pour l’instant je ne vois pas. Juste avant le bon y’a un truc… Et euh, on a du rater l’école ou c’est plus loin, c’est ça ? je sais plus. Tu as une autre église. Bah finalement, on était plus dans, à l’abri des maisons, sur le chemin. Là à nouveau, on rentre un peu plus dans… finalement dans la ville. En tout cas, on le ressent plus, on le voit plus. Tu entends plus la route, je trouve, qu’il y a dix minutes. Tu vois qu’il y a un pont, donc tu te doutes qu’il y a des… Et voilà ça c’est le bâtiments en briques, ce n’est pas en briques mais couleur brique qui est clairement une entreprise, ou un truc, un siège, un centre de quelque chose. (photo n°14) Il y a des détritus aussi ici, et de temps en temps, on l’a pas eu, mais de temps en temps, tu as des petits coins, ou tu as des détritus ou des odeurs un peu d’égouts et c’est moins sympa. Là, tu vois, tu as une petite entreprise avec le petit mur végétal qui fait bien. Et ils ont même, une sorte de becque. Alors je n’ai jamais des gens de l’entreprise en question. J’aime bien, je trouve ça jolie, je me dis quite à avoir

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Le chemin est toujours entouré de beaucoup de végétations, les habitions pavillonaires sont plus rares ici. Au loin nous voyons un nouveau pont métallique bleu. Le bruit de la circulation réapparait également. Sur la droite, plusieurs grands bâtiments de type tertiaire séparé du chemin par une barrière métallique blanche. Le bords à canal ici est peu entretenu ou mis en valeur. Une sortie pour le bâtiment est ménagé vers le canal fermé par une porte métallique. Un ponton de quelques mètre carré en bois a été aménagé sur le canal. Il est accessible par une petite rampe.

Alors là tu vois, il y a des gens qui taguent. Là, tu en as vu aussi sur les ponts. Mais tu vois là, sur les... C’est sur les… presque sur les haies des gens. Donc c’est un peu… ça reste discret! Mais bon après c’est accessible à tous aussi, donc euh… Oui… Qu’est-ce que je peux dire d’autre… [bruit des canards au loin] Je n’ai pas dit, mais c’est un peu ondulant, c’est pas tout droit. C’est pas non plus super tortueux. Mais il y a des moments, quand tu te balades ou quand tu cours, tu ne vois pas ce qu’il y a derrière. Quand tu connais pas, c’est plutôt agréable d’anticiper ce qu’il y a derrière ou de découvrir un peu une petite vue. Tu peux te retourner aussi, ce que je fais de temps. Là c’est moins jolie. Il y a un endroit où tu as pris une photo, tu te retournes c’est un peu jolie, il y a une sorte de cadrage. Pareil là il y a un vélo qui est arrivé, quand tu te balades, il faut partagé quand même le chemin. Donc faut faire attention quand il y a un virage et que tu vois derrière. Et puis j’imagine que le fait que ce ne soit pas trop tout droit, c’est ça qui est agréable. Parce que sinon tu vois loin, je sais pas…

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A.

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Et l’aménagement qui est fait entre les entreprises et le canal, le chemin ?

E.

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Par exemple, la petite clôture blanche elle est enrobée un peu de lière, ça rentrerait encore mieux. Enfin, ça ferait moins de contraste, mais après ça ne dérange pas trop, parce que c’est vraiment juste pour cette petite partie là. Après tu passes le pont et tu retournes sur un petit chemin. Il y a pas mal de végétation. Et là, on re-rentre dans la ville, tu l’as sens un peu plus, tu la vois plus. Là nan, au niveau odeurs, mais tu l’entends quand… Quand tu te balades et que tu n’as pas de musique dans les oreilles, tu as un changement d’ambiance. Tu as les collégiens qui rentrent. Tu as toujours les gens qui courent. Tu as un petit peu ce mélange là, ceux qui sont en train de faire un trajet obligé et ceux qui se baladent ou qui font un effort. C’est normal, c’est la vie. Et puis on est ville, c’est… c’est logique [bruit de circulation, bruit de moto fort] je trouve ça bien d’avoir un petit chemin comme ça et j’ai pas à me balader et à faire mon shopping dans les rue. Donc qu’il y ait de temps en temps des entreprises et des ponts avec des rue, ça me va. [pause de quelques instants, nous continuons à marcher]. Voilà, c’est à ce pont là que je m’arrête et que je fais demi-tour. [arrêt de plusieurs minutes au niveau des équipements sportifs avec un vue sur le pont] (photo n°17)

Nous passons sous le pont métallique, il est très fréquenté, par des voitures et une groupe d’adolescents qui s’amusent. Le bruit de la circulation résonnent. L’ambiance est totalement changé de la séquence précédente dans les quartiers résidenteilles.

Après le pont bleu passons, nous apercevons un pont disposant d’un très grand tirant d’air. C’est très certainement un pont supportant des flux de circulation important (type périphérique ou autoroute). Nous entendons très clairement un bruit de circulation dense très fort, qui résonne. Le pont est très impressionnant puisque de grande dimension et très haut. Les jeux d’échelles est totalement différent. Etonnament c’est entre ces deux ponts que sont aménagés des jeux sportifs en face du canal. Je trouve ce lieu pourtant excessivement désagréble pour se poser un moment. Sous le pont est également aménagé une passerelle en bois pour poursuivre la balade. Elisa m’indique que c’est ici fait qu’elle demi tour, et je partage cette envie. Le pont vient créer une rupture franche de part ses dimensions, sa nuisance sonore et l’aménagement de ses abords presque absurde.

18h10 : après environ 40minutes de marche, nous entamons le chemin du retour.

une entreprise qui donne sur la Marcq où il y a des gens qui se baladent, des familles, des locaux qui vont courir, autant que ce soit un truc qui soit jolie. Et puis pour les employés, tu vois une petite pause déjeuné ou clope ici c’est pas trop mal, enfin ça va. Et puis ça ne dérange pas trop du coup, parce que je trouve que le bâtiment n’est pas trop moche. Nan, ça nous dérange pas.. le parcours. [désigne l’aménagement installé sur le canal] Là aussi, tu pourrais t’arrêter en soit, ce que je ne fais pas parce que je cours, mais je pourrais faire des étirements et euh… je sais pas du coup si c’est fait pas l’entreprise ou par la mairie. Là on arrive sur un premier pont où tu vois il y a des voitures, des passants qui passent. (photo n°15) Carrément une niche, une niche végétale. (photo n°16) Il y a des couleurs un peu plus vibrante l’été. C’est un peu niche végétale d’automne. C’est jolie je trouve. [décrit un mur végétal aménagé sur la cage d’escalier] C’est mieux que… que rien. Ca habille, j’aime bien. Tu vois on est sur un série de petites entreprises, mais je trouve c’est pas très dérangeant. C’est pas non plus sur toi, et bah tu vois je ne sais pas qu’elle heure il est, mais il doit être 17h30/18h, il y a personne tu vois, tu n’as pas l’impression d’arriver sur des…

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Pourquoi ce pont là ?

E.

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Euh … je sais pas trop. C’est un peu un signe visuel, en fait ça marque mes 15minutes. Et un signe visuel. En plus il y a une petite montée, mais tu vois ça marque bien. Ok là je suis à 15minutes, je passe un pont, il y a la petite montée et je décide à ce moment là de faire demi-tour. Je remonte là, je passe le truc et … Et il y a même [désigne des équipements sportifs sur la droite, entouré d’arbustes]… je crois que c’est fait pour les gens, pour faire des étirements, des parcours de ville ou fin je ne sais pas. Je ne saurais pas l’utiliser moi-même. (photo n°18)

A.

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Mais tu trouves que cet endroit là c’est judicieux ?

E.

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Peut-être que c’est une question de parcours, que je fasse demi-tour à cet endroit là.

A.

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Est-ce que tu aurais envie de t’arrêter ?

E.

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Non, du tout, là tu as vraiment une vue sur le pont. Là aussi, tu as quelques arbustes là. Mais là, tu as un gros trou. Les gens qui viennent d’ici et de là-bas [désigne la montée derrière l’espace sportif, qui donne accès à des bâtiments tertiares], il te voie aussi, mais tu as pas forcément envie d’être tout transpirant et de faire des étirements là. Ce n’est pas très agréable, ce n’est pas très beau. Peut-être qu’il y a une logique dans le… je ne sais pas combien de kilomètre ça fait ce truc. Peut-être qu’il scande comme ça. Je fais pas demi-tour, ou je fais pas demi-tour ici pour ça. Ici c’est parce que je suis fatiguée, je reprends mon souffle.

A.

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Ce n’est peut-être pas si anodin...

E.

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Que je fasse demi-tour ? C’est vrai que le pont... Tu es assez bien sur tout la portion d’avant, tu as des bâtiment, des trucs.. là c’est un peu plus « on fait demi-tour, on rentre ». Ça te fait un peu sortir de ta bulle quand tu cours ou que tu te balades, tu rentres un peu dans un état contemplatif, un peu calme, un peu dans ton truc. On


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Les panneaux évoqués sont des panneaux qui appellent à garder le site propre. 83

Nous reprenons la marche dans l’autre sens, Elisa instaure un rythme de marche légèrement plus soutenu. Nous avons maintenant le soleil (de plus en plus couchant) et le vent de face.

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Nous repassons le pont bleu. Cette partie du parcours est effectivement assez déserte. On entend beaucoup le bruit des animaux (oiseaux, canards,...)

fait demi-tour. Le côté un peu, tu arrives vraiment dans la ville, là tu as un croisement avec d’autres routes. Ca te fait un peu sortir de ton petit moment à toi. [bruit d’alarme pompier au loin qui résonne fortement] Quoi d’autre, il y a des petits panneaux, j’ai pas toujours remarqué qu’ils étaient là. Je pense qu’il y en a certains qui sont récents, qui t’indiquent des choses que je ne lis jamais. Donc là, l’idée c’est que tu refais demi-tour, donc tu refais exactement le même trajet mais tu ne regardes pas pareil, parce que souvent tu as le soleil en plein visage, enfin de face et puis tu as tendance à regarder plus à droite, enfin du côté opposé. Donc ce n’est pas non plus exactement la même chose mais c’est très proche. Ça, [désigne le tablier du pont] ils l’ont repeint il y a pas longtemps. Il y a des échafaudages à un moment donné, je me suis dit, ils vont changer de pont, mais en fait non, ils ont juste repeint. Je ne sais pas pourquoi. Euh, quoi d’autre ?

A.

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Parle moi simplement de ce que tu vois, ce qui t’interpelle, ce qui t’interroge.

E.

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Bah, ce que j’aime bien, c’est l’eau, les reflets, la végétation qui tombe dessus. Des petites ondulations sur l’eau avec les poules d’eaux ou le vent. C’est assez jolie, et puis quand tu cours, inconsciemment tu regardes ça en fait, principalement. Finalement, même lorsqu’il y a personne, là maintenant, il n’y a personne devant nous ni derrière, mais tu as toujours des poules d’eaux et des canards. Tu n’es jamais tout seul, tu as toujours une petite activité. De temps en temps, j’ai déjà vu des rats quand même ici, une fois. Une fois seulement, ça m’est arrivé. Un rat qui nageait. Mis ça ne ternit pas. Mon appréciation pour cet endroit reste là-même. Puisque j’y vais souvent... [bruit de grue au loin]… Petit bruitage. Je n’ai toujours pas froid. Ca va. Ce n’est pas une marche trop physique, puis je l’ai fait en marchant et non pas en courant. Je me sens légère, je me sens bien. Tu vois je trouve quand même que l’on profite du soleil jusqu’à assez longtemps, c’est plutôt dégagé. Mais il y a quand même des trucs, des habitations, des constructions autour. Quand il fait beau, c’est assez agréable. C’est un peu répétitif quand même. C’est pas super diversifié comme paysage, on est toujours sur… sur les mêmes arbres. Là c’est moins flagrant mais tu vois ici, je trouve que c’est quand même, un peu plus haut. [désigne la végétation sur la rive d’en face qui est composé d’arbres hauts] C’est pas le même rendu. Et quand c’est plein de feuilles c’est plus agréable. C’est jolie. Et puis du coup, en fait, ça fait… tu es souvent plus à l’ombre ici, quand t’y vas en période de… printemps/été. Parce que, du coup, il y a vachement de feuilles qui bloquent la lumière. Mais ça fait un peu, tu es un peu encadré, donc c’est plutôt … de là, de part et d’autre. Moi j’aime bien. J’imagine que ce sera un petit peu quand même… oppressant de courir tout le temps dans un tunnel de végétation, mais de temps en temps j’aime bien que ça soit … l’idée que ça soit, que tu te sentes pas en ville en fait. Donc qu’il y ait un peu de végétation sur les côtés droits, gauches, partout, ça participe au fait que tu te balades un peu sur un petit chemin en bord de rivières, en bord de Marcq. Moi je préfère, plus il y a de végétation, mieux je suis. Faut que ça reste praticable. Après, je sais que c’est pas. Moi j’aime bien, mais euh, c’est répétitif, c’est très plat, on est dans le Nord. C’est à côté de chez moi, donc ce n’est pas non plus très exotique. Je ne découvre pas un endroit à chaque fois. C’est le quotidien, mais j’aime bien, je ne me lasse pas. Je continue à préférer venir me balader et courir ici plutôt que changer d’habitude pour aller dans un endroit différent, nouveau, parce que, je pars du principe que faire, si tu fais du jogging, tu le fais, moi je le fais par soucis un peu pratique, c’est pas très cher, t’as juste à prendre des chaussures et à sortir de chez toi. Et du coup, l’idée de voir, d’aller quelque part spécifiquement pour y courir, j’aime pas trop. Donc je préfère rester dans l’habitude, revoir toujours le même paysage, enfin selon les saisons il change un peu. Moi j’aime bien. Mais je préfère ça que bouger, ou changer d’endroit. [après un virage à gauche] Donc tu vois, j’aime bien, comme c’est un peu ondulant, les petits [fait des signes de vagues de la main]… comme ça, tu as une petite perspective, tu vois un peu plus loin. C’est plutôt jolie, j’aime bien. Tu as toujours les petits oisillons, je trouve plutôt agréable. Tu entends un peu moins la route que tout à l’heure, qu’au niveau du pont. Dans ce cas là, tu as content de faire demi-tour, tu te dis que c’est bien, que c’est mieux. [silence] Tu es rarement seul, il y a toujours des gens qui passent. Beaucoup de joggeurs et de gens à vélos, ceux qui baladent leurs chiens...

Le retour sera composé de plus de silence dans la description du parcours. Un joggeur nous dépasse (photo n°19)

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A ce niveau, de la végétation arboré borde des deux côtés le chemin. Etant au début du printemps, elle ne donne pas d’ombres sur le chemin, mais un effet passage couvert peut se ressentir.

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Nous croisons un joggeur assez jeune qui court à un rythme soutenu. Nous nous déportons sur la droite. 94

A. E.

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Le regard se porte facilement sur la berge d’enface, qui n’est pas accessible. A ce niveau du parcours, la berge d’en face est peu habité, il y a eu un espace sportif, des usines tertiaires. Elle est très boisée, et peu aménagée. A. E.

fois une personne pécher, je ne sais pas ce qu’il pêche la dedans. Mais dans l’idée de pouvoir se poser. Je pense que s’il y en avait un peu plus… parce que là je ne sais pas, on a marché pas mal de temps mais finalement, il n’y en a pas beaucoup, peut-être un ou deux bancs. Peut-être un peu plus aménagé comme, planter un peu plus de végétation facile d’entretien, un truc que tu laisses vivre. Mais qui fait un peu plus d’activités, visuellement, qui décore un peu. Parce que là c’est de l’herbe, c’est tout. Après c’est déjà pas mal. Mais je pense que oui, quelque docks, pourquoi pas des bancs, euh… replanifié, que ce soit un peu plus plat quand même. Parce que là c’est pas dérangeant, mais quand il y a pas mal de flaques de boue, c’est chiant. Je pense qu’au niveau du matériel, de la terre ou des petits graviers, c’est pas mal. Le bois, sympa aussi, c’est vachement plus dur quand tu cours, il y a des lattes de bois, quand tu es à vélo ça fait du bruit. Là comme ça, c’est pas mal. Et je pense que pour les gens qui habitue sur la Marcq, et pour ceux qui se baladent, que là les barrières soit toujours plus ou moins couvertes de végétations, quelque chose qui occulte un petit peu le.. que le regard soit pas non plus attiré par le « ah t’as vu, on voit son jardin on voit son salon », je pense que ça serait une amélioration. Sinon après, il ne faut pas non plus trop réaménagé, l’idée c’est quand même que ça soit un peu simple. Est-ce que tu aimerais bien aller sur la berge en face ?

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Nous croisons un homme d’âge moyen qui marche, il semble se balader. Sur le bords du canal, il y a un groupe de canard au repos. 99

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Un petit pont… après je crois qu’il y a des petits bateaux qui peuvent passer ici, mais oui pourquoi pas, moi j’aimerai bien. Par exemple, qu’elle soit plus… Là tu vois, on est sur des arbustes très simples, mais si il y avait un peu plus de diversités, de fleurs, de plantes, ça serait jolie je pense. Je pense que si tous les deux bords étaient un peu plus travaillé, planté de choses. Si on y faisait des choses, ce serait pas mal. Ca habillerait un peu plus. Ce serait bien. Et voilà, c’est juste pour le vis-à-vis, je pense que ça pourrait être mieux. Mais sinon, je pense qu’après il n’y a pas énormément de choses à faire. Moi ça me convient, je connais pas ce qui peut-être bien ou mieux fait ailleurs, j’ai pas d’éléments de comparaisons.Moi je trouve ça agréable comme c’est. [stop] Il y a des canards qui dorment, ils ont leurs têtes rentrés dans leur corps et ils bougent plus. Ils font des trucs avec leurs ailes. Voilà on peut faire une observation rapprochée d’animaux sauvages. [rires] C’est plutôt mignon. Donc, le canard dort comme ça, en tout cas fait une sieste comme ça. Nan moi, ça me plait comme ça, mais c’est vrai que s’il y avait encore moins de visà-vis avec les habitations, tu les verrais moins, tu serais encore un peu plus dans ta bulle, je me balade. En même temps, j’aime bien les maisons aussi, c’est un passe-temps, c’est normal. C’est normal qui il y ait des maisons au bord d’une rivière, qui est habité, mais un peu plus occultant pour chacun, pour les gens qui habitent et les gens qui se baladent. Plus de végétations, plus de bancs, plus de temps de pause pour les familles. Oui, enfin là si tu veux te poser pour faire un picnic, tu n’as rien. Tandis que si tu avais plus de docks, tu pourrais te mettre la dessus.

A.

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Il y a des endroits ou tu veux t’arrêter des fois ? Tu as plus envie de le faire en continu le parcours ou t’arrêter à certains endroits ?

E.

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C’est vrai que je le fais en courant, l’idée c’est que je m’arrête pas. Et puis, je le fais en me baladant, et je l’ai déjà fait. J’ai pas spécialement envie de m’arrêter. Là tu vois, je vois deux canards qui dorment, je m’arrête, mais sinon j’ai pas spécialement envie de m’arrêter. Je préfère le faire en continu. Parce que c’est un peu répétitif, un peu monotone, tu as un peu la marche automatique. Pas désagréable d’ailleurs je trouve. Quand tu te balades, c’est un peu ça, tu ne réfléchis pas trop, tu n’analyses pas. Genre, tu vois là, tu poses la question, tu te dis c’est quoi ce truc… ce sorte d’entreprot ou je sais pas, usines, je ne sais pas ce que c’est mais ça attire un peu l’oeil. C’est pas le truc le plus jolie, après tu es en ville, c’est pas illogique. Et puis là, ces petite résidence, je les trouve pas trop mal ça va. Donc je regarde quand même un petit peu, le petit bois là, les petites terrasses. Et puis en soit, tu peux regarder les gens vivre aussi. Les gens sur la terrasses, qu’est-ce qu’ils font. Là, on est plutôt ébloui par le soleil. Ca arrive aussi que ce soit encore plus fort quand tu cours. Quand tu as chaud l’été. Le retour est chiant. Mais là, c’est pas trop mal. Il y a une jolie courbe là. (photo n°20) On est en manque de soleil. En plus, je ne sais pas qu’elle heure il est ?

Nous croisons une femme avec son enfant en poussette. Nous sommes revenus dans le quartier d’habitants pavillonaires, nous sentons que cette partie du parcours est plus fréquentée.

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Sur la rive d’en face, il y a des logements semi-collectifs orientés vers le canal. Nous passons un virage.

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Est-ce tu aurais des améliorations, des choses qui pourraient changer pour que ce soit plus agréable ou…

A.

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Six heures vingt-cinq.

Mmh, pourquoi pas. Euh moi, j’aime bien l’idée du petit dock en bois. J’ai déjà vu une

E.

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On n’a marché longtemps… Donc c’est bien ça veut dire… que je vais plus vite en


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Nous croisons à nouveau un joggeur, un homme d’âge mûr.

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A.

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Après ça montre la distance [rires]

E.

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Oui [rires], tu vois en marchant, ça fait presqu’une heure. Donc en continu, sans interruption. De ce côté, parce qu’il y a l’eau, tu as quand même pas mal d’endroit pour rentrer ou sortir. Avant le pont, moi je fais demi-tour. Tu n’as pas trop de perturbations. Tu es sur un peu un parcours. Là quand tu arrives au pont, tu te dis soit je continue, soit je m’arrête. Tu as quelque chose qui t’impose un moment de réflexion. Tandis que là, depuis l’endroit où on a vu la barque, je trouve que c’est assez fluide. Tu suis le truc, tu ne te poses pas de questions. Donc ça marche plutôt bien pour moi, pour courir déjà, parce que c’est parfait une demi-heure. Et même pour une balade, ce n’est pas trop mal. C’est peut-être un peu long une heure. Si tu te balades tout seul et que tu as envie d’une heure de balade, c’est bien. Si tu es avec des gens pareil, ou avec ta famille, je pense que ça va. Encore une fois, c’est une heure à partir de mon point d’entrée. Mais là, tu peux venir d’ici ou … D’ailleurs, du coup, je ne suis jamais sorti par les autres sorties, ni entré par les autres entrées, parce que je fais toujours le même parcours. Plus pratique, je sais exactement le temps que cela va me prendre. Et bah, du coup, j’ai quand même, c’est quand j’arrive au bout. Ce parcours je le connais tellement bien, si j’ai la moindre difficulté, je sais exactement que là je suis à 10minutes et je peux faire demi-tour. Et quand j’arrive de l’autre côté et que tu oublies pas un peu ce que tu fais, tu sais que là tu dois faire demi-tour, t’es un peu bon à mi-chemin. Tu as quand des marques, puisque la balade elle est très longue quand j’y vais en vélo, pour aller au bout, et encore je n’arrive pas au bout. Il y a un moment donné où je me dis bon ça fait une heure, je rentres. Je ne sais pas combien de temps ça dure, mais c’est long. Je ne sais pas si à un moment donné, il n’y a plus rien. Donc c’est vrai que c’est plus scandé par des trucs, peut-être ça ferait des petits parcours… Je sais pas… ça serait plus animé, il y aurait plus visuellement des trucs à regarder, des choses à faire. Tu t’assoies, tu regardes un truc… que juste là, j’attends le prochain pont.

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Nous repassons devant les grandes maisons, dont chaque jardin est aménagé avec soin, certains par des plantes exotiques, d’autres par un des plantes plus locales et florales, certain très boisé, avec des terrasses. Ils sont tous très ouvert sur le canal et à la vue.

A.

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Est-ce que le pont, c’est pas un… un peu marquant aussi ? En fin de compte, c’est entre deux ponts que tu fais ton parcours ?

E.

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C’est vrai. Bah si, c’est peut-être des marqueurs visuels pour me dire, ok début et fin. Là je trouve que c’est les jardins les plus… les plus maitrisés. [rires]

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Nous avons vu sur des logements collectifs en arrière-plan de la rive d’en face qui bouche l’ouverture visuelle du canal. En premier-plan, toujours sur la rive d’en face, il y a des logements semi-collectifs en R+3 en moyenne, orienté vers le canal. L’intégration au milieu est plutôt efficace.

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Nous approchons du pont et les bruit de la ville réapparaissent, notamment la circulation qui est assez dense à cette heure. 126

Je fais la même chose chez moi, je cours à côté de l’eau.

E.

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Ah, tu vois, on se rapproche de l’eau quand on va courir. C’est un endroit assez dégagé en plus souvent. Ca t’assure un endroit un peu à l’écart aussi. Et là, on est sur le dernier virage, je crois. Et après c’est le pont. Là, tu vois les voitures, selon l’heure, tu vois s’il y a des bouchons ou pas. Et là clairement, on est sur les sorties de bureaux un vendredi soir en week-end. Ca dénote un peu avec le cadre de la balade. Tu te dis il y a des gens qui sont dan leur voiture

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Le soleil est couchant, il fait beaucoup plus froid. Les constructions sont plus urbaines lorsque l’on se rapproche de la ville.

A.

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On a presque l’impression qu’ils se font voir ?

E.

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Oui, oui, on les voit bien en tout cas. Tu sens qu’il y a un aménagement. De ce côté là, il y a une haie et c’est tout. [désigne la rive sur laquelle nous marchons] Là ça donne carrément sur la Marcq et tu peux tout voir. Après, tu es quand même loin d’eux, ça va. Là, ils se donnent pas à avoir, il ne font pas exprès. [la rive où nous sommes] Après j’imagine que eux, ils veulent avoir là vue sur l’eau. Tu vois, j’aime bien, le petit arbre qui penche sur l’eau qui se reflète dedans, le petit kayak orange. L’autre kayak… C’est plutôt jolie. Tu vois là à droite, c’est une sorte de feuillage coupée, je pense que ça été élagué, il y a quelques semaines et laissé là. Peut-être que du coup, tu mets un truc en bois où les gens peuvent se poser. Se poser ou pourquoi pas traverser de l’autre côté. Mais s’il y a des petits bateaux, c’est vrai que c’est embêtant. Celui-ci, ce jardin, il est pas mal non plus. Parce que là, c’est pas des plantes d’ici ça. [rires] Ah, ça me dérange pas moi. J’aime bien. Bah en fait tu vois là cette petite résidence, cette quinzaine de maisons qui se ressemble ça pourrait être un peu moche. Je trouve que ça va, c’est assez jolie ici. Ca l’est peut-être beaucoup moins de l’autre côté. Mais là avec l’eau, la végétation, la symétrie qui se reflète dans l’eau, je trouve ça pas moche. L’eau, là elle est un peu troublée par le vent, mais quand elle est super calme, tu vois qu’il y a bien tout qui est symétrique. Donc, tu vois peut-être que ça embellit aussi les habitations, la rivières et le petit

A.

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Tu savoures [sourire] ?!

E.

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Oui un peu, moi je travaille pas, moi je me balade. Quelque fois le week-end tu as le marché, qui est la-dessus aussi.

A.

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Le marché ?

E.

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Bah oui, c’est vachement plus large qu’on le croit. Et tu as le marché. Là haut tu as les voitures garées. Oui, bah là tu vois, on revoit l’église principale. Donc on est vraiment dans le centreville. On s’en éloigne sur la balade, mais par contre, je réalise quand tu le fais en courant et que tu suis là Marcq... Enfin tu vois le dernier pont avec lequel je fais demi-tour, c’est vachement loin. A pied, avec un autre itinéraire, je pense que c’est plus long. Du coup, tu sais pas tellement où tu vas. Tu traverses ta ville, mais finalement tu traverses peutêtre des quartiers dans lesquels tu n’as jamais été. Tu les verras pas en courant. Mais tu vas assez loin, tu peux aller assez loin. Je crois qu’au bout tu rejoins, … nan je vais dire des conneries. D’autres villes en tout cas. Donc en soit le chemin si tu voulais le prolonger, je pense que tu pourrais y rester un bon moment. Je sais pas combien de temps, mais même à vélo. J’ai déjà du faire une heure de vélo, donc tu te dis à pied. Et tu vois là, on a le retour des résidences. C’est pas les plus belles mais ca va. C’est assez harmonieux je trouve. Après j’ai l’habitude, je les connais par coeur. Peut-être que je ne vois plus.

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Nous passons sous le pont. Nous voyons le dernier pont, marqueur du début de notre parcours. Nous avons le soleil de face qui éblouit beaucoup.

parcours. Retour du soleil, dernier virage, enfin avant dernier virage. Tu vois je connais même les virages [rires] Là, on va retombé sur la médiathèque, donc on est pas très loin du pont de départ. Ça sent le bois, enfin le feu de bois. Ah, on le perd nan? Je ne sais pas d’où ça venait mais ça sentait bon. Quelque fois oui, tu sens ça. Ah, ça sent bon, j’aime beaucoup cet odeur, surtout quand tu n’as pas la fumée mais juste l’odeur. Quelque fois tu as des odeurs de trucs, ou de gens qui vivent, tu as les barbeuc’ l’été. Tu te balades, ça donne faim, mais c’est pas désagréable. Le seul moment où c’est embêtant c’est quand tu as l’odeur de saffres. Mais c’est dans toute la ville. Mais là tu vois, tu débouches un peu sur… à l’aller c’est plus jolie. Là, tu vois la petite barre d’habitations, c’est pas… (photo n°21) Mais oui la barre d’immeuble, ça reste pas une tour, donc ça va, ça bloque. Ça dénote un peu, tu le vois. Et juste avant, la petite résidence blanche, à chaque fois je courais avec mon père, il me disait, tu te rends compte là au dernier étage, t’es pas trop mal. Ou je regarde aussi, le fait que je puisse voir les habitations, bah je regarde et ça me déplait pas non plus de les voir. Là [désigne la rive sur laquelle nous sommes] je vois quand même le haut des maisons, donc je devine qu’elles sont là. Je les regarde moins. La ça donne un truc à regarder. Mais faut pas que ça soit tout le long. S’il y a fait que ça et aucune végétation, ce serait pas mal la même chose. Qu’il y ait de temps un aller-retour entre tu vois les maisons, tu vois leurs jardins, tu vois les petites résidences, et que végétal, tu vois rien d’autre que les arbres. C’est pas mal. Mais faut qu’il y ait des deux. Je pense que je courrais quand même ici s’il y avait que des maisons mais j’aimerai moins. Je le fais par soucis pratique mais j’aime bien. C’est plutôt tranquille.

A.

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Progressivement nous sentons le retour vers la ville avec la vue au loin sur le premier pont sous lequel nous somme passées.

courant. [rires] Quoi d’autre ? Là tu vois encore, tu débouches sur un… il n’y a pas trop de changement de couleurs ou d’atmosphères. Soit c’est parce que je suis éblouie par le soleil, mais c’est un peu plus, presque qu’un peu un léger brouillard. Il y a un truc un peu, peutêtre que c’est moi. Oui, que des sportifs. Là, tu vois tu as la même vue qu’à l’aller mais tu regardes un peu la rive d’à côté. Donc, c’est pas mal. Je peux m’arrêter ici quand j’ai un point de côté mais je ne pense pas que ce soit révélateur du paysage. Là c’est juste physique.

A.

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Il n’y a pas d’éléments que tu as trouvé moche ?

E.

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Nan, même tu vois les entreprises, ou l’entrepôt, je trouve pas ça moche. C’est pas moche… Faut en faire beaucoup je pense pour que ce soit moche. [désignant les palplanches du canal] C’est quoi les petits plots là, ces machins ?

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A.

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En fait, c’est parce que c’est pas une rivière. C’est un canal. Et donc le truc du canal, c’est que ça été creusé et on a étanchéifier et on a mis de l’eau dedans.

E.

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Donc ça c’est pour rendre étanche ?


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Nous arrivons presque au niveau du pont. Elisa ralentit le pas. Le sol redevient pavé.

Nous longeons le pont et traversons une nuée de moustiques.

A.

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Oui, tout à fait.

E.

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D’accord. De toute façon ça se voit que c’est pas complètement naturelle. Mais heureusement que c’est tortueux quand même un peu, et que c’est pas tout droit.

A.

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Ca suit la topographie naturelle, et on arrange les courbes pour les péniches.

E.

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J’en ai déjà vu des péniches ici… C’est pour ça, qu’il ne pourrait pas y avoir de réel ponts, genre ponts flottants ou ponts en bois. On s’arrête là ?

A.

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C’est toi qui t’arrêtes quand tu veux.

E.

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Je pense que je n’ai plus rien à dire là...Moi à ce niveau là, habituellement, je m’arrête. (photo n°22) C’est un peu le changement de sol, on est sur des pavés. Et c’est un peu le moment où je me dis c’est bon, je peux m’arrêter. Et là, ici je m’arrête toujours pour faire mes étirements. Je me mets là, je m’étire, je prends mon souffle, j’utilise la barrière. Putain, floppée de moucherons. Ah oui , moustiques, super. Donc je m’arrête, je fais mes étirements, je reprends mon souffle et je repars là. En marchant. Et là souvent je fais mes étirements et il y a pleins de passages, il y a les gens avec leurs vélos. [désigne le pont] Ca ne me dérange plus. Et puis voilà, plus ou moins mon parcours s’arrête.

A.

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Ok, on coupe alors.

Je coupe l’enregistrement, il est 18h40. Nous avons passé le pont et nous reprenons le chemin vers l’habitation de l’interrogé. Arrivé sur place, nous debriefons rapidement et je propose à l’interrogé de dessiner la carte mentale de son parcours.

N.2.2

Canal de Roubaix, Marcqen-Baroeul, le 31.03.2017 16h30-19H15 Carte mentale réalisée par Elisa Source : Elisa

N.2.3

N.2.4

Canal de Roubaix, Marcq-en-Baroeul, le 31.03.2017 16h30-19H15 Source : personnelle

Carte mentale réalisée après la première visite de site qui vient mettre en exergue les ambiances ressenties sur le lieu.

Capture d’écran de la description du Canal de Roubaix + situation à Marcq-en-Baroeul Source : http://www.enlm.fr/home/1300-ha-de-nature/canal-de-roubaix-marque-urbaine.html, consulté en mai 2015


n°1 : parcours vers la droite, plus «joli» selon Elisa n°6 : le kayak orange

n°11 : Au niveau de l’odeur de l’herbe coupée

n°12 : Le banc décrit par Elisa

n°13 : la végétation qui forme une densité

n°14 : les entreprises sur le parcours

n°15 : le pont et les bruits de la ville

n°16 : l’escalier végétalisé qu’Elisa apprécie

Retour n°17 : le pont où Elisa fait demi-tour

n°18 : l’espace sportif en face du pont

Séquences spatiales du parcours commenté :

Aller

n°7 : la maison du «Mr» qui coupait du bois

n°8 : Elisa montre la végétation et les saules au loin

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

n°3 : le premier pont

n°9 : Elisa me parle des couleurs des arbustes

n°10 : Au niveau de l’odeur de l’herbe coupée

n°19 : un joggeur nous dépasse

n°20 : une courbe du parcours

n°21 : barre d’immeuble qui bloque le regard

n°22 : le dernier pont qui marque la fin du parcours

1. La ville 2. Entre les deux ponts du début du parcours 3. Le virage structurée par les habitations 4. Linéarité du canal avec habitations et jardins des deux côtés 5. Passage à la végétation plus dense avec bureaux 6. Entre les deux ponts : jusqu’au pont autoroutier final

n°4 : les haies tagguées au début du parcours

n°5 : les haies tagguées au début du parcours

200m 0

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Photographies personnelles des éléments visuelles dont parle Elisa réalisées le long du parcours commenté. Canal de Roubaix, Marcq-en-Baroeul le 31.03.2017 16h30-19H15 1H15 parcours

N.2.6 Cartographie du parcours commenté à Marcq-en-Baroeul Source : géoportail.gouv.fr (consulté en mars 2017), passage en NB (photoshop, travail sur Illustrator

N.2.5

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N.2.7

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Retour personnel sur site le 12.04.2017 Marcq-en-Baroeul 14h-17H 2H

Jour: Mercredi le 12.04.17 Après-midi entre 14h et 17h Condition : Il fait 10/12°C maximum, il fait assez froid et il y a du vent. Le ciel est dégagé. Nous sommes pendant les vacances d’avril. Prise de note : Visite réalisée après rapide lecture des notes prises avec l’interrogé (très courte) sans écoute du parcours commenté, mais effectuée peu de temps après la 1ère visite (une bonne dizaine de jours après). J’ai déjà réalisé un plan de parcours, un séquençage et une carte mentale. Outils : photos + carnet de notes + enregistrement Détail du parcours : Le parcours réalisé est linéaire, il mesure 4km (aller/retour), et prend moins d’une heure à une marchée d’allure modérée. L’observation se fera du même point de départ au même point d’arrivée: un entre-deux ponts qui paraissaient évident pour Elisa.

Un avant : Je décide de retourner sur le site seul, je souhaite interrogé des personnes qui fréquente ce paysage. Observation : « Je commence le parcours d’une marche assez soutenue. J’ai peur de ne croiser personne, il fait très froid. Alors que lors de la première visite, j’avais envie de passer le pont pour aller voir le quartier de maisons ouvrières en face, et que cela me paraissait agréable (il y avait notamment un soleil couchant qui donnait une très belle lumière sur le pont et les lieux), je n’ai pas du tout envie cette fois-ci. Les aménagements me paraissent assez froids; les espaces peu agréable. Je commence le parcours. La première séquence observée est celle de l’entre-deux ponts, je remarque que j’avais associé les habitations présentes sur cette section à la section suivante. Après le pont, le regard est très orienté vers la berge d’en face, je remarque à nouveau les tags sur les haies des habitations. Ces habitations, proches encore du coeur de ville semble vouloir se cacher de la vue. Je croise une femme (environ 40ans) à vélo. A partie de la médiathèque, devant lequel sont amarrés deux bateaux, l’ambiace le long de l’eau change. Les relations entre habitations et canal sont plus forts : les jardins sont ouverts vers l’eau sur les deux rives. Le kayak orange se situe en face de la série de maisons. Ces maisons, deux par deux, situé dans un virage propose une continuité visuelle agréable qui vient se refléter dans l’eau. C’est à ce niveau que je croise une mère et sa fille avec qui je discute quelques minutes. La deuxième séquence est celle que je trouve la plus agréable le long du parcours. Le virage permet un effet de découverte, les maisons guidant le regard, les jardins s’ouvrent également progressivement vers l’eau. L’ambiance change, je passe dans la séquence trois. J’ai l’impression sortir progressivement de la ville, sans pour autant en être totalement en dehors. Le calme qui règne est très agréable (pas de bruits de circulation, juste les canards et les poules d’eau). Les jardins sont colorés. Les arbres sont plus verts que lors de la dernière visite. Je croise un homme qui promène son chien, il me dit qu’il n’a pas le temps de parler puisqu’il est attendu par ses enfants. Le soleil est fort, il ne fait pas trop froid. J’arrive au milieu de la séquence trois (je pense), une strate arboré remplace les jardins sur la rive d’en face, bloquant l’accès à l’eau pour les logements collectifs construits. Quelqu’un tombe sa pelouse dans l’un des jardins, cela fait un bruit assourdissant. Vers la fin des habitations, je croise ici un couple de personnes âgées qui semblent très méfiants lorsque je les aborde mais avec qui je discute pendant plusieurs minutes. Nous sommes au niveau d’un virage très arboré avant d’arriver à la séquence quatre où se sont installés les entreprises. Je continue mon parcours, je croise deux joggeurs, un homme et une femme, qui ont environ 30 ans. Je continue assez, l’ambiance végétale est très agréable. Les arbres sont hauts, denses, verts, mais le feuillage laissent encore passées beaucoup de lumières. Sur la droite du chemin, les haies des habitations sont très denses, mais on sent encore quelques maisons. Un alignement serrés d’arbres bordent le chemin vers le canal, en dessous des ombellifères blanches : je me fais la remarque « c’est très jolie, jamais on ne se croirait en ville ici ». Je cadre justement une photo. Il n’y a en plus personne. Je continue à marcher. Dès la fin des habitations, le bruit de la circulation revient faiblement, ce n’est pas encore désagréable. J’arrive vers les entreprises. Je passe devant le ponton et me demande s’il est vraiment utilisé, la grille menant aux entreprises est fermée (est-elle ouverte?). Je croise un homme à vélo (environ 50ans). Le bruit de la circulation est de plus en plus fort. J’ai en visu le pont bleu. Malgré les bruits d’animaux, le bruit des voitures concentrent toute mon attention, je regarde peu mon environnement. Je passe sous le pont bleu, que je trouve esthétique beau (pont en fer), et entre dans la séquence cinq. Il est assez peu fréquenté. La berge d’en face n’est pas aménagé. Le virage entre les deux ponts est assez fort. Le bruit de circulation est vraiment très fort. Sur la droite, je remarque à nouveau les aménagements sportifs. Je m’arrête à ce niveau-là. Les piles du pont me paraissaient beaucoup plus haute lors de la dernière visite. Je constate alors que le bruit des voitures, camions, bus est beaucoup plus fort que la dernière fois, puisque nous étions aux heures des embouteillages. C’est ironique, cette voie procure moins de nuisance lorsqu’elle est bouchée ! Je trouve le lieu très intéressant, il combine une esthétique particulière notamment la vue monumentale du pont, le virage et les entreprises en arrière-plan que l’on découvre, sur la droite une route, le tout dans une végétation peu structurée, … mais il est clairement très contraignant et la transition d’un espace à l’autre est brutale. Je fais demi-tour. Je recroise le Monsieur a vélo, il me dit « bonjour ». J’entame le retour d’une marche soutenue, il fait froid. Au niveau de la couverture végétale dans la séquence trois, je croise une femme avec une poussette, elle est très méfiante lorsque je l’aborde mais je fais un bout de chemin avec elle pour discuter un peu. Une joggeuse nous croise pendant la conversation. Un petit bateau à fond plat, qui semble faire des visites touristiques, passe sur le canal. Un homme d’une trentaine

Préparation des questions : > Genre & Age > Vous habitez Marcq-en-Baroeul ? … Dans quel quartier ? … Si non ? Où ? > Vous venez souvent ici ? … Pourquoi ? pour vous balader ? > Quel est votre parcours lorsque vous venez ici ? D’où venez-vous ? Où allez-vous ? > Vous trouvez ce lieu agréable ? … Pourquoi ? > Le considérer vous comme un paysage ? … > Pouvez-vous me parler du dernier paysage qui vous vient en mémoire ? … > Le paysage en quelques mots, qu’est-ce que c’est ? …

N.2.7.1

A.

d’année nous dépasse. Je continue le chemin, mais observe peu mon environnement. Je croise une joggeuse (environ 25ans) qui a ses écouteurs, je vais croisé également un homme d’une trentaine d’année qui fait de la marche nordique, puis un autre joggeur d’une quinzaine d’année. Les premières séquences plus proches du coeur de ville sont plus fréquenter. Je fais quelques esquisses rapides de certains éléments marquants du paysage. Je passe le virage de la séquence trois, et je remarque que le vent disparait, il fait bien plus chaud par ici, c’est beaucoup plus agréable. Je passe le pont routier et me sens à nouveau pleinement dans la ville. Peu après, j’interpelle une femme d’une cinquantaine d’années sur son vélo, elle semble assez étonné et un peu méfiante au départ, mais discute allègrement avec moi pendant quelques minutes. Un VTTiste d’une trentaine d’année nous dépasse. J’arrive au niveau du pont de départ, je remarque un homme qui promène son chien vers l’autre côté, un dernier joggeur me dépasse (environ 50ans) et part vers le centre. Ma deuxième visite est terminé. Peu d’éléments marquants supplémentaires me sont apparues. Le parcours m’a paru plus rapide que la première fois, je suis pourtant resté un peu plus de 2h40 sur le site. La fréquentation du lieu était plus forte. Je reste en accord avec les séquences qui m’étaient apparues lors de ma première venue. » Conversations : Retranscription du conversations que j’ai pu avoir sur le lieu à différentes étapes du parcours. Il s’agissait d’échanges de quelques minutes avec différentes personnes, j’ai essayé d’avoir des profils différents, lors de l’aller et du retour.

Aller : Au niveau de la série de maisons. Enregistrement qui n’a pas fonctionné, il est donc retranscrit de mémoire, j’ai essayé de redonner le ton, le rythme et les tournures marquantes de la conversation. Une mère, environ 45ans (Mme.) et sa fille, environ 15ans, (j.f.) en discussion, qui marchent d’un rythme soutenu. 1

« Bonjour, est-ce que je peux vous déranger quelques instants. Voilà je suis étudiante à l’école d’architecture et de paysage de Lille et dans le cadre de mon mémoire, j’étudie cette portion de la Marque. Je peux vous poser quelques questions ?

Mme.

2

Oui, bien sûr, allez-y !

A.

3

Vous habitez Marcq ?

Mme.

4

Oui, tout à fait, on habite dans le coin.

A.

5

Vous venez souvent ici ?

Mme.

6

Oui, oui.

A.

7

Pour vous balader ?

Mme. j.f. Mme.

8

Oui, très souvent. Surtout toi... Oui, je viens souvent, c’est ma marche habituelle, je fais une boucle.

A.

11

D’accord, quelle est votre parcours ?

Mme.

12

Alors, c’est à partir de l’ancien Gifi, vous voyez à Château-Rouge, jusque la sortie duquesne. [après vérification, Château-Rouge correspond à l’entre-deux ponts de la fin du parcours, et la sortie vers la rue duquesne au premier pont, point d’entrée du parcours] Voilà, de la maison, ça fait une boucle de 45minutes.

A.

13

D’accord. Et vous trouvez ça agréable par ici ?

9 10

Mme.

14

Oui, et puis c’est proche de la maison, vous voyez, le côté pratique. C’est à côté… mais c’est agréable, c’est naturel et c’est calme.

A.

15

Oui d’accord.

Mme.

16

Madame : et puis c’est agréable de se balader le long de l’eau, il y a de la végétation, voilà. C’est pas mal, et puis c’est à côté de la maison aussi, c’est pratique.

A.

17

Est-ce que vous diriez que c’est un paysage ?

Mme.

18

j.f. Mme.

19

Ah, la question ! Euh, non pas vraiment… ce n’est pas trop, c’est la ville. C’est pas la campagne ici. Oui [madame se tourne vers sa fille], on a été en Corrèze, il n’y a pas longtemps et là c’était plus des paysages.

A.

21

Ici, ce n’est pas assez…

Mme.

22

j.f. Mme.

23

Oui, pour moi, le paysage c’est plus une grande étendue [écarte les bras], avec un horizon, vous voyez ? Ou il n’y a pas beaucoup de maisons aussi… Après je pense aussi à du relief mais ça... Tu dis ça par rapport au paysage que tu aimes ! Oui, oui, aussi. Mais oui ici, c’est très aménagé vous voyez, c’est pas très naturel. Je pense plutôt à la Corrèze par exemple, vu qu’on a été il n’y a pas longtemps.

A.

25

20

24`

D’accord, et bien merci d’avoir répondu à mes questions alors. »


152

N.2.7.2

A.

153

Aller : Avant les entreprises, une séquence très boisée Enregistrement disponible Monsieur (Mr.) et Madame (Mme.) semble avoir entre 70 et 75ans, ils se baladent assez tranquillement. 1

« Bonjour, est-ce que je peux vous déranger quelques instants. Voilà je suis étudiante à l’école d’architecture et de paysage de Lille et dans le cadre de mon mémoire, j’étudie cette portion de la Marque. Je peux vous poser quelques questions ?

Mme.

28

Mr. Mme.

29

A.

31

30

tout. C’était épouvantable à l’époque. Là, ils ont fait quelque chose de bien Bah parce qu’ils ont creusé, ils ont rénové la Marque, mais avant, il y avait différentes usines qui deversées tout dans la Marque. Ça été nettoyé, maintenant il y a des poissons C’était la rivière la moins propre du monde ! enfin de France je veux dire [rires]… mais il y avait des odeurs… nous on l’a connu… Maintenant c’est bien.

N.2.7.3

A.

1

Bonjour, est-ce que je peux vous déranger quelques instants.

A.

1

« Bonjour, est-ce que je peux vous déranger quelques instants ?

C’est nickel? … ok. Et est-ce que quand je vous dit paysage, est-ce que vous auriez un autre paysage que celui-ci ?

Mme.

2

Si vous marchez avec moi, je ne peux pas m’arrêter.

Mme.

2

Euh, oui.

A.

3

D’accord, je marche avec vous alors. Voilà je suis étudiante à l’école d’architecture et de paysage de Lille et dans le cadre de mon mémoire, j’étudie cette portion de la Marque. Je voulais savoir si vous veniez souvent ici ?

A.

3

Voilà je suis étudiante à l’école d’architecture et de paysage de Lille et dans le cadre de mon mémoire, j’étudie cette portion de la Marque. Vous habitez Marcq ?

4

Oui, j’habite à Marcq.

Euh, non c’est ici. Oui si, c’est agréable la végétation, tout ça Non c’est ici, parce que ici à Marcq. Non mais c’est d’un bout à l’autre. Parce des fois on va jusque Marquette… Oui, oui. Quesnoy-sur-Deule, oui à vélo …

Mme.

Oui [rires]

Mme.

4

Vous venez souvent ici ?

5

Oui. Vous rentrez chez vous c’est ça ?

A.

5

A.

6

Mme.

Mme.

Oui ! [insiste sur le oui]

6

A.

7

Merci d’avoir répondu à mes questions. »

A.

C’est pour vous balader, ou pour rallier un point A à un point B ?

Mme.

8

Euh, les deux. Parce que là, je viens de faire des courses à Carrefour, je vais à la poste. Donc oui oui !

A.

9

Vous passez plutôt par la Marque ?

Mme.

10

Oh oui, c’est tellement plus jolie.

A.

11

[rires] D’accord, donc vous trouvez que c’est plus agréable ?

Mme.

12

Oui, parce que le temps que je prenne la voiture, que je fasse le tour… bah c’est plus loin ! … et ça fait économiser de l’essence

A.

13

Oui … et ça fait faire de l’exercice [rires]

Mme.

14

Oui [sourires]

Mr.

2

Euh, oui, je veux bien. D’accord.

A.

3

Je voulais savoir, vous venez de par ici ?

Mme.

32

Euh ?

Mr.

4

Oui.

A.

33

La première image qui vous vient en tête ?

A.

5

Mr.

6

A.

7

Vous habitez à Marcq ? Pas très loin du canal ? Oui, tout à fait, pas très loin du canal... Vous venez souvent ?

Mme. Mr. Mme. Mr.

34

Mme.

38

A.

39

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Retour : au niveau de la section couverte, pour arriver jusqu’au ponton environ Enregistrement disponible Madame (Mme.)semble avoir environ 35ans, elle se balade avec son enfant de 6/7mois en poussette pour l’occuper.

Oui, c’est ça, enfin je m’éloigne là, mais je vais faire demi-tour et puis...

Mme.

8

A.

9

Vous vous baladez à chaque fois ?

Mr.

10

Balader oui, Bah oui, oui, oui

Mme.

8

Oui, oui. [en faisant signe vers l’enfant]

A.

11

Vous trouvez ça agréable par ici ?

A.

9

Pour détendre le petit ?

Mme.

12

Oui,… [rires]… c’est très agréable parce que justement l’avantage c’est qu’on habite pas loin. On a une porte qui donne sur la Marque. [bruit de poules d’eau en fond] Pour se balader, il n’y a pas de circulations, c’est plutôt agréable.

Mme.

10

A.

11

Et vous trouvez ce lieu agréable?

Mme.

12

Oui, je trouve qu’il est bien… euh, c’est la verdure qui m’intéresse. Je trouve que des fois, il y a des … des jolies tournants, on découvre tout à coup, selon la saison, des arbres. C’est vraiment très beau.

A.

13

Mr.

13

A.

14

Mr.

15

Mme.

16

A.

17

Mr.

18

Mme. Mr. Mme. Mr. Mme.

19

Mr.

24`

20 21 22 23

A.

25

Mme.

26

Mr.

27

Oui toujours, presque tous les jours.

7

Vous faites une balade longue ? Oh, ça dépend, des fois on va jusque Wasquehal. Si on est pressé ou pas. 1H. Enfin on essayait de marcher une demi-heure par jour, sinon plus loin quand on a le temps quoi. Et quand il fait bon aussi.

Pour vous balader c’est ça ? [je n’insiste pas sur le parcours, cela semble la gêner]

Oui [rires], il faut bien !

D’accord, et vous pouvez dire que c’est un paysage ici?

N.2.7.4

Retour : À la fin du parcours, entre les deux ponts (routier et piéton). Enregistrement disponible Madame (Mme.) est à vélo, elle a environ 50ans, je me permets de l’arrêter.

Mme.

14

Oui …

A.

15

A.

15

Quand je dis paysage, vous trouvez ici que c’est assez représentatif…[un bateau à fond plat passe, Madame s’arrête avec la poussette et le petit]

Pourquoi vous trouvez ça jolie ici, qu’est-ce que vous trouvez particulièrement ?

Mme.

16

Il n’y a pas autre chose !

A.

17

D’accord.

Mme.

18

J’ai grandi à la campagne [madame a un accent du sud qui ressort légèrement], mais bon, c’est le seul endroit où il y a un peu de nature. Y’a rien ! Y’a rien. Où vous voulez allez à Marcq ?

A.

19

Et est-ce que vous pourriez dire ici que c’est un paysage ?

Mme.

20

Oula…

A.

21

Je vous dit paysage, vous l’associez à ça ?

Mme.

22

Alors, mes enfants, ils disent toujours ‘C’est moche’ [rires] … quand on grandit à la campagne, on est habitué, on est pas du tout de la région… C’est un choc ! [rires] Pour moi c’est pas...

A.

23

Vous venez de quelles régions ?

D’accord, et est-ce que vous pouvez pour vous ici c’est un paysage ? Ah, un paysage par rapport à … [Madame prend la parole] Oui, à certain endroit. Ici, par exemple... Il y a de verdure. Pas évidemment là ou il y a les constructions. Si au niveau verdure, c’est agréable. Mais euh, ce qu’on apprécie, c’est l’endroit aussi où il y a un bosquet, là je trouve que ç’est. Et euh, l’hiver… lorsque le canal est gelé, on a déjà vu le canal gelé ! C’est agréable aussi… puis l’automne, les couleurs des feuilles et tout ça.

Mme.

A.

18

Oui, quand c’est naturel …

Mme.

19

Oui, quand c’est paysager, c’est naturel. Là-bas, plus loin. Parce que nous on a connu cette endroit-là, c’était … euh… un chemin … il n’y avait pas de chemin du

A.

A.

16

17

… assez représentatif de… parce qu’on ne dit pas représentatif tout seul... D’un paysage en général ? Euh, représentatif de la région. Disons, du Nord de la France-Belgique … C’est plus sauvage, moins domestiqué qu’en Belgique… De toute façon les canaux ont été fait pour euh… enfin à des fins commerciales

20

Oui. Depuis très longtemps, c’est moyen de communication entre les différents pays. Mais c’est euh.. une continuité pour moi. [rires] Oui, d’accord. Merci de m’avoir réponde Madame. »


154

Mme.

155

24

Mme.

28

Vous connaissez ou pas ? Vous n’êtes pas de la région ?

A.

29

Si, si je suis de la région. Je suis du Nord, et je suis déjà venu plusieurs ici aussi.

Mme.

30

D’accord et vous faites que des études ici ?

A.

31

Bah là, je suis là à Lille, mais je suis du Nord.

Mme.

32

De Marcq aussi ?

A.

33

Armentières, je ne sais pas si vous connaissez

Mme.

34

Oui. D’accord, mais vous ne connaissez pas forcément tout Marcq-en-Baroeul

A.

35

Nan, je connais un peu la ville.

Mme.

36

Mais nan, je ne sais pas. Paysage, nan… pour moi un peu paysage, pour moi. C’est ça qui me manque d’ailleurs

A.

37

Donc ce serait plus des paysages de Provence ?

Mme.

38

Ah nan mais quand on va à la mer, pour moi il y a des beaux… quand on va…

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

Oui ?

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

27

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

A.

n°1 : le pont du départ du parcours

Oui,… après vous connaissez ? [elle fait signe vers l’arrière, où se situe l’usine]

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

26

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

Mme.

Ok, ça marche. Merci de m’avoir répondu Madame. »

Photographies personnelles réalisées lors de la deuxième visite de site des éléments visuels qui mo’nt marqués durant le parcours.

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

Le pont de l’autoroute ?

44

Canal de Roubaix, Marcq-en-Baroeul, 12.04.2017 14h-17H

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

25

A.

N.2.8

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

A.

Voilà, je vais à la poste, à la banque. Pour moi, c’est agréable d’avoir ça… tout en étant à Lille, Marcq-enBaroeul, ça fait partie de l’agglomération lilloise.

n°2 : les tags présent sur les clotures

Mes enfants, ils ont grandi à la campagne, en Provence, mais bon. Et euh, voilà, ils refusent de venir là. Pour moi, euh, c’est une consolation… voilà, je ne suis pas quelqu’un de Marcq. C’est très bien que ça existe, mais, il n’y a pas autre chose. Tout est, tout est par rapport à … tout est relatif. Il n’y a pas de nature ici ! Il faut allez loin, faut aller à la mer. Donc, on marche là, un petit peu. Donc paysages,… pour moi, c’est pas des paysage [rires]. C’est un canal qui est… qui est aménagé. D’ailleurs, c’est le segment jusqu’au pont [montre le pont juste derrière nous : le pont du départ] jusqu’à l’autre pont [signe de la main]

Quand c’est plus naturel... A.

Mais même quelques fois, je suis allée jusqu’au Monts des Cats [s’arrête sur la prononciation], c’est ça ?! et … [expression dubitative sur le visage]

A.

40

Et non ?

Mme.

41

… Je m’attendais à des beaux paysages mais tout est construit ! [pause] Pour moi, un paysage, il est pas trop construit… Mais bon, ça c’est des définitions.

A.

42

Ca m’intéresse.

Mme.

43

Moi, j’aime beaucoup le canal, parce que voilà, ça me permet dans la vie de tous les jours, voilà, là j’ai été faire mes petites courses, j’ai été à la pharmacie.

Mme.

n°2 : le sol qu’Elisa montre du doigt

39


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N.3.1

FICHE DE LECTURE 1 : Définition du paysage J.-M. BESSE, : « Les cinq portes du paysage. Essai d’une cartographie des problématiques paysagères contemporaines », retranscription de la conférence dans (dir. J. Maderuelo) Paisaje y pensamiento, Madrid, 2006

PRÉSENTATION AUTEUR, CONTEXTE ET DEMONSTRATION Dans cette conférence qui a été organisée le 28 juin 2006 par le Centro de arte y naturaleza de Fondacion Beulas, Jean-Marc Besse retrace une « cartographie des problématiques paysagères contemporaines ». Docteur en histoire, agrégé de philosophie, directeur de recherche du CNRS (laboratoire Epistémologie et Histoire de la Géographie), la question de définir le « paysage » dans un contexte théorique et historique anime le travail de J.-M. Besse. Également enseignant en géographie (Paris1) et en paysage (ENSP), il est co-directeur et rédacteur de la revue « Carnets du paysage ». Ces travaux de recherche s’intéressent particulièrement à l’épistémologie, l’histoire ou l’anthropologie de la géographie, et à diverses questions paysagères : ses savoirs, ses représentations, ses définitions, de l’époque moderne à contemporaine. Dans cet article, l’auteur cherche à donner différentes « définitions » du paysage. Terme polysémique qui intéresse, et fait agir des disciplines très différentes, son approche l’est alors tout autant. J.-M. Besse choisit donc de présenter la question du paysage sous cinq « entrées », présentés dans cinq parties qui sont : « 1. représentation culturelle, 2. un territoire produit par les sociétés dans leur histoire, 3. complexe systémique articulant éléments naturels et culturels en une totalité objective, 4. un espace d’expériences sensibles rebelles aux diverses formes possibles d’objectivation, 5. un site et contexte de projet » (p2). Selon lui, ces différentes théories du paysage se superposent, parfois se recoupent ou s’opposent dans la culture paysagère contemporaine. Il conclue en prônant une porosité entre ces approches, une porte ouverte. Si nous détaillons ces différentes parties. LES ARGUMENTS & CONCEPTS UTILISÉS J.-M. Besse prend appuie sur différents domaines théoriques qui vont des sciences géographiques, historiques ou philosophiques pour démontrer les différentes facettes que peut prendre le paysage. Il fait notamment appel en 1. à l’histoire des arts et de la philosophie. Dans le 2., il aborde les théories développées par J.B. Jackson (géographe américain année 50), dans le 3. il utilise la théorie géosystémique de G. Bertrand (géographe français année 50), dans le 4., il s’intéresse à la phénoménologie notamment à l’aide d’E. Straus, enfin dans le 5. il parle du travail du paysagiste qui manipule à la fois un sol, un territoire et l’environnement naturel.

N.3.2

FICHE DE LECTURE 2 : Le paysage social Y. Luginbühl, Sensibilités paysagères, modèles paysagers,

Recherche scientifique, Ministère de l’environnement, DGAD/SRAE, LADYSS, SEGESA, 2000 PRÉSENTATION AUTEUR, CONTEXTE ET DEMONSTRATION Dans cette recherche réalisée sous la direction d’Yves Luginbühl, en collaboration avec K. Sigg et X. Toutain (recherche SEGESA), commandé par le Ministère de l’Environnement, les chercheurs étudient et mettent en exerguent des modèles paysagers anciens et actuels au regard des différentes classes sociales au sein de la sociétés française. Une enquête nationale est lancée en 1991 par l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques) qui va venir questionner l’environnement et le paysage. Yves Luginbühl est docteur en géographie et ingénieur en agronomie, il est également chercheur émérite au CNRS et directeur du LADYSS (Laboratoire Dynamiques Sociales et Recompositions des espaces) de 19972003. Ainsi la question du paysage comme outil social et de l’aménagement du territoire comme support de politiques nourris grandement ses questionnements. Il a notamment contribué à la rédaction de la Convention européenne du Paysage de 2000. Dans une première partie, la recherche vient se replacer dans son contexte, c’est-à-dire l’évolution du champ géographie et de la sociologie du paysage depuis les années 70 (années où sont apparues des considérations nouvelles sur l’espace vu et l’espace vécu où l’individu est réintégré dans le processus paysager). De premières catégories sociales en relation au paysage sont évoqués. Dans une deuxième partie, ce sont les représentations sociales du paysage qui sont présentés, permettant de catégoriser le paysage sous différentes thématiques qui répondrait à des cibles particulières d’intérrogés. Dans un troisième temps, la recherche tente dans la 3ème partie de faire un lien entre représentations sociales et leurs possibles influences, qu’elles soient culturelles, artistiques, sociétales, ou plus personnel pour arriver jusqu’à la question du paysage quotidien et du rapport que l’habitant entretien avec son environnement. LES ARGUMENTS & CONCEPTS UTILISÉS Dans cette recherche, différents modèles paysagers sont mis en avant selon des plusieurs cibles. Seront distingués les enfants, les jeunes et les adultes. A partir des enquêtes qui ont été réalisés le paysage est thématisés : la grande nature, le paysage quotidien, le paysage moderne... où sont mise en avant des définitions paysagères qui font se rencontrer des discours récoltés sur le terrain.

POINT DE VUE PERSONNEL / INTÉRÊT POUR LE MÉMOIRE J.-M. Besse élabore cinq portes pour entrer dans le paysage. Plusieurs questions peuvent se poser : ses théories sont-elles hermétiques les uns aux autres ou y a-t-il des ponts possibles ? Comment ces discours théoriques peuvent-ils rencontrer dans discours individuelles ? Quelles influences ont ces théories sur la relation individuelle (et presque immédiate) au paysage ? Comment est exprimé l’espace d’expériences par les personnes que je cherche à intérroger ? J.-M. Besse propose deux types de discours qui permettent d’accéder à cette expérience : la poésie et la philosophie. Peut-on le retrouver dans le discours et dans la narration des expériences ?

POINT DE VUE PERSONNEL / INTÉRÊT POUR LE MÉMOIRE Cette recherche permet d’établir des ponts entre des façons de voir le paysage d’un point de vues théoriques (cf : les portes qui sont abordées par J.-M. Besse par exemple) et les discours qui peuvent être récoltés à partir d’individus différents qui vivent le paysage au quotidien. Ces catégories sont intéressantes puisqu’elle montrer des émergeances autour du mot paysage, mais est-il possible de définir le paysage en modèles paysagers ? Comment l’expérience du paysage entre en compte dans l’élaboration de ces différents modèles ? Et quand est-il des limites du discours ? A. Sgard explique notamment que le discours sur le paysage doit être sous forme d’entretien long puisque le paysage fait appel à des références personnelles que l’interrogé peine à (ou ne souhaite) vouloir partager.

CITATIONS « Le paysage nous parle des hommes, de leurs regards et de leurs valeurs, et non du monde extérieur à proprement parler » (p2) « Le paysage n’est pas la nature, mais le monde humain tel qui s’inscrit dans la nature en la transformant » (p9) « le paysage (prend) en charge une dimension de la relation humaine au monde et à la nature que la science moderne par principe, avait laissé de côté : le rapport direct, immédiat, physique, aux éléments sensibles du monde terrestre. » (p16) « Quelle est cette parole qui pourrait restituer ou plutôt, comme on l’a dit, prolonger l’expérience paysagère prise dans une telle radicalité ? En quoi, plus encore, la langue pourrait-elle accueillir et faire retentir le paysage dans son événement même ? » (p19)

CITATIONS «... la perception du paysage est elle aussi hétérogène, car ceux qui regardent le paysage ont des logiques, des structures mentales et culturelles, des systèmes de valeurs très diverses selon leur position par rapport au territoire perçu.» (p10) « Dans l’évolution perçue des représentations sociales du paysage à travers l’écoute de ses discours, cette recherche vise à analyser les rapports d’une société en crise face à son milieu de vie, conçu comme lieu de déploiement de ses activités ou comme spectacle : entre les deux, un fossé? Comment le comprendre pour le combler?» (p8) «Le paysage moderne ; un compromis entre la nature et le social, un compromis entre les hommes euxmêmes» (p105)


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N.4.1

Flyer Croque-Paysage Source : Amiens métropole, récolté

N.4.2

Présentation de l’organisation et des enjeux de l’intervention

Organisation «CROQUE-PAYSAGE» Objectif des séances : – Faire découvrir un territoire par le biais du croquis et du plaisir de dessiner ensemble. – Raconter l’histoire de la construction d’un paysage à travers sa mise en dessin. – Proposer de poser un nouveau regard sur un territoire connu ou à découvrir. – Faire parler les participants de leur perception du paysage et de leur façon de le vivre. Faire dialoguer entre eux les habitants d’un même paysage. – Apporter des bases de dessins : comment regarder, comment mesurer, comment retranscrire un paysage. – Faire découvrir une approche multisensorielle du paysage (pas seulement la perception de celui-ci, mais également les ambiances, les odeurs, les textures, les sons). – Faire dialoguer les regards sur le paysage grâce aux séances à double parole avec le guide conférencier. – Le paysagiste comme médiateur et passeur de paysage.

N.4.3

Situation des interventions Source : géoportail.gouv.fr

Les outils mise en place : Ces séances doivent être l’occasion de faire dessiner le paysage à des participants qui n’en ont pas obligatoire l’habitude. La pratique du croquis (dessin non figé réalisé dans un temps assez rapide) sera plutôt privilégiée permettant d’apprivoiser un geste et de multiplier les expériences. Les séances peuvent s’organiser autour de l’élaboration d’un carnet de croquis personnel, utilisable de mois en mois. Cet outil de travail permet d’observer une progression, et de donner l’envie au public de revenir aux différentes sessions, il pourra également être complété par les participants en dehors des séances. Il est également facilement manipulable et peut contenir divers éléments à y coller (récupération de plantes, textures, photographies, tickets de rencontres,...). Durant chaque séance, un exercice de mise en mot du paysage peut être proposé pour en décrire les ambiances, les impressions...

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Marais des Trois-Vaches, AMIENS, le 26.03.2017 (2ème visite de site) : 1ère séance « Croque-Paysage »

N.4.4

14h-18h

Le site du Marais des Trois Vaches

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Photographie du site, séance du 26.03.2017

Retour sur site : J’arrive sur le site vers 14h. Durant 3/4h, j’effectue une observation rapide du site. Je parle également quelques minutes avec deux pécheurs à l’entrée du marais. [les extraits de conversations entre guillemets sont des propos rapportés et écrit de mémoire à partir de note] Ils sont assez méfiants de me parler, quoique très sympathiques. Les deux pêcheurs habitent à Amiens, ils sont plutôt âgées, les deux sont retraités. L’un d’eux parle plus que l’autre mais utilise le « on ». Ils viennent donc régulièrement pêchées ici, une à deux fois par semaine selon le temps. Ils le lieu « très calme, très vert aussi ». Ils « aiment bien venir ici pour se poser un peu au calme ». « C’est beau avec les canards, et puis on peut pêcher tranquille ici ! ». Il contaste qu’il « n’y a pas trop de monde, c’est bien ! ». Ils font également partie d’un « club de pêche » qui va « pêcher sur la canal aussi des fois ». Il aiment bien ce lieu parce qu’il est « vert » et qu’il est « à côté, (ils) habitent à côté ». Le site se situe dans un fond de vallée, c’est un marais ! à côté d’une voie romaine en son nord. Ce marais a été exploité durant le 18ème siècle pour l’exploitation de la tourbe, il a ensuite été abandonné. Il n’est pas aujourd’hui un lieu touristique d’Amiens, mais plutôt un espace de promenade en partie Nord de la ville. Il semble ne pas être très entretenu et peu aménagé de façon à le mettre en valeur. Il dispose d’une richesse floristique et faunistique importante. Il est notamment marais de pêche. Il est fréquenté par une population locale qui vient y piqueniquer, ou s’y promener. Il est enclavé entre une voie de chemin de fer en remblai +5m minimum et un quartier d’habitation en surplomb également. La morphologie en creux du site est très révélé par ses deux éléments qui le ferme. Il se développe en longueur. Sa partie sud-ouest est plus aménagé, quelques chemins en terre, quelques ponts en billes de chemin de fer, très vétustes permettent l’accès aux différents marais, et propose une promenade dans le lieu. Les différents étangs proposent alors des micros-espaces qui s’organisent en îles très végétales. Les chemins sont en graviers, nombreux chemins sont faits grâce aux passages ou à une fauche plus régulière. Il fait très beau, ciel bleu, temps clément, environ 15 à 20°C, un vent assez léger. L’ambiance est calme, on entends le bruit de la circulation à l’entrée du lieu, mais il est peut dérangeant, on entends les oiseaux, les canards et leur bruits dans l’eau. Le lieu est assez reposant. La végétation commence à bourgeonner, les couleurs qui dominent sont le marron et le vert tendre, l’eau est assez sombre. La lumière permet tout de même des reflets. Un bruit assez assourdissant retentit à 14h30, lorsqu’un train de marchandise passe sur la voie de chemin de fer. A 15h15, un TER passe, son bruit est beaucoup plus discret et ne dérange pas trop la balade. On ne l’entendra plus de l’après-midi, notons que nous sommes dimanche et que peu de train passe. A 14h, il y a six voitures sur le parking à l’entrée du site. Elles seront un peu plus nombreuses dans l’après-midi, environ une dizaine. Durant la déambulation partielle dans le lieu, nous croisons plusieurs promeneurs (différents types de profils : des familles, des couples jeunes ou âgées), mais également un groupe (une famille très certainement)

qui a planté trois tentes sur une petite île du marais. Le public du lieu est assez variée : des familles en picnic avec enfants, des pêcheurs, des promeneurs (un couple d’environ 60ans, un couple d’environ 30ans, un promeneur avec son chien, …) : le lieu semble fréquenté d’une population diverse, qui vient en voiture, mais également à pied des deux entrées principales du site (au nord et au sud). Au total, sur l’après-midi, je rencontre une quinzaine de personnes en dehors des personnes présentes pour la séance de dessin.

Après la séance de dessin, j’en profite pour discuter avec deux personnes qui ont participées. [les extraits sont issues de conversations informelles, retranscrites de mémoire ] Madame, environ 65ans, retraitée, habite Amiens [la conversation sur le paysage a duré environ 5minutes, Madame était très timide mais si elle semblait apprécié répondre à mes quelques questions. Je retranscrit les termes marquants et répétitifs de mon point de vue] « Vous venez souvent ici Madame ? - Non, pas du tout. Je connaissais de nom, mais non sinon je ne viens jamais… j’habite pas très loin pourtant, mais non. J’ai connu ce lieu il y a quelques années (…) lorsqu’il en on parlé dans le journal de la ville … pour, euh… lorsqu’ils ont refait le parc… vous voyez. (…) - Vous trouvez ce lieu agréable ? - Ah oui… c’est très calme, c’est vert… en plus je découvre un nouveau coin, c’est sympathique ces visites avec la ville… ici, il y a beaucoup de végétations, et puis il y a l’eau aussi, c’est très sympathique comme paysage. - Ce n’est pas le genre de paysage que l’on visite beaucoup d’habitude ? (sourire) - Non, c’est vrai que l’on ne va pas se balader beaucoup par ici, mais j’aime bien,… c’est jolie, et c’est calme comme lieu. Il n’y a pas trop de monde non plus,… - Vous aimez bien ce genre de paysage ? - Oui, oui… j’aime bien la campagne, et j’aime bien aussi les paysages d’eau. J’aime beaucoup la nature comme ça… (…) Je trouve très calme et très jolie aussi. » > Un lieu décrit comme très calme (3fois en quelques minutes) : qui se formalise par une absence de monde. > importance des paysages d’eau : associé à l’image de Nature Monsieur, environ 45ans, salarié, habite Amiens [la conversation a duré entre 10 et 15 minutes, la retranscription a été plus difficile, j’ai relancé plusieurs fois, j’essaie de faire ressortir ces propos le plus fidèlement possible au ton enjoué employé] « Vous connaissiez ici Monsieur ? - Oui, vaguement, j’étais déjà passé mais bon … je ne mettais jamais vraiment arrêté en fait. Mais c’est plutôt sympa comme lieu, c’est calme, c’est verdoyant, c’est pas mal… Après, ça manque un peu

d’aménagement je trouve, c’est un peu laissé à l’abandon (…) oui, comme le pont où on est passé tout à l’heure [un pont vétuste auquel manque plusieurs morceaux de planches], donc bon, il pourrais le refaire un peu, parce que c’est un peu triste. - Vous trouvez ? - Bah, ça mériterait d’être un peu plus entretenu. Après, on est à peine au printemps, les arbres sont même pas beaucoup en feuilles donc c’est peut-être pour ça que ça ne fait pas très entretenu non plus. (…) mais c’est jolie quand même je trouve. Et puis, j’aime bien parce que c’est calme. Là on y a passé deux heures, et c’était vraiment très calme et très reposant. On était assis dans l’herbe, au soleil, à dessiner … [rires] ou plutôt à essayer… - Le lieu vous a plu alors ? Le choix du lieu ? - Bah oui, plutôt, je connaissais pas ! Et puis, j’ai testé la formule de dessiner le paysage ! (…) C’est marrant, avant de regarder sur la carte, je me souvenais plus tôt où c’était le marais des Trois Vaches, alors je m’attendais plutôt à un paysage comme les Hortillonnages, vous voyez, vous connaissez ? (…) Là ici, c’est plus petit, c’est moins touristique aussi, c’est moins euh… calme, c’est peut-être un peu moins beau, parce que là c’était moins vert, et puis il y a les petites barques aux Hortillonnages (…) Mais c’est jolie quand même ici… et puis c’était agréable aujourd’hui, avec le soleil, et tout ça… (…) Et puis c’est marrant, avec la voie ferrée et les maisons là-bas, on a l’impression d’être en ville sans vraiment y être… parce que ici c’est vraiment calme… en plus, on était détendu là, c’était une bonne ambiance. - Et vous trouvez que c’était un bon choix ce paysage là ? - Oui, oui … j’ai bien aimé. J’ai été assez étonné, parce que je connais bien Amiens, et je connaissais pas ce lieu là, mais c’est vraiment agréable avec l’eau et puis les animaux aussi [rires], j’aime bien les canards. J’ai même essayé de les dessiner ! C’est la Nature [rires] - Vous aimez quels types de paysages d’habitude ? - Moi, je suis plutôt montagne, vous voyez. J’aime bien aller dans les Pyrénées d’habitude, c’es très beau… surtout en été. Vous voyez, c’est grandes montagnes, c’est magnifique comme paysage ! … mais bon, on a pas ça par ici nous ! » > n’utilise pas le terme paysage, mais parle plutôt de lieu. Est étonné du choix du site comme paysage de marais, mais a apprécié le lieu. > trouve le lieu calme qui lui donne son côté agréable, aime la nature qui s’y est installé.

> Le lieu choisit ne peut être classé dans un paysage remarquable. Il est pourtant riche de potentiel mais il n’est pas fort d’éléments majeurs (tels que des vues, ou des ambiances très dépaysantes). Il se rapproche plus d’un paysage du quotidien. Il est classé dans paysage pour son côté naturel ici, composé d’un marais et donc d’eau, de végétations variées, d’animaux… > Il semble plus perçu comme un « lieu » que comme un « paysage » à part entière : pourquoi ? Hypothèses : - ses dimensions assez réduites - son implantation dans la ville, également entre une voie de chemin de fer et un quartier d’habitation - son absence d’éléments « remarquables » - son caractère quotidien, sa pratique ici par des gens d’Amiens qui connaissaient sans vraiment connaître.


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