UN OUTIL POUR L’AMÉNAGEMENT FAVORABLE À LA SANTÉ ?
ATELIER M3
Florian Daguin, architecte, directeur RésidentieL
ÉTUDE DE CAS D’UN BÂTIMENT RÉSIDENTIEL EN ÎLE-DE-FRANCE LABÉLISÉ
BÂTIMENT BAS CARBONE
94 logements en structure bois à Taverny (95)
EXECUTIVE MASTER GOUVERNANCE TERRITORIALE ET DÉVELOPPEMENT URBAIN
SCIENCES PO PARIS (PROMOTION 2022 / 2023)
Etudes issue des recherches de Florian Daguin, architecte HMONP, directeur Résidentiel, Atelier M3 à Paris dans le cadre du mémoire de l’exécutive Master de Sciences Po. Paris.
Tuteur Clément BOISSEUIL
CERTIFICATIONS ET LABELS
Un outil pour l’aménagement favorable à la santé ?
Étude de cas d’un bâtiment résidentiel en Île-de-France labélisé Bâtiment Bas Carbone
Construire une opération labellisée
La qualité du logement fait l’objet de nombreuses attentions, sans qu’une définition partagée n’ait fait consensus. Le secteur de la construction compte aujourd’hui de plus en plus de labels, de prix, et de distinctions, permettant de différencier les opérations de construction dans un paysage pouvant apparaître de plus en plus homogène. Le défi climatique que nous traversons est par ailleurs vecteur de changement réglementaire, notamment dans le secteur de la construction qui tente de répondre à l’objectif de diminution des émissions de carbone. A cela s’ajoute également les enjeux de santé environnementale, de plus en plus intégrés dans les réflexions et prises de décisions des acteurs publics.
Ce mémoire étudie le lien possible entre les labels et certifications et la santé. Il se structure en deux parties. Une première partie tente de retracer l’évolution de la réglementation, des certifications et des labels concernant la qualité des logements.
Cette première partie souligne également des évolutions réglementaires des logements en lien direct ou indirect avec la santé. La seconde partie traite plus spécifiquement d’un cas d’étude où la lutte contre les émissions gaz à effet de serre à travers la diminution de l’impact carbone d’une construction et le bien vivre ont été les critères majoritaires de la conception et de la réalisation d’une opération de bâtiment résidentiel.
Ce bâtiment est la première opération résidentielle à atteindre le seuil 2031 de la RE2020 (la réglementation environnementale RE2020 dispose de quatre seuils de diminution de l’impact carbone des constructions, 2022, 2025, 2028 et 2031). Ce cas d’étude interroge en quoi la labélisation d’une opération peut avoir un impact sur la qualité de l’habitat et sur la santé.
Deux hypothèses sont testées dans ce mémoire :
- Les labels et certifications du secteur de la construction sont des outils qui préfigurent les objectifs des futures réglementations
- Les labels et certifications du secteur de la construction mis en place dans le cadre de l’adaptation au changement climatique sont des outils d’améliorations de la qualité de l’habitat et impactant la santé.
INTRODUCTION
En février 2021, le ministère du Logement représenté par Emmanuelle Wargon (ministre déléguée chargée du Logement du gouvernement Castex) lance une démarche de réflexion pour accompagner les projets d’habitat « vertueux » et valoriser de nouvelles solutions en réponse aux défis – sobriété (réduction des consommations), inclusion (égalité sociale), résilience (capacité de rétablissement), productivité - que vise à relever l’habitat « sobre et humaniste » souhaité par la ministre. L’ambition affichée est d’établir un référentiel sur la qualité du logement afin d’améliorer la qualité d’usage des logements construits pour mieux répondre aux besoins de leurs occupants. Ce rapport rédigé par Laurent Girometti, directeur général de l’EpaMarne (établissement public d’aménagement de la ville-nouvelle de Marne-la-Vallée) et François Leclercq, architecte et urbaniste, est remis neuf mois après, à l’occasion d’une présentation le 14 octobre 2021 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine.
Durant ces deux dernières décennies, la mesure et la prise en considération de la qualité des logements a connu d’importantes réformes sur le plan des critères techniques, principalement à travers les enjeux de performances thermiques, énergétiques et environnementales. En 2006, la RT2005 entre en vigueur avec pour objectif d’augmenter de 15% la performance thermique afin de ne pas dépasser 90 kWh/m2, ce qui passe par une meilleure isolation et une diminution de la consommation des bâtiments. A partir de 2011, la RT2012 est mise en place suite au Grenelle de l’environnement. Elle vise à diviser par trois la consommation énergétique des bâtiments en s’alignant sur le label BBC 2005 1 .
Les sujets énergétiques puis environnementaux ont conduit à des transformations techniques des modes constructifs. Par exemple, les travaux d’isolation par l’extérieur se sont développés afin d’éviter les ponts thermiques favorables à la création de points d’humidité dans les logements. La perméabilité à l’air est également un critère d’obtention de la RT2012. Un calcul de la surface vitrée est également instauré dans le cadre de cette réglementation. Désormais, pour être conforme à cette réglementation RT2012, un bâtiment d’habitation doit prévoir un minimum de 1/6ème de la surface habitable (SHAB) en surface vitrée.
ÉLÉMENTS DE DÉFINITION
Qu’est-ce que le logement ?
Habiter, habitation, logement, ces termes peuvent trouver leur définition dans la philosophie, l’urbanisme, l’histoire, la sociologie et bien sûr l’architecture. Le dénominateur commun de ces multiples définitions se trouve dans la notion d'interaction entre l’individu et l’extérieur.
« Le sens du verbe habiter ne peut se limiter à l’action d’être logé, il déborde et l’habitation et l’être au point que l’un ne peut se penser sans l’autre. »
Le logement est un besoin humain fondamental inscrit par les Nations Unis dans le Droit international relatif aux Droits de l’Homme. Le logement est central dans la vie des individus.
Qu’est-ce que la santé ?
La santé est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement une absence de maladie. En ce sens, la qualité d’un logement en est un déterminant majeur.
L’OMS mentionne l’accès à un logement de qualité comme l’une des conditions de base pour mener une vie saine. Agir sur le logement peut ainsi améliorer l’état de santé physique, mentale et sociale des populations.
Les liens reconnus entre la santé et le logement sont de plusieurs natures. La qualité d’un logement peut avoir un lien direct sur les pathologies allergiques et respiratoires liées à l’humidité dans le logement et à la moisissure. Cette exposition prolongée a un impact sur le risque d’allergie, sur le développement de l’asthme chez l’enfant et sur les symptômes respiratoires.
Le surpeuplement, la promiscuité et encore une fois le manque d’aération favorisent le développement des infections gastro-intestinales. Les températures extrêmes générées par une mauvaise isolation d’un logement peuvent entraîner une déshydratation ou des coups de chaleur favorables à des pathologies cardiovasculaires. La pollution des sols, l’exposition au radon ou à l’amiante sont des facteurs aggravants dans le risque de développement d’un cancer, notamment du poumon.
Enfin, la dégradation du logement peut avoir un impact sur la santé mentale. Pour comprendre cet impact il est nécessaire d’intégrer la fonction de lieu de repos psychique du logement. Au titre de la sociabilité, l’appropriation d’un logement permet de maintenir une image valorisante de soi-même. Le logement est le signe de ce que l’on est et de l’image que l’on souhaite transmettre aux autres.
ÉLÉMENTS DÉCLENCHEURS
La conception de bâtiments résidentiels nous interroge en tant qu’architectes quant à ce lien entre le logement, son usage, sa forme, son volume, son emplacement, toutes ces caractéristiques et la santé de ses occupants. Au cours des dernières années et particulièrement depuis 2020, la place des notions de santé et bien-être sont grandissantes dans les principes de conception.
La pandémie a mis en évidence en premier lieu les fragilités du système de santé français. Pourtant internationalement reconnue, la médecine française, de son hôpital à sa prévention est mise en défaut. La place, les lits, le personnel, le matériel, tout manque pour contrer le virus.
Les trois périodes de confinement de 2020 et 2021 imposent à une majorité de Français qu’ils soient jeunes, âgés, actifs, retraités, de rester à leur domicile. Les retraités découvrent des logements sans lien social, les jeunes et enfants découvrent des logements dans lesquels il faut réinventer les espaces de loisir, les actifs transforment des logements en lieux de travail.
Si les confinements ont ralenti la pandémie, le manque d’espace, de modularité, de prolongement extérieur, d’intimité et de fonctionnalité domestique ont accéléré le constat de l’importance de la qualité de l’habitat. Cette réflexion s’inscrit dans la continuité des liens entre santé et qualité des logements qui ont été mises en exergue par la crise sanitaire et qui tendent à s’accélérer depuis et dont nous sommes chaque jour témoins.
CONTEXTE
Les opérations de construction de logements en France sont très largement réglementées. L’évolution de cette réglementation dans le contexte de l’urgence climatique engage les acteurs des opérations, collectivités, aménageurs, promoteurs, architectes et entreprises à s’adapter aux rythmes des évolutions des modes de vie et des défis environnementaux.
Au cours des périodes de modifications des réglementations, la priorité a souvent été mise sur les urgences énergétiques et écologiques. Les réglementations ont évolué pour tenter de faire face aux nouveaux défis de société tels que le réchauffement climatique et l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cependant, si les réglementations évoluent, elles ne se font pas toujours au même rythme que les mutations d’usages.
De plus, bien que publiées, les nouvelles réglementations sont mises en application avec une certaine latence due à l’inertie des structures des acteurs clé. Dès lors, des dispositifs incitatifs ont été mis en place par les pouvoirs publics pour penser et inventer de nouvelles façons de construire et de réhabiliter en accord avec les objectifs de diminution des émissions et l’empreinte carbone du secteur de la construction.
Ces dispositifs s’insèrent dans les objectifs de la Loi Energie Climat qui désigne le secteur du bâtiment comme un des leviers principaux (les émissions des bâtiments du secteur tertiaire et résidentiel représentent un quart des émissions nationales de GES) dans l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces dispositifs s’appuient sur les capacités d’innovation des acteurs du secteur et offrent l’opportunité aux collectivités de s’en emparer pour se différencier et valoriser leur territoire.
Des labels et certifications se développent et deviennent des instruments de politiques publiques. Bien que l’État ne dispose pas directement de l’autorité, ni des budgets , ni de l’expertise pour les définir, l’établissement de ces labels et certification favorisent l’atteinte des objectifs à l’échelle des territoires. Ces labels peuvent être vus à la fois comme un moyen pour les acteurs de se
positionner en avance sur les modes constructifs et objectifs communs et comme un outil pour ces acteurs le permettant de rattraper certains retards pris face aux évolutions de la société, comme le souligne Renaud Epstein : « L’innovation doit-elle permettre à la collectivité de se positionner comme une avant-garde éclairée ou l’aider à rattraper son retard sur l’évolution des pratiques ? »
QUESTION ?
EN QUOI, DANS UN CONTEXTE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, LES CERTIFICATIONS ET LABELS QUI SE DÉVELOPPENT DANS LE SECTEUR DE LA CONSTRUCTION SONT-ILS RELIÉS AUX ENJEUX DE LA SANTÉ ?
HYPOTHÈSES ?
- Les labels et certifications du secteur de la construction sont des outils qui préfigurent les objectifs des futures réglementations ;
- Les labels et certifications du secteur de la construction mis en place dans le cadre de l’adaptation au changement climatique sont des outils d’améliorations de la qualité de l’habitat et impactant la santé.
Terrain d’étude
Le terrain d’étude choisi est un bâtiment résidentiel comprenant 94 logements et un équipement dédié à l’accueil des personnes autistes, situé dans la ville de Taverny dans le Val-d’Oise.
Cette opération labélisée Bâtiment Bas Carbone niveau Excellence est construite sur un terrain municipal vendu à un promoteur et est la première opération résidentielle à atteindre le seuil 2031 de la réglementation RE2020. Cette construction est en accord avec les objectifs des pouvoirs publics de lutte contre le dérèglement climatique et présente une mixité de programmation avec une orientation résidentielle et médico-sociale. Par sa programmation et son excellence environnementale, ce terrain peut être l’illustration d’un lien entre les objectifs environnementaux et la santé.
L’emprise foncière est localisée dans le quartier Mermoz - Les Ecouardes, en limite du quartier des Lignières. Elle est accessible depuis la Gare de Taverny et la Gare de Montigny-Beauchamp. Le terrain est caractérisé par son environnement urbain diversifié. L’analyse urbaine montre un enjeu de couture urbaine sur le plan de la mixité des programmations et dans la diversité des formes urbaines. Le foncier, libre de toutes constructions depuis des années est entouré à l’ouest et au sud par des équipements, à l’est par une résidence des jeunes actifs et sur toute sa partie nord pas un ensemble de logements individuels.
AXE 1. LABELLISATION ET SANTÉ
Depuis les années 2000, une multitude de labels et certifications est à disposition des acteurs de l’immobilier pour se distinguer dans le développement de leur opération. De son côté, la réglementation tente de suivre le défi de lutter contre le changement climatique à travers sa perpétuelle évolution de réglementations.
Réglementation. Normes. Certifications.
Labels.
Il est important de distinguer la réglementation, les normes, les certifications et les labels.
La réglementation constitue un ensemble de dispositions, qui s’applique à tous dès lors qu’il y a acte de construire, il n’est pas possible d’y déroger. Ces dispositions sont notamment regroupées dans le code de la construction et de l’habitation (CCH). Créé en 1954, il est dissocié du code de l’urbanisme dans les années 1970. Les réglementations traitent à la fois des éléments sur la stabilité, la sécurité incendie, l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, l’acoustique ou l’environnement.
Sous l’impulsion de la filière du bâtiment et dans le cadre de la loi ESSOC (loi pour un État au service d'une société de confiance), le Conseil supérieur de la Construction et de l'Efficacité énergétique (CSCEE) est consulté depuis 2018 dans le cadre de la simplification du CCH. Cette réécriture a pour objectif d’engager un choc de simplification des normes pour faire face à l’excès normatif en matière de construction. La réécriture est prévue en trois phases : ESSOC I (2018), II (2021) et III (en cours).
La réécriture du CCH ouvre, à travers sa première ordonnance, la possibilité aux MOA de mettre en oeuvre des solutions alternatives à la réglementation en vigueur sous réserve de prouver qu’ils atteignent les mêmes résultats et sous validation d’un organisme indépendant. Ainsi, cette solution s’appuie sur l’expérience et le savoir-faire des professionnels. Cette ouverture donne également l’opportunité d’une évolution de la construction rapide, moins bridée par le futur CCH et donc plus en adéquation avec les évolutions du climat et de modes d’habiter. Ainsi, le CCH pourrait offrir la possibilité de s’adapter à des enjeux émergeants (ou réémergeant) tels que ceux de la qualité de l’habitat et de la santé.
Dans le cadre de la troisième phase, l’État a commencé la réécriture pour la publication prochaine de décrets. Concernant les enjeux de santé, de nouveaux décrets sont en cours de rédaction : l’agence régionale de la santé d’Ile-de-France a notamment été consultée, mais regrette le manque de poids des sujets qualités face aux sujets de quantité de logement selon un représentant en entretien.
Son dialogue avec le ministère du logement semble se résumer à une question de nombre de logements à construire, quel qu’en soit la qualité. Certaines caractéristiques dimensionnelles des logements comme la hauteur sous-plafond, qui paraissait comme un acquis sont de nouveau débattues dans l’objectif de pouvoir qualifier de « logements » certains espaces qui ne peuvent pas l’être jusqu’à présent.
Les normes sont établies par des groupes de professionnels du secteur qui s’accordent sur une règle technique commune. Les DTU (documents techniques unifiés) établis par le CSTB (centre scientifique et technique du bâtiment) sont des normes de mise en oeuvre pour la construction.
La certification correspond schématiquement à l’étape suivante dans le respect de la norme et de certains référentiels complémentaires. La certification est encadrée par la Loi.
Les labels peuvent porter sur différents aspects : liés aux matériaux, à la construction, à la biodiversité, etc… La frontière entre label et certification est parfois mince tant les domaines et critères se rapprochent. Mais d’une manière générale, les certifications sont plus généralistes, tandis que les labels sont plutôt monocritères. Les labels sont des outils incitatifs dont le déploiement se fait sur la base du volontariat des acteurs visés. Il s’agit d’un outil misant sur la mise en visibilité des labellisés et sur l’émulation concurrentielle qui implique autant l’innovation que l’imitation.
Vers une meilleure qualité de logements
La notion de la qualité des logements apparaît au début du XXe d’abord à travers une nécessité sanitaire. L’exode rural, lié au développement de la société industrielle, densifie les villes et entraîne des conditions d’habitat dangereuses. Une situation d’insalubrité s’installe et touche principalement les classes populaires et moyennes, notamment avec la tuberculose.
L’entrée du sujet d’un logement de qualité pour le plus grand nombre se fait donc par la porte de l’hygiène. L’évolution des réglementations au cours du XXe siècle et au début du XXIe siècle, couplée au développement des certifications et label liés au domaine de la construction depuis les années 70, montre une tendance à l’amélioration de la qualité des logements.
UNE ÉVOLUTION RÉGLEMENTAIRE AU SERVICE DE LA SURFACE
Les évolutions de la réglementation depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui où l’on compte une multitude de certifications et labels mettent en avant une réflexion vers une amélioration de la qualité de l’habitat.
C’est au début du XXe que les premiers paramètres d’un logement sont légiférés, à commencer par sa dimension. La loi de décembre 1922 précise en son article 2 que les pièces habitables ne peuvent faire moins de 9 m2 et que la superficie d’un logement de deux pièces doit être de 25 m2 minimum, et un logement de trois pièces de 35 m2.
Si l’État mène une action certaine dans le cadre de ces améliorations des conditions d’hygiène des logements, le début du XXe sonne comme les grandes années de théories et d’expérimentations architecturales. En 1929 à Francfort, le Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) réunit les architectes avant-gardistes et présente des exemples européens dont les surfaces sont vouées à devenir des minimas. En 1931, Le Corbusier revendique un minimum pour chaque habitant de 14 m2, soit 42 m2 pour une famille avec un enfant et 56 m2 pour une famille avec deux enfants. Ces seuils restent proches de ceux retenus par le CCH de 2021 qui prévoit :
« La surface et le volume habitables d’un logement doivent être de 14 m2 et de 33 m3 au moins par habitant prévu lors de l’établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de dix m2 et 23 m3 au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième. »
La première moitié du XXe siècle est marquée par une nette amélioration des conditions de logement avec notamment une attention particulière apportée à des minimums de surfaces, des conditions de confort (cuisine indépendante, WC individuel, douche et salle le bain, ventilation) et à la différenciation des espaces (séparation des pièces de jour et des pièces de nuit).
Les années cinquate et soixante poursuivent cette dynamique d’augmentation des surfaces moyennes. Cette augmentation n’est pas la conséquence de nouvelles réglementations, mais correspond à ce qui est ressenti comme une nécessité de confort. Ces nouvelles exigences sont intégrées par les maîtres d’ouvrages dans leurs cahiers des charges.
L’évolution des lois et principaux textes réglementaires montre la mise en place d’une réglementation fin du XIXe siècle d’abord en réponse aux enjeux sanitaires. Ensuite, les critères d’habitabilité et de confort des logements se sont orientés et focalisés sur la surface.
En 1972, l’action de l’État devient indirecte avec l’attribution d’un premier label, relatif au confort acoustique dans les bâtiments d’habitation. Depuis le début des années 2000, la notion d’hygiène n’apparaît plus de manière directe dans les textes législatifs et réglementaires, qui se concentrent davantage sur des préoccupations techniques dans l’objectif premier d’amélioration des performances énergétiques des bâtiments.
UNE AUGMENTATION DE LA SURFACE QUI EST RELATIVE
L’augmentation des surfaces des logements se confirme pendant et après la période des Trentes Glorieuses avec une surface moyenne par logement passant de 27,3 m2 à 33,5 m2 et de 1,3 à 1,5 pièce par personne entre 1984 et 2006. Depuis, une tendance légère à la baisse du nombre de m2 est constatée comme le montre le tableau ci-après.
L’augmentation de la surface moyenne par habitant au cours du XXe siècle est à relativiser. Bien que la surface des logements ait tendance à augmenter, en parallèle le nombre d’habitant par logement diminue, en raison du nombre croissant de séparation à partir du milieu des années soixante-dix. Si ce n’est pas la seule évolution de la société, la séparation des ménages est une des principales mutations.
Dès lors, on peut s’interroger sur l’assimilation des changements de mode de vie des habitants dans la conception et les surfaces des logements.
Cependant, le confort, la qualité de l’habitat et la santé des habitants ne peuvent être uniquement liés à une valeur de surface. Cette surface doit être avant tout en rapport avec les usages actuels et attentes des occupants. Ce point a été mis en exergue lors de la crise du COVID 19. Les acteurs de l’immobilier ainsi que les habitants ont pris conscience de l’importance d’un lien direct avec l’extérieur prenant la forme d’un espace végétalisé au sein de l’opération qui, en plus de lutter contre les ilots de chaleurs offre un lieu de détente et encourage le lien entre les habitants.
C’est l’idée que chaque m2 ne se vaut pas et qu’une opération immobilière est aussi
le projet de vie de ses habitants. Si chaque m2 compte, c’est également car chaque m2 doit être construit. Alors que nous faisons face au défi majeur de diminution des émissions de GES pour lutter contre le dérèglement climatique, l’économie de matière peut être un levier efficace dans l’atteinte de cet objectif, s’il est couplé à une utilisation de la matière au service de l’usage.
L’exemplarité environnementale d’une opération immobilière n’a de sens que si les usages de celle-ci sont en adéquation avec les attentes de la société.
DES CERTIFICATIONS ET DES LABELS QUI PRÉCÈDENT LES RÉGLEMENTATIONS
Les labels font leur apparition à la fin des années cinquante et augmente significativement à partir du milieu des années 2000 avec une approche plus constructive et matérielle. La mise en place de labels a pu favoriser la mise en place de nouvelles réglementations. Par exemple, en 2007 est lancé le label BBC qui préfigure la future réglementation thermique RT2012. L’exemple de la RE2020 est similaire avec l’expérimentation, en amont, des labels BBCA et E+C- dont les seuils de diminution de l’empreinte carbone de la construction ont été repris dans la RE2020 .
Qualité des matériaux et confort : nouvelle approche de la RE 2020
Depuis le 1er janvier 2022, la nouvelle réglementation environnementale, RE2020, est entrée en vigueur. Une des grandes différences avec la RT2012 est l’intégration de la prise en compte du confort d’été des bâtiments pour faire face aux fortes chaleurs de plus en plus fréquentes.
Cet indicateur est traduit en degrés heures (DH) qui indique le nombre d’heures, sur un an, durant lesquelles il est constaté un écart entre la température intérieure et une température dite « confortable ». La température confortable de référence est définie à 26°C la nuit et 28°C le jour.
Définition des deux seuils de confort d’été de la RE202020
A travers cette notion de DH, la réglementation intègre ici une notion de confort. Pour atteindre ce confort, la RE2020 pousse vers des solutions passives ou actives, commeune meilleure ventilation des logements, un pas d’étage plus haut, des protections solaires systématiques ou une inertie du bâti importante.
Le second élément fondamental intégré à la RE2020 est l’exigence demandée de réduction de l’empreinte carbone de la construction, désormais comprise par une analyse cycle de vie (ACV) de l’opération.
L’ACV prend en compte six indicateurs dont deux font l’objets de seuils : l’impact carbone composants et l’impact carbone chantier, les autres étant donnés à titre indicatif.
Indicateurs de l’impact carbone (IC) pris en compte dans la RE2020
La prise en compte de l’impact carbone de la construction est directement inspirée du label BBCA qui depuis sa création prime les opérations à impact carbone raisonné.
Ainsi, après une phase d’incitation par labélisation BBCA des opérations, la RE2020 s’inspire des seuils et expérimentations pour progressivement uniformiser les constructions comme l’illustre le tableau ci-dessous :
L’introduction dans la RE2020 du critère d’impact carbone oriente le milieu de la construction vers une utilisation plus massive des matériaux biosourcés comme le bois ou la pierre.
Ces matériaux peuvent, tout en répondant à l’enjeu de diminution de l’impact carbone des constructions, favoriser le bien-être. Le temps d’exposition aux fortes chaleurs via l’introduction du critère de DH est pleinement liée à une notion de confort et de bien-être des habitants.
L’une des réponses à la diminution du temps d’exposition aux fortes chaleurs est de proposer davantage de logements traversants ou en angle qui permettent aux occupants de ventiler de manière plus efficace les logements.
Ces évolutions ont un impact non négligeable sur la santé en participant notamment à la diminution des risques de développement des maladies respiratoires (on sait désormais ce qu’une bonne ventilation d’un espace peut apporter dans la lutte contre un virus comme celui du Covid19).
Désormais, l’étape suivante des labels en lien avec le secteur de l’immobilier va-t-elle intégrer l’aspect santé ?
La santé : mission du plan
Bâtiment
Durable
Depuis 2009, la direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature du ministère de la Transition écologique et du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a mis en place un groupe de travail à l’écoute de l’ensemble de la filière du bâtiment : le Plan Bâtiment Durable.
Ce groupe de travail développe des concertations pour faire émerger des solutions dans les domaines de la construction et de la rénovation et ont vocation à faciliter la mise en oeuvre des politiques publiques. Présidé par Philippe Pelletier, le PBD a ainsi vocation à devancer les réglementations thermiques à venir et donc à préparer l’après RE2020.
Cette démarche s’inscrit directement dans le processus de mise en place de la future réglementation. Début octobre 2020, Emmanuelle Wargon, alors ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée au logement, a missionné le Plan Bâtiment Durable pour l’élaboration du label d’État à intégrer à terme à la RE2020. Sept thématiques sont identifiées avec parmi elles le confort et la santé.
Ces notions de confort et santé est traduite à travers trois thèmes.
- Le premier thème correspond aux besoins physiologiques avec la prise en compte de la qualité de l’air intérieur, mais aussi de l’impact du bruit ou de la luminosité sur le sommeil ;
- Le second thème correspond aux besoins liés à la sensorialité et à la sensibilité avec une importance portée sur la qualité des matériaux, besoins qui traduisent l’impact de nos sens sur notre santé et notre bien-être. Si deux sens sont déjà intégrés au point précédent (voir et entendre), ce thème propose de réfléchir sur deux autres : le toucher et l’odorat ;
- Le troisième et dernier thème correspond aux besoins psycho-sociaux avec une conception adaptée pour permettre de socialiser et d’intimiser.
AXE 2. CONSTRUIRE UNE
OPÉRATION LABELLISÉE:
PARTENARIATS & INTÉRÊTS COMMUNS
L’horizon post seuil 2031 de la RE2020 semble encore loin. Aujourd’hui, la RE2020, entrée en vigueur au premier janvier 2022 n’en est qu’à ces débuts et rien n’impose d’atteindre son seuil maximal. Pourtant, certains acteurs du secteur de l’immobilier, précurseurs de la labélisation BBCA l’ont déjà atteint. C’est le cas de notre terrain d’étude, labélisé Bâtiment
Bas Carbone et premier bâtiment résidentiel à atteindre le seuil 2031 de la RE2020.
L’opération a été menée par un promoteur privé, accompagné par Atelier M3 pour la mission de conception et suivi de l’exécution. Le promoteur a pour ambition de se démarquer du panier des ses confrères à travers une conception vertueuse des bâtiments, construits en structure bois.
Une politique municipale propice et volontariste
Taverny est une commune d’environ 27 000 habitants située dans le département du Val-d’Oise, au nord de Paris et fait partie de l’établissement public de coopération intercommunale de la Communauté d’agglomération du Val Parisis. La municipalité de Taverny, à travers son plan local d’urbanisme doit s’intégrer dans les schémas directeurs de la communauté d’agglomération. La municipalité a souhaité garder la gestion de cette opération en direct avec le promoteur immobilier.
Alors que depuis 1989, Taverny est dirigée par Maurice Boscavert (PS puis DG), les élections municipales de 2014 sont remportées par Florence Portelli (UMP puis LR). Florence Portelli est vice-présidente du Conseil régional d’Île-de-France chargée de la culture, du patrimoine et de la création depuis 2019 sous la présidente de Valérie Pecresse et également 4ème vice-présidente de Val Parisis déléguée à la Santé et à la Solidarité.
La politique défendue dans le cadre de ses campagnes municipales et lors de ses premiers mandats montre un souhait de construire ressenti par les Tabernaciens.
Le climat politique de la ville de Taverny reste tendu avec une opposition forte et active qui scrute chaque décision de l’équipe en place, dont les programmes de construction de logement. La municipalité s’est ici appuyée sur la notion d’exemplarité du label BBCA pour augmenter l’acceptabilité social de cette construction.
Ville, promoteur et MOA : synergie autour d’une opération
Dans le cas d’un échec, cette opération pourra être utilisée par l’opposition lors de la prochaine campagne municipale. Et inversement, l’équipe actuelle pourra s’appuyer sur les résultats en cas de réussite. Les enjeux ne sont donc pas uniquement architecturaux et techniques mais également politiques.
L’ARCHITECTE : INTERMÉDIAIRE ENTRE LA VILLE ET LE PROMOTEUR
Les premières études de l’opération de Taverny sont lancées à l’été 2018.
Jusqu’alors, Atelier M3 ne faisait pas partie des équipes d’architectes travaillant avec le promoteur. En effet, il développe un principe constructif particulier autour du bois CLT qui l’oblige à limiter ses équipes de maîtrise d’oeuvre afin d’éviter un temps et une redondance de formation trop importants. Néanmoins, les associés d’Atelier M3 fondent une partie du développement de leur agence sur des relations de confiance dans le domaine de la construction et le paysage politique.
La ville de Taverny souhaite choisir un acteur de l’immobilier précurseur dans la démarche environnementale, afin d’être en mesure de tenir son objectif de construire une opération « exemplaire » et limitant les éventuelles controverses politiques de l’opposition.
Le système de développement mis en place dans ce projet se rapproche du système de prospection des promoteurs immobiliers à quelques nuances près. Dans le cas classique de la prospection, les promoteurs mobilisent leurs équipes de développement pour faire de la prospection foncière. L’objectif est d’identifier des terrains potentiellement constructibles. Pour cela, la récolte d’informations passe par un relationnel avec les services urbanismes, les aménageurs et les élus des villes et Collectivités. Une fois identifié, le terrain fait l’objet d’une étude capacitaire pour déterminer des droits à construire possible sur l’emprise foncière.
Ce schéma classique fait ressortir le promoteur comme acteur à l’impulsion d’une opération immobilière, l’architecte comme acteur technique et la collectivité comme acteur de validation du projet.
Dans le cas de notre opération, au lancement de l’opération, le promoteur est une jeune société. Les équipes sont alors encore réduites et sa politique de développement est essentiellement axée sur la construction labélisée bas carbone. L’équipe au développement et à la prospection foncière n’est composée que d’une seule personne, la directrice du développement en charge de mailler l’ensemble du territoire de l’Île-de-France.
Pour cette opération, la phase de prospection foncière est réalisée par les associés d’Atelier M3.
La fluctuation des schémas de développement des opérations Immobilières trouvent néanmoins comme dénominateur commun le triptyque promoteur, architecte et collectivité territoriale.
L’opération de Taverny montre que les phases de prospections peuvent être réalisées par l’architecte ou le promoteur et que la collectivité conserve un rôle majeur avec sa compétence du droit à construire. Bien qu’apportant pleine satisfaction à la municipalité depuis sa livraison, cette opération doit rester une exception dans ses modalités de passation.
UNE MUNICIPALITÉ QUI S’APPUIE SUR L’EXPÉRIENCE DE NOUVEAUX PARTENAIRES
Le foncier de cette opération appartient à la ville qui avait comme souhait de construire une opération exemplaire.
Ce foncier étant considéré par la ville comme son dernier foncier à forte valeur ajoutée, elle souhaite y réaliser une opération jugée exemplaire. Cette exemplarité est souhaitée tant sur le plan de la mixité de la programmation que sur les qualités énergétiques et environnementale de la construction. Cette démarche de recherche de construction d’une opération différente dans
sa programmation et sa construction ferme indirectement la possibilité à d’autres opérateurs de la promotion, moins expérimenté dans ces domaines, de se positionner sur le foncier.
La logique de s’orienter vers une opération labélisée s’inscrit dans une dynamique de différenciation dans le but d’attirer une nouvelle population et de nouveaux services, toujours dans l’objectif affiché d’atteindre les 30 000 habitants à la fin du mandat actuel.
Cette prise de conscience de l’atout du volet environnemental et écologique comme indicateur d’attrait est traduit dans la structuration politique de la mairie. Lors du premier mandat de Florence Portelli de 2014 à 2020, son premier adjoint est celui en charge du développement économique, des finances et du commerce, alors que pour le deuxième mandat a été nommé l’élue en charge de la transition écologique comme première adjointe.
Cette opération-test a permis de valider la viabilité de construire une opération jugée exemplaire. Comme les labels peuvent valider les hypothèses des groupes de travail et peuvent précéder les règlementations, cette expérimentation de terrain définie des nouveaux référentiels pour la ville de Taverny et l’aménageur GPA.
Dans le cadre de la révision du PLU que le service urbanisme de la ville a engagé, les objectifs environnementaux de diminution de l’impact carbone des prochaines constructions sont issues de cette opération « pilote ».
LABEL BÂTIMENT BAS CARBONE (BBCA)
Le label BBCA est décerné depuis 2016 par l’un des organismes certifiés par l’association BBCA et sans durée de validité. Les objectifs de ce label sont :
- Réduire les GES sur le cycle de vie du bâtiment de l’extraction des matières premières à la destruction et au recyclage du bâtiment en fin de vie ;
- Stocker le carbone avec un objectif de neutralité carbone à travers les matériaux utilisés et une attention sur la non-artificialisation des sols ;
- L’innovation pour le climat avec l’économie circulaire, la modularité et l’évolutivité des espaces.
L’obtention du label BBCA s’appuie sur le calcul d’un score de performance BBCA établi à partir d’indicateurs suivant le schéma ci-dessous :
Ainsi, la meilleure solution pour obtenir un maximum de points pour des émissions évitées consiste à compacifier au maximumle plan. Chaque m3 économisé de matériaux biosourcé ou non sera un point supplémentaire acquis dans le calcul. Cette logique d’économie de matière est pleinement en adéquation avec la volonté des acteurs immobilier de limiter les coûts travaux.
La construction en structure bois permet également de diminuer de six à huit fois le flux de camions durant la phase de gros-oeuvre. La préfabrication en atelier permet de diviser par deux le temps de la phase gros-oeuvre sur le terrain. Le bois stocke du CO2 ce qui lui permet d’être le matériau de structure ayant la plus faible empreinte carbone. Et enfin il est entièrement et naturellement renouvelable. L’ensemble de ces arguments, résultants du label BBCA permet naturellement de limiter les craintes des riverains quant à la tenue des délais de chantier et sa propreté. En effet, lors des élections municipales de 2020, plusieurs élus l’ont été grâce à des programmes prônant le « Stop à la bétonisation de la ville » en Île-de-France suite à de nombreuses années d’urbanisation majoritairement en béton comme matériel principal.
Les enjeux de mixité sociale d’une opération peuvent avoir une vision négative d’une partie de la population qui peut percevoir l’arrivée de logements sociaux comme une éventuelle dégradation de la valeur de leur bien immobilier. Dans le cadre de l’opération de Taverny, le promoteur a ainsi organisé une réunion publique à laquelle Madame le Maire, le président de la société de promotion, des représentants d’Atelier M3 étaient présents acteurs.
La municipalité a manifesté rapidement une volonté forte de mixité programmatique et d’éléments de programme liés directement à la santé. La problématique de l’opérateur a donc été de conserver la rentabilité de l’opérationles architectes de l’intégrer au projet. L’équilibre financier a trouvé la programmation suivante :
- Une colocation solidaire de six chambres destinée à des personnes autistes non dépendantes au profit d’une vente au profit d’Homnia ; - Vingt logements locatifs avec un prêt aidé de l’État destinés à une vente en bloc au profit de CDC Habitat ; - Soixante logements dits « intermédiaires » avec un loyer plafonné inférieur au prix
du marché destinés à un vente en bloc au profit d’In’li (filiale d’Action Logement) ; - Trente-trois logements en accession ; - Un établissement recevant du public pour l’accueil de jour d’enfants autistes destiné à une vente au profit de l’association HAARP.
L’acceptabilité de l’opération réside aussi dans cette mixité programmatique, des espaces dédiés à la santé pour l’accueil de personnes atteintes d’autisme et dans l’intégration de logements intermédiaires. Après une phase de location, le locataire se voit proposée l’opportunité d’acquérir le logement dans lequel il réside à un prix d’achat gelé dès l’entrée dans le logement. L’acceptabilité sociale de ce type de programmation est particulièrement importante auprès des avoisinants.
Les programmations à destination de personnes atteinte de handicap ne reçoivent qu’une infime opposition de la population et des politiques. Une position inverse serait discriminatoire et répréhensible.
L’aspect social et santé de la programmation de l’opération ainsi que sa labélisation ont été des arguments de conviction de la population. Leur présentation en réunion publique a permis à la ville d’éteindre les prémisses d’un éventuel recours en justice à l’obtention du permis de construire.
LE LABEL BBCA DANS L’OPÉRATION
Dès son lancement, l’intégration du label est un élément majeur dans les échanges vec le promoteur. Bien qu’encore à ses débuts, il dispose de plusieurs éléments de cahier des charges dans l’objectif d’obtenir ce label BBCA. Ainsi, une note d’hypothèses de conception générale des logements qui est fournie en début d’opération. Celle-ci comprend notamment les points suivants :
- Principes à respecter en structure : définition des épaisseurs de bâtiment entre 13,5 mètres et 14,5 mètres avec une longueur entre 35 mètres et 45 mètres pour un noyau de circulations verticales. Ce principe structurel apporte un intérêt d’un point de vue de la santé en permettant de créer des logements dont la profondeur est limitée. Cette profondeur limitée est synonyme d’un apport en lumière naturel plus important et donc des pièces mieux éclairées naturellement. Cet indicateur limite les besoins d’éclairage, participe à la diminution de la consommation d’énergie et apporte
également un confort aux habitants.
- Le traitement acoustique : respect de la norme acoustique NRA, obligation de résultat sur le traitement des basses fréquences. Comme indiqué précédemment, le traitement acoustique est un élément important dans le sentiment de confort. Bien traité, il permet un isolement par rapport aux tiers, mais également une intimité au sein d’un même logement.- Hauteurs libres : 2,65 mètres en rez-de-chaussée et 2,50 mètres dans les étages. Ces hauteurs sont assez similaires aux standards pratiqués dans les opérations immobilières. La limitation de la matière pour obtenir le label BBCA n’y est pas favorable mais un pas d’étage à 2,65m également dans les étages permettrait d’augmenter le sentiment de bien-être et serait favorable à la santé.
- Les typologies en termes de surfaces habitables transmises sont assez semblables à celles pratiquées généralement. Lors des échanges de conception, l’importance à davantage été portée vers l’habitabilité des logements que leur surface. Un logement dont les pièces sont bien disposées et avec des volumétries simples permettra un meilleur aménagement de l’habitant qui s’y sentira bien.
Ces éléments sont transmis dès les premiers échanges de la phase conception dans l’objectif de concevoir des projets en structure bois massif CLT, efficaces, réalistes, dans un coût travaux maitrisé́ afin d’offrir des logements ergonomiques, confortables et de grande qualité́.
Ces éléments sont des orientations à suivre mais ne peuvent décharger la MOE de sa responsabilité́ de concevoir un projet en cohérence avec le coût travaux objectif. Les bâtiments doivent exprimer la construction bois et le lien entre la ville et la nature. Le cahier des charges demande également de prévoir une face de bois massif CLT structurel visible depuis le logement.
Compte tenu des éléments de programmation co-établis avec la mairie en début d’étude (mixité de programmation et présence d’équipements en rez-dechaussée) et des paramètres du cahier des charges, les premières études de faisabilité aboutissent à une volumétrie composée d’un socle destiné à accueillir les équipements et de trois unités résidentielles comme illustré ci-dessous dans le schéma d’intention initial. Dès lors, les échanges avec les services techniques de
Woodeum ont réorienté la volumétrie vers l’axe majeur de leur démarche générale : l’obtention du label BBCA et donc une utilisation de matière limitée.
La volumétrie du bâtiment est retravaillée suivant les orientations du label et du promoteur pour augmenter sa compacité. La longueur du bâtiment est diminuée de 12m et les interstices entre les unités résidentielles sont comblées par du volume bâti.
Cette compacité de la volumétrie a eu un impact sur les surfaces moyennes des appartements et plus particulièrement des appartements moyens et grands. Cela s’explique par une facilité à comprimer les surfaces de circulation des appartements T4 & T5. De plus, les surfaces de salon/cuisine ne pouvant pas être trop réduites, les chambres des grands appartements sont réduites pour gagner en compacité. Ainsi, les surfaces moyennes de l’opération sont plus grandes pour les petits logements (T1 et T2).
L’objectif de diminution de l’empreinte carbone des constructions et l’obtention du label BBCA s’inscrit dans la tendance d’une diminution de la taille des logements, qui peut avoir un impact direct sur la qualité de l’habitat. Par conséquent, l’impact sur la santé à court terme n’est pas positif, mais il l’est potentiellement à moyen et long terme à travers l’objectif de lutte contre le changement climatique qui impacte directement la santé environnementale et donc l’état de santé des populations.
UNE OPÉRATION AU SERVICE DE LA SANTÉ
L’objectif de labélisation BBCA de l’opération, dans l’objectif de diminuer son impact carbone au donc eu des impacts sur son acceptabilité et sa volumétrie mais également sur la qualité de l’habitat qu’elle propose.
L’objectif de diminution de la quantité de matière a nécessité une volumétrie compacte. Cette compacité et l’implantation du bâtiment a permis de libérer un espace de 600 m2 à l’avant de l’opération. Le choix a été fait par l’opérateur d’offrir à la résidence un espace paysagé au sein même de résidence.
Les habitants bénéficient d’espaces verts avec des parcours et des espaces de repos favorables aux rencontres et au lien. De plus, l’ensemble des logements dispose d’un prolongement extérieur (terrasses, balcons ou loggias) dont les dimensions permettent d’installer table et sièges. Ces espaces extérieurs jouent également le rôle de brise soleil en été afin de limiter la surchauffe estivale mais laissant passer le soleil bas en hiver.
Cette compacité de la volumétrie a également eu un impact sur les surfaces moyennes des logements. Un aménagement rationnel de ces logements et une profondeur de bâtiment limitée ont permis de favoriser des pièces à la géométrie simple et à l’éclairage naturel généreux. Ainsi, les habitants pourront profiter de logement largement éclairés et facilement aménageable.
L’attention particulière apportée au traitement acoustique sur l’opération est également un indicateur de confort pour les occupants. Leur intimité est ainsi préservée, tant vis-à-vis de leurs voisins qu’au sein d’un même logement.
De plus, l’autre élément primordial dans la conception est la présence d’un mur en bois visible dans les appartements à partir du T3. Dans un premier temps, ce principe a été entièrement intégré à la conception. Cela entraine une construction avec l’intégralité des murs structurels en bois massif CLT.
En effet, le promoteur a fait réaliser une étude bibliographique rédigée par le Docteur Florence Aviat (docteur en biologie) synthétisant 71 articles publiés dans des revues scientifiques sur le bénéfice apporté par la visibilité du bois dans un espace. Les bienfaits du bois visibles recensés sont notamment :
- Réduction de la fréquence cardiaque de 2h/jour, soit 8 600 battements de coeur pour les personnes travaillant dans une pièce avec bois apparent ;
- Dormir dans une pièce avec 45% à 90% de bois apparent améliore la qualité du sommeil de 15 à 30%. Gain de 14 minutes en temps de sommeil profond sur une durée moyenne estimée entre 50 et 100 minutes ;
- Diminution de la pression artérielle d’environ 5% ;
- Sensation de bien-être et émotion positive : La vue des essences de bois clair comme l’épicéa auraient un effet positif marqué sur le bien-être des personnes.
Le label BBCA, par sa contrainte de diminuer l’empreinte carbone implique une construction en matériaux biosourcés. Aujourd’hui, le matériau biosourcé le plus utilisé et le plus connu des entreprises en France est le bois.
Cette augmentation de l’utilisation du bois dans la construction ainsi que l’ensemble des indicateurs mise en place dans le cadre de l’objectif de diminution de l’empreinte carbone peuvent donc avoir un effet bénéfique sur la santé des résidents.
CONCLUSION
En quoi, dans un contexte de lutte contre le changement climatique, les certifications et labels qui se développent dans le secteur de la construction sont reliés aux enjeux de la santé ?
La première hypothèse testée dans le cadre de ce mémoire trouve une réponse positive : le label BBCA puis la certification E+C- ont permis de préfigurer l’actuelle réglementation environnementale RE2020. Cependant, Taverny ne traite que de la labélisation BBCA.
A partir de cette étude, il n’est pas possible affirmer que tous les labels et certifications permettent d’élaborer les futures réglementations. Ces procédures de labélisations et certifications sont également des outils expérimentaux dont la liberté et la diversité de domaines permettent l’anticipation des mutations d’usages. La liberté et la place de l’innovation sont également des éléments qui apparaissent nouvellement dans la révision du CCH.
Cette apparition traduit une volonté de l’État de mobiliser les moyens et les connaissances des professionnels. Elle permet également d’offrir la possibilité d’adapter la réglementation suivant les cas, sous réserve de résultats équivalents. Ainsi, des domaines tels que la santé, récemment mis en avant par la crise sanitaire traversée depuis 2020, sont remis en avant.
Le changement climatique a eu et aura des impacts sur la santé. La santé a donc été présente des réglementations, certifications et labélisation indirectement à travers ce défi environnemental. La seconde hypothèse trouve elle-aussi une réponse positive : à travers le défi de l’adaptation contre le changement climatique, les labels et certifications du domaine de la construction sont des outils d’améliorations de la qualité de l’habitat et de la santé.
Cette notion de santé dans l’habitat, présente au début des réglementations à travers la salubrité revient comme l’un des prochains éléments centraux de la future réglementation.