

Je tiens en premier lieu à remercier Mme. Laurence Bassières et Mme. Élise Koering qui ont su me guider tout au long de ma recherche pour ce travail de mémoire, ainsi que toute l’équipe pédagogique du séminaire « Inventer dans l’existant : héritage mutation » de l’école d’Architecture de Paris La Villette.
Il me faut également remercier toutes les personnes qui, avec une grande réactivité, ont répondu à mes interrogations : Mme. Isabelle Duhau, Mme. Sandrine Platerier, Mme. Agnès Chauvin et M. Timothy Hannem, et l’ensemble des personnes qui m’ont accueilli dans les centres d’archives et les communes sans qui l’accès à de nombreux documents n’aurait pas été possible.
Enfin je remercie très chaleureusement ma sœur Marion Duvernoy pour m’avoir aidé à la relecture de ce travail.
1ere PARTIE Du XIXe siècle aux années 1940, La naissance des plages fluviales dans les départements de la Seine et leur apogée………………………………………………………………..p.20
A. La naissance d’une pratique liée à l’évolution de la baignade et à un changement social……………………………………………….p.22
B. Mode éphémère et fonctionnement des plages fluviales 1920 1940 ………………………………………………………………….p.32
2ème PARTIE De l’après Seconde Guerre mondiale aux années 1980, le déclin et la fin des plages fluviales de la Seine et ses affluents, la Marne et l’Oise …..…………………………………...p.42
A. Une eau polluée qui remet en cause les plages fluviales …………………………………………………………….…………..p.4
B. Les plages fluviales délaissées par les avancées des années 1960 ………………………………………………………………………...p.5
Plage, n.f. Endroit plat et bas d’un rivage où les vagues déferlent. Cet endroit où l’on peut se baigner. LE ROBERT, 2020
Lorsque l’on se promène en amont et en aval des rivages fluviaux de l’Ile de France aujourd’hui, on peut, par hasard, apercevoir les restes d’anciens édifices au bord de la Seine sur l’Île du Platais dans les Yvelines (78) par exemple, ou à Maisons Alfort dans le Val de Marne (94) en longeant la rivière, en contrebas de l’avenue Foch. Ces lieux sont parmi les dernières ruines, encore visibles, de bâtiments qui témoignent d’une pratique plus ou moins encore conservée dans la commune de l’Isle Adam au nord du Val d’Oise (95) : la baignade fluviale. Dans le passé, cet usage, était présent dans de nombreux lieux semblables aux édifices mentionnés précédemment comme la plage de Villennes (78), la plage de Maisons Alfort (94), et la plage de l’Isle Adam (95). Ce mémoire ne porte pas sur ces trois plages mais analyse la naissance, l’apogée, le déclin, la disparition, les changements et les devenirs des plages fluviales construites au siècle dernier pendant l’Entre deux guerres. Les rivages de la Seine, de la Marne et de l’Oise, des trois anciens départements de la Seine, Seine, Seine Marne et Seine et Oise, qui composaient l’Ile de France avant 19681, ont vu naître à partir des années 1920 et jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses plages fluviales. Ces équipements, de propriétaires privés ou publics, ont en commun deux caractéristiques principales : une zone de baignade permettant la natation placée au bord ou directement dans un cours d’eau naturel, délimitée par des pontons
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Le découpage actuel que nous connaissons de la région Ile de France avec ses 8 départements : le Val d’Oise (95), les Yvelines (78), l’Essonne (91), la Seine et Marne (77), la Seine Saint Denis (93), les Hauts de Seine (92) le Val de Marne (94) et enfin Paris (75), a été mis en vigueur en 1968 sous le gouvernement de George Pompidou à la suite de du vote de la lois du 10 juillet 1964, permettant la publication d’un décret d’application en 1965 qui réorganise et augmente à 8 le nombre de départements qui depuis la révolution Française était de 3.
en bois ou en maçonnerie, et quelques cabines qui sont disposées autour du bassin. Ces caractéristiques sont les éléments principaux qui composent la typologie de toutes les plages que nous allons étudier dans cette recherche. Nous verrons que ce type de structure peut se limiter aux cabines et aux bassins, mais peut aussi évoluer jusqu’à devenir de très grands complexes de villégiature. Ces plages fluviales, qui ont connu tant de succès durant l’Entre deux guerres, ont dans leur grande majorité été laissées à l’abandon ou détruites après la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1980. Pour ne pas être détruites, certaines plages ont vu leurs fonctions changer et seuls deux rares exemples de tentatives de préservation ont eu lieux.
L’objectif de cette recherche est de comprendre pourquoi un tel phénomène d’abandon et de destruction a été aussi récurrent sur ces bâtiments. Aujourd’hui, bien que ces lieux aient été étudiés pour l’engouement qu’ils ont suscité et la mode hygiéniste à laquelle ils sont liés, il n’existe pas d’étude faisant l’inventaire des plages disparues en Ile de France et des causes de leur abandon/destruction. Par ailleurs, la dénomination même de ces lieux reste floue. Les appellations les plus courantes sont « baignades », « piscines en plein air ou en eaux naturelles ». « Plage » reste le nom le plus utilisé et sera la dénomination la plus commune dans cette étude.
Comment le déclin de la fréquentation de ces plages s’est il produit ? Combien de temps cette fréquentation a t elle durée ? Pourquoi et comment certaines plages ont « survécu » et même ont été protégées, alors que d’autres ne sont plus que des bâtiments démolis ou en déshérence au bord de l’eau ? Analyser ce phénomène peut aussi permettre de comprendre les processus de patrimonialisation qui ont permis la protection ou non de certaines d’entre elles.
Leurs typologies architecturales issues d’une fonction aujourd’hui désuète et non conforme aux normes actuelles semblent difficilement réhabilitables si la fonction est conservée : seule une plage est encore plus ou moins une plage. Le devenir de ces bâtiments, parfois symboliques d’une période et de l’architecture dite « paquebot » des années 1930, reste incertain même après leur protection.
Les bornes temporelles de ce mémoire s’étendent de l’Entre deux guerres, période de création de ces plages, aux années 2000, période de leur patrimonialisation.
Le mémoire étudie principalement trois champs différents : la compréhension et l’histoire des plages, leur déclin et disparition et enfin, leur éventuel processus de patrimonialisation. Il existe peu de travaux scientifiques sur l’étude de la disparition des plages. Néanmoins, un mémoire2 rédigé par Fabrice Holsteign en 2004 étudie l’histoire des lieux de baignade de la Marne qui ont été désaffectés dans les années 1970 pour cause de pollution. Malheureusement ce document n’a pas pu être consulté. Marine Legendre, en 2020, rédige également un mémoire3 sur ses expériences d’exploration urbaine et décrit brièvement l’histoire de la plage de Villennes. Le travail scientifique le plus proche du sujet qui fait lien entre les équipements de natation, dont font partie les plages et leur patrimonialisation, est un mémoire rédigé en 2017 par Laurence Shlosser4. L’étude analyse l’impact et le potentiel succès des politiques contemporaines de protection sur les piscines couvertes dans le nord de la France. Récemment en 2020, Béatrice Cabedoce a réalisé une étude retraçant l’histoire de la baignade dans l’Oise.5
Le sujet nécessite la compréhension de ce qu’est une plage d’un point de vue typologique. Pour cela deux ouvrages décrivent l’évolution des paysages apportée par ces installations ou ces édifices. Thomas Deschamp, dans son livre Plages en ville, baignades en Marne6 , nous fait découvrir certains de ces lieux, aux bords de la Marne, qui furent une destination populaire pour pratiquer la baignade. De même, pour les baignades dans le département de l’Essonne, plusieurs plages sont citées dans un cahier intitulé Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons... Baignades et bassins en
2 HOLSTEIGN Fabrice, La Marne, mythe d’un paradis perdu, mémoire de L’École Nationale d’Architecture de Versailles, 2004.
3 Marine LEGENDRE, Obsolescence vivifiante, immersion dans des écosystèmes, mémoire de l’École spécial d’Architecture, 2020
4 Laurence SCHLOSSER, Le label « Architecture remarquable » appliqué au patrimoine des piscines des Hauts de France, mémoire sous la direction de Stéphanie CELLE, école du Louvre, 2017
5 Béatrice CABEDOCE pour Le Conseil départemental soutient la culture en Val d’Oise,
Plage et baignade des bords de l’Oise », Val d’Oise Océan, 2020,
Thomas DESCHAMPS, Plages en ville, baignades en Marne, Paris , Johanet, 2004
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Essonne7. Cet ouvrage relève également plusieurs bâtiments consacrés à la baignade dans la Seine ou dans la rivière de l’Essonne. Isabelle Duhau réalise un cahier de l’inventaire, Nogent et le Perreux l’Eldorado en bord de Marne, en 20058 qui montre les activités fluviales du XXe siècle au bord de la Marne, autour desquelles se développe une villégiature parisienne. Jouama Timery étudie l’histoire l’Élisabethville, une commune créée de toutes pièces pour ce genre de villégiature.9 En 2007, l’historienne de l’architecture Isabelle Duhau, publiait une recherche10 retraçant l’évolution des baignades en Ile de France d’un point de vue typologique. Hélène Caroux a publié récemment un ouvrage11 qui étudie l’évolution « chrono typologique » des bâtiments sportifs en Seine Saint Denis, notamment l’évolution des typologies de piscines municipales qui remplacent peu à peu les plages fluviales.
L’architecture balnéaire est à mettre en perspective pour comprendre l’histoire des plages fluviales. Alain Corbin12 nous décrit le début des fréquentations des bains de mer et des stations balnéaires à la fin du XIXe siècle et durant le XXe siècle et la naissance de ce qu’il appelle la société du loisir. Bernard Toulier décrit le fonctionnement de ces villes d’eaux, les stations thermale et balnéaire13, et participe notamment à la description de deux d’entre elles particulièrement liées à la villégiature parisienne dans l’ouvrage Trouville Deauville, société et architecture balnéaires14 .
La fin de la Première Guerre mondiale et l’avènement des congés payés ont participé au développement d’un climat de loisir où l’hygiène et le sport étaient au centre des préoccupations sociales. Dans ce contexte, apparaît un mouvement social hygiéniste lié à une politique de construction d’équipements sportifs. Isabelle Duhaut
Maison de Banlieue et de l’Architecture. « Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons... Baignades et bassins en Essonne ». Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture 2010
Isabelle DUHAU, Nogent et le Perreux, l’Eldorado en bord de Marne, Paris, image du patrimoine 237, Inventaire général du patrimoine, 2005
Jouama TIMERY, Elisabethville la plage de Paris sur Seine AUBERGENVILLE, image du patrimoine 289, Paris, Ile de France, l’inventaire général, 2014
Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivières d’Ile de France...», Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p. 8 38..
11 Hélène CARROUX, Sports et architecture en Seine Saint Denis, Les équipements sportifs de la banlieue du Nord Est parisien (XIXe XXIe siècle), Paris, Dominique Carré, 2017
Alain Corbin, L’avènement des loisirs : 1850 1960, Paris, Aubier, 1995 p.81
Bernard TOULIER, Villes d’eaux, Stations thermale et balnéaire, Paris, Imprimerie nationale, 2002
14 Maurice CULOT et Claude MIGNOT, Trouville Deauville société et architecture balnéaires, Paris, Norma, 1992
étudie la tendance pour la propreté et la baignade qui se popularise avec la doctrine naturiste des docteurs Durville15 et le mouvement hygiéniste. La politique gouvernementale de l’époque en termes d’équipements sportifs est exposée dans le livre Architecture du sport
Val de marne Hauts de Seine d’Antoine Lebas16. Son auteur, Antoine Le Bas, nous démontre que la couronne parisienne entre 1840 et 1940 fonctionnait comme « un véritable laboratoire d’expérimentation de nouveaux types » pour citer les mots de sa quatrième de couverture. L’après Seconde Guerre mondiale est marquée par des évolutions typologiques architecturales et sociétales. Thierry Mandoul dans l’ouvrage Sports : Portrait d’une métropole17, décrit les raisons des constructions en masse d’équipements sportifs, leurs localisations et leurs évolutions typologiques au milieu du XXe siècle en Ile de France particulièrement. Michel François analyse l’histoire et l’architecture de la Grande Motte dans ses écrits 18 qui montre une évolution dans la pratique de la villégiature balnéaire. 19 Mathieu Flonneau en 2005, signifie une évolution technologique notable qui connait une forte croissance au milieu du XXe siècle : l’automobile.
La recherche porte également sur les éventuelles protections de ces édifices. Récemment deux plages ont été inscrites au titre des Monuments Historiques : la plage de Villennes et celle du Lys. Elles n’ont pas été étudiées depuis leur patrimonialisation mais ont été étudiées typologiquement et historiquement par Isabelle Duhau. De même le processus de patrimonialisation et l’inscription aux Monuments Historiques de ces dernières n’ont jamais été explorés. Bernard Toulier, en 1993, signale dans une de ses publications20un problème d’absence d’intérêt pour l’architecture balnéaire. Cependant pour comprendre les politiques de patrimonialisation de manière plus générale, Françoise Choay apporte des réponses sur
15 Isabelle DUHAU, « À Physiopolis, la cité de nature de Villennes sur Seine (Yvelines). La doctrine naturiste des docteurs Durville », Actes du Xe colloque d’histoire régionale de la fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Ile de France, tome 56, 2003
Antoine LE BAS, Architectures du sport : 1870 1940 : Val de Marne, Hauts de Seine, Paris Connivences, 1991
Thierry MANDOUL, Sports, Portrait d’une métropole, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2015
Michèle FRANÇOIS, « Jean Balladur et la Grande Motte L’architecte d’une ville », Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles (drac) du Languedoc Roussillon Conservation régionale des monuments historiques (crmh) 2010
Mathieu FLONNEAU, « Rouler dans la ville, automobilisme et démocratisation de la cité : surprenants équilibres parisiens pendant les « Trente Glorieuses », Articulo, 2009
Toulier Bernard « L'architecture des bains de mer : un patrimoine marginalisé », Revue de l'Art, 1993, n°101
l’impact grandissant de la patrimonialisation qui s’adresse à un public de plus en plus étendu21 et le tournant d’une politique qui fait naître un intérêt pour l’architecture dite « mineure ». Arlette Auduc22, pour la revue du patrimoine In Situ, s’intéresse au début de l’intérêt du patrimoine rural et industriel, et la différence qu’il possède avec le patrimoine monumental. Ces deux derniers articles montrent un changement de vision dans la qualification de ce qu’est le patrimoine aujourd’hui. Enfin, Xavier Laurent23 apporte des réponses à la manière dont les monuments historiques et leur patrimonialisation sont devenus des enjeux politiques depuis le XXe siècle et comment lier le patrimoine avec la modernité grandissante de l’Architecture.
Deux ouvrages décrivent les évolutions dans les relations et les activités qu’entretient l’être humain avec les cours d’eau naturels et la place qu’occupent les plages fluviales dans ces pratiques. L’histoire des plages est liée à l’histoire de la baignade, qui est retracée et décrite dans le livre de Paul Negrier24, dont les bornes chronologiques débutent dans l’Antiquité pour s’étendre jusqu’à son époque : les années 1920. Alain Corbin dans son livre Le territoire du vide, l’Occident et le désir de rivage25 montre la relation étroite qu’entretient l’homme avec la mer et les océans.
Cette recherche, s’inscrivant dans des bornes chronologiques et spatiales assez étendues, commence par l’élaboration d’un corpus de bâtiments. Celui ci vise à réaliser, en essayant d’être exhaustif, un corpus des plages fluviales dans la Seine et ses rivières, la Marne et l’Oise, en Ile de France. Dix huit plages ont été relevées dans six départements différents : le Val d’Oise (95), les Yvelines (76), l’Essonne (91), la Seine et Marne (77), le Val de Marne (94) et la Seine Saint Denis (93). Ces lieux ont été trouvés grâce à l’analyse de vues satellites, d’éléments bibliographiques cités précédemment, et à partir de connaissances personnelles de lieux d’exploration urbaine. La quasi exhaustivité des plages du corpus a été déduite
Françoise CHOAY, L'Allégorie du patrimoine, Paris, Le Seuil, 1996
Arlette AUDUC, « Paysage, architecture rurale, territoire : de la prise de conscience patrimoniale à la protection », In situ, revue des patrimoines, 2006
Xavier LAURENT, Grandeur et misère du patrimoine d'André Malraux à Jacques Duhamel (1959 1973), Paris, mémoire et document, 2003
Paul NEGRIER, Histoire du bain à travers les âges, Orthez, Futur lux nocturne, ré édition 2008, [1925]
Alain CORBIN, le territoire du vide, l’Occident et le désir de rivage, 1750 1840, Paris, Champs histoire, 1988
d’après des entretiens avec Isabelle Duhau, spécialiste de la question des plages. Le corpus ne prend en compte que les plages fluviales « construites » et ayant un propriétaire officiel, qu’il soit public ou privé. « Construites » signifie la présence d’une zone de baignade délimitée et au moins quelques cabines. Les lieux de baignade sauvage clandestine dans les fleuves ne sont pas présents dans ce corpus.
Une carte (Fig.1) a été élaborée à partir de ces recherches, ainsi qu’un tableau chronologique, en annexe, renseignant les dates d’ouverture, d’abandon et de démolition. Le statut des propriétaires d’origine et actuels (public ou privé) lorsqu’ils sont connus. Il indique également leurs potentielles évolutions. Enfin le tableau indique la localisation des lieux par numéro de département, et par coordonnées ou adresse, lorsqu’elles ont été clairement identifiées.
Dans les annexes ont aussi été réalisées des fiches pour chaque plage du corpus. Celles ci permettent de voir des documents qui leur sont associés : des cartes postales à différentes périodes de leurs existences et quatre photographies (lorsque leurs localisations sont connues) aériennes montrant leurs stades d’évolution depuis le ciel. Les fiches sont classées par ordre croissant de départements. Les plages qui composent chaque département sont rangées par ordre alphabétique. Elles sont nommées par leur nom et indiquent les dates de la photographie la plus ancienne et la plus récente. Des frises chronologiques répertoriant les dates importantes ont aussi été réalisées.
La recherche de sources a nécessité des recherches dans des centres d’archives. Une des difficultés est liée à la nature des édifices qui sont aujourd’hui souvent des propriétés municipales, l’essentiel des documents d’archives relatifs à leur histoire se situent dans les archives communales et non départementales. Chaque département possédant plusieurs plages, chacune étant affiliée à une commune, les centres d’archives à consulter se trouvent grandement multipliés même si de nombreux centres ne disposent d’aucune source et certaines communes ne disposent pas de centre d’archives. Les centres d’archives correspondant à ces lieux et qui peuvent potentiellement contribuer à la recherche sont les archives municipales et départementales. Les archives municipales de Corbeil possèdent dans les fonds « M Édifices communaux ; monuments et établissement publics » 26 des registres de délibération municipaux annuels portant sur la plage de Corbeil. Ces documents importants permettent un suivi quasi intégral du cycle de vie d’un lieu à travers les décisions prises lors des conseils municipaux au sujet des bâtiments de leur ville. Les archives municipales possèdent également des plans et des boites documentaires et des cartes postales anciennes. Les archives municipales de Maisons Alfort possèdent également des registres de délibération à partir de 1945, des photographies ou cartes postales et des plans dans les cartons
26 Archive communale de Corbeil Essonne, MI 197 « Cahier des charges pour la concession de l’exploitation pendant les trois années de 1925 à 1927 de la Baignade publique », Archive communale de Corbeil Essonne, BIB 2 2 24 « Pont, quais, port, digue, baignade, avoirs», ensemble de carte postales
96W12 13 et 107W927. Il n’y a pas de nom de fonds à proprement parlé, il s'agit dans les deux cas de versements du service Financier. Les archives municipales de Champigny et de Draveil d’Athis mons bien que non consultées, car n’ayant pas de document d’archives permettant l’avancée de la recherche, ont partagé des photographies disponibles dans leurs fonds de cartes postales respectifs. Les communes d’Esbly, de Médan, d’Elisabethville, de Viry Chatillon, de Gournay sur Marne ne semblent pas disposer de centre d’archives.
Les archives départementales de la Seine et Marne possèdent beaucoup de documents au sujet de la plage de Meaux Trilport, dans les fonds « Etablissements dangereux et insalubres (installations classées, SEVESO). Services de la préfecture » 28 et « Reconstruction, dommages de guerre. Services de l'Etat » 29. On peut y trouver des documents relatifs aux constructions et au caractère insalubre de la plage de Meaux. Les archives départementales du Val d’Oise n’ont pas à leur disposition d’autres documents que des cartes postales, et n’ont donc pas été consultées.
Les archives départementales des Yvelines ne conservent pas de fonds spécifiques sur la plage de la Villennes sur l’île de Médan ni sur la plage d’Élisabethville à Aubergenville. Les archives du Val de Marne et d’Essonne n’ont pas pu être consultées.
La Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine constitue un lieu de conservation de sources important. Les documents relatifs au processus d’inscription de la Plage de Villennes et la Plage du Lys sont consultables dans le fonds de « documentation immeuble département de l’Oise » 30 et dans le fonds « documentation
27 Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 96W12 13, 1976 1980 « Bord de Marne, aménagement de l’ancienne plage » Projet de construction d’un bassin d’eau filtrée, ensemble de plan G. Manuel, juillet 1955. Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 107W9, Construction d’une piscine sur la marne », 1952 1962 28 Archive départementale de Seine et Marne « Reconstruction, dommages de guerre. Services de l'Etat », QU414SP : Saint Mammès (plage et installations), demande de réparation à la prefecture pour dommages de guerres.
29 Archive départementale de Seine et Marne, « Établissements dangereux et insalubres (installations classées, SEVESO). Services de la préfecture », PF91/7 M. Martin, restaurateur "Plage de Meaux". Dépôt de gaz propane Archive départementale de Seine et Marne « Reconstruction, dommages de guerre. Services de l'Etat », SC11074 QU7356DS : la plage de Meaux (Trilport , bain et sport nautique, demande de réparation à la prefecture pour dommages de guerres
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087
« Piscine fluviale dites « Plage du Lys » », historique et
immeuble département des Yvelines » 31 et comprennent un historique ainsi que des photographies des plages et les retranscriptions des conversations entre les acteurs chargés de valider ou non les inscriptions aux Monuments Historiques.
De nombreuses cartes postales anciennes ont également pu être consultées sur le site « Delcampe » qui est un site d’échange et de vente de documents anciens32. Des photographies actuelles ou anciennes, personnelles ou trouvées sur des sites internet d’exploration urbaine33 seront utilisées dans cette recherche afin de dater les éventuelles évolutions des plages et en temps qu’illustrations
Une autre source photographique importante est constituée des clichés issus des campagnes de photographies aériennes depuis les années 1930, disponibles sur le site de l’Institut national de l’information géographique et forestière, IGN34. Ces supports permettent la comparaison de l’évolution dans le temps des baignades fluviales, leur découverte et leur géolocalisation, celles ci n’étant très souvent pas inscrites sur les cartes.
La grande majorité des sources constituant cette recherche sont des imprimés à valeur de sources, disponibles sur gallica.fr. La presse généraliste locale a beaucoup publié sur les plages, et leurs inaugurations à la Seconde Guerre mondiale. On peut citer les journaux l’Exclesior, le Temps, le Parti Socialiste, le Comoedia ou encore la Revue municipale de Boran. Certains documentaires et interviews au sujet des plages ont été visionnés grâce à l’archivage de l’Institut National de l’Audiovisuel35 .
délibération, retranscription et délibération du jury, ensemble de plan et photographies.
31 Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral » historique et délibération, retranscription et délibération du jury, ensemble de plan et photographies.
www.delcampe.net
www.glauqueland.com, site de l’écrivain Thimoty Hannem, référence énormément de lieux abandonnés et utilise aussi la photographie satellite pour observer le stade d’évolution des bâtiments devenus obsolètes.
https://remonterletemps.ign.fr
35 Pascal CEAUX, « la piscine Deligny coulée », France 3, 08.07.1993. Extrait d’un reportage de l’actualité régionale de Ile de France archivé par l’INA. https://www.ina.fr/ina eclaire actu/video/pac9307090725/la piscine deligny coulee
Auteur inconnu, « Partir : Vacances 1945 », Journal Les Actualités Françaises, 10.08.1945 Extrait d’un reportage de l’actualité régionale de Ile de France archivé par l’INA. https://www.ina.fr/ina eclaire actu/video/afe86003204/partir vacances 1945
Les baignades les plus populaires dans les années 1930, ont souvent fait l’objet de campagnes de publicité dans la presse généraliste, pour attirer du public ou prévenir d’un évènement. Leurs inaugurations ont aussi été publiées et ont permis leur apparition, pour quelques unes, dans la presse architecturale, notamment dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui en 1935.
La presse généraliste communale et/ou départementale relaie parfois les démolitions ou le stade d’avancement de projets de construction de certaines plages.
Enfin des personnes spécialisées dans les plages ou ayant participé à leurs évolutions ont été contactées et ont répondu en apportant leur aide, comme Sandrine Platerier et Agnès Chauvin, toutes deux recenseuses aux Monuments Historiques, ou encore Isabelle Duhau, chercheuse en histoire de l’architecture, qui a publié de nombreux articles et livres portant sur les plages fluviales. Timothy Hannem auteur de l’ouvrage, 50 lieux secrets et abandonnés36 , a également été contacté, communiquant des informations des lieux abandonnés.
En articulant la lecture des différents éléments bibliographiques, souvent portés sur les contextes politiques de la création des plages ou de leur patrimonialisation, avec les sources photographiques et les documents d’archives communales propres à chacune des plages, il devient possible d’analyser et de comprendre leur obsolescence ou leur démolition actuelle. Ce mémoire sera élaboré en quatre parties. Une première partie visant à déterminer et comprendre la naissance de ces plages, leurs répartitions géographiques sur le territoire régional et la mode éphémère dont elles faisaient l’objet. La deuxième partie permettra d’analyser le déclin des plages, en énumérant les causes principales de leurs disparitions. Une troisième partie, permettra d’interroger le devenir des plages, leurs potentielles évolutions et leurs situations actuelles. Enfin dans une dernière partie nous tenterons de découvrir le début de l’intérêt porté à ces lieux, et les raisons de la patrimonialisation des deux « exceptions » que sont la Plage de Villennes et la Plage du Lys, inscrites toutes les deux aux Monuments Historiques dans les années 2010.
36 Timothy HANNEM auteur de l’ouvrage, 50 lieux secrets et abandonnés en France, Arthaud, 2016
La naissance des plages fluviales dans les départements de la Seine et leur apogée.
Ce premier chapitre est dédié à une analyse historique des débuts des plages fluviales et leur apogée. Dans un premier temps, nous verrons qu’elles sont issues d’une évolution de la pratique du bain, et d’une activité très ancienne : la baignade sauvage. Le lien entre le développement des plages fluviales et de leur pendant balnéaire, les bains mer, sera ensuite analysé. Leur répartition géographique sera également décrite dans cette partie. Dans un second temps, nous analyserons le fonctionnement des plages, leurs différents statuts, et les processus qui ont été mis en œuvre pour les faire devenir le symbole d’une tendance éphémère du début du XXe siècle.
Les relations qu’entretient l’Homme avec l’eau dans sa pratique de la baignade ont subi de nombreuses évolutions à travers le temps et n’ont pas toujours été positives. L’Antiquité fut la période de l’apogée de cette pratique. Dans le monde antique on observe la construction de thermes et de bains, des bâtiments entièrement dédiés à l’hygiène et à la relaxation physique et psychique par l’eau. Ces centres étaient au cœur des mœurs et des rencontres des habitants. Dans les villes antiques, les bains étaient quasi journaliers. Au Moyen âge, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la pratique de la baignade n’a pas disparu. Cependant, elle n’a pas évolué non plus. Les étuves mixtes, moins élaborées que les thermes antiques, sont alors apparues. Elles étaient des lieux de plaisir où l’on pouvait se baigner nu. La baignoire privée était aussi présente dans les foyers des classes sociales élevées, pour un usage plus privé du bain. La Renaissance est la période du déclin du bain et Paul Négrier37 explique ce phénomène par trois raisons majeures. D’abord les lieux de baignades dont ont hérité les hommes de la Renaissance, les étuves moyenâgeuses, étaient devenus des lieux de débauches où se transmettaient de nombreuses maladies. Dès lors, la religion interdit ces lieux pour des raisons morales : l’eau est sacrée et sert pour le baptême, on ne peut en faire un usage lorsqu’elle est souillée. Enfin, l’hygiène de la Renaissance ne passait plus par l’utilisation de l’eau mais par diverses pommades, parfums, crèmes et pâtes appliqués directement sur la peau. On comprend donc, en observant l’histoire du bain, que la tendance de cet usage fonctionne par cycles.
La baignade sauvage dans les affluents de la Seine est une pratique très ancienne qui date d’au moins quatre siècles d’après Isabelle Duhau:
« A partir du XVIIe siècle, les Parisiens sont nombreux à se baigner dans la Seine […] mêlant un souci d’hygiène au plaisir rafraîchissant de l’eau, aux beaux jours. » 38
Pourtant le rapport avec les courants d’eau naturels est très détérioré au XVIIe siècle d’après Alain Corbin. Selon lui l’eau, en particulier la mer et l’océan, est vu comme un élément maléfique et incontrôlable jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Cela est dû à la religion et notamment aux écrits bibliques qui associent la mer et les océans aux déluges produits par Dieu pour punir les Hommes et permettant à Noé de sauver une partie de la vie sur son Arche. Alain Corbin décrit la vision de cet élément par les Hommes du XVIIIe siècle ainsi : « Puisque la Création s'est opérée en fonction de l'homme qui en constitue, tout à la fois, le but et le centre, ce vestige privé de forme lui demeure étranger. […] les espèces marines, englouties dans l'ombre mystérieuse de l'abîme, ne peuvent être désignées par l'homme et, par conséquent, elles échappent à sa domination. 39 »
À partir de 1750, le rivage a une tout autre réputation et devient un lieu curatif. Hugues Maret, docteur et savant de l’époque, explique dans l’Encyclopédie que le choc entre l’eau froide et la chaleur du corps aurait des bienfaits sur ce dernier. Le bain froid est alors né. À la fin du XVIIIe siècle se développe un « tourisme » aristocratique autour de cette cure par l’eau froide. D’abord en Angleterre à Bath, une ville proche de Bristol qui, d’après Alain Corbin, est la première station thermale40. En France, on voit différentes villes s’organisées autour de cette activité, les « bains mer ». En 1822, « le Compte Branca sous préfet de Dieppe, fonde un premier établissement de bain » 41, puis vient et Biarritz, les Sable d’Olonne. Ces villes d’eau rassemblent pendant les saisons hivernales de nombreux individus appartenant à une classe noble : « Que l’on s’ennuie ou que l’on se divertisse, que l’on soit malade ou bien portant, la cure thermale est la continuation obligée des élégances de l’hiver » 42 .
Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivières d’Ile de France... », Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p. 2
CORBIN, le territoire du vide : l’Occident et le désir du rivage 1750 1840, Paris, Flammarion, 1988, p.12
CORBIN, op. cit, 1988 p.83
Alain CORBIN, op. cit, 1988 p.84
Alain Corbin, L’avènement des loisirs : 1850 1960, Paris, Aubier, 1995 p.81
Le séjour d’abord médicinal devient peu à peu « une cure de plaisir pour la villégiature » 43 et Arcachon installe un casino en 1863 conçu par l’architecte Paul Regnault près de ses bains mer pour tuberculeux.
Si l’eau de mer est appréciée par l’aristocratie, les gens qui ne peuvent pas se déplacer continuent de se baigner de manière sauvage dans la Seine et ses affluents malgré les critiques apportées par la presse au sujet de la qualité de l’eau. Émile Gautier, journaliste pour Le Figaro, écrit en 1886 : « Pouah ! C'est une macération de choses mortes que cette rivière immonde où s'abreuve inconsciemment la race la plus raffinée de l’univers »44 .
D’après Bernard Toulier, le progrès du chemin de fer et de la navigation à vapeur, ont fortement participé au développement des stations balnéaires durant la seconde moitié du XIXe siècle45. Et d’après l’exposition « Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons… », il en est de même pour les rivages des affluents de la Seine : « Le développement des chemins de fer va rendre les cours d’eau de la banlieue actuelle attractifs pour les Parisiens en mal de verdure […]46 » Peu à peu les baignades en mer s’équipent de petites cabines en toile puis en dur, permettant de s’abriter des regards47 . Dans les départements de la Seine où les baignades sauvages sont réglementées par décret préfectoral, comme dans la Marne pour décence48en 1888, des cabines s’installent aux bords de certains lieux de baignade sauvage. On nage dans les rivières comme on se baigne dans la mer, et deux types de villégiatures se distinguent : celle d’une classe aisée qui se déroule sur les rivages marins, et celle d’une classe plus moyenne qui a lieu aux bords du fleuve. (Fig.2)
43Alain Corbin, op. cit, p.83
44 Emile GAUTIER, « La question de l’eau », Le Figaro, juin 1886, p.1
45 Toulier Bernard « L'architecture des bains de mer : un patrimoine marginalisé », Revue de l'Art, 1993, n°101. p.34
46 Maison de Banlieue et de l’Architecture. « Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons... Baignades et bassins en Essonne ». Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture,2010 p.3
47 Toulier Bernard « L'architecture des bains de mer : un patrimoine marginalisé », Revue de l'Art, 1993, n°101. p.34
48 Isabelle DUHAU, Nogent et le Perreux, l’Eldorado en bord de Marne, Paris, Inventaire général du patrimoine, 2004 p.72
Les plages du corpus sont parfois la continuité de lieux de baignade sauvage. C’est par exemple le cas de la Plage de l’Isle Adam, seul bâtiment ayant gardé sa fonction de plage fluviale aujourd’hui. Cette plage est souvent considérée comme la première plage fluviale puisque ses premières cabines et le ponton en bois qui délimitait une zone de baignade ont été placés en 1850. L’histoire de cette plage est décrite sur le site de la ville de L’Isle Adam.49 On y apprend que ces premiers équipements ont été installés au bord de l’Oise par Monsieur Alfred Ducamp, « propriétaire du château de l’Isle Adam, situé sur l'île du Prieuré ». Cette installation devait permettre aux enfants d’apprendre à nager dans la rivière. Le site cite une description donnée par le maire de la ville en 1906 au sujet des lieux : (Fig.3)
« La Baignade de L'Isle Adam peut être considérée comme une véritable petite plage balnéaire d'eau douce ; elle est située dans un bras de rivière interdit à la navigation où on n'est jamais gêné par la circulation de la batellerie. Le fond de la rivière est composé de sable fin, très doux aux pieds... »50
Mais sa réputation de véritable plage fluviale nait plus tard, en 1920, à la suite des opérations dirigeaient par Henri Supplice, propriétaire privé, avec l’aide d’Eugène du Pinet, nommé architecte de la ville en 1910. (Fig.4)
« À partir de 1920, toujours sous la direction de son architecte Eugène du Pinet, Henri Supplice fait construire un véritable ensemble balnéaire sur 3,5 hectares, dont un hectare de sable fin, avec une cinquantaine de cabines, un grand toboggan, des plongeoirs, un bar terrasse "le Normandy", des jardins fleuris ainsi qu'un kiosque à musique sous lequel il fait interpréter, tous les dimanches et fêtes de la belle saison, des œuvres symphoniques. » 51(Fig.5)
49 Auteur inconnu, « Histoire de la plage de l’Isle Adam », site de la mairie de l’Isle Adam : https://ville isle adam.fr/ma ville/ville touristique/les circuits decouvertes/histoire de la plage#toc coordonn es
50 Auteur inconnu, op cit, https://ville isle adam.fr/ma ville/ville touristique/les circuits decouvertes/histoire de la plage#toc coordonn es
51 Auteur inconnu, « Histoire de la plage de l’Isle Adam », site de la mairie de l’Isle Adam : https://ville isle adam.fr/ma ville/ville touristique/les circuits decouvertes/histoire de la plage#toc coordonn es
Les trois cartes postale suivantes trouvées sur le site de delcampe montrent l’évolution de la plage de l’Isle Adam qui englobe en grande partie le champ typologique des plages fluviales étudiées dans cette recherche
Fig. 1 Carte postale, « l’Isle Adam. La Plage Les Cabines », Frémont Le timbre, La simplicité des cabines et le bassin en ponton de bois montrent que la photographie semble datée des années 1905 environ. (Auteur et inconnus)
Typologie basique de la plage fluviale en région Parisienne
Fig. 4 Carte postale, « l’Isle Adam. La Plage L’Heure du Bain ». , les cabines en arrière plan ont évolué, et le bassin en ponton de bois neuf montrent que la photographie semble datée des années 1920 environ. (Auteur et éditeur inconnus)
Évolution, le bassin en béton creusé dans la berge
Fig. 5 Carte postale, de l’Isle Adam. La photographie semble datée d’au moins des années 1930. Les cabines en arrière plan ont grandement évolué, le bassin en béton est beaucoup plus grand et creusé en partie dans la berge. (Auteur, éditeur et titre inconnus)
Les différentes formes qu’a pris la plage de L’Isle Adam entre 1850 et 1920 définissent bien ce qu’est une « plage » dans cette recherche. Il s’agit donc d’une typologie de base simplement composée de quelques cabines qui longent une zone de baignade délimitée par des pontons en bois ou en maçonnerie, implantés directement au sein ou au bord d’un cours d’eau naturel. Cette composition simple peut ensuite évoluer pour devenir, nous le verrons plus tard, un immense complexe de sport et de loisirs. Elle peut posséder plusieurs bassins, d’autres bâtiments toujours longeant le rivage, abritant d’autres fonctions que celle de cabine pour se changer, comme des restaurants ou des terrains de tennis pour les plus grandes structures.
Les plages de Gournay52 et, selon Isabelle Duhau, de Joinville le point dans la Marne, dont les dates de création sont inconnues mais qui ont été inaugurées dans les années 1930, ont toutes deux suivies, comme la plage de l’Isle Adam, dans l’Oise, ce schéma d’évolution typologique du lieu de baignade sauvage à complexe de villégiature :
« Les berges sont le plus souvent aménagées en conséquence mais les investisseurs exploitent, dès qu’elles existent, les richesses naturelles des rivages, tel le premier établissement de la plage de l’Isle Adam, la plage de sable de Gournay sur Marne ou le banc de sable de Joinville le Pont. La baignade s’effectue d’abord dans une petite crique naturelle avant que celle ci ne soit aménagée » 53 . Dans la Seine, en Essonne, nous savons que trois plages étaient également des lieux de baignades sauvages avant d’être aménagées et officialisées : la plage de Draveil, dans les années 1930, la plage d’Athis Mons (Fig.6 et Fig.7) inaugurée en 1926 et la plage de Corbeil 1933.
Les autres plages, qui n’ont pas été citées dans ce chapitre, semblent être des créations totales construites majoritairement dans les années 1930. Nous analyserons leur naissance qui, même si souvent proviennent d’un besoin de régulariser les baignades sauvages, ne sont pas implantées dessus mais plus loin.
Ainsi cette pratique, d’abord clandestine, ancrée dans les habitudes des Parisiens, donna des intentions de projets à des investisseurs et
baignades
rivières
de l’architecture, n°4,
entrepreneurs, pendant l’après guerre. Ils aménagèrent les rivages pour faire des plages, comme l’indique Antoine Lebas : « Hors de Paris, les bains en rivières constituèrent longtemps une distraction aussi improvisée qu’appréciée […]. Faute de piscines urbaines couvertes, certains entrepreneurs eurent l’idée d’aménager à proximité des berges, des baignades découvertes, alimentées en eau de
L’évolution fulgurante de la plage de l’Isle Adam marque le début de la multiplication des plages aménagées au bord de la Seine et ses affluents. Ces bâtiments répondent à un besoin fort de vacances de la part de la classe sociale moyenne parisienne. À cette époque, comme nous l’avons précédemment souligné, peu de gens possédaient une voiture leur permettant de quitter la région parisienne pour aller vers des destinations de vacances telles que Deauville, et encore moins de gens possédaient une résidence secondaire près de la mer.
Fig. 2 Auteur inconnu, "La baignade", Athis Mons, ED, l'absence d'équipement montre la plage avant 1926 date de création du bassin
Fig. 7 Auteur inconnu, "La baignade", cette carte postale montre la plage après d’Athis Mons 1926, on y voit des tables et les pontons servant de bassins
A Paris, qui pourtant est traversée de part et d’autre par la Seine, aucune plage fluviale n’a jamais été construite. La Seine parisienne, en revanche, était équipée de plusieurs écoles de natation qui peuvent par leurs typologies architecturales rappeler les plages fluviales qui s’implantent sur les rivages des banlieues. On peut notamment évoquer les bains de Deligny (Fig.8), bateau flottant présent sur la rive gauche quai Anatole France dans le 7ième arrondissement, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’en 1993. En 1900, cet espace permit l’organisation des jeux olympiques et des compétitions de natation. Cependant, mis à part le fait qu’il permet la baignade dans des eaux naturelles, il ne permet pas l’impression de rivage. Son plan ferme la vue de la Seine sur ses quatre côtés. Nous ne pouvons donc pas le considérer comme une plage. Nous savons que la Seine, très polluée à l’époque, était dénoncée par de nombreux scientifiques comme vecteur de maladies. En 1919, les bains de Deligny furent donc équipés de bassins filtrants. En 1923, un arrêté préfectoral de la région de Paris interdit définitivement la baignade dans le fleuve. De fait, aucun autre équipement permettant de se baigner dans le fleuve à Paris durant le XXe siècle n’a été construit. En 1990, une péniche heurta la piscine flottante affaiblissant grandement sa structure qui fut recouverte par les eaux en moins d’une heure en 1993.55
Il y a également les bains de la Samaritaine qui s’approchaient plus des étuves médiévales et proposaient des bains chauds sur la Seine. Ce bateau, qui coula en 1920 (Fig.9) lors d’une crue, possédait une extension qui ressemblait au bain Deligny et qui permettait les bains froids. Cette extension fut active au moins jusque dans les années 1930, la date de sa disparition est introuvable. C’est aussi le cas de l’école de natation des bains fleurs dont très peu d’informations nous sont parvenues pour ce dernier bateau, mis à part qu’il était actif en 1910.56
Malgré l’interdiction de baignade à Paris en 1923, on peut aussi émettre l’hypothèse d’une autre raison pour laquelle les plages fluviales ne sont jamais apparues dans la capitale durant l’entre deux guerres. En observant l’ampleur des proportions que peuvent prendre certains de ces bâtiments dans les années 193057, il est difficilement imaginable que les quais parisiens laissent assez de place à l’aménagement de bassins qui d’une part seraient en retrait de la Seine et d’autre part seraient bordés de bâtiments annexes.
Si à Paris les établissements de bains douches et des piscines municipales couvertes sont construits, Bernard Toulier définit la période de l’Entre deux guerres comme le passage d’une société plus populaire dans la fréquentation des stations balnéaires. « Le coût une résidence de villégiature est souvent moins enlevé avant 1914. La construction est trois quatre fois plus rapide et les stations quadruplent en espace une vingtaine années ». Il en est de même pour les plages fluviales qui se multiplient dans la couronne parisienne dans les années 1930. Celles qui composent le corpus peuvent être réparties dans deux catégories : les plages fluviales qui résultent d’investissements privés et celle qui naissent d’initiatives publiques. Ces deux catégories semblent émerger pratiquement en même temps.
Dans la plupart des cas, les plages fluviales de propriétés privées sont plus grandes et plus « monumentales » par leur taille et la diversité des services qu’elles proposent que les plages de propriétés publiques, même si ce n’est pas toujours le cas. Malgré le fait que l’origine des propriétaires de certaines plages du corpus soit inconnue, sur les dix huit plages relevées pour élaborer cette recherche, au moins sept sont privées : la plage de Meaux Trilport construite en 193458 en Seine et Marne, celles du Pecq en 193459 , d’Elisabethville en 193760 et de Villennes en 193561 dans les Yvelines, de Gournay dans les années 1930 en Seine Saint Denis et enfin les plages d’Isle Adam vue précédemment et de Beaumont62 en 1927 dans le Val d’Oise. Au moins huit plages sont publiques, celle du Lys Chantilly construite en 193363 dans l’Oise, celles de Riz
SC11074 QU7356DS : la Plage de Meaux (Trilport, bain et sport nautique)
Isabelle DUHAU, échange photographique avec elle, une photographie d’un panneau de signalisation racontant l’histoire de la piscine proche de son ancien lieu d’implantation.
Jouama TIMERY, Elisabethville la plage de Paris sur Seine AUBERGENVILLE , image du patrimoine 289, Ile de France, l’inventaire général, 2014, p.5
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral »
Thibault CHAFFOTTE, « Souvenez vous lorsqu’il y avait une plage à Beaumont sur Oise », Le Parisien, 19/08/2016
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087 600861 3 001, « Piscine fluviale dites « Plage du Lys ». Sandrine PLATERIER extrait du CRPS : « OISE BORAN LA PLAGE DU LYS », p.1, 14/11/2013
Orangis en 193064, de Corbeil en 193365, de Draveil dont la date de construction est inconnue, de Vitry Chatillion66 en 1936 et d’Athis Mont en 192667 en Essonne, d’Esbly dans les années 1930 en Seine et Marne et enfin de Maison Alfort en 193268 dans le Val de Marne. On remarque dans ce corpus, qui n’est pas exhaustif, que l’essentiel des plages privées se situe à l’Ouest de Paris, tandis que la majorité des plages publiques se trouve à l’Est de la capitale.
Le développement de ces plages se fait par des actions d’investisseurs privés. Ceux ci ont profité de l’engouement pour la natation et de l’envie des Parisiens de se baigner en se divertissant pour construire des plages. Parfois de très grandes sommes d’argent sont dépensées et des lieux stratégiques sont choisis pour devenir des centres complets de villégiature afin de toucher le plus de monde possible. Isabelle Duhau commente comment les plages s’inscrivent dans le paysage urbain :
« Il s’agit de croiser les bénéfices de la proximité d’une gare de chemin de fer et de celle d’un habitat résidentiel privilégié, garanties d’une clientèle nombreuse. » 69
La plage de Villennes par exemple, a été inaugurée en 1935 et construite par les architectes Lucien et Paul Edmond Bourgeois sur un lieu proche de la commune de Médan : l’île du Plantais. Les propriétaires, Rigobert Cromeck et son beau frère Henri Wilhem, choisirent cet île dans les Yvelines pour plusieurs raisons. Le lieu jouissait déjà d’une réputation de « villégiatures bourgeoises » 70 d’après Isabelle Duhaut et était accessible en moins de 30 minutes de train depuis Paris. Son accessibilité se faisait à l’aide d’une navette, qui emmenait directement à un embarcadère spécialement
64 Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivière en Ile de France », Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.10.
65 Maison de Banlieue et de l’Architecture. Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons... Baignades et bassins en Essonne . Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture, 2010, p.28
66 Maison de Banlieue et de l’Architecture. op.cit, Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture, 2010 p.34
67 Maison de Banlieue et de l’Architecture. op.cit . Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture, 2010. p.23
68 Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 107W9, Registre de délibération 1948
Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivière en Ile de France", Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.22.
70 Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivière en Ile de France", Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.25.
construit pour la plage. L’île du Platais était aussi un cadre idéal pour l’implantation de la plage fluviale. Celle ci fut mise en avant par des artistes, notamment Émile Zola qui, en 1878, achète une maison et invite ses amis. En 1928, les docteurs Durville, deux frères médecins, fondent la cité de Physiopolis sur l’île de Platais. Cette cité rassemblait des habitants avec un mode de vie naturiste, hygiéniste et sportif, dicté par la doctrine des docteurs Durville71qui achètent de nombreuses parcelles sur l’île pour y mener leurs activités de « société naturiste ». Cependant, ils ne possèdent pas toute l’île du Platais comme l’indique Isabelle Duhau :
« Dans un premier temps, la cité doit occuper la quasi totalité de l’île, à l’exception d’une parcelle où est construite en 1935 la plage de Villennes ».
La création de plage fluviale attire les touristes et même de nouveaux habitants. Ainsi entre 1921 et 1928, près de Paris, à 40 kilomètres, naît Élisabethville. Cette cité jardin située à Aubergenville dans les Yvelines est, comme Boran où se situe la plage du Lys, une vaste opération de lotissements. Cette opération a pour origine l’investissement du propriétaire privé du domaine de Garenne, Edmond Remoissy. Celui ci a pour but de faire de son terrain, une cité jardin, qui pourrait devenir lors des beaux jours, un centre de villégiature. Il charge l’architecte Charles Édouard Sée de réaliser un plan radio centrique de lotissement. En 1927 ouvre la plage fluviale d’Élisabeth ville : « C’est en 1927 que s'ouvre la saison d'Élisabethville, qui dure tout le mois de juillet. Outre les épreuves sportives et musicales qui sont organisées, deux évènements sont à retenir : l'inauguration de la plage le jeudi 14 juillet et l'inauguration officielle du casino théâtre le dimanche 31 juillet » 72 .
Ces immenses complexes balnéaires le long du fleuve et des rivières, comme la Plage de Meaux Trilport (Fig.10) construite en 1934, évoquent leurs homologues balnéaires par leur architecture paquebot et leur implantation en « fer à cheval ». On peut citer quelques exemples de ces plages de mer, comme la piscine du Touquet Paris plage (Fig.11) construite en 1929 ou plus tard la « piscine bleue » de Trouville inaugurée plus tard en 1935.
71 DUHAU Isabelle, « À Physiopolis, la cité de nature de Villennes sur Seine (Yvelines). La doctrine naturiste des docteurs Durville », Actes du Xe colloque d’histoire régionale de la fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Ile de France, tome 56, 2003.
72 Jouama TIMERY, Elisabethville la plage de Paris sur Seine AUBERGENVILLE , image du patrimoine 289 Ile de France, Paris, l’inventaire général, 2014, p.8
Les plages fluviales ont aussi été, à leurs heures de gloires, des constructions issues de vœux municipaux. De nombreuses communes, autour de Paris, ont souhaité acquérir ce tout nouvel équipement sur leurs rivages pour règlementer les baignades sauvages dans les affluents de la Seine et pour rendre accessible la pratique de la natation aux habitants des communes. Ces initiatives sont souvent les fruits de l’appartenance des mairies à des partis politiques socialiste ou communiste d’après Isabelle Duhau qui affirme :
« Leur action s’inscrit bien souvent dans le cadre politique du communisme ou du socialisme municipal, très actif en banlieue parisienne durant l’Entre deux guerres » 73 .
Ces plages, bien que de plus petite taille que celles citées précédemment, satisfaisaient une demande communale et dynamisaient les lieux durant les périodes de vacances. Dans la plupart des cas, les mairies concèdent les droits de tenir les établissements à des concessionnaires. Ainsi en 1925 est proposé par la mairie de Corbeil la concession de sa future plage : « La ville de Corbeil concède au plus offrant le droit de tenir son établissement de bains froids en Seine pour les saisons 1925 à 1927
Parfois, n’ayant pas les moyens de tenir un tel équipement tout au long de l’année au vu de son usage seulement estivale, l’ouverture et la fermeture du lieu s’opèrent de façon saisonnière. Le bassin est donc souvent démontable. Ce type de bassin est décrit par Isabelle Duhau dans son article sur les baignades en Ile de France : « Il est formé de pontons rectangulaires en tôles d’acier soudées. Une des faces du ponton, sur laquelle est fixé le caillebotis en bois, est amovible. Sur chacun de leurs côtés, les pontons présentent des ferrures spéciales d’accrochage : ils peuvent être réunis les uns aux autres dans quatre directions et former un bassin de la forme et des dimensions désirées. Sur l’un des petits côtés du rectangle de chaque ponton se trouve un assemblage destiné à faciliter la manutention et l’amarrage aux berges et au fond. Lorsque le bassin est installé,
73 Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivière en Ile de France", Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.25.
74 Archive communale de Corbeil Essonne, « Cahier des charges pour la concession de l’exploitation pendant les trois années de 1925 à 1927 de la Baignade publique », MI 197
les accessoires (échelles, garde corps, passerelles...) peuvent être placés sur les pontons. » 75 C’est le cas pour la plage de Corbeil en Essone, la plage d’Esbly (Fig.12), ou de Champigny76 par exemple en Seine Marne ou encore de la piscine de Joinville le Pont.
Fig. 12 Macon, « Esbly La Plage», Combier Imp, vers 1960 selon le tampon du timbre delcampe.net
Les mairies qui ont pour projet de construire une plage dans leurs communes peuvent procéder de la façon suivante : dans un premier temps, propriétaires d’un terrain, elles demandent l’autorisation à la préfecture à laquelle elles sont rattachées, la permission de construction du projet. S’il est accepté, le chantier s’opère et une fois terminé, l’activité de la plage peut commencer. Lorsque les mairies n’ont pas assez de moyens pour assurer l’entretien et la gestion de l’équipement à l’année, elles lancent un appel d’offre adressé à des concessionnaires, prêts à louer les lieux sur une période définie. Les concessionnaires gèrent donc les plages et en tirent un chiffre d’affaire sur lequel est indexé une redevance prélevée par la mairie. « Redevance » est le terme utilisé à l’époque. Il désigne un impôt sur les bénéfices du gestionnaire de la plage, qui leur permet de payer
DUHAU, « Les baignades en rivière en Ile de France", Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.25.
une somme dans laquelle sont inclus leur location et un montant en plus calculé sur le nombre d’entrées pour la mairie.77 Dans la grande majorité des cas de plages municipales, ce sont des concessionnaires qui s’occupent des lieux comme la plage de Corbeil, comme le stipule l’appel d’offre aux concessionnaires, lancé par la mairie en 1925 : « L’établissement mis à disposition du concessionnaire est démontable, il sera monté et démonté par les soins de la Ville. » 78
Même si les plages publiques sont généralement plus petites et moins équipées que les plages privées, on trouve dans l’Oise une plage de la même ampleur que la plage de Villennes et qui d’après Isabelle Duhau est le fruit d’une vaste opération de lotit comme Élisabethville. La commune de Boran sur Oise, propriétaire du terrain, avec l’aide de l’architecte Jean Tiercinier, construit la plage du Lys. Elle est inaugurée en 1933. C’est l’une des plus grandes typologies étudiées et certainement celle qui connut le plus grand succès durant l’Entre deux guerres. Cette piscine de grande ampleur attirait de nombreux touristes qui prenaient le train, la voiture, parfois même l’hydravion (Fig.13) pour venir, comme nous l’indique un article de la revue l’Architecture, paru en 1925 : « Dans le sous sol du bâtiment se trouve le garage des bateaux confiés en garde ; le slip servant à l'amerrissage des hydravions. » 79
Fig.14 Capture d'un reportage de Julien GUÉRY, Une deuxième vie pour la plage de Lys Chantilly, France 3 haut de France, https://www.youtube.com/watch?v=EkWppSs8JS
25/05/2019
Dans ce reportage, Guillermo Spivak actuel propriétaire de la plage du Lys affirme que l’hydravion appartenait à Fernandel, présent ci dessus et qui fréquentait la plage
Qu’elles soient publiques ou privées, il est intéressant pour les propriétaires de faire connaître ces plages. Elles ont fait l’objet surtout dans les années 1930, de nombreuses campagnes de publicité dans la presse généraliste parisienne. On peut trouver des exemples de ces slogans dans des journaux tels que Le Petit Parisien, L’Exclesior, Le Petit journal ou encore L’Homme libre. Des publicités dans ces journaux ont été trouvées pour neuf plages sur 18 du corpus. La plage de Lys Chantilly, de Meaux Trilport, de Villennes, de Champigny, de Gournay sur Marne de l’Isle Adam et de Gournay.
« ALLEZ VOIR LA BELLE PLAGE DE LYS CHANTILLY […] eaux claires. Baignades avec vagues comme la mer […] A 30 minutes de PARIS » 80
« PLAGE DE VILLENNES SUR MER […] à 30 minutes de PARIS » 81
Ceux ci vantent souvent la beauté de ces lieux qui semblent tous plus beaux les uns que les autres, et leur proximité avec Paris, toujours accessibles en train en moins de 30 minutes. Aujourd’hui si l’on part de la place Dauphine, place choisie pour sa position centrale à Paris, il faut compter à peu près 1h30 pour accéder à la plage de Villennes en prenant le bus 27 jusqu’à la gare St Lazare puis le Transilien J jusqu’à Villennes sur Seine. 2h30 pour accéder à la plage du Lys en continuant avec la ligne J jusqu’à la gare de Pontoise puis en utilisant la ligne H jusqu’à la gare de Boran. Il faut ensuite marcher un peu. À partir de cette constatation (certes anachronique), on peut dire que les slogans publicitaires de ces plages étaient un peu exagérés.
La compagnie des chemins de fer qui occupe le réseau ferroviaire des départements de la Seine jusqu’en 1938, réalise des partenariats avec les plages pour diminuer les prix des billets, comme nous l’indique Jouama Timery pour Élisabethville :
« Le visiteur, attiré par les nombreuses publicités annonçant toutes sortes de festivités, descend à la station Aubergenville
80 Publicité, Paris soir, 08/07/1933, p.3 gallica.bnf.fr
81 Publicité, Exclesior, 22/06/1938, p.6 gallica.bnf.fr
Fig. 15 Campagne de publicité pour la plage de Gournay, Paris midi, 06.03.1934 p.7
Fig. 16 Campagne de Publicité pour la plage de Villennes, L’Homme libre, 27.06.1937, p.4
Fig. 17 Campagne publicitaire pour la plage du Lys, Comoedia, 07.07.1938 p.9
Fig.19 Campagne publicitaire pour la plage de l'Isle Adam, Parti Socialiste, 20.09.1929, p.7 On voit qu'elle fait partie d'un trajet organisé par la compagnie des chemins de fer du Nord
Fig.18 Campagne publicitaire pour la plage de Boran, Revue municipale, 04.1936, p.12
Fig.20 Campagne publicitaire pour la plage de Meaux, l'Homme libre, 17.07.1935, p.14
Fig.21 Campagne publicitaire pour la plage de Beaumont, le Temps, 31.05.1936, p.7
Élisabethville. Un accord négocié avec la compagnie de chemin de fer propose un abonnement et des billets à tarif réduit » 82 .
Ce type d’accords entre les plages et la société de chemin de fer est commun et signalé aux Parisiens dans les journaux. Ici nous pouvons citer une annonce publiée dans L’œuvre par l’ancienne compagnie récemment nommée, la société nationale des chemins de fer, pour accéder à la plage du Lys en 1939 :
« Samedis, Dimanches et fêtes, au départ de Paris St Lazare. Billets spéciaux donnant droit à l’accès à la plage »
De nombreuses célébrités fréquentaient également la plage du Lys telles que Fernandel (Fig.14), Tino Rossi ou Jean Gabin, pour assister aux défilés et compétitions organisés à la plage. Leurs venues sont filmées, cependant la référence exacte des reportages dans lesquelles ils apparaissent demeure introuvable. Seul un extrait de ces films est inclus dans un montage paru sur France 3 en 2019.83 Les plages sont aussi les lieux de nombreux spectacles, de danse, de cinéma, de musique et des défilés de modes, également relayés dans la presse parisienne, comme dans cet article publié en 1936 dans L’Exclesior :
« C’est aujourd’hui à 15h30 qu’a lieu, sur la plage du Lys Chantilly, à Boran sur Oise, la grande fête de plein air organisée par Ciné Miroir. Les principales vedettes de l’écran prêteront leurs gracieux
France 3 haut de France,
01.07.1935,
Nous avons vu dans cette partie comment les plages fluviales sont nées, comme aime l’appelé Alain Cobain, d’une « société des loisirs ». Les plages fluviales ont permis pendant l’avant Première Guerre mondiale et l’Entre deux guerres d’occuper les Français des classes basses et moyennes en leur donnant les vacances au bord de la mer, qu’ils ne pouvaient pas s’offrir. La fréquentation de ces plages se renforce pendant la première moitié du XXe siècle avec les premiers congés payés et la semaine de 40h en 1936, promus par Léon Blum. Laurence Schlosser appuie aussi le fait qu’il décrète « le sport et les loisirs pour tous ». 85
Nous avons également analysé le fonctionnement des plages, publiques ou privées, leur absence dans la capitale, leur mise en avant par les campagnes publicitaires dans la presse et grâce aux compagnies des chemins de fer. Dans la partie suivante nous allons essayer de comprendre pourquoi cette mode, qui a marqué l’Entre deux guerres, a fini par s’éteindre après la Seconde Guerre mondiale, en laissant derrière elle les vestiges des bâtiments des plages fluviales des anciens départements de la Seine.
85 Laurence SCHLOSSER, Le label « Architecture remarquable » appliqué au patrimoine des piscines des Hauts de France, mémoire sous la direction de Stéphanie CELLE, école du Louvre, 2017 p. 58
Le déclin et la fin des plages fluviales de la Seine et ses affluents, la Marne et l’Oise
Dans cette deuxième partie, nous allons analyser le déclin des plages fluviales à partir de l’après Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1980. Durant cette période toutes les plages du corpus ont été fermées à l’exception de la plage de l’Isle Adam située dans le Val d’Oise, toujours en activité aujourd’hui et de la plage de Villennes dans les Yvelines, qui fermera tardivement en 2003 pour les mêmes raisons qui vont être présentées. Nous pouvons distinguer deux causes principales : la pollution des cours d’eau naturels dans lesquels ont lieu l’activité de la baignade et le développement de nouvelles technologies et d’usages qui ont remplacé l’utilité des plages fluviales. Ces deux raisons contribueront à élaborer les deux axes de ce chapitre.
Comme nous l’avons vu précédemment, la pratique de la baignade dans la Seine à Paris a été interdite en 1923 à la suite d’un arrêté préfectoral. L’état de l’eau semble être la cause principale de l’abandon des plages publiques et privées. Cependant, de nombreux baigneurs n’ont pas attendu ces actions politiques pour arrêter de nager dans la Seine et ses rivières, eaux qui souffraient d’une mauvaise réputation depuis déjà bien longtemps. Cette pollution dans la Seine, la Marne et l’Oise est un problème sanitaire généralisé dans les départements de la Seine et est la cause de contraction de nombreuses maladies telles que la fièvre typhoïde et la poliomyélite. On retrouve des contestations à ce sujet dans la presse générale depuis le XIXe siècle. Isabelle Duhau86 met en avant la conscience des riverains quant à l’état insalubre des eaux de la Seine et cite une critique d’un chroniqueur datant de 1844, à propos des bains de Deligny présentés plutôt dans cette recherche :
« L’école de Deligny s’est faite opulente et magnifique, mais la moindre pluie, la moindre indisposition atmosphérique rend quelquefois ses bassins vaseux. Il est alors difficile de nager longtemps dans ces eaux, sans avoir la poitrine toute souillée d’un dépôt boueux et les oreilles embarrassées »87
En 1899, un article dans le Petit journal conteste et constate les dégâts causés par l’utilisation de cette eau provenant de l’Oise L’article paraît en première page :
« Fièvre typhoïde dûment déclarée et comptant déjà des victimes. Et dans le pays, pour qu’on ne se serve plus des puits infectés, la ville de Paris fait distribuer de l’eau à domicile, de
Isabelle DUHAU, Les baignades en rivière en Ile de France…, Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.18
Eugène BRIFFAULT, Paris dans l'eau, Paris, J. Hetzel, 1844, p. 67 68.
l’Oise polluée déjà en des tonneaux amenés par des
casquette galonnée
mergitur
L’Éclair, journal politique et quotidien indépendant, renseigne sur
dégâts causés
l’eau de la Marne en 1906 au camp de Saint Maur
Un dernier article plus contemporain de l’époque étudié dans cette partie en 1934, à propos de la Seine et de son impact sur la santé, paraît dans une revue spécialisée, la revue juridique et fiscale de l’Entreprise. Ce texte relate une demande de dommages et intérêts pour la mort d’une femme suite à la distribution et l’absorption d’eau de la Seine. Les deux parties sont rendues anonymes par l’article. Dans cette affaire, le docteur qui était chargé de stabiliser l’état de santé de la femme intervient :
« Le 30 avril 1931, le Dr C… était appelé à donner ses soins à la dame C… et constatait chez elle une crise d’entérite aiguë brusque, à forme toxique d’emblée, affection qui lui apparaissait comme « nettement liée à l’absorption d’eau de la Seine polluée ». 90
Cette pollution était due aux faits que les égouts des villes étaient évacués dans le fleuve et ses rivières et que les usines proches du rivage y déversaient leurs déchets.
88 Thomas GRIMM, « Les entrailles de Paris », Le Petit journal, 05.12.1899, p.1
89 Gabriel LATOUCHE, « LA FIÈVRE TYPHOÏDE AU CAMP DE SAINT MAUR », L'Éclair, 23.08.1906, p.4
90 Auteur inconnue, « Tribunal civil de la Seine, 31 mars 1933 », Revue juridique et fiscale de l'entreprise, 01.01.1934, p.14 17
Il y a aussi parfois la présence d’un concessionnaire nommé par la mairie dans certaine plage des départements de la Seine. C’est le cas de la plage de Corbeil par exemple.
d’une durée de cinq ans permettant sa location par la mairie qui peut y effectuer des travaux et des modifications. Celle ci est dans l’obligation de renouveler ce contrat et donc de payer une redevance à la préfecture. Cependant, comme nous avons pu le voir précédemment dans le fonctionnement des plages publiques, la mairie de Maisons Alfort ne délègue pas la gestion de sa plage à un concessionnaire. Du 15 juillet au 28 septembre 1954, a eu lieu une correspondance92 entre le maire et le préfet. Cet échange eut pour but de régulariser la situation de la plage dont le bail n’avait pas été renouvelé depuis 1935. Afin d’y procéder, la préfecture demanda une redevance de 270.000 francs. Bien que la mairie soit favorable à cette prolongation de location, une demande de réduction de prix accompagna cette réponse. Cette requête fut justifiée par l’observation d’un déficit financier causé par la diminution de la fréquentation de la plage.
« 1952 42.000 Fr, correspondent à 8.790 entrées 1953 37.170 Fr, “ 7.434 “ 1954 7.585 Fr, “ 1.519. “ »
On observe à travers ces chiffres, délivrés par le maire, une diminution des recettes engendrées par le lieu et une chute du nombre des baigneurs annuels. Cette décroissance est expliquée par l’élu :
« Sans parler des beaux jours de plus en plus rares réduisant l’activité de l’établissement, l’eau est polluée de telle sorte que de nombreux fervents de la natation préfèrent les bains en piscine et désertent de plus en plus notre établissement » 93
Des efforts l’année suivante ont été entrepris par la municipalité en effectuant des travaux afin d’équiper les bassins de sa plage d’un dispositif d’assainissement94. Il s’agit d’encastrer le bassin dans la berge et de filtrer l’eau de manière mécanique grâce à un dispositif
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 107W9, Registre de délibération 1955
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 107W9, Registre de délibération 1955
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 96W12 13, Projet de construction d’un bassin d’eau filtrée, ensemble de plan G. Manuel, juillet 1955
situé dans un local à proximité du bassin, qui filtre l’eau puis la redistribue dans la baignade. Cet effort ne permet pas l’augmentation de fréquentation, du fait de la baisse d’intérêt général pour les plages fluviales qui sera expliqué dans la partie suivant. En 1964, la plage est décrite lors d’un registre de délibération95 comme « […] dans un état complet d’abandon ». Finalement, elle ferme en 196896 à l’issue d’un vote durant un conseil municipal, et les mêmes raisons relevées par le maire 14 ans plus tôt sont citées : « déficit occasionné par l’exploitation de celle ci, et allant croissant chaque année » et « du fait de l’ouverture de la piscine municipale couverte ».
La pollution des eaux et les différentes mesures prises par les pouvoirs publics ont fait évoluer typologiquement les plages fluviales. Comme nous venons de le voir avec la plage de Maisons Alfort, le dispositif de filtration de l’eau des bassins était un point majeur pour essayer de lutter contre cette pollution. On peut distinguer deux types de méthodes pour filtrer l’eau. Le premier dispositif, et le plus commun, est la filtration par ponton. Celui ci permet de délimiter un bassin par le flottement de pontons réglables qui permettent de limiter le courant de l’eau et d’empêcher les détritus et les déchets d’entrer dans la zone de baignade. Ce dispositif est plus ou moins efficace selon le matériau du ponton et son agencement, qui peut retenir des déchets de plus ou moins grande taille. Les dispositifs les plus communs sont les pontons en bois démontable (Fig.24) mais qui ne durent pas dans le temps ou en béton pérenne (Fig.25) et dont on conserve des traces aujourd’hui. Un troisième type de ponton, moins commun, était sur le marché, le ponton en polystyrène. La plage de Maisons Alfort a été démarchée par une société en 1955 pour ces travaux sur le bassin filtrant, afin d’équiper sa plage de pontons en polystyrène (Fig.26).97 Ce ponton a le même fonctionnement que les autres, seulement il permet de filtrer des particules plus fines.
Fig. 24 Thomas DESCHAMPS, « Axonométrie du bassin en bois » op cit, p.95
Fig 26 AC Mairie de Maisons Alfort, 96W12 13, Projet de construction d’un bassin d’eau filtrée
La deuxième méthode de filtration de l’eau est décrite par Isabelle Duhau et mise en place après la Seconde Guerre mondiale. C’est cette méthode qui a été choisie pour les travaux de plage de Maisons Alfort citée précédemment. « L’eau est traitée, les bassins de filtration par le sable, à ciel ouvert, étant dissimulés par les bâtiments de cabines ; le petit bassin est cimenté ; le grand bassin, auparavant situé directement dans la rivière, est remplacé par une structure en résine, encastrée au milieu de la plage et longeant seulement la berge ». D’après l’implantation du bassin, après la Seconde Guerre mondiale, certaines plages du corpus fonctionnaient de cette dernière manière. La plage de Villennes (Fig.28), la plage de Ris Orangis, la plage de Maisons Alfort, la Piscine du Pecq (Fig.29), la plage de Meaux Trilport, la plage de l’Isle Adam, la plage du Lys Chantilly et la plage d’Esbly. Cependant, malgré ces dispositifs pointus de filtration, ce ne fut pas suffisant, et certains traités d’interdiction de baignade ont été plus « sévères » que d’autres, causant la fermeture définitive des plages et ainsi la complète impossibilité de baignade dans certaines régions.
Fig. 27 Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 96W12 13, Projet de construction d’un bassin d’eau filtrée, ensemble de plan G. Manuel, juillet 1955. On voit le dispositif de filtration derrière le plongeoir
Les arrêtés préfectoraux visant l’interdiction de la baignade dans les rivières d’Ile de France à cause de la qualité de l’eau peuvent être récents et sont émis dans tous les départements. Actuellement il est pratiquement interdit de se baigner dans tous les cours d’eau de la Seine, de l’Oise et de la Marne en Ile de France. Mais il semble que certaines mesures ont laissé plus la liberté d’une continuité de la baignade dans leur département que d’autres. D’après une étude du Conseil départemental du Val d’Oise sur la baignade de l’Oise « En 1954, un rapport préfectoral signale la forte pollution des eaux de l’Oise [...] surtout à partir de Pontoise. Un arrêté interdit la baignade en dehors des lieux autorisés » 98 . Ainsi la plage de Beaumont sur Oise ferme trois ans après pour pollution99 , elle sera ensuite détruite en 1974100 . Alors que les plages du Lys Chantilly et celle de l’Isle Adam continuent leurs activités jusque dans les années 1980 pour la première, et encore aujourd’hui pour la seconde. Les deux baignades sont équipées du deuxième dispositif de filtration cité précédemment.
Un arrêté préfectoral101 de 1970 a eu un impact plus étendu avec l’interdiction de la baignade dans la Marne. Celui ci a stoppé l’activité de pratiquement toutes les plages, dans les départements du Val de Marne (94), des Hauts de Seine (91) et de la Seine et Marne (77) malgré la présence de bassins filtrants. C’est le cas de la plage de Meaux Trilport, la plus grande plage construite dans les départements de la Seine en 1934, qui ferme en 1970. La plage d’Esbly (aujourd’hui détruite) semble avoir été également fermée en 1970 comme le témoigne le propriétaire du café « À la ville D’Esbly » dans un article du Parisien écrit en 2017 : « De l’époque des premiers congés payés aux années 1970, décennie lors de laquelle la baignade dans la Marne fut interdite, les Parisiens se pressaient à la plage de sable d’Esbly, où se trouvaient aussi une piscine et un restaurant. » 102 . On peut également supposer que l’arrêté mit un terme aux activités de la plage d’Athis Mons et de Draveil, construites en ponton de bois, et dont la filtration était insuffisante.
98 Béatrice CABEDOCE pour Le Conseil départemental soutient la culture en Val d’Oise,
« Plage et baignade des bords de l’Oise », Val d’Oise Océan, 2020, p.15
99 Thibaut CHAFFOTTE, « Souvenez vous lorsqu’il y avait une plage à Beaumont sur Oise », Le Parisien, p.2
100 Voir annexe photographie aérienne p.27
101 Le préfet Lucien LANIER, arrêté préfectoral n°613, interdiction de la baignade dans la Marne, 31 juillet 1970
102 Alexandre ARLOT, « Esbly : ils rêvent de créer un centre culturel sur la friche de la plage », Le Parisien, 25 avril 2017
Aucune photographie trouvée ne montre l’apparition d’un bassin filtrant. L’hypothèse d’une destruction durant la Seconde Guerre mondiale de ses deux plages n’est pas à exclure non plus puisque d’autres plages comme la plage de St Mammès située au bord de la Seine en Seine et Marne et celle de Meaux Trilport citée précédemment, ont fait l’objet de demande de réparation pour dommages de guerre dans les années 1950.103 La plage de Gournay sur Marne ferme en 1970 d’après Thomas Deschamps104 et celle de Champigny105 également selon Isabelle Duhau. Les fermetures des plages de la Marne dans le corpus sont donc toutes liées à la pollution dans les années 1970.
Pour les plages de la Seine, la plage de Corbeil Essonnes (Fig.30) ouverte en 1933 est par ailleurs un exemple de lieu ayant subi la mauvaise qualité de l’eau. La baignade dans la Seine en Essonne a été interdite en 2017 ce qui est très récent. Cependant la plage de Corbeil fut fermée en 1967 par décision municipale, soit 50 ans avant l’arrêté préfectoral. Les raisons qui ont provoqué un tel évènement sont les mêmes que celles qui ont engendré ces écrits. D’après un document délivré par le CAUE de l’Essonne, dans le cadre d’un projet mené par le conseil départemental intitulé « Baignade en Seine », « C’était un lieu particulièrement apprécié et très fréquenté. Elle ferme cependant en 1967, en raison de l’augmentation du trafic fluvial, de l’envasement de la structure et de la prise de conscience de l’altération de la qualité de l’eau. » 106 . De plus, un panneau interdisant la baignade est présent sur le site de la plage depuis 2008 (Fig.31). Cette fermeture soulève deux réflexions. La pollution n’est pas le seul facteur des fermetures des plages fluviales, et les arrêtés préfectoraux interdisant les baignades dans la Seine et dans l’Oise ne sont pas les éléments finaux de la disparition des plages sur leurs rivages.
103 Archive départementale de Seine et Marne, Meaux Trilport (plage et installations), SC1192 QU400S, « Correspondance avec le ministère de la reconstruction », 1946 Archive départementale de Seine et Marne, St Mammès (plage et installations), SC1192 QU414SP, « demande de participation financière de l’état », 1946 104 Thomas DESCHAMPS, Plages en ville, Baignades en Marne, Paris, Edition Johanet, 2003, p.102é
105 Isabelle DUHAU, Les baignades en rivière en Ile de France…, Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.30
106 CAUE Essonne, « Livret DATA baignade en Seine en Essonne », élaboré dans le dans le cadre d’une convention partenariale avec le Conseil départemental de l’Essonne, 12 mars 2020, p. 15.
Comme nous l’avons vu dans la première partie, l’accès aux différentes plages fluviales se faisait surtout par le biais du trafic ferroviaire qui reliait Paris et ses couronnes. L’après Seconde Guerre mondiale est une période témoin de l’expansion et de la démocratisation de la voiture comme moyen de transport. Dans ses recherches, Mathieu Flonneau délivre les chiffres décrits par Bernard Lafay, élu du Conseil municipal depuis 1945 dans le 17ème arrondissement :
« Bernard Lafay l’avait posé dans son rapport de 1954 en confrontant brutalement trois chiffres arrondis. De 400.000 en 1938, le nombre total de voitures immatriculées dans le département de la Seine était passé à 567.000 en 1948, puis à 800.000 en 1954. […] il était prévu que, dès 1956, le million de véhicules en circulation à Paris serait dépassé » 107 .
Plus loin dans ses recherches, on apprend que ce chiffre fut dépassé en 1958, et dans les années 1970, le parc parisien comprenait plus de 2.000.000 de voitures immatriculées. Cette expansion spectaculaire a hypothétiquement eu pour effet la diminution de l’utilisation du train par les Parisiens pour se rendre en banlieue et donc dans les plages fluviales. Ce développement de la voiture a lieu dans un contexte bien particulier décrit par François Michèle, chargé d’études documentaires du Languedoc Roussillon, « La société de consommation prend véritablement son essor pendant les Trente Glorieuses (1945 1975). Dès les années 1950, la hausse du pouvoir d’achat des ménages, la réduction du temps de travail, la généralisation de la voiture permet à chacun de se tourner vers les loisirs » 108 . Par « loisir » il entend les nouvelles cités balnéaires qui sont créées dans les années 1960, comme la Grande Motte (Fig.32) ou encore sur le Cap d’Agde (Fig.33) avec la station balnéaire de Gruissan. Cette période est également témoin de l’ajout d’une
107 Mathieu FLONNEAU, « Rouler dans la ville, automobilisme et démocratisation de la cité : surprenants équilibres parisiens pendant les « Trente Glorieuses », Articulo, 2009
108 Michèle FRANÇOIS, Jean Balladur et la Grande Motte L’architecte d’une ville, Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles (drac) du Languedoc Roussillon Conservation régionales des monuments historiques (crmh) 2010
semaine de congés payés en 1965 qui s’élèvent désormais à 4 semaines.109 Ces circonstances permettent aux Français une plus grande flexibilité de leurs temps de travail et peuvent donc plus facilement partir en vacances aux bords de la mer. À quoi bon aller nager dans les plages fluviales, si désormais la véritable plage au bord de la mer ou de l’Océan est abordable ?
109 Après les 30 glorieuses, en 1982 les congés payés sont encore augmentés d’une semaine
Ce nouveau moyen de transport a eu un autre effet néfaste qui causa la baisse de fréquentation des plages fluviales. L’automobile a permis une trop grande facilité d’accès et les plages fluviales ne pouvaient pas accueillir autant de monde à cause du manque de places de stationnement. Dans son livre, Thomas Deschamps cite le témoignage de l’ancien concessionnaire de la plage de Joinville le Pont, de 1963 à 1972 (date de fermeture) dans le Val de Marne (94) : « […] il y avait beaucoup de monde ; et quand la voiture s’est démocratisée, les problèmes de stationnement sont vite apparus. Ce manque de stationnement a conduit à une chute de l’exploitation et pendant les neuf ans de ma concession, la fréquentation n’a fait que décroître, c’était le début de la fin. » 110 L’implantation urbaine même des plages fluviales du corpus, le long d’un quai en contre bas, les constructions face au fleuve et fermées à la ville, ne permettaient sans doute pas la création de parking et ce manque d’espace a certainement dû être une problématique pour toutes les plages fluviales. L’ironie du sort a voulu qu’aujourd’hui, la majorité des lieux connus qui abritaient les plages fluviales analysées dans le corpus, sont dotés de grands parcs de stationnement. Dans le Val de Marne, l’avenue Gallieni qui menait autrefois directement vers la plage de Joinville le Pont, est désormais dotée d’un parking sous terrain. Un autre existe sur la rive en face de l’ancienne plage. Sur le site de l’ancienne plage de Champigny, un grand parking est repérable depuis les années 1993 sur les photographies aériennes111. En Essonne (77), un immense parking est visible à moins de 200 mètres de l’ancienne plage d’Esbly abandonnée depuis les années 1970. Ce parking existe depuis au moins les années 1980, 1986 étant la date de sa première apparition sur les photographies aériennes. Près de la plage de St Mammès, il existe également une possibilité de stationner le long des quais, même si cela est toujours assez peu développé. Enfin, dans les plages dont l’adresse est clairement identifiée dans le département de l’Essonne, il est possible de se garer directement sur les quais, le long des anciennes plages aujourd’hui disparues, à Ris Orangis et Corbeil.
110 Thomas DESCHAMPS, Plages en ville, Baignades en Marne, Paris, Edition Johanet, 2003, p.86.
111 Isabelle DUHAU, Les baignades en rivière en Ile de France…, Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p.1
Sur la plage de l’Isle Adam, seule survivante en activité aujourd’hui, il existait une parcelle qui semblait vide, à l’est de la plage, sur laquelle les voitures peuvent se garer depuis la fin des années 1960. Aujourd’hui la plage possède ses propres places de stationnement depuis les années 2000.
Paris, qui n’a pratiquement jamais connu de plage, pour des raisons citées dans la partie précédente s’est équipée de piscines couvertes depuis les années 1920. Thierry Mandoul dans son livre, Sports : portrait d’une métropole, nous délivre le constat suivant : « Les années 1920 et 1930 voient l’éclosion d’une vingtaine de piscines à Paris » 112. On peut citer quelques exemples remarquables de cette époque, toujours en activité aujourd’hui, comme la piscine de la Butte aux Cailles inaugurée en 1924 par Louis Bonnier ou encore la Piscine des Amiraux construite en 1930 par le célèbre Henri Sauvage. Ces créations de piscines dans Paris résultent des mêmes raisons pour lesquelles les plages fluviales ont été construites en dehors de la capitale. Cependant cette forte construction de piscines couvertes à cette période est faible comparée à celle de la période suivante. Le sport dans toutes ses formes n’a pas cessé d’être valorisé durant le Seconde Guerre mondiale. Pendant le régime de Vichy, il était même mis en avant pour propager l’idéologie pétainiste.
A la sortie de cette guerre, la Ve République est confrontée aux mêmes problèmes que les politiques précédentes en matière d’équipements sportifs. La France est toujours en retard par rapport à ses voisins. Thierry Mandoul nous apprend aussi que ce retard est visible durant les grands évènements sportifs. La France souffre de mauvais résultats aux occasions des Jeux Olympiques. Mais la plus grande action permettant le développement massif de ces piscines se déroule entre 1958 et 1975. Selon l’auteur du livre cité précédemment, cette opération qui est incluse dans une politique de valorisation des équipements sportifs plus large113, a permis la
112 Thierry MANDOUL, Sports, Portrait d’une métropole, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 2015, p.274 277.
113 Thierry MANDOUL, Sports, Portrait d’une métropole, Pavillon de l’Arsenal, 2015, p.274 277.
création de 1500 piscines en France. En Ile de France, on voit durant cette période, qu’au moins dix piscines ont été inaugurées entre 1964 et 1975114. Comme ce fut le cas pour la plage de Maisons Alfort, avec la piscine de Hevette, inaugurée en 1968, de nombreuses plages fluviales ont vu la construction de piscines municipales couvertes à proximité d’elles. Dans l’Oise, la plage du Lys a vu la construction de deux piscines voisines : la piscine municipale de Creil en 1963 et la piscine Paul Boutefeu de Noyon en 1968. Dans les Yvelines, proche de la plage de Villennes, fut construite la piscine de Migneaux qui a fêté récemment son cinquantième anniversaire en 2021 et qui a été construite en 1971. Également dans les Yvelines (78), la Piscine le dôme St Germain en Laye en 1969, par l’architecte Louis Blanchet, a été construite proche de la piscine du Pecq.
La couverture de ces nouvelles piscines indique la possibilité de nager pendant l’hiver et garantit la qualité de l’eau. La pratique de la natation désormais plus « sportive » avec l’envie des désirs de performance lors de compétitions, implique des structures plus complexes qui ne sont pas présentes dans les plages fluviales (la couverture en fait d’ailleurs partie, permettant de s’entraîner toute l’année). Ces raisons ont donc causé la déshérence des plages fluviales par les usagers qui se dirigèrent plutôt vers ces nouvelles piscines plus modernes. Nous verrons dans le chapitre suivant que certaines plages connues dans le corpus ont été remplacées par des piscines couvertes.
Cependant une typologie de piscines a démocratisé la piscine couverte. Il s’agit de la Piscine Tournesol. Sa facilité de construction et son faible coût d’entretien a permis son implantation partout en France et beaucoup en Ile de France. La Piscine Tournesol résulte d’un concours d’idées lancé par l’État en 1969 dans le cadre du projet des « mille piscines ». Le cahier des charges est assez simple et se scinde en deux demandes : une piscine économique qui permet de répondre aux budgets de toutes les communes souhaitant s’équiper d’une piscine municipale, et une piscine transformable, c’est à dire un équipement capable de s’ouvrir, permettant donc de répondre à la fois au confort d’une piscine couverte et d’une piscine en plein air (comme les plages fluviales)115. Ce concours fut
114 Thierry MANDOUL, op cit. , p.300
115 Laurance SCHLOSSER, « Les Piscines des Trente Glorieuses, enquête thématique régionale les piscines en Haut de Seine, inventaire général, 2017, p.5
remporté par l’architecte Bernard Shoeller. La Piscine Tournesol est lauréate des deux concours, à la fois sur le plan économique et l’idée de transformation car ayant un toit pouvant s’ouvrir. Celle ci fut construite pour en 1973 et devait être dupliquée en plus de 250 exemplaires.
La piscine Caneton créée par Jean Paul Aigrot, France Charras et Alain Charvier, est aussi lauréate de ce concours, à la deuxième place.
Aujourd’hui, ont été construites en réalité 183 piscines Tournesol (Fig.34) et 196 piscines Caneton en France. Même si ces deux typologies n’ont pas eu le succès escompté, d’après Julien Beneyt116 , car s’essoufflant dans les années 1980, beaucoup de ces piscines en Ile de France sont encore actives. On remarque d’ailleurs que beaucoup de communes abritant les plages de notre corpus, se sont dotées dans ces années de ces piscines. Une carte a été réalisée pour montrer les anciens lieux de baignades connus dans le corpus, et les positions actuelles des piscines Tournesol et Caneton encore actives aujourd’hui. On remarque que ces nouvelles piscines des années 1970 sont présentes dans la quasi totalité des cas, près des anciennes plages fluviales, désormais presque toutes obsolètes.
Ainsi la pollution des cours d’eau naturels desquels dépendaient les plages, fut l’un des éléments décisifs pour leurs abandons surtout dans la Marne. Dans l’Oise, la plage de Champigny, fut abandonnée dans les années 1980 à cause d’une baisse de fréquentation117. Ce fut également le cas dans la Seine pour la plage de Villennes118qui ferme en 2003. La période entre les années 1960 et 1980 a été désastreuse pour les plages fluviales à cause des différents facteurs vus ci dessus.
« Ainsi en 1962, il n’y a plus que 15 baignades autour de Paris contre 65 en 1949 » 119. C’est ce que nous apprend Sandrine Platerier, recenseuse des Monuments Historiques120. Après cette période, sur les dix huit plages recensées pour l’étude, sept étaient démolies. Dans les Yvelines, la plage du Pecq est démolie pour être remplacée par la piscine de L’Isle aux dames en 1967. Nous n’avons pas d’information sur l’arrêt du fonctionnement de la plage d’Élisabethville dont les derniers vestiges ont coulé en 2015. Dans l’Essonne, sur les quatre plages relevées par le corpus, deux plages ont disparu avant les années 1980, celles de Draveil et d’Athis Mons. Dans le Val d’Oise, la plage de Beaumont semble également avoir été démolie dans les années 1970 d’après les photographies aériennes.
L’utilisation de la plage fluviale pour se baigner dans la Seine ou ses affluents n’était plus. Seule la plage de l’Isle Adam, toujours active aujourd’hui, et celle de la Villennes abandonnée en 2003, perduraient dans les années 1980.
117 Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087 600861 3 001, « Piscine fluviale dites « Plage du Lys ». Sandrine PLATERIER extrait du CRPS : « OISE BORAN LA PLAGE DU LYS », p.4, 14/11/2013
118 Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral ». Agnès CHAUVIN, Rapport justificatif, « Yvelines, MEDAN, Ile de Platais, Plage de Villennes », p.1, 11/2008
119 Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087 600861 3 001, « Piscine fluviale dites « Plage du Lys ». Sandrine PLATERIER extrait du CRPS : « OISE BORAN LA PLAGE DU LYS », p.3 14/11/2013
120 Ce chiffre est beaucoup plus élevé que le nombre de plage recensée dans le corpus. Cela provient du fait qu’il comprend les lieux de baignades sauvages encore présents à l’époque.
Après avoir essayé d’améliorer leurs bassins, ces lieux n’avaient que deux options : changer de fonction ou disparaître. Ici nous allons analyser quelles sont ces différentes façons d’évoluer. 9 plages sur 18 vont être étudiées dans cette partie, les potentielles tentatives d’évolution des 6 restantes étant inconnues. Ces dernières n’ont simplement pas subi de reconversion comme la plage de Villennes, d’Élisabethville, d’Esbly, de l’Isle Adam ou ne font l’objet d’aucune information sur leur changement, comme la plage d’Athis Mont, de Draveil, du Perreux, de Joinville le Pont ou de St Mammès.
Nous verrons comment certaines plages du corpus ont été démolies pour être remplacées par des bâtiments d’usages correspondants aux nouvelles pratiques décrites précédemment, et comment d’autres plages ont été modifiées pour reprendre des utilités présentes dans les traditions passées des affluents de la Seine.
Ensuite la situation et le statut actuel des plages seront analysés, afin de montrer les difficultés de travaux de changement pour ces bâtiments, qui font pourtant l’objet d’un regain d’intérêt.
La plage de Viry Châtillon (Fig.35) située en Essonne, autrefois appelée la plage de Vigneaux sur Seine, ferme en 1943 pour cause de pollution. Cependant, sept ans plus tard, de nombreux travaux permettent la fabrication de bassins filtrants en béton remplis d’eau de la ville et non plus d’eau de la rivière à proximité.121 Cette évolution transforme la plage en piscine et dépasse les typologies de bassins vues précédemment dans la partie 2 L’évolution technologique continue à la plage de Viry Chatillon. En 1965, dans le cadre d’un projet visant à transformer la « piscine plage » 122 en piscine couverte : les bassins sont équipés d’un système pour chauffer l’eau. La pratique de la baignade dans cet endroit n’a plus rien à voir avec la baignade en eau naturelle qu’il était possible de pratiquer dans les plages fluviales de l’Entre deux guerres. Sylvie Joubert123 nous apprend que le projet n’a jamais eu lieu pour des causes qui nous sont inconnues. L’ancienne plage fut fermée en 1997 et détruite en 2000. Elle fut remplacée par une piscine construite par Marc Mimram en 2001 sur le lieu de son ancien emplacement (Fig.36)
La plage du Pecq, construite en 1934, connut un destin assez similaire dans la mesure où elle fut active jusqu’en 1966 puis démolie afin de laisser place à un bassin filtré de même dimension dans le cadre d’une opération de logements : le domaine de l’île aux Dames. (Fig.37)
On remarque donc à travers ces deux exemples que leur évolution n’a pas été de devenir des piscines. Malgré le fait que la plage de Viry Châtillon en était presque devenue une, son destin fut similaire à celui de la plage du Pecq. Toutes deux furent détruites pour laisser place à des constructions neuves de piscines. L’ironie du sort a fait que ces constructions neuves ont été entreprises directement sur l’emplacement des anciennes plages sans réutiliser l’eau du fleuve.
121 Maison de Banlieue et de l’Architecture. « Je plonge, tu trempes, il barbote, nous nageons... Baignades et bassins en Essonne ». Athis Mons, Maison de Banlieue et de l’Architecture,2010 p.51
122 Maison de Banlieue et de l’Architecture. op. cit, 2010, p.53
123 Maison de Banlieue et de l’Architecture. op. cit, 2010, p.53
Ce phénomène de reconversion a eu lieu pour quatre plages du corpus. D’abord, la plage de Lys Chantilly, dans l’Oise, qui sera beaucoup plus développée dans le chapitre suivant, fut rachetée par Guillermo Spivak. Celui ci après l’avoir restaurée, ouvre un restaurant et un bar en 2016 qui peuvent être loués pour des mariages ou des évènements culturels. Les vidéos montrent des spectacles d’assez grande ampleur. 124
La plage de Ris Orangis située en Seine et Marne. Celle ci fut abandonnée dans les années 1970. Il existe peu d’informations sur cette plage qui semble fermée la journée. Cependant, le soir, elle devient un lieu de rencontre (Fig.38) rappelant les anciennes guinguettes présentes sur la Marne à la fin du XIXe siècle. Selon Esther FR (d’après un reportage sur son blog125), l’ancienne baignade a été reprise par une association qui invite des musiciens et organise des spectacles le soir où l’on peut manger et boire un verre. Malheureusement le nom de l’association et la garantie que ces activités soient encore d’actualité n’ont pas pu être vérifiés.
La plage de Gournay sur Marne (Fig.39) en Seine Saint Denis, après avoir perdu sa fonction de plage fluviale suite à l’arrêté de 1970 interdisant la baignade dans la Marne, a très vite su se reconvertir. Elle devient « une discothèque avec piscines et restaurant ». D’après certaines interviews du le Parisien, la « nouvelle plage » a connu beaucoup de succès jusqu’aux années 1980 et d’après un riverain :
124
Le succès est tel que des personnalités du show business se mettent à fréquenter la boîte. On pouvait croiser Johnny Hallyday, Dick Rivers et Eddy Mitchel, relate un voisin. Ils y ont même chanté ! »126
«
Guillermo SPIVAK, « la plage de lys chantilly », 2017, youtube.com
Esther FR, « banlieue extérieure nuit … et jour » 2015, https://estherfr17.wordpress.com/
Maëlys DUBOIS, « Seine Saint Denis. La démolition de la Plage de Gournay sur Marne se termine, dernier au revoir », actuSeine St Denis, 20.12.2020, actu.fr
Plage de Meaux Trilport, a fermée en 1970 à cause de la pollution
la marne. Elle a été rachetée par Mme. Paule FUZER dans les années 1990 pour faire partie d’un complexe d’hôtellerie : l’Hôtel Acostel. Une nouvelle piscine
creusée en extérieur. Celle ci
Marne mais permet la baignade
dans les années
La base nautique est le dernier type de reconversion commun et concerne quatre plages dans le corpus : la plage de Maisons Alfort, celle de Corbeil, celle de Champigny (Fig.40) et celle de Joinville le Pont.
Après l’interdiction de la baignade dans la Marne qui causa la fermeture de la plage de Maisons Alfort, un projet de reconversion mené par la mairie émergea. L’idée était de reconvertir l’ancienne plage en base nautique. Malheureusement en 1976 le conseil de délibération abandonna ce projet pour les raisons suivantes :
«
Étant donné le trafic intense des péniches sur la Marne à cet endroit, la base nautique ne pourrait être utilisée que comme garage à bateaux. Ce n’est pas le but recherché par la Ville et cette opération est d’un coût élevé (2.700.000 F évaluation de 1976 pour une capacité de 100 bateaux) » 129
Néanmoins le conseil poursuit, demandant la démolition des cabines et l’aménagement d’une aire de promenade130 . Aujourd’hui la plage est devenue une aire de jeu pour enfants (Fig.41) ; le Square des petits Pirates.
Même si on ne peut pas vraiment affirmer que la plage de Corbeil soit devenue une base nautique, qui ferme en 1967, on peut observer sur les photographies aériennes (Fig.42) que les délimitations marquées par les anciens bassins ont servi de périmètre de stockage pour l’école navale à côté, construite en 1988.
La Plage de Joinville le Pont, abandonnée en 1970 à la suite de l’arrêté préfectoral de l’interdiction dans la marne, fut démolie 6 ans plus tard en 1976131(Fig.43), laissant place au nouveau port de plaisance de Joinville le Pont, encore actif aujourd’hui.
129 Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 96W12 13, Registre de délibération 1976 130 Ici il est fait allusion à la Piscine Hevette inaugurée le 28 octobre 1968 131 Première photographie aérienne du Port de plaisance de Joinville le Pont, C2114 0061_1976_FR2809_0257, n°257, 22/08/1976
Enfin la plage de Champigny (Fig.44 et Fig.45), fermée en 1970 après l’arrêté préfectoral interdisant la baignade dans la Marne, fut transformée en base nautique en 1973 et est toujours en activité aujourd’hui. Malgré le fait qu’on ne puisse plus se baigner, le lieu offre une vaste étendue d’herbe sur laquelle il est possible de s’allonger pour s’adonner au plaisir du bronzage face au fleuve et regarder les utilisateurs des canoës et des kayaks que l’on peut louer sur place. La transformation en base nautique semble être une solution probable pour les anciennes plages fluviales, cependant seule la plage de Champigny actuelle « base nautique Roland Bouchie » a pu suivre cette voie.
La plupart des plages du corpus ont disparu. Ces bâtiments restent de moins en moins abandonnés car sont souvent démolis, encore aujourd’hui. Dans la partie suivante nous allons essayer de comprendre pourquoi. Elle sera aussi consacrée aux processus de patrimonialisation qui se sont déroulés pour deux d’entre elles : la plage de Villennes dans les Yvelines et celle de Lys Chantilly dans l’Oise désormais inscrites
Ces deux plages semblent donc sauvées.
Aujourd’hui seulement 3 plages sont abandonnées et 11 sont détruites. 3 plages, ont été rasées pendant la rédaction de ce mémoire : la plage d’Esbly en novembre 2020, lieu de baignades de moyenne taille, avec quelques cabines en forme de soucoupes et un bassin composé de pontons de bois, située en Seine et Marne ; la plage de Corbeil, décrite plutôt dans l’étude, en janvier 2021 ; enfin celle de Gournay sur Marne vu dans le chapitre précédent, également démolie en janvier 2021, souvent surnommée « le vrai Deauville Parisien » 132 durant les années où c’était encore une plage fluviale.
Ce phénomène récurrent est dû à la localisation de l’implantation des lieux de baignade. Le 22 juillet 1987 le PPRI (Plan de prévention du risque d’inondation) entre en vigueur et règlemente la constructibilité de certaines zones. Basé sur la grande crue de 1910, ce document cartographie et divise le tissu urbain en trois niveaux de danger, représentés par trois couleurs : rouge, vert, bleu, de la plus dangereuse à la plus sûre. Les plages, étant construites au bord des rivières et des fleuves, sont toutes répertoriées en zone rouge. En outre, toutes les plages du corpus se situent dans une zone dite rouge du PPRI de leur département. Sedipec, entreprise de vente de dispositifs pour la mise en conformité de la résistance de bâtiment contre les inondations, résume de manière brève et précise les contraintes qu’impose la zone rouge :
«
• Interdire les nouvelles constructions et ne pas créer de nouveaux logements
• Diminuer ou supprimer le nombre des implantations
• Réduire la vulnérabilité des enjeux existants
Permettre les transformations de l’existant qui améliorent la situation
Nous comprenons que rien ne peut être construit en zone rouge. Seule la réhabilitation est autorisée. Les appels à projet de modification ou de conservation des mairies, qui en sont propriétaires, ne sont généralement pas validés par la région du fait de cette situation, comme l’indique ces paroles du maire de la commune durant une interview pour le Parisien en 2018 au sujet de la démolition de la plage de Gournay :
«
Maire de Gournay sur Marne : La Plage était une institution, regrette t il. On la surnommait même le petit Deauville, il y a plusieurs années. J'ai proposé le site dans le cadre du concours de la Métropole mais il n'a pas été retenu. »134 Il continu son discours et prouve que la cause de ce refus de projet est dû à la situation de l’ancienne plage : « Les bâtiments ont été construits en pleine zone inondable sans aucune autorisation. Pire encore, ils se situent derrière le mur anti crue. Résultat : l'Etat interdit toute nouvelle construction. Il est juste possible de réhabiliter l'existant. Mais au vu de l'état des murs, les investissements auraient été trop importants. »
Cette couleur rouge dans le PPRI, le stade avancé du délabrement des plages et la non reconnaissance de leur potentielle valeur patrimoniale, sont des facteurs défavorables pour leur conservations Malheureusement ces plages ne font pas office d’une protection quelconque. Peu de communes du corpus ont fait la demande d’une valorisation de leur patrimoine au travers l’installation d’une ZPPAUP. La création des ZPPAUP remonte en 1979 (zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) et seules les communes du Pecq et de Draveil, qui ont eu une plage, suivent ce programme. Malheureusement les plages avaient été détruites avant.
Finalement, à part la plage de Champigny reconvertie en base nautique et la plage de l’Isle Adam, aucune autre plage n’a été réhabilitée. L’architecture, trop spécifique, dédiée à l’usage d’une baignade désormais interdite, semble rendre la tâche de reconversion trop ardue. Ainsi la démolition s’opère très souvent et attend potentiellement toutes les plages qui existent encore, comme la plage de Maisons Alfort, la plage de Ris Orangis. Celle de l’Isle Adam semble sauvée car elle a su évoluer.
134 Sébastion THOMAS, « Gournay sur Marne : la plage n’est plus », le Parisien, nov 2018, leparisien.fr
La protection patrimoniale semble donc être la seule solution pour conserver les plages. Seulement l’intérêt pour celles ci est récent et nous verrons plus tard dans la recherche pourquoi les plages de Villennes et du Lys Chantilly paraissent aussi hors de danger.
Le regard sur la notion du patrimoine en France a beaucoup changé au fil des derniers siècles. Françoise Choay dans son livre L’allégorie du patrimoine135 , informe que le champ des bâtiments éligibles à devenir des monuments historiques a beaucoup évolué. Jusqu’en 1960, les monuments historiques les plus récents dataient du milieu du XIXe siècle. Françoise Choay affirme que c’est à ce moment là que des termes que nous connaissons aujourd’hui émergent : « vernaculaire », « architecture mineure », « architecture industrielle ». L’Inventaire général du patrimoine culturel créé en 1964 par André Malraux, vise à répertorier tous types de productions matérielles, architecturales ou non, possédant un potentiel éventuel. Les CAUE, créés en 1977, ont pour mission, à l’échelle départementale, de mettre en avant les qualités architecturales, paysagères et patrimoniales d’un territoire. La nécessité de s’intéresser à ces nouvelles « catégories » est aussi portée par des évènements notables. La déclaration du 2 août 1978 de Jean Philippe Lecat, ministre de la Culture, qualifie 1980 comme « année du patrimoine ». D’après un article d’In Situ, cette déclaration renforce le rôle des associations et des propriétaires privés dans les démarches de protection136. La recommandation n°R 91 31137 adoptée par le Comité des Ministres le 9 septembre 1991, lors de la 461ème réunion des Délégués des Ministres, vise à mettre en place une tendance de sauvegarde de tout patrimoine selon des critères objectifs. Elle encourage la « sensibilisation du public au patrimoine » et la « formation de spécialistes » en Europe. La variété des acteurs, publics ou privés, leurs dialogues avec les chargés de la
135
Françoise CHOAY, l’Allégorie du Patrimoine, La Couleur des idées, 1996
136 Enora JUHEL, Sophie LOPPINET MÉO et Clémentine ALBERTONI, « Chargé de la protection des monuments historiques : un professionnel du patrimoine au métier diversifié », In situ, revue des patrimoines, 2016, p.5
137 Recommandation n R (91) 13, Comité des ministres aux États membres, relative à la protection du patrimoine architectural du vingtième siècle, adoptée par le Comité 9 septembre 1991 lors de la 461e réunion des Délégués des Ministres, rm.coe.int
protection des monuments historiques (des professionnels qui portent et valident les projets de protections) permettent un écrémage et une sauvegarde des richesses apportées par les deux siècles précédents.
Cependant, malgré ces avancées de politique patrimoniale, Christian Dupavillion, directeur du Patrimoine, nous rend compte dans l’avant propos du cahier de l’inventaire l’Architecture du Sport paru en 1991, que la protection des bâtiments sportifs est sous développée. Il fait aussi part de la richesse de l’Ile de France en termes d’architecture d’équipements sportifs du XXe siècle.
« Au cours d’un colloque, « Les enjeux du patrimoine architectural du XXème siècle », en 1987, il était remarqué que sur deux cent quatre vingt dix neuf édifices inscrits ou classés postérieurs à 1900, Paris, L’Ile de France en comptait cent cinquante. C’est à dire l’important potentiel en nombre et en qualité de ces constructions en Ile de France. En affinant ces statistiques, on remarque qu’à ce jour, six protections seulement s’appliquent aux équipements sportifs. »
Afin d’encore plus valorisé le patrimoine du XXe siècle, le label patrimoine XXe est créé en 1999138 d’après Laurence Schlosser, dans son mémoire, « Le label « Architecture contemporaine remarquable » appliqué au patrimoine des piscines des Hauts de France : 1917 2017 ». On dénombre, en 2017, plus de 2500 bâtiments de cette époque labellisés. Le fonctionnement de ce label ne relève pas d’un dispositif de protection comme les inscriptions et les protections aux Monuments Historiques. Il permet de marquer les bâtiments remarquables de cette période à l’aide d’une plaque et d’un logo, pour permettre de sensibiliser le public à cette architecture proche d’une période dans laquelle il évolue. Cette politique de patrimonialisation, cherchant à étendre son champ de protection de plus en plus, continue d’évoluer avec la création et la redéfinition de
138 Circulaire du 25 octobre 1999 sur le label « Patrimoine du XXe siècle », complété par la circulaire n°2001/006 du 1er mars 2001 relatives à l’institution d’un label Patrimoine XXe siècle
label en 2017, « label Architecture contemporaine remarquable
Celui ci permet de cibler encore plus la valorisation du patrimoine récent, puisqu’il est applicable aux bâtiments ayant moins de 100 ans. Aujourd’hui, seuls les bâtiments construits après 1922 sont éligibles. Les plages fluviales étudiées dans ce corpus et encore debout aujourd’hui ne sont pas labellisées mais sont encore éligibles puisque construites dans les années 1930. Pour la plage de l’Isle Adam, et d’autres plages disparues aujourd’hui, les dates de constructions sont compliquées à trouver. Descendantes d’anciens lieux de baignade sauvage, déjà un peu construits de manière clandestine au XIXe siècle, la date de construction serait difficile à déduire. Ce label semble donc difficilement applicable et ne permet pas la valorisation du patrimoine des plages fluviales. On peut d’ailleurs observer l’absence des typologies étudier dans cette recherche dans la conclusion de Laurence Shclosser en 2017 :
« Parmi la trentaine de piscines sélectionnées, la majorité d’entre elles sont des piscines couvertes, sauf la piscine de l’usine Béghin de Corbehem, la piscine de la cheminote d’Amiens, le stade nautique de Caudry et la piscine d’été de Compiègne. Seulement trois piscines municipales de l’Entre deux guerres ont été retenues »
Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, le début des plages fluviales est très lié au début des bains mer et de l’architecture balnéaire. L’architecture des plages fluviales dans son implantation et dans sa forme s’inspire fortement de l’architecture balnéaire, une architecture qui inspire les vacances. Depuis les années 1990 l’architecture balnéaire fait l’objet de recherches historiques et commence d’après Michèle François par la publication pour l’Inventaire générale (Revue de l’Art 1993 n°101 « l’architecture des bains de mer : un patrimoine marginalisé ») de Bernard Toulier. Ce texte montre à quel point l’architecture balnéaire est peu mise en avant que ce soit celle des casinos, des stations balnéaires ou des
139 Laurence SCHLOSSER, Le label « Architecture remarquable » appliqué au patrimoine des piscines des Hauts de France, mémoire sous la direction de Stéphanie CELLE, école du Louvre, 2017, p.11
piscines. Les bains mer ont subi le même sort que les plages fluviales, pour citer quelques exemples, l’immense piscine du Touquet Paris Plage a été démolie dans les années 1980, la piscine de Trouville a également été détruite à la fin des années 1970.
Les écrits de Bernard Toulier ont d’ailleurs, d’après Michèle François et Valérie Gaudard, permis la labellisation de la Grande Motte, conçue par Jean Balladur dans les années 1967 1968. L’ensemble est label XXe depuis 2009.140 Ainsi de nombreuses stations balnéaires font office de label tel que la station Balnéaire de Gruissan en 2012.
Entre 2016 et 2017 a lieu une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’exposition « Tous à la plage » dirigée par Bernard Toulier, visant à faire connaître l’architecture des vacances et le patrimoine balnéaire.
On peut émettre l’hypothèse que ce regain d’intérêt très récent pour ce type d’architecture, dont sont inspirées fortement les plages fluviales, participe à un regain d’intérêt pour les édifices de notre corpus, leurs semblables.
140 Michèle FRANÇOIS, Jean Balladur et la Grande Motte L’architecte d’une ville, Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles (drac) du Languedoc Roussillon Conservation régionale des monuments historiques (crmh) 2010, p.8
Les anciennes baignades des années 30 sont des témoins symboliques d’un contexte social du début du siècle dernier. L’inscription aux Monuments Historiques dans les années 2000 a permis de conserver deux plages pourtant en zone rouge au PPRI et abandonnées depuis longtemps. Il s’agit de la plage de Villennes141 située dans les Yvelines et la plage du Lys142 dans l’Oise. Dans cette dernière partie, nous allons essayer de comprendre quelles sont les raisons qui ont abouti à cette protection et si d’autres plages ont connu un processus de patrimonialisation. Nous allons ensuite dans un second temps analyser le déroulé de l’inscription aux Monuments Historique et voir ce qu’il est advenu des deux plages.
141 Le préfet Daniel CANEPA, arrêté n°2009 379, portant inscription au titre des Monuments Historiques des façades et des toitures du bâtiment principal ainsi que certaines installations balnéaires de la Plage de Villennes situées Ile du Platais et chemin latéral à Medan (Yvelines), 26/03/2009
142 Le préfet François COUDON, arrêté portant inscription au titre des Monuments Historiques de la piscine fluviale dite « Plage du Lys » à Boran sur Oise (Oise), 12/04/2014
Les plages de Villennes et du Lys se démarquent des autres plages par leurs tailles. Elles sont bien plus grandes et mieux équipées que les baignades que nous avons analysées jusqu’à maintenant. Pour Villennes, outre le fait que l’édifice était doté de terrains de volley, de tennis et d’un solarium, la taille des bassins permettait, selon Agnès Chauvin chargée de la description de la plage pour la D.R.A.C Ile de France, « d’accueillir 9 lignes de compétitions de natation » grâce à ses dimensions de 11mx25m. Plus impressionnant, la plage du Lys est un grand complexe qui comprend 230 cabines, 750 vestiaires, un parking, un bar restaurant dansant, un camping, un bassin d’eau filtrée et pour finir une piscine à vagues artificielles surplombée d’un toboggan de 10 mètres143 Sur le plan architectural, les deux édifices possèdent des attributs caractéristiques du style « paquebot ». Cette tendance qui touche principalement l’architecture, mais aussi les objets du quotidien, apparaît à la fin du mouvement art déco dans les années 1930 1940.
Quelques exemples remarquables de cet esthétique : Pierre Patout, « Le Paquebot », 15ème arrondissement de Paris, construit en 1934 et classé monument historique en 2020 (Fig.46); René Ajoux, « immeuble cascade » construit à Bruxelles en 1939; la « Tour Einstein » construite en 1924 à Postdam en Allemagne par Erich Mendelsohn considéré comme expressionniste mais précurseur de l’Architecture dite « Paquebot ». Cette architecture est caractérisée par des lignes courbes et le mimétisme des productions navales de l’époque. Souvent en béton recouvert d’un enduit blanc, ses traits épurés et des ouvertures parfois en hublot rappellent les bateaux transatlantiques qui reliaient l’Europe de l’Ouest à l’Amérique du Nord. Ces deux continents sont les principaux territoires touchés par l’architecture paquebot encore appelée « Streamline modern » aux États Unis.
Antoine Lebas décrit un bâtiment de la même période, le bâtiment nautique de l’I.N.S (Institut National des Sports) (Fig.47). Ce bâtiment, construit dans les années 1930 a la même implantation que les plages fluviales mais c’est un club d’aviron, pratique commune sur la Marne. Antoine Lebas décrit ce bâtiment et démontre son appartenance au style paquebot décrit ci dessus. Il poursuit en citant une remarque de P.Sabatou, dans l’Architecture d’Aujourd’hui, à propos de l’architecture paquebot en 1934144 :
« Le formalisme de certaines constructions sportives apparaît surtout dans les clubs nautiques. Quels que soient la latitude et le cours d’eau qui baigne leur fondation, nous retrouvons trop souvent cette facilité d’user, et même d’abuser, de formes, de plagiat plus ou moins heureux, d’éléments constructifs et techniques d’un paquebot […] »
Cette critique montre que ce style architectural était très présent dans les années 1930 et ne faisait pas l’unanimité dans les avis de la presse spécialisée. Ici P.Sabatou semble même irrité par la redondance de ce style et de son utilisation dans les établissements fluviaux sportifs et donc des plages fluviales étudiées dans le corpus datant de la même époque. La plage de Villennes a été fermée en raison de la baisse de fréquentation (10 000 visiteurs en 2002145) et de sa situation isolée sur île. Cette mise à l’écart est renforcée du fait de la disparition de
Fig. 48 MAP, D/1/78/26, 78384 3 1, op cit, Photographie. Agnès CHAUVIN « l’embarcadère et le guichet depuis l’île », 01/2008
Villennes », p.3, 11/2008 146 (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral ». Agnès CHAUVIN, Rapport justificatif, « Yvelines, MEDAN, Ile de Platais, Plage de Villennes », p.1, 11/2008
du PPRI des Yvelines, elle figure à partir de 2002 en zone rouge dans le PPRI147, rendant impossible toute construction à proximité. Pour la plage du Lys Chantilly, elle a été abandonnée dans les années 80 pour les mêmes raisons et surtout à cause de la qualité de l’eau qui causa des cas de poliomyélite en 1954148 .
Comme nous avons pu le voir précédemment, toutes les baignades relevées pour cette étude sont situées en zone rouge dans le PPRI, rendant les projets de réhabilitation difficiles et de construction impossibles. Ces mauvaises dispositions et le fait qu’elles soient abandonnées, encouragent leurs destructions. Aujourd’hui toutes les plages abandonnées sont des propriétés municipales. Les mairies, ne pouvant organiser aucune activité dans ces lieux, attendent un acheteur privé potentiel ayant un projet pour les plages. Devenant une contrainte pour les municipalités qui en sont responsables et qui n’en tirent aucun bénéfice, leur permis de démolition est souvent accordé. La plage de la Villennes a été abandonnée en 2003 et inscrite aux Monuments Historiques en décembre 2009. Elle est donc restée abandonnée et sans protection pendant 6 ans ce qui semble très court par rapport à la plage du Lys abandonnée dans les années 1980 et inscrite aux Monuments Historiques en 2014, soit 35 ans environ d’abandon sans protection.
En 2005, la commune de Boran a racheté l’ensemble, seul le bassin n’appartient pas à la ville mais à l’État par le biais de la VNF, les Voies Navigables de France, un établissement public sous la tutelle de l’État dont la mission est de s’occuper du réseau de voies navigables en France.
Les recherches sur le processus de patrimonialisation des plages de Villennes et du Lys révèlent d’un paradoxe. Le cahier de l’inventaire
n°23 l’Architecture du Sport, écrit par Antoine Lebas en 1991, a joué un rôle majeur dans la reconnaissance du patrimoine sportif. Il dédie notamment certains chapitres aux établissements nautiques de la Marne149, aux équipements de natation et, dans un ultime chapitre150, fait référence à des édifices qui se rapprochent fortement des plages fluviales étudiées dans le corpus de ce mémoire. Dans les rapports d’inscriptions aux Monuments Historiques des deux plages,
147
Préfecture des Yvelines, service de Navigation de la Seine, « présentation du PPRI des Yvelines », yvelines.gouv.fr, 2007
Isabelle DUHAU, Les baignades en rivière en Ile de France…, Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007
Antoine LEBAS, op. cit, 1991, p.28 29
Antoine LEBAS, op. cit, 1991, p.95 98
ce livre est utilisé comme élément de bibliographie. Pourtant, aucun passage du cahier de l’inventaire ne fait spécifiquement référence aux plages de Villennes et du Lys Chantilly. Le cahier cependant fait une première analogie entre la naissance des plages fluviales et des piscines découvertes dans la périphérie de Paris, qui s’inspire des grandes piscines parisiennes comme la piscine du Lido ou encore plus marquante la piscine Delormel. Pour illustrer la baignade au bord des fleuves, l’auteur Antoine Lebas fait allusion au « Beach », une piscine découverte, implantée dans du sable et entourée de cabines. Elle a été inaugurée par la société Beach Sport Nautique (créée pour la construction de la plage la même année) en 1933 à St Maur des Fossés. Le style architectural de ce bâtiment est le même que celui des plages, à savoir un style paquebot. Il décrit également comme l’I.N.S dans ce même chapitre, le bâtiment présenté ci dessus.
Il est fréquent que lorsqu’un bâtiment abandonné possède des caractéristiques architecturales « intéressantes », des associations ou des particuliers portent des projets pour leur conservation ou leur reconversion.
Ce genre d’entreprise a eu lieu pour la plage d’Esbly (Fig.50) en 2017 avec « la Foule d’eau » qui fait partie du « Collectif de la Plage ». Amar Benbia président de « la Foule d’eau » raconte qu’il a découvert par hasard cette plage abandonnée en 2011 en se promenant sur le bord de la Marne. Il souhaitait donc créer un centre culturel dans l’ancien lieu de baignade. Grâce à l’aide de l’association « Collectif de la Plage », il propose à la mairie son projet de restructuration de la plage en 2017. Les problématiques de PPRI se sont imposées et une solution intéressante a fait surface pour contourner ces règles :
« Le terrain étant situé en zone inondable, les nouveaux équipements devront être amovibles. Le bassin de la piscine pourrait ainsi être transformé en une salle de représentation recouverte d'un toit démontable. » 151
151
Alexandre ARLOT, « Esbly, ils rêvent de créer un centre culturel sur la friche de la Plage », Le Parisien 25.04.2017
Dans cette citation qui provient d’un article écrit par le Parisien en 2017, Amar Benbia montre qu’il souhaitait simplement réhabiliter l’existant et apporter des équipements modulables dans le cadre du nouveau centre culturel. Cette solution semblait pertinente dans la mesure où le PPRI n’autorise que la réhabilitation de l’existant et interdit la construction d’éléments pérennes. L’article semble indiqué que le projet est soutenu par la mairie après interrogation de la maire de la ville : « Le projet nous a immédiatement séduit », confie Valérie Pottiez Husson (LR), à la tête de la commune depuis 1993.
Malheureusement pour ce qui est de la tentative de sauvegarde de cette plage, et comme indiqué dans la partie précédente, la plage d’Esbly après avoir subi un incendie152 en 2020 a été démolie la même année. L’association avait pourtant pu acquérir l’aide du département de Seine et Marne avec l’initiative de « l’agence 77 », organisme associé du conseil départemental.
Aucune autre tentative de sauvegarde par une association ou un autre acteur que le ministère de la culture, à travers la CRPA, n’a été trouvée pour d’autres plages du Corpus. Cependant la plage de Ris Orangis, à travers cette photographie prise en 2015 (Fig.50) par la mairie de la commune, semble avoir été un temps restaurée, mais les origines de cette restauration sont inconnues, et l’état actuel de la plage montre qu’elle a été encore une fois abandonnée. (Fig.51)
Fig. 50 Team Urbex, « La plage d’Esbly », photographie d’exploration, 06/2021
152 Guénaèle CALANT, « Esbly Isles les Villenoy : le bâtiment de l’ancienne Plage sera démoli en début de semaine », Le Parisien, 15.11.2020
Pour la plage du Lys, aucun article faisant part de son état entre son abandon et son inscription n’a été trouvé. Ce qui représente une absence d’information sur 35 ans. Un an après l’abandon de la plage de Villennes153, seulement un article dans la presse communale est paru pour tenter de préserver la mémoire de l’endroit. Selon l’article, aucun acquéreur ne souhaitait acheter la plage à cause de la réglementation mise en vigueur par le PPRI en 2002, classant la plage en zone rouge et donc non constructible. Il semble cependant que certaines associations aient essayé d’obtenir une autorisation pour revoir cette norme, mais sans résultat. « Tout le monde se bat pour que la Seine redevienne un fleuve touristique », appuie le maire de Médan154 dans une interview dans la presse communale. Ces procédures de déclassement ont échoué, la baignade étant aujourd’hui toujours en zone rouge.
Les deux plages sont tombées dans l’oubli et n’ont fait l’objet d’aucune publication. En 2005, Jean Bernard Vialle qui travaille pour l’inventaire général publie sur la base Mérimée plusieurs fiches rassemblant des prises de vues photographiques155 de la plage de Villennes dans les années 2000. Ces fiches indiquent que les photographies de Jean Bernard Vialle sont en référence dans l’image du patrimoine n°200 p.77. Malheureusement ce livre n’a pas pu être consulté car il est introuvable. En 2005156 et 2007157, Isabelle Duhau produit deux études. L’une s’intéressant à l’histoire de la piscine de Villennes et l’autre à l’histoire de la baignade en générale en Ile de
153 V.B et V.F, « Le triste été de la plage de Villennes », Le Parisien, 12.08.2004
154 V.B et V.F, « Le triste été de la plage de Villennes », Le Parisien, 12.08.2004
155 Jean Bernard VIALLE, « Piscine, tennis dite plage de Villennes », IVR11_20007800857XA, Photographie (mémoire), 03.04.2005 op. cit, IVR11_20007800854XA, Photographie (mémoire), 03.04.2005 op. cit, IVR11_20007800852XA, Photographie (mémoire), 03.04.2005
156 Isabelle DUHAU, « À Physiopolis, la cité de nature de Villennes sur Seine (Yvelines). La doctrine naturiste des docteurs Durville », Actes du Xe colloque d’histoire régionale de la fédération des sociétés historiques et archéologiques de Paris et de l’Ile de France, tome 56, 2003
157 Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivières d’Ile de France...», Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p. 8 38.
France jusqu’à aujourd’hui et apportant des descriptions sur les deux plages. Ces deux études sont des éléments clés sur lesquelles se sont appuyées Agnès Chauvin pour Villennes et Sandrine Platerier pour Lys, dans leur travail de recenseuses des monuments historiques. Leurs études présentent un historique des deux plages et décrivent leur grandeur et les différents équipements qui les composent. Elles étaient également chargées de faire un relevé photographique fonctionnant comme un diagnostic de l’état actuel des plages étudiées. Celles ci ont ensuite été examinées pendant les commissions régionales du patrimoine et des sites qui ont inscrit par décision préfectorale aux Monuments Historiques ces deux plages. On remarque donc que peu d’informations durant la période d’obsolescence des deux plages nous sont parvenues. La plage de Villennes, toujours abandonnée, est un lieu d’exploration urbaine connu. Cependant, sa visite sauvage a l’air pratiqué depuis 2008, l’année de son inscription aux Monuments Historiques. Aucune photographie d’urbex antérieure à cette date n’a été découverte durant cette recherche. De plus, les photographies issues d’explorations urbaines les plus anciennes datent de mai 2010 et montrent que la plage n’avait subi que l’apparition d’une patine naturelle, et le développement de plantes. Elle semble n’avoir connu que très peu d’actes de vandalisme et était très bien conservée grâce à son oubli. La protection a insufflé un regain d’intérêt des explorateurs urbains pour ce lieu, explorateurs qui sont actuellement les seuls « usagers » ayant des interactions avec elle.
Durant ces commissions, la plage de l’Isle Adam a souvent été utilisée comme antilogie pour justifier la pertinence des protections des piscines de Villennes et Lys Chantilly. « La plage de l’Isle Adam a été totalement restaurée et modernisée. Si elle sert toujours de complexe nautique et a conservé sa forme d’origine, elle n’a plus vraiment de rapport avec le genre particulier des piscines fluviales. » 158
« Celle de L’Isle Adam possède aussi une plage au bord de l’Oise ainsi que des bassins et des courts de tennis parmi les plus anciens de la région parisienne. Mais les équipements et les cabines sont de moindre importance et sont construits dans un style proche de celui des constructions saisonnières. »159 L’architecture des deux plages, comme dit précédemment, témoigne du style paquebot et cette caractéristique a pesé dans les deux cas, et surtout pour la plage du Lys, à la validation de leurs inscriptions. En effet cette dernière avait déjà fait l’objet d’écrits dans la presse spécialisée vantant ses qualités architecturales.
« Il faut voir tout cet ensemble durant les beaux jours de week end, être témoin du plaisir que donnent tous ces ingénieux arrangements à la foule joyeuse qui s'y ébat, pour apprécier à sa valeur ce magnifique jouet qui vient d'être donné aux citadins » 160 , « excellente réalisation » 161. Ces attributs ont ressurgi durant la commission et ont été décisifs à sa patrimonialisation. « Son architecture moderne ne doit plus rien au pittoresque de ce qui marquait la plage de l’Isle Adam. Son intérêt formel est sans conteste. La composition de l’ensemble s’impose par son caractère monumental ; l’intégration dans le site est remarquable ; l’élégance des formes, en particulier celles du toboggan et du plongeoir, retient l’attention » 162. La plage de Villennes a surtout été protégée grâce à son contexte historique qui met en jeux des acteurs et des pratiques
158 Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087 600861 3 001, « Piscine fluviale dites « Plage du Lys ». Sandrine PLATERIER extrait du CRPS : « OISE BORAN LA PLAGE DU LYS », p.4, 14/11/2013
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral ». Agnès CHAUVIN, Rapport justificatif, « Yvelines, MEDAN, Ile de Platais, Plage de Villennes », p.1, 11/2008
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emblématiques de la fin du XIXe et le début du XXe siècle.163 Cependant son enveloppe architecturale n’a pas été déterminante « L’importance architecturale des bâtiments est assez limitée »164 . L’état de conservation exceptionnelle a cependant joué un rôle majeur pour les deux anciennes baignades, dû à leurs positions éloignées de la commune. « La plage de Villennes est sans doute l’ensemble le mieux conservé d’Ile de France et une des rares qui soit restée aussi longtemps en activité » 165 , « C’est sans doute la difficulté de son accès uniquement par bateau, qui l’a préservée du vandalisme ». 166La plage du Lys a également eu la chance d’être dans un état de conservation d’une grande qualité et n’a pas subi beaucoup d’actes de vandalisme. Seuls les matériaux s’étaient patinés par le manque d’entretien et avaient souffert de la mousse et des plantes qui reprenaient leurs droits (Fig. 52).
Aujourd’hui, et depuis son inscription aux Monuments
Historiques, la plage du Lys a bien évolué. En effet, elle a été entièrement restaurée (Fig.53), remise aux normes et ré ouverte en 2016 pour pouvoir être louée, organiser des évènements, ouvrir un bar. En 2019, c’est la fin des travaux de la plage du Lys qui se voit équipée d’un restaurant. Ce projet fut mené par un particulier, Guillermo Spivak, avec l’aide de la mairie de Boran. Il est cependant toujours impossible de se baigner dans le bassin du fait de l’interdiction de baignade dans l’Oise.167
La plage de Villennes quant à elle, malgré cette inscription, est dans un stade de détérioration bien plus avancé qu’en 2008. La plage est devenue un site très prisé des pratiquants de l’exploration urbaine et est connue sous le surnom de « parc aquatique des grenouilles » 168. Bien que difficilement accessible, elle a subi des actes de vandalisme comme nous pouvons le voir sur les photographies actuelles de la plage. La plage qui était blanche lors de son inscription et encore deux ans après, est aujourd’hui grise et couverte de graffitis (Fig.54).
Un projet de réaménagement et de réhabilitation des berges et des bâtiments classés pour créer un hôtel, un centre de balnéothérapie et un restaurant de la plage de la Villennes était prévu en 2017169 .
Ce projet aurait été financé par le nouveau propriétaire de la plage de Villennes, M. Franck Arrous, promoteur immobilier. L’aménagement des berges à proximité de l’île de Medan et la réhabilitation en hôtel est discuté depuis plusieurs années170 . Cependant malgré la dernière demande de projet, la cité balnéaire est toujours sans fonction.
https://www.oise.gouv.fr/Actualites/Se baigner sans danger rappel des mesures de securite Se baigner sans danger rappel des mesures de sécurité
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Une association Mainstenant, un collectif est créé en 2016. Elle rassemble des architectes et des sociologues pour tenter de protéger des tiers lieux en Ile de France. Ce groupe avait pour ambition de créer un éco lieu ouvert à tous : « Et pour son premier projet, la belle équipe a eu la folie des grandeurs : redonner vie à une station balnéaire des années Trente pour en faire une sorte de village témoin où l’agriculture urbaine serait reine, la plage de Villennes sur l’île du Platais (78). De l’aquaponie dans le bassin, une mini ferme, des jardins partagés, les idées ne manquent pas pour initier un chantier qui se veut avant tout collaboratif. » 171 Il ne paraît pas possible que nous puissions aujourd’hui faire de l’aquaponie dans les anciennes piscines de Villennes dont l’eau a vu naître un écosystème d’algue et selon Thimothy Hannem, des grenouilles après ses 17 ans d’abandon : « Dans les eaux stagnantes remplissant le fond, une colonie de grenouilles et de crapauds semble couler des jours heureux » 172 .
Les plages de la Seine et de ces affluents ont connu 3 grandes périodes. Leur naissance provient d’une pratique très ancienne, qui se développe de plus en plus au milieu du XIXe siècle : la baignade sauvage dans les rivières. La relation de l’Homme avec les cours d’eau naturels fonctionne de manière cyclique et la pratique de la baignade fut le commencement d’une nouvelle ère. Peu à peu, les vertus hygiéniques que l’on trouve aux eaux naturelles se transforment en loisirs. On assiste alors à la naissance des plages marines et fluviales. L’une est réservée à une population aisée, pouvant se déplacer et accéder aux mers et à l’Océan. L’autre permet de combler le désir du rivage des classes parisiennes moins aisées.
Peu à peu les plages fluviales publiques et privées conquirent les rivières et les fleuves des anciens départements de la Seine, devenant de plus en plus grandes et proposant des services de loisirs de plus en plus sophistiqués. Gardant toujours la baignade comme élément central de leurs activités, de nombreuses campagnes de publicité en faisaient la promotion et certaines opérations de lotis en faisaient leurs premiers arguments pour attirer de nouveaux habitants.
Malheureusement, fonder un service autour d’un élément défectueux ne peut pas durer éternellement, et la pollution de l’eau des fleuves, déjà connue et décriée, ronge depuis longtemps la réputation des plages fluviales. Ce problème est à l’origine d’arrêtés préfectoraux : à Paris, dans la Seine en 1923 (ce qui explique l’inexistence de ces typologies dans la capitale) ; puis dans l’Oise en 1954 où les plages survivent en perfectionnant les méthodes de filtrations de l’eau dans leurs bassins ; enfin dans la Marne en 1970.
Cette fois ci le coup porté est fatal et la baignade de la Marne s’évanouit. Dans le même temps, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des avancées technologiques et des changements sociaux ont peu à peu vidé d’intérêt de l’existence des plages fluviales en Ile
de France. La multiplication des piscines couvertes portée par un désir de performance lors de compétitions internationales et plus tard, dans les années 1970, par le projet étatique des « mille piscines », changent et transforment la pratique de la baignade. La natation en tant que sport est désormais mise en avant. Les plages ouvertes seulement l’été ne permettent pas de s’entraîner dès qu’on en ressent le besoin, elles sont donc moins fréquentées. La démocratisation de l’automobile a aussi participé à la déshérence des plages fluviales. Deauville et Trouville qui, depuis si longtemps, font envie, sont désormais facilement accessibles. Le nombre de stations balnéaires augmente et la plage fluviale perd son intérêt estival. Dans les années 1980, seulement deux plages sont encore actives en Ile de France : la plage de Villennes qui, au début des années 2000, finit également par être abandonnée et celle de l’Isle Adam, toujours en activité. Les autres plages du corpus ont disparu, remplacées par des piscines ou devenues des bases nautiques ou des espaces rappelant les guinguettes. Ces deux derniers usages semblent également répondre à un cycle puisqu’ils rappellent les premiers plaisirs des rivières. Émile Zola décrit dans son roman Au bonheur des Dames en 1883, la guinguette du « restaurant julien » et les satisfactions offertes par un Dimanche au bord de la Marne. Monnet et Renoir, à la fin du XIXe siècle, peignent des instants de canotage le long des rivières ou des fleuves. La transformation en guinguettes et en bases nautiques sont deux exemples de réhabilitation possible pour les plages qui ont pu être sauvées telles que la plage de Champigny, la plage du Lys et celle de Meaux Trilport.
L’intérêt pour les plages fluviales semble très récent et découle de l’intérêt pour l’architecture balnéaire. Aujourd’hui, deux plages fluviales sont inscrites depuis les années 2010 aux Monuments Historiques : la plage du Lys et celle de Villennes. Bien que la plage du Lys soit sauvée désormais grâce à cette protection et son nouvel usage, la plage de Villennes dans les Yvelines est dans un état d’abandon bien pire qu’avant son inscription. En effet celle ci a attiré de nombreuses personnes comme des explorateurs urbains qui malgré eux, de manière volontaire ou non, détériorent l’ancienne plage.
Depuis les interdictions des baignades dans la Seine, l’Oise et la Marne, l’envie de baignade perdure. Lorsqu’il était maire de Paris,
Jacques Chirac avait pour volonté de rendre la baignade dans la Seine possible à Paris. Ce n’est possible aujourd’hui que par le biais de la piscine Joséphine Baker construite en 2009173, et dont la forme n’est pas sans rappeler celles des bains Deligny présentés au début de cette recherche. Il a été possible cette année de se baigner entre les pontons de bois démontables des bassins de la Villette du canal de l’Ourcq174. Aujourd’hui l’eau de ce canal est très contrôlée et rassemblait les conditions bactériologiques suffisantes pour la baignade durant l’été 2021. Anne Hidalgo, maire de Paris, dans la continuité des vœux de Jacques Chirac, souhaite rendre possible la baignade dans la Seine pour 2024, lors des jeux Olympique, et en 2025 pour tous les Parisiens. En 2017, une étude sur la population fluviale de la Seine a répertorié l’existence de 35 espèces de poissons différentes contre seulement 2 différentes en 1970175. On assiste donc à une amélioration de la qualité de l’eau de la Seine.
Dans l’Oise on peut toujours se baigner face au rivage de la plage de l’Isle Adam, malgré ses nombreuses transformations.
Dans la Marne, la plage de Meaux, à ne pas confondre avec la plage de Meaux Trilport analysée dans cette étude, permet chaque année la baignade fluviale depuis 2007 et ressemble aux anciens lieux de baignades sauvages.
Le rapport aux fleuves est un cycle comme nous le montre les transformations des anciennes plages vers un retour à des usages plus anciens, et le début de nouvelles plages qui rappellent le début des plages fluviales des anciens départements de la Seine. Pourrions nous un jour voir la naissance de grandes plages fluviales en Ile de France ?
173 Isabelle DUHAU, « Les baignades en rivières d’Ile de France...», Livraisons d’Histoire de l’architecture, n°4, 2007, p. 35
174 Auteur inconnu, « Baignade dans le bassin de la Villette », été du canal, 01/05/2021, tourisme93.com
175 Charley ZARAGOVA,« Sera t il possible de se baigner dans la Seine en 2024 ? », Paris Secret, 09/06/2021, parissecret.com
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https://remonterletemps.ign.fr photographies aériennes
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Archive communale de Corbeil Essonne, BIB 2 2 24 « Pont, quais, port, digue, baignade, avoirs», ensemble de carte postales
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, « Bord de Marne, aménagement de l’ancienne plage » 96W12 13, registre de délibération de 1952 1980
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 107W9, « Construction d’une piscine sur la Marne », Projet de construction d’un bassin d’eau filtrée, ensemble de plan et coupes G. Manuel, juillet 1955,
Archives Documentation Mairie de Maisons Alfort, 7 Fi 854, ensemble de cartes postales
Archive départementale de Seine et Marne, « Etablissements dangereux et insalubres (installations classées, SEVESO). Services de la préfecture », PF91/7 M. Martin, restaurateur "Plage de Meaux". Dépôt de gaz propane
Archive départementale de Seine et Marne « Reconstruction, dommages de guerre. Services de l'Etat », SC11074 QU7356DS : la plage de Meaux (Trilport, bain et sport nautique, demande de réparation à la préfecture pour dommages de guerres
Archive départementale de Seine et Marne « Reconstruction, dommages de guerre. Services de l'Etat », QU414SP : Saint Mammès (plage et installations), demande de réparation à la préfecture pour dommages de guerres
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/78/26, 78384 3 1, « La plage de Villennes sise Ile de Platais et chemin latéral » historique et délibération, retranscription et délibération du jury, ensemble de plan et photographies
Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine (MAP), D/1/60/12, PA6000087 600861 3 001, « Piscine fluviale dites « Plage du Lys » », historiques et délibération, retranscription et délibération du jury, ensemble de plan et photographies
Recommandation n R (91) 13, Comité des ministres aux États membres, relative à la protection du patrimoine architectural du vingtième siècle, adoptée par le Comité 9 septembre 1991 lors de la 461e réunion des Délégués des Ministres
Circulaire du 25 octobre 1999 sur le label « Patrimoine du XXe siècle », complété par la circulaire n°2001/006 du 1er mars 2001 relatives à l’institution d’un label Patrimoine XXe siècle
Le préfet Lucien LANIER, arrêté préfectoral n°613, interdiction de la baignade dans la Marne, 31 juillet 1970
« En vacances sur les plages de la Seine », 1952, https://www.ina.fr/video/AFE85004673/en vacances sur les plages de la seine video.html
« Seine et Oise », 1964, https://www.ina.fr/video/CAF97043517/seine et oise video.html
Pascal CEAUX, « la piscine Deligny coulée », France 3, 08.07.1993. Extrait d’un reportage de l’actualité régionale de Ile de France archivé par l’INA. https://www.ina.fr/ina eclaire actu/video/pac9307090725/la piscine deligny coulee
Isabelle DUHAU Conservateur du patrimoine, Mission Inventaire général du patrimoine culturel (MIGPC), Direction générale des patrimoines (DGP), Ministère de la culture et de la communication, 02.04.2021
Sandrine PLATERIER Chargée de la protection des monuments historiques
DRAC Hauts de France 15.10.2021
Agnès CHAUVIN recenseuse aux Monuments Historiques, chargée de la protection des monuments historiques à la Drac Ile de France 07.10.2021