Les Dzao, l'Hirondelle et le Village de terre

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Les Dzao, L’Hirondelle & Le village de terre Le pisé comme signature ethnique

LÊ Hoàng Anh ENSA Paris Val-de-Seine Année scolaire 2019 - 2020 Mémoire de Master sous la direction de Léo LEGENDRE


voix de Lý Dai Thông un villageois Dzao



remerciements


Mes purs et affectueux remerciements à Léo Legendre pour votre accompagnement, votre précision, votre apport intellectuel et votre sincérité dès les premières esquisses de ce mémoire. Lê Hoàng Vu pour notre collaboration, tes belles images, ton partage de connaissance sur le monde audiovisuel et ta confiance en moi dans le rôle d’ingénieur du son des courts-métrages. 1+1>2 qui m’a fait connaître le village et pour tous les documents nécessaires à la réalisation de ce mémoire. et enfin Toute la communauté des Dzao à Nâm Dam qui partagent leurs histoires avec honnêteté et amour. Tous mes proches sans vous je n’aurai pas de levier pour poursuivre mes rêves.


mode d’emploi


Le support écrit se lit comme une composition de faits scientifiques, de descriptions techniques, de restitutions de l’enquête du terrain, de notions théoriques, de citations préférées, de pensées subjectives, de confessions, d’observations personnelles, parfois articulée, parfois intercalée comme une pensée soudaine qui traverse l’esprit. La lecture de ce mémoire combine une lecture linéaire classique du support écrit et une visualisation des court-métrages sans laquelle la compréhension du mémoire serait incomplète.

Suivez le fil qui vous conduit à faire ce qui est nécessaire. Scannez votre carte d’embarquement à chaque QR code. Voyagez avec moi. Faites partie de la communauté des Dzao Chàm à Nâm Dam.


sommaire


Avant-propos.......................................................................................................12 Introduction.........................................................................................................18 Trúc Son et Nâm Dam: entre l’ancien et le nouveau l’agriculture et le tourisme construction industrielle et “vernaculaire”................................................................................22 QR • Nâm Dam est fondé • • les deux villages aujourd’hui • • • projet culturel par Caritas et Pan Nature • • • • projet architectural par 1+1>2

Les maisons en terre: témoin d’une mutation culturelle et sociale au sein du village de Nâm Dam................................................................................................46 QR • “nous avons connu les maisons en terre depuis la naissance” • • engagement officiel pour conserver les édifices en terre • • • Swallow Community House: réinterprétation de la maison en pisé par 1+1>2 et les habitants

Nâm Dam de demain entre les mains des Dzao: un avenir incertain selon plusieurs facteurs..........................................................................104 • la communauté se rétrécit: début d’une concurrence malsaine • • prototype à copier à l’identique ou relative au contexte?

QR

Conclusion..........................................................................................................120 Bibliographie.......................................................................................................124 Table des matières...............................................................................................................128 Annexe................................................................................................................130

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avant-propos

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Pourquoi Nâm Dam ?


Viêt Nam 2019

Gare routière de My Dình, Hà Nôi, 15 août, 20h30, bus de nuit, couchette numéro 12, lumière led colorée, moisissure moquette, rideaux fermés, chuchotements, ronflements, klaxons, pause toilette, sieste, bus arrivé. Gare routière de Hà Giang, 16 août, 4h30, foule, bus d’escale, place au fond, place serrée, encore 3 heures de routes, soupirs. Notre aventure commence là. Le long trajet annonce une aventure extraordinaire, à l’opposé de ce que l’on peut croire, une aventure qui dépasse toutes mes attentes, mes projections, mes doutes. Le hameau de Nâm Dam, ou “le Village de terre”, est passé pour moi d’une terre étrangère à un lieu pour lequel j’éprouve un fort sentiment d’attachement. Le col de montagne sur la nationale 4C nous mène au sommet qui offre une vue imprenable sur les vallées de la petite ville de Tam Son. On surnomme cet endroit, à 1500m du niveau de la mer, công troi Quan Ba « l’entrée au ciel ». Nos coeurs sont palpitants lors du passage du col : les rizières en terrasse, les petites maisons, la terre et le ciel composent un tableau mystérieux avec du vert, jaune, marron, bleu mélangé, le tout se cache derrière une fine couche brumeuse. Une paire de collines particulièrement symétrique se dévoile progressivement. La “Poitrine Magique” offre aux spectateurs une scène féérique, comme si vraiment la fée Hoa Dào avait laissé ses seins avant d’être obligée de quitter le monde terrestre pour nourrir son enfant.1

1. Le mythe raconte qu’en tombant amoureuse d’un jeune Hmong qui jouait très bien du dàn môi, un instrument de musique, la fée Hoa Dào quitta le Ciel sans informer l’Empereur céleste. Ils se marièrent, eurent un fils, ce qui provoqua la colère de l’Empereur. Il ordonna à sa fille de regagner le Ciel. Avant son départ, elle laissa volontairement sa poitrine pour nourrir son enfant. En même temps, ses larmes formèrent le fleuve Miên menant à l’entrée au ciel légendaire. D’après les croyances populaires, grâce aux seins laiteux de la fée, le district de Quan Ba possède un climat agréable et une variété incroyable de fruits et légumes.

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Nous sommes les deux derniers voyageurs dans le bus. Nous descendons à la petite ville de Tam Son. Le conducteur nous a conduits à son studio pour y déposer nos affaires puis au restaurant pour prendre un petit déjeuner. Caméra, lentilles, microphone, dictaphone, trépied, ordinateur, tablette, un tas de gadgets qui définissent nos missions sont laissés dans la chambre qui est à peine verrouillée. Il faut avouer que nous n’avons pas mangé sereinement, néanmoins cette terre dégage un air de bonté; les habitants y sont chaleureux, souriants, honnêtes. C’est un petit homme à la peau mate, aux yeux ronds et au sourire incontestablement lumineux. Il est arrivé en scooter. Il se présente comme le chef du village de Nâm Dam. On grimpe sur la petite Wave à trois, avec nos sacs de voyages de toutes tailles. Nous partons enfin vers Nâm Dam. De Tam Son à Nâm Dam, le chemin passe entre les collines jumelles, les rizières et Na Quang, le village voisin de Nâm Dam. Nous sommes sans cesse étonnés par le charme de cette terre, malgré le fait que la plupart des maisons sur pilotis des Tày 1 à Na Quang soient remplacées par des bâtis en béton. L’entrée de Nâm Dam est marquée par un miroir d’eau reflétant le ciel et les arbres. Nous voyons depuis notre scooter une pancarte « Lý Tà Dành homestay » devant notre future nouvelle famille.

1. Il y a à peu près 1,5 million de Tày au Viêtnam, où ils constituent le deuxième groupe ethnique le plus important après les Viêt (ou Kinh).

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La maison de Dành est très jolie, de la couleur jaune vive du pisé, ce matériau fait de terre locale comprimée, un mélange d’argile, de sable et de graviers. Sur la véranda sont accrochés des épis de maïs. La cour est l’espace de distribution de la maison. Tout se passe ici : les enfants y jouent, les réunions entre habitants s’y organisent, les touristes y prennent le petit déjeuner, les voisins y passent pour aller chez eux. Il s’agit d’un espace intermédiaire entre la maison et le jardin aux légumes, les arbres médicinaux et fruitiers, ainsi que des basses-cours pour le bétail et des volailles. Nous aussi, nous ne pouvons résister à l’envie de nous reposer dans cette cour très bien aménagée sous le toit en chaume de la petite cabane en bois. Sur la table basse on y trouve du thé, du tabac, tout est prêt à accueillir les invités. Lý Tà Dành, 34 ans, venu de Tuyên Quang 1 , et Lý Tà Dzòng, sa femme âgée de 32 ans, originaire du village, font tous les deux partie de l’ethnie Dzao. Ils ont deux enfants, le cadet s’appelle Lý Minh Duc, 9 ans et sa petite soeur adoptée Lý My Dzung, 2 ans. Une très belle famille qui, d’après moi, a tout compris aux principes de la vie.

1. Dành fait partie de la communauté des Dzao Rouge à Tuyên Quang (à environ 140km du Sud-Est de Nâm Dam). Il est venu s’installer à Nâm Dam suite à son mariage avec Dzòng. 17


introduction [L’] éloge du simple et du vernaculaire n’est nullement un appel à l’immobilisme. Avoir l’humilité d’apprendre des bâtisseurs anonymes qui nous ont précédés ne nous dispense pas de jeter un regard critique sur ce savoir-faire traditionnel, ni d’intégrer des pratiques contemporaines. C’est à ce prix, et à condition de faire évoluer l’enseignement en ce sens, que l’on pourra construire un habitat moderne, adapté aux défis de notre temps et restant en accord avec les traditions locales et le contexte culturel. Henri Van Damme Préface de Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture, Belin, 2009 Matériau disponible et utilisable partout sur la Terre, la terre fait naître de nombreux bâtis depuis les toutes premières constructions de l’humanité. Utilisée depuis des millénaires en Orient, la citadelle de Bam en Iran, en adobe et bauge, fondée au Vème siècle avant notre ère, est toujours debout malgré un séisme de magnitude 6.8 en 2003 ; le Manhattan du désert, Chibam au Yémen s’élevant jusqu’à 30 m de hauteur et datant du XVIème siècle, constitue les premiers gratteciel en briques de terre crue. Aujourd’hui, la terre est de nouveau au coeur des constructions contemporaines grâce à ses propriétés d’inertie thermique et acoustique, son esthétique brute chaleureuse et son statut de ressource locale. Au Viêt Nam, dans le Nord où se concentre la majorité des ethnies minoritaires, on trouve des maisons en terre dont les techniques constructives sont adaptées à des climats et des situations géographiques variés. Ces constructions traditionnelles caractérisent également les coutumes et la vie spirituelle de chaque ethnie. Comptant 54 ethnies officielles, le Viêt Nam fait un effort considérable dans la préservation de la diversité culturelle du pays. Le Musée d’Ethnographie, inaugurée en 1992 à Hà Nôi, montre la volonté de conserver les savoir-faire des différents groupes ethniques avec un jardin extérieur entièrement dédié aux architectures traditionnelles à l’échelle 1. Il y a une à deux décennies, les constructions vernaculaires étaient considérées comme folkloriques et en quelque sortes “primitives”. De nos jours, dans un contexte de globalisation massif, une partie des architectes locaux se mobilisent afin de valoriser ces savoirfaire constructifs face au risque de perte d’identité culturelle.

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Dans l’ouvrage Vietnam – The silent avant-garde sorti pour le 70ème anniversaire de la Vietnam Association of Architects (VAA), Anh-Linh Ngo souligne la contribution silencieuse de cette première génération d’architectes qui définissent notre métier comme une mission sociale. Il faut citer Hoàng Thúc Hào et Vo Trong Nghia, le premier faisant l’éloge des techniques constructives locales tout en cherchant à innover et le deuxième, fortement influencé par ses études à Tokyo, abordant la question de l’environnement dans un contexte urbain dense. Ayant pris conscience de leur importance sur la scène nationale, les architectes vietnamiens agissent de manière plus graphique que théorique sur la scène internationale en raison de la barrière linguistique et faute de moyens de déplacement. Leurs voix sont peu à peu entendues grâce aux revues d’architecture internationales. Dans un article du n° 50 de la revue EcologiK, publié en 2015, l’auteure Raphaëlle Saint-Pierre écrit sur le village de Nâm Dam sous le titre “Architecture en terre : Un village dédié au tourisme”. Au sein de cette architecture à la fois contemporaine et respectueuse de l’identité locale, chaque villageois s’est transformé en hôte consciencieux et joue un rôle actif dans ce nouveau mode d’existence collectif qui lui permet de vivre plus dignement. Le petit village des Dzao Chàm s’est formé dès 1992 suite à l’incendie de leur ancien village Trúc Son, localisé à moins de 2km du nouveau hameau. La différence entre les deux villages s’observe au niveau architectural. Doté d’une convention villageoise interdisant d’autres constructions que celles en terre pour les principaux bâtis, Nâm Dam apparaît comme un petit village folklorique aux maisonnettes en terre damée. Cela crée un tableau pittoresque avec les rizières en terrasse au sein du village mais aussi à l’échelle plus vaste entre Nâm Dam et Trúc Son. En 2012, l’ONG suisse Caritas, en partenariat avec l’association PanNature, propose un projet d’aide financière mais surtout de formation pour éveiller la conscience des habitants sur la conservation de leurs patrimoines matériels mais aussi intangibles. De nombreux ateliers d’initiation aux différentes activités locales ont été créés : amélioration des rendements agricoles, conservation des constructions en pisé, développement d’une ferme de plantes médicinales, formation de guides touristiques, etc. Un projet prometteur qui a pour objectif de placer les Dzao au coeur du développement durable du village. L’agence 1+1>2 de l’architecte Hoàng Thúc Hào entre alors en scène dans le remodelage du village, dans le respect des techniques de construction ancestrales. Le village de Nâm Dam est rebaptisé sous le nom de Village de terre.

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En 2019, Nâm Dam connaît un début du succès grâce à l’arrivée des touristes dont une grande partie sont des routards venus d’Europe, particulièrement de France. Les villageois ont su garder l’équilibre entre l’autosuffisance alimentaire et l’avènement du tourisme. Cependant, quelques signes de surfréquentation sont récemment constatés et un début de concurrence apparaît entre les villageois depuis longtemps soudés. Ainsi, certaines anciennes constructions sont détruites pour reconstruire en pisé : est-ce une reconstruction à but touristique ou simplement une amélioration de conditions de vie ? Les membres de l’agence 1+1>2 craignent un écart trop important de leur projet initial au profit du tourisme et des valeurs passagères qu’il apporte.

Village de terre, label étiquette pour promouvoir le tourisme ou identité réclamée par le peuple Dzao du hameau de Nâm Dam ?

L’étude comparative entre l’ancien village de Trúc Son et le Village de terre de Nâm Dam montrera l’influence du tourisme sur la vie des habitants et sur le paysage rural des deux hameaux. Elle conduira à questionner la place des bâtis en terre dans l’esprit des Dzao. La fin du mémoire évoquera ce que pourrait être Nâm Dam dans un futur proche. Un autre objectif du mémoire est de faire prendre conscience aux habitants, à nouveau, mais de manière critique, des conséquences à double tranchant du tourisme sur le village. Il ne s’agit pas de le nier totalement, mais d’entreprendre une gestion judicieuse afin de préserver l’authenticité de la culture. Il est souhaitable de communiquer ce travail ainsi que les courts-métrages aux villageois lors de mon retour à Nâm Dam.

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introduction


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Trúc Son et Nâm Dam

entre l’ancien et le nouveau l’agriculture et le tourisme construction industrielle et “vernaculaire”


1992

1994

incendie à Trúc Son

fondation officielle du village de Nâm Dam avec 15 foyers

début de la migration vers Nâm Dam

voix de Lý Tà Dành Lý Dai Thông Lý Quôc Thang

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

• Nâm Dam est fondé

2008

2012-2014

label “Village culturel & touristique”

Aide Caritas & PanNature: ateliers de différentes compétences pour les habitants Aide 1+1>2: contruction de la Swallow Community House

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Le portrait des Dzao Chàm à Nâm Dam Les Dzao menaient jadis un mode de vie nomade, à présent ils sont installés dans les zones montagnardes frontalières avec la Chine. Il s’agit d’une ethnie minoritaire appartenant au groupe Hmong-Yao. Dans le petit hameau de Nâm Dam, Les Dzao Chàm (Dzao Indigo) ou Dzao Áo Dài (Dzao À Tuniques) habitent. Ils comptent aujourd’hui 57 foyers avec 263 habitants. Qu’est-ce qui est pour vous caractéristique des Dzao d’ici? Telle est la question posée à plusieurs habitants à Nâm Dam lors de mon enquête de terrain. Quelque mots clefs surgissent si je dois faire un résumé très succinct : • La tenue vestimentaire Les costumes portés au quotidien des Dzao Chàm sont tissés et brodés par les femmes du village. Les tenues féminines sont des tuniques décorées de motifs géométriques et de ceintures rouges qui marquent la taille. Elles sont accompagnées de boucles d’oreilles, de colliers, de bracelets et de turbans. Ces derniers sont composés d’un tissu de couleur indigo très foncé tirant vers le noir, assorti avec la tenue, des pièces en argent et des franges rouges. Les vêtements masculins sont plus simples, de même couleur que les tenues des femmes: la chemise de type col mao à boutons de manchette, monochrome ou décorée très subtilement de quelques lignes de motifs ; les pantalons sont fluides ; ils portent très souvent un béret.

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

• Les coutumes spirituelles, notamment le Câp Sac (rituel de la Maturité pour les hommes) Le Câp Sac de l’ethnie minoritaire Dzao est un patrimoine culturel immatériel national et pourrait être reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. C’est un rite de passage obligé pour tous les jeunes hommes de cette ethnie, sans lequel ils ne peuvent pas devenir chef de famille ou chef de village. Ce rituel se passe généralement aux 11e, 12e et 1er mois du calendrier lunaire. Lors de la cérémonie, les villageois exécutent des danses traditionnelles pendant des heures, rythmées au son des cymbales et des tambours. Ces danses représentent des événements historiques, des travaux agricoles, la construction de maisons et d’autres activités de la vie quotidienne des Dzao. Les représentations décrites ci-dessus montrent une vraie importance des activités agricoles et la construction des maisons chez les Dzao. • Les maisons en terre: murs érigés en terre damée (le pisé) cf. p.52 • Les pratiques ancestrales: bain aux herbes médicinales et les produits à base de plantes pharmaceutiques, activités agricoles, écriture sinogrammes simplifiés de la langue Dzao.

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Plan et coupe de principe des deux villages

Vers passerelle Câu Treo qui relie Nâm Dam et Truc Son

p. 28: passerelle Câu Treo entre Nâm Dam et Truc Son - croquis personnel p. 29: Source: 1+1>2 Architects

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Label Village culturel et touristique Le label “Village culturel et touristique” est octroyé en 2008 dans le cadre du projet “Nouveau Rural” (Nông thôn Moi) en raison du potentiel touristique de Nâm Dam. Lieu d’escale avant de partir en excursion dans le Géoparc du plateau karstique Dông Van – un site spectaculaire dans la liste de l’UNESCO en 2004. Le plateau est inclus au Réseau mondial sur le Géoparc le 10/03/2010. Cette nomination scientifique prouve que le Parc est riche et original et est une illustration complète d’une période d’évolution de la croûte terrestre.

En 2017, le “Village culturel et touristique” de Nâm Dam a été reconnu aux standards d’ASEAN Homestay qui ont pour vocation de promouvoir l’éco-tourisme dans les pays de l’Asie du Sud-Est.

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Label ASEAN Homestay standards All over the ASEAN region, the homestay programme is a form of alternative tourism in which tourists are given the opportunity to experience the way of life in a typical village with local community. The experiential nature of this form of tourism is becoming increasingly popular with foreign tourists. In contrast to mass tourism, the homestay programme should preferably be low scale, low density, flexible and spontaneous. More importantly it should be owned and operated by the local communities so that the economic benefits go directly to them. As a form of Community Based Tourism, the homestay concept is currently well accepted as a rural development tool in many ASEAN countries. The homestay programme can enhance local quality of life through generation of income, support local culture, arts and crafts business, encourages restoration of local and historic sites, and foster nature conservation efforts through community education.1

Sur toute la région de l’ASEAN, le programme d’hébergement chez l’habitant homestay est une forme de tourisme alternatif dans lequel les touristes ont la possibilité de découvrir la vie de la communauté locale. La découverte menée par cette forme de tourisme relève de l’authenticité et devient de plus en plus populaire auprès des voyageurs. Contrairement au tourisme de masse, le programme homestay doit de préférence être à petite échelle, à faible densité, flexible et spontané. Il devrait surtout être géré par les communautés locales afin que les intérêts économiques leur reviennent directement. Devenir famille d’accueil est actuellement vu comme outil efficace dans le cadre du développement rural dans de nombreux pays de l’ASEAN. Le programme homestay peut améliorer la qualité de vie locale grâce aux meilleurs revenus tout soutenant la culture locale, les arts et l’artisanat. Cela stimule la restauration des sites historiques et encourage les efforts de protection de la nature grâce à l’éducation communautaire. Homestay - définition An alternative tourism where tourists will stay with the host’s family in the same house and will experience the everyday way of life of the family and the local community. 2

Un tourisme alternatif où les touristes vivront avec la famille d’accueil et découvriront la famille d’hôte et la communauté locale au quotidien.

1. The ASEAN Secretariat, ASEAN HOMESTAY STANDARD, 2016, p.2 2. Ibid., p.4

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Trúc Son

Tableau 1/3

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Population

79 foyers (390 hab.)

Répartition d’âge

Principalement jeunes adultes et adultes d’âges moyens. Peu de personnes âgées.

Activités principales

Agriculture uniquement: culture du maïs, riziculture en bas de la colline, élevage à petite échelle avec souvent un jardin potager et une cour cimentée où sèchent les graines.

Revenus principaux

Produits agricoles, travail à la chaîne pour des usines, bâtisseurs pour la ville voisine. 70% sont employés pour travail physique. Ils assurent les activités agricoles et travail payé à la tâche.

Tenues vestimentaires

Idem. Les femmes portent moins souvent leurs habits traditionnels qu’à Nâm Dam.

Distance entre maisons / terres agricoles

En bas de la montagne et à Nâm Dam. Même variété d’espèces agricoles qu’à Nâm Dam.

Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

• • les deux villages aujourd’hui Nâm Dam 57 foyers (263 hab.) composés de 2 à 4 générations, la majorité des foyers a 3 générations. Enfants env. 60 pers. | Adolescents: env. 20 pers | Jeunes adultes (20-40 ans): env. 100 pers. Adultes d’âges moyens: env. 80 pers. | Aînés (+80 ans): 6 pers Équilibre entre agriculture, élevage et services touristiques (principalement hébergement chez l’habitant - homestay). 21 foyers qui proposent ce service et 6 en aménagement. Les autorités locales visent à développer davantage ce modèle économique et pouvoir compter au moins 35 homestays pour l’année 2020. 3 catégories: • Produits agricoles et travail payé à la tâche • Produits agricoles et homestay / services touristiques • Homestay / services touristiques uniquement : ces foyers sont les plus aisés, ils possèdent toujours des terres agricoles mais engagent de la main-d’œuvre locale pour travailler leurs terres. Les personnes âgées portent toujours au quotidien les habits traditionnels. Les adultes alternent entre habits traditionnels et habits informels. Les enfants ne les portent que pour les occasions importantes sinon au quotidien ce sont des vêtements informels comme pulls, t-shirts, jeans, etc. Autosuffisance alimentaire: le riz, la viande, les poissons et les légumes et fruits pour les villageois et les touristes hébergés proviennent du village (les invités peuvent aller au potager cueillir et préparer avec leurs hôtes ce qu’ils mangent) • Variété en fruits et légumes: bananes, papayes, goyaves, pamplemousses, poires, prunes, feuilles de patate douces, feuilles de courges, épinards de Malabar, liserons d’eau, choux, radis, riz, maïs, cacahuètes, célosies à but médicinal. • Culture du maïs: 2 récoltes / an • Riziculture: 1 récolte / an

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Tableau 2/3 Distance entre maisons / élevages

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Trúc Son

idem

Infrastructures

Chemin carrossable en béton reliant Truc Son et Nâm Dam. Pont Câu Treo traversant les rizières. Les habitants de Truc Son descendent aux rizières en scooter mais parfois ils mènent à pied les buffles pour travailler la terre.

État de la voierie

Routes en béton facilitent la circulation.

Conditions habitat

Bétonisation importante dans les bâtis. Il reste peu de maisons en pisé.

Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Nâm Dam Chaque foyer possède du bétail (souvent un buffle et quelques cochons) et un poulailler à domicile. L’évacuation des déchets organiques est traitée puis utilisée comme fertilisants naturels pour les rizières. Hygiène d’élevage correcte.

Chemin interne en terre devient boueux et pas pratique pendant les jours pluvieux. L’entrée du village est rocheuse et instable aux véhicules. Le chef de village exprime sa volonté de rénover cette route. Routes gravillonnées relativement cahoteuses. • Les foyers qui ne font que activités agricoles: maisons en pisé d’origine à un niveau, le toit est bas. Le grenier est utilisé pour le stockage des denrées brutes (maïs, riz, piment). Une cuisine au feu de bois vers la droite de la maison se trouve dans le même espace que la chambre qui se situe à gauche. Le feu dégage un grande quantité de fumée à l’intérieur. L’hygiène n’est pas aussi bien garantie. • Les foyers homestay + activités agricoles rénovation des maisons anciennes en maisons à deux niveaux: surélévation du toit afin de dégager le premier niveau qui servait à la base comme stockage : espace d’hébergement dédié aux invités/voyageurs/touristes. La cuisine est séparée et délocalisée derrière le salon. Les toilettes se trouvent dehors, munies d’eau propre et d’eau chaude. Des bâtis annexes (toilettes, cuisines, stockages, basse-cours) sont en béton ou briques en terre cuite. • Les foyers uniquement homestay (4 foyers sur 57) surélévation du toit afin de transformer le premier niveau en espace d’hébergement dédié aux invités / voyageurs / touristes Chez M. Ly Quoc Thang: construction également d’une petite piscine dans la cour - service payant aux touristes et aux enfants du village.

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Tableau 3/3

Activités communales

Échanges et relations

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Trúc Son

Un petit terrain de volleyball et une maison de la culture.

pas d’information

Mariage

idem

Niveaux d’éducation

idem

Nombre de touristes

Les habitants de Trúc Son ont moins de contact avec l’extérieur. Ils sont plus timides.

Trúc Son et Nâm Dam


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Nâm Dam Un petit terrain de football et une maison de la culture qui sert de point de vente des produits de la Namdaco.op - coopérative de production de plantes médicinales sous la direction de la communauté des Dzao Chàm - gérée par le centre de recherche et de développement en médecine traditionnelle (CREDEP). Ce projet a pour but de conserver les ressources génétiques des plantes médicinales locales et d’améliorer les revenus en développant le service de bains aux herbes médicinales pour le tourisme dans la commune de Quan Ba ​​Ha Giang (cf. annexe p. 134-135) Les événements culturels sont organisés à la maison communale. Les festivités se passent souvent dehors: fête de la pêche, culte du Nouvel An aux rizières, jeux traditionnels à l’occasion du Nouvel An, le Câp Sac (rituel de la Maturité).

Les réunions entre villageois ont lieu souvent au comité communal. Les villageois se réunissent occasionnellement chez Dành. à la fois endogame et exogame. Les personnes âgées de plus de 60 ans ne parlent pas la langue vietnamienne mais connaissent les sinogrammes simplifiées de la langue Dzao. Le taux de scolarisation des enfants est de 100%.

Ces derniers temps, Nâm Dam devient progressivement une destination de choix pour les touristes. Les touristes nationaux visitent principalement vers la fin du mois d’août, début du mois de septembre: pendant la moisson. La majorité des touristes sont des étrangers dont un grand nombre est hébergé chez les habitants.

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• • • projet culturel par Caritas et PanNature Tourisme par la communauté: fondé et géré par la communauté Le projet intitulé Quan Ba District Integrated Community Development Project, Ha Giang Province - “Projet de développement de l’intégration communautaire du district de Quan Ba, province de Ha Giang” mis en œuvre par l’ONG suisse Caritas au Viêt Nam a duré trois ans (2012 – 2014). Ce projet a eu pour but de mettre en place des moyens de subsistance durables pour les ménages les plus démunis et les communautés les plus pauvres dans la région, basés sur la mise en valeur des savoirs autochtones et des pratiques traditionnelles qui font face à un risque d’oubli. Le projet a fait appel également à une mobilisation de ressources et de main-d’œuvre locales.

Formations aux différents métiers Afin d’assurer un tourisme durable appuyé sur le maintien des activités agricoles et la diversité des savoirs, Caritas a organisé de différents ateliers de compétences diverses comme la riziculture, le homestay, le guide touristique, la coopérative des herbes médicinales, le service de bain, etc. Pour les solutions architecturales, deux agences ont été consultées. 1+1>2 de l’architecte Hoàng Thúc Hào a été sélectionné plutôt que Vo Trong Nghia Architects en raison de leur passion pour les structures communautaires.

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

• • • • projet architectural par 1+1+>2 Programme et phasage du projet Earth Village • 30 fermes dédiés aux activités agricoles (stockage des denrées et des outils) en combinaison avec des services touristiques (bain aux herbes médicinales, points de vente des produits locaux, etc.) • 18 homestays (12 petites et 6 grandes): modules de 2 étages (rez-de-chaussée séjour et chambres du propriétaire, étage supérieur chambre d’hôte). Modules extensibles (cf. p.42) • 1 école maternelle • 1 maison communale et homestay d’emblème (Swallow Community House)

1

2

Phase 1 : Phase 2008 -12012 : 2008 - 2012

Phase 2 : Phase 2012 -22014 : 2012 - 2014

Phase 2 : 2012 - 2014

Phase 3: 2014 Phase- 3: aujourd’hui 2014 - aujourd’hui

- 2008 - 2010 - 2008 : collecte - 2010 des : collecte matériaux des matériaux locaux et recyclage locaux et recyclage du bois du bois • - 2010 : pour la préparation pour la2008 préparation du chantier. du chantier. - 2010 - 2012 - 2010 : rénovation - 2012 : rénovation dematériaux 20 petites de 20 et 5petites moyennes et 5 moyennes maisonsdu collecte des locaux etmaisons recyclage homestay.homestay.

- construction - construction de 6 petites, de 10 6 petites, moyennes, 10 moyennes, 1 grande maisons 1 grandehomestay maisons homestay et 1 école etmaternele. 1 école maternele.

- construction - construction de 3 grandes de 3maisons grandes hom mais combiné homestay combiné homestay (Swallow (Swallow House) Ho

Phase 1 : 2008 - 2012

bois pour le chantier. • 2010 - 2012 : rénovation de 20 petites et 5 moyennes maisons homestay.

- construction de 6 petites, 10 moyennes, 1 grande maisons homestay et 1 école maternele.

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ns homestay

3

Phase 3 : 2014 - aujourd’hui

Phase 3: 2014 - aujourd’hui - construction de 3 grandes maisons homestay, 1 maison communale combiné avec un hébergement homestay (Swallow Community House)

- construction de 3 grandes maisons homestay, 1 maison communale combiné homestay (Swallow House) Source: 1+1>2 Architects

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Regroupement des maisons qui utilisent un puits de biogaz commun Groupement de 4 à 6 ménages qui se soutiennent mutuellement. Ils peuvent bâtir des extensions de leurs maisons en creusant un étang pour extraire de la terre. Cet étang peut ensuite servir à la pisciculture commune ou simplement de réservoir d’eau commun au groupement. Les bassescours sont groupées également et s’organisent autour d’un puits de biogaz. La population locale se divise en plusieurs équipes pour «s’échanger des journées de travail» et opérer la gestion des tâches à l’échelle de petit groupement comme expliqué ci-dessus.

Source: croquis personnel sur la base d’une illustration de myclimate.org

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Étape 2

Étape 1

nouvelle construction / extension puit de biogaz commun

étang commun

Groupements de 4-6 ménages pour une exploitation commune d’un puits de biogaz

soulèvement de la toiture existante transformation des combles en chambres d’hôte

chambres d’hôte bain aux herbes

combles terre excavée sur place pour construire en pisé

bain aux herbes biogaz

étang biogaz

combinaison des modules de deux niveaux horizontalement pour une extension

Évolution d’un module homestay extensible

Source: 1+1>2 Architects

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Trúc Son et Nâm Dam

bain aux herbes

biogaz


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Soulever le toit Les toits des maisons existantes peuvent être soulevés afin de transformer les anciens combles à faible hauteur sous plafond en chambres d’hôte pour les visiteurs. Ces modules de deux niveaux peuvent également être combinés et agrandis pour créer une grande maison pour les groupes touristiques. (cf. schéma p. 42)

Détail du rallongement des poteaux pour la surélévation du toit

Swallow Community House (Maison de l’Hirondelle) 1+1>2 et les habitants de Nâm Dam ont conçu la Maison de l’Hirondelle comme un bâtiment emblématique du village montrant l’esprit d’innovation tout en gardant l’identité locale. Cet édifice de deux étages avec le rez-de-chaussée construit en pisé de 80 cm d’épaisseur ayant pour rôle d’espace de réunions, d’activités locales et touristiques avec un petit musée et le premier étage où se trouvent les 5 chambres privatisées avec des parois en bois. Des vérandas, des vides et un toit pliant biseauté ressemblant à l’aile des hirondelles - l’oiseau qui porte chance pour les Dzao - rendent l’espace intérieur plein de lumière naturelle. 1+1>2 souhaite que la Swallow Community House devienne un modèle architectural à usage mixte et flexible qui combine les activités communales des locaux et la fonction de maison d’hôtes pour que les habitants puissent l’adapter à l’échelle familiale.

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Le modèle spontané “vernaculaire populaire”1 Trúc Son

1. Jean-Paul LOUBES, Traité d’architecture sauvage, éditions Sextant, 2010, p.42 2. ibid. , p.40

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Trúc Son et Nâm Dam


une comparaison entre deux villages des Dzao Chàm

Récapitulatif du projet Earth Village Le modèle guidé “vernaculaire contemporain”2 Nâm Dam

Il ne faut pas que la jeunesse fuie le village, attirée par les mirages de la modernité et de la vie urbaine !

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Les maisons en terre

tĂŠmoin d’une mutation culturelle et sociale au sein du village de Nâm Dam


voix de Lý Quôc Thang Hông Thu Lý Dai Thông Lý Tà Dzòng

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Les maisons en terre


témoin d’une mutation culturelle et sociale à Nâm Dam

• “nous avons connu les maisons en terre depuis la naissance”

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Pour réaliser les expériences proposées ici, et déterminer la composition d’une terre, il est nécessaire de creuser un trou et de prélever son échantillon sous la couche végétale.

Pour réaliser les expériences proposées ici, et déterminer la composition d’une terre, il est nécessaire de creuser un trou et de prélever son échantillon sous la couche végétale.

Composition de la terre

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Source: TERRA Award - Pauline Sémon (illustrations), Dominique Gauzin-Müller (textes)

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Les maisons en terre


Pour réaliser les expériences proposées ici, et déterminer la composition d’une terre, il est nécessaire de creuser un trou et de prélever son échantillon sous la couche végétale.

témoin d’une mutation culturelle et sociale à Nâm Dam Les terres utilisées pour la construction se composent de cinq éléments : cailloux, graviers, sables, silts (ou limons) et argiles. Mais quelles en sont les proportions exactes ? Terre constructible Chaque terre est unique, et sa composition

Les terres utilisées pour la construction se composent de cinq élémentsdoit : cailloux, graviers, être analysée avant le chantier afin de sables, silts (ou limons) et argiles. déterminer la technique de construction la

mieux adaptée à la ressource du lieu. Pour le

Mais quelles en sont les proportions exactes ? torchis, la bauge et l’adobe, on peut amender Chaque terre est unique, et sa composition doit être analysée avant le chantier afin de avec déterminer le mélange des fibres végétales. la technique de construction la mieux adaptée à la ressource du lieu. Pour le torchis, la bauge et La partie du sol utilisée pour la construction l’adobe, on peut amender le mélange avec des fibres végétales. n’est pas la terre de surface, riche en organiques, qui est réservée à La partie du sol utilisée pour la construction n’est pas la terre de surface,matériaux riche en matériaux l’agriculture. organiques, qui est réservée à l’agriculture. Le sol est un empilement de plusieurs Le sol est un empilement de plusieurs couches superposées, appelées horizons. C’est l’horizon couches superposées, appelées horizons. B, presque exclusivement minéral, qui est utilisé pour la construction. C’est l’horizon B, presque exclusivement

minéral, qui est utilisé pour la construction.

copyright: TERRA Award - Pauline Sémon (illustrations), Dominique Gauzin-Müller (textes)

Source: TERRA Award - Pauline Sémon (illustrations), Dominique Gauzin-Müller (textes)

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Construire en pisé à Nâm Dam1

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Collecte des matériaux

Les matériaux de construction des maisons en pisé proviennent des ressources locales et naturelles et respectent une exploitation durable de la région. À Nâm Dam on ne construit pas n’importe où et n'importe quand. Le choix du lieu est très important et la construction dure environ six mois. S’il ne se présente aucun obstacle à la construction, on commence à travailler le sol. Ensuite, il faut regarder le calendrier (lunaire) pour choisir la date du démarrage du chantier. Cette date doit être compatible avec le signe du zodiaque du propriétaire. Avant, faute de moyens, on posait simplement des pierres au sol pour faire une assise puis on damait la terre directement par dessus. Aujourd'hui, on creuse le sol pour y faire une fondation en pierres et en béton de ciment sur une épaisseur de 20 à 30 cm. On surélève un seuil d’une dizaine de centimètres qu'on enduit en ciment.

1

Pose de la première banche

L’acte de poser la banche en bois symbolise le commencement du chantier qui doit commencer un jour faste, comme mentionné ci-dessus. L’édification des murs se fait grâce à des moules en bois, sorte de coffrages, et des pilons en bois afin de tasser la terre à la main. Après avoir positionné la banche, un ouvrier se charge de verser de l’argile et du sable dans des proportions égales dans le moule, un autre y dispose des graviers et des cailloux et pour solidifier l’ensemble, pendant que deux ouvriers compactent le mélange avec les pilons. Une quantité de terre humide (entre 5% et 12% d’eau) extraite sur place est versée puis répartie dans le moule d’une épaisseur de 30 cm : constituée d’argile, de limon, de sable, de graviers et de cailloux, on ne doit pas y rajouter d’eau. Ce mélange est fait au moment du compactage. Les murs disposent d’une ossature en bambou frais, sorte de chaînages. Deux rangées de bambous perpendiculaires au plan de l’édifice forment les chaînages verticaux. Dans l’autre sens, les chaînages horizontaux sont constitués de deux rangées de bambous fendus parcourant l’enceinte de l’édifice et disposés tous les 30 cm dans le mur.

1. Les informations ont été obtenues lors d’une conversation téléphonique entre Paris et Nâm Dam (cf. p. 136)

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témoin d’une mutation culturelle et sociale à Nâm Dam

2

Édification du premier niveau

Pendant le montage des murs, il faut prévoir les ouvertures telles que la porte d’entrée et les fenêtres en plaçant des linteaux en bois qui font en général de 15 à 20 cm d’épaisseur. L'ouverture est réalisée en fin de chantier par le découpage de la partie de mur située sous le linteau. Ou bien on place des étais pendant le chantier qui servent de réservation pour les ouvertures. On réalise d’abord le premier étage, qui fait environ 2.20 m de hauteur.

3

Pose des poteaux et poutres de la charpente en bois

La pose de la charpente s’effectue en troisième lieu et nécessite une nouvelle consultation de date. La charpente comprend l'ossature en poteaux et poutres qui reprend le poids du plancher du niveau supérieur et celui de la toiture. Les poteaux sont de section carrée ou ronde, de dimension 20 cm minimum. À la hauteur de 2.20 m d’un poteau, on réalise un percement pour recevoir les poutres soutenant le plancher. Ces dernières sont de section 7x12 cm et soutiennent un plancher en bois massif composé de planches de 30 cm de large et 3cm d’épaisseur.

4

Pose des fermes

L’étape suivant consiste en la pose des fermes de charpente. On monte en même temps les deux murs pignons sur lesquels reposent les arbalétriers.

5

Pose de la toiture - Finition

Enfin, on réalise la couverture en tuiles, remplacées aujourd’hui par de la tôle ondulée en raison de la rapidité de montage et du coût. Un travail de ponçage est nécessaire pour la finition lisse de la façade. Une construction en pisé d’une surface d’environ 60m2 dure entre 1 et 2 mois. La période d’édification se fait durant la saison sèche (entre octobre et mars).

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0

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Collecte des matĂŠriaux

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Pose de la première banche

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Édification du premier niveau

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Pose des poteaux et poutres de la charpente en bois

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Pose des fermes

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Pose de la toiture - Finition

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Vers une maison d’hôte

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Les travaux de rénovation qui consistent principalement en élévation de la toiture et installation d’une nouvelle gazinière dans un espace de cuisine séparé du séjour nécessitent un investissement budgétaire considérable, de l’ordre de 100 à 200 millions VND ( ~ 3900 - 7800 EUR). L’argent provient des économies de la famille qui considère les travaux. Cette dernière pourrait également faire des demandes d’aides financières auprès du gouvernement et des ONG.

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Matériaux utilisés pour l’aménagement du premier étage de chez Dành

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Les maisons en terre


Un repas chez DĂ nh

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Étude comparative d’un foyer d’agriculteurs / homestay et d’un foyer uniquement d’agriculteurs

La maison de la famille d’agriculteurs Lý Tà Chan - juste à côté de la maison de Lý Tà Dành. Une barrière en bambou sépare les deux cours. Les portes n’ont jamais besoin d'être fermées à clef. L’étude comparative de ces deux foyers voisins se base sur les aspects suivants (p.66-71) : • accès • extérieur • séjour, cuisine • niveau supérieur • bilan

entrée village

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Plan masse des propriétés de Lý Tà Chan (foyer uniquement d’agriculteurs) et Lý Tà Dành (foyer d’agriculteurs / homestay)

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Foyer d’agriculteurs Accès : Pas de portail d’accueil. On peut traverser la cour de chez Dành. Extérieur : • • • • •

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Toit bas. Le deuxième étage mal protégé par des tasseaux en bois. Cour sans kiosque avec des meubles et des débris s’étalant dehors. Jardin avec des légumes et des fruits comestibles. Une étable et un poulailler situés à 7 - 8 m sans espace tampon. Nécessite un réaménagement.

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Foyer d’agriculteurs / homestay Accès : Petit portail d’accueil en chaume. Extérieur : • Toit surélevé pour gagner un niveau dédié à l’hébergement des touristes cloisons de séparation en bois. • Cour avec un kiosque couvert de chaume • Jardin avec des légumes et des fruits comestibles. • Une étable et un poulailler situés à 7 - 8 m de la maison principale, séparés par un potager comme un espace tampon. • Propre et spacieux.

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Foyer d’agriculteurs Séjour • • • •

Un autel est installé au centre de pièce. En dessous, table basse et banquettes. Pas bien rangé, manque de placards. La maison est envahie par la fumée provenant de la cuisine au feu de bois située à droite de la porte d’entrée. • Deux lits sont placés dans le coin gauche de la porte d’entrée.

Cuisine • Derrière le salon se trouve un lieu de stockage des ustensiles et de la nourriture. • Cuisine en plein salon. La famille cuisine au feu du bois.

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Foyer d’agriculteurs / homestay Séjour • • • • •

Un autel est installé au centre de pièce. En dessous, table basse et banquettes. Très soigné et propre 2 chambres de part et d’autre du séjour. Non cloisonnées. Lieux de couchage non intimes et exposés au séjour.

Cuisine • La cuisine est un second ouvrage en béton de ciment annexé derrière le séjour. • La famille utilise une gazinière.

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Foyer d’agriculteurs Niveau supérieur • Les combles servent de zone de stockage, ou de chambre / mezzanine pour le propriétaire. • Risque d’infiltrations lorsqu’il pleut en raison de l’absence d’éléments protecteurs en façade (tasseaux en bois)

Bilan • aménagement et hygiène à améliorer. • la famille souhaite effectuer les travaux comme chez Dành mais manque de moyen.

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Foyer d’agriculteurs / homestay Niveau supérieur • Dortoir pour les invités / touristes. • La véranda sert à la fois d’espace de distribution aux chambres et de véranda ouverte transitoire entre l’intérieur et l’extérieur.

Bilan • cadre de vie agréable et hygiénique. • pas d’intimité pour la famille d’hôte mais cela ne leur dérange pas

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• • engagement officiel pour conserver les édifices en terre

charte villageoise pour construire en terre Article 25. Développement du “Village culturel et touristique communautaire” - Tous les foyers et individus du village ont le devoir de protéger, gérer, entretenir et conserver les forêts, planter des arbres et des plantes de part et d’autre de la route principale menant au village et à la maison culturelle. Tous les foyers et individus du village sont responsables de la protection des propriétés de l'État, des propriétés publiques, des propriétés des habitants et des touristes, des sources d'eau, des routes, des ruelles du village et des sites d’exception… - Il est nécessaire d’établir le “Village culturel et touristique communautaire” qui permettra aux habitants d’avoir une vie économique stable. Tous les foyers et individus du village ont le devoir de faire valoir, conserver, restaurer et développer les coutumes culturelles et les métiers de l’artisanat d’art tels que les festivals, les chants et danses folkloriques, le tissage et la broderie, le tressage - la vannerie, l'orfèvrerie, etc. Mettre en œuvre le projet N° 01/ DA-UBND, en vigueur le 4 mai 2018 par le Comité Populaire du District de Quan Ba ​​sur le développement du “Village culturel et touristique communautaire” de Nâm Dam qui répond aux critères du «tourisme fondé par la communauté” d’ASEAN pour la période 2018 - 2020. Dans le but d’une préservation qualitative des valeurs traditionnelles ethniques et d’un accueil constant des touristes, tous les foyers et individus du village ainsi que ceux des villages voisins ont le devoir respecter les règlements suivants:

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Les maisons en terre


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1. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus de construire des maisons en béton ou en briques, avec des toitures en tôle ondulée. Seules les maisons en pisé d’ossature et aux plancher en bois massif, avec des toitures en tuiles ou en chaume sont autorisées. 2. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus de construire des murs de clôture en béton ou en briques. Seules les palissades en bambou ou en bois sont autorisées. Tous les foyers et individus ont le devoir de recouvrir les structures non-conformes d’enduit en terre ou de peinture de couleur terre. 3. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus de convertir des maisons en épicerie. 4. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus de construire des bassecours près des chemins principaux du village. 5. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus d’adopter une concurrence malsaine pour attirer les touristes. 6 Il est strictement interdit à tous les foyers et individus du village de louer à long terme aux personnes de l’extérieur. 7. Il est strictement interdit à tous les foyers et individus de vendre des terres du village aux personnes de l’extérieur. Dans ce cas, le transfert des droits d’utilisation des terres ne sera pas valide.

Cette charte a été lue et approuvée par toute la communauté des Dzao de Nâm Dam.

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Vouloir être comme une hirondelle, construire son nid à l’abri des tempêtes, sous la protection des villageois. Chant populaire Dzao

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Les maisons en terre


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les hirondelles font leurs nids sur le mur en pisé

Ici, l’Homme et l'Oiseau vivent sous le même toit. Ici, des milliers d’hirondelles voient le jour. Ce qui est écrit dans les livres anciens des Dzao: “Les hirondelles viennent du sud est et nous apportent le bonheur. Elles font leurs nids où les hommes vivent, elles sont leurs amies. Personne ne peut les abattre et les chasser parce qu’elles sont insectivores pour préserver nos moissons, pour que l’on puisse avoir une vie heureuse.” Cordialement surnommés “messagers du printemps”, les hirondelles font leurs nids sous le toit des Dzao. Elles habitent dans des constructions de forme hémisphérique, faites de paille et de boue. Elles ne font jamais leurs nids près des basses-cours d’élevage mais sur les murs en pisé des Dzao. C’est la chaleur, la couleur jaune vive, l'aspect grumeleux, l’humidité, l'odeur particulière de la terre après la pluie, qui rapprochent l’Homme et l’Oiseau en cohabitation harmonieuse et pour plusieurs décennies. Dans la charte villageoise, il est clairement précisé que l’on ne peut pas chasser et nuire à la vie des hirondelles, sous peine d’une amende et d’avoir à s’excuser devant toute la communauté. La charte est sacrée et personne n’ose l’enfreindre puisque les hirondelles portent bonheur au village. Elle s’applique sans exception aux invités du village. Au mois d’avril 2015, chez M. Lý Tà Hàn, deux touristes canadiens qui ignoraient ce règlement ont fait sortir les hirondelles de leur nid pour prendre des photos. L’hôte était tout pâle devant la scène. Il a dû appeler les autorités locales qui ont expliqué la règle en anglais aux touristes et leur ont infligé une amende afin que ça ne se reproduise plus. Les touristes étaient navrés et ont coopéré avec l’autorité locale.

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Proverbe vietnamien gan - décanter / đuc- impurtés khoi - éveiller / trong - clareté

Le proverbe nous invite à faire des choix dans la tradition afin d’éliminer des choses qui ne correspondent pas à l’heure actuelle et de faire perdurer des valeurs significatives pour la vie culturelle et spirituelle.


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les autorités locales sont à côté des habitants Le département du tourisme du district de Quan Ba a planifié des programmes d’assistance et de guide pour la communauté des Dzao avec pour effet une amélioration des conditions de vie (hygiène, rangement, intimité, esthétique, etc.) Le mois d'août marque le début des deux programmes intitulés: Samedi Bons Gestes (Thu Bay Viêc Tôt) et Jeudi Vers La Campagne (Thu Nam Huong Vê Nông Thôn). J’ai pu assister au programme d’aide le samedi. Les fonctionnaires qui travaillent pour les structures d’administration du district de Quan Ba viennent prêter la main aux villageois. Ils les aident à tailler des plantes, enlever des herbes sauvages, balayer la cour, donner des conseils et même à la construction des foyers en chantier. Il s’agit également d’un exercice manuel et pratique pour ces fonctionnaires afin de concevoir des documents administratifs conformes à la réalité. Le président du Comité du Peuple de Quan Ba m’a fait faire un tour du village pour me montrer les différentes activités chez tous les foyers ce jour là. Une ambiance incroyable partout : les Dzao, les Kinh, les habitants, les fonctionnaires rangent tous ensemble ! L’autorité locale a prévu également de planter dans une vallée des herbes médicinales qui couvre 10.000 m², avec environ 150 espèces de plantes; dans cette vallée, il va y avoir des points d’information ainsi que des bungalows en bois et des sites de camping pour les voyageurs désireux de s’imprégner de la nature.

tiraillement entre tradition et ascension sociale Les maisons en terre représentent réellement un repère spatial pour les Dzao. Comme on a pu le voir dans le deuxième court-métrage intitulé “nous avons connu les maisons en terre depuis la naissance”, les villageois sont fiers de leurs demeures et du savoir-faire constructif ancestral. “Chaud en hiver”, “frais en été”, “naturel”, “agréable”, “héritage ancestral”, ces affirmations de la communauté établissent un manifeste de “l’identité architecturale” de Nâm Dam. Certains craignent néanmoins que ce savoir-faire ne se perde avec la jeune génération qui s’expose à l’ère de l’hyperconnexion et qui a envie de vivre dans des maisons de ville “design” et “contemporaines”. Cela constitue les prémisses de la philosophie Happiness Architecture de Hoàng Thúc Hào et de ses associés, à partir de laquelle ils ont conçu la Swallow Community House avec les habitants. Ils apportent leur regard nouveau et leurs connaissances académiques afin de “moderniser” l’archétype des maisons traditionnelles.

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• • • Swallow Community House: réinterprétation de la maison en pisé par 1+1>2 et les habitants

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conception pour la communauté Afin d’aboutir à une proposition architecturale la mieux adaptée à la communauté en question, le concepteur doit avoir une approche géographiquement située et une compréhension maîtrisée de l’habitat de la communauté. N’ayant jamais vécu dans le lieu ni pratiqué les coutumes propres au lieu, l’architecte n’est qu’un acteur extérieur de la communauté. Son rôle ne consiste pas à importer ses connaissances théoriques et pratiquées ailleurs de manière systématique mais de réconcilier progrès technique et savoir-faire traditionnels. La communauté n’est plus le seul destinataire du processus d’élaboration mais en fait partie intégrante. La communauté passe d’un statut passif de spectateur à celui de protagoniste de son propre développement, consciente de besoins réels pour concrétiser la demande. On parle de conception participative ou de conception avec la communauté. De nombreuses réalisations pour les communautés conçues par des architectes de manière méthodique mais sans réellement s’intéresser aux modes d’occupations existantes ont échoué, l’occupant n’arrivant pas à traduire les codes écrits par l’architecte. Ainsi, il s’aliène et se perd dans le nouveau codage qui n’est pas le sien. Résultat : un projet non durable et les valeurs présupposées par l’architecte qui ne sont pas reconnues par les habitants, ce qui peut aller jusqu’à la destruction.1 À titre d’exemple, le déménagement d’une partie de la population thaïe lors de gigantesques aménagements hydroélectriques à Son La a fait appel à la reconstruction des maisons pour ces personnes qui ont toujours vécu dans des maisons en bois ou en bambou sur pilotis dont le haut du toit, à l’avant et à l’arrière, était surmonté d’un motif décoratif, khau cút.2 Les maisons nouvellement construites ont été construites en béton avec une toiture en tuiles, à l’instar des maisons de ville des Kinh. Le choix des matériaux s’explique par la rapidité du chantier et la volonté de rendre “moderne” les conditions de vie des populations ethniques. Les architectes ont quand même fait un “geste” rappelant “l’identité locale” en décorant les toits des motifs khau cút en béton. Le projet a été un échec car les habitants n’arrivaient pas à décoder leur nouvel environnement fait de matériaux industriels. Ils ne se sentaient pas chez eux alors qu’ils y vivaient tous les jours: une double aliénation de l’espace vécu et de la culture.

1. L’exemple par excellence est la démolition en 1972 de 33 immeubles et 2.870 logements du quartier d’habitat social Pruitt-Igoe conçu par l’architecte Minoru Yamasaki seulement après vingt années d’occupation. 2. khau cút : cf. annexe p. 133

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Les maisons en terre


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à distinguer avec la conception avec la communauté Comme disait Henri Van Damme dans la préface du livre Bâtir en terre : du grain de sable à l’architecture, de Laetitia Fontaine et Anger Romain, il faut humblement apprendre des bâtisseurs, passionnés et guidés par la raison du pragmatisme, qui maîtrisent la technè, l’action efficace. Construire avec la communauté consiste à adopter une attitude de partage et à constituer une bonne relation avec la communauté de la part de l’architecte, qui apporte de son côté ses propres compétences. Le processus de co-conception comprend les étapes suivants: 1. 2. 3. 4. 5.

définition des besoins solutions conceptuelles et techniques financement chantier gestion et entretien.

2

1 3

5 4 83


Tous les acteurs, notamment les habitants de la communauté, suivent le processus de la conception à la construction du projet. L’architecte peut participer à trois de ces cinq activités: 1. Aider la communauté à définir ses besoins en les écoutant et en étudiant son mode d’occupation de l’espace au préalable. 2. Apporter des solutions architecturales qui répondent non seulement aux besoins des habitants mais qui soient aussi sensibles au génie du lieu. Réconcilier progrès technique et savoir-faire constructif vernaculaire. 4. Piloter le chantier. Cette étape est très instructive pour l’architecte lui-même car il apprend la réalité du chantier avec des bâtisseurs locaux.

Mode opératoire

Conception pour la communauté

Mode participatif

La communauté est passive

Statut de l’architecte

L’architecte sympathise pour la communauté

Impact sur les habitants

Projet réalisé mais non durable car les habitants ne saisissent pas des valeurs intrinsèques du projet donc ne le maintiennent pas - aliénation. • Déménagement des Thai pour la construction des barrages à Son La (cf. p. 82)

Exemple • Démolition du quartier d’habitat social Pruitt-Igoe en 1972 - symbole de l’échec du Mouvement Moderne

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Tableau : La mutation des trois modèles de la conception communautaire

Nguyen Thi Hanh Nguyen, article Conception communautaire - choisir le modèle efficace, Architecture Magazine of Vietnam Association of Architects, 31/12/2016

Conception avec la communauté

Conception par la communauté

La communauté participe à la conception.

La communauté prend l’initiative de construire.

L’architecte est dans le partage et la confiance de la communauté.

L’architecte joue le rôle d’assistance.

Les habitants apprécient et entretiennent le projet car produit de la conception participative

Les habitants constituent l’acteur principal de la conception et de la réalisation. Ils seront fiers et attentifs de leur projet.

• Les réalisations en terre crue dans le village de Gando au Burkina Faso par Kéré Architecture

• La maison médicale “Mémé” de Lucien et Simone Kroll à Louvain La Neuve, Belgique

• Le village New Gourna en Égypte - prototype inspiré de la tradition égyptienne par Hassan Fathy

• Unités d’habitations coopératives Kraftwerk d’Andreas Hofer, Martin Blum et Hans Widmer à Zurich

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Implantation de la Swallow Community House (SCH)

Source: 1+1>2 Architects

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Fiche technique de la SCH (fiche questions-réponses rédigée par Kishnani, répondue par 1+1>2)

Autre nom Adresse Coordonnées Achèvement Coût

Dao Lodge Nâm Dam, Quan Ba, Hà Giang, Viêt Nam 23 ° 02’35.2 “N 105 ° 00’59.4” E Janvier 2015 40 000 USD

Hauteur Surface du bâtiment Surface de plancher total Surface du site

2 étages (y compris le rez-de-chaussée) 200 m2 120 m2 600 m2

Type : Programme Nombre de visiteurs par an Heures de fonctionnement

Publique 1 maison communale + homestay Environ 7.000 visiteurs/an (dont 3.000 à 4.000 visiteurs étrangers) 8.760 heures/an

Maître d’ouvrage

Caritas Suisse au Vietnam

Maître d’œuvre

1 + 1> 2 architectes (Hoàng Thúc Hào, Nguyen Duy Thanh) et les villageois

Ingénieur mécanique et électricité

Nguyen Van Kien

Ingénieur civil et structure

Nguyen Van Han

Métreurs

Le Dinh Hung

Opérateur

Les habitants de Nâm Dam (1+1>2 pilotage chantier)

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Processus de conception avec la communauté Dzao Q&A par Nirmal Kishnani - Professeur Associé à School of Design and Environment, National University of Singapore / Rédacteur en chef du magazine FuturArc. Les réponses ont été rédigées par les architectes de 1+1>2

1. Introduction 1.1. Quand le projet a-t-il commencé? Quand les idées se sont-elles formées ? Caritas Vietnam a commencé à supporter financièrement des projets à Quan Ba depuis ​​ 2012 ; l’agence 1 + 1> 2 a ensuite participé au projet de Nâm Dam pour offrir des solutions architecturales.

2. Systèmes naturels 2.1. La nouvelle planification du village vise-t-elle à limiter les coupes et préserver des arbres ? Le nivellement a-t-il été important ? Le terrain existant a-t-il été maintenu ? Quand le village a été créé, les villageois ont construit spontanément (2002). Le nivellement du terrain a été effectué, mais principalement sur les sites de construction des maisons, en préservant la topographie et le paysage naturels existants. La terre excavée pour la fondation a été utilisée pour faire les murs en pisé donc une proximité directe, autosuffisante pour construire des maisons. Certains ménages creusaient la terre pour faire des maisons, les trous ont été utilisés pour faire des étangs pour la pisciculture. 2.2. Le site de construction possède-t-il un système hydrologique existant ? Y a-t-il des changements du système hydrologique (rivières, étangs, ruisseaux ...) ? L’installation de Nâm Dam est près d’un réservoir d’eau, à environ 400 m. Il n’y a presque pas de changement depuis des années. Le processus de construction et d’exploitation n’affecte pas ce réservoir d’eau.

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2.3. Que sont devenus l’ancien village et les anciennes terres agricoles lors du déménagement des habitants au nouveau village ? Le vieux village existe toujours et il y a des habitants qui y vivent car c’est la terre ancestrale des Dzao Chàm. La création du nouveau village est due à deux raisons principales: • La nécessité du développement économique, de meilleures conditions d’élevage, de transport, l’arrivée du tourisme, l’éducation et la santé. • L’extension de l’espace habitable des villageois et la réduction de la densité à Trúc Son. 2.4. Comment définissez-vous les notion d’identités / traditions / liens entre les villageois et la nature ? Comment mettre en application ces notions dans le processus de conception ? Le peuple Dzao de Nâm Dam vit en harmonie avec la nature et utilise des matériaux naturels pour la vie quotidienne et la construction: maisons en pisé, charpentes en bois, toitures en tuiles de terre crue... Tous les printemps, les hirondelles viennent faire leurs nids sous les toits des Dzao, ces maisons éparpillées dans les champs et les jardins. La Nature et l’Homme cohabitent harmonieusement ici. Processus de conception: la dimension vernaculaire est essentielle ; les pratiques de construction traditionnelles sont employées: murs en pisé et charpentes en bois; le toit est légèrement soulevé et courbé pour évoquer l’image des ailes d’hirondelle - symbole porte-bonheur pour les Dzao. Les habitants ont travaillé au côté des architectes : une réelle conception participative. 2.5. Avant la construction de la Swallow Community House, y avait-il une maison communautaire ou une école dans l’ancien village? Si tel est le cas, le nouvel édifice a-t-il des points forts plus pertinents que les constructions vernaculaires ? Avant la construction, il y avait une école relativement rudimentaire et une petite maison culturelle. Le nouvel édifice (Swallow House) présente les particularités suivantes : • Grand espace libre. • Éclairage et ventilation naturels, avec une cheminée pour l’hiver. • L’image de l’édifice est familière à la population locale grâce à l’utilisation de matériaux biosourcés et à la reprise des proportions et des couleurs traditionnelles, tout en étant innovante avec des double hauteurs, le geste de la toiture, un grand entraxe des poteaux, l’éclairage zénithal et la double épaisseur du mur qui est de 80 cm contre 40 cm habituellement.

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2.6. Quelle est la fonction de la maison communautaire ? Quels types d’activités ont lieu ici ? Rôle de la nouvelle maison d’accueil: • Le rez-de-chaussée est un lieu d’organisation des activités communautaires ; la cour extérieure est un espace de rencontre et de spectacle. • Les chambres privatisées au premier étage servent d’hébergement pour les touristes. • Point d’information qui relie les touristes aux familles d’accueil. • Modèle activateur d’un nouveau mode de vie: tourisme communautaire chez les habitants. 2.7. Pour combien d’élèves l’école a-t-elle été conçue ? Combien de foyers y a-t-il dans le village ? L’école a été construite en 2003 avec 2 classes et 20 élèves. Le projet a été financé par le gouvernement japonais. Néanmoins, en raison de la centralisation des écoles du gouvernement vietnamien, les élèves vont désormais à l’école Trung Tau qui se situe entre 1 et 1.5 km du village. L’ancienne école a été transformée en bureaux de la coopérative des herbes médicinales du village (Namdaco.op). 2.8. Comment la conception s’est-elle déroulée avec la communauté des Dzao à Nâm Dam? La conception a eu lieu suivant les étapes ci-dessous : • Études du terrain, relevés de l’existant et études des coutumes et mode d’occupation de l’espace des villageois. • Réunions entre les autorités locales, les architectes et toute la communauté. • Présentation des propositions conceptuelles à la communauté en vue des retours sur le projet. • Ajustement et finalisation des dessins. • Dépôt du permis de construire • Évaluation et vérification des documents graphiques (plans, coupes, élévation) sous l’accord de la communauté des Dzao à Nâm Dam. • Chantier réalisé par les bâtisseurs locaux, les habitants et les architectes. (cf. p. 137 pour les photos du chantier)

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2.9. En combien de séances et pour quelle durée les réunions entre les différents acteurs ontelles été organisées ? Il y a eu cinq réunions avec les habitants seuls et trois réunions avec en plus les autorités à plusieurs échelles (commune, district, province - cf. p.132 “Subdivisions administratives du Viêt Nam”). 2.10. Quels points clefs ont été conclus lors de ces discussions? Les habitants se sont mis d’accord pour construire avec des murs en pisé et des structures en bois, selon l’expérience autochtone. Le village de Nâm Dam a​​ accepté de contribuer à hauteur de 60 jours ouvrables. 2.11. Décrivez plus en détail le processus de conception : comment les discussions ont-elles abouti aux résultats? Lors des réunions, l’architecte a présenté le projet aux habitants pour qu’ils donnent leurs avis. Les réunions ont été généralement présidées par le chef de village (à l’époque M. Lý Dai Duyên) (cf. p. 94-95 pour voir le déroulement d’une réunion) L’architecte a été ouvert à tous les retours sur le projet qui étaient généralement pertinents. La majorité des avis ont été approuvés et pris en compte. 2.12. L’extension du village a-t-elle été prévue de manière naturelle ou s’est-elle produite de manière spontanée ? La planification du village s’est développée naturellement sous un certain nombre de principes communs du village : respect et préservation des biens communs tels que les grands lacs, les forêts et les rizières; construction des maisons en terre crue, pas de toit en fibro-ciment. Après quelque temps depuis l’intervention de 1+1>2 et Caritas, le nombre de touristes a de plus en plus augmenté, les habitants ont pris réellement conscience des valeurs matérielles et immatérielles héritées de leurs ancêtres. Ils se sont engagés à construire seulement en terre (béton de ciment pour les ouvrages secondaires, sanitaires, porcheries, selon le budget et le temps de chantier).

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3. Résilience 3.1. Les villageois font-ils de l’agriculture ? Combien de récoltes en un an et que plantent-ils principalement ? Les villageois vivent principalement de l’agriculture: 2 récoltes par an. Ils cultivent principalement le maïs, le riz, les concombres et les patates douces. Certains foyers pratiquent également de la pisciculture, et de l’élevage (vaches, buffles et chevaux). 3.2. Le déménagement à Nâm Dam a-t-il aidé les villageois dans leurs activités agricoles ? Le déménagement au nouveau village est beaucoup plus favorable pour l’agriculture et le commerce des produits agricoles et artisanaux. La source d’eau est plus stable, les rizières se trouvent à proximité, l’accès au centre du district se fait plus facilement. 3.3. Où se trouvent les champs ? Comment sont-ils localisés dans le nouveau village ? Les principaux champs sont situés dans la vallée, à 500 mètres du nouveau village. Au sein de Nâm Dam existent aussi quelques petites rizières. 3.4. Les rendements agricoles sont-ils observés ? Les récoltes sont-elles améliorées ? Le rôle de 1 + 1> 2 est ciblé sur la construction et la rénovation des maisons existantes en maisons offrant une capacité d’accueil touristique. Les architectes ont mis l’accent sur la notion d’identité culturelle et l’homogénéité des constructions du village. Quant aux rendements agricoles, les habitants optimisent les récoltes avec des types de riz à haut rendement, au moyen d’un meilleur système hydraulique et d’irrigation.

4. Impacts 4.1.Le déménagement à Nâm Dam a-t-il amélioré la qualité de vie des villageois ? Le déménagement au nouveau village a amélioré la qualité de vie et a permis une augmentation des revenus des Dzao. Le raccourcissement du transport a favorisé les activités agricoles et a facilité le chemin pour aller à l’école des enfants. Le bilan jusqu’à maintenant est plutôt positif.

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4.2. Comment l’introduction du tourisme comme nouvelle source de revenus a-t-elle modifié la structure de la communauté ? Combien de touristes par an ? Quels revenus les habitants ont-ils gagné grâce au tourisme ? Comment les bénéfices du tourisme ont-ils changé la vie des Dzao par rapport à leur vie d’avant, basée seulement sur l’agriculture ? Le modèle de tourisme communautaire avec tous ses bénéfices ont aidé les Dzao Chàm à prendre conscience du potentiel et de l’importance de leur identité ethnique et de leur tradition. Il s’agit de l’authenticité qui crée une attraction touristique. Chaque année, plus de 3 000 à 4 000 touristes internationaux se rendent à Nâm Dam (données fournies en 2017). D’après les prévisions du département du tourisme local, en 2020, le nombre de touristes pourrait atteindre 10.000 personnes avec un chiffre d’affaires jusqu’à 5 milliards VND (environ 196.000 euros), le revenu par tête est d’au moins 30 millions VND / an (environ 1.200 euros) 4.3. La structure sociale a-t-elle été modifiée ? Le mode de coopération entre les habitant a-t-il changé ? L’exode rural a-t-il diminué ? Y a-t-il des gens qui sont partis en ville pour gagner leur vie et qui décident aujourd’hui de revenir à Nâm Dam ? L’arrivée du tourisme ne change pas la structure sociale. Les habitants coopèrent pour améliorer la qualité des services touristiques: homestay, bain aux herbes médicinales, guides touristiques, restauration, spectacles musicaux et danse du rituel de la Maturité. Cette coopération vise à entretenir la cohésion déjà existante entre les villageois à Nâm Dam. Le pourcentage d’enfants scolarisés augmente. Quant aux gens qui reviennent au village natal pour y réinstaller, l’agence 1 + 1> 2 n’a pas encore de statistiques précises. 4.4. Y a-t-il un modèle rural similaire à Nâm Dam développé par Caritas ou par 1+1>2 ? Plusieurs modèles villageois similaires à ce modèle ont été développés par des organisations non gouvernementales (ONG), dont Caritas. En plus du hameau de Nam Dam, Caritas a également contribué à construire la commune de Lùng Tám ...

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2013 présentation du projet de la Swallow House de l’agence 1+1>2 à toute la communauté 95


Happiness Architecture - Hoàng Thúc Hào De nos jours, la mondialisation a rapproché le monde plus que jamais, mais en même temps, a écarté les communautés défavorisées et les minorités des groupes majoritaires. De plus, l’urbanisation massive avec ses constructions standardisées appauvrit la vie spirituelle.

Œuvre No 11 - Light Sentence 1992 - Exposition sur Mona HATOUM 24 juin - 28 septembre 2015 au Centre Pompidou Le titre est un jeu de mots avec l’idée d’une peine de prison (sentence) légère (light). L’installation est faite de boxes grillagés carrés, empilés pour créer un enclos à trois côtés plus haut qu’un homme. Les boxes ont l’aspect de clapiers pour animaux mais peuvent aussi évoquer l’architecture institutionnelle, uniforme et carrée, qui quadrille les banlieues des grandes villes. Une unique ampoule est pendue au milieu de la structure ; elle monte et descend lentement, créant une lumière qui projette sur les murs de grandes ombres grillagées en mouvement incessant. Ce mouvement crée une sensation de malaise, d’instabilité et de désorientation, comme si toute la pièce vacillait.

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Le développement déséquilibré a engendré de nombreuses zones surexploitées et surpeuplées, tandis que d’autres sont isolées, négligées et souffrent du manque d’éducation. Ainsi, le rôle d’un architecte aujourd’hui, selon Hoàng Thúc Hào, n’est pas de créer mais d’être au côté de ces communautés défavorisées / négligées. Plus que jamais, l’architecture d’aujourd’hui devrait, avant tout, se concentrer sur les besoins fondamentaux des êtres humains. En particulier, l’architecture devrait être en mesure d’aider les communautés marginalisées à perpétuer leurs valeurs culturelles originales qui risquent fortement d’être absorbées voire anéanties par l’architecture moderne / exotique (vis-à-vis de ces communautés n’ayant jamais quitté leur lieu natal). Le risque de l’architecture moderne est de considérer la maison comme une machine à habiter. Le risque de l’architecture verte est de ne penser la maison que comme une machine énergétique. Il manque une dimension humaine dans tout ça. La joie de vivre est rare dans la vie contemporaine qui se développe sur un rythme trop rapide et industrialisé. “L’Architecture du Bonheur” doit inspirer une vie heureuse aux communautés et en même temps permettre à l’architecte d’obtenir satisfaction, responsabilité et aspiration dans l’exercice de son métier. Il ne s’agit pas de faire de simples constructions fonctionnelles mais de traduire les expressions de la culture, tangibles et sensibles à nos sens humains. La philosophie de “l’Architecture du Bonheur” et “Surprise Durable” constitue le principe de travail de Hoàng Thúc Hào et de son agence d’architecture 1+1>2. Cette philosophie s’appuie sur trois piliers suivants: Architecte Heureux + Bâtiments Heureux + Utilisateurs Heureux = Architecture du Bonheur

D’après moi, il est plus judicieux de dire que l’Architecture du Bonheur résulte des “Habitants Heureux” qui incarnent l’âme du lieu et habitent dans les “Corps Architecturaux Situés” imaginés par “l’Architecte Responsable” à l’écoute de ces habitants. Une architecture bien pensée doit avoir le potentiel de générer des émotions positives pour l’occupant. Une telle architecture serait pérenne dans le fonds et dans la forme. Afin d’aboutir à ce résultat, Hoàng Thúc Hào insiste sur l’équilibre entre des critiques théoriques de l’architecture et des méthodes constructives traditionnelles, un résultat de l’ordre de l’au-delà, d’où le nom de son agence: la somme est supérieure au postulat mathématique.

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Ossature béton armé

Coupe de la maison de l’Hirondelle 1+1>2

Ossature béton armé

Plan de la maison de l’Hirondelle 1+1>2

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Swallow Community House : la dirty reality La réalité du chantier : Les architectes ont eu recours aux chaînages en béton armé cachés dans le pisé pour l’ouverture d’angle en double hauteur, un “geste” d’architecture qui est, selon eux, “libérateur” d’espace et de lumière. Lors de ma visite, un meuble de réception est localisé dans ce coin et obstrue tout le jeu d’entrée de lumière à l’image des intentions initiales. En outre, afin d’obtenir la forme ronde de l’ouverture au premier étage, le pignon Est a été réalisé en briques en terre cuite avec finition à l’enduit de ciment peint de la couleur jaune au lieu d’être en bois comme sur les documents graphiques. La symbolisation de la toiture en ailes d’hirondelle n’a pas été comprise par de nombreux visiteurs qui croyaient que la toiture a été mal mise en œuvre. De plus, le soulèvement d’un côté de la toiture entraîne l’entrée de la pluie dans le bâtiment. Elle a été refaite en deux fois car ne résistait pas aux tempêtes.

Ferraillage

Béton coulé sur place

Pisé

Croquis d’étude du détail structurel du mur en pisé Alexandre Laurent, Vincent Tissandier, Chloé Viéron Étude de la structure de la Swallow Community House

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Axonométrie de la structure Alexandre Laurent, Vincent Tissandier, Chloé Viéron Étude de la structure de la Swallow Community House

Tuiles Tuiles Charpentebois bois Charpente

Fauxplafond plafond Faux

Tasseau Bambou

Pisé

Pisé

Poteau béton Poteau béton

Ficelle en rotin

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témoin d’une mutation culturelle et sociale à Nâm Dam

La réalité décevante : Nâm Dam possède deux saisons distinctes: saison humide (mai - octobre) avec de fortes précipitations aux mois de juillet et d’août et saison sèche (novembre - avril) avec une température hivernale qui peut descendre jusqu’à 4-5°C la nuit. Or “il s’agit d’une architecture tropicale” conçue pour un climat chaud et sec. En cas d’orage, il pleut également à l’intérieur, vers l’escalier menant au premier étage et la distribution des chambres qui est non cloisonnée.(cf. vidéo “Il pleut dedans !”) La cheminée à l’occidentale n’est jamais utilisée car elle est placée trop haute. Durant l’hiver, les factures pour le chauffage électrique sont très onéreuses. Résultat : Usagers non heureux + Architecture qui crée des mauvaises surprises ? L’architecte devient perplexe car les bonnes idées initiales ont été déformées par la réalité de la matérialisation du projet.

Il pleut dedans !

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1. café 2. Fumer du tabac dans un bâton de bambou 3. cf Khai bút p. 110-111 4. Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, folio essais, 1946

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Demain entre les mains des Dzao

pas seulement


Nâm Dam de demain

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un avenir incertain selon plusieurs facteurs

• la communauté se rétrécit

début d’une concurrence malsaine

Ce qui appartient à la terre revient à la terre Les Dzao Chàm à Nâm Dam sont sincères, bienveillants et partagent leurs demeures avec les invités. Il faut néanmoins être conscient que la valeur pécuniaire prend de l'importance car il s’agit d’un service touristique contre lequel on donne un montant d’argent. Les habitants risqueront-ils se laisser emporter par l’envie de s’enrichir ? Tomberont-ils dans le piège du tourisme de masse ? Ce tourisme qui a annihilé Sapa, jadis un lieu isolé connu pour ses magnifiques rizières cultivées par différentes ethnies à Lào Cai (Nord-Ouest) du Viêt Nam, devenue désormais une ville muséifiée des populations ethniques.1

1. Sapa est un lieu incontournable des circuits touristiques organisés par des agences du tourisme vietnamien. Le Comité Populaire local a promis un développement économique fondé sur le tourisme de masse et la croissance économique rapide et a permis aux grands investisseurs de construire d’énormes hôtels comme La Coupole de Sun Group conçu par Bill Bensley - un édifice gigantesque de style européen juste à côté de la place centrale de Sapa.

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“Tourisme de masse: risque d’une destruction massive?”

Depuis la Révolution Industrielle, une grande partie de la population est libérée du fardeau physique du labeur. Les gens disposent désormais de temps libre pour s’intéresser à la “culture”. Or, d’après Hannah Arendt dans La Crise de la Culture, sorti en 1961, ces personnes faisant partie de la société de masse, transforment des oeuvres culturelles en objets utilitaires à des fins de consommation. La culture, à la différence du loisir, est intemporelle. N’obéissant à aucune nécessité, elle tisse le lien entre le passé et l’avenir, elle incarne la liberté. Le loisir, quant à lui, se réfère à un désir passager et se soumet aux besoins cycliques qui se répètent jusqu’à la mort. Peut être la différence fondamentale entre société et société de masse est-elle que la société veut la culture, évalue et dévalue les choses culturelles comme marchandises sociales, en use et abuse pour ses propres fins égoïstes, mais ne les consomme pas.1 La société de masse se contente avec des intérêts immédiats : ce sont des usagers qui sont régis dans un monde de consommation. Avec la mondialisation et tous les progrès que cela comporte, l’éducation et le voyage se démocratisent : la culture s’offre à tout le monde. Or, tout le monde n’essaie pas de saisir la culture. S’agit-il du résultat du mode de vie contemporaine qui est trop hâtif, qui dessine des standards ou des buts à atteindre comme une check-list à une masse de population suivant ces critères sans les remettre en question ? Il est pas rare de voir des troupes de touristes en autocar se prenant en photos devant des monuments dits “must-see”, exactement à l’image de ce qu’ils font lorsqu’ils font les courses, c’est-à-dire de cocher des cases sur la liste. Ainsi, Jean-Paul Loubes dénonce le tourisme de masse qui représente une arme de destruction massive. Il semble partager avec Hannah Arendt l’idée que l’afflux des services touristiques réduit la rencontre des cultures à une seule opération monétaire.2 Les cultures sont résumées à des images-clichés, des produits ethniques, des objets prêts à être consommés. Avec 1.035 milliards de touristes en 2012, c’est vrai que la demande est là et qu’il est difficile de faire une gestion intelligente à cette échelle. On relie vite la crise culturelle évoquée par Arendt à la dévolution des architectures à la consommation touristique que Loubes estime destructive. Une cause majeure de cette destruction de pans entiers du génie humain est la dévolution de ces trésors [ces architectures des Autres] aux divers modes de consommation touristique: muséification, destruction pour rénovation, disneylandisation, expulsant les cultures d’origine de leurs formes bâties dont le statut est réduit à celui de décors exotiques, couronnés par la sacralisation sur la liste du Patrimoine mondial.3

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1. Hannah Arendt, La Crise de la culture, 1961, p. 262 2. Jean-Paul Loubes, Tourisme Arme de destruction massive, éditions Sextant, 2015, p.17. Le tourisme de masse fait qu’il s’agit d’une ressource économique considérable. Dans ce paragraphe, J-P Loubes dénonce l’artificialisation des services touristiques qui font que les pays pauvres sont même prêts à fabriquer les produits qui les “résument” pour gagner de l’argent auprès des touristes. 3. Jean-Paul Loubes, op. cit. , p.20

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Traduction du khai bút Le 1er janvier du calendrier lunaire - L’année de la Souris (Canh Tý) 2020 (25 janvier 2020) Le huitième Têt loin de la famille. Je prends du temps pour coucher ces mots sur le papier, khai bút du Têt pour entamer une nouvelle année signifiante. Le texte est méticuleusement manuscrit sur la table où se trouve également le plateau des cinq fruits1 dont j’ai fait l’offrande hier. Malgré la vie contemporaine hâtive et chargée, je ne peux pas omettre la cérémonie du Têt parce que c’est une nourriture intellectuelle indispensable pour nous, les enfants du Viêt Nam. Le rendu du projet et du mémoire se rapproche, mais je prends mon temps pour réaliser ce khai bút: cela m’a permis de prendre du recul afin de réfléchir pour ensuite avancer dans la vie. Ranger mon espace Ranger moi-même Les questions du type “Ce que je fais dans la vie et pour mes études servent-ils à la société ? Qu’est ce que cela signifie? Mes actes sont-ils significatifs de mon âme, de ce qui me constitue ? Qui suis-je ? Que fais-je ? Comment je m’oriente dans la vie? De quelle manière les voyages m’influencent ?” Il existe des choses minimes et brèves qui se passent mais qui laissent un impact profond et puissant dans la vie. Pour moi, le voyage à Nâm Dam fait partie de ces évènements succincts mais si miraculeux. Les quatre jours chez le chef de village m’ont profondément inspirée sur la relation entre l’Homme et l’Homme, l’Homme et la Vie, l’Homme et la Nature. Avec l’architecture, je regarde la vie à travers un prisme formel et esthétique généré par le nombre d’or pour des proportions harmonieuses conçues par et pour l’Homme. Avec le mémoire de fin de Master, j’ai appris de nombreuses leçons, découvert de nouvelles notions et surtout cela m’a donné du temps afin de réunir des éléments qui constituent mon être.

1. indispensables pour le culte de la veille du Nouvel An

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La fragilité d’une identité forte - les Dzao et moi

L’an 2013 marque mon début dans le milieu de l’architecture avec le Brevet de Technicien Supérieur à l’École Boulle en Agencement de l’Environnement Architectural : en deux ans j’ai été formée à dessiner, avec des grands rouleaux de calques sur la table à dessin, les détails d’exécution à l’échelle 1 et à travailler avec les différents matériaux. J’ai suivi ensuite l’enseignement de l’architecture à l’ENSA Paris Val-de-Seine par équivalence en deuxième année. Suite au diplôme de Licence, j’ai décidé de prendre une année de césure et j’ai travaillé d’abord en tant que stagiaire puis architecte junior au sein d’une agence d’architecture. L’année scolaire 2018-2019 marque mon échange à l’Université d’INHA à Incheon en Corée du Sud. Revenue à l’école après deux ans d’éloignement, j’ai pu prendre du recul et constituer une simple base de comparaison qui me sert de repère : vietnamienne de naissance et venue en France dès l’âge de 13 ans, j’ai toujours été tiraillée entre deux cultures ; sans parler de la troisième culture, celle qui est partagée par tous ceux qui se trouvent dans l’ère de l’hyperconnexion : les netizens. Lors d’un après-midi cet été à Hà Nôi, dans un cà phê calme caché dans un jardin du quartier West Lake, Lang và nghe Radio 18+ (Radio Pensée & Écoute 18+)1 m’a interviewée au sujet de Nâm Dam, sur comment je l’ai découvert et le but de mon mémoire. En dernier lieu, la question se pose sur qui suis-je. Sept ans dans le milieu de l’architecture, j’apprends tous les jours de nouvelles choses qui définissent ou contrastent avec mon identité en tant qu’architecte, toute chose est enrichissante à mon sens. Avec mes collègues étudiants, je fais un peu la même chose qu’eux mais ce que je dessine vient de mes propres observations et interprétations donc unique. Chaque être est et devrait être unique.

1. Chaîne radio indépendante de la plateforme facebook Vietnamese Culture Space qui partage des histoires des jeunes vietnamiens actifs et soucieux de leur avenir. La chaine propose des podcasts bruts dans leur intégrité.

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Sans identité, nous sommes un objet de l’histoire, un instrument utilisé par les autres. Un ustensile Joseph Ki-Zerbo A quand l'Afrique ?, Editions de l'Aube, 2004

Lê Thiêt Cuong, hat gao vân tay, 2015

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L’architecture se raisonne de la même manière: elle devrait être “située d’une certaine manière” et chercher à s’intégrer dans son contexte. Dans le Traité d’architecture sauvage de Jean-Paul Loubes, le “retour du local” ne constitue en aucun point un régionalisme (architecture néobasque, néo-bretonne, etc.), ni un nationalisme (architecture néo-Tang en Chine, nëo-timouride en Ouzbékistan, etc.) mais établit un rapport à la localité dans toutes ses dimensions, sans idéologie identitaire et localiste. Chaque territoire une “profondeur” d’historique qui est lui est propre. Il faut tisser un lien entre la communauté, une “identité sociale” à un territoire en question afin d’avoir une qualité territoriale car cette communauté va avoir une conscience sur les valeurs du territoire et l’entretenir.1 Le Génie du Sol (Thân Thô Dia) est sacré dans les croyances orientales. Au Viêt Nam, peu importe l’ethnie, chaque foyer est muni d’un autel pour faire des offrandes au Génie du Sol et aux ancêtres. Dans le domaine de l’architecture, “l’esprit du lieu” est théorisé sous la locution latine Genius Loci qui étudie la relation entre les individus et l’environnement. Dans le livre Genius Loci : Vers une phénoménologie de l’architecture, Christian Norberg-Schultz suggère que le lieu doit “rendre significative l’existence des individus”. Tandis que l’existence du village de Nâm Dam ne compte qu’une vingtaine d’années, les Dzao ont su transposer leurs codes architecturaux sur cette terre, tout en restant dans le respect total de la nature. Ils ont su vivre le lieu en même temps que le lieu vit lui-même. Ils revendiquent leur droit à la terre au nom des maisons de terre qui donnent un sens à leur existence.

1. Magnaghi Alberto, Le projet local, Mardaga, 2003

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• • prototype à copier à l’identique

ou relative au contexte ? archétype - prototype - archétype

Labellisé “Village culturel et touristique” par le Ministère du Tourisme, de la Culture et des Sports, Nâm Dam est en quelque sorte le lieu d’expérimentation du nouveau modèle rural qui se base sur l’amélioration des techniques agricoles et un éco-tourisme géré par la communauté. La notion de prototype se présente. En général, le prototype est le premier modèle de grandeur réelle qui peut tendre vers un modèle idéal. Ce dernier est le résultat d’un processus de va-et-vient entre essais et erreurs menant à un archétype. Un prototype peut s’inspirer d’un archétype existant, qui a une vertu de validité et devient, avec le temps et avec des modifications, un nouvel archétype.

archétype profondeur historique, référence vers le passé

cycle archétype - prototype - archétype

prototype expérimentation pour un test vers l’avenir

archétype = prototype + temps de validation ?

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Nâm Dam est devenu un lieu unique, attractif pour les touristes grâce au nouveau modèle rural “Village culturel et touristique” permettant aux habitants de prendre conscience de leur propre identité culturelle et de préserver leurs savoir-faire traditionnels. Les autorités locales du district de Quan Ba l’étudient comme un modèle / archétype à partir duquel on l’adapte aux autres villages culturels sur le territoire. C’est une des voies du développement durable.1 Si on regarde le bilan à partir de l’année 2012, le début de la restructuration villageoise au profit d’une meilleure condition de vie et d’une mise en place du tourisme communautaire, le résultat est plutôt positif : l’espace de vie est amélioré et bénéficie d’une meilleure hygiène, les habitants soignent davantage leurs demeures ainsi que leurs apparences physiques. Ils préservent leurs activités agricoles et d’élevage et par conséquent assurent une autosuffisance alimentaire. Ils ont monté une coopérative pour les herbes médicinales et l’apiculture et une plateforme de communication Namdaco.op. 3 Le village de Nâm Dam est un prototype mis en place par plusieurs acteurs extérieurs - les autorités locales, l’ONG Caritas, l’agence d’architecture 1+1>2 - avec la communauté des Dzao. Avec le temps, ce prototype va tendre vers un archétype, qui lui-même résulte d’une optimisation des paramètres du lieu tels que le climat, la topographie, les modes de subsistance, les ressources locales disponibles, etc. Il ne faut donc pas voir l’archétype comme une image figée à copier et coller partout mais le comprendre comme un modèle idéal à structure vide 2 autour de laquelle les figures se manifestent différemment suivant les caractéristiques de leur environnement. Les prototypes architecturaux mis en place par l’agence 1+1>2 s’inspirent du passé avec une édification en pisé aux techniques ancestrales (banches en bois et pisoirs manuels) et en utilisant des techniques de construction contemporaines comme l’ossature poteaux-poutres en béton de ciment.

1. Sèn Thang Long, Vice Président du comité du district de Quan Ba, province de Hà Giang 2. Inspiration de la définition psychanalytique de l’archétype de Carl-Gustav Jung 3. cf. p. 135

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rammed earth is the “new” concrete Le pisé est le nouveau béton.

Il faut être précis dans le vocabulaire : jusque là quand on parle du béton, on se réfère directement au béton de ciment composé de ciment, de sable, de granulat, d’eau et éventuellement d’adjuvants. La fabrication du clinker, composant principal du ciment, est obtenue suite à une cuisson d'environ 1.450 °C de calcaire (80%) et d'argile (20%) et donc très énergivore. Le béton est en effet un assemblage d’agrégats (graviers, sables, etc.) et de liant (argile, bitume, ciment) mélangé à de l’eau afin d’obtenir d’une pâte. Il est possible d’ajouter des adjuvants pour changer les propriétés physiques et chimiques du mélange. Il se solidifie après séchage : on dit que le béton fait “prise”.1 Le béton de terre est le plus ancien de tous les types de béton. Toutefois, dans les pays développés, le pisé ou les matériaux à base de terre crue redeviennent d’actualité et apparaissent comme “nouveaux” et “exotiques”. L’utilisation de la terre crue dans les villes est remise en cause en raison de manque de ressources locales, de main-d’œuvre et de strictes réglementations constructives qui obligent une stabilisation à la chaux. Cependant, certains architectes d’aujourd’hui défendent la composition 100 % naturelle du pisé comme Martin Rauch en Autriche (la Maison des Plantes Ricola à Bâle - surprenante par sa taille), Timur Ersen en France (qui était ouvrier en pisé chez Lehm Ton Erde Schweiz GMBH de Martin Rauch) et Nicolas Meunier avec Clément Vergély qui sont en train de construire 1.000 m² de bureaux en plein centre-ville de Lyon.

1. Wikipédia, Béton

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Comme toujours, la matière première a été prélevée au plus près: terre graveleuse tirée du site, marnes et argiles d’une proche carrière d’une fabrique de briques. Aucun adjuvant dans le mélange ! Martin Rauch refuse énergiquement l’utilisation du ciment, “responsable de 5% des gaz à effet de serre d’origine humaine” et il insiste sur la déconstruction. Quand ses bâtiments seront en fin de vie, son pisé pourra être mélangé au terrain naturel, sans le contaminer.1 À Nâm Dam, toutes les maisons existantes sont élaborées de 100 % terre naturelle excavée sur place. Respectant la charte villageoise, les Dzao continuent à utiliser le pisé pour ériger leurs maisons. Néanmoins, afin d’accélérer le cahier des charges, les habitants se précipitent dans l'utilisation de matériaux industriels tels que la brique ou le ciment pour la rénovation ou la construction des maisons. Pour remplir les pignons, suite à la surélévation de la toiture, ils posent les briques au-dessus des murs en pisé existants, puis repeignent en peinture jaune imitation terre. La raison est simple : on peut toujours utiliser du pisé pour le remplissage mais il s’agit d’une question de temps. Les nouvelles maisons, quant à elles, respectent toujours les techniques constructives traditionnelles mais se dotent désormais d’une ossature en béton. À mes yeux, le pisé est réduit à un simple produit esthétique et ne consiste plus en un savoir-faire hérité des ancêtres qui prenaient le temps pour travailler avec les vertus de la terre. S'agit-il d’importer des pisoirs pneumatiques puissants pour faciliter la tâche des piseurs et accélérer ainsi le processus de fabrication ou simplement de respecter les règles imposées par le pisé, c’est-à-dire respecter la saison sèche et la durée nécessaire ?

1. Gauzin-Müller Dominique, “Martin Rauch, le magicien du pisé”, EcologiK , 50, 2016, mai-juin-juil., p. 28-31

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Nâm Dam de demain


un avenir incertain selon plusieurs facteurs

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conclusion Aujourd’hui, l’ancien village de Trúc Son et le Village de terre de Nâm Dam, tout deux entièrement peuplés par l’ethnie Dzao, entretiennent une relation étroite en raison des liens de parenté et des échanges culturels et de services qui les lient. L’étude comparative a permis de constater que Nâm Dam maintient davantage la tradition constructive en pisé que son village voisin qui présente une architecture non traditionnelle - type maisons de ville en béton de ciment - mais qui reste autochtone, sinon vernaculaire, car construite par la main-d’œuvre locale sans l’aide d’institutions. L’architecture à Nâm Dam, avec des maisons en pisé rénovées et la Maison de l’Hirondelle, représente ce que Jean-Paul Loubes appelle le “vernaculaire contemporain” qu’il met en contraste avec le “vernaculaire populaire” qu’illustre la situation architecturale de Trúc Son. Le vernaculaire contemporain en architecture La fabrication par la tradition vise à reproduire, à perfectionner ou à adapter, plus qu’à inventer. Elle n’exclut cependant pas les apports extérieurs et l’adoption de réponses importées, les évolutions, les transformations. L’empirisme est le socle de ce processus de fabrication.1 L’architecture vernaculaire populaire Les proportions atteintes par la croissance de la démographie mondiale ont entraîné le développement d’une architecture populaire de masse. Productions des sociétés modernes, ces phénomènes, par leurs formes, les matériaux qu’il utilisent, les cultures des groupes qui les mettent en oeuvre, ne peuvent plus être qualifiés de traditionnels. Ils sont cependant vernaculaires dans la mesure où ils mettent en œuvre des ressources locales sans l’aide d’institutions.2 L’association de vernaculaire au contemporain marque la reconnaissance de ces processus actuels de production du bâti fondés sur les ressources locales.3 C’est dans cette perspective que l’agence d’architecture 1+1>2 a mis en place un prototype d’habitat évolutif qui tient compte d’un nouveau mode d’existence, qui se relie à la fois au passé avec l’agriculture et s’ouvre vers l’extérieur grâce à la fréquentation des visiteurs. Ce prototype du nouvel habitat de cohabitation semble être apprécié par les habitants. C’est le fruit du processus

1. Jean-Paul LOUBES, Traité d’architecture sauvage, éditions Sextant, 2010, p.40 2. ibid. , p.42 3. ibid. , p.43

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d’une conception avec la communauté. Les villageois, qui vivaient dans des endroits précaires et négligés avant l’intervention des spécialistes, bénéficient dorénavant d’un meilleur revenu grâce à l’hébergement des touristes, ce qui leur permet d’embellir leur maison, d’améliorer les conditions de vie telles que l’hygiène et l’eau chaude et enfin de transformer leur cour en un véritable terrain d’échange culturel avec des voyageurs venant de partout dans le monde. Les aléas sont pourtant à surveiller : intimité non préservée, arrivée d’éventuels touristes non respectueux et surtout d’un tourisme de masse qui détériore l’authenticité de l’identité culturelle des habitants. Certains craignent une dénaturation de la culture chez les jeunes qui sont au coeur des tentations de la mondialisation. Le monde actuel s’articule autour de deux valeurs principales: 1. Valeur pécuniaire - le monde capitaliste fait que toute création est un produit à acheter et à consommer. 2. Valeur du signifiant - cette valeur relève de l’arkhê, principe absolu de l’au-delà, quête spirituelle et émotionnelle. Le signifiant incarne l’âme d’une entité, l’identité qui caractérise une personne ou une unité communautaire. Il signifie l’existence de cette chose qui se distingue parmi d’autres choses. Le signifiant en architecture relève de l’arkhê.1 Le premier prototype, celui du nouvel habitat proposé par 1+1>2 - activités agricoles combiné avec un hébergement homestay - pourrait constituer un nouvel archétype architectural réunissant les deux valeurs du monde actuel dont la première est nécessaire pour l’obtention de la seconde. Cet archétype serait alors susceptible d’être reproduit à l’échelle régionale et nationale afin d’améliorer l’existence des populations ethniques vulnérables par le biais du tourisme qualitatif à petite échelle, géré par les communautés elles-mêmes.

1. Jean-Yves Guégan, Cours de Master 2 Processus de conception, 2019 - 2020

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La Maison de l’Hirondelle, quant à elle, incarne un autre prototype d’architecture hybride s’inspirant de l’archétype des maisons traditionnelles. Toujours avec les même matériaux qui dialoguent avec les rizières environnantes, les architectes de 1+1>2 ont eu recours au mode constructif contemporain, notamment l’ossature poteau-poutre en béton de ciment pour réaliser leur projet d’architecture. L’ouvrage est apparu dans plusieurs magazines pour sa vertu écologique et son esthétique photogénique. Les habitants, quant à eux, sont mitigés quant au résultat qui ne s’avère pas pérenne face au temps et aux intempéries. Les architectes reconnaissent les défauts du bâtiment et s’engagent à apprendre des erreurs pour optimiser ce prototype en archétype se rapprochant d’un idéal. Le processus de l’archétypage, c’est-à-dire le remodelage sans cesse d’un essai à un autre en fonction des outils et ressources disponibles se retrouve dans la « pensée mythique » du bricolage que Claude Lévi-Strauss distingue de la « pensée scientifique » de l’ingénierie. Or si on reprend la définition de l’architecture qui relève de l’arkhê, le principe de l’au-delà, on peut dire que cela rejoint la dimension métaphysique intrinsèque à la « poésie du hasard » du bricolage. Les Dzao, ainsi que toutes autres ethnies vivant dans des conditions parfois extrêmes, ont “bricolé” au cours des siècles et par conséquent possèdent une capacité à “faire avec”, en utilisant des éléments prédéterminés de manière flexible et habile, toujours soucieux de l’optimisation du résultat. À travers la charte villageoise, la population locale a décidé à l’unanimité de bâtir seulement en pisé et en matériaux naturels de proximité comme le bois, le bambou, le chaume et les tuiles afin de tisser un fil spirituel avec leur héritage ancestral. Les maisons en pisé font partie de la “signature ethnique”1 de la population Dzao ; elles sont gravées dans la mémoire collective locale et demeurent les premières choses que les enfants partis en ville veulent revoir lors de leur retour chez eux. Demain, si les maisons n’étaient plus en terre, si elles devenaient toutes en parpaing au détriment du pisé, les enfants de Nâm Dam et les hirondelles ne retrouveraient plus leur repère. Quittant leurs plus grands amis les Dzao, celles-ci s’en iraient de Nâm Dam, comme les touristes qui ne viendraient plus un jour.

1. Formoso Bernard, “Costumes, espaces protégés et « signature ethnique ». Le cas des Hani-Akha du Yunnan (R.P. de Chine)”, Arts Asiatiques, 59, 2004, p. 87-100

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conclusion


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bibliographie Livres ARCH + Vietnam – The silent avant-garde (Vietnam – Die stille Avantgarde), 2016 Fontaine Laetitia, Anger Romain Bâtir en terre : du grain de sable à l'architecture, Belin, 2009 Kéré Diébédo Francis Radically Simple, Hatje Cantz, 2017 Loubes Jean-Paul Traité d’architecture sauvage (Manifeste pour une architecture située), éditions Sextant, 2010 Tourisme Arme de destruction massive, éditions Sextant, 2015 Lévi-Strauss Claude La Pensée sauvage, Plon, 1962 Magnaghi Alberto Le projet local, Mardaga, 2003 Norberg-Schulz Christian Genius loci, Paysage, ambiance, architecture, Mardaga, 1997 Poulain Adrien Choisir L'habitat Partagé - L’Aventure De Kraftwerk, Parenthèses Editions, 2018 Sartre Jean-Paul L'existentialisme est un humanisme, Éditions Nagel, 1946 Tamisier Jean-Christophe Dictionnaire des Peuples - Sociétés d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Océanie, Larousse Vietnam Association of Architects Théorie et critique de l’architecture au Viêt Nam (Lý luân và phê bình kiên trúc o Viêt Nam), éditions Thanh Niên, 2018

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Bibliographie


Articles Formoso Bernard “Costumes, espaces protégés et « signature ethnique ». Le cas des Hani-Akha du Yunnan (R.P. de Chine)”, Arts Asiatiques, 59, 2004, p. 87-100 Gauzin-Müller Dominique “Martin Rauch, le magicien du pisé”, EcologiK, 50, 2016, mai-juin-juil., p. 28-31 “Dossier. Architecture en terre : Renaissance de l’architecture en terre”, EcologiK, 50, 2016, maijuin-juil., p. 68 -77 Mannone Pierre “Artisan du pisé - le choix d’une tradition d’avenir. Entretien avec Nicolas Meunier”, EcologiK, 1 2008, fév.-mars, p. 96-97 Saint-Pierre Raphaëlle “Dossier. Architecture en terre : Un village dédié au tourisme”, EcologiK, 50, 2016, mai-juin-juil., p. 102-109 Travaux d’étudiants Boulbin Elphège Hassan Fathy et Francis Kéré : Architecture de terre crue, entre modernité et tradition en Afrique, ENSAP Bordeaux, Mémoire de master sous la direction de Sylvain Schoonbaert, 2013 Cabordière Maelle Faire le lien pour faire le lieu : L’engagement de 4 architectes, ENSA Paris Val-de-Seine, Mémoire de master sous la direction de Léo Legendre, 2017 Expositions Hatoum Mona, “Œuvre No 11 - Light Sentence 1992”, Exposition sur Mona HATOUM au Centre Pompidou, 2015 Musée d’ethnographie du Viêt Nam à Hà Nôi Exposition permanente et Jardin d’architectures

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Sites http://nature.org.vn/vn/2019/02/mo-hinh-du-lich-cong-dong-tao-sinh-ke-ben-vung-cho-nguoidan-thon-nam-dam-quan-ba https://indochinatours.asia/activetravel-asia-and-caritas-switzerland-working-together-in-asurvey-of-a-responsible-tourism-project-in-quan-ba-ha-giang-province-vietnam/ https://www.voyagevietnam.co/geoparc-du-plateau-karstique-dong-van-charme-irresistibleincontournable-du-nord-vietnam/ https://lecourrier.vn/le-cap-sac-postule-a-lunesco/451930.html http://baodantoc.vn/huong-di-moi-cho-lang-du-lich-nam-dam-35683.htm https://www.tapchikientruc.com.vn/chuyen-muc/kientruc-xahoi/thiet-ke-vi-cong-dong-lua-chonmo-hinh-hieu-qua.html https://www.myclimate.org/fr/sinformer/projets-de-protection-climatique/detail-des-projets-deprotection-du-climat/show/Project/inde-biogas-7168/ Liens vers des courts-métrages Chaîne Youtube Les Dzao, L’Hirondelle et le Village de terre https://www.youtube.com/playlist?list=PLXTrWu4fhZYzC2bgmANVI5A73zVTzBAd5 Écrit par Lê Hoàng Anh ImagesL Lê Hoàng Vu - The Skyfire Ingénieur du son: Lê Hoàng Anh Illustrations La plupart d’illustrations est réalisée par moi-même. Si la source du document graphique n’est pas précisée, il s’agit d’une de mes illustrations.

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Bibliographie


Chaîne Youtube Les Dzao, L’Hirondelle et le Village de terre

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table des matières Avant-propos.......................................................................................................12 Introduction.........................................................................................................18 I - Trúc Son et Nâm Dam : entre l’ancien et le nouveau, l’agriculture et le tourisme, construction industrielle et “vernaculaire”.......................................22 1. Nâm Dam est fondé : QR (court-métrage 01).......................................................................24 a. Le portrait des Dzao Chàm à Nâm Dam........................................................................26 b. Plan et coupe de principe des deux villages.................................................................29 c. Label Village culturel et touristique..............................................................................30 d. Label ASEAN Homestay standards...............................................................................31 2. Les deux villages aujourd’hui : 3 tableaux comparatifs...........................................................32 3. Projet culturel par Caritas et Pan Nature.................................................................................38 a. Tourisme par la communauté: fondé et géré par la communauté...................................38 b. Formations aux différents métiers...................................................................................38 4.Projet architectural par 1+1>2...........................................................................................39 a. Programme et phasage du projet Earth Village.............................................................39 b. Regroupement des maisons qui utilisent un puit de biogaz commun.............................41 c. Soulever le toit............................................................................................................43 d. Swallow Community House (Maison de l’Hirondelle)...................................................43 e. Récapitulatif du projet Earth Village.............................................................................44 II - Les maisons en terre: témoin d’une mutation culturelle et sociale au sein du village de Nâm Dam..............................46 1. “Nous avons connu les maisons en terre depuis la naissance” : QR (court-métrage)............48 a. Composition de la terre................................................................................................50 b. Terre constructible.......................................................................................................51 c. Construire en pisé à Nâm Dam....................................................................................52 d. Étude comparative d’un foyer d’agriculteurs / homestay et d’un foyer uniquement d’agriculteurs...........................................................64

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2. Engagement officiel pour conserver les édifices en terre......................................................72 a. Charte villageoise pour construire en terre...................................................................72 b. Les hirondelles font leurs nids sur le mur en pisé..........................................................75 c. Les autorités locales sont à côté des habitants.............................................................77 d. Tiraillement entre tradition et ascension sociale ...........................................................77 3. Swallow Community House: réinterprétation de la maison en pisé par 1+1>2 et les habitants............................................80 a. Distinction entre la conception pour la communauté et conception avec la communauté...82 b. Fiche technique de l’ouvrage.........................................................................................87 c. Processus de conception avec la communauté Dzao...................................................88 d. “Happiness architecture” - Hoàng Thúc Hào................................................................96 e. Swallow Community House: la dirty reality...................................................................98 III - Nâm Dam de demain entre les mains des Dzao: un avenir incertain selon plusieurs facteurs...........................................................................104 1. La communauté se rétrécit : début d’une concurrence malsaine : QR (court-métrage 03)..................................................106 a. “Tourisme de masse: risque d’une destruction massive ?”..........................................108 b. La fragilité d’une identité forte : les Dzao et moi..........................................................110 2. Prototype à copier à l’identique ou relative au contexte?.....................................................115 a. Archétype - Prototype - Archétype..............................................................................115 b. Rammed earth is the “new” concrete..........................................................................117 Conclusion..........................................................................................................120 Bibliographie.......................................................................................................124 Table des matières..............................................................................................................128 Annexe................................................................................................................130

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annexe

130

Annexe


bus de nuit vers HĂ Giang

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Subdivisions administratives du Viêt Nam Le Viêt Nam est divisé en 58 provinces et cinq municipalités (Hà Nôi, Hô Chi Minh Ville, Cân Tho, Da Nang, Hai Phòng) qui ont une organisation administrative et exécutive similaire aux provinces. Les provinces vietnamiennes sont, théoriquement, gouvernées par un Conseil populaire élu par les citoyens. Ce conseil est assisté d’un comité populaire qui en est l’exécutif. Cette organisation reprend en simplifié celle du gouvernement central.

Viêt Nam

Provinces

Municipalité

District Urbain

Arrondissement

Ville District

District

Commune Rurale

Village

Source : Wikipédia

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Annexe

Ville Provinciale

Ville Commune


Khau cút, “signature ethnique” du peuple Thai

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Namdaco.op Créée le 28/8/2014, la Coopérative des plantes médicinales de la communauté de Nâm Dam compte 29 participants. Elle étudie des espèces de plantes pharmaceutiques locales et élabore des compléments alimentaires et des médicaments naturels en se basant sur le savoir indigène.

Don Châu Châu (Aralia armata)

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Annexe


Les enfants à NAMDACO.OP

Kim Ngân (Lonicera japonica Thunb)

Cu Dòm (Stephania dielsiana)

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Conversation téléphonique Paris - Nâm Dam

Le 4 janvier 2020, en faisant des croquis pour illustrer les étapes de construction des maisons en pisé des Dzao à Nâm Dam, je suis bloquée dans la compréhension du déroulement du chantier. Alors je décroche mon téléphone et appelle au 09 71 29 81 47: affiché “Lý Tà Dành chef de village”. – Allô bonjour bonne année à vous et à toute la famille, ici Hoàng Anh l’étudiante en architecture qui est restée chez vous avec Vu lors du mois d'août cet été. – Oui allô salut Hoàng Anh, je me souviens très bien de vous deux. Bonne année. La conversation me met de bonne humeur car elle me permet de prendre de ses nouvelles et de me renseigner plus en détails sur la construction d’une maison en terre.

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Annexe


Photos du chantier de la Swallow Community House

Photos du chantier fournies par 1+1>2

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sous l’ombre de chaume



Nâm Dam est un village des Dzao Chàm (Dzao Indigo), une des 54 ethnies officielles du Viêt Nam. Les Dzao comptent aujourd’hui environ 1 million d’habitants parmi la population vietnamienne dont une minorité s’est installée à Nâm Dam, suite à l’incendie de leur ancien village, Truc Son, en 1992. Labellisé “Village culturel et touristique”, les villageois espèrent changer leur vie grâce au développement d’un tourisme communautaire. Fondé et géré par la communauté des Dzao, ce projet de tourisme idéal permettrait aux habitants d’avoir un meilleur revenu, tout en préservant les activités agricoles qui leur assurent une autosuffisance alimentaire. Il s’agit également d’une prise de conscience sur le maintien de l’identité culturelle, déjà très manifeste chez les Dzao mais qui risque de s’estomper dans un contexte de nivellement des cultures : la mondialisation. Baptisé sous le nom “Village de terre” par les architectes de l’agence 1+1>2, Nâm Dam s’engage à construire seulement en terre crue, afin de conserver les maisons en pisé que les Dzao ont l’habitude de “voir depuis leur naissance”. Les Dzao, L’Hirondelle et le Village de terre constitue une base de données des voix des acteurs qui font vivre le village ; non seulement des habitants s’y expriment, mais aussi des autorités locales, des ONG, des architectes, des touristes et enfin moi même, qui ai incarné plusieurs rôles lors de mon séjour : architecte au nom de 1+1>2, étudiante, touriste mais finalement une soeur du village.

Mots clés: Viêt Nam, Nâm Dam, Truc Son, Dzao Chàm, Village de terre identité ethnique, communauté, construction en pisé tourisme communautaire, tourisme de masse






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