Poésie Pierre de Ronsard

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FRAN 4001 Introduction à la littérature

Pierre de Ronsard (1524-1585) Mignonne, allons voir si la rose (Les Odes - 1550) A Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose1 Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu cette vesprée2 Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! voyez comme en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place Las ! las ses beautés laissé choir3! Ô vraiment marâtre Nature, Puis qu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur la vieillesse Fera ternir votre beauté.

Quand je suis vingt ou trente mois (Les Odes -1550) Quand je suis vingt ou trente mois Sans retourner en Vendômois, Plein de pensées vagabondes, Plein d'un remords et d'un souci, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres4 et aux ondes.

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Ouverte Moment qui suit la prière des vêpres; soirée 3 Tomber 4 Grottes 2


Rochers, bien que soyez âgés De trois mil ans, vous ne changez Jamais ni d'état ni de forme ; Mais toujours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit, De jeune en vieillard me transforme. Bois, bien que perdiez tous les ans En l'hiver vos cheveux plaisants, L'an d'après qui se renouvelle, Renouvelle aussi votre chef5; Mais le mien ne peut derechef R'avoir sa perruque nouvelle. Antres, je me suis vu chez vous Avoir jadis verts6 les genoux, Le corps habile, et la main bonne ; Mais ores j'ai le corps plus dur, Et les genoux, que n'est le mur Qui froidement vous environne. Ondes, sans fin vous promenez Et vous menez et ramenez Vos flots d'un cours qui ne séjourne ; Et moi sans faire long séjour Je m'en vais, de nuit et de jour, Au lieu d'où plus on ne retourne. Si est-ce que je ne voudrais Avoir été rocher ou bois Pour avoir la peau plus épaisse, Et vaincre le temps emplumé ; Car ainsi dur je n'eusse aimé Toi qui m'as fait vieillir, Maîtresse.

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle (Sonnets pour Hélène -1578) Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant : Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.

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Tête Jeunes, souples


Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre et fantôme sans os : Par les ombres myrteux7 je prendrai mon repos : Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dés aujourd’hui les roses de la vie.

Je n'ay plus que les os, un Schelette je semble (Derniers vers) Je n'ai plus que les os, un squelette je semble, Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé8, Que le trait de la mort sans pardon a frappé, Je n'ose voir mes bras que de peur je ne tremble. Apollon et son fils9 deux grans maîtres ensemble, Ne me sauraient guerir, leur métier m'a trompé10 Adieu plaisant soleil, mon oeil est étoupé11, Mon corps s'en va descendre où tout se désassemble. Quel ami me voyant en ce point dépouillé Ne remporte au logis un oeil triste et mouillé, Me consolant au lit et me baisant la face, En essuyant mes yeux par la Mort endormis ? Adieu, chers compagnons, adieu mes chers amis, Je m'en vais le premier vous préparer la place.

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Synonyme des Enfers Qui n’a plus de pulpe, de chair. 9 Apollon n’est le dieu de la Médecine et son fils Esculape est patron des Médecins. 10 Vers ambigu, car Apollon est aussi dieu de la Poésie 11 Empli d’étoupe, une fibre. 8


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