LES 400 COUPS DU LAPIN
TERRAIN
DOSSIER | BILLEBAUDE N°8
LE LAPIN
PAR ANNE DE MALLERAY
Alors que le lapin a presque disparu de certaines régions françaises, au point qu’il a été classé sur la liste rouge de l’UICN en 2009 comme « espèce quasi menacée », il pullule en quelques endroits où on ne l’attend pas. C’est le cas en région parisienne, le long des « trames grises » ‒ autoroutes, voies ferrées, aéroports ‒, tracées par les humains. Au milieu d’un territoire périurbain de Seine-et-Marne, à 25 km à l’est de Paris, coincé entre huit lignes ferroviaires, la nationale 3, une ligne à très haute tension, la plus grosse décharge d’Île-de-France et la proximité de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, un paradis pour les lapins est né sur une emprise de la ligne du TGV Est ‒ 35 hectares, transformés depuis quinze ans en site paysager expérimental selon les principes de l’agroforesterie. Le long de la N3 depuis Paris, sur le chemin de Claye-Souilly, deux énormes lapins bleu et vert surplombent le nouveau centre commercial – 56 000 m² de commerces, restaurants, parkings pensés « sous le signe de la nature », jusqu’au bruit et à l’odeur : chants d’oiseaux, froissement des feuilles sous les pas, senteurs d’herbes coupées l’été et de feu de bois l’hiver. Toute une faune, réelle et statufiée, orne les couloirs – faux cerfs, faux hérons, faux canards et vraies tortues venues de la SPA et recueillies dans un aquaterrarium. Vrais lapins aussi, qui eux échappent à la mise en scène et peuplent les pelouses autour du centre commercial sans y avoir été invités. « Les sentiers » de Claye-Souilly proposent une certaine idée de la nature, maîtrisée, esthétisée, voire simulée, comme il en existe beaucoup dans les
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LES MONTS GARDÉS Sur les 35 hectares, les espaces forestiers côtoient les cultures biologiques. Les lapins, qui vivent sur les talus des rails du TGV, s’infiltrent par les trous du grillage et occupent le territoire idéalement aménagé pour eux avec des herbes hautes, des garennes dans les talus laissés par les fouilles archéologiques, des tas de branches pour se cacher, des herbes et de jeunes arbres à manger. © Les Monts Gardés, Agnès Sourisseau
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