Traités de libre échange ou traité libre et change ?

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ANDRÉ ANTOINE  ANTOINE  ANDRÉ

LES CAHIERS DE LA PRÉSIDENCE DU PARLEMENT DE WALLONIE

LES CAHIERS DE LA PRÉSIDENCE DU PARLEMENT DE WALLONIE



TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS.......................................................... 5 2014-2016 : UN IMPORTANT TRAVAIL D’INSTRUCTION SUR LE TTIP, LE CETA ET LE TISA..................................... 9 LE TTIP......................................................................... 14 1|  LES PARTIES À L’ACCORD................................................................14 2|  LE STATUT DE L’ACCORD.................................................................15 3|  LE CONTENU DE L’ACCORD...........................................................16 4|  LES ARGUMENTS EN PRÉSENCE..................................................... 17

4.1|  Arguments « pro »......................................................... 17 4.2|  Arguments « contra ».....................................................17 5|  LES PROCHAINES ÉTAPES............................................................... 18 6|  EN CONCLUSION......................................................................... 19

2014-2016 : UN EXERCICE DÉMOCRATIQUE APPLIQUÉ AUX AUTRES TRAITÉS DE LIBRE-ÉCHANGE............................ 21 UN EXAMEN PRIORITAIRE DU TISA ET DES TRAITÉS UE-VIETNAM ET UE-COLOMBIE/PÉROU........................................................... 22 1|  LE TISA.......................................................................................... 23

1.1|  Les parties à l’accord..................................................... 23 1.2|  Le statut de l’accord....................................................... 24


1.3|  Le contenu de l’accord................................................... 25 1.4|  Les arguments en présence............................................. 27 1.5|  Les prochaines étapes....................................................28 1.6|  En conclusion................................................................29 2|   ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-VIETNAM........................................30

2.1|  Les parties à l’accord..................................................... 30 2.2|  Le statut de l’accord.......................................................32 2.3|  Le contenu de l’accord................................................... 32 2.4|  Les arguments en présence............................................. 34 2.5|  Les prochaines étapes.................................................... 36 2.6|  En conclusion................................................................ 36 3|   ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-COLOMBIE/PÉROU....................... 37

3.1|  Les parties à l’accord..................................................... 37 3.2|  Le statut de l’accord....................................................... 38 3.3|  Le contenu de l’accord................................................... 39 3.4|  Les arguments en présence............................................. 42 3.5|  Les prochaines étapes.................................................... 43 3.6|  En conclusion............................................................... 44 4|   TABLEAU DE COMPARAISON DES ACCORDS...................................45

UN EXAMEN EN TEMPS OPPORTUN DES TRAITÉS UE-SINGAPOUR, UE-JAPON ET UE-MERCOSUR. . ................................ 46 LES AUTRES DOSSIERS À L’ORDRE DU JOUR....................... 47

CONCLUSION : « LIBRE-ÉCHANGE OU LIBRE ET CHANGE ? »........................................................... 49 A L’ÉCHELLE MONDIALE................................................. 51 A L’ÉCHELLE EUROPÉENNE ET NATIONALE. . ...................... 52




AVANT-PROPOS D

epuis le début de la législature 2014-2019, le Parlement de Wallonie témoigne d’un intérêt accru pour le suivi des questions européennes. Accords commerciaux, réforme de la PAC, migration, Pacte de stabilité ou encore Brexit occupent une place de premier plan dans les travaux de la Commission chargée de questions européennes de notre assemblée. À titre de comparaison, alors que cette commission ne s’était réunie que 6 fois sous la législature précédente, elle a tenu 34 réunions depuis novembre 2014, dont 25 ayant porté sur les trois principaux accords commerciaux négociés par l’Union européenne, que sont le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) et le TISA (Trade in Services Agreement). Cet important travail d’instruction, mené depuis deux ans, a débouché sur plusieurs délibérations dûment justifiées au sujet du TTIP et du CETA. Forts d’une mobilisation citoyenne sans précédent, les membres de notre Parlement ont radicalement modifié la pratique en vigueur précédemment en se préoccupant en amont, de manière proactive, d’éventuels futurs traités plutôt qu’en les subissant au moment de leur assentiment.

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Au terme d’intenses négociations menées dans le cadre d’un dialogue constant entre le Gouvernement et le Parlement de Wallonie, ce travail a permis que des modifications soient apportées aux dispositions d’un traité en projet, en l’occurence le CETA, à la lumière des balises qui avaient été fixées par notre assemblée. La concrétisation des différentes avancées obtenues, notamment au sujet du règlement des différends, et les effets des mesures du CETA feront l’objet d’un suivi régulier de la part de notre institution. Cet important exercice démocratique doit à présent être réalisé au sujet d’autres accords commerciaux négociés par l’Union européenne. Ce cahier de la Présidence propose un descriptif de certains de ces accords, ainsi que la présentation des travaux qui seront menés en Commission chargée de questions européennes les concernant.

André ANTOINE PRÉSIDENT DU PARLEMENT DE WALLONIE BOURGMESTRE DE PERWEZ

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2014-2016 : UN IMPORTANT TRAVAIL D’INSTRUCTION SUR LE TTIP, LE CETA ET LE TISA D

epuis le début de la législature, 39 auditions d’acteurs politiques, académiques, patronaux et syndicaux ont été organisées au sujet du TTIP, du CETA et du TISA. Pour rappel, les acteurs auditionnés sont : TTIP

Cecilia Malmström (Commission européenne)

Politiques

CETA

TISA

David Lametti (Secrétaire parlementaire de la Ministre canadienne du Commerce)

Marie Arena Paul Magnette (Parlement européen) (Ministre-Président de la Région Paul Magnette wallonne) (Ministre-Président de la Région Maxime Prévot wallonne) (Vice-Président de la Région wallonne)

Judith Kirton-Darling (Parlement européen)

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TTIP

Haut fonctionnaires

Jean-Luc Demarty (DG Commerce de la Commission européenne) Seward L. Jones (Département du Commerce US)

CETA

TISA

Pierre Marc Johnson (Négociateur en chef pour le Québec) Liliane Bloem (Ambassadeur de la Belgique auprès de l’UE pour le Commerce, DG adjoint SPF Affaires étrangères)

Jean-Luc Demarty (DG Commerce de la Commission européenne) Liliane Bloem (Ambassadeur de la Belgique auprès de l’UE pour le Commerce, DG adjoint SPF Affaires étrangères)

Pierre Defraigne (UCL et Collège d’Europe)

Académiques

Pierre Defraigne (UCL et Collège d’Europe)

Didier Matray (ULg, Centre belge d’arbitrage et de médiation) Pierre Kohler (Tufts University, ONU) Ferdi De (UGent)

Olivier Joris (FEB) Patronat

Didier Paquot (UWE) Luisa Santos (Business Europe) Yvan Hayez (FWA)

Syndicats

Etienne Lebeau (CNE) Bruno Poncelet (FGTB)

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Raoul Marc Jennar (essayiste et spécialiste des questions de politique internationale)

Ville

Pascal Kerneis (European Services Forum) Didier Paquot (UWE) Christian Kunch (MOC) Philippe Duvivier et Stéphane Delogne (FUGEA)

Pascal Kerneis (European Services Forum)

Penny Clarck (Féd. européenne des syndicats de service public)


TTIP Société civile Consultants mandatés par le PW

CETA

TISA

Michel Cernak (CNCD 11.11.11) Anabelle Lepièce (CMS DeBacker)

Parmi ces auditions, relevons celle de Cécilia Malmström, Commissaire européenne au commerce, venue nous présenter la position de l’Union européenne en matière de politique commerciale. Elle a notamment affirmé à cette occasion que la Wallonie aurait à se prononcer sur le TTIP et le CETA. Depuis lors, cette affirmation a été confirmée par les institutions européennes pour ce qui concerne le second traité en le considérant comme « mixte ». Aux termes du Traité de Lisbonne, le Parlement de Wallonie dispose d’un statut de Parlement national. C’est l’un des messages forts que Koen Lenaerts, Président de la Cour de justice de l’Union européenne, a délivré aux parlementaires wallons lors de sa visite du 2 mars 2016. Dans ce contexte, notre assemblée a adopté plusieurs résolutions ou motions définissant les conditions auxquelles la Wallonie pourrait ratifier ces traités : nn r ésolution du 7 mai 2015 visant à suspendre les négociations sur le TTIP afin de redéfinir le mandat octroyé à la Commission européenne après un débat au sein du Parlement européen ; nn résolution du 27 avril 2016 demandant au Gouvernement

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wallon de ne pas accorder les pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral pour signer le CETA et définissant les balises à respecter dans toute négociation commerciale, en ce compris donc pour de futurs accords de libre-échange ; nn m otion du 14 octobre 2016 réaffirmant les exigences contenues dans la résolution du 27 avril 2016 concernant le CETA. Les élus wallons ne sont toutefois pas fermés à toute idée d’accord. En effet, la mondialisation est un fait objectif face auquel il convient d’être proactifs afin qu’elle serve réellement les intérêts de tous. Ainsi, la Déclaration de politique régionale 2014-2019 promeut « un commerce international respectueux du développement humain ». C’est pourquoi, dans une optique constructive, nos députés ont demandé l’inclusion de certaines balises dans ces traités de libre-échange, dont les principales sont : nn l ’instauration d’un principe d’« exception agricole », qui pourra être invoqué en cas de déséquilibre majeur entraînant un risque sur la sécurité alimentaire, la sauvegarde de la ruralité, la biodiversité ou la protection de la nature ; nn l ’inclusion de normes contraignantes de développement durable afin de soutenir la lutte contre le changement climatique ; nn l ’adoption de “listes positives” dans le domaine des services, mentionnant expressément les services à ouvrir aux entreprises étrangères et en excluant les services d’utilité publique actuels et futurs ; nn l ’adoption de normes sociales et environnementales juridiquement contraignantes ; nn l a possibilité d’inclure des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics ; nn l’inclusion de mécanismes de coopération pour le renforce-

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ment des réglementations financières et bancaires, l’échange de données et la lutte contre l’évasion fiscale ; nn l’inclusion d’un chapitre spécifique sur les PME ; nn l a mise en œuvre et le respect de dispositions contraignantes en matière de droit du travail ; nn le respect du principe de précaution ; nn la transparence dans les négociations ; nn l ’ouverture des accords à d’autres partenaires qui souhaiteraient se joindre à une négociation plurilatérale. Après d’intenses négociations et l’obtention par la Wallonie de plusieurs avancées sur les points précités, le Parlement de Wallonie a adopté, le 28 octobre 2016, une motion permettant l’octroi des pleins pouvoirs de signature du CETA. Ce traité a officiellement été signé le 30 octobre 2016 par l’Union européenne et le Canada. Il doit à présent être approuvé par le Parlement européen. Le Parlement de Wallonie évaluera régulièrement les mesures du CETA en toute transparence vis-à-vis des citoyens. Aux termes de la Déclaration du Royaume de Belgique relative aux conditions de pleins pouvoirs par l’État fédéral et les entités fédérées pour la signature du CETA, la ratification de ce traité par la Belgique ne pourra avoir lieu qu’après évaluation des impacts socio-économiques et environnementaux du CETA et à la condition que le mécanisme de règlement des différends évolue vers une Cour de justice permanente et indépendante. Le Parlement de Wallonie sera particulièrement attentif au suivi de la procédure d’avis qui doit être introduite à la Cour de justice de l’Union européenne concernant la compatibilité de l’ICS avec les traités européens. Par ailleurs, conformément à cette même Déclaration, toute coopération réglementaire devra être soumise à l’accord préalable du Parlement de Wallonie dans les matières qui relèvent de ses compétences.

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A côté du suivi du CETA, notre assemblée restera attentive aux négociations du TTIP bien que la conclusion de celles-ci ne soit plus envisagée dans les mois à venir. Cet accord de libre-échange est présenté dans le cadre d’une fiche descriptive.

LE TTIP

1|  LES PARTIES À L’ACCORD Le TTIP est un accord de libreéchange en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis, depuis 2013. Ensemble, ils représentent près de la moitié du PIB et un tiers des échanges au niveau mondial. Ils représentent également un marché de plus de 830 millions de consommateurs. L’Union européenne est la première puissance commerciale au monde, devant la Chine et les Etats-Unis. Si on exclut le commerce intra-européen, l’UE représente près de 15 % des exportations mondiales de marchandises, 24 % des exportations mondiales de services et 57 % des flux d’investissements directs à l’étranger. A titre de comparaison, la Chine représente 14 % des exportations mondiales de marchandises et les Etats-Unis en représentent 13 %.

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Les Etats-Unis sont notre premier partenaire commercial. Les marchés européen et américain sont donc déjà fortement intégrés. Des biens et des services d’une valeur globale de deux milliards d’euros en moyenne font quotidiennement l’objet d’échanges bilatéraux et génèrent des millions d’emplois dans les deux économies. Les investissements de l’Union européenne et des Etats-Unis se sont élevés, au niveau bilatéral, à plus de 2394 milliards d’euros en 2011. D’après la Commission européenne, plus de 10 millions d’emplois en Europe dépendraient déjà des exportations vers les Etats-Unis.

2|  LE STATUT DE L’ACCORD Pour l’Union européenne, les négociations sont conduites par la Commission européenne. Son mandat de négociation a été rendu public en octobre 2014. Une fois les négociations achevées, la Commission européenne devra soumettre le TTIP au Conseil de l’UE, après approbation du Parlement européen. Il appartiendra également au Conseil de se prononcer sur la mixité de l’accord et l’implication des Etats membres, et de leurs Parlements, dans le processus de ratification. Lors de leurs auditions au Parlement de Wallonie, la Commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, et le Directeur général pour le commerce de la Commission européenne, Jean-Luc Demarty, ont chacun affirmé que le TTIP serait considéré comme mixte et qu’il devrait dès lors être soumis au Parlement de Wallonie.

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LE CONTENU DE L’ACCORD

Tout comme le CETA, le TTIP constitue un accord de « nouvelle génération ». Il va au-delà de l’approche classique visant à supprimer les droits de douane et à améliorer l’accès aux marchés et se donne pour objectif de réduire les barrières non tarifaires aux échanges. Ainsi, le traité instaure des mécanismes de coopération réglementaire. Selon le site de la Commission européenne, il s’agit que les autorités collaborent plus étroitement pour établir des règles qui soient compatibles entre elles. Le TTIP contient des listes négatives dans le domaine des services. Cette nouvelle approche fait craindre à la société civile une libéralisation toujours plus poussée de nos services, notamment des services publics. La présence de clauses de statu quo et de cliquet est également régulièrement pointée du doigt. Comme le CETA, le TTIP constitue un accord « global » en ce qu’il couvre les biens, les services et les investissements. Il contient donc un chapitre relatif à la protection des investissements et un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (ICS). Enfin, des chapitres particuliers portent sur le développement durable, la propriété intellectuelle et les indications géographiques.

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LES ARGUMENTS EN PRÉSENCE

4.1|  Arguments « pro » Comme pour l’ensemble des traités de libre-échange, des objectifs de croissance et de création d’emplois sont avancés pour justifier leur conclusion. Une étude commanditée par la Commission européenne envisage une progression de 0,5 % du PIB européen d’ici 2027. Ceci se traduirait par un bénéfice de 119 milliards d’euros par an pour l’Union européenne, contre 95 milliards d’euros pour les Etats-Unis. D’autres études présentent toutefois des prévisions nettement plus pessimistes. Ainsi, une étude de l’Université de Tufts aux Etats-Unis conclut à une perte d’environ 600.000 emplois en Europe et à une diminution de 0,5 % du PIB européen. Pour la Commission européenne, le TTIP doit également permettre de faire baisser les prix et offrir plus de choix aux consommateurs. Enfin, il s’agit de pallier l’inaction de l’OMC en influant sur les règles commerciales mondiales et en promouvant les règles et valeurs de l’Union européenne sur la scène internationale.

4.2|  Arguments « contra » Le TTIP fait l’objet de vives critiques au regard des atteintes qu’il pourrait porter au pouvoir réglementaire des Etats. Les listes négatives, les clauses de statu quo et de cliquet, l’ICS et la coopération réglementaire constituent les éléments les plus critiqués du traité.

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Dans sa résolution du 7 mai 2015, le Parlement de Wallonie rappelle que le TTIP ne peut porter atteinte aux acquis de l’Union européenne dans des domaines tels que la santé, l’environnement et la protection des consommateurs, ainsi qu’à la capacité de l’Union européenne et de ses Etats membres de réglementer. Par conséquent, le Parlement de Wallonie s’oppose à toute clause de règlement des différends entre investisseurs et Etats qui permettrait aux multinationales américaines de contester les législations européennes ou nationales et qui aurait un impact direct ou indirect (indemnisations) sur la capacité réglementaire en Europe. De même, le Parlement de Wallonie refuse tout dispositif de coopération réglementaire permettant aux multinationales d’influencer l’élaboration des normes européennes.

5|  LES PROCHAINES ÉTAPES Le 15ème round de négociations s’est tenu aux Etats-Unis durant la semaine du 3 octobre 2016. Le 11 novembre 2016, le Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne a estimé que les prochaines étapes de ces négociations devraient être appréciées une fois que la nouvelle administration américaine serait en place. Le 17 novembre 2016, la Chancelière allemande, Angela Merkel, a reconnu que le TTIP ne pouvait être conclu en l’état, alors que l’élection de Donald Trump laisse présager une politique commerciale protectionniste.

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6|

EN CONCLUSION

Stade de la procédure

Prochaines étapes Approche de la négociation Mixité de l’accord

Principaux points de l’accord

En cours de négociation Négociations suspendues dans l’attente d’une position claire de l’administration américaine Bilatérale Indéterminée à ce stade 

Biens ;

Services ;

Investissements (ICS) ;

Coopération réglementaire ;

éveloppement durable, droits de D l’homme, etc.

Approche du commerce des services Listes négatives

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2014-2016 : UN EXERCICE DÉMOCRATIQUE APPLIQUÉ AUX AUTRES TRAITÉS

DE LIBRE-ÉCHANGE

D

e nombreux autres accords de libre-échange sont actuellement en cours de négociation ou de conclusion. Un document de la Commission européenne dresse la liste de ces négociations commerciales. La carte ci-dessous illustre les différents processus en cours.

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UN EXAMEN PRIORITAIRE DU TISA ET DES TRAITÉS UE-VIETNAM ET UE-COLOMBIE/PÉROU Parmi ces accords, certains nécessitent un traitement prioritaire en raison de l’imminence de leur conclusion. Ainsi, les traités UE-Vietnam et UE-Colombie/Pérou pourraient être prochainement signés ou ratifiés. De même, les négociations sur le TISA pourraient se conclure dans les prochains mois. Sur ma proposition, la Commission chargée de questions européennes du Parlement de Wallonie se fixe dès lors comme premier objectif d’analyser ces trois traités. C’est pourquoi de nouveaux cycles d’auditions sont, dès à présent, organisés à leur sujet. Sur le TISA, nous avons auditionné, ce 21 novembre 2016, le BEUC, Bureau européen des Unions de consommateurs, et nous entendrons prochainement le Professeur Andrew Lang de la London School of Economics, qui ont chacun publié des études sur le TISA, notamment sous l’angle des services financiers. L’audition du Bureau de consultance « Ecorys » chargé par la Commission européenne de réaliser une étude d’impact du TISA est également prévue. Concernant le traité UE-Vietnam, la Commission chargée de questions européennes recevra prochainement Mauro Petriccione, négociateur en chef de la Commission européenne, ainsi qu’un représentant de la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, qui a rendu, en février 2016, un avis critiquant l’absence d’étude d’im-

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pact sur les droits de l’homme préalable à la négociation. Le 21 novembre 2016, nous avons auditionné la Fédération internationale des droits de l’Homme qui a saisi la médiatrice européenne. Le 1er décembre 2016, nous avons entendu S.E.M. Vuong Thua Phong, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République socialiste du Viet Nam. Au sujet du traité UE-Colombie/Pérou, nous recevrons les ambassadeurs de ces deux pays auprès du Royaume de Belgique. D’autres auditions pourraient intervenir ultérieurement. Dans la suite de ce cahier, chacun de ces trois traités est abordé dans le cadre d’une fiche descriptive. Une comparaison de ces trois accords est également proposée en conclusion de ce point.

1|  LE TISA 1.1|  Les parties à l’accord Le TISA est un accord commercial en cours de négociation, depuis 2013, entre 23 membres de l’OMC (mais en dehors du cadre de cette institution), représentant 50 pays et 70 % du commerce mondial des services. Les parties à cet accord sont, d’une part, l’Union européenne (et, à travers elle, ses 28 Etats membres) et, d’autre part, les 22 pays ou territoires suivants : Australie, Canada, Chili, Hong Kong, Colombie, Corée du Sud, Costa Rica, Etats-Unis, Islande, Israël, Japon, Liechtenstein, Maurice, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Panama, Pérou, Suisse, Taïwan et Turquie. Huit d’entre eux sont également partie à l’accord transpacifique (TPP), négocié à l’initiative des USA et remis en cause par le futur Président américain, Donald Trump, annonçant que son pays

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se retirera de l’accord dès l’entame de sa présidence. S’il est conclu, le TISA constituera une norme incontournable au niveau des services. Ces pays regroupent près d’1,6 milliards de personnes et affichaient un PIB combiné de plus de 50.000 milliards de dollars en 2013, ce qui représente deux tiers du PIB mondial. Cette même année, ces pays ont exporté des services évalués à plus de 3500 milliards de dollars, soit 75 % de toutes les exportations mondiales de services et ont importé des services pour un montant de 3000 milliards de dollars, soit 65 % de toutes les importations mondiales de services. L’Union européenne est le premier exportateur mondial de services, elle représente 24 % des exportations mondiales de services (extra UE) et 42 % du total global des exportations de services (intra et extra UE). Les Etats-Unis et la Chine occupent respectivement les 2ème et 3ème places du classement. Ces négociations ont été entamées à l’initiative de l’Australie et des Etats-Unis en 2012, après l’échec du cycle de Doha et des négociations menées au sein de l’OMC afin d’élargir l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Le TISA est ouvert à tous les membres de l’OMC et pourrait à terme y être intégré s’il réunit suffisamment de membres de l’organisation internationale. La Chine a demandé de se joindre aux négociations, mais les Etats-Unis l’ont refusé. Ils se sont également opposé à la demande européenne de voir le Brésil et l’Inde rejoindre les discussions.

1.2|  Le statut de l’accord Pour l’Union européenne, les négociations sont conduites par la Commission européenne. Son mandat de négociation a été rendu public en 2015. Lorsque les négociations s’achèveront, la Com-

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mission européenne soumettra le TISA au Conseil de l’UE, après approbation du Parlement européen. Il appartiendra également au Conseil de se prononcer sur la mixité de l’accord et l’implication des Etats membres, et de leurs Parlements, dans le processus de ratification. Lors de son audition au Parlement de Wallonie, Monsieur Jean-Luc Demarty, Directeur général pour le commerce de la Commission européenne, a indiqué qu’à la différence du TTIP, il n’était pas certain que le TISA soit considéré comme un accord mixte en raison de la compétence exclusive de la Commission européenne pour le commerce des services. À ce stade, le seul champ du traité qui pourrait, d’après lui, faire l’objet d’une compétence partagée est le transport maritime.

1.3|  Le contenu de l’accord Selon la Commission européenne, cet accord vise à ouvrir les marchés et à améliorer les règles dans des domaines tels que l’octroi de licences, les services financiers, les télécommunications, le commerce électronique, le transport et les travailleurs qui se déplacent temporairement à l’étranger pour fournir des services. D’autres domaines sont également mentionnés dans le mandat de négociation de la Commission européenne, comme les entreprises d’État, les services postaux et les marchés publics. Accord dit de « nouvelle génération », le TISA entend réduire les barrières non tarifaires au commerce, et notamment réglementaires. Par nature, l’enjeu principal d’un accord sur les services porte en effet sur un ensemble de règles qui organisent l’accès des fournisseurs de services étrangers. De vives inquiétudes sont exprimées par la société civile concernant la protection du droit de réglementer les services publics et la capacité de maintenir des quotas nationaux, des marchés publics réservés ou des monopoles. Selon le Forum européen des services, le TISA ne contiendrait toute-

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fois pas de mécanisme de coopération réglementaire. Contrairement à l’AGCS, le TISA contient des listes négatives (traitement national) faisant de la libéralisation un principe dont seuls seraient exclus les domaines énumérés explicitement par le traité1. Le TISA ne contient pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats, dans la mesure où seuls les services sont concernés et non les investissements. En septembre 2016, la Commission européenne a proposé d’inclure un mécanisme de règlement des différends d’État à Etat pour ce qui concerne l’interprétation et l’application du TISA. Le 3 février 2016, le Parlement européen a adopté une résolution contenant ses recommandations à la Commission pour les négociations du TISA. Cette résolution insiste notamment sur le maintien de la capacité réglementaire des Etats et sur l’exclusion des services publics et audiovisuels. Elle contient également de nombreuses balises concernant les services financiers, visant notamment à renforcer la stabilité du système financier mondial et à empêcher que le TISA n’induise de fraude fiscale ou d’activités illicites, comme le blanchiment.

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L’accès aux marchés fait l’objet de listes positives.


1.4|  Les arguments en présence 1.4.1.|  Arguments « pro » L’objectif avancé par l’Union européenne pour justifier la conclusion du TISA est qu’il permettra de stimuler la croissance et de créer des emplois en facilitant l’exportation de services. L’UE est le premier exportateur de services au monde et des dizaines de millions de personnes travaillent dans ce secteur en Europe. La Commission européenne a commandité une étude d’impact, dont la réalisation a été confiée au bureau de consultance « Ecorys ». Alors que sa publication était initialement prévue en 2015, sa version finale est désormais annoncée pour début 2017, sans qu’une explication ne soit fournie sur les raisons de ce retard. Finalement, il apparaît possible que l’étude paraisse après la conclusion de l’accord, alors qu’elle était supposée être un outil pour les négociateurs. Pour la Commission européenne, l’intérêt du TISA réside également dans le fait qu’en laissant les entreprises de pays tiers offrir leurs services dans l’UE, les entreprises et les consommateurs auront plus de choix et les prix baisseront. Enfin, un dernier argument est de nature plus factuelle. Le commerce des services est actuellement régi par l’AGCS, sous l’égide de l’OMC. Au delà du fait que l’AGCS ne représente qu’un accord à minima, il a surtout été conclu avant l’ère d’internet. Les nouvelles possibilités de prestations à distance ouvertes par les TIC sont donc encadrées par des règles qui n’ont pas été pensées pour elles. 1.4.2.|  Arguments « contra » Les principales critiques adressées à ce projet de traité concernent les atteintes qu’il pourrait porter au pouvoir réglementaire des Etats en matière de protection des services publics. La Fédération euro-

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péenne des syndicats de service public pointe notamment l’existence de listes négatives et la présence de clauses de statu quo et de cliquet verrouillant les privatisations. Plusieurs acteurs redoutent également que le TISA ne bloque les efforts entrepris après la crise financière dans la régulation des marchés financiers ou ne menace la protection du climat. Selon Greenpeace, le TISA ne reconnaît pas les objectifs internationaux de développement durable et de protection du climat.

1.5|  Les prochaines étapes Le 21ème cycle de négociations a eu lieu du 2 au 10 novembre 2016. Les conclusions du précédent cycle, publiées début octobre 2016, annonçaient une possible conclusion du TISA pour la fin de l’année 2016. Ce n’est plus le cas dans les conclusions du 21ème round. Le 11 novembre 2016, la Commission européenne a présenté l’état d’avancement des négociations au Conseil des Affaires étrangères de l’UE. Elle a indiqué que « des progrès étaient attendus d’ici la fin de l’année ». Suite au Conseil de l’UE, le Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte, a indiqué, en réponse à une question orale posée le 14 novembre 2016 par Hélène Ryckmans, que le timing envisagé dans un premier temps et visant à conclure les négociations fin 2016 ne pourrait pas être respecté. Il a notamment pointé les nombreuses questions restant en suspens et le manque d’ambition de certains partenaires, que l’élection de Donald Trump viendra certainement encore renforcer. Rudy Demotte a également indiqué que les balises traditionnelles (protection des services publics et refus des listes négatives) avaient été rappe-

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lées par les entités fédérées francophones lors de la réunion de la Direction générale Coordination et Affaires intérieures (DGE) qui s’est tenue préalablement au Conseil de l’UE. Un 22ème round de négociations devrait avoir lieu début décembre 2016, non pas pour conclure les négociations, mais pour consolider les textes dans leur état actuel.

1.6|  En conclusion Stade de la procédure

Prochaines étapes

En cours de négociation Fin des négociations possible dans les prochains mois 

lurilatérale : UE et 22 pays ou terriP toires également membres de l’OMC

bjectif : intégration de l’accord à O l’OMC

Approche de la négociation

Mixité de l’accord

Principaux points de l’accord

Indéterminée à ce stade 

Services

ttention particulière sur les services A publics et les services financiers

Approche du commerce des services Listes négatives (traitement national)

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2|

ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE UE-VIETNAM

2.1|  Les parties à l’accord Cet accord de libre-échange doit être conclu entre l’Union européenne, d’une part, et la République socialiste du Viêt Nam, d’autre part. La population du Vietnam est estimée à 95.261.021 habitants. Le pays est densément peuplé, relativement jeune2, de plus en plus urbain et en croissance rapide. Le PIB a augmenté à un rythme de 6% par an entre 2000 et 2014 et les principales institutions économiques prédisent un maintien de cette tendance pour les prochaines années. La plupart des analystes considèrent que le Vietnam est en passe d’achever sa transition de pays en développement vers le statut de pays à revenu intermédiaire. Il reste toutefois de nombreuses questions concernant le statut des droits de l’Homme dans ce pays, en particulier le droit du travail et la liberté d’opinion. Le pays a rejoint l’OMC en 2007, ce qui a accéléré sa transition d’une économie planifiée vers une économie ouverte. Si le processus est bien entamé, les entreprises d’État, en cours de réforme, représentent encore près de 40% du PIB. Par exemple, le groupe de télécommunications Viettel, très actif dans les pays du tiers-monde, est directement détenu et géré par l’armée elle-même. Le secteur bancaire sous-capitalisé fournit des crédits peu performants, ce qui 2

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L’âge médian y est d’environ 30 ans.


reste une des principales faiblesses de l’économie vietnamienne. Avec 38 milliards d’euros d’échanges bilatéraux, le Vietnam est le second partenaire commercial de l’Union européenne au sein de l’ASEAN3, derrière Singapour et devant la Malaisie. Environ 30 milliards d’euros sont des exportations du Vietnam vers l’UE, tandis que 8 milliards d’euros font le chemin inverse. L’Union européenne est donc un partenaire commercial majeur pour le Vietnam, tandis que le Vietnam ne représente qu’un acteur marginal pour l’Europe. Les négociations de cet accord se sont ouvertes en juin 2012 et se sont conclues en décembre 2015. Le lendemain de l’ouverture des négociations, l’UE et le Vietnam ont signé un « Accord de partenariat et de coopération » qui fixe le cadre global de leurs relations diplomatiques et organise un cadre de dialogue politique. La liaison des deux accords permet en théorie de suspendre l’accord de libre-échange en cas de « violation substantielle » des droits de l’Homme. Outre l’accord instituant l’ASEAN, le Vietnam est également l’une des douze parties à l’accord transpacifique (TPP). L’accord avec le Vietnam doit être replacé dans le contexte d’une stratégie diplomatique et commerciale plus globale de l’Union européenne. En effet, les traités de commerce avec les pays tels que Singapour, le Vietnam, la Malaisie, etc. sont les « briques » d’un futur accord ambitieux entre les deux unions économiques que sont l’UE et l’ASEAN. 3

Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Il s’agit d’une organisation politique, économique et culturelle rassemblant dix pays. Sa principale caractéristique est d’organiser une zone de libre-échange entre ses membres. Elle est composée de l’Indonésie, de la Malaisie, des Philippines, de Singapour, de la Thaïlande, de Brunei, du Vietnam, du Laos, de la Birmanie et du Cambodge.

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2.2|  Le statut de l’accord Le texte de l’accord de libre-échange a été arrêté par les négociateurs le 2 décembre 2015. Il a été publié en anglais sur le site de la Commission en février 2016. La Commission européenne a alors annoncé que l’examen juridique serait finalisé avant l’été et qu’à partir de ce moment, six mois seraient nécessaires pour que le traité soit traduit dans toutes les langues de l’Union. Si le calendrier est respecté, le texte pourrait être présenté pour leur consentement au Conseil et au Parlement européen début 2017. C’est à ce moment que le Conseil déterminera la nature des compétences couvertes par l’accord et donc sa mixité. En cas d’accord mixte, tout comme pour le CETA, le traité UE-Vietnam sera soumis à la ratification des Etats membres et à l’assentiment des parlements nationaux/régionaux. Comme pour tous les accords de ce type, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la mixité de l’accord avec Singapour sera déterminante dans cette analyse. Relevons également que l’accord UE-Vietnam est très similaire au CETA que les institutions européennes ont considéré comme « mixte ».

2.3|  Le contenu de l’accord Il s’agit du premier accord de « nouvelle génération » négocié avec un pays émergent ou en développement. À ce titre, il servira de modèle pour les traités avec les autres Etats de même statut. Tout comme le CETA, il est qualifié de « global » en ce qu’il couvre les biens, les services et les investissements. Pour le moment, le Vietnam bénéficie d’un accès privilégié au marché européen sous le régime du « système de préférences généralisées » accordé aux pays en voie de développement. L’Union européenne définit unilatéralement une série de produits

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pour lesquels le Vietnam dispose d’un accès préférentiel et ce, sans contrepartie. L’accord de libre-échange implique un démantèlement quasi-total des barrières tarifaires, soit à l’entrée en vigueur, soit sur une période de 10 ans maximum. Seuls quelques produits seront encore soumis à des quotas d’importation en franchise de droits. En cas de dépassement de ces quotas, des droits de douane seront appliqués. Pour l’Union européenne, les produits suivants feront l’objet d’un quota à l’entrée (non exhaustif) : le riz, le maïs doux, l’ail, le sucre, le surimi, etc. Les barrières non-tarifaires sont également visées. Cela implique un certain niveau de coopération règlementaire, mais également des dispositions sur les « règles d’origine », les marchés publics ou encore l’équivalence de tests sanitaires. En outre, l’accord contient un chapitre sur les services assez complet. Sans entrer dans les détails, la libéralisation des services se fait ici sur base de listes positives. Un chapitre spécifique est consacré au développement durable. Il vise notamment «l’implémentation effective des 4 conventions fondamentales de l’OIT et de celles déjà ratifiées », ainsi que « la ratification de celles qui ne le seraient pas encore ». À première vue, ce chapitre ne semble pas prévoir de mécanisme de sanction. Enfin, il y a lieu de relever la présence d’un chapitre sur les investissements qui semble formulé en des termes semblables à celui du CETA et qui inclut un système de type ICS. La présence d’un tel chapitre dans un traité avec le Vietnam a des conséquences spécifiques. Ainsi, le respect du droit national vietnamien est une condition nécessaire et suffisante pour qu’un investisseur puisse bénéficier de la protection prévue par le traité. Sachant que le droit national vietnamien est en plusieurs points contraire au

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droit international des droits de l’Homme, cela signifie qu’un investisseur qui ne respecterait pas les droits humains pourrait bénéficier d’une protection élevée pour ses investissements au Vietnam dans le cadre d’un traité conclu par l’Union européenne. La Commission européenne affirme que les mesures poursuivant des « objectifs légitimes de politique publique » seront protégées contre les recours. Toutefois, Nicolas Pigeon de l’Université de Paris 1 précise concernant ce chapitre : « Il y a là, nous semble-t-il, des notions suffisamment indéterminées pour laisser aux acteurs du contentieux une influence certaine sur le contenu de la protection conventionnelle offerte par l’accord. Chose que, précisément, les négociateurs souhaitaient éviter» 4.

2.4|  Les arguments en présence 2.4.1.|  Arguments « pro » Les principaux arguments avancés sont bien entendu de nature économique, l’intensification des échanges étant conçue comme automatiquement créatrice de croissance et donc d’emplois des deux côtés. La Commission européenne justifie la nécessité d’un tel accord au regard notamment des progrès récemment enregistrés par le Vietnam en matière de performance économique. Désormais, ce pays est un partenaire commercial que nous pouvons traiter davantage comme un égal et non plus principalement selon une approche de coopération au développement. Cet accord, que la Commission qualifie « d’ambitieux », serait un important outil de développement durable des deux côtés et devrait servir de standard dans les relations que l’UE entretiendra 4

h t t p : / / w w w. e u r o p e a n p a p e r s . e u / e n / e u r o p e a n f o r u m / a c cord-de-libre-echange-ue-vietnam-hierarchisation-objectifs-action-exterieure#_ftn82

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avec les économies émergentes. Enfin, cet accord s’inscrit dans une stratégie diplomatique beaucoup plus globale visant à placer l’UE comme un acteur de premier plan en Asie, en particulier compte tenu de l’attitude proactive des USA dans la région. 2.4.2.|  Arguments « contra » Outre les critiques inhérentes aux accords de nouvelle génération concernant notamment la coopération règlementaire et la protection des investissements, l’accord avec le Vietnam fait surtout parler de lui en raison de la situation des droits de l’Homme dans ce pays et du traitement que la Commission européenne a réservé à cette question. À titre d’exemple, le pays est encore régi par un système de parti unique, limite fortement la liberté d’association pour les travailleurs et son code pénal réprime sévèrement des infractions telles que la « Propagande contre la République socialiste du Vietnam ». En septembre 2014, la Fédération internationale des droits de l’Homme et le Comité vietnamien pour les droits de l’Homme ont saisi la médiatrice de l’Union européenne, Emily O’Reilly, sur ce dossier, arguant qu’une étude d’impact sur les droits humains devait être réalisée avant l’ouverture des négociations. Par une décision du 26 février 2016, la médiatrice a estimé que la plainte était fondée et que l’Union européenne s’était rendue coupable de « mauvaise administration », en ne se dotant pas des outils adéquats pour s’assurer de l’existence d’un équilibre entre les droits de l’Homme et la politique commerciale. Elle lui a dès lors demandé de procéder à l’étude sans délai. En outre, elle a exprimé ses doutes quant à l’efficacité des mécanismes de promotions des droits humains contenus dans le traité. La Commission européenne n’a pas donné suite à cette décision

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de la médiatrice. Au contraire, les négociations ont semblé s’accélérer et se sont conclues quelques mois plus tard. La Commission a accompagné la publication de la première mouture du texte de l’accord par une « analyse » portant sur les dispositions du traité relatives aux droits humains. Toutefois, il s’agit davantage d’un catalogue d’instruments que d’une réelle étude d’impact.

2.5|  Les prochaines étapes Voir « le statut de l’accord ».

2.6|  En conclusion Stade de la procédure

Prochaines étapes

Approche de la négociation

Mixité de l’accord

Principaux points de l’accord

Négociations terminées ; traité en cours d’examen juridique et de traduction Présentation au Conseil possible d’ici fin 2016-début 2017 

Bilatérale

bjectif : conclusion d’un accord O avec l’ASEAN

Indéterminée à ce stade     

Biens Services Investissements (y compris ICS) Coopération règlementaire ; Développement durable, droits de l’Homme, etc.

Approche du commerce des services Listes positives

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3|

CCORD DE LIBRE-ÉCHANGE A UE-COLOMBIE/PÉROU

3.1|  Les parties à l’accord Cet accord de libre-échange est conçu comme le cadre de la relation commerciale de l’UE avec la Communauté andine des Nations (Colombie, Pérou, Equateur, Bolivie) qui forme notamment une zone de libre-échange. En principe, le mandat de négociation accordé à la Commission européenne couvrait un accord d’association5 avec les 4 pays andins. Toutefois, des divergences avec la Bolivie et, dans une moindre mesure, avec l’Equateur, ont rendu impossible la conclusion d’un tel accord. Finalement, c’est un accord strictement commercial qui a été conclu avec seulement deux des quatre pays andins. L’Union européenne a toutefois choisi de laisser la porte ouverte à l’Équateur et à la Bolivie si ces pays désirent adhérer à l’accord. Le 11 novembre 2016, l’Union européenne et l’Équateur ont signé le protocole d’adhésion de ce pays au traité. Pour information, l’autre grande zone de libre-échange sud-américaine est le Mercosur, avec lequel l’UE poursuit des négociations commerciales initiées il y a de nombreuses années. Ces négociations seront abordées à la page 46 du présent cahier. L’UE est le troisième partenaire commercial des nations andines et l’un des principaux investisseurs étrangers. Ces nations exportent 5

Un accord d’association créé un cadre élargi de coopération bilatérale, il concerne le commerce, mais contient aussi des éléments politiques, culturels, sociaux et sécuritaires. En outre, les accord d’association incluent systématiquement une clause suspensive sur les droits de l’Homme.

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principalement des matières premières agricoles, pétrolières et minières. L’UE, pour sa part, exporte dans ces pays des produits manufacturés tels que des équipements de transport et industriels, ainsi que des produits chimiques. En 2015, le commerce bilatéral atteignait 28 milliards d’euros. La balance commerciale de l’Union européenne vis-à-vis de ces pays est légèrement déficitaire à hauteur de 2 milliards d’euros. Les quatre pays de la Communauté andine des Nations totalisent environ 105 millions d’habitants très inégalement répartis sur le territoire. Fait politique important, la Colombie a récemment signé un nouvel accord de paix avec les FARC, après qu’une première mouture ait été rejetée par référendum.

3.2|  Le statut de l’accord Les négociations se sont conclues en 2011 et la signature de l’accord est intervenue le 26 juin 2012. Du côté de l’Union européenne, les procédures requises pour l’application provisoire ont été achevées en février 2013. La ratification par le Pérou est également intervenue en février 2013. La Colombie a ratifié le traité en juillet de la même année. L’accord est en très grande partie d’application provisoire depuis lors, ce qui permet d’en percevoir les premiers effets. Cet accord est mixte et doit à ce titre être ratifié par l’ensemble des Etats membres. En juin 2016, la Grèce, l’Autriche et la Belgique devaient encore ratifier ce traité. Assez logiquement, le protocole d’adhésion de l’Équateur à ce traité, qui est en cours de ratification par ce pays, devra également être ratifié par les Etats membres. La Commission européenne table sur un achèvement des procédures permettant l’application provisoire de l’accord avec l’Equateur d’ici le 1er janvier 2017. Le 3 décembre 2015, la Chambre des représentants de Belgique

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a entériné l’accord. Afin de rassurer le partenaire CD&V de la majorité, le Ministre fédéral des Affaires étrangères, Didier Reynders, a annoncé la mise en place d’un monitoring des droits humains dans tous les pays avec lesquels la Belgique dispose d’un accord commercial. Un tel mécanisme est bien entendu un élément positif, mais sa mise en place au seul niveau belge risque de le cantonner à un rôle d’information. La Flandre et la Communauté germanophone ont également donné leur assentiment à cet accord. En novembre 2015, en réponse à une question de Mme Ryckmans, le Ministre-Président Paul Magnette affirmait : « il n’est pas dans mes intentions d’inscrire la ratification de ce traité à l’ordre du jour du Gouvernement tant qu’il ne rencontrera pas nos balises ». En effet, si le SPF Affaires étrangères semblait faire état d’une nette amélioration de la situation des droits de l’Homme dans ces deux pays au cours des derniers mois, le Ministre-Président n’avait, à ce moment là, reçu aucun élément d’information concret de la part du Gouvernement fédéral.

3.3|  Le contenu de l’accord Avec cet accord, les barrières tarifaires sur un grand nombre de produits seront éliminées de manière graduelle. Toutefois, la Colombie et le Pérou conservent davantage de droits de douane que l’Union européenne, ce qui fait que cet accord peut, dans une certaine mesure, être qualifié d’asymétrique. Les barrières non-tarifaires sont traitées par un « Comité du commerce », composé de représentants des Parties et qui statue sur l’application du traité ainsi que sur les mesures à prendre pour promouvoir le commerce bilatéral. Ce comité est divisé en sousgroupes techniques spécialisés qui sont chargés de lui faire des recommandations.

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En matière de coopération règlementaire, l’accord prévoit un délai plus long que celui prévu dans le cadre de la réglementation de l’OMC pour que les parties puissent faire des commentaires sur un règlement technique envisagé par une autre partie. Aussi bien les commentaires que le règlement final devront être publics. En outre, l’encouragement du recours à des standards internationaux et la reconnaissance mutuelle de certains tests de conformité devraient faciliter le commerce. Les secteurs des services devant faire l’objet d’un traitement national sont listés de manière positive. Toutefois, certains sous-secteurs sont explicitement exemptés de cette obligation. Concernant les investissements, le traité règle quelques questions connexes aux services, comme les investissements préalables à l’établissement d’un prestataire. Les négociations ayant débuté avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, il n’existe pas de chapitre de protection des investissements, ni de mécanisme spécifique de règlement des différends entre investisseurs et Etats. Les trois signataires ont accepté d’ouvrir leurs marchés publics jusqu’au niveau des municipalités. Le traité définit de manière plus claire les règles d’origine6 des biens et consacre la protection d’un nombre relativement important d’IG européennes, tandis que la Colombie en a deux et le Pérou quatre7.

6

Ces règles visent à éviter qu’un produit fabriqué ailleurs et importé au Pérou ne profite indûment des avantages de l’accord.

7

La Colombie a obtenu la protection du fruit « Cholupa del Huila », le Pérou a obtenu la protection des légumes « Maíz Blanco Gigante Cusco » et « Pallar de Ica », ainsi que du spiritueux « Pisco ». En outre, la Colombie a obtenu la protection de la vannerie « Guacamayas » et le Pérou des poteries « Chulucanas ». Les IG européennes reconnues sont principalement des vins, spiritueux, fromage et charcuteries.

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Enfin, on notera la présence de dispositions sur la propriété intellectuelle8, sur la transparence des mécanismes de soutien aux producteurs (subsides)9, sur le développement durable et les droits humains, ainsi sur la coopération au développement et le transfert de technologies10. Les services de la Commission européenne ont présenté le deuxième rapport d’évaluation du traité en février 2016, qui porte sur les chiffres 2014. Ce rapport analyse l’évolution du commerce bilatéral entre l’UE et les deux autres parties, ainsi que l’activité du Comité sur le commerce institué par l’accord. Depuis l’application provisoire de l’accord, les flux commerciaux avec le Pérou ont eu tendance à se réduire globalement, en particulier les importations de produits par l’UE depuis le Pérou. Cependant, cela s’explique par un ralentissement économique global en Amérique du Sud et par le fait que les produits touchés par cette baisse ne soient pas couverts par l’accord. Les produits concernés par le traité ont eu tendance à voir les flux augmenter dans les deux sens. En revanche, la Colombie a importé beaucoup plus de produits depuis l’UE, y compris ceux qui ne sont pas couverts par l’accord. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord, l’UE a également importé 8

La protection de la propriété intellectuelle est un enjeu majeur dans les accords entre l’UE et les pays émergents, car elle permet de lutter contre les phénomènes de contrefaçon.

9

Les gouvernements devront publier dans un rapport annuel les bénéficiaires, les bases légales, la forme et le montant des subsides accordés.

10

D’une part l’Union européenne s’engage à soutenir la compétitivité des entreprises péruviennes et colombiennes via les canaux traditionnels de l’aide au développement et, d’autre part, à leur transférer certaines technologies. Cette coopération aura lieu en priorité concernant les entraves techniques au commerce et la propriété intellectuelle.

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un peu plus de produits colombiens, soit environ 10% de plus. Concernant les services et les investissements directs étrangers, il est encore trop tôt pour se prononcer.

3.4|  Les arguments en présence 3.4.1.|  Arguments « pro » Les principaux arguments en faveur de cet accord sont de nature économique. Selon la Commission européenne, il permettra aux exportateurs des deux côtés d’économiser 500 millions d’euros par an au seul titre des droits de douane. Toutefois, vu leur statut de pays en développement, les pays andins conservent davantage de mesures de protection de leur économie que l’UE, ce qui reflèterait un accord équilibré et respectueux des valeurs européennes. La Commission souligne en outre que, bien que ces deux pays exportent surtout des matières premières, un grand nombre de produits manufacturés sont également exempts de droits de douane, ce qui encouragerait le développement de filières à plus haute valeur ajoutée. Au-delà de la question tarifaire, le but est de créer « un climat économique plus stable, plus transparent et plus prévisible ». Ce climat devrait être propice au développement de ces économies en général et à leur intégration dans la chaîne de valeurs mondiales. Enfin, des dispositions concernant le développement durable et les droits de l’homme encouragent l’application effective des conventions relatives à ces matières. L’accord prévoit également des mécanismes de coopération au développement et de transfert de technologies. 3.4.2.|  Arguments « contra » Les arguments en défaveur de cet accord sont de deux ordres. Ils concernent l’économie, d’une part, et les droits humains, d’autre part.

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Au niveau économique, contrairement à ce qu’affirme la Commission européenne, cet accord enfermerait les deux pays dans un rôle d’exportateurs de matières premières. En effet, s’ils bénéficient d’un accès privilégié au marché de l’UE pour les produits industriels, ils perdent en revanche le droit de protéger leurs industries naissantes le temps qu’elles puissent faire face à la concurrence mondiale. Concernant les premiers effets de l’accord, le CNCD livre une analyse différente de celle de la Commission. L’ONG affirme que la balance commerciale colombienne, qui était positive depuis 1999, est déficitaire depuis 2014 et a plongé à -11 milliards de dollars sur les neufs premiers mois de 2015. De grosses difficultés dans certains secteurs sont également constatées. Elles concernent, par exemple, la forte augmentation des importations colombiennes de produits laitiers en provenance de l’UE, ce qui met les producteurs locaux dans une position difficile. Concernant la situation des droits humains dans ces pays, elle reste délicate. En Colombie, 729 défenseurs de l’environnement ou des droits humains ont été assassinés entre 1994 et 2015, avec de lourds soupçons pesant sur les forces armées. Si la Colombie est le second pays le plus dangereux pour les défenseurs des droits humains, le Pérou se classe 5e, avec 9 personnes assassinées en 2014. En outre, le Pérou a adopté en 2011 une législation environnementale plus souple, afin de favoriser l’investissement privé, notamment dans le secteur minier. Les protestations contre de grands projets d’extraction sont le plus souvent réprimées de manière violente par les forces de l’ordre, avec des morts et des blessés.

3.5|  Les prochaines étapes La prochaine réunion du « Comité du commerce » entre l’UE, la Colombie et le Pérou aura lieu le 9 décembre 2016 à Bruxelles. Après 3 ans d’application provisoire, cette réunion devrait permettre aux

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représentants des parties de débattre des effets de l’accord. Cet accord étant mixte, il doit également être approuvé par les parlements régionaux de notre pays. À ce stade, les parlements de Wallonie, de Bruxelles et de la Fédération Wallonie-Bruxelles doivent encore se prononcer sur l’adoption définitive de cet accord.

3.6|  En conclusion Stade de la procédure

Prochaines étapes

Approche de la négociation

Mixité de l’accord

Principaux points de l’accord

Accord conclu et appliqué provisoirement depuis 2013 ; adhésion de l’Equateur à l’accord en novembre 2016 En cours de ratification par les Etats membres 

Plurilatérale

bjectif : conclusion d’un accord O avec la Communauté andine

Mixte     

Biens Services Pas de chapitre sur les investissements Coopération règlementaire Développement durable, droits de l’homme, etc.

Approche du commerce des services Listes positives

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4|

T ABLEAU DE COMPARAISON DES ACCORDS TISA

Vietnam

Colombie-Pérou

Stade de la procédure

En cours de négociation

Négociations terminées ; traité en cours d’examen juridique et de traduction

Prochaines étapes

Fin des négociations possible dans les prochains mois

Présentation au Conseil possible d’ici fin 2016-début 2017

En cours de ratification par les Etats membres

Plurilatérale : UE et 22 pays ou territoires également membres de l’OMC

Bilatérale

Plurilatérale

Indéterminée à ce stade

Indéterminée à ce stade

Mixte

Biens

Biens

Services

Services

Investissements (y compris ICS)

Pas de chapitre sur les investissements

Coopération règlementaire

Coopération règlementaire

Développement durable, droits de l’homme, etc.

Développement durable, droits de l’homme, etc.

Listes positives

Listes positives

Approche de négociation

Mixité de l’accord

Objectif : conclusion d’un accord Objectif : intégra- avec l’ASEAN tion de l’accord à l’OMC

Services Attention partiPrincipaux points culière sur les de l’accord services publics et les services financiers

Approche du commerce des services

Listes négatives

Accord conclu et appliqué provisoirement depuis 2013 ; adhésion de l’Equateur à l’accord en novembre 2016

Objectif : conclusion d’un accord avec la Communauté andine

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UN EXAMEN EN TEMPS OPPORTUN DES TRAITÉS UE-SINGAPOUR, UE-JAPON ET UE-MERCOSUR Outre le TISA et les traités UE-Vietnam et UE-Colombie/Pérou, la Commission chargée de questions européennes du Parlement de Wallonie ne manquera pas d’analyser le traité avec Singapour. Celui-ci bénéficie d’un statut particulier. Les négociations ont pris fin le 17 octobre 2014, mais la Commission européenne a conditionné le lancement de la procédure d’adoption à un avis de la Cour de justice de l’Union européenne sur le caractère mixte ou non du traité. Cette décision aura inévitablement un impact sur les autres traités de libre-échange actuellement en cours d’adoption. Elle sera analysée par le Parlement de Wallonie dès sa publication. Les traités avec le Japon et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela) feront également l’objet d’une attention particulière. La Commission européenne a présenté l’état d’avancement de ces deux négociations lors du Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne du 11 novembre 2016. Les négociations avec le Japon ont été entamées en 2013, sur la base du mandat établi par le Conseil en novembre 2012. Le dernier cycle de négociations s’est tenu durant la semaine du 26 septembre 2016. Le Japon est le deuxième partenaire commercial de l’Union européenne en Asie, derrière la Chine. L’Union européenne et le Japon représentent ensemble plus d’un tiers du PIB mondial. La Commission européenne a confirmé son souhait de parvenir à un accord politique d’ici la fin de l’année.

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Le Mercosur constitue le bloc économique le plus important d’Amérique du Sud. Des négociations ont été entamées en 2000 mais ont été suspendues entre 2004 et 2010 pour reprendre en 2015. Le dernier cycle de négociations a eu lieu du 10 au 14 octobre 2016.

LES AUTRES DOSSIERS À L’ORDRE DU JOUR A côté des accords de libre-échange, la Commission chargée de questions européennes poursuivra son examen du Brexit, dont le cycle d’auditions a été entamé le 10 novembre 2016 avec l’économiste Bruno Colmant. Par ailleurs, elle entamera des auditions sur les normes SEC, en invitant Pierre Moscovici, Commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Marianne Thyssen, Commissaire européenne en charge d’Eurostat, Alexandre Makaronidis, Président de la Task Force EPSAS d’Eurostat, l’Union des villes et communes de Wallonie, le Comité économique et social, le Comité des régions, etc.

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CONCLUSION :

LIBRE-ÉCHANGE OU LIBRE ET CHANGE ?

À

l’issue d’un travail rigoureux effectué au sein de notre assemblée, d’importantes garanties et avancées ont été obtenues sur le dossier du CETA. L’intérêt que les citoyens européens et wallons ont porté à ce dossier, ainsi que les innombrables marques de soutien reçues par le Parlement de Wallonie démontrent, qu’après la mondialisation économique, l’heure est à la mondialisation politique et citoyenne. Dans ce contexte, l’examen parlementaire des accords de libre-échange fait figure d’impératif démocratique. C’est pourquoi, sur ma proposition, la Commission chargée des questions européennes du Parlement de Wallonie a décidé d’inscrire à son agenda trois traités en cours de conclusion ou d’adoption : le TiSA, le traité UE-Vietnam et le traité UE-Colombie/Pérou. Les accords avec Singapour, le Japon et le Mercosur feront également l’objet d’un suivi attentif le moment venu. Outre la thématique du commerce international, notre commission poursuivra ses travaux sur le Brexit et invitera prochainement de hautes personnalités européennes au sujet des normes SEC. Tout comme pour le CETA, notre assemblée analysera ces traités avec le temps nécessaire, au moyen d’auditions contradictoires et

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en vue de permettre au Gouvernement de défendre des positions à la fois légitimes et étayées. Face à l’échec du multilatéralisme, il est plus que jamais nécessaire de conclure des traités visant une plus grande ouverture au monde et un renforcement des échanges. Toutefois, le libre-échange ne doit pas être une fin en soi, mais un outil de développement humain. Ainsi, la Wallonie ne sera en mesure de signer un traité que si celui-ci respecte certaines conditions essentielles que sont la sauvegarde des services publics, le maintien de la capacité règlementaire des États, le renforcement des règlementations financières, le respect du développement durable et des droits humains, etc. Les conditions fixées pour la signature du CETA en font désormais le standard minimum pour tous les accords commerciaux à venir. Cependant, chaque partenaire et chaque texte impose une vigilance spécifique. Si la question des droits de l’homme et du développement durable sera au coeur des débats sur les traités avec le Vietnam et les pays andins, les travaux sur le TISA devront quant à eux faire la part belle à la sauvegarde des services publics et à la régulation de la finance mondiale. Fort de son expérience dans le dossier du CETA, le Parlement de Wallonie persiste et signe dans son rôle d’assemblée pionnière, au niveau belge, en mettant à son ordre du jour de nouveaux traités qui façonneront demain la place de l’Europe sur la scène internationale. Nous formulons le vœu que notre travail soit entendu au sein du système fédéral belge, permettant ainsi la conclusion de traités qui n’organisent plus seulement le libre-échange, mais garantissent aussi le changement libre au profit de nos citoyens, PME et agriculteurs. De manière transversale, nous retenons quinze considérations au coeur du débat sur le commerce et les échanges internationaux tant au niveau mondial, qu’européen ou national.

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A L’ÉCHELLE MONDIALE nn L a mondialisation de l’économie se complète aujourd’hui par une mondialisation citoyenne et politique. Ce fait nouveau est illustré par le passage d’une technocratie imposée à une démocratie recherchée. L’élaboration des mandats de négociation doit donc s’opérer avec une plus grande transparence ; nn L ’échec du multilatéralisme, notamment au sein de l’OMC, est patent. Le vide qu’il laisse fait désormais la part belle à des accords bilatéraux ou plurilatéraux par lesquels chaque bloc économique tente de promouvoir ses propres intérêts ; nn L e pouvoir politique va devoir trancher entre des objectifs qui apparaissent de plus en plus souvent comme contradictoires. S’il est parfois possible de concilier le commerce, les droits humains et le développement durable, les accords de libre-échange imposeront inévitablement de faire des choix difficiles, mais fondamentaux, notamment dans le cadre du défi climatique ; nn L a question des barrières non tarifaires implique nécessairement une coopération en matière de normes sanitaires, environnementales ou encore sociales. Cela pose la question de l’abandon de la souveraineté publique en ces matières, qu’elle soit nationale ou déléguée ; nn L e commerce des produits agricoles ne saurait être considéré comme un commerce parmi d’autres, et encore moins comme une variable d’ajustement. Son rôle en matière de souveraineté alimentaire nécessite des clauses de sauvegarde et/ou des mesures compensatoires ; nn La libéralisation du commerce doit s’accompagner d’une

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plus grande transparence et d’un plus grand échange d’informations concernant les flux financiers. Les traités de libreéchange ne peuvent en effet être le creuset de montages litigieux au détriment des finances publiques ; nn D ans l’application de ces traités, la création d’une Cour internationale sur le commerce, ou au minimum sur les investissements, est absolument nécessaire. La décision de la Cour européenne de justice sur la question de la conformité de l’ICS aux traités européens jouera un rôle décisif dans l’adoption plus ou moins rapide et ambitieuse d’un tel mécanisme ; nn D ans la négociation de chacun de ces traités, le pouvoir politique devra déterminer de manière claire leur caractère global ou sectoriel, l’approche par listes positives ou négatives et la possibilité pour chacun d’en sortir ; nn L a possibilité pour l’Union européenne de conclure de tels traités dépendra en premier lieu de sa capacité fédératrice, mais aussi de la levée des incertitudes qui pèsent actuellement sur l’attitude de ses partenaires, que sont notamment les USA et la Chine ;

A L’ÉCHELLE EUROPÉENNE ET NATIONALE nn S i la politique commerciale est certainement une politique importante, les premiers clients des entreprises européennes restent les consommateurs européens. Il est donc urgent d’harmoniser et de fluidifier en interne le plus grand marché mondial qu’est l’Union européenne. Pour y parvenir, il faudra mettre sur la table des questions délicates que sont les normes fiscales, sociales et comptables ;

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nn L e caractère mixte des traités, et donc l’implication des parlements nationaux et régionaux belges, doit être précisé. À cet égard, la décision de la Cour européenne de justice concernant le traité avec Singapour sera déterminante ; nn L ’avis de la Cour européenne de justice sur l’ICS dans le traité CETA pourrait avoir un effet détonateur sur l’ensemble de la politique commerciale européenne. Sans préjuger de la décision, nous espérons que celle-ci interviendra dans les meilleurs délais, afin de garantir la sécurité juridique des traités de libre-échange présents et futurs ; nn U ne veille démocratique au sein de tous les parlements nationaux et régionaux est plus que jamais nécessaire. Même si un traité n’est in fine pas considéré comme mixte, ce travail parlementaire est le meilleur moyen d’offrir la transparence et l’information que nos concitoyens exigent ; nn L ’élan du CETA ne doit pas être un feu de paille. La Wallonie doit pouvoir s’appuyer sur celui-ci afin de garantir que les avancées obtenues soient désormais considérées comme les garanties indispensables à la conclusion de tous les traités. Cela impliquera, pour le Parlement de Wallonie, un travail conséquent, mais salutaire ; nn U ne plus grande coordination intrabelge doit être de mise afin de ne pas répéter les tensions auxquelles le CETA a pu donner lieu. Pour ce faire, le Gouvernement belge doit jouer un rôle moteur et fédérateur afin de parvenir en temps utile à une réelle position commune.

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L’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : UNE SOLIDARITÉ RESPONSABLE Cet ouvrage, largement documenté, s’attelle à dresser un état des lieux des plus réalistes de la situation migratoire et de son cadre légal. L’objectif est tout d’abord d’informer le citoyen en permettant à tout un chacun de se forger une opinion allant au-delà des idées reçues et des peurs irrationnelles qui accompagnent trop souvent les flux migratoires...

LE LIVRE NOIR DES COMMUNES Elu mandataire local depuis près de 25 ans et Bourgmestre de Perwez depuis 2001, j’ai vécu et suivi l’évolution des missions de nos entités communales. Les réformes politiques successives intervenues dans notre pays ont progressivement mis à mal les moyens nécessaires à la poursuite de ces objectifs. Les défis que nos municipalités doivent relever sont de plus en plus nombreux et contraignants sans plus aucune garantie financière...



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