L'heure des choix démographiques

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ANDRÉ ANTOINE LES CAHIERS DE LA PRÉSIDENCE DU PARLEMENT DE WALLONIE

L'heure des choix

démographiques 1


....


TABLE DES MATIÈRES LE DÉFI DÉMOGRAPHIQUE À LA UNE................................................................................................................... ​ 4

UNE DÉMOGRAPHIE À BOUT DE SOUFFLE............................................................................................................ ​ 6 DES CHIFFRES ALARMANTS............................................................................................................................ 7 UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION........................................................................................................................... 20 DES CONSÉQUENCES SUR NOTRE MODE DE VIE............................................................................................... 42

GOUVERNER, C’EST PRÉVOIR : L’URGENCE D’UNE RÉPONSE POLITIQUE................................................................. ​ 52 ​LIBÉRER LA PARENTALITÉ............................................................................................................................... 54 ​L’OPPORTUNITÉ DE L’IMMIGRATION................................................................................................................. ​ 68

SYNTHÈSE DE NOS PROPOSITIONS...................................................................................................................... 80

CONCLUSION..................................................................................................................................................... 84

RETROUVER CE CAHIER EN LIGNE


LE DÉFI DÉMOGRAPHIQUE À LA UNE

P

lusieurs grandes questions de so-

débats : celle de la transition démogra-

ciété occupent régulièrement, et à

phique. Il s’agit d’un défi majeur pour les

raison, le devant de la scène poli-

générations futures, en Wallonie comme

tique. Pensons à la question budgétaire,

dans de nombreux pays d’Europe. Alors

à celles de l’emploi et des inégalités so-

qu’en 1991, il y avait 5 Wallons de 18 à 66

ciales ou encore au défi climatique.

ans pour « soutenir » une personne de 67 ans et plus, il n’y en aura plus que 2,5 en

Il existe cependant une autre thématique

2070. L’illustration la plus marquante de

qu’il est urgent de replacer au centre des

cette évolution réside sans doute dans la

4


transformation de la pyramide des âges

projet de parentalité. Plusieurs mesures

en un véritable pentagone des âges.

ont déjà été prises pour y répondre. Citons ici les Plans Cigogne succes-

En cause, l’allongement de l’espérance

sifs, visant à élargir la couverture ré-

de vie, mais également une diminution

gionale en termes de places d’accueil

importante du nombre de naissances.

préscolaire, l’amélioration du statut des

Ainsi, pour la deuxième année consé-

accueillantes d’enfants, ou encore la

cutive, en 2016, le nombre de décès a

récenteréforme des allocations fami-

surpassé le nombre de naissances en

liales en Wallonie. Le défi qui nous at-

Wallonie. Ces constats résultent d’évolu-

tend demande cependant d’aller plus

tions structurelles qui doivent mobiliser

loin encore dans une politique de sou-

différents leviers de l’action publique.

tien global et audacieux à la parentalité.

Ceux-ci doivent dépasser le simple cadre de la régulation des pensions ou

Par ailleurs, l’adoption d’une politique

de l’accompagnement du troisième âge

migratoire responsable, c’est à dire inté-

pour intégrer celle du soutien à la paren-

gratrice et encadrée, est également un

talité.

levier à mobiliser de façon responsable et sans opportunisme. Le solde naturel

Il est en effet primordial de conforter la

wallon étant négatif, seule la migration

jeunesse dans son rôle au sein de notre

explique aujourd’hui notre croissance

société, tant en ce qui concerne les mé-

démographique, qu’elle provienne de

canismes de solidarité que pour garantir

l’Union européenne, dans sa majorité,

notre dynamisme économique et social.

ou d’ailleurs dans le monde. L’insertion sociale et professionnelle de nouveaux

C’est pourquoi il est urgent que la démo-

arrivants est dès lors indispensable.

graphie entre pleinement dans le champ

Aujourd’hui amorcée par l’adoption du

du débat politique, au-delà d’actions

parcours d’intégration, elle nécessite

louables mais isolées. Après une ana-

une action plus large, visant notamment

lyse en profondeur des évolutions qui

à accompagner de façon suivie et cohé-

touchent notre démographie et de leurs

rente les primo-arrivants vers l’emploi.

causes sous-jacentes, ce cahier identifie deux champs d’action à mobiliser afin

En tant qu’humanistes, nous avons la

de maintenir une population active suffi-

ferme conviction que le défi démogra-

sante. D’une part, il est urgent d’œuvrer

phique doit constituer un réel enjeu

pour une société « parents admis », où

politique. Dès lors, nous souhaitons re-

la conciliation entre vie familiale et vie

lever ce défi essentiel, en proposant des

professionnelle n’est plus un obstacle.

mesures concrètes et fortes. De telles

La baisse de la fécondité souligne en

mesures sont nécessaires au maintien

effet les difficultés croissantes que ren-

d’une société où toutes les générations

contrent les jeunes familles face à leur

auront leur place.

5


UNE DÉMOGRAPHIE À BOUT DE SOUFFLE 6


DES CHIFFRES ALARMANTS La population mondiale n’a jamais ces-

La plupart des continents voient leur

sé de croître : d’1 milliard en 1800, nous

croissance démographique ralentir au

sommes passés à 2,5 milliards en 1950,

tournant du 21e siècle (graphique 1).

4 milliards en 1975, 6,1 milliards en

L’Europe est d’ailleurs la plus impactée

2000 et 7,6 milliards en ce début 2018.

puisque sa population est appelée à dé-

Jusqu’aux années 1970, cette croissance

croître entre 2020 et 2040, selon ces

s’est toujours accélérée. Depuis lors, si

mêmes projections. D’autres continents,

elle reste bien présente, elle est toute-

pour lesquels la transition démogra-

fois de moins en moins importante. La

phique 2 est plus tardive, ne connaissent

population mondiale tend donc vers une

pas encore ce phénomène avec la même

stagnation. Selon la variante basse des

intensité.

projections de l’ONU, nous atteindrons d’ailleurs un pic à 8,7 milliards autour de 2060, suivi d’une décroissance progressive de la population. Graphique 1 : évolution de la croissance démographique de 1950 à 2050 1 Monde

À partir de 2010, les courbes

5000

Asie

en pointillés correspondent

2000

Afrique

1000

Amérique latine Europe Amérique du nord

10000

500 200

aux projections. Les marges en couleur correspondent à la différence entre hypothèses hautes et basses de projections.

100

Océanie

50 20 10 1950

1

1960

1970

1980

1990

2000

2010

2020

2030

2040

2050

Selon des projections fournies par l’ONU. Attention, l’échelle verticale (en millions) se base sur un axe aux valeurs exponentielles et non linéaires. Voy. ONU (Economic & Social Affairs), World Population Prospects 2012, esa.un.org.

2

Passage d’une phase de forte fécondité et de forte mortalité à une phase transitoire de faible mortalité et de forte natalité, puis à une phase de faible mortalité et de faible natalité, qui est caractérisée par une diminution de la croissance démographique.

7


La Belgique et la Wallonie connaissent également un ralentissement de leur croissance démographique, tendant vers la stabilisation. Cette tendance est visible sur le graphique 2 3 . Graphique 2 : évolution de la population et des ménages privés en Belgique et en Wallonie de 2000 à 20704 170

Évolution de la population et des ménages privés 2000=100 160

150

140

130

120

110

100

90 2000

3

2010

2020

2030

2040

2050

Population (OBS) - Belgique

Population (PROJ) - Belgique

Ménages (OBS) - Belgique

Ménages (PROJ) - Belgique

Population (OBS) - Wallonie

Population (PROJ) - Wallonie

Ménages (OBS) - Wallonie

Ménages (PROJ) - Wallonie

2060

2070

Nous pouvons par ailleurs constater sur le graphique 2 que la hausse du nombre de ménages est plus importante que la hausse du nombre d’habitants, étant donné que la taille des ménages diminue à l’horizon 2060. Le vieillissement de la population se répercute également sur la structure des ménages, puisqu’il induit une hausse relativement importante du nombre de personnes vivant seules.

4

Bureau fédéral du Plan et Statistics Belgium (SPF Economie), Perspectives démographiques 2017-2070, Population et ménages, février 2018.

8


9


Graphique 3 : accroissement de la population wallonne de 1991 à 2071 5 30000

25000

20000

15000

10000

500

0

-5000 1991 1996 2001 2006 2011 2016 2021 2026 2031 2036 2041 2046 2051 2056 2061 2066

Accroissement population (obs)

Accroissement population (proj)

Solde naturel (obs)

Solde naturel (proj)

Solde migratoire externe (obs)

Solde migratoire externe (proj)

Solde migratoire interne (obs)

Solde migratoire interne (proj)

D’ici quelques années, le solde migra-

4 personnes arrivant d’ailleurs et s’ins-

toire sera seul responsable de l’aug-

tallant en Wallonie en 2016, 1 seule pro-

mentation de la population wallonne.

venait d’une autre région belge, tandis

En effet, le solde naturel (nombre de

que 3 arrivaient d’un autre pays 6 .

naissances moins le nombre de décès) est de plus en plus régulièrement

Cette réalité d’une croissance démogra-

négatif (2003, 2015, 2016) et semblerait

phique alimentée par le solde migratoire

le devenir durablement dès 2040, pour

est bien visible dans le graphique 4.

quelques décennies. Relevons que, sur

5

Idem.

6

Myria (Centre fédéral migration), La migration en chiffres et en droits, mai 2016.

10


Graphique 4 : accroissement de la population wallonne de 1988 à 20167 Pour mille habitants

8,0 7,0 solde migratoire

solde naturel

6,0 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 -1,0 1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

2014

2016

Le solde naturel, soustrayant le nombre de décès du nombre de naissances, se détaille comme suit : Graphique 5 : nombre de naissances et de décès en Wallonie, de 2010 à 2016 8 50000 naissances

décès

solde naturel

40000 30000 20000 10000 0 -10000

2011

2012

2013

2014

2015

7

Iweps, Taux d’accroissement de la population wallonne, voy. iweps.be.

8

Statbel.fgov.be.

2016

11


Cette diminution du solde naturel en-

population n’ayant pas encore connu la

traîne un rétrécissement relatif des

transition démographique, se caractéri-

tranches inférieures de la pyramide des

sant par une forte natalité et une forte

âges, accentué par l’augmentation de

mortalité. Elle est donc caractéristique

l’espérance de vie. En 1856 (graphique

de toute la période précédant les évo-

6), la Wallonie présentait une pyramide

lutions techniques nées de la révolution

des âges triangulaire, les tranches d’âge

industrielle. La proportion des actifs y

inférieures étant toujours plus larges

est largement dominante.

que les tranches d’âge supérieures. Typique d’un régime démographique traditionnel, cette pyramide reflétait une

Graphique 6 : pyramide des âges wallonne en 1856 9

90-94

Hommes

Femmes

80-84 70-74 60-64 50-54 40-44 30-34 20-24 10-14 0-4 140000

100000

60000

20000

20000

60000

100000

140000

Un siècle plus tard, en 1961 (graphique

perdu pour une bonne part sa dimen-

7), la Wallonie est en phase de transi-

sion triangulaire : les 60-64 ans sont en-

tion démographique. La mortalité a déjà

core aussi nombreux que les 20-24 ans.

chuté et la fécondité a commencé à di-

Dès 60 ans, toutefois, la proportion des

minuer. Les effets du baby-boom sont

tranches d’âge diminue de façon régu-

toutefois visibles. Le graphique a déjà

lière et importante.

9

F. Docquier, La démographie wallonne : histoire et perspective d’une population vieillissante, Institut Destrée, Namur, 1995, www.wallonie-en-ligne.net.

12


Graphique 7 : pyramide des âges wallonne en 1961 10

90-94

Hommes

Femmes

80-84 70-74 60-64 50-54 40-44 30-34 20-24 10-14 0-4

140000

100000

60000

20000

20000

60000

100000

140000

En 2016 (graphique 8) apparaît une

l’importance dans les tranches supé-

surreprésentation des tranches d’âge

rieures à 90 ans.

entre 40 et 60 ans, et dans une moindre mesure des 60-70 ans. Une diminution

En 2061, ces tendances seront encore

régulière et assez importante, surtout

largement

du côté masculin, a lieu au-delà de 70

s’allonge en restant large, et n’a plus de

ans. Les effets tardifs du baby-boom

pyramide que le nom, s’apparentant dé-

ont commencé à se faire sentir, même

sormais à un pentagone. Si les tranches

si ce n’est qu’un début. La proportion

les plus jeunes se sont maintenues, les

des 40-60 ans est même plus large et

tranches dépassant 65 ans se sont forte-

dépasse les tranches inférieures. On re-

ment élargies jusque 90 ans. Les tranches

marque également un allongement vers

d’âges supérieures représentent une pro-

le haut de cette pyramide, qui prend de

portion significative de la population.

10

accentuées.

La

pyramide

Idem.

13


Nous pouvons constater une croissance continue de la proportion des personnes âgÊes

14


Graphique 8 : Pyramide des âges wallonne en 2016 et 2061 11

Hommes

100 ans

Femmes

Wallonie en 2016 90 ans

Wallonie en 2061

80 ans

70 ans

60 ans

50 ans

40 ans

30 ans

20 ans

10 ans

0 an 30000

20000

10000

0

10000

20000

30000

Ce rapide aperçu chronologique de

retraitées diminue, sans toutefois s’in-

l’évolution de la pyramide des âges nous

verser. Les personnes d’âge actif sont

permet de constater une croissance

en effet toujours plus nombreuses que

continue de la proportion des personnes

les personnes retraitées.

âgées, et donc une diminution de la proportion des personnes d’âge actif. Le

Les projections démographiques chif-

rapport entre le nombre de personnes

frées confirment cette diminution de la

d’âge actif et le nombre de personnes

proportion des tranches d’âge actif.

11

Iweps, Pyramide des âges wallonne, voy. iweps.be.

15


Tableau 1 : Projections démographiques pour la Wallonie : répartition par âge, solde naturel et solde migratoire 12

Répartition par âge Année

0-17

18-66

67+

Solde naturel 13

Solde migratoire interne 14

Solde migratoire international 15

1991

22,7 %

64,3 %

13,1 %

5,5

7,0

4,7

2000

22,2 %

62,9 %

14,9 %

2,2

3,7

1,2

2017

20,9 %

63,3 %

15,8 %

-0,2

4,8

11,2

2020

20,7 %

62,9 %

16,4 %

4,2

4,7

7,7

2040

20,6 %

57,7 %

21,6 %

-0,4

5,0

5,1

2060

20,3 %

57,2 %

22,5 %

-0,1

5,4

4,5

2070

20,2 %

56,8 %

23,0 %

1,5

5,7

4,4

Entre 1991 et 2070, les 0-17 ans ainsi que

entre 4 et 5 pour mille. Le solde natu-

les 18-66 ans perdent plusieurs points

rel est quant à lui négatif dès 2040 et

de pourcentage. Les 67 ans et plus

jusque vers 2060.

augmentent leur part de manière importante. Les 67 ans et plus, qui repré-

Présentées parallèlement, la diminution

sentaient 13,1 % en 1991, représenteront

de la proportion des moins de 20 ans et

23 % de la population en 2070, soit près

l’augmentation de la proportion des plus

d’un quart de celle-ci. Par ailleurs, le

de 65 ans sont particulièrement remar-

solde migratoire international se main-

quables (graphiques 9 et 10).

tient généralement à un taux compris

12

Bureau Fédéral du Plan et Statistics Belgium (SPF Economie), Perspectives démographiques 2017-2070, op.cit.

13

En /1000.

14

En /1000.

15

En /1000.

16


17


Graphique 9 : Projections de l’évolution de la proportion des moins de 20 ans16 50 %

45 %

Belgique Bruxelles

40 %

Flandre Wallonie

35 %

30 %

25 %

20 %

15 % 1830

1850

1870

1890

1910

1930

1950

1970

1990

2010

2030

2050

2070

Graphique 10 : Projections de l’évolution de la proportion des plus de 65 ans17

30 %

25 %

Belgique Bruxelles

20 %

Flandre Wallonie

15 %

10 %

5%

0% 1830

16

1850

1870

1890

1910

1930

1950

1970

1990

2010

2030

2050

2070

T. Eggerickx, Le vieillissement démographique en Wallonie aujourd’hui et demain : tendances régionales et diversité locale, Centre de recherche en démographie (UCL), www. iweps.be.

17

T. Eggerickx, op.cit.

18


Rappelons que ces chiffres prennent en

une dégradation du rapport de soutien

compte un solde migratoire externe qui

(nombre de personnes d’âge actif pour

reste positif18 . Malgré la prise en compte

une personne âgée). Ce rapport de sou-

de ce solde migratoire externe, il n’en

tien peut s’exprimer statistiquement

résulte pas moins, donc, un déséquilibre

par son inverse, le cœfficient de dépen-

de la pyramide des âges dont découle

dance des âgés.

Graphique 11 : Projections démographiques pour la Wallonie : cœfficient de dépendance des âgés (67+/18-66) 19 50,0 %

40,5%

40,0 %

30,0 %

24,8% 20,0 %

20,3%

10,0 %

0,0 % 1991

2017

2070

Ce cœfficient de dépendance des âgés

qu’alors qu’en 1991 il y avait 5 personnes

(67 ans et plus, donc les retraités) par

de 18 à 66 ans pour soutenir une per-

rapport aux actifs (soit les 18-66 ans)

sonne de 67 ans et plus, il n’y en aura

ne va cesser d’augmenter. S’il était

plus que 2,5 en 2070.

de 20,3 % en 1991, il passerait à 40,5 % en 2070, soit le double. Cela signifie

18

Les origines régionales de l’immigration en Belgique en 2015 se composent comme suit : 60 % UE, 5 % Europe hors UE (y compris la Turquie), 14 % Asie, 8 % Afrique du Nord, 6 % Afrique subsaharienne, 6 % Amériques, 1 % Océanie. Source : Statistics Belgium.

19

Bureau Fédéral du Plan et Statistics Belgium (SPF Economie), Perspectives démographiques 2017-2070, op.cit.

19


UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION Les deux phénomènes qui déséqui-

C’est l’objectif des politiques d’accompagnement du vieillissement, sur lesquelles s’est penché en 2017 le panel citoyen lancé par le Parlement de Wallonie 20 .

librent la pyramide des âges sont, d’un côté, le vieillissement par le haut et, de

Le vieillissement par le bas est visible

l’autre, le vieillissement par le bas.

dans une pyramide des âges par le ré-

Deux types de vieillissements

trécissement des couches inférieures. Il est causé par une diminution du nombre de naissances. Le soutien à la parentalité favorise le rajeunissement de la popula-

Le vieillissement par le haut consiste

tion et peut dès lors être privilégié, par

en l’augmentation des tranches supé-

des choix politiques volontaristes. Le

rieures de la pyramide des âges. Non

vieillissement par le bas constitue donc

seulement elles s’élargissent, mais de

la part dite « évitable » du vieillissement.

nouvelles tranches apparaissent en son sommet (le nombre de centenaires, par

Deux indicateurs permettent de chiffrer

exemple, devient assez significatif que

l’évolution du nombre de naissances : le

pour constituer une tranche visible). Ce

taux de natalité, d’une part, et le taux de

vieillissement par le haut est structurel-

fécondité de l’autre.

lement causé par l’allongement de la vie, mais également conjoncturellement

Le taux de natalité se définit comme

par les effets tardifs du baby-boom. L’al-

le rapport du nombre de naissances

longement de la vie résulte de progrès

sur une année rapporté à la population

techniques, en particulier médicaux et

moyenne. Il prend donc en compte la

sanitaires. L’effet tardif du baby-boom

population dans son ensemble et s’ex-

est lui aussi un phénomène contre lequel

prime en nombre de naissances pour

il n’est évidemment pas souhaitable ni

1000 habitants.

possible de lutter puisque ses causes remontent aux décennies d’après-guerre.

Le taux de fécondité représente, lui, le

Le vieillissement par le haut constitue

nombre moyen d’enfants qu’aura une

donc un processus inexorable sur lequel

femme dans sa vie. Ce taux est calculé

il n’est pas possible d’agir ; il s’agit de la

par l’Indice conjoncturel de fécondité

part dite « inévitable » du vieillissement.

(ICF). Il peut s’interpréter comme « le

Bien que positive, elle doit être anticipée.

nombre moyen d’enfants que mettraient

20

Voy. à ce propos la « déclaration-consensus » du Panel citoyen sur les enjeux à longterme du vieillissement en Wallonie, sur https://www.parlement-wallonie.be/media/ doc/pdf/panel_citoyen/2017/declaration_consensus.pdf.

20


au monde les femmes d’une génération fictive si, à chaque âge de leur carrière féconde (15-49 ans), elles suivaient les taux de fécondité du moment » 21 . Ces deux taux suivent généralement les mêmes tendances, mais l’intérêt du taux de fécondité est double. D’une part, il permet de fixer un seuil en deçà duquel la population décroît 22 . D’autre part, il permet de recentrer l’analyse sur la population qui est réellement concernée : les femmes en âge de procréer. C’est la raison pour laquelle nous privilégierons le taux de fécondité dans le cadre de notre analyse. Le taux de fécondité sous lequel la population décroît correspond au taux de renouvellement des générations. Il se situe à 2,05 enfants par femme (car pour 105 garçons il naît 100 filles) 23 . En tenant compte de la mortalité entre la naissance et l’âge de la procréation, le seuil réel est toutefois un peu plus élevé. Il est estimé aux environs de 2,1 dans les pays développés. Sous ce taux et en l’absence d’immigration, la population diminue donc à plus ou moins long terme.

21

Interprétation donnée par le Crisp dans J.P. Grimmeau, J.M. Decroly, I. Wertz, « La démographie des communes belges de 1980 à 2010 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2012/37 (n°2162-2167).

22

Voir taux de renouvellement des générations, paragraphe suivant.

23

Voy. « remplacement des générations » sur le site de l’Ined: www.ined.fr.

21


Infographie : le taux de fécondité (2015) 24 dans les régions belges et dans l’Union européenne

FLANDRE

1,66 BRUXELLES

1,85

WALLONIE

1,69

BELGIQUE

1,69

25

PORTUGAL (UE MINIMUM)

FRANCE (UE MAXIMUM)

UNION EUROPÉENNE

1,31

1,96

1,58

24

Statistics Belgium et Eurostat.

25

Totalisant celui de la population belge et de la population étrangère (pop. belge= 1,59 ; pop. Étrangère = 2,28).

22


Avec 1,69 enfant par femme, le taux de

il n’est donc relativement pas inquié-

fécondité wallon est identique au taux

tant. Par ailleurs, aucun pays européen

belge, mais il est supérieur au taux eu-

n’atteint le seuil de renouvellement des

ropéen (voir infographie). Il se situe à

générations.

0,27 point en dessous du taux français et à 0,38 point au-dessus du taux portu-

Toutefois, l’évolution de ce taux (tableau

gais. À l’échelle de l’Union européenne,

2) est interpellante.

Tableau 2 : évolution du taux de fécondité

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Wallonie

1,85

1,82

1,81

1,76

1,74

1,69

Flandre

1,81

1,78

1,75

1,72

1,71

1,66

Bruxelles

2,03

1,95

1,94

1,89

1,9

1,85

Belgique

1,85

1,81

1,79

1,75

1,74

1,69

Union Européenne

1,92

1,59

1,59

1,55

1,58

1,58

Il diminue en effet de façon constante

Un élargissement de la période étudiée

depuis plusieurs années. Ainsi, depuis

est encore plus significatif (graphique

2010, toutes les régions belges ont connu

12). Il permet de voir que la Wallonie n’a

une baisse de leur taux de fécondité, que

plus atteint le seuil de 2,1 depuis le début

l’on retrouve également au niveau euro-

des années ‘70.

péen. Ce taux s’éloigne toujours plus du taux de remplacement des générations.

23


Graphique 12 : évolution du taux de fécondité en Belgique de 1960 à 2016

3,00 Belgique

Wallonie

Bruxelles

Union européenne

Flandre

2,50

2,00

1,50

1,00

0,50

15

12

20

20

09

06

20

20

03 20

00

97

20

19

91

94 19

19

88 19

85

82

19

19

79

76

19

19

73 19

70

67

19

19

64 19

19

61

0,00

Au niveau belge, alors que le taux de

bien supérieur à la Flandre du début

fécondité était de 2,71 en 1964, il dimi-

des années ‘80 jusqu’au milieu des an-

nue très rapidement jusque 1975, et de

nées 2000. Depuis, les taux se sont fort

manière plus lente jusque 1985, avant

rapprochés. Bruxelles suit également les

une reprise jusque 2010 (interrompue

mêmes tendances tout en ayant gardé

par quelques années négatives ici et

jusque 2009 un taux de fécondité bien

là). Depuis 2010, une nouvelle diminu-

supérieur au reste du pays et atteignant

tion apparaît. Il est cependant possible

même cette année-là le taux de renou-

de lier cette diminution aux suites de la

vellement des générations. Depuis 2010,

crise économique, plusieurs projections

Bruxelles connaît toutefois une baisse

prévoyant un retour progressif au niveau

significative de son taux de fécondité.

qu’avait le taux de fécondité en 2010. Une représentation de ce taux sur une Flandre et Wallonie suivent générale-

période débutant en 1800 (graphique

ment les mêmes tendances. La Wal-

13) est encore plus parlante.

lonie connaissait un taux de fécondité

24


Graphique 13 : Évolution du taux de fécondité en Belgique de 1800 à 2015 26 5,0

Belgique

4,5

Flandre

4,0

Wallonie

3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 1800 1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020

Globalement, le taux de fécondité se

Au sein des provinces wallonnes, le

situe donc non seulement à un niveau

même constat d’une baisse générale

historiquement bas, mais également de

de la fécondité peut être posé partout

plus en plus durablement sous le seuil

(tableau 3).

de renouvellement des générations. Tableau 3 : évolution du taux de fécondité dans les provinces wallonnes de 2010 à 2014 27 2010

2011

2012

2013

2014

Brabant wallon

1,8

1,72

1,74

1,72

1,7

Namur

1,86

1,84

1,78

1,76

1,69

Liège

1,85

1,82

1,8

1,73

1,73

Hainaut

1,85

1,84

1,82

1,78

1,76

Luxembourg

1,95

1,92

1,95

1,88

1,82

Wallonie

1,85

1,82

1,81

1,76

1,74

Belgique

1,85

1,81

1,79

1,75

1,74

Le Brabant wallon est généralement la

2014. Aucune province n’approche, sur

province au taux de fécondité le plus

cette période, le taux de renouvellement

bas, même s’il a été légèrement « dépas-

des générations de 2,1.

sé » en cela par la province de Namur en

26

T.Eggerickx, op.cit.

27

Walstat, walstat.iweps.be.

25


FOCUS BRABANT WALLON Penchons-nous à présent sur le cas spé-

Un premier élément consiste à vérifier si

cifique du Brabant wallon, qui présente

ce taux de fécondité est homogène sur

la particularité d’un taux de fécondité

l’ensemble du territoire provincial.

généralement plus faible qu’ailleurs. Taux de fécondité par communes du Brabant wallon entre 2008 et 2012 28 ICF

28

1,50

85,20

Lasne

1,54

109,20 229,00

Waterloo

1,54

Grez-Doiceau

1,64

117,80

Chaumont-Gistoux

1,65

101,80

Braine-l’Alleud

1,67

388,60

Incourt

1,67

48,00

Wavre

1,67

318,40

Ottignies-Louvain-la-Neuve

1,68

363,60

Hélécine

1,72

32,60

Brabant wallon

1,76

4003,40

Rixensart

1,76

205,00

Mont-Saint-Guilbert

1,77

79,80

Ittre

1,78

69,80

Beauvechain

1,82

67,00

Chastre

1,82

76,40

Orp-Jauche

1,82

95,00

Nivelles

1,85

310,80

Rebecq

1,85

119,80

Tubize

1,85

277,00

Court-Saint-Étienne

1,88

120,40

Genappe

1,88

163,60

Walhain

1,88

74,60

Jodoigne

1,96

150,60

Perwez

1,99

104,60

Villers-la-Ville

2,00

127,80

Ramilies

2,04

72,40

La Hulpe

2,24

94,60

Walstat, walstat.iweps.be.

26

Nombre moyen de naissances/an

Braine-le-Château


Nous constatons une grande dispersion des taux de fécondité. Alors que des communes comme Lasne, Waterloo, Braine-le-Château,

Chaumont-Gistoux

ou Grez-Doiceau ne dépassent pas 1,65 enfant par femme, d’autres comme Ramillies, La Hulpe, Villers-la-Ville, Jodoigne ou Perwez ont des taux dépassant 1,95 enfant par femme. Ces taux se répartissent donc largement de part et d’autre des taux wallons. Si les données susceptibles d’influencer le taux de fécondité sont multiples et complexes, il est intéressant de le lier avec quelques facteurs particuliers, tels que l’âge moyen, le niveau d’études ou encore la proportion de population étrangère afin de jauger leurs corrélations.

27


Lien avec l’âge moyen Tableau : taux de natalité et âge moyen par commune du Brabant wallon, 2016 29 Communes

Âge moyen 39,7

Incourt

13,6

Perwez

12,4

39,1

Hélécine

12,1

40,4

Mont-Saint-Guibert

11,5

38,9

Genappe

11,4

40,5

Walhain

11,3

38,8

Rebecq

11,0

40

Beauvechain

10,8

40,6

Tubize

10,8

40,2

Court-Saint-Étienne

10,7

39,4

Grez-Doiceau

10,5

41,8

Nivelles

10,5

42,2

Villers-la-Ville

10,4

39,5

Wallonie

10,3

41,1

Ottignies-Louvain-la-Neuve

10,3

39,9 38,7

Chastre

10,1

Braine-le-Château

9,9

41,3

La Hulpe

9,7

43,2

Brabant wallon

9,6

41,3

Wavre

9,5

42,5

Braine-l’Alleud

9,4

41,8

Jodoigne

9,2

40,8

Ittre

8,7

41,6

Rixensart

8,7

42,9

Orp-Jauche

8,5

40,2

Ramilies

7,1

39,9

Chaumont-Gistoux

7,0

41,4

Waterloo

6,8

43,8

Lasne

5,6

43

De 38,7 à 39,9 De 40 à 40,9 De 41 à 41,9

28

Taux de natalité/1000

29

Walstat.iweps.be. C’est le taux de natalité qui est utilisé ici, et non le taux de fécondité, parce u’il est plus significatif de comparer un taux qui prend en compte la to-

De 42 à 42,9

talité de la population (et pas seulement les femmes en

De 43 à 43,9

âge de procréer) avec l’âge moyen de cette population.


Les niveaux de gris permettent un aper-

âge moyen et taux de natalité au sein

çu rapide des niveaux d’âge, du plus

des communes, qui est confirmé par le

clair (plus jeune) au plus foncé (plus

cœfficient de corrélation, s’établissant

âgé). On observe un lien global entre

à -0,58 30 .

Âge moyen de la population par province

BRABANT WALLON

LIÈGE

HAINAUT

LUXEMBOURG

40,0

NAMUR

WALLONIE

Le Brabant wallon présente une popu-

41,3 ans contre 41,1 ans pour l’ensemble

lation très légèrement plus âgée qu’ail-

de la Région 31 .

leurs en Wallonie : l’âge moyen y est de

30

Il est admis qu’un taux de corrélation situé entre 0,5 et 1 démontre une corrélation significative, voire forte, entre deux facteurs.

31

Chiffres au 1er janvier 2017. Voy. walstat.iweps.be.

29


Taux de couverture préscolaire en Brabant wallon Nous donnons pour indication le taux

rapport entre le nombre total de places

de couverture préscolaire dans les com-

et une estimation du nombre d’enfants en

munes du Brabant wallon. Il représente le

âge de fréquenter les milieux d’accueil.

Tableau : Taux de couverture de l’accueil préscolaire, taux de fécondité et population totale par commune du Brabant wallon (2016) 32 Communes

Taux de couverture (%)

Taux de fécondité (2008-2012)

Population totale

Lasne

113,8

1,54

14212

La Hulpe

94,6

2,24

7324

Ottignies-Louvain-la-Neuve

82,7

1,68

31543

Waterloo

73,8

1,54

29959

30

Nivelles

59,2

1,85

28368

Rixensart

59,0

1,76

22227

Chaumont-Gistoux

58,0

1,65

11737

Chastre

52,9

1,82

7578

Braine-l’Alleud

51,1

1,67

39759

Brabant wallon

50,7

1,76

399123

Wavre

48,7

1,67

34169

Ramilies

48,3

2,04

6325

Braine-le-Château

46,4

1,50

10345

Incourt

45,8

1,67

5379

Beauvechain

45,2

1,82

7145

Court-Saint-Étienne

43,0

1,88

10392

Mont-Saint-Guibert

41,8

1,77

7446

Rebecq

40,4

1,85

10958

Perwez

39,7

1,99

9273

Jodoigne

38,6

1,96

14005

Wallonie

34,9

1,83

3614473

Hélécine

33,1

1,72

3401

Genappe

32,6

1,88

15334

Villers-la-Ville

30,9

2,00

10579

Grez-Doiceau

29,2

1,64

13239

Tubize

29,0

1,85

25646

Ittre

28,8

1,78

6816

Orp-Jauche

26,7

1,82

8862

Walhain

21,6

1,88

7102


Il en résulte une importante disparité entre ces taux de couverture des communes du Brabant wallon. Ces taux, et donc la place de chaque commune dans ce classement, peuvent par ailleurs fluctuer de façon importante d’une année à l’autre, en fonction du nombre de naissances, des mouvements de population et des ouvertures/fermetures de places, auxquels les petites communes sont particulièrement sensibles. De plus, la corrélation entre taux de couverture et taux de fécondité est de -0,17, soit quasiment inexistante. En effet, ce taux de couverture est plutôt influencé par une combinaison de facteurs extérieurs comprenant revenu moyen, taux d’emploi, volonté politique, dynamique locale et accessibilité des services33 que par une réelle adéquation avec le nombre d’enfants. Malgré un taux de couverture provincial supérieur à la moyenne wallonne, il est donc indispensable de considérer la situation de cette couverture commune par commune, et non pas uniquement au niveau provincial, afin de pointer les réelles nécessités d’amélioration de cette couverture.

32

Walstat.iweps.be (taux calculé sur la population 0-2,5 ans). Ces chiffres ne prennent pas en compte certaines évolutions plus récentes telles que, par exemple, l’ouverture d’une nouvelle crèche à Perwez, fin 2017 (selon les derniers chiffres de l’ONE sur base de la population 0-3 ans, cette couverture y serait de 43,17 %).

33

Voy. A. Antoine, Almanach 2016 : chiffres et lettres du Brabant wallon, 2016, p.63.

31


Lien avec le niveau d’études Un niveau d’études élevé (et donc la durée des études plus importante) est généralement un facteur de fécondité plus tardive et plus faible. Le rapport de la Banque de Données Médico-Sociales de l’ONE publie les chiffres qui concernent le niveau d’éducation de la mère 34 . Niveau d’éducation des mères en Brabant wallon et en Fédération Wallonie-Bruxelles35 Brabant Wallon

Fédération Wallonie-Bruxelles

Supérieur achevé

65,6 %

41,2 %

Secondaire supérieur achevé

19,8 %

30,4 %

Maximum secondaire inférieur achevé

14,6 %

28,4 %

Si ces chiffres ne sont pas disponibles commune par commune, ils permettent de constater que le Brabant wallon connaît simultanément un taux de fécondité plus faible et un niveau d’éducation des mères plus élevé qu’ailleurs.

34

Office national de la Naissance et de l’Enfance, Rapport de la Banque de Données Médico-Sociales, n°1 : regard sur le Brabant wallon. Ce niveau d’éducation est collecté lors des Bilans de santé à 9, 18 et 30 mois. Ces chiffres ne sont malheureusement pas accessibles par communes.

35

Collecté lors du Bilan de Santé de 9 mois.

32


Lien avec la proportion de population étrangère Selon le CRISP, « les recherches consacrées aux populations non européennes établies en Belgique montrent que celles-ci conservent des comportements démographiques distincts, malgré un alignement tendanciel sur ceux de la population belge : nuptialité plus forte et plus précoce, fécondité plus élevée et plus précoce, et mortalité plus faible » 36 . Pourcentage de population étrangère dans les provinces wallonnes37

BRABANT WALLON

9,85%

LIÈGE

10,94%

HAINAUT

11,88% LUXEMBOURG NAMUR

4,92%

WALLONIE

10,09%

36

Voy. J.P. Grimmeau, J.M. Decroly, I. Wertz, « La démographie des communes belges de 1980 à 2010 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2012/37 (n°2162-2167), p.15.

37

Chiffres au 1er janvier 2017. Voy. walstat.iweps.be.

33


Le Brabant wallon est la 3e province wallonne en termes de population étrangère (9,85 % au 1er janvier 2017). La moyenne wallonne se situe à 10,09 %, légèrement supérieure au niveau du Brabant wallon. En ce qui concerne plus spécifiquement les mères, celles qui sont d’origine étrangère représentent en Brabant wallon 24,2 % des accouchées (2015). En Wallonie, elles sont 23,3 %, et 31,8 % en Fédération Wallonie-Bruxelles 38 . Pour que ces chiffres soient significatifs, il est nécessaire de se pencher sur la ventilation des différentes régions d’origine. Les mères étrangères résidant en Brabant wallon sont originaires de quelque 134 pays dont les plus représentés sont le Maroc, la France, la République démocratique du Congo, l’Italie et la Roumanie. Entre 2006 et 2015, la part des mères étrangères en Brabant wallon est passée de 10,9 % à 24,2 %, soit une augmentation significative. Par catégories régionales, ce découpage se fait comme suit (et évolution entre 2006 et 2015) 39 .

38

Office national de la Naissance et de l’Enfance, op.cit.

39

Idem.

34


Évolution de la part des mères en fonction de leur nationalité d’origine Région d’origine

2006

2015

Europe UE 27

5,2 %

8,2 %

Afrique du Nord / Moyen Orient / Turquie

1,3 %

6,2 %

Afrique noire

1,8 %

4,6 %

Europe hors UE

0,9 %

2,7 %

Asie

0,9 %

1,3 %

Amérique

0,8 %

1,3 %

Total

10,9 %

24,2 %

Hors

Union

européenne,

les

mères

étrangères originaires de l’Afrique du Nord, du Moyen Orient et de Turquie sont majoritaires et constituent en outre la proportion d’origine ayant connu la plus forte progression entre 2006 et 2015. Il est toutefois difficile de lier ces chiffres à l’évolution du taux de fécondité.

35


Les causes d’une faible fécondité De très nombreux facteurs peuvent expliquer une faible fécondité. Ils interagissent entre eux de façon différente et sont liés à diverses caractéristiques sociales, économiques ou culturelles. La conjoncture économique, la situation sociale, la nationalité d’origine des parents, l’âge à la première maternité, le niveau d’éducation, etc. constituent autant d’éléments qui peuvent indirectement influencer le taux de fécondité. Vu la relativité de leur influence, il est peu significatif de les passer exhaustivement en revue pour un territoire aussi large que la Wallonie. Par contre, des facteurs structurels comme conjoncturels peuvent directement

influencer

les

comportements

féconds. Structurellement, certains de ces facteurs peuvent être expliqués par l’analyse de l’évolution de la fécondité en Europe. En effet, durant la seconde moitié du 20e siècle, soit durant les 50 premières années de l’Union européenne, apparaît un rapprochement entre les fécondités européennes. Ainsi, en 1955, l’écart type était de 0,3 enfant pour une fécondité moyenne de 2,5 enfants par femme. En 2005, l’écart type était de 0,25, pour une fécondité moyenne de 1,5 enfant par femme. Depuis 1965, on observe cependant un décalage entre les diminutions des taux

36


de fécondité. en France, la baisse se pro-

leurs efforts »: si la recherche d’emploi

duit entre 1965 et 1975, en Espagne en-

est plus difficile, les moyens et l’éner-

tre 1975 et 1994, en Pologne entre 1985

gie nécessaires à la construction de la

et 2003. Dans les trois cas, deux caus-

famille seront dirigés vers la recherche

es ont une influence prépondérante:

d’un emploi. Ce phénomène se vérifie

l’accès

de

dans les chiffres : la fécondité est d’au-

contraception et le retard de l’âge

tant plus basse que le taux d’emploi des

à la première maternité. Durant un

femmes l’est. Le maintien des femmes au

demi-siècle, de 1950 à 2000, « le retard

foyer se traduit donc par une diminution

de l’âge au mariage et plus encore de

de la fécondité, qui peut paraître con-

l’âge à la première maternité est le pre-

tre-intuitive. Il faut ici évidemment faire

mier facteur de la faible fécondité qui se

la différence entre la présence au foy-

répand en Europe à mesure que les ré-

er « choisie » (dans les cas de mères de

gimes politiques se modernisent et que

familles aisées qui peuvent se le permet-

l’économie de marché s’étend ».

tre) et la présence au foyer « contrainte »

aux

moyens

modernes

40

(dans le cas de femmes en recherche Ce ne sont pas les seules causes. Des

infructueuse d’emploi). Signalons à ce

écarts subsistent en effet, bien que le

propos qu’en Belgique, en 2016, 41,9 %

retard de l’âge à la première maternité

des femmes travaillent à temps par-

se soit stabilisé.

tiel, contre 9,3 % des hommes 42 . Par ailleurs, des chiffres récents montrent une

Pour Hervé Le Bras, conseiller à l’Ined,

corrélation entre un âge de première

une explication tient au fait que « la

maternité tardif et un taux de fécondité

fécondité demeure à un niveau plus

plus élevé. Il semble donc qu’avec un

faible quand l’accès des femmes à l’em-

taux d’emploi des femmes important,

ploi est difficile »41 . Face au double ob-

l’âge tardif à la première maternité ex-

jectif de construire une famille et d’obte-

plique désormais un meilleur taux de

nir un emploi, « les femmes répartissent

fécondité.

40

F. Héran et H. Le Bras, L’avenir démographique de l’Europe (notes de synthèse), audition devant la Commission des Affaires sociales du Parlement européen, 28 mai 2008.

41

F. Héran et H. Le Bras, op.cit.

42

Commission européenne, Rapport 2018 pour la Belgique du Semestre européen, 7 mars 2018, p.32. Voy. https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/2018-european-semester-country-report-belgium-fr.pdf.

37


Pour autant, malgré que plusieurs pays partagent ces mêmes caractéristiques, il est encore possible de distinguer deux groupes de pays selon leur comportement fécond. Ainsi, Peter McDonald a divisé en deux groupes les pays suivants 43 . À gauche, une fécondité relativement élevée, à droite les pays faisant preuve d’un taux de fécondité relativement bas : Tableau 4 : Taux de fécondité de différents pays Groupe de pays 1

TF

Groupe de pays 2

TF

États-Unis

2,05

Suisse

1,42

Islande

2,05

Autriche

1,41

Nouvelle-Zélande

2,00

Portugal

1,40

France

1,94

Malte

1,37

Irlande

1,88

Allemagne

1,34

Norvège

1,84

Italie

1,34

Australie

1,82

Espagne

1,34

Finlande

1,80

Grèce

1,28

Danemark

1,80

Japon

1,26

Royaume-Uni

1,80

Singapour

1,24

Suède

1,77

Taïwan

1,12

Pays-Bas

1,73

République de Corée

1,08

Belgique

1,72

Hong Kong

0,97

Luxembourg

1,70

Shanghai

0,60

Canada

1,60

43

P. McDonald,

« Very

Low

Fertility :

Consequences, Causes and Policy Approaches », The Japanese Journal of Population, vol. 6, n°1, 2008, p.23.

38


Ainsi, conjoncturellement, des explica-

faut nécessairement être marié pour

tions historiques, culturelles et psycho-

avoir des enfants et qu’il faut néces-

logiques profondes peuvent expliquer

sairement rester à la maison pour les

des différences de comportements fé-

élever sont justement les pays de très

conds. C’est le cas par exemple entre

basse fécondité, comme on le voit aussi

l’Allemagne et la France. La première

bien au Japon qu’en Europe du sud et,

enregistre un taux de fécondité bien

largement, en Allemagne ».

moindre que la deuxième. Ces deux pays se différencient par deux idéolo-

Cet exemple de causes conjoncturelles

gies opposées de l’enfance. Comme l’a

peut expliquer l’inertie des comporte-

souligné Hervé Le Bras, les Allemands

ments natalistes et les limites de l’action

insèrent principalement l’enfance dans

des mesures de soutien à la fécondité.

la sphère familiale, les Français dans la sphère sociale (avec le développement

D’autres grandes causes directes sont

de crèches et d’écoles maternelles). La

régulièrement pointées du doigt pour

mentalité allemande insiste dès lors sur

expliquer un taux faible. Parmi celles-ci,

le lien primordial de l’enfant à sa mère,

le manque de places d’accueil ou les in-

ce qui induit pour la mère une crainte

quiétudes financières des familles sont

de s’engager. Chez les Français, c’est

souvent cités. C’est le cas dans plusieurs

une dimension qui influe peu. Ces deux

pays à la démographie décroissante. En

idéologies résultent de réalités histori-

Italie, par exemple, un manque criant de

ques différentes entre régions d’Europe.

places en crèches est considéré comme

Le propos ici n’est pas de les retracer,

une des grandes causes d’un taux de

mais d’insister sur la diversité, la com-

fécondité au plus bas. Il est en effet

plexité et l’ancrage parfois profond des

de 1,34 enfant par femme seulement,

comportements féconds. Ils expliquent

ce qui, combiné à une forte émigration,

aussi qu’une politique familiariste peut

conduit le pays à une croissance démo-

paradoxalement être à la base d’un

graphique négative (-86.000 habitants

faible taux de fécondité.

entre 2014 et 2015) et une proportion de seniors la plus élevée de l’Union eu-

François Héran, directeur de l’Ined,

ropéenne (22 % de plus de 65 ans). Plus

pointe, lui aussi, l’ « excessive rigidité

largement, l’Italie soutient très peu les

des structures familiales » comme étant

femmes qui travaillent.

à l’origine d’une limitation de la fécondité44 . « Les pays qui promeuvent une

Plus loin de chez nous, le Japon, qui con-

vision familialiste de l’accueil de l’enfant,

naît également une croissance démo-

c’est-à-dire où l’on pense encore qu’il

graphique négative (-316.000 habitants

44

F. Héran et H. Le Bras, op.cit.

39


entre 2015 et 2016, soit la baisse la plus importante depuis 1899 et le début des statistiques), est connu pour l’anxiété de ses habitants à l’égard de leur avenir financier, mais aussi pour la pénurie de crèches qui y règne. L’Allemagne, enfin, qui connaissait un taux de fécondité très bas à la fin des années 1990 (1,25 en 1995), s’est particulièrement

attaquée,

depuis

l’ar-

rivée d’Angela Merkel, au problème des places en crèche (création de 750.000 places entre 2007 et 2013) ainsi qu’au soutien financier des parents 45 . Suite à cette politique, son taux de fécondité est repassé au-dessus de la barre des 1,5 enfant par femme en 2015, et son nombre de naissances est reparti à la hausse (+4,8 % entre 2014 et 2015). Il semble donc que la conciliation entre parentalité et vie professionnelle constitue un facteur déterminant dans l’évolution des taux de fécondité.

45

Notamment via une allocation parentale qui permet la perception d’un pourcentage important du revenu (65 à 67%) pendant un congé de maximum 12 mois après la naissance de l’enfant, ou 14 mois si les deux parents se partagent le congé. Voy. Le régime allemand de sécurité sociale. VII, Prestations familiales, sur cleiss.fr.

40


Un effet « boule de neige » Par ailleurs, une faible fécondité peut elle-même constituer une cause de plus faible fécondité encore, selon un effet « boule de neige ». Ce phénomène a notamment été théorisé par Wolfgang Lutz sous le nom de « piège de la basse fécondité »46 . Il fonde son hypothèse sur quatre éléments : une observation empirique selon laquelle les pays étant tombés en dessous d’un taux de fécondité de 1,5 ne sont jamais repassés durablement au-dessus ; un facteur historique, puisqu’une faible fécondité passée engendre mécaniquement un nombre inférieur de mères potentielles ; un facteur économique, puisque le fossé entre les aspirations et les possibilités des jeunes familles se creuse en raison des conséquences du vieillissement ; un facteur sociologique, selon lequel les jeunes élevés dans de plus petites fratries ont tendance à estimer à la baisse le nombre d’enfants idéal.

46

W. Lutz, New Results in Population Fortecasting https://webarchive.iiasa.ac.at/ docs/HOTP/Jun05/iiasa-days/wl-iiasadays-jun05.pdf.

41


DES CONSÉQUENCES SUR NOTRE MODE DE VIE La baisse du taux de fécondité, le ralentissement de la croissance démographique, l’allongement de la vie et la dégradation du rapport de soutien qui en découle ont de très nombreuses implications, à tous les niveaux de la société. La démographie étant par nature une science dynamique dont les prévisions portent sur de nombreuses générations, la présente partie ne se veut évidemment pas exhaustive. Elle donne au lecteur un aperçu des conséquences les plus plausibles des tendances démographiques que nous avons exposées. L’allongement de la vie et la baisse de la fécondité sont les deux facteurs principaux expliquant le vieillissement global de notre population. Toutefois, au moins à court terme, l’effet « espérance de vie » est très largement supérieur à l’effet « baisse de la fécondité » qui, par définition, ne devient tangible qu’après plusieurs

générations.

Toutefois,

les

deux phénomènes ont parfois des effets concrets qui tendent à se renforcer mutuellement. Le vieillissement aura des conséquences sur les finances publiques, et ce, dans

quasiment

toutes

les

sphères

de compétences et à tous les niveaux de pouvoir, y compris régional et local.

42


La nécessité de logements de petite taille ou de logements partagés

velles formes de solidarité collective49 pour couvrir ce risque, telle que l’assurance autonomie. Mais un tel mécanisme ne parviendra sans doute pas à couvrir

En matière de logement, la part crois-

l’ensemble des besoins des personnes

sante des ménages de taille réduite aug-

âgées, notamment en terme affectif

mentera la demande pour de plus petits

et social. En Belgique, on compterait

logements. Cette demande sera d’au-

quelque 860.000 aidants proches, prin-

tant plus importante qu’elle concernera

cipalement des femmes de 55 à 64 ans,

d’abord les personnes âgées 47 (pour

qui rempliraient des tâches équivalentes

qui les logements devront également

à 150.000 temps pleins 50 . Là encore, le

être adaptables), mais aussi les jeunes

vieillissement pourrait avoir un effet indi-

familles, qui seront de plus en plus nom-

rect sur la fécondité. En effet, l’immense

breuses à avoir peu ou pas d’enfant. Si

majorité des aidantes proches sont à un

l’offre (tant publique que privée) tarde

âge où elles ont des enfants encore aux

à s’adapter à cette demande, il pourrait

études, voire des petits enfants pour qui

en résulter une hausse des prix pour ces

elles ne peuvent offrir l’aide précieuse

logements et la vacance de maisons de

d’une grand-mère.

type « unifamiliales ». À contrario, les formules de co-logement se sont considérablement développées ces dernières années 48 .

Fille ou grand-mère En matière de cohésion sociale, le risque de perte d’autonomie physique ou financière lié à l’augmentation des personnes du « 4e âge » se fera de plus en plus aigu. Dès lors, il appartient aux pouvoirs publics d’imaginer de nou-

47

Belfius, Impact du vieillissement de la population pour les acteurs locaux, Juin 2016.

48

Et ce quelles que soient les générations concernées. Voy. « La colocation, un mode de vie intergénérationnel », levif.be, 9 septembre 2016.

49

Belfius, op. cit.

50

Q ui sont les aidants proches ?, www.guidesocial.be et Les femmes, des aidantes proches en sursis ?, www.guidesocial.be.

43


Moins d’enfants = moins de recettes et + de dépenses

qu’à l’indice des prix et éventuellement au bien-être, tandis que les salaires évoluent également pour d’autres raisons

Au niveau des pouvoirs locaux, le vieil-

(ancienneté, promotion …). En Belgique,

lissement aura des conséquences très

la part des retraités est actuellement

concrètes, tant en termes de ressour-

de 17,5 % de la population totale, contre

ces que de dépenses . En Wallonie, les

près de 30 % en 2050. Toutefois, cette

pouvoirs locaux tirent 50 % de leurs rev-

proportion varie fortement en fonction

enus de la fiscalité locale, elle-même

des communes, pouvant aller du simple

composée à 80 % d’additionnels à l’im-

au double. Ce quasi-doublement de la

pôt des personnes physiques (IPP) et

part des personnes retraitées affectera

au précompte immobilier (PI). Ces deux

sensiblement le revenu des addition-

recettes seront affectées par le vieil-

nels communaux à l’IPP, qui constituent

lissement de la population, à des degrés

une part non négligeable des recettes

51

divers . En outre, un changement dans

communales. En matière de précompte

la structure de la population implique

immobilier également, le vieillissement

automatiquement une évolution de ses

aura un effet, mais plus difficile à anti-

besoins et donc des dépenses commu-

ciper. Ainsi, les revenus cadastraux des

nales visant à y répondre.

communes dont la population est plus

52

Davantage de seniors, moins de recettes Le départ à la retraite entraîne une baisse sensible du niveau des revenus.

âgée progressent moins rapidement qu’ailleurs en raison d’une plus faible dynamique immobilière 53 .

Davantage de seniors, davantage de dépenses

En Belgique, l’écart entre la pension légale et le salaire des travailleurs âgés est

En matière de charges budgétaires, les

d’ailleurs parmi les plus élevés d’Europe.

conséquences sont nombreuses et très

Selon l’OCDE, en moyenne, une pension

concrètes. Les communes, les CPAS et le

équivaut à 62 % du dernier salaire net. En

secteur médico-social vont être amenés

outre, les pensions évoluent moins vite

à intervenir davantage en faveur des

que les salaires, car elles ne sont liées

personnes âgées, et ce, suivant plusieurs

51

Comme le souligne également la Commission européenne dans son Rapport 2018 pour la Belgique du Semestre européen, op.cit., p.2.

52

Le rendement de l’impôt sur les personnes physiques connaîtra par exemple une diminution de 14,33 % en Wallonie à l’horizon 2030. Belfius, L’impact du vieillissement sur les additionnels communaux à l’impôt des personnes physiques, Bruxelles, juin 2017, p.17.

53

Belfius, op. cit.

44


canaux. Ainsi, les communes et les CPAS jouent un rôle de premier plan dans la création de nouvelles places en maison de repos (et de soins) (MR(S)), dans lesquelles il faudra créer entre 6.000 et 9.000 nouvelles places d’ici 2025 54 , tous secteurs confondus. En plus de leur construction, de telles infrastructures supposent également d’importants coûts de maintenance et de mise aux normes. Par ailleurs, certaines personnes ne peuvent supporter la charge financière que représente un lit en MR(S), même dans le secteur public. Elles doivent dès lors compter sur une aide du CPAS, qui est en grande partie financé par une dotation communale. Outre les MR(S) classiques, la demande pour les formules d’accueil alternatives (centre de jour, résidences services) et les services aux personnes (repas à domicile, aides familiales, interventions techniques…) devrait également connaître une progression très importante. Enfin, les pouvoirs locaux étant eux-mêmes d’importants employeurs, ils devront assurer le financement des pensions de leur personnel 55 .

54

Voir les questions orales de M. Colli gnon et de Mme Defrang-Firket à M. Prévot concernant respectivement « la gestion des institutions pour personnes âgées » et « les places dans les maisons de repos », (Doc. parl., Parlement wallon, session 2014-2015, CRIC n° 72, p. 21). Ces chiffres sont donnés sur base d’une étude du KCE.

55

Belfius, Impact du vieillissement de la population sur les acteurs locaux, op. cit.

45


Senior-junior, les risques de l’arbitrage

du premier Panel citoyen 56 . Du reste, nous avons abordé cette question à de nombreuses reprises, en plaidant no-

Ici encore, les conséquences du vieil-

tamment pour la création de maisons de

lissement sur les finances locales pour-

repos en partenariat public associatif,

raient accentuer la baisse de la fécondité

ou encore pour la mise en œuvre rapide

ou, à tout le moins, compliquer son re-

de l’assurance autonomie 57. Toutefois,

tour à la hausse. En effet, les pouvoirs

le déséquilibre croissant entre les jeu-

locaux sont responsables d’une partie

nes générations et les plus anciennes

importante de la politique familiale,

constitue également un défi pour notre

singulièrement en matière de concilia-

sécurité sociale, qui dépend au premier

tion entre vie professionnelle et privée.

chef de l’autorité fédérale.

Si les revenus des communes diminuent et que, dans le même temps, elles

À elle seule, cette question pourrait mo-

doivent augmenter leurs dépenses pour

biliser plusieurs volumes des cahiers de

répondre aux besoins immédiats des

la présidence. En effet, au-delà d’une

personnes âgées, le risque est grand

nécessaire action pour soutenir la paren-

que des arbitrages budgétaires inter-

talité, la pérennité de notre État provi-

viennent au détriment de la création

dence implique également une évolution

de crèches, de l’accueil extrascolaire, ou

de son financement 58 , puisque le facteur

encore de l’enseignement communal.

incompressible « allongement de la vie »

La sécurité sociale sous pression

joue un rôle majeur. Dans le cadre de ce cahier, nous nous limiterons donc à chiffrer l’ampleur des changements que l’évolution démographique provoquera

Les débats relatifs à l’allongement de la

en matière de sécurité sociale.

vie constituent assurément une thématique cruciale pour la Région et les pou-

En 2016, les prestations sociales dans

voirs locaux, qui fut d’ailleurs abordée

leur ensemble (principalement soins de

au Parlement de Wallonie à l’occasion

santé et retraites) représentaient 25,3 %

56

Consacré au vieillissement de la population. Voy. https://www.parlement-wallonie.be/ media/doc/pdf/panel_citoyen/2017/declaration_consensus.pdf.

57

Voy. notamment Ma commune espace de bien-être, 18 enjeux pour 2018, CDH Brabant wallon.

58

Comme l’a déjà évoqué le CDH dans son Programme pour les élections européennes, législatives et régionales 2014, avec la proposition d’un modèle fédéré de protection sociale, p.271.

46


du PIB, soit la moitié des dépenses pub-

ien à la parentalité apparaît comme ab-

liques totales. Selon le dernier rapport

solument cruciale et urgente.

du Comité d’étude sur le vieillissement, les dépenses sociales devraient attein-

Relevons enfin que le scénario retenu

dre un maximum de 28,5 % du PIB en

par le Comité d’étude sur le vieillisse-

2040, pour ensuite se stabiliser autour

ment comporte d’autres hypothèses im-

de 27,6 % en 2060. D’ici 2060, le coût di-

portantes. En particulier, il postule une

rect du vieillissement devrait augment-

croissance moyenne de la productivité

er de 4 % du PIB via les retraites et les

de 1,5 % par an à partir de 2035. Dans

soins de santé, tout en étant partielle-

un scénario alternatif, une croissance

ment compensé par une baisse du coût

de la productivité de 1,25 % par an en-

des allocations familiales et de chômage

tre 2035 et 2060 relève le coût « net »

de l’ordre de 1,7 %, ce qui aboutit à un

du vieillissement de près de 50 %. La

coût supplémentaire « net » du vieillisse-

croissance de la productivité reposant

ment de 2,3 % du PIB

essentiellement sur les innovations tech-

59

soit environ 8,6

milliards d’euros 60 .

nologiques, les investissements et sur la formation des travailleurs, la sauvegarde

Ces chiffres peuvent paraître minimes au

de la sécurité sociale passera donc im-

regard de l’ensemble du budget de l’État,

pérativement par des politiques très

mais doivent être remis dans le contexte

volontaristes en ces matières. Elle doit

d’une érosion lente, mais certaine, de la

cependant également comprendre d’au-

part de la population active qui finance

tres paramètres, telles qu’une neutralité

les prestations sociales. En particulier, le

budgétaire globale mobilisant les effets

scénario retenu par le Comité d’étude sur

retours d’une politique parallèle (la dim-

le vieillissement repose sur l’hypothèse

inution des dépenses de chômage par

d’une remontée du taux de fécondité à

exemple) pour compenser les dépenses

1,86 enfant par femme en 2040 et sur

liées au vieillissement, ou encore la mise

son maintien à ce niveau jusqu’en 2060.

en place d’un modèle fédéré de protec-

Pour rappel, ce taux n’était que de 1,7

tion sociale permettant de mieux coller

enfant par femme en 2016. Dans ce con-

à l’évolution des besoins 61 .

texte, une politique plus active de sout-

59

http://www.plan.be/admin/uploaded/201707111629080.REP_CEVSCVV2017_11495_F.pdf .

60

Si l’on prend en compte le montant du PIB belge tel qu’il se chiffrait en 2016.

61

Voy. chapitre 1 p. 167 et proposition-phare 313 p.271 du Programme CDH pour les élections européennes, législatives et régionales 2014.

47


Les pièges d’une fécondité insuffisante Nous l’avons vu, le vieillissement de la population, principalement dû à l’allongement de la vie, suscite de très nombreux défis, qui sont pour la plupart assez bien connus. Cependant, les conséquences spécifiques d’une fécondité durablement faible sont beaucoup moins souvent évoquées dans le débat public. Pourtant, la diminution de la part des jeunes au sein d’une société provoque en tant que telle une série d’effets qui doivent être anticipés. Les liens entre la baisse de la fécondité et les indicateurs macro-économiques font l’objet de nombreux débats théoriques qui sont loin d’être tranchés. Toutefois, l’état des recherches actuelles et l’expérience de pays connaissant une transition démographique plus avancée (comme le Japon), nous permettent de dégager quelques grandes tendances.

Évolution du type et du niveau de dépenses des ménages, impact sur les entreprises En termes de demande de biens et services, le ralentissement de la croissance démographique induit un changement de structure : les catégories plus âgées sont généralement plus aisées et privilégient donc les dépenses de santé, de confort et de loisir. Au contraire, les générations plus jeunes tendent à consacrer une part plus importante de leurs

48


revenus que les aînés dans des biens à

tinueront de consommer et soutiendront

plus haute intensité technologique.

ainsi la demande de biens et services. Toutefois, à plus long terme, ces généra-

Cette évolution du type de dépenses

tions viendront à mourir et la demande

pourrait se traduire par un désinves-

de biens et service émanant des retraités

tissement dans les activités innovantes

retrouvera un niveau plus modeste 64 .

au profit du secteur des services, en particulier dans ce qu’on appelle la « silver

Concernant la capacité à entreprendre,

economy » 62 . Les effets de ce change-

le vieillissement de la population active

ment de demande sur le niveau global

pourrait nous être très dommageable,

du PIB sont incertains. Toutefois, comme

puisque la propension à créer une entre-

dans tout phénomène de transition

prise est deux fois plus élevée chez les

économique, cela engendrera des fer-

moins de 45 ans 65 .

metures d’entreprises et la création de nouvelles, auxquelles la main d’œuvre devra s’adapter. Il pourrait en résulter un

Disponibilité et coût de la main d’œuvre

décalage temporaire entre le profil des travailleurs et la demande des entrepri-

Par ailleurs, de nombreux observateurs

ses, ce qui pourrait constituer un facteur

s’inquiètent d’une diminution pure et

de vacances de certains emplois 63 .

simple de la main-d’œuvre disponible, même peu qualifiée, suite à la baisse du-

De manière plus globale, la diminution de

rable de la fécondité 66 .

la fécondité aura pour effet une baisse du chômage, mais qui ne sera que temporai-

Tout ce qui est rare étant cher, une dimi-

re. Dans un premier, les générations du

nution de la main-d’œuvre disponible

baby-boom nouvellement retraitées con-

devrait automatiquement se traduire par

62

A . Amson, Décroissance et démographie, Melchior.fr.

63

La Belgique présente déjà un taux de vacance d’emploi parmi les plus élevés de l’UE, témoignant d’une profonde inadéquation entre compétences et offres d’emploi. Voy. Commission européenne, Rapport 2018 pour la Belgique du Semestre européen, op.cit., p.3.

64

G . Rabu, « Géopolitique du vieillissement démographique au XXIe siècle », Politique étrangère, IFRI, 2010/4 (Hiver).

65

A . Amson, op. cit.

66

Voir notamment P. McDonald, « Very Low Fertility : Consequences, Causes and Policy Approaches », op.cit., p.19-23 et J. Grant et al., Low fertility and Population Ageing : Causes Consequences and Policy options, RAND corporation Europe.

49


une augmentation du salaire moyen. Le

Capacité d’innovation

coût du travail est un facteur essentiel dans la décision de créer une entreprise

Certains auteurs ont également pointé

ou d’y investir. Dès lors, si la main d’œuvre

les effets potentiels d’un ralentissement

devient plus chère sans pour autant être

de la croissance démographique sur la

plus productive, notre pays deviendra

capacité d’innovation des sociétés et

moins attractif pour les investissements

leur productivité en général.

étrangers. Le même raisonnement vaut également pour les investisseurs belges,

Ainsi, de nombreux modèles démontrent

qui seront davantage tentés par une ex-

qu’au plus une population est grande

périence à l’étranger. Au final, cette perte

(par rapport à son territoire), plus les

de compétitivité pourrait ralentir la crois-

efforts de recherche et développement

sance de notre PIB, pourtant essentielle

y sont intenses70 . En conséquence, si

au maintien de notre sécurité sociale 67.

notre population augmente de moins

Flexibilité des travailleurs

en moins vite, nos efforts en recherche et développement et donc notre productivité devraient suivre un chemin

Ensuite, les jeunes travailleurs qualifiés

similaire. Pour une petite économie ou-

jouent un rôle vital dans une économie

verte sans ressource naturelle comme la

en étant ceux qui innovent le plus et qui

Belgique, cela se traduirait par une perte

assimilent le mieux les nouvelles tech-

quasiment certaine de compétitivité.

nologies. En particulier, ils sont les mieux armés pour résoudre les « problèmes »

Ici encore, le danger principal réside

nouveaux et complexes 68 , auxquels les

dans une perte d’attractivité pour notre

travailleurs plus âgés auront tendance

économie. Les investissements auront

à répondre avec des méthodes et des

tendance à se diriger vers les économies

« outils » plus anciens et donc moins

où elles peuvent trouver en abondance

adaptés 69 .

et à un prix raisonnable des jeunes tra-

67

A . Amsom, op. cit.

68

G . Becker, « Low Birth Rates : Causes, Consequences, and Remedies », The Becker-Posner Blog, 2013.

69

Bien entendu, il s’agit là d’un raisonnement dans l’absolu, les travailleurs plus âgés pouvant s’adapter aux évolutions de leur secteur d’activité au moyen d’une politique volontariste de formation continue.

70

A . Amsom, op. cit.

50


vailleurs qualifiés, dont nous manquerons71 . Dans un second temps, les travailleurs jeunes et qualifiés dont nous disposons seront de plus en plus tentés d’émigrer vers des pays où ils ont davantage d’opportunités, accentuant encore notre déficit démographique.

71

P. McDonald, op. cit. Il faut aussi signaler à ce propos que d’ici à 2050, les projections démographiques prévoient d’importantes évolutions dans les équilibres continentaux. L’Inde devrait devenir le pays le plus peuplé au monde (1,7 milliards d’habitants en 2050), même si c’est l’Afrique qui se hisserait comme continent le plus peuplé (2,4 milliards d’habitants en 2050). Celle-ci devrait, à l’horizon 2100, représenter 40 % de la population mondiale, contre 16 % aujourd’hui. L’Europe passerait, quant à elle, de 10 % à 5,8 % entre 2015 et 2050. Voy. ONU (Economic & Social Affairs), World Population Prospects 2015, esa.un.org.

51


GOUVERNER, C’EST PRÉVOIR : L’URGENCE D’UNE RÉPONSE POLITIQUE 52


Les implications d’une baisse durable de

capacité à les soutenir. Dès lors, nous

la fécondité sont considérables et, pour

ne pouvons permettre que notre société

certaines, inexorables. Ainsi, la première

tombe dans le « piège de la basse fécon-

composante d’une réponse politique

dité », ce qui la condamnerait à s’éteindre

ambitieuse

démographique

lentement. Ainsi, s’il ne serait pas réal-

réside dans la prise en compte des beso-

iste de retourner à des niveaux de fécon-

ins des personnes âgées, tant en termes

dité similaires à ceux du baby-boom,

de revenus que de services. Comme le

il importe de permettre à chacun de

souligne Didier Blanchet, « il faudra au

pouvoir réaliser ses projets familiaux

minimum faire, un jour ou l’autre, avec

sans peur du lendemain. Ce n’est qu’à

les conséquences du retour à la station-

cette condition que nous pourrons nous

narité, et notamment ses conséquences

rapprocher du taux de remplacement

sur ce vieillissement qu’on peut qualifi-

des générations et ainsi éviter le dép-

er d’incompressible car lié à l’évolution

euplement73 ou des ruptures d’équilibre

de l’espérance de vie. Au moins sur ce

dans le rapport des générations. Toute-

point, ce sera à l’économie de s’adapter

fois, les politiques de soutien à la paren-

à la démographie et non l’inverse »72 .

talité n’ont que des effets de deuxième

au

défi

rang et à très long terme sur la pyramide Toutefois, cette réponse ne sera en rien

des âges. Dans ce contexte, les migra-

suffisante, car le dynamisme d’une so-

tions internationales constituent autant

ciété est intimement lié à la place qu’elle

une chance qu’un défi pour notre so-

accorde aux jeunes générations et à sa

ciété vieillissante.

72

D. Blanchet, « L’impact des changements démographiques sur la croissance et le marché du travail : faits, théories et incertitudes », Revue d’économie politique, 2001/4, Vol. 111, pp. 511-564.

73

Au Japon, l’Institut pour la population et la sécurité sociale (IPPS) prévoit pour les environs de l’an 3000 la disparition complète de la population japonaise, vu la baisse démographique inquiétante qui y prévaut. Voy. P. Mesmer, « La population du Japon poursuit son inquiétant déclin », Le Monde, 9 janvier 2018.

53


LIBÉRER LA PARENTALITÉ Des études de l’Ined 74 confirment qu’une politique de soutien à la fécondité, même ambitieuse, ne pourra pas contrer le phénomène du vieillissement à elle seule. Elles signalent en effet que dans la ventilation des causes du vieillissement, la part du vieillissement inévitable est bien plus importante en Europe que la part du vieillissement évitable. Pour l’illustrer, l’Institut se base sur un graphique présentant trois courbes (graphiques 14 et 15) : l’évolution du nombre de 65 ans et plus, l’évolution du nombre de 15-64 ans (correspondant à la population active), ainsi que la part des 0 à 14 ans. Quel que soit le pays d’Europe étudié, on observe un écartement progressif de la courbe des personnes âgées par rapport à celle des personnes d’âge actif et celle des jeunes. On remarque aussi « qu’au sein de cet écart grandissant, la progression relative des personnes âgées compte toujours beaucoup plus que la baisse relative des deux autres groupes. Cela signifie, contrairement à une idée répandue, que la longévité accrue, jointe aux effets tardifs du baby-boom, est un facteur de vieillissement qui l’emporte de loin sur la baisse de la fécondité ».

74

Institut

national

phiques, France.

54

d’études

démogra-


Ces graphiques montrent l’importance

de l’évolution de la fécondité, dans deux

du facteur « croissance du nombre de

pays parmi de nombreux autres présen-

personnes âgées », par rapport à celui

tant le même type de courbes75 .

Graphique 14 : le vieillissement de la population en France76 240 France 65+

220

France 15-64

200

Haute variante 15-64

180

France 0-14

160 140 120 100 80 60 2000

2010

2020

2030

2040

2050

Graphique 15 : le vieillissement de la population en Allemagne77 240

Allemagne 65+

220

Allemagne 15-64

200

Haute variante 15-64

180

Allemagne 0-14

160 140 120 100 80 60 2000

2010

2020

2030

2040

75

Un tel graphique n’est pas disponible pour la Belgique ou la Wallonie.

76

Graphiques sur base des chiffres de l’ONU. Voy. F. Héran et H. Le Bras, op.cit.

77

Idem.

2050

55


Les pouvoirs publics doivent être cons-

des vies professionnelles de plus en plus

cient des limites d’une action visant la

prenantes. Notre objectif est de cont-

fécondité sur la pyramide des âges et

ribuer à la construction d’une société

intégrer cette donnée afin d’y répon-

« parents admis », en donnant la possi-

dre de manière pragmatique et réaliste.

bilité à tout un chacun de recourir à des

Cela ne doit cependant pas l’empêcher

outils qui leur permettront de concrétis-

d’agir. Des exemples proches prouvent

er ce projet de parentalité, s’ils le dési-

en effet qu’elles peuvent être efficaces :

rent. Car si le souhait d’être parent n’a

l’Allemagne, comme on l’a vu, a pu faire

pas changé, les obstacles et les peurs

passer son taux de fécondité de 1,25 en-

qu’il peut rencontrer sont de plus en

fant par femme en 1995 à 1,5 enfant par

plus nombreux 78 . Nous ne voulons pas

femme en 2015.

que ce souhait puisse être concrétisé uniquement par ceux qui en ont les

En outre, la baisse de la fécondité cons-

moyens. Le fait d’être parent ne doit pas

titue un problème en tant que tel. Celle-

être réservé à une certaine catégorie so-

ci est notamment due à la réticence de

cio-professionnelle.

nombreux jeunes à s’engager dans un projet de parentalité, vu les incertitudes

Dans ce but, il est nécessaire, d’une part,

et les craintes qu’un tel projet peut sus-

d’améliorer la conciliation entre paren-

citer. Au premier rang de celles-ci, des

talité et vie professionnelle et, d’autre

craintes quant à la charge financière,

part, de soutenir financièrement les

mais aussi quant à sa conciliation avec

familles.

78

Comme le signale le Baromètre des parents 2017 de la Ligue des Familles, ces obstacles sont de plus en plus prégnants pour les familles. Le syndrôme d’épuisement parental s’installe rapidement. Ces obstacles sont notamment financiers ou concernent l’organisation quotidienne de la famille, dont la question des places d’accueil. Voy. La Ligue des Familles, Le Baromètre des parents 2017, www.laligue.be.

56


Améliorer la conciliation entre parentalité et vie professionnelle L’amélioration de la conciliation entre parentalité et vie professionnelle est un souci pour 8 parents sur 10 79 . Parmi les inquiétudes rencontrées, le peu de temps qu’ils ont pour se consacrer aux enfants dans les moments importants, mais également le peu de solutions de garde possibles. Certains dispositifs spécifiques tentent de répondre à cette préoccupation et permettent d’aider les parents à assurer leurs responsabilités éducatives, en étant d’abord plus disponibles. Il faut à cet égard distinguer les notions de congé de maternité, de congé de paternité, et, sur une plus large période, de congé parental. CONGÉ DE MATERNITÉ Le congé de maternité est actuellement de 15 semaines en Belgique 80 . C’est une semaine de plus que les 14 semaines minimum imposées par la Commission européenne, depuis une directive de 1992 81 . La plupart des pays européens imposent néanmoins un congé de 20 semaines, période que le Parlement eu-

79

Idem.

80

Congé de maternité, www.emploi.belgique.be.

81

Directive-cadre 89/391/CEE sur la sécurité et la santé des travailleurs au travail, 24 novembre 1992.

57


ropéen a proposé d’imposer dès 2010

ont actuellement droit à 10 jours 85 . Là

(ce qui n’a finalement pas abouti ), avec

aussi, des efforts sont à fournir. Il y a en

une indemnisation à 100 %. La Ligue

effet une demande importante et crois-

des Familles, avec sa campagne « (re)

sante. D’autre part, les indépendants ou

prendre le temps », en 2010, avait déjà

demandeurs d’emploi n’y ont pas droit.

82

plaidé pour un allongement à 20 semaines de ce congé de maternité, avec

Nous sommes dès lors favorables à :

une indemnisation à 100 % 83 . Les vies

une extension du congé de paterni-

professionnelles de plus en plus pre-

té à 15 jours en le rendant obligatoire

nantes exigent en effet une augmenta-

pour les travailleurs qui y ont déjà

tion de cette période.

droit 86 avec une indemnisation salariale à 100 %;

Nous proposons dans ce sens : d ’allonger progressivement le congé

une extension du droit à un con-

de maternité de 15 à 20 semaines 84 .

gé de paternité de 15 jours aux indépendants, avec une indemnisation

CONGÉ DE PATERNITÉ

forfaitaire de 1122 euros 87. Ces 15 jours

En ce qui concerne le congé de paternité,

pourraient être répartis sur les 4 mois

les salariés du secteur privé ainsi que le

suivant la naissance de l’enfant. Il y a

personnel contractuel du secteur public

également un travail de promotion à

82

« UE : le congé de maternité de 20 semaines, ce n’est pas pour demain », rtbf.be, 18 mars 2015.

83

20 semaines de congé de maternité, www.laligue.be, 2 décembre 2010.

84

La proposition 1 du programme du CDH pour les élections législatives et régionales de 2014 proposait déjà un passage à 18 semaines.

85

Congé de paternité, www.emploi.belgique.be. Ne sont pas concernés : les membres du personnel statutaires, les membres du personnel subventionné de l’enseignement libre (dont le congé de paternité dépend de règles prévues par le statut qui leur est applicable), les indépendants et conjoints aidants, les chômeurs. Les travailleurs qui bénéficient de ce congé conservent, pendant les trois premiers jours du congé de paternité, leur rémunération complète à charge de l’employeur. Pendant les 7 jours suivants, ils perçoivent une allocation fixée à 82 % du salaire brut perdu, via les mutuelles, et limitée à un plafond salarial journalier.

86

Proposition phare 2 du programme du CDH pour les élections législatives et régionales de 2014.

87

Ce montant est calculé sur base du montant de l’allocation versée pour les indépendants durant leur congé de maternité.

58


fournir parce qu’en 2017, en Belgique, 34 % des pères n’ayant pas pris de congé de paternité ne l’ont pas fait faute d’information, soit parce qu’ils ne savaient pas que cela existait (21%), soit parce qu’ils ne savaient pas qu’ils y avaient droit (13%) 88 . On sait qu’au Danemark, les campagnes de sensibilisation à la prise du congé parental par les pères (« A hug from daddy ») se sont soldées par une augmentation de 100 % en 10 ans dans certaines entreprises. CONGÉ DE PARENTALITÉ Il est également important de pro mouvoir le congé de parentalité en général, tant auprès des parents qu’auprès des employeurs. Des raisons invoquées par ceux qui ne profitent pas d’un congé parental sont en effet le fait qu’ils ne savaient pas qu’il y avaient droit (11%), mais aussi des pressions de la part de l’employeur (7%). Dans ce domaine, certaines entreprises sont particulièrement actives. Ainsi, Microsoft BeLux a revu, depuis ce 17 janvier 2018, ses dispositions en matière de congé de parentalité, le congé de maternité passant de 15 à 20 semaines et le congé de paternité de 10 jours à 6 semaines, tout cela avec maintien salarial et sans impact sur les prestations liées aux bonus 89 .

88

La Ligue des Familles, op.cit., p.34.

89

Microsoft élargit considérablement les régimes de congés familiaux, 12 janvier 2018, news.microsoft.com.

59


CONGÉ PARENTAL

charge de l’ONE, dépendant de leur an-

En Belgique, les salariés du secteur pri-

cienneté (le montant net s’élève généra-

vé ainsi que le personnel statutaire et

lement entre 450 et 600 euros) 95 . Nous

contractuel des administrations locales

considérons cependant que les possibi-

et provinciales peuvent bénéficier du

lités de déclinaison de ce congé paren-

congé parental pour prendre soin de

tal sont trop peu nombreuses et que le

leur enfant 90 . Ils peuvent ainsi, entre la

montant de l’allocation d’interruption

naissance et les 12 ans de leur enfant 91 ,

est trop faible.

aux choix : Nous soutenons en effet > suspendre pendant 4 mois l’exécution de leur contrat de travail 92 ; > réduire leurs prestations à mi-temps pendant 8 mois  ; 93

> réduire leurs prestations d’un cinquième pendant 20 mois 94 .

la possibilité, pour tout parent bénéficiant de ce congé parental, de réduire ses prestations d’un dixième temps pendant 30 mois, afin de pouvoir se consacrer à son enfant un demi-jour par semaine. Nous désirons également augmenter à 800 euros le

Pendant cette période, le travailleur bé-

montant de l’allocation 96 .

néficie d’une allocation d’interruption à

90

Congé parental, www.emploi.belgique.be.

91

21 ans si cet enfant est atteint d’une incapacité physique ou mentale de 66 %.

92

Cette période peut être fractionnée en mois.

93

Cette période peut être fractionnée en périodes de deux mois.

94

Cette période peut être fractionnée en périodes de cinq mois.

95

Voir les informations sur le site de l’Onem, www.onem.be.

96

Ces deux propositions ont déjà fait l’objet d’une demande du CDH dans son Programme pour les élections européennes, législatives et régionales de 2014, p.8.

60


HORAIRES FLEXIBLES En 2017, selon la Ligue des Familles, 90 % des parents manquent de temps au quotidien, que ce soit ponctuellement ou en permanence. S’il est difficile de « donner du temps », il est au contraire possible de permettre aux parents d’aménager au mieux leurs horaires grâce à la flexibilisation de ceux-ci 97. C’est notamment possible en proposant des incitants au télétravail et en promouvant celui-ci auprès des entreprises. En outre, nous voulons que soient couvertes par le salaire des absences de courte durée pour raisons impéreuses : s’occuper d’un enfant malade, le garder lorsqu’il n’y a exceptionnellement pas école, pour l’accompagner chez le dentiste, le médecin, etc. 98

97

Cette flexibilisation du temps de travail est également une revendication de la Coface, la Confédération des organisations familiales en Europe. Voy. Families on the edge. Building a comprehensive european work-life balance reality, Coface Paper, mars 2017.

98

P. McDonald, « Les politiques de soutien de la fécondité : l’éventail des possibilités », Population, n°3, p.423.

61


Outre ces solutions assez ponctuelles, un des axes majeurs de la politique de soutien à la parentalité réside dans l’extension des solutions de garde. En effet, 53 % des parents en Wallonie déclarent qu’il est difficile de trouver une place d’accueil 99 . Ce chiffre est d’autant plus interpellant qu’il est en augmentation. PLACES D’ACCUEIL PRÉSCOLAIRE La Wallonie dispose déjà d’une large couverture en termes de places d’accueil préscolaire. Il faut citer à cet égard les « Plans Cigogne » élaborés par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour répondre aux lacunes qui étaient importantes, actifs depuis 2009. Depuis 2014 et jusque 2022, le plan Cigogne III adopté en juillet 2013 vise à créer 14.849 places dans les milieux d’accueil collectifs et de type familial, subventionnés ou non par l’ONE. La deuxième phase, actuellement en cours, consiste à créer 6400 places de 2015 à 2018. La 3e et dernière phase couvrira la période 2019-2022 et visera, elle aussi, à créer 6400 places. Le nouveau plan wallon d’investissements, adopté ce 17 janvier 2018 par le Gouvernement wallon, prévoit 70 millions d’euros pour la création de plus de 3300 nouvelles places dans le cadre du plan Cigogne III. Nous nous félicitons du dynamisme et des résultats des plans actuels, qui contribuent à accroître de manière importante le nombre de places d’accueil disponibles. La couverture n’est cependant ni suffisante ni assez équilibrée. C’est

99

La Ligue des Familles, Le Baromètre des parents 2017, www.laligue.be.

62


pourquoi nous encourageons la pour-

tion du secteur depuis plus de 30 ans et

suite de ce processus et appelons à l’am-

permet d’assurer la viabilité d’un métier

bition dans la réalisation du plan qui lui

indispensable à une bonne couverture

succédera.

de l’accueil de la petite enfance.

Il s’agit :

Dans ce secteur, nous soutenons égale-

d’élargir la couverture en places d’accueil préscolaire ;

ment, au niveau local la mise à disposition d’espaces d’accueil commun pour les accueillantes100 .

de dégager des moyens spécifiques pour permettre une bonne réparti-

ACCUEIL EXTRASCOLAIRE

tion de ces places en fonction des

L’accueil extrascolaire doit aussi être

besoins de chaque région.

soutenu, d’autant plus qu’il concerne de nombreuses familles : en 2017, 68 % des

ACCUEILLANTES D’ENFANTS

parents de la Fédération Wallonie-Bru-

Il est ensuite indispensable de soutenir

xelles

tous les types de solutions d’accueil.

fréquentent la garderie à l’école 101 . Actu-

Dans ce cadre, les accueillantes d’en-

ellement, certaines écoles proposent un

fants remplissent un rôle primordial.

accueil gratuit, éventuellement grâce à

Nous nous félicitons donc de la création

un soutien communal.

déclarent

que

leurs

enfants

d’un statut complet pour les accueillantes d’enfant par Alda Greoli, Ministre de

Nous proposons :

l’Enfance à la Fédération Wallonie-Bru-

la généralisation de la gratuité de cet

xelles. Ce projet est actuellement en

accueil à toutes les écoles, quel que

phase pilote, avec l’octroi d’un tel statut

soit le statut de son Pouvoir organi-

à 400 premières accueillantes. Il s’agit

sateur, via une aide publique. Cela

d’un vrai statut, qui comprend un revenu

répondrait à une réelle demande, no-

fixe et un forfait pour couvrir les frais liés

tamment relayée par la Ligue des Fa-

au travail à domicile. Il comprend égale-

milles102 , ce qui doit s’accompagner

ment des dispositions telles que les con-

aussi d’une adaptation des rythmes

gés légaux, extra-légaux, congés payés,

scolaires, et dès lors des heures d’ou-

pécule de vacances et droit au chômage.

verture de nos écoles.

Cette réforme répond à une revendica-

100

Cette proposition qui concerne les acceuillantes conventionnées par l’ONE constituait une des demandes du chapitre « Petite enfance » de « Ma commune espace de bien-être, 18 enjeux pour 2018 », propositions du CDH Brabant wallon pour les élections communales d’octobre 2018.

101

Idem, p.18.

102

La Ligue des Familles, Le coût privé de l’élève en Fédération Wallonie-Bruxelles, 24 août 2017.

63


ENFANTS PORTEURS D’UN HANDICAP

Nous ne pouvons qu’encourager la créa-

Outre les solutions de garde préscolaires

tion de telles structures au sein des en-

et extrascolaires, les parents d’un enfant

treprises et nous proposons :

malade de longue durée ou porteur d’un

la mise sur pied de conventions des-

handicap et qui nécessite donc d’être

tinées à soutenir les entreprises

gardé, peuvent rencontrer des difficultés

« Family Friendly », qui créent en leur

ponctuelles (rendez-vous médical pour

sein des solutions de garderies d’en-

le parent, entretien d’embauche, etc.).

fant ou qui collaborent avec d’autres entreprises pour soutenir l’ouver-

Dans ce cadre, il est urgent de :

ture de nouvelles crèches, telles par

développer des haltes d’accueil d’ur-

exemple que des crèches de Zones

gence ainsi que des solutions d’accueil

d’activités économiques.

pour enfants porteurs d’un handicap. BUDGET ENFANTS MALADES

Ces politiques d’accueil de l’enfance sont

Par ailleurs, dans les cas où un enfant

évidemment coûteuses pour les pouvoirs

tombe malade, il est indispensable de :

publics, mais le retour sur investissement

développer des services de garde à

est bien présent, que ce soit en termes

domicile. Cela passe par un soutien aux

de bien-être pour les familles ou en

organismes spécialisés et profession-

termes économiques pour l’ensemble de

nels qui organisent de tels services103 .

la société. La Ligue des Familles souligne que la Fédération Wallonie-Bruxelles

CRÈCHES EN ENTREPRISE

consacre seulement l’équivalent de 0,1 %

Le facteur géographique joue égale-

de son PIB à cette politique d’accueil de

ment. En effet, le temps de trajet utilisé

l’enfance, là où les pays nordiques y con-

pour se rendre du domicile à la crèche

sacrent une part bien plus importante

puis au travail peut être important et

(2,7 % au Danemark) 104 .

constitue un facteur expliquant le manque de temps disponible au quotidien

Nous encourageons donc les pouvoirs

que pointent beaucoup de parents. Dans

concernés :

ce cadre, disposer d’une crèche sur son

à faire correspondre leur participa-

lieu de travail est directement bénéfique,

tion financière à la hauteur de l’enjeu.

non seulement pour les parents mais également pour les entreprises.

103

Telles qu’« Aide et Soins à Domicile », asbl partenaire de la Mutualité chrétienne et active dans le soin aux personnes âgées, handicapées, malades ou à autonomie réduite mais souhaitant rester chez elles. Voy. www.aideetsoinsadomicile.be.

104

La Ligue des Familles, Le coût privé de l’élève en Fédération Wallonie-Bruxelles, 24 août 2017.

64


Soutenir financièrement les familles L’aspect financier joue énormément sur le projet parental des familles. Il est dès lors indispensable d’assurer un accompagnement dans les moments-clés de la vie des familles. ALLOCATIONS FAMILIALES Dans ce cadre, les allocations familiales constituent un axe important de la politique régionale. Nous voulons ici souligner l’adoption, ce 7 février, par le Parlement de Wallonie, du nouveau modèle d’allocations familiales, via le décret relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales105 . Il prévoit que pour tout enfant né à partir du 1er janvier 2020, les familles recevront une allocation mensuelle de 155 euros, quelle que soit la place de cet enfant au sein de sa famille. Cette allocation passera à 165 euros entre les 18 et les 24 ans de l’enfant. Après le transfert de la compétence lors de la 6e réforme de l’État, la Wallonie est ainsi la première

105

Voy. Décret relatif à la gestion et au paiement

des

allocations

familiales,

Parlement de Wallonie, 7 février 2018, doc. 989 (2017-2018). La date d’entrée en fonction du nouveau système a été retardée, le 22 mars 2018, d’un an, du 1er janvier 2019 au 1er janvier 2020, en raison d’un retard dans la mise au point du système informatique permettant le versement de ces allocations.

65


entité fédérée à valider son modèle d’al-

ment important de la vie des familles.

locations familiales, faisant montre de

En effet, 1 parent sur 5 considère que les

son volontarisme en matière de poli-

allocations familiales sont essentielles

tique familiale. Par ailleurs, en rendant

pour le budget du ménage. Cependant,

le premier enfant égal aux suivants et

les parents ne sont généralement pas

en réduisant le nombre de critères, le

bien informés (49 % des parents dis-

nouveau système se veut plus simple,

ent ne pas avoir été informés de cette

plus clair et plus équitable. Il consacre

réforme) 109 , ce qui constitue un motif

les allocations familiales comme droit de

important de crainte quant au fait, par

l’enfant et non plus comme complément

exemple, d’en recevoir moins à l’avenir

de revenus à apporter au travailleur106 .

(74 % des parents craignent d’en rece-

Il tient en outre compte de l’évolution

voir moins) 110 .

du paysage familial actuel et offre un soutien concret aux familles wallonnes,

Il est dès lors nécessaire de :

quels que soient leur taille et leurs be-

prévoir une information suffisante de

soins (rappelons par exemple que les

ces changements, au vu de l’impact

familles avec 1 enfant représentent 51 %

qu’ils ont sur la vie des familles.

des familles wallonnes107). Il faut aussi souligner que des suppléments sociaux

FRAIS DE GARDE

sont prévus, pour les familles n’attei-

S’il reste à élargir la couverture des pla-

gnant pas un certain plafond de reve-

ces d’accueil préscolaire afin que tous

nus, mais également des suppléments

les parents puissent bénéficier d’une

pour

familles

place pour leur enfant, les parents qui

cas

de

disposent déjà d’une telle place font

situation d’invalidité d’un des parents108 .

parfois face à la difficulté du coût qu’elle

Des situations d’enfants atteints d’une

représente. Actuellement, les montants

affection ou orphelins sont également

des frais de garde d’enfants peuvent

pris en compte. Nous nous félicitons de

donner droit à une réduction d’impôts.

ce volontarisme qui concerne un élé-

Il s’agit précisément d’une réduction

familles

monoparentales

106

nombreuses, ainsi

qu’en

Comme l’a rappelé Véronique Salvi, députée wallonne, lors de la séance plénière du 7 février 2018 (P.W.-C.R.A.N°10 (2017-2018) Mercredi 7 février 2018).

107

Communiqué de presse Alda Greoli: « La Wallonie première entité fédérée à valider son modèle d’allocations familiales ! », 23 janvier 2018, greoli.wallonie.be.

108

Idem.

109

Selon le Baromètre des parents 2017 de la Ligue des Familles, p.22.

110

Idem.

66


de l’impôt à payer à hauteur de 45 %

bénéficier de l’entièreté des réductions

du montant des frais de garde avec un

d’impôt pour enfant à charge. L’avan-

maximum de 11,20 euros par jour de gar-

tage accordé aux enfants considérés

de et par enfant âgé de moins de 12 ans

comme handicapés serait en outre tri-

(ou de 18 ans en cas de handicap lourd).

plé au lieu de seulement doublé.

Parce que ces frais de garde constituent un poste conséquent du budget des

PRÉCOMPTE IMMOBILIER

ménages, et vu l’importance de l’enjeu,

Concernant la réduction du précompte

nous

immobilier pour enfants à charge, qui

demandons

au

Gouvernement

fédéral.

est actuellement de 125 euros par enfant depuis 15 ans, et pour autant que

de porter cette réduction à hauteur

soient déclarés au moins deux enfants à

de 75 % du montant des frais de garde

charge, nous demandons, dès 2019 :

en maintenant le plafond actuel. l’application d’une telle réduction dès FISCALITÉ DES ENFANTS À CHARGE

le premier enfant, afin qu’elle puisse

Concernant la fiscalité sur les enfants à

profiter à toutes les familles ;

charge, nous proposons : l’indexation de cette réduction 113 ; de transformer l’actuelle déduction d’impôt111 en une réduction d’impôt112 .

son automaticité, sans qu’elle doive

La fixation des montants doit s’appro-

faire l’objet d’une demande.

cher autant que possible des besoins réels et mieux tenir compte de l’évolution des modèles familiaux. Par ailleurs, cette réduction d’impôt serait transformable en un crédit d’impôt remboursable lorsque les revenus des contribuables sont trop faibles pour

111

Étant forfaitaire, la réduction d’impôt est proportionnellement plus intéressante pour les revenus modestes (dont le taux d’imposition est logiquement inférieur).

112

Étant forfaitaire, la réduction d’impôt est proportionnellement plus intéressante pour les revenus modestes (dont le taux d’imposition est logiquement inférieur).

113

Cette demande et la suivante avaient déjà fait l’objet de propositions dans le Programme du CDH pour les élections régionales de 2014, p.170.

67


L’OPPORTUNITÉ DE L’IMMIGRATION Outre les politiques familiales visant à soutenir le taux de fécondité, un deuxième facteur limitant le vieillissement par le bas dans notre pays est l’influence directe des flux migratoires sur la pyramide des âges. En effet, la pyramide des âges de la population étrangère est beaucoup plus évasée et présente une proportion d’actifs bien supérieure à la population de nationalité belge (voir graphique 16, issu de chiffres RN-DGSIE). Bien que nous ne disposions pas de chiffres ventilés par région, la situation wallonne suit certainement cette tendance.

68


Graphique 16 : structures par âge et par sexe des populations belge et étrangère résidant en Belgique au 1er janvier 2014 100+ 95 90 85 80 75 70 65 60 55 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 1,50%

Hommes

Femmes

1,00%

0,50%

0,00% Nationalité étrangère

0,50%

1,00%

1,50%

Nationalité belge

Au-delà de notre conviction forte sur

une prise en compte réaliste et dépas-

la nécessité d’une société réellement

sionnée du phénomène migratoire. Du

humaniste

la

reste, le rajeunissement de notre société

tolérance et l’accueil des personnes qui

induit par la migration est absolument

fuient les conflits et les persécutions,

nécessaire pour éloigner la perspective

reconnaissons que le phénomène migra-

du piège à la basse fécondité. D’autant

toire représente, du strict point de vue

plus que le taux de fécondité des mères

démographique, une réelle opportunité.

étrangères est, en Belgique, de 2,28 en-

Les chiffres dépeignent donc une réalité

fants, alors que celui des mères belges

bien éloignée des propos simplistes qui

est de 1,59 enfant114 .

fondée

sur

le

droit,

voudraient que « les étrangers menacent notre sécurité sociale ». Au contraire, la

Rappelons également les chiffres en ma-

principale menace sur notre sécurité so-

tière d’immigration en Belgique115 : 60 %

ciale réside dans l’évolution naturelle de

des immigrations ont eu lieu, en 2015, en

notre démographie. Dès lors, outre une

provenance de l’Union européenne. Parmi

nécessaire évolution de ses modes de

ces pays européens, les 3 principaux sont

financement, le maintien de notre État

la France (11% du total des immigrations),

providence passera inévitablement par

la Roumanie (11%), et les Pays-Bas (8%).

114

Statistics Belgium.

115

Myria, La migration en chiffres et en droits 2017, p.32.

69


Graphique 17 : répartition des immigrations d’étrangers en Belgique, par grandes régions, en 2015

70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00%

Indéterminés

Océanie

Amérique latine

Amérique du Nord

Afrique du Nord

Afrique subsaharienne

Asie occidentale

Asie orientale

Europe hors UE

Union européenne

0,00%

La contribution des étrangers à la sécu-

à l’appui. D’une part, la différence entre

rité sociale n’a toutefois rien de mé-

les contributions en termes de taxes et

canique et est d’ailleurs sujette à con-

les prestations reçues par les immigrés

troverse. Ainsi, Daan Killemaes écrivait

est positive pour le trésor public belge :

dans le Trends Magazine de ce 2 févri-

ils contribuent plus qu’ils ne reçoivent.

er, « la composition du flux entrant n’est

D’autre part, si on y ajoute toutes les

également pas idéale », car « à peu près

autres dépenses publiques (non iden-

la moitié de la migration vers la Belgique

tifiables en « prestations » individuelles

résulte du regroupement familial » et

ou collectives), le solde est négatif pour

participe donc moins au financement de

tout le monde, mais un peu plus pour les

la sécurité sociale . Cependant, lors de

étrangers117. Dès lors, « si les migrants

son audition au Parlement de Wallonie,

coûtent de l’argent à la société, c’est

Monsieur Dumont, chef de la division mi-

parce qu’ils contribuent moins d’un point

grations internationales de l’OCDE, ten-

de vue fiscal et non parce qu’ils font da-

dait à nuancer cette affirmation, chiffres

vantage appel aux avantages sociaux » 118 .

116

116

D. Killemaes, « La Plus-value économique de la migration est une illusion », Trends, 2 février 2018.

117

Audition de J.-C. Dumont devant la Commission chargée de questions européennes et la Commission de l’action sociale, « analyse et perspectives des taux migratoires », 16 octobre 2015 (Doc. Parl., Parlement wallon, session 2015-2016, C.R.I.C. n° 24, p. 11).

118

Commission européenne-OCDE, Gérer les migrations économiques pour mieux répondre aux besoins du marché du travail, 2014.

70


Le meilleur moyen d’améliorer la contribution des étrangers au système est de leur permettre d’accéder plus facilement à l’emploi 119 . Dans une Région wallonne qui, malgré d’indéniables progrès, est encore relativement éloignée du plein emploi, une pareille affirmation doit être précisée. Intuitivement, cela laisserait entendre que les étrangers viendraient « prendre » des emplois qui sont déjà en nombre insuffisant pour les Wallons. Toutefois, un tel raisonnement conçoit l’économie comme un jeu à somme nulle, ce qu’elle n’est pas. Ainsi, comme l’explique Abdeslam Marfouk, économiste à l’IWEPS « (…) la taille du gâteau va augmenter, parce que les immigrés sont aussi des consommateurs, des entrepreneurs parfois. On l’ignore souvent, mais il y a une proportion significative d’immigrés qui deviennent des entrepreneurs indépendants, qui créent leur propre emploi et parfois d’autres emplois qui seront occupés par d’autres immigrés ou par des Belges » 120 . La participation des personnes étrangères sur le marché du travail constitue non seulement la condition d’une intégration réussie, mais aussi un moyen

119

Comme l’a encore rappelé Christophe De Beukelaer, président des Jeunes CDH, dans Le Soir, ce 16 mars. Voy. L. Kihl, « On n’incite pas les migrants à travailler », Le Soir, 16 mars 2018, p.6.

120

«L’immigration favorise la croissance économique des pays industrialisés», rtbf.be, 29 avril 2015.

71


efficace de renforcer notre croissance et de maintenir notre sécurité sociale. Comme le soulignait J-C. Dumont, un taux d’emploi identique pour les immigrés et les natifs conduirait à une augmentation d’un point de PIB en Belgique 121 , ce qui est tout à fait considérable dans un contexte où la croissance annuelle varie entre 1 % et 2 %. Pourtant, le chemin à parcourir reste encore long, puisque 39 % des immigrés en Belgique sont victimes de pauvreté, soit 3 fois plus que les natifs. Au niveau du taux d’emploi, ils connaissent également une situation moins favorable, en particulier concernant les femmes, ce qui fait de la Belgique l’un des pires élèves en la matière selon l’OCDE122 . Une meilleure intégration socio-professionnelle des immigrés constituait d’ailleurs l’une des recommandations adressées à la Belgique en 2017 par la Commission européenne 123 . Lorsque les immigrés disposent d’un emploi, il s’agit dans 25 % des cas d’un emploi faiblement qualifié, alors que cette proportion n’est que de 9 % pour les Belges. En Belgique, les femmes nées en Turquie ou au Maroc ne connaissent un taux d’emploi que de 20 % 124 .

121

Audition de J.-C. Dumont, op. cit.

122

Commission européenne-OCDE, op.cit., 2014.

123

Voy. Commission européenne, Rapport 2018 pour la Belgique du Semestre européen, op.cit., p.13.

124

Audition de J.-C. Dumont, op. cit.

72


Afin que l’immigration soit une chance

migrants. En effet, le rôle des pouvoirs

aussi bien pour les Belges que pour les

publics est d’organiser et d’encoura-

migrants eux-mêmes, il est nécessaire

ger la rencontre, afin de tirer parti de la

d’en faciliter l’intégration dans le tissu

richesse que constitue la présence d’une

social, comme sur le marché de l’emploi.

autre origine, d’une autre culture, d’une autre tradition sur son territoire, et d’en-

C’est pourquoi nous formulons plusieurs

suite améliorer la qualité de son tissu so-

propositions à cet égard.

cial. Poursuivant cet objectif,

INTÉGRATION SOCIALE DES

nous prônons l’organisation d’une

IMMIGRANTS

large campagne d’information et de

La première étape de toute participa-

débat public, afin d’informer correc-

tion à la vie d’un pays est l’intégration

tement la population sur les réalités

sociale des immigrants. Elle doit être

du phénomène migratoire ;

préalable à toute installation durable, afin qu’elle soit bénéfique à tous. Il est

nous encourageons les pouvoirs lo-

dès lors important de créer des oppor-

caux à organiser activement des ses-

tunités de rencontre. La peur de l’immi-

sions de rencontre et d’échange entre

gration passe en effet par une mécon-

la population et les nouveaux arrivants,

naissance de sa réalité. Nombre d’études

autour d’activités culturelles ;

prouvent que les sentiments négatifs à l’égard des immigrants sont bien plus

nous désirons promouvoir la cam-

importants dans les lieux où ces immi-

pagne « Communes hospitalières » ini-

grants sont le moins nombreux125 . Dans

tiée par le CNCD-11.11.11 et encourager

ce sens, le CNCD-11.11.11 a récemment in-

le vote, par les communes, d’une mo-

itié la campagne « Communes hospital-

tion adhérant à ses principes ;

ières » à destination des pouvoirs locaux wallons et bruxellois. Elle vise à encour-

nous proposons la création d’initia-

ager les communes à s’ériger en « com-

tives familiales d’accueil, qui permet-

munes hospitalières » par le vote d’une

traient à des familles volontaires d’ac-

motion les engageant à sensibiliser la

cueillir un (candidat) réfugié en toute

population aux questions migratoires

sécurité juridique et moyennant un

et améliorer l’accueil et l’insertion des

défraiement126 .

125

126

A . Rea (dir.), Immigration et racisme en Europe, 1999, p.171. Comme nous le soutenions déjà dans le cahier de la présidence Une solidarité responsable, ce qui a fait l’objet de la Proposition de résolution relative à la création d’initiatives familiales d’accueil (IFA) déposée par M. Antoine, Mme Moinnet, M. Desquesnes le 24 mars 2016 au Parlement de Wallonie (Parlement de Wallonie, Rés. 446 (2015-2016) n°1).

73


PARCOURS D’INTÉGRATION L’intégration sociale et professionnelle des primo-arrivants passe également par l’apprentissage de références citoyennes et linguistiques indispensables à une

orientation

socio-professionnelle

réussie. Dans ce cadre, un parcours d’intégration donnant à tous la chance de bénéficier de cours pour favoriser l’autonomie et la participation pleine et entière des immigrants, en particulier des primo-arrivants127, à la société. Le CDH a depuis toujours soutenu la création d’un tel parcours en Wallonie pour les primo-arrivants issus de pays hors-UE, d’abord facultatif (2015) puis obligatoire (2016) 128 . Il a en outre organisé le renforcement de ce parcours en décembre 2017, augmentant les heures de cours de français, le niveau d’expérience des formateurs et diminuant le nombre de critères permettant d’être dispensé de ce parcours. Concrètement, ce parcours comprend trois axes : l’apprentissage du français, un cours de citoyenneté et une orientation vers le dispositif d’insertion socio-professionnelle pour ceux qui en ont le besoin. Nous soutenons évidemment les évolutions de ce système qui permet à tous les primo-arrivants de participer au fonctionnement de la société, de trouver un emploi mais aussi, pour certains, de suivre le parcours sco-

127

Étranger arrivé sur le territoire national depuis moins de 3 ans.

128

Il constituait d’ailleurs la proposition phare 344 du Programme CDH pour les élections législatives et régionales de 2014.

74


laire de leur enfant, par exemple. Son

est d’augmenter les garanties d’in-

caractère obligatoire permet à chacun

sertion socio-professionnelle des pri-

d’en bénéficier, au-delà des réticences,

mo-arrivants.

de l’abandon, voire même de pressions familiales ou sociales129 . Nous proposons

RECONNAISSANCE DES BESOINS

par ailleurs :

SPÉCIFIQUES Ensuite, cette intégration passe par la

la tenue d’une évaluation complète

reconnaissance des besoins spécifiques

de ce parcours, par un suivi des per-

des primo-arrivants. Cela implique des

sonnes en ayant bénéficié, afin de

formations spécialisées, l’intégration des

mesurer l’efficacité de son fonction-

nouveaux arrivants dans nos universi-

nement, particulièrement en ce qui

tés mais aussi des cours de langue. L’ap-

concerne l’accès à l’emploi ;

prentissage de la langue locale est un des facteurs clés de l’intégration. Sa maîtrise

à l’instar des cours de langue et de ci-

facilite en effet l’accès à l’emploi et à la

toyenneté qui ont été renforcés, nous

participation sociale. Nous prônons donc :

soutenons une amélioration du suivi de l’orientation vers des dispositifs

le développement d’une expertise

d’insertion socio-professionnelle, no-

spécifique au niveau du FOREM, afin

tamment en organisant une conti-

de prendre en compte les besoins

nuité entre le parcours d’intégration

particuliers des personnes immigrées,

d’une part, et les organismes tels que

en ce compris dans la perspective

le Forem ou les Centres d’insertion

d’une auto-création d’emploi ;

socio-professionnelle (CISP) d’autre

129

part. Cette continuité peut s’organi-

la garantie d’un accès pour les mi-

ser par un contact entre le référent

grants aux politiques actives d’emploi

du primo-arrivant au sein du parcours

(aide à l’emploi, création d’emploi et

d’intégration et un référent au sein

formation professionnelle 130) les plus

des organismes d’insertion. L’objectif

efficaces131 ;

Le parcours d’intégration s’adresse aux primo-arrivants, c’est-à-dire les étrangers majeurs qui séjournent légalement en Belgique depuis moins de trois ans et qui disposent d’un titre de séjour de plus de trois mois à l’exception des citoyens d’un État membre de l’Union européenne, de l’espace économique européen, de la Suisse, et des membres de leur famille. Voy. Circulaire relative au parcours d’intégration des primo-arrivants du 11 mai 2017 modifiant et remplaçant la circulaire sur le parcours d’accueil des primo-arrivants du 23 février 2015, Service public de Wallonie, 2 juin 2017, 2017012298.

130

131

Voy. emploi.wallonie.be.

Comme le proposait déjà Myria dans Primo-arrivants : quels débouchés vers l’emploi ?, 13 décembre 2017.

75


l’augmentation de l’offre d’une formation linguistique adaptée. Cette mesure passe par l’investissement dans l’associatif organisant des formations Français Langue Étrangère 132 ; l’adaptation

du

programme

Wal-

langues pour les locuteurs originaires de pays non couverts par son offre linguistique ; l’organisation d’un système de mentorat volontaire à la recherche d’emploi, basé sur un parrainage de recherche d’emploi entre un travailleur et un primo-arrivant. Ce type de collaboration est bénéfique tant pour le parrain que pour la personne accompagnée, encourage le bénévolat mais aussi la rencontre, lacompréhension et les liens133 .

132

Associations telles que « Lire et Écrire », mouvement agissant pour le droit de tous à l’alphabétisation. Voy. www.lireet-ecrire.be.

133

Proposition 344 du programme du CDH pour les élections législatives et régionales de 2014.

76


LEVÉE DES OBSTACLES À LA MISE À

tain temps avant la demande, alors

L’EMPLOI

que la loi ne prévoit aucune date li-

La mobilisation du talent étranger et

mite à la validité de cet acte ;

donc de l’intégration des migrants par l’emploi suppose d’abord la levée des

un outrepassement des compétences

obstacles techniques à leur mise à l’em-

communales comme le refus d’un do-

ploi. Ces obstacles peuvent être de plu-

cument sur des conditions de fond, ce

sieurs ordres :

qui relève du rôle du parquet, plutôt que sur ses seuls caractères complet

> ils peuvent par exemple être liés à

ou recevable ;

une difficulté de reconnaissance des diplômes étrangers. À ce titre, plu-

un manque d’information dans le suivi

sieurs pays de l’OCDE ont récemment

de la procédure de demande de natio-

facilité, promu et rendu plus transpar-

nalité (non-délivrance d’un accusé de

ente la procédure de reconnaissance,

réception, non-envoi d’un formulaire

avec pour résultats une hausse impor-

indiquant les documents manquants).

tante des demandes et un taux de reconnaissance élevé 134 ;

L’accès à la nationalité a également été complexifié par l’adoption de l’Arrêté

> ils peuvent être dus à des exigences

royal du 14 janvier 2014 qui ne prend plus

communales excessives dans la procé-

en compte, dans le calcul de la durée de

dure d’octroi de la nationalité belge

séjour (5 ou 10 ans) nécessaire à l’intro-

(facilitant grandement l’insertion so-

duction d’une déclaration de nationalité,

cio-professionnelle), telles que :

le séjour des réfugiés reconnus pendant la procédure d’asile (qui peut parfois du-

l’exigence du dépôt d’un acte de nais-

rer des années).

sance délivré depuis moins d’un cer-

134

Voy. Perspectives des migrations internationales 2014, OCDE.

77


Ces obstacles peuvent être source de

- la délivrance systématique, dans le

démotivation et être donc néfastes

cadre d’un délai de rigueur, d’un ac-

tant pour le candidat à l’emploi que

cusé de réception par les communes a

pour l’employeur qui chercherait une

chaque déclaration de nationalité et la

compétence particulière.

limitation de leur examen au caractère complet et recevable du dossier sans

En ce sens, nous proposons les mesures

ajouter des conditions non prévues

suivantes :

par la réglementation, notamment

l’amélioration des procédures de re-

concernant la date de validité des

connaissance des diplômes étrangers

actes de naissance. Plus globalement,

et la mise en œuvre de formations

une harmonisation des procédures

complémentaires spécifiques, tenant

et des documents requis pour les dé-

compte des compétences existantes,

marches que les étrangers doivent ef-

en cas d’équivalence imparfaite 135 ;

fectuer au niveau de la commune 136 ;

la suppression des obstacles pra-

- la modification de l’article 4 de l’Ar-

tiques inutiles à la libre circulation, tels

rêté Royal du 14 janvier 2013 en vue

que de longues périodes d’attente au

d’intégrer tous types de séjour légal137

niveau des communes pour délivrer

dans le calcul du séjour pris en compte

des permis de séjour pour les citoyens

pour la durée de séjour légal qui pré-

de l’UE et leur famille ;

cède la déclaration de nationalité ;

une acquisition mieux organisée et

- la prise en compte d’une « partici-

plus cohérente de la nationalité bel-

pation économique » de 468 jours

ge pour les personnes qui résident en

de travail, sans limiter celle-ci aux 5

Belgique depuis plusieurs années, car

années précédant la demande de na-

cela constitue un facteur qui facilite

tionalité. Cette mesure permet d’inté-

grandement leur évolution profes-

grer les personnes ayant travaillé 468

sionnelle. Pour cela, nous demandons ;

jours ou plus, mais qui auraient perdu leur emploi plus de trois ans avant l’introduction de leur demande.

135

Proposition 131 du programme du CDH pour les élections législatives et régionales de 2014.

136

Myria souligne en outre que les exigences de certaines communes, telles que nous en avons citées, retardent l’introduction de la demande de nationalité et donc la période de référence de 5 ans et diminuent les chances de compter dans cette période de 5 ans les 468 jours de participation économique requise. Voir proposition infra.

137

Y compris couvert par une attestation d’immatriculation, une annexe 19 ou 19ter.

78


Mais ces politiques ne sont rien sans une lutte active contre les diverses formes de discrimination que peut rencontrer un nouvel arrivant. En effet, les différences de traitement existent encore, indépendamment des qualités et des compétences des demandeurs d’emploi primo-arrivants138 . Nous demandons aux différents acteurs : de mener de façon efficace une lutte contre les discriminations. Il faut dans ce sens inciter les entreprises et les secteurs

professionnels

à

inclure

la promotion de la diversité au sein des conventions collectives de travail 139, en faisant progresser la prise de conscience que les demandeurs d’emploi, quelle que soit leur origine ou l’ancienneté de leur arrivée en Belgique, ont des compétences importantes à offrir. En particulier, ils présentent des atouts non négligeables : une motivation élevée, de la détermination, un potentiel d’innovations, des qualifications et expériences acquises à l’étranger140 .

138

Myria, Primo-arrivants : quels débouchés vers l’emploi ?, 13 décembre 2017.

139

Proposition 131 du Programme du CDH pour les élections européennes, législatives et régionales 2014.

140

Voir Myria, op.cit.

79


SYNTHÈSE DE NOS PROPOSITIONS 80


POUR LIBÉRER LA PARENTALITÉ

d’élargir la couverture en places d’accueil préscolaire et de dégager des moyens spécifiques pour permettre une bonne répartition de ces places

Améliorer la conciliation entre parentalité et vie professionnelle.

en fonction des besoins de chaque région ; de généraliser la gratuité de l’accueil extrascolaire ;

Dans cet objectif, nous proposons : d’allonger le congé de maternité de 15

de développer des haltes d’accueil

à 20 semaines;

d’urgence ainsi que des solutions d’accueil pour les enfants porteurs

d’étendre le congé de paternité à 15

d’un handicap ;

jours en le rendant obligatoire pour les travailleurs qui en bénéficient déjà ;

de développer des services de garde d’enfants malades à domicile ;

d’étendre le droit à un congé de paternité de 15 jours aux indépendants

de mettre sur pied des conventions

et d’en assurer auprès d’eux sa pro-

destinées à soutenir les entreprises

motion ;

« Family Friendly » qui créent en leur sein des solutions de garderies d’en-

de promouvoir le congé de parentali-

fant ou qui collaborent avec d’autres

té en général, tant auprès des parents

entreprises pour soutenir l’ouverture

qu’auprès des employeurs ;

de nouvelles crèches ;

d’étendre les possibilités de déclinai-

d’encourager les pouvoirs concernés

son du congé parental en permettant

à faire correspondre leur participation

aux parents de réduire leurs presta-

financière à la hauteur de l’enjeu.

tions d’un dixième temps pendant 3 mois ; de créer des incitants au télétravail et de promouvoir le télétravail auprès des entreprises ; d’autoriser les absences de courte durée lors de circonstances exceptionnelles ;

81


Soutenir financièrement les familles. Dans ce cadre, il est nécessaire : de prévoir une information suffisante auprès des familles des modalités du nouveau système wallon d’allocations familiales ; de soutenir la mise à disposition d’espaces d’accueil commun pour les accueillantes ; de porter la réduction d’impôts sur les frais de garde à 75 % du montant de ces frais en maintenant le plafond actuel; de transformer l’actuelle déduction d’impôts pour enfants à charge en une réduction d’impôts transformable en un crédit d’impôt pour les contribuables aux faibles revenus ; d’indexer la réduction du précompte immobilier pour enfants à charge, l’automatiser et la prévoir dès le premier enfant à charge.

82


POUR SAISIR L’OPPORTUNITÉ DE L’IMMIGRATION,

d’adapter le programme Wallangues pour les locuteurs originaires de pays non couverts par son offre linguistique ; d’organiser un système de mentorat

nous proposons :

volontaire à la recherche d’emploi ;

d’organiser une large campagne d’information et de débat public sur les

d’améliorer les procédures de recon-

réalités du phénomène migratoire ;

naissance des diplômes étrangers ;

aux pouvoirs locaux d’organiser des

de supprimer les obstacles pratiques

sessions de rencontres et d’échange

inutiles à la libre circulation, tels que

entre population et nouveaux arrivants ;

de longues périodes d’attente au niveau des communes pour délivrer des

de promouvoir la campagne « Com-

permis de séjour ;

munes hospitalières » du CNCD 11.11.11 et encourager le vote, par les communes,

de rendre mieux organisée et plus co-

d’une motion adhérant à ses principes ;

hérente l’acquisition de la nationalité belge par :

de créer des initiatives familiales d’accueil ;

une harmonisation des procédures et des documents requis au niveau de la

d’évaluer le parcours d’intégration ac-

commune ;

tuel pour en mesure l’efficacité ; une intégration de tous types de séjour d’améliorer le suivi de l’orientation du

légal dans le calcul du séjour pris en

parcours d’intégration vers des dispo-

compte pour la durée de séjour légal

sitifs d’insertion socio-professionnelle ;

qui précède la déclaration de nationalité ;

de développer une expertise spé-

la prise en compte d’une participation

cifique au niveau du Forem afin de

économique de 468 jours de travail

prendre en compte les besoins parti-

sans limiter celle-ci aux 5 années pré-

culiers des personnes immigrées ;

cédant la demande de nationalité ;

de garantir l’accès pour les migrants

de mener de façon efficace une lutte

aux politiques actives d’emploi ;

contre les discriminations, en incitant notamment les entreprises et les

d’augmenter l’offre d’une formation

secteurs professionnels à inclure la

linguistique adaptée ;

promotion de la diversité au sein des conventions collectives de travail.

83


CONCLUSION 84


SOUTENIR LA PARENTALITÉ ET ACCOMPAGNER LES NOUVEAUX ARRIVANTS POUR RAVIVER NOTRE DÉMOGRAPHIE

D’une part, il est urgent d’agir pour permettre aux jeunes couples souhaitant avoir des enfants de concrétiser leur projet de parentalité sans être contraints, dans leur choix, par des obstacles financiers ou professionnels. Trop souvent, les jeunes couples retardent leur projet de parentalité suite à une incertitude

professionnelle,

le

limi-

tent par contrainte immobilière ou financière, y renoncent pour des obsta-

Les progrès techniques et les évolu-

cles pratiques, ou doivent jongler entre

tions de nos modes de vie ont pro-

le temps à consacrer à leur enfant et

fondément modifié les comportements

le soin à apporter à un parent malade

démographiques de nos pays. Ils ont

ou dépendant. C’est pourquoi, il est

permis un allongement important de

tout d’abord indispensable d’améliorer

l’espérance de vie, un accès au contrôle

la conciliation entre parentalité et vie

des naissances et ont vu l’émergence de

professionnelle. Se basant sur le travail

nouveaux modèles familiaux.

déjà réalisé au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles avec les plans

Dès lors, une diminution importante du

Cigogne notamment, il est nécessaire

solde naturel a été observée, résultant

d’améliorer la couverture des solutions

de la diminution des taux de mortalité

de garde d’enfants, et de les diversifier.

et de fécondité. Ces dernières années, le

En outre, les dispositifs de congés des-

solde naturel est même devenu négatif

tinés à permettre aux parents de passer

(995 décès de plus que de naissances en

du temps avec leurs enfants, insuffisants

2015, 831 décès de plus que de naissanc-

actuellement, doivent être allongés et

es en 2016). À moyen et long termes,

étendus à tous les parents. Il est enfin

de tels taux dégradent le rapport en-

nécessaire de garantir un soutien fi-

tre le nombre d’actifs et le nombre de

nancier concernant les différents coûts

retraités, ce qui impacte tant le finance-

auxquels peut faire face une famille.

ment de la solidarité que le dynamisme

Poursuivant cet objectif, le Gouverne-

de notre économie.

ment wallon a pris récemment des mesures fortes, en adoptant un nou-

Il est dès lors urgent d’ouvrir les yeux sur

veau modèle d’allocations familiales

un défi majeur pour notre société. Nous

audacieux et plus adapté aux réalités,

voulons, par ce cahier, non seulement

qui doit à présent être complété par des

réveiller le monde politique mais égale-

mesures fiscales.

ment avancer des propositions fortes.

85


Par ailleurs, l’analyse des tendances démographiques

nous

indique

que

seule l’immigration, qu’elle concerne des Européens ou de personnes issues de contrées plus lointaines, permet aujourd’hui à la Wallonie de conserver une croissance de population. Il est donc nécessaire de prendre en compte l’ensemble des compétences que chaque nouvel

arrivant

recèle,

sans

utilita-

risme mais avec réalisme et humanité. L’intégration socio-professionnelle des immigrants doit aujourd’hui constituer une priorité. Outre le parcours d’intégration, mis en place en 2015 et amélioré depuis, sous l’impulsion notamment du CDH, les solutions de formation linguistique et professionnelle doivent être adaptées, et les obstacles techniques à leur mise à l’emploi abaissés. Cette intégration doit reposer sur une démarche responsable, c’est à dire non seulement inclusive mais également prudente et raisonnée. Le défi démographique qui se pose à nous n’est pas neuf et ses racines remontent même à plusieurs décennies. Il est temps aujourd’hui d’adopter une approche intégrée visant à agir sur les causes de cette évolution et à garantir la soutenabilité de notre modèle en maintenant un équilibre des générations. C’est pourquoi, nous devons mobiliser l’ensemble des ressources et des énergies disponibles, afin de permettre à la jeunesse de s’épanouir en Wallonie.

86


....


88

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